Compte rendu
Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire
– Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et de M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics sur la situation budgétaire 2024 2
– présences en réunion...........................32
Lundi
9 septembre 2024
Séance de 17 heures 30
Compte rendu n° 003
Présidence de
M. Éric Coquerel,
Président
— 1 —
La commission procède à l’audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et de M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics sur la situation budgétaire 2024.
M. le président Éric Coquerel. Nous auditionnons M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics sur la situation budgétaire.
Le contexte est très particulier. M. Michel Barnier, après avoir été nommé Premier ministre le 5 septembre, n’a pas encore composé de gouvernement ; la passation des pouvoirs entre MM. Le Maire et Cazenave, ministres du gouvernement Attal, et leurs successeurs, n’a donc pas encore eu lieu. Nous les auditionnons pour plusieurs raisons.
Premièrement, nous devons préparer au mieux les discussions budgétaires de cet automne, tant sur le projet de loi de finances pour 2025 que sur un probable projet de loi de finances de fin de gestion voire un projet de loi de finances rectificative – PLFR – pour l’année 2024 – de fait, nous ne pourrons sans doute pas nous passer d’un texte financier supplémentaire, d’après les notes des services de Bercy communiquées en début de semaine dernière.
Deuxièmement, le décret annulant 10 milliards d’euros de crédits publiés au Journal officiel du jeudi 22 février, combiné aux gels de crédits décidés en début d’année, n’a visiblement pas suffi pour assurer la régulation budgétaire infra-annuelle. Un surgel a été décidé par les ministres cet été, portant l’ensemble des crédits gelés à plus de 16 milliards d’euros. Cela interroge sur la régulation budgétaire, ainsi que sur les marges de manœuvre laissées au nouveau gouvernement pour l’exécution du budget de 2024.
Troisièmement, les recettes fiscales sont moindres qu’espéré, alors même que le Gouvernement avait tablé pour 2024 sur leur élasticité à la croissance de 0,8, en se fondant sur l’exercice 2023, pour lequel ce taux s’était déjà révélé inférieur à 1.
Enfin, nous nous interrogeons sur l’écart considérable entre les chiffres constatés en matière de déficit et ceux prévus dans le programme de stabilité – écart que beaucoup d’entre nous avaient annoncé.
Monsieur Le Maire, c’est probablement votre dernière audition par cette commission. Malgré nos nombreux désaccords politiques, je me félicite de nos échanges, qui ont toujours été très argumentés. Nous avons su échapper aux polémiques.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Depuis que je suis ministre de l’économie et des finances, j’ai été auditionné trente-cinq fois par cette commission ; auparavant, j’ai en outre été commissaire aux finances pendant cinq ans. Je ne vous cache donc pas mon émotion à l’idée que cette audition sera la dernière. Ces rencontres furent un bonheur et une fierté.
Monsieur le président, nos visions économiques diffèrent, mais pendant ces sept années, nous avons pu les exposer de manière sereine, respectueuse, au service de nos compatriotes, comme le veut la démocratie. Je vous en remercie, comme je remercie chacun des membres de cette commission.
Parmi les défis que devra relever le gouvernement de M. Michel Barnier, le plus urgent, le plus difficile, le plus politique, le plus important, est celui des finances publiques. Rien n’est possible sans des finances publiques bien tenues ; tout est possible si nous revenons rapidement à l’équilibre des finances publiques. Nous devons maintenir l’objectif d’un déficit inférieur à 3 % du PIB en 2027 ; la réduction du déficit public est la seule ligne responsable au regard du niveau de dépense publique de notre pays. Elle suppose des choix clairs.
Pour éviter les remarques à l’emporte-pièce, comprendre la question des finances publiques et prendre les décisions qui s’imposent, inscrivons-nous dans le temps long des sept dernières années.
Une première phase va de 2017 à 2019. Avec le Premier ministre – Édouard Philippe – et le ministre des comptes publics – Gérald Darmanin – de l’époque, nous avons ramené le déficit public à moins de 3 % du PIB en 2017, puis à 2,3 % en 2018, alors que ce déficit représentait 3,8 % du PIB en 2016. Le 22 juin 2018, le Conseil européen a même sorti la France de la procédure pour déficit excessif, dans laquelle elle était engagée depuis plus de dix ans. En 2019, le déficit public s’établissait à 2,4 %.
Ce rétablissement des comptes, qui a pris un peu plus de deux ans, s’est appuyé sur le travail engagé à la fin du quinquennat de François Hollande. En 2017, nous avons accéléré le retour à l’équilibre grâce au choc fiscal défendu par la majorité dans le projet de loi de finances pour 2018, avec la baisse de l’impôt sur les sociétés, l’instauration du prélèvement forfaitaire unique et le début de la suppression de la taxe d’habitation. Nous avons en outre pris des mesures d’économies, parfois difficiles, comme la suppression de contrats aidés ou la transformation des chambres de commerce et d’industrie – je rends hommage à ces dernières pour avoir pleinement contribué à cette réforme, permettant 0,5 milliard d’euros d’économie.
La deuxième phase, qui a duré quatre ans, de 2018 à 2022, est celle des crises. Les crises, que l’on tend à oublier, car elles n’ont pas été agréables, doivent être regardées de près. Les gilets jaunes ont légitimement demandé une meilleure rémunération du travail, donnant lieu à des dépenses supplémentaires, avec notamment l’augmentation de 100 euros de la prime d’activité, la baisse de 5 milliards de l’impôt sur le revenu (IR) pour les travailleurs et l’instauration de la prime Macron.
N’oublions pas non plus la gravité de la crise du covid, qui a conduit en 2020 à une chute du PIB de 7,5 %. Face à cet effondrement, d’une ampleur sans précédent depuis 1929, hors période de guerre, nous avons choisi la protection des entreprises, des compétences et des salariés, à travers les prêts garantis par l’État (PGE), les aides d’urgence et l’activité partielle. Comparons avec la crise financière de 2008-2011 : lors de celle-ci, une baisse du PIB de 2,9 % a conduit à une augmentation de la dette de 25 points, celle-ci passant de 65 % du PIB en 2008 à 90 % à la fin de 2011. La crise du covid, quant à elle, a fait s’effondrer le PIB de 7,5 %, mais sa gestion a seulement causé une augmentation de 12 points de la dette publique. Nous avons ainsi dépensé deux fois moins pour une crise trois fois plus importante que celle de 2008-2011. Les mesures de protection étaient nécessaires et efficaces. Si c’était à refaire, je prendrais les mêmes décisions.
Une troisième crise, celle de l’inflation, a donné lieu à l’instauration d’un bouclier tarifaire sur le gaz et l’électricité, décidée par le premier ministre d’alors, Jean Castex. Nous avons ainsi mieux protégé nos compatriotes que la plupart des États européens, en leur épargnant les taux d’inflation globale de 15 % ou 20 % constatés chez nos voisins – même si, pour les produits alimentaires en particulier, l’inflation a été particulièrement douloureuse. Nous avons en outre instauré une aide au carburant, quoique pour des montants moindres que ceux réclamés par tous ici.
Ces mesures, d’un coût total de 55 milliards d’euros, ont été accompagnées par une loi « pouvoir d’achat », adoptée en août 2022, dont j’ai ramené le coût à 20 milliards, alors que les amendements des parlementaires tendaient à le porter à 40 milliards. Même si je regrette d’avoir fait moins que ce que vous-même souhaitiez, nous avons protégé efficacement nos concitoyens. En tout cas, comment pourriez-vous aujourd’hui me reprocher d’avoir trop dépensé, alors qu’il y a quatre ans, vous me reprochiez de ne pas dépenser assez ?
La troisième phase est celle du retour à la normale de l’économie. C’est la plus difficile. De fait, au cours des trente ou quarante dernières années, à chaque fois que des mesures exceptionnelles ont été instaurées face à une crise, nous avons été incapables d’y mettre fin lors de la sortie de crise – c’est là la grande singularité française. Nous devons pourtant réduire les dépenses et rétablir l’équilibre des finances publiques.
M. Cazenave et moi-même revendiquons le retour à la normale. À partir de ce choix politique clair, nous avons pris des décisions très critiquées. Après avoir ramené à zéro euro le taux de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité – TICFE – pendant la crise, nous l’avons relevé à 21 euros par mégawattheure au début du mois de février – avant un retour prévu pour 2025 au niveau en vigueur pendant des années, de 32 euros par mégawattheure. Cette mesure, critiquée par presque tout le monde ici, permet d’ores et déjà d’économiser 5 milliards et de financer l’électricité dans les départements d’outre-mer et en Corse, mais aussi le chèque énergie. Elle est justifiée dans un contexte où les prix de l’énergie ont baissé. Assumons les décisions difficiles qui permettent de rétablir l’équilibre des comptes.
Deuxièmement, M. Thomas Cazenave, le Premier ministre, le Président de la République et moi-même avons décidé le 18 février de réaliser 10 milliards d’euros d’économie sur le budget de l’État par voie réglementaire. Il nous a été reproché de toucher à l’aide publique au développement et aux programmes pour l’environnement. Pourtant, il n’y a pas d’économie blanche. Nous avons assumé ces choix avec les parlementaires de la majorité de l’époque. Dès le 6 avril, nous avons en outre annoncé que 10 milliards d’économies supplémentaires seraient nécessaires, afin de porter le total des économies à 25 milliards en 2024.
Les difficultés survenues ensuite ne sont pas insurmontables. Nous pouvons tout à fait ramener le déficit à 5,1 % du PIB en 2024.
Tout comme M. le président de la commission des finances et de nombreux parlementaires ici, je regrette que le choix d’un projet de loi de finances rectificative n’ait pas été retenu en avril. Il aurait été préférable parce que plus démocratique et beaucoup plus efficace. Faute d’un tel texte, nous n’avons pas pu déployer la Crim – la contribution sur la rente inframarginale des producteurs d’électricité –, ni engager des discussions avec les collectivités locales et il est plus difficile de réaliser 5 milliards d’économies sur le budget de l’État.
Par ailleurs, jusqu’à la fin du mois de juillet, les remontées comptables étaient globalement en ligne avec les prévisions de recettes fiscales – le produit de la TVA était inférieur de 400 millions aux prévisions, mais celui de l’impôt sur le revenu était supérieur de 600 millions aux prévisions. En outre, nous avions anticipé le risque d’une baisse des recettes en 2024, en prévoyant une élasticité des recettes à la croissance de 0,8. Au cours des trente dernières années, ce ratio s’est systématiquement établi à 1, sauf en 2023, où il s’est établi à 0,4 point, soit son plus mauvais niveau depuis 1991. Or, malgré ces précautions, les recettes fiscales risquent d’être moins élevées que prévu – même s’il faut manier ces estimations avec prudence.
Je ne suis pas là pour faire des procès, mais pour permettre de ramener le déficit à 5,1 % du PIB en 2024 et à 3 % en 2027. Dans ce cadre, je constate le dynamisme des dépenses des collectivités locales. Cela permet sans doute des investissements utiles localement, mais l’endettement des collectivités locales pèse également sur le niveau d’endettement global de la France. Or il faut bien réduire la dépense, à ce niveau ou ailleurs.
Au vu de ces difficultés, le déficit pour 2024 risque d’être supérieur aux 5,1 % prévus dans le programme de stabilité, mais le problème n’est pas insurmontable.
Par souci de transparence, je vous ai transmis les notes des budgets économiques d’été. C’est la première fois qu’elles sont adressées aux parlementaires. Je précise toutefois que ces notes ont dans le passé systématiquement surévalué les risques de déficit.
Je m’exprime avec beaucoup de liberté et de sérénité, parce que je suis ministre démissionnaire, pour reprendre la formule de la presse, et que c’est ma dernière audition par cette commission. C’est simplement par amour de mon pays que je veille à la bonne tenue des comptes publics et que je recommande de respecter l’objectif d’un déficit à 5,1 % du PIB en 2024 et de viser l’équilibre budgétaire en 2027.
Dans quelques mois, si une nouvelle pandémie survient, nous serons bien contents de disposer de réserves financières. En outre, si nous laissons dériver les comptes, les taux d’intérêt augmenteront. Même si nos compatriotes n’en sont pas conscients, cela accroîtra leurs difficultés de logement et les difficultés de financement de nos entreprises. Enfin, nous ne pouvons pas nous permettre de devenir dans les deux ou trois prochaines années la lanterne rouge de l’Union européenne et de la zone euro.
Nous disposons de tous les éléments pour revenir dans les clous. Je recommande en premier lieu d’utiliser la réserve financière de 16,7 milliards d’euros de crédits gelés constituée par M. Thomas Cazenave il y a quelques mois. En fonction des remontées comptables sur les recettes, nous pourrons annuler une partie de ces crédits.
Deuxièmement, il faut réunir rapidement le Haut Conseil des finances publiques locales – HCFPL. Cette instance, que j’ai créée il y a quelques mois, permettra de dialoguer avec les représentants de collectivités locales, afin d’éviter la dégradation annoncée de leurs comptes d’ici à la fin de 2024.
Il ne s’agit pas de les contraindre, car je suis convaincu qu’il faut accroître leur liberté, comme le recommandait M. Éric Woerth dans son rapport de mai 2024 sur la décentralisation, pour leur permettre de mieux tenir leurs finances publiques. Je comprends ainsi que les collectivités se plaignent quand l’État leur impose une augmentation du point d’indice alors qu’elles n’ont pas leur mot à dire sur la rémunération des fonctionnaires, ou qu’elles se plaignent de leur manque de liberté alors que l’État les assujettit systématiquement à de nouvelles contraintes qu’elles n’ont pas les moyens de respecter.
Troisièmement, je recommande d’adopter rapidement un projet de loi de finances rectificative. Cela permettra de dégager de nouvelles recettes fiscales, en déployant très rapidement la Crim et la taxation des rachats d’action.
Ces choix ne m’appartiennent pas. Il faut de la lucidité et du courage, mais nous pouvons tenir l’objectif d’un déficit à 5,1 % du PIB en 2024 et à 3 % en 2027.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. À votre demande je reviendrai sur les actions engagées en 2024 pour maîtriser le déficit, malgré les nombreux aléas de gestion.
L’objectif de ramener le déficit à 5,1 % du PIB en 2024 prend en compte les résultats de 2023 et s’inscrit dans l’indispensable trajectoire de sa réduction. Depuis le début de l’année, nous avons pris les mesures nécessaires pour le respecter. Nous l’avons toujours dit, des efforts partagés sont nécessaires.
Nous avons annulé par décret 10 milliards d’euros de crédits du budget de l’État, sans toucher aux budgets de la sécurité sociale et des collectivités territoriales et dans le respect de la Lolf – la loi organique relative aux lois de finances. Cet effort budgétaire inédit a conduit à reprogrammer des crédits dans tous les ministères. Dès le mois d’avril, nous avons annoncé que d’autres efforts, concernant tant les dépenses que les recettes, seraient nécessaires en 2024, pour réduire le déficit de l’État de 5 à 7 milliards supplémentaires, en mobilisant notamment la réserve de précaution. Nous avons donc notifié aux différents ministres des cibles d’exécution le 11 juillet, et mis en réserve l’équivalent de 16,5 milliards d’euros de crédit. À cause des élections et de la démission du Gouvernement, qui restreint son action à la gestion des affaires courantes, nous n’avons pu prendre de nouvelles mesures d’économies ces dernières semaines, alors qu’elles sont indispensables. Les réserves de précaution que nous avons constituées sont naturellement à la disposition du prochain gouvernement, qu’il souhaite ou non poursuivre l’effort de réduction des dépenses.
Le prochain gouvernement et le Parlement pourront également s’appuyer sur les revues de dépenses publiées par le ministère de l’économie et des finances. Par ailleurs, en s’appuyant sur le travail de ciblage des rentes des commissaires aux finances, les services de Bercy ont préparé des dispositifs de taxation des énergéticiens et des rachats d’action permettant de dégager 3 milliards d’euros de recettes supplémentaires en 2024. Ces dispositifs pourront également être repris par le prochain gouvernement et le Parlement.
Enfin, pour la fin de l’année 2024, nous prévoyions d’engager un travail de maîtrise des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales, pour 2,5 milliards d’euros. De tels efforts apparaissaient suffisants en nous fondant sur les prévisions disponibles au début de l’année.
Toutefois, de nouvelles informations, dont vous disposez également, à la demande du président et du rapporteur général de cette commission, font apparaître une situation des finances publiques plus préoccupante qu’attendu, notamment en raison d’aléas de gestion.
À la fin de l’année 2023, nous avons constaté une baisse brutale des principales recettes fiscales en fin d’exercice. Le rapport publié par l’Inspection générale des finances – IGF – a confirmé le caractère imprévisible de cette évolution, en renvoyant notamment aux incertitudes de l’élasticité des recettes à la croissance. Nous avons pleinement tenu compte de ces résultats, en abaissant de 30 milliards d’euros la prévision de prélèvements obligatoires de la loi de finances pour 2024, à l’occasion de la présentation du programme de stabilité, en avril.
Toutefois, de nouveaux documents, présentant les encaissements et les déclarations de certains grands impôts, dont vous disposez, indiquent que la prévision actualisée pour 2024 était encore trop optimiste.
Ils indiquent que les encaissements cumulés étaient, à la fin du mois de juillet, en ligne avec le programme de stabilité, malgré des variations du produit de la TVA, de l’impôt sur les sociétés (IS), de l’impôt sur le revenu, des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) et des droits de mutation à titre gratuit (DMTG). Les remontées d’encaissements sont défavorables, comme le montre la note que Bruno Le Maire et moi-même vous avons adressée. Toutefois, le solde de la Crim, dont nous avons souvent débattu dans cette commission, excède de 1 milliard d’euros la prévision pour l’année 2023 – ce montant correspond au solde du mois de juillet dû au titre de l’année précédente.
Les gouvernements successifs n’ont pas touché à la TVA, dont le rendement devrait pâtir de la composition de notre croissance, davantage tirée par les exportations que par la consommation intérieure. À l’appui des données du solde de l’IS de mai 2023, les prévisions d’évolution du bénéfice fiscal devront être révisées à la baisse. Quant à l’IR, les déclarations de revenus donnent lieu à cinq émissions entre juin et décembre : à l’issue de la deuxième d’entre elles, le produit de cet impôt se révèle inférieur à son niveau de l’année dernière.
Il y a lieu d’analyser ces éléments nouveaux dans l’optique de la construction du PLF pour 2025. Les baisses de recettes ne découlent pas d’une diminution des taux d’imposition mais d’une contraction du sous-jacent de l’impôt et de la base taxable.
Le second aléa affectant les finances publiques a trait aux dépenses des collectivités territoriales. Les constats que nous avons dressés ont suscité de vives réactions, mais il était nécessaire de les diffuser car la dynamique de ces dépenses pèsera sur les résultats de l’année 2024.
Les collectivités territoriales doivent respecter des règles d’équilibre pour leur budget de fonctionnement, mais il est faux de dire qu’il leur est interdit d’être en déficit et qu’elles ne peuvent pas alimenter le déficit public. Si le rythme de croissance des dépenses reste identique à celui constaté à la fin du mois de juillet, le déficit des collectivités territoriales – notion de l’Insee utilisée par le Comité des finances locales (CFL), présidé par André Laignel – connaîtra une forte aggravation et pourrait atteindre le niveau historique de 20 milliards d’euros, inédit depuis au moins vingt-cinq ans.
Ce déficit est nourri par l’accélération de plus de 7 % et 15 % à la moitié de l’année des dépenses de fonctionnement et d’investissement. La trajectoire des finances publiques ne prévoyait pas une telle dynamique des dépenses locales. La loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 anticipait une progression plus modérée des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales, à un niveau inférieur de 0,5 point à celui de l’inflation ; cette augmentation maîtrisée devait permettre aux collectivités de contribuer à l’effort global de redressement des finances publiques, inscrit dans le programme de stabilité. La croissance des dépenses de fonctionnement a été intégrée dans les budgets économiques d’été sur le fondement de la hausse constatée dans les budgets primitifs, mais il faudra procéder à une nouvelle réévaluation compte tenu des données d’exécution transmises à la fin du mois de juillet. La trajectoire prévoyait une accélération de l’investissement des collectivités territoriales de 8 % compte tenu du cycle électoral, or la dynamique observée s’établit plutôt à 15 %.
L’actualisation du niveau total des dépenses des collectivités fin juillet a montré un écart supérieur à 16 milliards d’euros par rapport à la trajectoire initiale, ce qui affectera mécaniquement le déficit des collectivités territoriales et le déficit public total. Il ne s’agit pas de qualifier les élus locaux de mauvais gestionnaires, mais de constater qu’ils n’intègrent pas la contribution attendue des collectivités à l’effort de redressement des finances publiques dans leurs choix budgétaires de fonctionnement et d’investissement. Voilà la source du malentendu qui plane depuis deux ans entre l’État et les collectivités territoriales.
Enfin, toutes les informations relatives à la situation des finances publiques demandées par le président de la commission et par le rapporteur général leur ont été transmises dans les temps. Plus de 250 documents ont été remis au Parlement et nous avons publié deux rapports de l’Inspection générale des finances (IGF), l’un sur les prévisions de recettes, l’autre sur l’exécution budgétaire à la moitié de l’année. De même, toutes les revues de dépenses ont été rendues publiques. Jamais le Parlement n’avait disposé d’autant d’informations détaillées et précises sur le suivi de l’exécution et sur les prévisions budgétaires avant l’examen d’un projet de loi de finances, ce dont nous pouvons tous nous féliciter.
M. le président Éric Coquerel. Monsieur Le Maire, je vous remercie d’avoir rappelé que nous étions nombreux à avoir contesté la méthode employée pour annuler des crédits en début d’année. Certes, la proportion de ces annulations n’était pas assez élevée pour contraindre le Gouvernement à déposer un PLFR, mais les gels de crédits qui les ont suivies ont montré que nous avions raison de demander un débat démocratique à l’Assemblée nationale sur ces choix budgétaires, requête dont vous partagiez le bien-fondé : je regrette, à l’instar de nombreux collègues, que vous n’ayez pas été suivi sur ce point.
Monsieur Cazenave, votre ministère nous a en effet transmis des documents, mais vous nous avez également alertés sur le risque de voir le calendrier ne plus respecter les exigences de la loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques : la transmission de certains documents accuse en effet six semaines de retard. Je profite de cette réunion pour dire, davantage au nouveau Premier ministre qu’à vous deux, que mon homologue du Sénat et moi-même souhaitons vivement que le projet de loi de finances soit transmis au Parlement le 1er octobre, afin que celui-ci ait le temps d’en débattre et puisse jouer pleinement son rôle institutionnel. Nous savons que Bercy a préparé un PLF cet été, donc il ne devrait pas être difficile de respecter cette exigence. Nous n’avons pas de tiré à part, puisque vous avez attendu à raison que le prochain gouvernement nous le donne, mais le rapporteur général et moi-même avons demandé au Premier ministre démissionnaire les lettres plafond et nous réitérerons cette requête auprès de M. Michel Barnier.
La note de la direction générale du Trésor indique que l’écart entre le niveau du déficit et celui affiché dans le programme de stabilité n’est pas nouveau : le budget économique d’hiver estimait, fin février, que le déficit atteindrait 5,6 % du PIB en 2024 et 5,9 % en 2025, chiffres déjà très éloignés des ratios de 5,1 % et de 4,1 % prévus dans le programme de stabilité. La note explique que les niveaux de déficit inscrits dans ce programme reposaient sur des mesures non documentées. Alors que nous avions tous affirmé que vos chiffres étaient optimistes voire fantaisistes, pourquoi avez-vous maintenu ces prévisions irréalistes ?
Vous faites notamment peser le creusement du déficit sur les collectivités locales : même si vous avez dit que vous ne les accusiez pas, il n’en reste pas moins que vous mettez en cause leur responsabilité. La note de la direction générale du Trésor affirme que les dépenses des collectivités territoriales excéderont de 3,4 milliards et de 4,4 milliards vos prévisions pour 2024 et 2025, sans compter les 2 milliards d’euros d’économies que vous aviez intégrés au programme de stabilité. Nous sommes donc loin des 16 milliards que vous mettez en avant.
Lorsque vous avez annoncé que les collectivités allaient contribuer à hauteur de 2 milliards à la baisse des dépenses publiques, leurs élus vous ont averti que cela ne serait pas possible, car la dotation globale de fonctionnement (DGF) n’avait pas été indexée sur l’inflation, que les recettes de DMTO, perçues par les départements, allaient se contracter à cause de la crise immobilière, que la compensation des pertes de recettes de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la taxe d’habitation ne serait pas intégrale et que le produit de la TVA allait refluer du fait du ralentissement de l’inflation. Les collectivités vont puiser dans leur épargne, même si cette détérioration pèsera en effet sur le déficit public entendu au sens de Maastricht.
La direction générale du Trésor souligne, comme nous, l’attrition des recettes. François Ecalle, qui ne peut pas être soupçonné d’être un économiste antilibéral, avait expliqué, lors de son audition par la commission d’enquête visant à établir les raisons de la très forte croissance de la dette française depuis 2017, mise en place à la demande du groupe Les Républicains lors de la précédente législature, que la croissance du déficit public des dernières années ne résultait pas de la hausse des dépenses mais de la baisse des recettes, celle-ci découlant de décisions politiques comme la diminution du taux de l’IS ou les cadeaux fiscaux offerts au capital. Sans ces choix, le déficit serait inférieur à 3 % du PIB. L’an dernier, les dépenses publiques ont reculé de 1,5 % par rapport au PIB mais les recettes ont diminué de 2 %. L’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) a montré qu’une baisse de 30 milliards d’euros des dépenses publiques aurait un effet récessif de 0,5 % sur la croissance : ne craignez-vous pas que l’austérité aggrave le ralentissement de l’activité, nourrissant ainsi le déficit public ? Pourquoi ne pas changer de politique et cesser de réduire les recettes budgétaires ? Si les 16,7 milliards d’euros de crédits gelés étaient annulés, cette décision, couplée à l’annulation de 10 milliards de crédits déjà décidée, entraînerait une baisse du budget du sport de 18,9 %, de l’asile et de l’immigration de 17,5 % – cela réjouirait probablement certains d’entre vous –, de l’aide publique au développement de 17,3 %, de l’écologie de 14 %, de l’outre-mer de 11 %, de la cohésion des territoires de 7,5 %, du travail et de l’emploi de 6,8 % ; l’éducation nationale et la recherche et l’enseignement supérieur perdraient respectivement 1,1 milliard et 1,3 milliard d’euros de crédits. Une telle ponction pèserait fortement sur l’économie et sur les missions de ces ministères.
Vous avez assumé avec honnêteté une politique de compétitivité visant à favoriser les revenus du capital dans l’espoir, selon l’adage d’Helmut Schmidt, de soutenir l’investissement et l’emploi : d’après des données de l’Insee publiées dans le magazine Challenges, la part des 500 plus grandes fortunes dans le PIB a plus que doublé entre 2017 et 2023, puisqu’elle est passé de 20 % à plus de 45 %. Cette politique, qui repose sur des mesures comme la flat tax, est onéreuse : l’impact de ces cadeaux fiscaux et de ces transferts de richesses vers les plus gros patrimoines est-il à la hauteur de leur coût ? Ma réponse est négative. Quelle est la vôtre ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Nous dressons aujourd’hui le bilan de notre action en matière de finances publiques, mais nous pourrions évoquer le bilan économique de la politique que j’ai mise en œuvre à Bercy pendant sept ans : la croissance cumulée de la France au cours de cette période est supérieure à celle de l’Allemagne, du Royaume-Uni et de l’Italie, preuve de l’efficacité de l’orientation que nous avons suivie avec beaucoup de constance. En outre, l’emploi n’est plus un problème en France, alors que le chômage représentait un facteur d’anxiété majeur dans notre pays. Pour la première fois depuis quarante ans, nous rouvrons des usines – 201 exactement en sept ans. Enfin, la France est devenue le pays le plus attractif pour les investissements étrangers en Europe. Voilà des faits, qu’il convient d’ajouter au bilan, afin que celui-ci soit exhaustif et non partiel.
Gabriel Attal, Thomas Cazenave et moi-même avons veillé à tenir les délais du calendrier budgétaire ; nous avons travaillé tout l’été pour que le PLF puisse être présenté en temps et en heure, mais il reviendra au nouveau gouvernement d’arrêter un calendrier. Je tenais à quitter le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en laissant tout en ordre. De même, nous avons envoyé les lettres plafond pour pouvoir respecter le calendrier. Nous avons arrêté des mesures d’économies très significatives, mais libre au prochain gouvernement d’opérer des choix différents.
Nous avons observé, lors des budgets économiques d’hiver, un décalage très élevé sur les recettes en 2023, de l’ordre de 20 milliards d’euros : j’ai reconnu qu’il s’agissait d’un accident qui ne devait pas se reproduire car il posait un problème aigu. Nous avons immédiatement décidé d’économiser 25 milliards, afin de tenir la trajectoire budgétaire. Pour les 10 derniers milliards de cette enveloppe, il me semble, comme vous, qu’une loi de finances rectificative aurait apporté de la sécurité et de l’efficacité.
Les budgets économiques d’été de cette année, qui ne constituent pas une prévision officielle mais une estimation à manier avec prudence, ont fait apparaître une incertitude sur les recettes et une réalité sur les dépenses des collectivités locales : face à cette situation, je recommande l’adoption d’un projet de loi de finances rectificative pour obtenir, dès septembre, des recettes fiscales supplémentaires portant sur la Crim et le rachat d’actions, l’annulation de crédits actuellement gelés et la convocation du HCFPL afin de réfléchir à des mesures qui n’affecteraient pas les petites communes ou les départements connaissant des difficultés à cause de la baisse des DMTO et de l’augmentation des dépenses sociales.
Le budget de l’État a augmenté de 100 milliards d’euros depuis 2019 : on me dit qu’il est impossible de réaliser 10 milliards d’euros d’économies alors que ce montant ne représente que 10 % de cette croissance des dépenses. Les hausses de dépenses ne sont jamais vertigineuses mais les économies sont toujours insoutenables : voilà le problème français qu’il faudrait résoudre. Il ne devrait pas être impensable d’économiser 10, 15 ou 20 milliards sur ces 100 milliards d’augmentation des dépenses de l’État pour retrouver une trajectoire budgétaire plus raisonnable. Pour ce faire, il faut faire des choix car tout n’est pas possible. Le Président de la République a décidé de doubler le budget des armées : je souscris totalement à cette politique car, dans le contexte géopolitique très difficile que nous connaissons, il est indispensable de doter nos armées des équipements nécessaires à la protection de nos compatriotes ; une telle orientation exige néanmoins d’effectuer des économies dans d’autres domaines. Nos finances publiques pâtissent d’absence de choix politiques : tout n’est pas possible et gouverner, c’est choisir.
Une différence politique majeure nous sépare, monsieur le président : je me réjouis que la richesse augmente en France. Le succès de nos grandes entreprises – LVMH, Airbus, L’Oréal ou Lactalis – est une chance ! Il faut d’abord créer de la richesse avant de redistribuer, mais d’autres estiment qu’il faut redistribuer toujours davantage avant même de produire. La part de la richesse captée par les 1 % les plus riches a diminué en France entre 2000 et 2022 alors qu’elle a augmenté en Allemagne et aux États-Unis. La France est le seul pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) où la redistribution fait plonger l’écart de richesse d’un rapport de 1 à 18 à un rapport de 1 à 3 : aucun pays ne redistribue autant que le nôtre ; si nous voulons maintenir ce modèle de protection, il faut d’abord créer des richesses.
M. le président Éric Coquerel. Les données que j’ai présentées ne mesurent pas l’augmentation de la richesse mais celle de la part des plus gros patrimoines dans celle-ci.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Les notes des budgets économiques d’hiver et d’été présentent une estimation du déficit à politique inchangée ; après la note de l’hiver, le Gouvernement a pris des décisions visant à mettre en réserve des crédits. Notre majorité a toujours agi après la publication de ces notes.
Nous avons transmis un équivalent du tiré à part, qui représente certes un « Canada Dry » du tiré à part mais qui contient tous les éléments à notre disposition ; quant aux lettres plafond, vous avez dû les demander au Premier ministre car c’est lui qui les a adressées. Nous avons transmis 250 notes, dans lesquelles figurent toutes les informations permettant de préparer le débat budgétaire – il me semble d’ailleurs que vous n’avez jamais reçu autant de données avant le dépôt d’un PLF.
Les estimations de la direction générale du Trésor reposent sur les budgets primitifs des collectivités territoriales, votés par leurs assemblées. Actuellement, la direction générale des finances publiques (DGFIP) rassemble les éléments d’exécution de ces budgets ; or ceux-ci montrent une croissance des dépenses, non pas de 4 % comme l’affichaient les budgets primitifs, mais de 7 % pour le fonctionnement et de 15 % pour l’investissement. En 2021 et 2022, les collectivités territoriales ont dégagé un excédent supérieur à 4 milliards et à 3 milliards d’euros ; si elles accusaient un déficit inédit de 20 milliards, l’impact sur le déficit public serait fort.
Enfin, la diminution des recettes ne résulte pas d’une baisse des taux d’imposition mais d’une contraction de la base imposable : ce sont les mouvements économiques, la composition de la croissance et le bouleversement des élasticités fiscales à la suite de la crise du covid après une stabilité de trente ans qui expliquent la diminution des recettes de l’État, non la politique fiscale du Gouvernement.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Monsieur le futur ex-ministre, monsieur le député toujours ministre délégué expédiant les affaires courantes, j’ai deux séries de questions à vous poser.
La première concerne le calendrier budgétaire. La loi organique relative aux lois de finances (Lolf) prévoit que le projet de loi est déposé au plus tard le premier mardi d’octobre, à savoir, cette année, le 1er octobre. Pouvez-vous nous indiquer le calendrier de transmission du PLF et du PLFSS pour 2025 au Haut Conseil des finances publiques, au Conseil d’État, au Conseil des ministres et au Parlement ?
Malgré nos demandes répétées, nous n’avons toujours pas reçu les lettres plafond. En application de la loi, nous pouvons demander à la directrice du budget de nous en remettre une copie. Nous avons négocié de recevoir une fiche de synthèse qui récapitule l’évolution des crédits par mission, mais nous ne savons pas comment se répartissent ces crédits au sein de la mission. On nous a indiqué il y a quelques heures que la nomination d’un nouveau Premier ministre rendait les lettres plafond caduques. Cependant ces documents existent ; ils intéressent la commission des finances.
Au niveau européen, le plan budgétaire et structurel national à moyen terme fait l’objet de négociations. Sa présentation prévue le 20 septembre a été reportée. Vous avez indiqué que vous espériez aboutir à un accord avant la fin du mois. De toute façon, il devra être cohérent avec le projet de loi de finances, au moins pour les années 2024 et 2025. Pourriez-vous préciser le calendrier ?
Ma seconde série de questions concerne l’exécution du budget de 2024. Les finances publiques avaient déjà souffert d’un premier dérapage en 2023 : nous avions voté un déficit de 5 % du PIB, or il a atteint 5,5 %. Pour ceux qui n’aiment pas les chiffres, 0,5 point équivaut à 13 milliards d’euros. La loi de finances pour 2024 prévoyait que le déficit s’élèverait à 5,1 % mais la prévision d’exécution indique qu’il pourrait atteindre 5,6 %. Ainsi, le déficit continuerait à se creuser.
Comment expliquer ce dérapage ? Je ne comprends pas comment vous l’estimez à 16 milliards d’euros ni pourquoi vous dites que les collectivités territoriales en sont les grandes responsables. Elles sont soumises à une règle d’or : l’obligation de voter et d’exécuter un budget en équilibre. D’après la situation mensuelle comptable des collectivités locales, document public, au 31 juillet, l’épargne brute, calculée notamment avant amortissement, était inférieure de 1,2 milliard seulement à celle de 2023, et l’épargne nette, notamment utilisée pour rembourser les emprunts, l’était de 1,4 milliard. Même en extrapolant à l’ensemble de l’année 2024, la diminution sera d’environ 3 milliards. La note de la direction générale du Trésor que vous nous avez remise et qui est datée du 17 juillet prévoit d’ailleurs que cette diminution atteindra 3,4 milliards, ce qui est réaliste. De plus, s’endetter pour investir ne pose pas de problème. Au regard de nos engagements européens, c’est le solde qui importe, non le niveau de la dépense. Vous avancez un dérapage de 7 milliards, mais quel sera selon vous le solde de 2024 ? La loi de finances prévoyait que celui des collectivités territoriales diminuerait de 0,2 point, ce sera peut-être 0,35 : cela n’explique pas que le déficit augmente de 0,5 point !
J’en viens au cas de l’État. Il fallait une loi de finances rectificative. En effet, le problème vient surtout de la chute brutale des recettes. Nous avions prévu que la TVA rapporterait environ 100 milliards à l’État, puisqu’il perçoit désormais moins de 50 % des recettes concernées, le reste étant réparti entre les collectivités et la sécurité sociale. Or dès la présentation du programme de stabilité en avril 2024, l’estimation était ramenée à 98,7 milliards d’euros. Fin juillet la perte atteignait 4,5 milliards ; en extrapolant, elle sera d’environ 7 à 8 milliards.
Le pire, c’est l’impôt sur les sociétés. La loi de finances prévoyait une augmentation considérable des recettes : 72 milliards d’euros en 2024, contre 56,6 milliards en 2023. Dès la parution du programme de stabilité, l’estimation était réajustée à 60,9 milliards, soit 11,1 milliards de moins. Or les comptes ne sont pas bons : nous serions à 12 ou 13 milliards de moins.
L’impôt sur le revenu est inférieur aux prévisions de 1 ou 2 milliards – c’est l’épaisseur du trait…
Ainsi, dès le programme de stabilité, l’écart entre les prévisions initiales et réajustées était de 16 milliards ; il serait désormais de 20 ou 22 milliards. La chute est considérable. Aux dernières nouvelles, il atteindrait 7 ou 8 milliards pour la sécurité sociale, essentiellement en raison de la baisse des cotisations.
S’agissant des dépenses, je voudrais commenter le schéma de fin de gestion, que j’ai reçu il y a trois heures. Hors intérêts de la dette, notamment, le montant prévisionnel des dépenses s’élevait à près de 492 milliards d’euros. Il devrait finalement s’établir à 488 milliards. Comment s’explique le différentiel de 3,8 milliards ? Le décret d’annulation de 10 milliards de crédits se traduirait par une diminution d’environ 9,4 milliards, auxquels s’ajoute l’annulation de 8,2 milliards de crédits : d’après ce que j’appellerai la thèse Cazenave, nous avons gelé 16,6 milliards, on en annule la moitié. D’après la thèse Le Maire, il faudrait annuler la presque totalité de ce qui a été gelé – 15 à 16 milliards. Puis il faut retrancher certaines dépenses, qui dérapent, à savoir 4,3 milliards. J’appelle votre attention sur les reports : nous allons consommer 18,6 des 22 milliards prévus, mais nous reporterons 9,1 milliards de 2024 à 2025. Ainsi, nous faisons 17,6 milliards d’économies, pour nous situer 3,8 milliards en dessous de la cible initiale – en espérant qu’une remontée des taux d’intérêt n’alourdisse pas de 1 milliard le coût de l’intérêt de la dette.
S’agissant du régime de base de la sécurité sociale, les recettes diminueraient de 7 à 8 milliards tandis que, selon la Fédération hospitalière de France (FHF), tous les hôpitaux publics auraient un budget en déficit, pour un total de 1,8 milliard. J’ajoute que 85 % des Ehpad sont également déficitaires, or nous parlons d’un déficit de fonctionnement. Il est inutile de se targuer de maîtriser l’Ondam, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, si nous devons nous endetter pour financer le fonctionnement des hôpitaux publics – sans compter les cliniques privées qui disent qu’elles risquent de déposer le bilan si elles ne reçoivent pas 2 ou 3 milliards supplémentaires.
Comme vous, monsieur Le Maire, je pense qu’il fallait voter au printemps une loi de finances rectificative et une loi de financement rectificative de la sécurité sociale, puisque les chiffres étaient connus dès avril. Vous êtes désormais obligés de prendre des mesures sévères. Comment par exemple annulerez-vous les crédits gelés ?
J’ai interrogé vos services sur la TVA. Ils répondent d’abord que la consommation n’est pas bonne, ce que disent également les représentants du secteur de la distribution. En effet, le taux d’épargne, historiquement haut, s’est maintenu autour de 17 %, alors que les prévisions économiques reposaient sur une chute à 15 %, sa moyenne. Deuxièmement, nos exportations se portent bien ; nous ne nous en plaindrons pas, mais elles ne rapportent pas de TVA. En revanche, je comprends moins bien pourquoi l’écart est si considérable entre les recettes d’IS prévues et celles perçues. Pourriez-vous nous éclairer ?
Malgré toutes les mesures que vous prenez pour limiter les dépenses, le déficit du budget de l’État atteindra 16 à 17 milliards, après 17,6 milliards d’annulations, selon la thèse Cazenave – la thèse Le Maire était à 25 ou 26.
M. Bruno Le Maire, ministre. Il ne faut pas remettre au lendemain ce qu’on peut faire le jour même : voter un projet de loi de finances rectificative en avril aurait évité d’en élaborer un maintenant, dans des circonstances politiques plus délicates – mais ne pleurons pas le lait renversé.
Nous sommes dans les délais pour transmettre le PLF au Parlement le 1er octobre. Je quitterai le ministère des finances en garantissant aux Français que les délais sont tenables. Nous avons choisi de reporter l’envoi du plan budgétaire et structurel à la Commission européenne pour en réserver la primeur à la commission des finances. Toutefois, même en tenant compte du délai de quinze jours que nous devons respecter entre la transmission à la commission des finances et l’envoi à la Commission européenne, le calendrier peut – doit – être respecté.
La question des recettes est essentielle. Des mesures de correction sont possibles. Je le répète, à mon sens, nous devons respecter le plafond de 5,1 % du PIB pour le déficit. Le ministre délégué chargé des comptes publics et moi soutenons évidemment la même thèse. Nous sommes face à une difficulté conjoncturelle mais nous devons mener une analyse plus structurelle. Au cours des dernières années, l’architecture de l’économie et de la croissance a changé, plutôt dans le bon sens : les exportations ont augmenté et la consommation a diminué. Nous sommes en train de transformer la France en un grand pays de production – je souhaite qu’elle redevienne une nation d’ouvriers et d’agriculteurs. Je revendique ce choix économique car ce basculement représente l’enjeu des prochaines décennies ; il n’a qu’un seul défaut : les recettes de TVA diminuent. Par ailleurs, la consommation a été plus faible que prévu, peut-être en raison des incertitudes politiques. Le cas de l’IS mériterait une analyse économique bien plus approfondie.
Les dépenses des collectivités territoriales constituent 20 % de la dépense publique, celles de l’État 30 % et celles de la sécurité sociale 50 % – c’est pourquoi je ne pointe personne du doigt. Dans les années à venir, c’est donc notre modèle social qui risque de faire réellement déraper les comptes publics, parce que notre pays vieillissant, ses dépenses se feront plus importantes. Nous devons poser la question politique du financement du modèle social français, auquel nous sommes tous attachés. Peut-on laisser déraper le montant des indemnités journalières (IJ) ? Dans un entretien publié hier dans Les Échos, Thomas Fatôme, le directeur de la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam), disait que leur montant, comme le nombre des petits arrêts maladies, a explosé au cours des derniers mois : en dix ans, les dépenses afférentes aux IJ ont augmenté de 5 milliards d’euros. Sur les dix prochaines années, les arrêts maladie entraîneraient donc 50 milliards d’euros de dépenses supplémentaires. On peut en comprendre les raisons, mais il peut aussi y avoir des abus. En tout cas, il faut mener un examen structurel de ce sujet, faute de quoi on ne pourra pas rétablir les comptes publics.
Ainsi, il faut distinguer les mesures d’urgence nécessaires pour respecter notre trajectoire – elles sont à notre portée – des interrogations beaucoup plus fondamentales, que vous avez formulées, monsieur le rapporteur général. Comment financer le modèle social français, garantir sa justice et son efficacité, et éviter les abus que nous constatons – chiffres à l’appui – depuis quelques années ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Nous avons tout préparé pour que le nouveau Premier ministre et son gouvernement puissent transmettre le PLF et le PLFSS dans les délais, mais je ne peux vous dire quel calendrier ils choisiront de suivre.
Vous dites que la note du Trésor montre que l’exécution budgétaire fera déraper le déficit public jusqu’à 5,6 % du PIB. Je ne suis pas d’accord. Cette note explique ce qui se passera si nous ne faisons rien. Nous nous sommes arrêtés en chemin, après avoir annulé 10 milliards de crédits : nous avons toujours dit qu’il fallait consentir 10 milliards d’efforts supplémentaires. La charge en revenait en partie à l’État, mais nous n’étions pas en mesure de prendre de nouvelles mesures d’économies. Nous nous sommes toutefois engagés à recouvrer 3 milliards de recettes supplémentaires avec les mesures relatives aux rachats d’actions et aux énergéticiens, or elles ne sont pas intégrées dans les prévisions, non plus que la modération des dépenses des collectivités territoriales. Je le répète, si ces mesures sont tenues, les engagements pris relativement au déficit public le seront également. Nous ne recommandons pas d’arrêter les efforts.
Dans le programme de stabilité, nous avions prévu que le déficit des collectivités territoriales atteindrait 7 milliards d’euros, d’après l’évolution de leurs dépenses de fonctionnement dans les budgets primitifs, en anticipant une hausse de 8 % de leurs investissements, parce qu’on sait qu’à moins de deux ans des élections municipales, celles-ci connaîtront un rebond. Mais les dépenses effectives que l’on constate aujourd’hui ne dessinent pas la trajectoire prévue. Je parle bien du solde : les recettes moins les dépenses. Même lorsque les dépenses de fonctionnement sont équilibrées, les collectivités investissent. Elles peuvent puiser dans les réserves, elles peuvent s’endetter, et c’est ce qui se passe, à un rythme très rapide. Si les tendances se poursuivent, le déficit des collectivités se montera plutôt à 20 milliards. Or cela creuse directement le déficit public, qui n’est pas le seul déficit de l’État. Le vrai débat politique, que nous n’avons manifestement pas mené jusqu’au bout, doit décider dans quelles conditions les collectivités territoriales, comme l’État, comme la sécurité sociale, participent à l’indispensable effort de redressement des finances publiques. Le comité d’alerte sur l’évolution des dépenses de l’assurance maladie s’est réuni : le dérapage de l’Ondam, d’environ 1 milliard, est maîtrisé. En outre, il existe des mesures de freinage à même de le faire respecter cette année.
M. le président Éric Coquerel. J’ai bien entendu que le calendrier de dépôt des textes financiers pouvait être respecté. Les journalistes, qui en débattent dans leurs colonnes, apprécieront.
Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Il y a deux ans, monsieur Le Maire, vous avez dit aux Français que vous tiendriez le budget « à l’euro près » : nous en sommes à 28 milliards d’euros près ! Pourtant vous êtes toujours serein, satisfait de votre bilan après sept ans à votre poste. Face à une telle autosatisfaction, je peine à trouver les mots ; face à un tel désastre budgétaire, je peine à rester calme. Vous dites refuser que la France devienne la lanterne rouge de l’Union européenne, mais elle l’est déjà ! Vous n’avez plus aucune excuse pour justifier la situation budgétaire mais, content de vous, vous continuez. Pour ne pas pleurer, je préfère rire : en vous écoutant, j’ai l’impression de voir Dupond et Dupont perdus dans le désert, dans Tintin au pays de l’or noir – ils tournent en rond, revenant toujours sur leurs traces, et font la leçon parce qu’ils se pensent sur la bonne route. Lorsqu’ils aperçoivent un mirage, ils plongent, mais ne trouvent à boire que du sable. Au bout de sept ans, monsieur Le Maire, vous n’avez à proposer aux Français que du sable. Vous dites ignorer pourquoi il n’y a pas eu de loi de finances rectificative, mais on le sait : à l’approche des élections européennes, vous ne vouliez pas dire la vérité aux Français, bien aidés dans ce refus collectif par les Républicains.
Maintenant, c’est la purge. J’avais annoncé qu’elle serait de 95 milliards, mais j’étais optimiste : vos successeurs devront administrer 110 milliards de purge. Vous suggérez de geler des crédits, c’est-à-dire ne rien faire, ou de réunir une commission – ça va bien nous aider… M. Cazenave conseille de vider les réserves : votre seule solution consiste donc à vider des réserves que vous avez constituées en créant des déficits. Après sept ans de gestion calamiteuse de l’État, et cinquante ans de déficits, vous n’avez pas la moindre mesure d’économie structurelle à proposer aux Français, à part évidemment augmenter les impôts – on le verra dans un mois.
M. Bruno Le Maire, ministre. Vos propos sont aussi outranciers que ceux que vous avez prononcés au sujet de Michel Barnier – ce doit être dans votre nature.
La manie qu’ont les nationalistes de taper sur la nation française me surprend toujours. La vérité, que l’on doit à nos compatriotes, est simple : la France réussit. Je ne suis pas satisfait de moi-même mais pour les Français. Notre pays connaît une croissance supérieure à celle de l’Allemagne et le taux d’emploi le plus élevé depuis cinquante ans ; les usines rouvrent et son attractivité n’a jamais été aussi forte depuis quarante ans. Vous devriez vous en réjouir. Un grand philosophe disait que la vérité n’a pas de clients, elle n’a que des martyrs.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Je salue l’actif économique que vous laissez et que je crois incontesté : fin du chômage de masse, réindustrialisation, retour de l’attractivité. Sans les mesures de précaution prises entre 2017 et 2019 vous n’auriez pas pu ensuite protéger les Français, qui vous en savent gré.
Le scénario macroéconomique qui sous-tend vos travaux est validé, quoi qu’ait publié l’Insee tout à l’heure : l’acquis de croissance est suffisant pour qu’elle soit supérieure à 1 % l’an prochain, malgré les oiseaux de mauvais augure qui se multipliaient au printemps dernier. Les travaux économiques d’été concluent à une politique économique inchangée ; ils nous enjoignent de prendre des mesures sérieuses, non d’austérité : la dépense publique a plus que doublé depuis le début des années 2000 mais sommes-nous deux fois plus heureux ?
Les membres du groupe Ensemble pour la République formuleront des propositions responsables, afin de tendre vers une empreinte budgétaire nulle, comme nous tendons vers une empreinte carbone nulle. Surtout, nous ferons en sorte d’augmenter la quotité de travail et l’activité. Si notre taux d’emploi était le même que celui de l’Allemagne, avec les différences que l’on sait entre nos deux pays, nous n’aurions pas de déficit public.
À court terme, quelles décisions le calendrier autorise-t-il ? À défaut d’une loi de finances rectificative, des mesures sont-elles possibles pour augmenter les recettes de manière rétroactive ? Je pense notamment à la Crim. Compte tenu du niveau d’engagement des dépenses déjà atteint, pouvons-nous agir sur la réserve de précaution ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Oui, nous avons des solutions concrètes. S’agissant de la réserve de précaution, il vous revient de calculer ce que vous voulez utiliser. Quant aux recettes, nous proposons une contribution sur la rente inframarginale très différente de celle de 2023. Je reconnais volontiers que nous avions alors échoué à récupérer ce que nous aurions dû sur les énergéticiens. Cette fois, je garantis l’efficacité de la mesure, à même de rapporter 2,8 milliards d’euros. Nous proposons également une taxe sur les rachats d’actions, susceptible de rapporter entre 200 et 300 millions. Là encore, cela suppose d’adopter dans les meilleurs délais un PLFR, qui pourra avoir un effet rétroactif sur l’année 2024.
M. David Guiraud (LFI-NFP). Monsieur le ministre démissionnaire, monsieur le ministre délégué démissionnaire député – c’est la cour des Miracles –, vous venez nous présenter les effets de sept ans de macronisme et de votre bonne gestion des finances : un déficit record de 150 milliards en 2023, qui selon les prévisions atteindra en 2024 5,6 % du PIB. On nous avait vendu un duo de pros des finances, on se retrouve avec le Palmashow.
On pourrait en rire si la situation n’était pas aussi dramatique, pour les Français, pour les services publics. Vous avez déjà décidé 10 milliards d’euros d’annulation en février dernier, sans passer par un vote à l’Assemblée, et vous parlez de sabrer 7 milliards supplémentaires : vous brisez l’État social parce que, paraît-il, c’est la crise. Je suis songeur : l’État n’a jamais ramassé autant d’argent, notamment grâce aux recettes de la TVA, qui atteignent la coquette somme de plus de 200 milliards. Évidemment, c’est la crise quand on en envoie plus de la moitié vers d’autres budgets, à savoir ceux de la sécurité sociale et des collectivités territoriales, afin de financer vos cadeaux au grand patronat. Jusqu’en 2017 en effet, l’État gardait plus de 90 % de recettes de la TVA, contre 45 % aujourd’hui – voilà où se trouve le déficit. En quittant vos fonctions, vous comprendrez peut-être que quand vous balancez les billets par la fenêtre, ils retombent rarement sur votre bureau.
Le pire, c’est que vous avez le culot de nous dire que le déficit est causé par les collectivités locales, que la loi oblige à présenter des budgets en équilibre, contrairement à vous. Elles doivent en outre puiser dans leur épargne pour éponger les effets de vos politiques – celle du logement, dont le bilan est désastreux, les touche gravement.
Quand vous voulez flinguer le budget des collectivités, évitez de laisser votre photo sur la scène de crime avant de les accuser. Vous parlez de leur liberté, mais c’est vous qui avez supprimé les impôts locaux. Vous faites l’inverse de ce que vous préconisez : vous marchez en moonwalk. Ce n’est pas sérieux.
Puisque vous supprimez les impôts les plus redistributifs et que vous vous concentrez sur le plus injuste, la TVA, préconiserez-vous à Michel Barnier, le nouveau Premier ministre d’Emmanuel Macron et de Marine Le Pen, suivant l’exemple d’un récent rapport de l’Inspection générale des finances (IGF), d’augmenter son taux ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Parmi les nombreuses contrevérités que vous venez d’énoncer, je commencerai par la plus grosse : la part de TVA qui abonde les caisses de l’État serait tombée de 90 % à 50 % parce que nous aurions fait des cadeaux fiscaux aux grandes entreprises. C’est méconnaître totalement le fonctionnement du dispositif : sachez que l’État a transféré cette fiscalité pour financer les collectivités territoriales, la sécurité sociale et les services publics.
Quant à la suppression de la taxe d’habitation, elle a été compensée à l’euro près pour les collectivités territoriales. Ces dernières ont bénéficié d’impôts très dynamiques, comme la TVA. Ayons avec elles un débat apaisé, ainsi que nous l’avons fait avec le HCFPL. Nous n’accusons pas les collectivités de mauvaise gestion, mais elles doivent comprendre que nous ne redresserons pas les finances publiques si tout le monde ne participe pas à l’effort.
M. Philippe Brun (SOC). Nous dressons le bilan malheureux de vos sept années de politique : outre votre choix contestable de baisser les recettes de quelque 50 milliards d’euros par an, la suppression de la taxe d’habitation, à hauteur de 28 milliards, est la promesse électorale la plus chère de la Ve République. Voilà que nous devons trouver 10 milliards d’ici à la fin de l’année. Cette situation ne tient pas seulement aux taux d’imposition, mais aussi à l’évolution insuffisante des bases – autrement dit des salaires –, qui induit un recul du produit de l’IR. La baisse de la consommation provoque de surcroît une diminution des recettes de TVA, tandis que les droits de mutation à titre onéreux reculent, signe de l’échec de votre politique du logement.
Il faut donc engager une autre politique pour relever les bases fiscales. Proposez-vous d’adopter des mesures visant à accroître les recettes, notamment une surtaxe de l’impôt sur les sociétés, comme vous y avez procédé en 2017 ? Cela permettrait de dégager 5,5 milliards d’euros.
M. Bruno Le Maire, ministre. Je reste fidèle à ma ligne politique, qui s’oppose aux augmentations d’impôts. On a beau prétendre que celles-ci sont exceptionnelles, elles se révèlent définitives : à titre d’exemple, la surtaxe à l’impôt sur le revenu ne devait s’appliquer que deux ans mais reste en vigueur quinze ans plus tard. En conséquence, à près de 59 %, notre taux marginal d’impôt sur le revenu est le plus élevé de l’OCDE. Vous préconisez malgré tout une augmentation massive des impôts.
Admettons que vous vous en teniez à une surtaxe exceptionnelle à l’impôt sur les sociétés : son produit, de l’ordre de 5 milliards, ne serait pas à la hauteur des enjeux. À suivre cette politique, vous multiplierez les augmentations d’impôts et ponctionnerez une nouvelle fois les classes moyennes qui travaillent, situation qu’il faut impérativement éviter pour des raisons politiques, sociales et de justice. Il faut au contraire garantir aux ménages et aux entreprises une stabilité fiscale.
Tout le monde s’accordait à dire que la taxe d’habitation était injuste et que ses bases étaient trop complexes : pourquoi les uns payaient-ils 2 000 euros et les autres 200 ? Sa suppression représente une économie de 800 euros par an en moyenne pour les ménages. Si vous voulez la réinstaurer, grand bien vous fasse. Ce n’est pas ma recommandation.
Mme Véronique Louwagie (DR). Vous connaissez la préoccupation des députés du groupe Droite républicaine – anciennement Les Républicains – concernant les finances publiques ; nous avons d’ailleurs présenté en octobre 2023 un contre-budget proposant 25 milliards d’euros d’économies.
Je m’étonne que dans votre propos liminaire, vous n’ayez pas évoqué le montant colossal de la dette : 3 100 milliards d’euros. Vous avez en revanche invoqué la crise des gilets jaunes : rappelons qu’elle a été provoquée par votre décision d’augmenter les taxes sur les carburants.
Contrairement à ce que vous affirmez, la crise de 2018 diffère de celle que nous avons connue en 2011 : nous étions alors protégés par d’autres pays comme l’Espagne et l’Italie, alors que nous sommes aujourd'hui en première ligne.
Nous ne devons pas être la lanterne rouge de l’Europe, dites-vous ; or nous figurons déjà parmi ses mauvais élèves.
Quels critères ont présidé à vos gels de crédits budgétaires ? Pouvons-nous nous dispenser, en corollaire, de modifier les organisations et les politiques publiques ?
Qu’en est-il de la procédure pour déficit excessif engagée par l’Union européenne à l’égard de la France ?
Regrettez-vous d’avoir supprimé la taxe d’habitation ? Si celle-ci était considérée comme injuste, les taxes foncières le sont tout autant.
M. Bruno Le Maire, ministre. Je ne regrette pas d’avoir supprimé la taxe d’habitation : sachant que nous avons le taux d’imposition le plus élevé de l’OCDE, toute mesure visant à réduire les impôts des Français – en particulier des ménages, des classes moyennes et des travailleurs – va dans le bon sens.
S’il y a un combat à livrer, c’est celui de la taxation des 1 % les plus riches qui échappent à l’impôt. J’ai mené ce combat à l’égard des acteurs du numérique, avec le soutien de tous les parlementaires. Ce fut brutal et difficile, mais nous avons gagné : ces acteurs sont désormais taxés à 3 % de leur chiffre d’affaires réalisé en France, ce qui rapporte plus de 1 milliard d’euros. Nous sommes l’un des seuls États européens à y avoir procédé, et nous avons convaincu l’OCDE de nous suivre. Après cinq ans de bataille acharnée, et avec le soutien de tous les parlementaires, nous avons également instauré un impôt minimal de 15 % pour les multinationales qui échappaient jusqu’alors à l’impôt.
La prochaine bataille est prônée par des économistes qui n’appartiennent pas à ma famille politique – Gabriel Zucman, Esther Duflo –, mais que j’ai soutenus. Je soutiens aussi mon homologue brésilien qui a mis à l’ordre du jour du G20 une proposition de taxation des plus grandes fortunes. La fiscalité internationale est le vrai combat.
La dette publique a augmenté de 26 points entre 2008 et 2011, passant de 65 % à plus de 90 % du PIB. Après ce premier dérapage, elle a encore gagné 12 points sous l’effet de la crise du covid-19. La principale question réside dans le montant des émissions de dette. Or la France est le premier émetteur de dette de la zone euro : 285 milliards en 2024. Je plaide pour une baisse des dépenses publiques et une réduction accélérée de la dette, car nous ne pouvons pas laisser dériver le montant de nos émissions ; cela nous exposerait à des problèmes financiers.
Mme Eva Sas (EcoS). Après sept ans passés à la tête du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, vous nous laissez des comptes publics grevés par un déficit de 5,5 % du PIB en 2023, bien supérieur à celui de nos partenaires européens qui ont pourtant affronté les mêmes crises que la France. L’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) a d’ailleurs montré que ces crises n’expliquaient que pour moitié la progression de la dette publique française. Une telle dégradation signe l’échec de votre politique de l’offre.
Vous affirmiez que vos baisses d’impôts seraient compensées grâce au fameux ruissellement – chimère que la Cour des comptes vous a maintes fois invité à abandonner. Reconnaissez-vous enfin qu’elles ont gravement fragilisé nos finances publiques ?
Vous accusez injustement les collectivités territoriales d’être responsables du dérapage du déficit public, et celui-ci vous sert de prétexte pour sabrer les dépenses. Le budget du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires est particulièrement sacrifié : après 2,2 milliards d’euros de coupes en février, la lettre de cadrage pour 2025 prévoit de réduire de moitié le fonds Vert et d’amputer de 1,7 milliard le budget de MaPrimeRénov’. Les rapports de la Cour des comptes et les notes de la direction générale du Trésor ne cessent pourtant d’affirmer la nécessité d’investir dans la transition écologique, et rappellent que votre inaction climatique aura des conséquences économiques désastreuses à moyen terme – il n’y aura pas d’économie dynamique sur une Terre saccagée. Pourquoi cette politique à courte vue, qui fait de l’écologie une variable d’ajustement ?
Nous devons tourner la page de sept ans de politique de l’offre et retrouver des marges de manœuvre fiscales pour consolider notre situation budgétaire, répondre aux besoins écologiques et sociaux, rétablir les services publics, financer la transition écologique et l’adaptation au dérèglement climatique.
M. Bruno Le Maire, ministre. Notre économie est bel et bien dynamique, contrairement à celle de nombreux pays de la zone euro. La croissance est nulle en Allemagne en 2024, tandis qu’elle atteint 1 % en France.
Pendant les crises du covid-19 et de l’inflation, vous m’avez tous, sans exception, enjoint de dépenser bien davantage pour protéger l’économie ; vous avez déposé des amendements représentant des centaines de milliards d’euros de dépenses supplémentaires ; vous avez fait le siège de mon bureau, me reprochant de ne pas soutenir suffisamment les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME), ou tel et tel secteur. Vous me reprochez maintenant de ne pas avoir suffisamment bien tenu les comptes. Un peu de cohérence ! L’augmentation de la dette publique provient à 70 % des mesures de protection – l’OCDE en atteste.
Si j’avais à reprendre les décisions nécessaires pour protéger les entreprises, les ménages et les compétences, je reprendrais les mêmes : PGE, aides aux PME, activité partielle… Maintenant que nous revenons à la normale, nous rétablissons les comptes.
Depuis sept ans, enfin, nous avons pris un nombre incalculable de mesures pour faciliter la transition écologique, soutenir l’industrie verte et financer les rénovations énergétiques. La France est le seul pays d’Europe à avoir créé un crédit d’impôt pour l’industrie verte. Alors que l’Allemagne a supprimé les bonus pour les véhicules électriques, nous les avons maintenus. Alors que l’Allemagne a taillé dans les aides à la rénovation énergétique et que l’Italie les a supprimées, nous les avons maintenues. Comme vous, je suis convaincu qu’il faut faire davantage pour le climat, mais nous pouvons trouver des sources de financement autres que publiques.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Parallèlement aux mesures d’allégement fiscal, comme la suppression de la taxe d’habitation, ne fallait-il pas réfléchir à de véritables compensations, sous forme de recettes complémentaires, au lieu de piocher dans les recettes existantes de l’État ?
Plutôt que les mesures « petit bras » de ces dernières années, il est temps d’engager une véritable réforme de la fiscalité, notamment du patrimoine. Comme vous, j’étais convaincu de la nécessité d’un PLFR prévoyant des recettes supplémentaires. Celles-ci ne peuvent se limiter à la taxe sur les rachats d’actions et à la contribution sur la rente inframarginale : il faut prévoir des mesures plus dynamiques pour éviter de déséquilibrer le budget.
M. Bruno Le Maire, ministre. Gardons-nous de reprendre d’une main ce que nous avons donné de l’autre. Je considère que nous devons baisser les impôts et garantir une stabilité fiscale. Cela implique une dépense publique plus efficace, plus concentrée, qui assume des choix.
Il importe par ailleurs d’engager une réflexion structurelle sur le logement, y compris dans le domaine fiscal, pour nous doter d’incitations à la construction et à la transmission plus efficaces.
M. François Jolivet (HOR). Les députés du groupe Horizons & indépendants sont attachés à la bonne tenue des comptes publics, et considèrent que le péril budgétaire est l’un des pires pour les générations futures. Ce jugement ne semble pas partagé par certains groupes, plus prompts à proposer des dépenses que des recettes.
Les Français ont déjà l’impression de payer beaucoup d’impôts, et savent que la procédure de déficit excessif qui s’annonce ne renversera pas la tendance. Je m’inquiète surtout que les prévisions de recettes se trompent depuis deux ans, comme si la corrélation entre la progression du PIB et celle des ressources fiscales n’était plus de mise. Votre ministère entend-il se doter d’outils de prévision plus performants et mieux adaptés au contexte actuel ? Comment les ministères qui ont engagé des plans pluriannuels d’investissement pourront-ils mener à bien leurs politiques si leurs budgets sont amputés chaque année de 1 milliard ou 500 millions d’euros ?
Merci, enfin, d’avoir parlé du logement. Le recul des recettes de TVA tient en partie à la TVA immobilière, à hauteur de 4 milliards.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Une parfaite corrélation entre l’évolution du PIB et celle des recettes fiscales prévalait depuis trente ans. L’impact de la crise du covid-19 sur la croissance, la consommation et la production a déréglé cet équilibre et a affecté notre capacité à anticiper les recettes. En sortie de crise, le modèle n’est pas stable. Sur longue période toutefois, cette corrélation n’est pas remise en cause.
Les lettres de cadrage adressées aux ministères ne tiennent pas uniquement à un déficit de recettes. Nous considérons qu’il faut réduire la dépense publique pour faire reculer le déficit. Sortons aussi de l’idée que c’est avec le budget le plus élevé qu’on mène la politique la plus efficace. Il y a d’autres critères d’évaluation des politiques publiques. Vous mentionnez le budget du ministère de la transition écologique et dénoncez une inaction climatique, madame Sas, mais sachez que nous avons réduit nos émissions de gaz à effet de serre.
M. Michel Castellani (LIOT). Vous connaissez la position du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires : il faut commencer par économiser là où c’est possible – aides aux ménages aisés employeurs, crédit d’impôt recherche (CIR), recours aux bureaux d’études… Il convient surtout de mieux répartir la charge de l’impôt, en la dirigeant davantage vers l’économie financière et les géants du numérique. Songez que les entreprises du CAC40 ont distribué 67,8 milliards d’euros de dividendes en 2023, quand les rachats d’actions échappant à l’impôt ont atteint 30,1 milliards. En contrepartie, nous devons aider davantage les ménages les plus modestes et soutenir l’aide à l’investissement, garant de la croissance et de l’emploi.
Rappelons par ailleurs que l’enveloppe de continuité territoriale n’a pas été revalorisée depuis 2009 ; cela pose un réel problème budgétaire à la collectivité de Corse, et pénalise les entreprises et les habitants de l’île. J’insiste sur l’impérieuse nécessité de revaloriser cette enveloppe : l’inflation impose une remise à niveau. Il est anormal de devoir plaider en ce sens chaque année. Les collectivités doivent disposer d’une plus grande autonomie fiscale.
M. Bruno Le Maire, ministre. Nous avons fait le maximum pour la Corse, et nous avons augmenté l’enveloppe de continuité territoriale. Là encore, vous nous faites des propositions de dépenses supplémentaires quand nous devons réfléchir à des économies, de préférence structurelles.
Parallèlement à une revue des dépenses sociales et de l’État, c’est par une plus grande liberté des collectivités territoriales, notamment en matière fiscale, que nous rétablirons les finances publiques. C’est à cette fin que j’ai créé le Haut Conseil des finances publiques locales.
M. Emmanuel Maurel (GDR). Vous enjolivez exagérément votre bilan. Selon vous, la France connaîtrait une situation économique florissante. C’est passer sous silence la persistance du chômage de masse, l’augmentation des faillites d’entreprises – plus de 50 000 en 2023 –, ou encore le déficit commercial préoccupant.
En matière de finances publiques, vos prévisions sont pour le moins éloignées de la réalité – même le rapporteur général du budget du Sénat, qui appartenait encore il y a peu au même parti que le nouveau Premier ministre, en convient. Vous avez beau jeu d’invoquer des aléas ; j’y vois plutôt la conséquence de vos choix politiques.
Je ferai trois autres remarques.
Est-ce vraiment le moment d’engager une polémique avec les collectivités locales, alors que ces dernières sont confrontées à de multiples problèmes tels que l’inflation et la hausse des coûts de l’énergie ? Je ne crois pas que cela soit sain. M. de Courson l’a dit : quand on analyse les chiffres avec précision, on s’aperçoit que le taux d’endettement des collectivités locales n’a pas explosé et qu’on ne peut pas parler de dérapage inédit.
Contrairement à ce que vous dites, nous ne vous reprochons pas d’avoir trop dépensé, mais plutôt d’avoir parfois mal dépensé. Les baisses d’impôts pour les contribuables les plus aisés et les titulaires de revenus financiers, la suppression de la CVAE et celle de la taxe d’habitation pour les 20 % des ménages les plus aisés représentent un manque à gagner de près de 50 milliards d’euros, ce qui n’est pas rien.
Enfin, nous ne parlons jamais des aides aux entreprises, qui sont pourtant un éléphant dans un magasin de porcelaine ! Pourrions-nous avoir un vrai débat sur ce sujet ? M. Coquerel y tient tout particulièrement, et même l’IGF commence à dire que le CIR coûte très cher, n’est pas très efficace et engendre des effets d’aubaine.
M. Bruno Le Maire, ministre. Je ne veux aucunement faire preuve d’autosatisfaction : j’ai simplement souhaité montrer que, d’un point de vue économique, nous étions dans la bonne direction. C’est le seul point sur lequel je suis en désaccord total avec vous. Le taux d’emploi actuel est le plus élevé depuis quarante-cinq ans : c’est une réalité et un motif de satisfaction.
Dans quelques jours, je ne serai plus ministre de l’économie et des finances, ce qui me donne une grande liberté de parole. Vous le dites vous-même, l’un des grands défis politiques est de mettre sur la table les vrais sujets. Notre principal problème n’est plus le chômage de masse, dont nous sommes en train de nous débarrasser grâce à notre politique économique, mais le niveau des rémunérations et l’écart entre le salaire brut et le salaire net. Cela rejoint votre dernière remarque, avec laquelle je suis d’accord. En matière d’aides aux entreprises, nous devons prioritairement nous pencher sur les allègements de charges.
Plutôt que d’engager des polémiques inutiles, reconnaissons que nous avons fait ce qu’il fallait pour l’emploi, que le chômage baisse, que notre croissance est supérieure à celle des autres pays de la zone euro – ce sont des faits –, et concentrons-nous sur les vrais problèmes qui restent à régler. La vraie difficulté, c’est que le travail ne paie pas suffisamment et que les gens restent bloqués au Smic parce que les allègements de charges entraînent un effet de seuil, un effet couperet très puissant : si l’on augmente un salarié de 100 euros, on lui en reprend 64 puisqu’on lui fait perdre sa prime d’activité et qu’on le rend éligible à l’impôt sur le revenu ; quant à l’entreprise, elle devra payer plus de 390 euros de charges. Convenons d’ores et déjà qu’il s’agit là du vrai problème. Ensuite, c’est à vous qu’il appartiendra de résoudre cette difficulté.
S’agissant des collectivités locales, il n’y a pas lieu d’engager quelque polémique que ce soit, mais arrêtons de penser que nous pourrons rétablir les comptes publics en disant que tout est de la faute de l’État – qui a certes sa part de responsabilité – et que les administrations de sécurité sociale et les collectivités locales, qui représentent pourtant 70 % de la dépense publique, n’ont rien à faire ! Cela ne marchera pas. Chacun doit assumer sa part d’efforts juste et nécessaire.
M. le président Éric Coquerel. Non, nous ne sommes pas tous d’accord. Nous pensons tous que les salaires doivent augmenter, mais certains considèrent qu’il faut alléger les charges tandis que d’autres estiment que cela ne doit pas se faire sur le dos de ce que nous appelons, nous, le « salaire socialisé ».
M. Gérault Verny (AD). Vous pensez, monsieur le président, que les recettes publiques ont diminué. C’est faux : entre 2017 et 2023, elles ont augmenté de 25 %.
Monsieur le ministre, vous allez laisser une situation budgétaire catastrophique. En sept ans, la dette publique a explosé de 900 milliards d’euros alors que le PIB n’a crû que de 530 milliards.
Vous vous targuez d’une baisse du chômage, mais pour 2 millions de travailleurs supplémentaires dans le secteur privé, vous avez accru la dette de 900 milliards, soit 430 000 euros par emploi créé.
Vous vous félicitez d’une croissance plus forte qu’en Allemagne, mais dans ce pays, depuis 2017, la dette est passée de 70 % à 64 % du PIB, tandis qu’en France, elle est passée de 98 % à 113 %. En gros, pour 1 euro de croissance, vous créez 2 euros de dette. Nous préférerions tous une croissance nulle pour une réduction de la dette et un enrichissement des Français.
Le déficit dépasse logiquement la barre des 5 %. Ce niveau est intenable. Nous ne pouvons plus vivre à crédit. Augmenter les recettes n’est pas une option car la France est déjà le pays le plus fiscalisé de l’OCDE. Nos entreprises et nos concitoyens sont étouffés. Il faut, au contraire, réduire les dépenses publiques et simplifier l’économie.
La productivité chute : de 190 000 euros de PIB par salarié du privé, en 2017, nous sommes tombés à 130 000 euros aujourd’hui. Pourquoi ? À cause de l’hypertrophie des normes et des lourdeurs administratives qui freinent l’innovation et la croissance.
Le prochain budget doit impérativement être plus équilibré que ce qui est annoncé – on parle de 5,1 % de déficit. La seule voie possible consiste à réduire les dépenses, à libérer nos entreprises et à cesser d’étrangler fiscalement notre pays. Nous ne pouvons plus nous payer le luxe de l’inaction. La situation me rappelle le film La Haine de Kassovitz : un homme se jette d’un immeuble en répétant « Jusqu’ici tout va bien ».
Nous avons une responsabilité morale envers nos familles, nos amis et tous nos concitoyens. Chaque euro de dette supplémentaire est un fardeau que nous leur laissons. À nous de faire le choix de ne pas hypothéquer leur avenir ! Il est temps d’agir pour eux, afin que la France retrouve le chemin de la prospérité sans sacrifier ceux qui nous sont chers.
M. le président Éric Coquerel. Vous m’avez interpellé à propos de la baisse des recettes publiques. Je parlais en pourcentage du PIB, non en valeur brute. Vous pourrez vérifier que ce que je disais était, en 2023, tout à fait exact.
M. Bruno Le Maire, ministre. Je ne partage évidemment pas votre comparaison avec le film La Haine – que j’aime beaucoup par ailleurs. Je n’ai pas du tout le sentiment que l’économie française soit en train de couler ou de s’écraser sur la dalle de je ne sais quelle cité.
Je ne suis pas non plus d’accord avec vous s’agissant de la croissance nulle. Le choix politique que nous avons fait dans la deuxième période, et que je revendique, est d’augmenter la dette pour protéger nos entreprises, nos savoir-faire et nos compétences. Soyons un tant soit peu honnêtes : lorsque le secteur aéronautique, le secteur du transport, Renault et toutes les PME d’Occitanie étaient menacés, devais-je refuser de conclure des PGE ? Lorsque Air France avait besoin de 5 milliards pour ne pas fermer, devais-je rejeter sa demande ? La responsabilité politique, c’est de décider ; j’ai donc pris des décisions de protection, que je revendique. L’inaction nous aurait conduits tout droit à une perte de compétences et à une crise non seulement économique, mais aussi sociale et politique.
Je vous rejoins cependant sur deux points : la simplification et la productivité.
Si j’ai un regret, c’est bien celui de ne pas avoir pu défendre la loi de simplification qui me tient très à cœur et qui me semble absolument essentielle. Oui, nos entreprises ont besoin de beaucoup plus de simplicité. Il faut alléger les règles, les normes. Il en va de même pour les collectivités locales – je pense à tous les maires à qui j’ai reproché de trop dépenser et qui ont mis en avant, à juste titre, le coût occasionné par le respect de la très grande quantité de règles ou de normes que nous leur imposons. La simplicité permet donc aussi de faire des économies.
Le problème relatif à la productivité n’est pas spécifiquement français : il est massif au niveau européen. La baisse de la productivité européenne, depuis vingt ans, par rapport aux États-Unis faute de dépenses d’innovation est probablement le problème le plus important qu’il conviendra de régler dans les années à venir.
M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux questions des autres orateurs.
M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Monsieur le ministre délégué, que pensez-vous de la multiplication des lois de programmation sectorielles telles que la loi de programmation militaire, la loi de programmation de la recherche, ou encore la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) ? J’en ai compté sept depuis 2017. Est-ce une bonne ou une mauvaise chose pour la bonne tenue des comptes publics ?
Monsieur le ministre, Mario Draghi a rendu aujourd’hui un rapport sur la compétitivité de l’économie européenne – vous en avez un peu parlé à la fin de l’une de vos interventions. Alarmiste, ce rapport souligne notamment que, depuis les années 2000, le revenu a augmenté deux fois plus aux États-Unis que dans l’Union européenne. Sauf à vouloir décrocher, l’Europe doit investir massivement dans la recherche, alléger les normes, revoir les règles de la concurrence et émettre de nouvelles dettes communes. Quel regard portez-vous sur votre action européenne depuis sept ans ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Les lois de programmation représentent une difficulté pour le ministre chargé des comptes publics : elles rigidifient la dépense et rendent parfois les équations plus compliquées. Je suis d’ailleurs convaincu que, dans les prochaines années, l’exigence de redressement des comptes publics nous amènera à revoir une partie de ces lois.
M. Bruno Le Maire, ministre. Je partage entièrement l’analyse de Mario Draghi sur la croissance européenne.
Pendant quarante ans, nous avons été un grand continent de consommation et un marché de consommateurs. Depuis sept ans, avec le Président de la République, je me bats pour faire du continent européen une grande puissance de production, d’innovation, mais aussi de protection. Si nous investissons dans l’innovation, dans les semi-conducteurs, dans les véhicules électriques, dans les batteries électriques, dans l’hydrogène, dans le nucléaire, si nous consacrons beaucoup d’argent à la recherche, nous devons aussi protéger nos frontières et notre marché.
M. Sébastien Delogu (LFI-NFP). Dès les premiers jours de votre long passage à Bercy, qui se termine par un pacte indigne avec le Rassemblement national, le fameux « en même temps » a montré qu’il était « ni l’un ni l’autre » – ni recettes, afin de laisser se gaver les profiteurs de crise, ni dépenses, pour priver celles et ceux qui ne sont rien de leurs services publics. Ces sept années de décisions prises par pure idéologie néolibérale ont pour bilan l’explosion du déficit et de la dette – 900 milliards supplémentaires –, qui sert aujourd’hui de prétexte pour imposer l’austérité.
Pendant sept ans, la méthode Bruno Le Maire s’est résumée ainsi : Bruno demande gentiment aux patrons des efforts insignifiants, Le Maire impose violemment aux plus pauvres des renoncements éprouvants ; Bruno diminue massivement les impôts des plus riches, Le Maire s’étonne d’un trou annuel de 70 milliards dans les recettes.
Enfin, Bruno s’en va ! Préparez-vous déjà le passage du témoin au Rassemblement national quand vous fustigez la fraude à la caisse d’allocations familiales (CAF), qui pèse 1,3 milliard d’euros, pour stigmatiser les Français originaires du Maghreb ? On sait que vous n’avez rien dit, rien fait contre la fraude fiscale, qui pèse près de 100 milliards d’euros. Comment justifier que l’on ne touche pas massivement aux recettes quand le problème est ainsi identifié ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Je n’ai entendu, dans les propos de M. Tanguy, aucune forme de complaisance ou de connivence avec moi. En revanche, je crois profondément que vos propos outranciers, décalés, mensongers et faux ne font qu’alimenter le Rassemblement national. Le meilleur carburant du Rassemblement national, c’est La France insoumise !
M. le président Éric Coquerel. Nous pourrions débattre de cette affirmation… Ce n’est pas nous qui avons soumis des noms de Premier ministre au Rassemblement national !
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Notre commission auditionne aujourd’hui un voleur. Oui, monsieur Le Maire, vous êtes un voleur, et plutôt deux fois qu’une ! D’abord, parce que vous avez volé les élections et que vous avez passé l’été à préparer un budget alors même que vous aviez été balayé dans les urnes par les Français, qui n’en peuvent plus de vos politiques destructrices de nos services publics. Ensuite, parce que vous avez volé méthodiquement l’argent des Français pour l’offrir aux plus riches de ce pays.
Depuis 2017, vous avez fait exploser la dette de 900 milliards d’euros, et vous voulez faire payer la facture aux Français. S’agit-il d’incompétence ? Non : vous savez pertinemment ce que vous faites. Vous osez déplorer aujourd’hui une baisse imprévisible de recettes ; vous prétendez que c’est un accident alors que vous avez sciemment vidé les caisses de l’État et que vous préparez une nouvelle saignée pour 2025 – à tel point que le nouveau pantin que vous avez installé, avec le RN, à Matignon n’a rien d’autre à dire, lorsqu’il se rend à l’hôpital, qu’il ne va « pas faire de miracle ». Vous avez sur les mains le sang des gens qui ne peuvent être soignés correctement.
Vous cherchez 30 milliards pour 2025. Plutôt que d’accuser les collectivités locales, commencez par récupérer les 70 milliards que vous offrez chaque année aux plus riches !
Quand comprendrez-vous que les Français ne veulent plus ni de vous ni de vos politiques mortifères ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Après avoir entendu vos propos, je comprends un peu mieux pourquoi 75 % des Français rejettent La France insoumise. Vous abîmez cette commission des finances, dont les travaux se déroulaient jusqu’ici dans un climat serein et démocratique. Vous abîmez la démocratie et la République.
Vous avez de la chance : si j’étais resté dans mes fonctions, je ne me serais pas laissé traiter de voleur par un député de la République et je vous aurais poursuivi en diffamation. Comme je me retire de mes fonctions de ministre je n’ai pas l’intention de le faire.
M. David Amiel (EPR). Je ne voudrais pas que l’on fasse croire que les premières auditions de la commission d’enquête sur la dette publique ont conclu à la responsabilité de la politique fiscale. François Ecalle, que M. le président a cité tout à l’heure, s’est exprimé ainsi : « L’héritage de l’histoire de cinquante ans de politique économique explique 50 % à 70 % de l’augmentation de la dette publique de la fin 2016 à la fin 2023 ». L’OFCE comme l’OCDE ont rappelé l’impact des crises sur le niveau de la dette.
J’aimerais revenir sur les finances des collectivités territoriales et sur le dérapage de leurs dépenses à hauteur de 16 milliards d’euros, soit la somme des crédits mis en réserve. Ces crédits, monsieur Tanguy, ne constituent pas un trésor de famille que l’on dilapiderait ; ils correspondent tout simplement à des économies potentielles. Or il s’avère que cet effort supplémentaire réalisé par l’État pourrait servir exclusivement à la compensation des dérapages des collectivités.
J’entends avec surprise certains députés, notamment à gauche, plaider pour une restauration de la taxe d’habitation. Cet impôt était pourtant particulièrement injuste, puisqu’il était élevé dans les communes pauvres et faible dans les communes riches – non seulement à cause du vieillissement des bases, mais également à cause des taux, qui étaient beaucoup plus élevés dans les communes les plus populaires. Ce serait l’inverse de la justice fiscale que de rétablir un impôt qui frappait les classes moyennes et les communes les plus pauvres.
Quel instrument imaginez-vous pour maîtriser les dépenses des collectivités locales en 2025 ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je ne vous dirai pas ce que l’on pourra faire en 2025 car cette audition s’arrête à l’année 2024 et je ne souhaite en aucune façon engager le prochain gouvernement.
Si nous continuons de séparer, dans le débat politique, l’État et les collectivités territoriales, et si nous nous empêchons de réunir ces dernières autour de la table pour les faire participer, comme nous, au redressement des finances publiques, alors nous n’avancerons pas. Il est profondément populiste et démagogique de dire le contraire. Les collectivités territoriales ont bénéficié, comme tout le monde, de toutes les protections mises en place en faveur de l’économie, des salaires, des associations et de leurs propres finances. Alors que le temps est venu de faire des économies et de redresser les finances publiques, il n’est pas excessif de les inviter à y contribuer ! Du reste, nous ne leur avons jamais demandé de diminuer leurs dépenses : nous avons simplement dit qu’elles ne devaient pas augmenter trop vite. Or, l’an dernier, les dépenses de fonctionnement des collectivités – hors RSA – ont augmenté de 7 %, celles relatives aux achats de 13 %, et leur masse salariale de 6 %. On ne peut pas continuer comme cela !
Dans le cadre de l’élaboration du projet de loi de finances pour 2025, il y aura forcément un débat sur le type de mécanisme à mettre en place pour maîtriser ces dépenses. Depuis que nous avons mis fin aux contrats de Cahors, il n’existe plus aucun mécanisme coercitif pour les collectivités alors que nous avons les finances publiques en partage. L’État ne pourra pas porter sur ses seules épaules toutes les économies nécessaires pour diminuer le déficit public.
M. Daniel Labaronne (EPR). Alors que nous avons affronté, ces dernières années, des crises qui ont mis notre économie à rude épreuve, je tiens à saluer votre action, monsieur le ministre. Vous nous avez permis de sortir de la procédure pour déficit excessif. Vous avez fait preuve de détermination face aux crises du covid, des gilets jaunes et de l’inflation. Vous n’avez rien sacrifié aux acquis sociaux sans alourdir le fardeau fiscal. Je salue la fin du « quoi qu’il en coûte », les gels et annulations de crédits auxquels vous avez procédé, la suppression du bouclier tarifaire ainsi que la mise en place d’une task force sur la dépense publique. Ces mesures de sérieux budgétaire, nous vous les devons et nous devons vous en remercier !
Où en est votre projet d’imposition minimale des revenus les plus élevés au niveau européen, qui contribuerait à la baisse du déficit public ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Le combat pour ce projet, auquel je crois profondément, devra être mené par mon successeur, quel qu’il soit.
Nous avons déjà pu instaurer la taxation des géants du numérique et la taxation minimale des multinationales. Je le redis, je suis très favorable à la mise en place, au niveau de l’OCDE, d’une taxation des plus grandes fortunes de la planète, qui utilisent aujourd’hui toutes sortes de mécanismes pour éviter de payer le même montant d’impôt que d’autres ménages moins fortunés.
Ce combat, très difficile et très long, ne pourra être gagné que si l’ensemble des forces politiques se mobilisent. Une telle unité est rare mais, lorsqu’elle se forme sur un sujet international, elle donne à la voix de la France une puissance considérable. En 2017, personne ne voulait de la taxation des géants du numérique, à laquelle le président Trump était farouchement opposé, mais nous y sommes arrivés ! Personne ne voulait non plus de la taxation minimale à l’impôt sur les sociétés : nous nous sommes opposés frontalement, y compris à nos partenaires européens, mais nous avons fini par gagner cette bataille.
Aujourd’hui, nous avons un allié : le Brésil, qui préside le G20 et dont le ministre des finances est totalement mobilisé sur ce sujet. Il n’empêche que le combat sera difficile. C’est l’honneur de la France que de le mener et de le gagner.
Mme Yaël Ménaché (RN). Je ne reviendrai pas sur votre bilan catastrophique, que mon collègue Jean-Philippe Tanguy a très bien dressé. Je vous poserai une question un peu plus précise au sujet des documents préparatoires du budget 2025 élaborés par le gouvernement de Gabriel Attal. Parmi les sept missions de l’État qui voient leurs crédits gelés figure la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation. À l’heure où l’on observe en France une recrudescence des actes antisémites, il me semble inconcevable que notre pays, l’un de ceux qui comptent le plus de Justes parmi les nations, n’ait pas de budget mémoriel important. Pouvez-vous nous expliquer la raison de ce gel ? Est-il envisageable que cette situation puisse changer ?
M. Bruno Le Maire, ministre. C’est toujours le même problème : alors que vous dénoncez un bilan catastrophique en matière de finances publiques – c’est votre droit –, vous ne cessez de proposer, depuis des années, des dépenses supplémentaires. Vous plaidez pour la nationalisation des autoroutes, pour la suppression de l’impôt sur le revenu pour les moins de 30 ans – une mesure à la fois profondément injuste et extraordinairement coûteuse –, pour la remise en question de la réforme des retraites, et voilà que vous évoquez maintenant le budget des anciens combattants. Le jour où vous proposerez des économies, votre discours deviendra un peu plus crédible.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Nous avons besoin de créer de la confiance entre l’État et les associations d’élus ; or je ne crois pas que les propos de ces derniers jours y contribuent. Je vous entends ainsi parler de déficit à propos du budget des collectivités, alors que l’on évoquait jusqu’ici des « besoins de financement ».
Il est vrai que les dépenses de fonctionnement des collectivités vont augmenter en 2024, en raison notamment de la décision du Gouvernement d’augmenter la valeur du point d’indice des fonctionnaires – une très bonne chose –, de l’inflation énergétique et de la remontée des taux d’intérêt. Cette hausse des dépenses de fonctionnement est tirée par le contexte économique et social. Avez-vous chiffré l’augmentation prévisionnelle des dépenses contraintes ?
Quant à la hausse de l’investissement local, elle crée de l’activité dans tous nos territoires, et donc des recettes supplémentaires. Elle s’explique bien sûr d’abord par le cycle électoral, mais ne faut-il pas y voir aussi une réponse positive des collectivités aux injonctions de Bruxelles et de l’État de respecter la stratégie bas-carbone ? Dès lors, ne conviendrait-il pas d’isoler les dépenses liées au climat dans nos analyses ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. C’est ce que nous avons fait en créant le budget vert des collectivités territoriales et même des établissements publics ou opérateurs qui n’étaient pas concernés par le budget vert de l’État. Il est désormais possible d’isoler l’effort des collectivités en faveur de la transition écologique. Au-delà de l’augmentation des budgets, l’enjeu est la réorientation des dépenses vers les objectifs climatiques : aussi la généralisation des outils budgétaires relatifs au climat, que nous avons adoptée dans la dernière loi de finances, est-elle une belle avancée que nous avons, je pense, tous soutenue ici.
Je n’ai pas inventé le concept de déficit des collectivités territoriales. L’Insee et l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL) tiennent à jour le solde budgétaire des collectivités, qui peut être positif ou négatif – après un excédent constaté ces dernières années, on observe maintenant un déficit. Cette notion ne revêt donc aucun caractère polémique. Cependant, un dérapage de 15 milliards d’euros des dépenses des collectivités a nécessairement des conséquences sur le déficit public. Travaillons ensemble afin de déterminer les raisons de cette dynamique ainsi que les normes excessives évoquées par Bruno Le Maire qui pèsent sur les dépenses contraintes des collectivités ! Si nous ne regardons pas ce problème en face, alors nous ne parviendrons pas à réduire le déficit public. L’enjeu est fondamental et, compte tenu de la situation des finances publiques, nous n’avons pas intérêt à échouer.
Mme Sophie Pantel (SOC). J’irai dans le même sens que Mme Pirès Beaune. Je ne reviendrai pas sur les chiffres cités par M. de Courson ; je me bornerai à rappeler les coups de canif que vous avez portés aux budgets des collectivités en prenant de mauvaises décisions… Par exemple, en compensant pour les communes la suppression de la taxe d’habitation par un transfert de la part départementale de la taxe foncière, vous avez cassé la dynamique pour les départements.
Les propos que vous avez tenus sont indécents. Vous parlez d’un « dérapage » de 15 milliards d’euros des dépenses des collectivités alors que l’État doit 20 milliards aux départements rien que pour financer les allocations individuelles de solidarité – et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres.
La situation n’est pas nouvelle. Elle s’explique par la disparition des leviers fiscaux et par un effet ciseaux dû à des dépenses croissantes et à des recettes négatives, en particulier pour les DMTO. Des associations d’élus, notamment Départements de France, vous ont pourtant alertés.
Les départements sont compétents en matière de solidarités territoriales et sociales. Vous vous êtes félicités tout à l’heure de la réussite d’un certain nombre d’entreprises, mais vous n’avez pas parlé des 10 millions de pauvres que compte notre pays et qui doivent être pris en compte.
Rappelons enfin que les collectivités subissent de nombreuses décisions que vous avez prises à l’endroit des employeurs, les mesures du Ségur, la revalorisation de la prime de feu et bien d’autres dispositions coûteuses que vous leur avez imposées.
Avez-vous prévu de rembourser la dette de l’État envers les collectivités, en particulier envers les départements ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Je le répète, il n’y a dans mes propos aucune accusation ni aucune mise en cause brutale de qui que ce soit. Ce n’est pas ainsi que nous réglerons le problème des finances publiques. En revanche, il y a des chiffres, dont Jean-François Husson, rapporteur général du budget au Sénat, s’est lui-même alarmé, affirmant que la poursuite de la tendance actuelle des dépenses des collectivités locales créerait des difficultés majeures pour l’ensemble de nos finances publiques. Si nous n’avons pas le courage de regarder la situation en face, nous n’arriverons pas à résoudre ces problèmes.
Cela dit, ce n’est pas à vous que j’apprendrai qu’une collectivité ne ressemble pas à une autre – j’ai moi-même été élu local pendant dix ans. La commune de Nonancourt n’est pas la région Île-de-France : les deux collectivités ne rencontrent pas les mêmes difficultés, bien qu’elles soient traitées de la même façon dans les statistiques. Les présidents de conseils départementaux, que je rencontre souvent, sont effectivement confrontés à une baisse des recettes des DMTO, du fait du recul des transactions immobilières, et à une explosion des dépenses sociales, liée notamment à la forte augmentation du nombre de mineurs isolés placés sous la responsabilité des départements. Un représentant de la collectivité européenne d’Alsace m’expliquait récemment que ce nombre avait doublé et que cela représentait pour lui des budgets supplémentaires très lourds. Tenons compte de cette situation sans pour autant nier que d’autres collectivités présentent une forte augmentation de leurs dépenses de fonctionnement qui n’est pas forcément justifiée ! Ayons le courage de poser un diagnostic juste afin de trouver la bonne réponse !
M. Nicolas Ray (DR). Les chiffres sont là : vous allez laisser des comptes publics dégradés. Vos services proposent des pistes d’économies qui commencent à sortir dans la presse et qui concernent notamment l’apprentissage et les aides aux entreprises. Après sept ans à la tête de Bercy, avez-vous quand même quelques regrets ? Reconnaissez-vous quelques erreurs ? Cela pourrait peut-être servir à vos successeurs… Vous avez reconnu l’erreur de ne pas avoir fait adopter par le Parlement une loi de finances rectificative au printemps. N’avez-vous pas également commis quelques erreurs en matière de prévision de nos recettes ? Vous vous félicitez d’avoir diminué la taxe d’habitation, mais si cela revient à creuser les déficits, ce n’était pas très responsable… Les mea culpa sont assez rares en politique, et c’est dommage car ils sont une marque de courage et d’honnêteté souvent appréciée par les Français.
M. Bruno Le Maire, ministre. Seuls ceux qui n’agissent pas ne font pas d’erreurs. Ainsi, puisque j’ai beaucoup agi au cours des sept dernières années, j’ai sans doute commis beaucoup d’erreurs !
Vous avez évoqué la loi de finances rectificative. Je n’ai qu’un conseil à donner à mon successeur : c’est de faire preuve de la plus grande fermeté. Quand on estime, comme ministre des finances, qu’il existe une solution et qu’il est nécessaire de la mettre en œuvre, il faut se battre jusqu’au bout pour qu’elle aboutisse. Certains députés ont été témoins du combat que j’ai livré en faveur de cette loi de finances rectificative.
Dites-vous bien que rétablir les comptes publics est extraordinairement difficile dans un pays qui, depuis des siècles – je ne parle pas d’années, ni même de décennies –, est habitué à dépenser plus qu’il ne gagne. C’est une réalité historique, qui fait partie de notre culture. Si l’on veut véritablement s’attaquer au redressement des finances publiques – ce que je crois nécessaire –, il faut donc s’interroger sur notre culture de la dépense… Comme si plus de dépenses publiques allaient nécessairement apporter plus de bonheur aux Français ! Je ne le crois pas : elles entraîneront surtout plus d’impôts !
Allons donc jusqu’au bout de ce questionnement. C’est à cette condition que nous arriverons, comme les autres pays européens, à rétablir nos finances publiques.
M. le président Éric Coquerel. Plus de dépenses publiques, cela peut aussi donner plus de croissance que l’Allemagne.
M. Christian Baptiste (SOC). J’évoquerai moi aussi les lettres de cadrage budgétaire laissées sur les bureaux des différents ministères avant la nomination de M. Michel Barnier au poste de Premier ministre. S’agissant de la mission Outre-mer, dont je suis le rapporteur spécial, la lettre de cadrage fait état d’une baisse de 4 % des crédits de paiement. Je vous alerte très solennellement quant au risque qu’une telle diminution ferait courir à nos territoires ultramarins, qui sont traversés par de vives tensions et par des mobilisations contre la vie chère. Si le futur gouvernement ne prend pas ce sujet à bras-le-corps, les tensions sociales ne feront que s’exacerber. Alors que nos territoires ont besoin de rattrapage économique et social, une diminution de leurs ressources signerait leur abandon définitif, ce qui emporterait des conséquences désastreuses et potentiellement incontrôlables. Avez-vous conscience de la situation des territoires ultramarins pour oser proposer de telles économies ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je pense que vous faites référence aux projets de lettres plafond pour 2025. Encore une fois, je considère que ces lettres, envoyées par Gabriel Attal, sont aujourd’hui entre les mains du nouveau Premier ministre, qui peut décider de les maintenir ou de les modifier. Il m’est donc très difficile de les commenter.
Cela dit, nous percevons une nouvelle fois la difficulté à laquelle nous sommes confrontés. Comment parviendrons-nous collectivement à faire des économies si certaines réalités géographiques ou appétences sectorielles de tel ou tel parlementaire nous empêchent d’aller beaucoup plus loin dans cet exercice ? À chaque fois, je me vois obligé de défendre la réalisation d’économies dans les esquisses de PLF sur lesquelles nous avons travaillé. Or, avant la fin de l’année, il faudra doter le pays d’un budget qui prévoira nécessairement, quoi qu’il arrive, des économies, et peut-être aussi des recettes nouvelles, comme en 2024. Il va falloir trouver un modus operandi pour ce faire.
Mme Christine Arrighi (EcoS). Monsieur le ministre, vous avez dit que rien n’était possible sans des finances publiques bien tenues. Là n’est pas la question : vous n’avez pas dépensé trop, ni trop peu, mais mal. Vous n’avez pas conditionné certaines dépenses, comme les aides apportées à Airbus et Air France, à des critères sociaux et environnementaux. Par ailleurs, vous avez dépensé de façon opaque – même pour vous puisqu’après vingt-trois 49.3, vous avez découvert que certaines niches fiscales, telles que celle en faveur des locations de type Airbnb, avaient été supprimées –, sans faire adopter de loi de finances rectificative, sans nous transmettre de tiré à part ni de lettres plafond. On nous dit maintenant que ces dernières n’existeraient plus du tout… C’est le pompon !
Vous avez dépensé en nous disant qu’il fallait mettre en réserve davantage de crédits. Puisque nous ne disposons pas du tiré à part ni des lettres plafond, pouvez-vous préciser les critères sur lesquels vous vous êtes fondés pour mettre en réserve des crédits destinés à la recherche, notamment spatiale, qui se voit privée de plus de 100 millions d’euros, à la solidarité, au plan de lutte contre la fraude fiscale, qui était pourtant l’un des grands projets de Gabriel Attal, à l’enseignement scolaire, à la police nationale et à la protection judiciaire de la jeunesse ? À l’inverse, pour les administrations placées auprès du Premier ministre, la réserve a été ramenée de 1,290 million d’euros à zéro. Quels sont les éléments qui vous ont permis d’arbitrer ainsi ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Ce que vous dites est faux. Permettez-moi de rétablir la vérité : j’ai apporté un soutien financier à Air France en contrepartie d’une réduction de 50 % des émissions de CO2 – un objectif que l’entreprise est en voie d’atteindre. De même, l’aide apportée à Airbus était assortie de conditions de soutien aux PME, qui ont été respectées.
Pour le reste, je ne regarderai pas le budget ligne par ligne – ce n’est pas ma responsabilité, mais celle de la personne qui me succédera. Tout peut se justifier. Je comprends que l’on puisse vouloir davantage de crédits pour les armées, la police, la gendarmerie, la justice, les départements d’outre-mer, la Corse, la continuité territoriale… Il y a cependant un moment où il faut choisir. Il appartiendra au prochain gouvernement de faire ces choix.
Mme Christine Arrighi (EcoS). Je ne parle pas du prochain budget, mais des réserves constituées cette année ! Qu’est-ce qui a permis au Gouvernement de faire ces arbitrages en 2024 ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Mme Louwagie nous a posé la même question : quels critères avons-nous utilisés pour mettre 10 milliards de crédits supplémentaires en réserve, ce qui porte le total de cette dernière à 16,5 milliards ? Nous avons procédé à une analyse ministère par ministère, en tenant compte de la nature des dépenses – il existe des dépenses contraintes et des dépenses de guichet, pour lesquelles les crédits ne peuvent être gelés –, du rythme de consommation des différentes lignes, et en déterminant les éventuelles mesures à prendre pour atteindre les objectifs d’exécution fixés pour chaque ministère.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Effectivement, gouverner, c’est choisir… sauf que vous choisissez toujours de couper dans les dépenses publiques, alors que ce sont les recettes qui posent problème !
Vous fustigez les dépenses des collectivités – c’est M. Le Maire contre les maires – et vous préconisez, si j’ai bien compris, de leur accorder plus de liberté pour ne pas augmenter la valeur du point d’indice des fonctionnaires… comme si c’étaient les éboueurs, les assistantes maternelles, les animateurs de centres de loisirs et les fonctionnaires de catégories C et B qui étaient le problème des collectivités, alors qu’eux-mêmes n’arrivent pas à boucler leurs fins de mois !
Le vrai sujet n’est pas tant l’écart entre salaire net et salaire brut – on voit bien là votre volonté de briser notre système de sécurité sociale – que le coût du capital. Le président de la commission des finances vous a signalé que le patrimoine des 500 plus grosses fortunes françaises était passé de 20 % du PIB en 2017 à 45 % en 2022. Depuis 2017, vous vous obstinez à multiplier les cadeaux aux plus riches et aux grandes entreprises, à tel point que l’IGF estime que les aides aux entreprises représentent un gisement d’économies de 3 à 10 milliards d’euros. Combien votre politique en faveur des plus riches coûte-t-elle à nos concitoyens au regard des coupes prévues dans les budgets de l’écologie et des services publics ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Je ne reviendrai pas une nouvelle fois sur chaque élément de votre question. Je persiste à expliquer que, sans réduction de la dépense de l’État, des collectivités et de la sécurité sociale, nous ne pourrons pas rétablir les finances publiques. Tout le reste, c’est de la poudre de perlimpinpin. Laisser entendre qu’il suffirait de taxer les plus riches, les entreprises, et d’augmenter les impôts ici ou là, c’est un mensonge. On peut bien entendu vouloir faire bouger les curseurs – c’est le débat démocratique –, mais mes sept années d’expérience m’ont montré que rétablir les comptes, comme je l’ai fait en 2017, 2018 et 2019, n’était possible qu’en ayant de la croissance et en réduisant les dépenses.
Sur certaines dépenses, on peut légitimement s’interroger. Tout à l’heure, un parlementaire a évoqué l’apprentissage : je crois beaucoup à cette politique, mais faut-il vraiment maintenir les aides jusqu’à bac + 3 ou bac + 5 ? C’est une question légitime. S’agissant des arrêts maladie, ce n’est pas moi qui pose la question, mais le directeur général de la Cnam, qui connaît bien le sujet. Il nous alerte sur une dérive des arrêts maladie, dont le coût a augmenté de 5 milliards en dix ans. Cela vaut peut-être le coup de s’interroger sur cette dépense… C’est en faisant un tel travail, méticuleusement et consciencieusement, que nous parviendrons à rétablir nos finances publiques.
M. le président Éric Coquerel. Cette question sera au cœur des prochains débats. Nous pourrons notamment nous demander pourquoi le travail rend plus malade.
M. Karim Ben Cheikh (EcoS). L’heure est au bilan. Notre diplomatie est en déshérence budgétaire et vos choix ont fortement contribué à cette situation. Alors que notre politique étrangère est attaquée de toutes parts et que les défis en la matière n’ont jamais été aussi nombreux, la France a fait le choix du démantèlement continu de son réseau diplomatique, pour des raisons budgétaires. Quel bilan faites-vous de votre action ?
J’aimerais vous interroger plus spécifiquement sur un pan de ce budget que vous laissez dans un état particulièrement indigne, puisque vous l’avez oublié : je veux parler des crédits en faveur des Français établis hors de France. Là encore, quel bilan faites-vous de votre action en faveur des 2,5 millions de nos compatriotes établis à l’étranger ? Les déscolarisations explosent, faute de bourses. Le modèle économique des instituts français est remis en cause, faute de financement. La Caisse des Français de l’étranger est désormais en grande difficulté budgétaire. Enfin, le réseau consulaire n’a plus les moyens de ses missions, selon les dires de M. Hermelin, à qui le Gouvernement avait commandé un rapport.
M. Bruno Le Maire, ministre. Avant de démissionner de la fonction publique, j’étais diplomate. Je suis donc attaché à la diplomatie française, en particulier aux instituts français et aux lycées français, qui sont à mes yeux le meilleur réseau d’influence de la France à l’étranger. Lorsque nous avons décidé de réduire les crédits affectés aux affaires étrangères, nous nous sommes concentrés principalement sur l’aide publique au développement. À partir du moment où l’on demandait à nos compatriotes un effort pour réduire la dépense, j’ai estimé qu’il n’était pas illégitime de baisser l’aide publique au développement : nous l’avons donc diminuée significativement, de 800 millions d’euros, lors des dernières annulations de crédits.
M. le président Éric Coquerel. Une dernière question, monsieur le ministre. J’ai entendu que vous estimiez avoir garanti que le projet de loi de finances pour 2025 puisse être déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 1er octobre. J’ai également noté que vous regrettiez qu’il n’y ait pas eu de projet de loi de finances rectificative.
Des deux membres du Gouvernement que vous êtes, l’un propose d’annuler 7 milliards au sein des 16 milliards de crédits gelés, l’autre propose d’en annuler 15 milliards.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Non, pas 7 milliards !
M. le président Éric Coquerel. Si, 7 milliards… Cela a été dit et redit ! Mais ma question ne porte pas sur vos différences.
Vous engagez-vous à recommander à vos successeurs que l’Assemblée nationale puisse débattre, avant la fin de l’année, de ces annulations de crédits, soit dans le cadre d’un projet de loi de finances rectificative, soit dans le cadre d’un projet de loi de finances de fin de gestion ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Je ne peux prendre d’autres engagements que ceux d’un ministre qui gère les affaires courantes – le terme de ministre « démissionnaire » que tout le monde emploie sur les ondes ne me paraît pas approprié.
Avec Thomas Cazenave, nous avons la responsabilité de permettre au Parlement de voter le projet de loi de finances pour 2025 en temps et en heure ; c’est pourquoi nous avons pris, avec le Premier ministre Gabriel Attal, toutes les décisions nécessaires pour que ce texte puisse être déposé le 1er octobre et débattu par le Parlement dans les délais prévus par la Lolf. Libre au prochain gouvernement de prendre les décisions qui lui appartiennent, mais je quitterai mon ministère avec un calendrier qui pourra être respecté.
Par ailleurs, compte tenu de mon expérience et des événements de ces derniers mois, je recommande vivement le dépôt d’un projet de loi de finances rectificative afin de permettre un débat parlementaire et de garantir la perception des recettes nécessaires. Mais ce n’est que la recommandation d’un ministre des finances qui ne sera plus en fonction dans quelques jours…
M. le président Éric Coquerel. Merci, messieurs les ministres.
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Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du lundi 9 septembre 2024 à 17 heures 30
Présents. - M. Franck Allisio, M. David Amiel, Mme Christine Arrighi, M. Christian Baptiste, M. Jean-Pierre Bataille, M. Laurent Baumel, M. Karim Ben Cheikh, M. Jean-Didier Berger, M. Anthony Boulogne, M. Mickaël Bouloux, M. Philippe Brun, M. Michel Castellani, M. Eddy Casterman, M. Thomas Cazenave, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, M. Sébastien Delogu, M. Jocelyn Dessigny, M. Benjamin Dirx, Mme Stella Dupont, Mme Mathilde Feld, Mme Marina Ferrari, M. Emmanuel Fouquart, Mme Félicie Gérard, M. David Guiraud, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, Mme Constance Le Grip, M. Aurélien Le Coq, M. Mathieu Lefèvre, M. Jérôme Legavre, Mme Christine Loir, M. Philippe Lottiaux, Mme Véronique Louwagie, M. Emmanuel Mandon, Mme Claire Marais-Beuil, M. Denis Masséglia, M. Jean-Paul Mattei, M. Emmanuel Maurel, Mme Marianne Maximi, Mme Yaël Ménaché, Mme Estelle Mercier, Mme Sophie Mette, M. Jacques Oberti, Mme Sophie Pantel, Mme Christine Pirès Beaune, M. Christophe Plassard, M. Hugo Prevost, M. Nicolas Ray, M. Matthias Renault, M. Charles Rodwell, M. Alexandre Sabatou, M. Emeric Salmon, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, Mme Danielle Simonnet, M. Charles Sitzenstuhl, M. Jean-Philippe Tanguy, M. Vincent Trébuchet, M. Gérault Verny, M. Éric Woerth
Excusés. - Mme Marie-Christine Dalloz, M. Emmanuel Tjibaou
Assistaient également à la réunion. - M. Henri Alfandari, Mme Mélanie Thomin