Compte rendu

Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation

 Projet de loi de finances pour 2025 (n° 324 – seconde partie) : Audition de Mme Rachida Dati, ministre de la Culture 2

– Présences en réunion..............................45

 

 

 

 

 


Mardi
22 octobre 2024

Séance de 16 heures 45

Compte rendu n° 6

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi,
Présidente

 


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La séance est ouverte à seize heures quarante-cinq.

(Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi, présidente)

 

La commission auditionne Mme Rachida Dati, ministre de la culture, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324 – seconde partie).

Mme la présidente Fatiha Keloua-Hachi. Nous commençons l’examen du projet de loi de finances pour 2025 par l’audition de Madame Rachida Dati, ministre de la culture, et l’examen des missions Culture, Médias, livre et industries culturelles et Audiovisuel public.

Avant de vous céder la parole, Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur deux points. Concernant le pass culture, pouvez-vous nous éclairer sur la nature et le calendrier des évolutions annoncées ? Une partie de la fraction individuelle sera-t-elle consacrée aux spectacles vivants ? Envisagez-vous une modulation des montants alloués en fonction des revenus familiaux des jeunes bénéficiaires ? Une augmentation de la part collective est-elle également à l’étude ?

Ma seconde question porte sur la réduction de 10,3 millions d’euros de la dotation du fonds de soutien à l’expression radiophonique (FSER) locale. Comment justifiez-vous cette diminution, qui représente 84 % de la baisse des crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles en 2025 ? Quelles seront les répercussions sur les radios associatives ?

Je vous invite maintenant à nous présenter votre projet de budget pour 2025.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Je suis ravie de poursuivre ma mission à la tête du ministère de la culture, que je considère comme un ministère régalien et essentiel pour la cohésion de notre société fracturée. Ces derniers mois m’ont confortée dans cette conviction. Le ministère de la culture porte des enjeux fondamentaux pour la réduction des inégalités et la construction citoyenne.

Dans le contexte actuel de difficultés pour nos finances publiques, l’État se doit d’être exemplaire. Le ministère de la culture prendra sa part dans les efforts à fournir, comme il l’a déjà fait lors de la précédente réduction des dépenses. Néanmoins, en tant que ministre de la culture, je veillerai à garantir les moyens nécessaires à nos politiques culturelles, en maintenant un équilibre.

Nous avons une première bonne nouvelle, la stabilité du budget du ministère de la culture, reconduit à 4,045 milliards d’euros pour 2024. Cela témoigne de l’engagement du gouvernement et du soutien des parlementaires envers notre mission d’accessibilité de la culture pour tous. Malgré le contexte difficile, le budget demeure à son plus haut niveau historique. Je rappelle que depuis l’élection du président de la République, le budget de la culture a augmenté de plus de 1 milliard d’euros.

La deuxième bonne nouvelle concerne l’annulation des 204 millions d’euros prévus en début d’année, qui ne figurent plus dans ce projet de loi de finances (PLF). Ce texte prévoit donc une hausse des moyens du ministère de 206 millions d’euros par rapport à cette année, nous permettant de préserver l’action du ministère dans tous les secteurs.

Concernant la mission Culture, dans le secteur de la création artistique, les crédits sont intégralement préservés à hauteur de 1,04 milliard d’euros, dont 550 millions d’euros consacrés aux secteurs subventionnés en région. Comme je m’y étais engagée lors des annulations de crédits en février dernier, aucun euro n’a manqué en région. Je m’en assure personnellement lors de mes déplacements hebdomadaires dans les territoires.

L’État a tenu ses engagements et soutenu ces structures. Les crédits consacrés aux spectacles vivants, hors opérateurs nationaux, sont en hausse de 45 millions d’euros entre 2022 et 2024, dont près de 9 millions d’euros en 2024 dans le cadre du plan Mieux produire, mieux diffuser.

La philosophie de ce plan vise à répondre aux enjeux majeurs du secteur : améliorer la circulation des œuvres et inciter les collectivités à accroître leur participation financière. Le bilan de la première année s’avère très positif, avec 9 millions d’euros du ministère de la culture ayant entraîné une participation des collectivités territoriales de 12,5 millions d’euros, permettant la concrétisation de nombreux projets vertueux.

Nous poursuivrons cet effort collectif en optimisant la production par des mutualisations et en améliorant la diffusion, notamment via des séries plus longues pour consolider certains modèles économiques du spectacle vivant. Nous renforçons notre collaboration avec les élus locaux et les parlementaires, notamment à travers les contrats de territoire pour la création artistique. J’ambitionne d’étendre ce dispositif au-delà du spectacle vivant, comme l’illustre l’accord signé en Charente-Maritime.

Ces dernières années, l’État a assumé seul l’augmentation continue des soutiens. Dans un contexte difficile, je préserve le budget dédié à la création artistique, mais cela ne suffira pas. Il est impératif de convaincre les collectivités de maintenir leur engagement et d’inciter le secteur à explorer de nouveaux leviers, tels que la politique tarifaire. Bien que je sois attachée à des tarifs très bas pour certains publics, cela étant un pilier de la démocratie culturelle, nous devons mener une réflexion globale sur le modèle économique du spectacle vivant pour assurer sa pérennité.

Les moyens alloués aux festivals sont reconduits en 2025, avec un total de 32 millions d’euros. Je suis disposée à aborder ce sujet plus en détail, notamment avec Monsieur Balanant, pour qui je sais que c’est une préoccupation majeure.

Concernant la démocratisation culturelle et l’accès aux métiers de la culture, ces priorités restent au cœur de mon action. Je reconnais une baisse de 17 millions d’euros du budget dédié à la démocratisation culturelle, principalement sur le soutien à l’éducation artistique et culturelle. Cependant, il convient d’analyser cette baisse en tenant compte du pass culture et de sa part collective, dont la mise en œuvre rencontre des obstacles, notamment de mobilité. Malgré les contraintes budgétaires, je reste déterminée à préserver ce dispositif essentiel.

Quant à la réforme du pass culture, j’avais pressenti que sa part individuelle favorisait la reproduction sociale. En effet, son utilisation nécessitait une certaine familiarité avec les structures culturelles. L’objectif du pass culture doit être de faciliter l’accès à la culture pour les personnes les plus éloignées, que ce soit en milieu rural ou dans les quartiers prioritaires de la ville. Les chiffres sont éloquents : en zone rurale, la mobilité constitue un obstacle majeur, tandis que dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, notamment en région PACA et en Île-de-France, la part individuelle reste faiblement mobilisée malgré une offre culturelle dense, suggérant que la mobilité n’est pas le seul facteur en jeu. Je m’engage à réformer en profondeur la part individuelle du pass culture, qui ne doit plus être un simple instrument de consommation culturelle ou de reproduction sociale. Dès ma prise de fonction en janvier dernier, j’ai lancé un plan ruralité financé à hauteur de 34 millions d’euros, répartis entre cette fin d’année et l’année prochaine, dont une grande partie provient du plan France 2030. La ruralité a trop longtemps été négligée dans nos politiques culturelles. Lorsqu’on évoquait l’accès à la culture ou la démocratie culturelle, on se concentrait sur les quartiers populaires, oubliant les 22 millions de nos compatriotes vivant en zone rurale. Le plan que j’ai élaboré suite à une large consultation répond à plusieurs problématiques : la diffusion du spectacle vivant dans les zones sous-équipées, l’accompagnement des élus pour la préservation et l’utilisation du patrimoine, le renforcement de l’action nationale de nos établissements publics et l’adaptation des horaires d’ouverture, notamment des petites médiathèques. Ce plan se traduit par un budget de 14 millions d’euros pour 2025, s’ajoutant aux 20 millions mobilisables dès cette année.

Le patrimoine demeure une priorité claire de ce budget, avec une légère augmentation de 7 millions d’euros, portant l’enveloppe à plus de 1,2 milliard d’euros. Nous poursuivons ainsi les grands chantiers engagés, notamment pour des raisons de sécurité et de mise aux normes. Je citerai la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul à Nantes (6 millions d’euros), l’extension du site des Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine (17,7 millions d’euros) et la restauration du Centre Pompidou (29 millions d’euros dès l’an prochain). Nous lançons également des projets importants pour la revitalisation de nos territoires, tels que la reconversion de l’ancienne abbaye-prison de Clairvaux (14,3 millions d’euros) et la valorisation du château de Gaillon en Normandie (4,3 millions d’euros). Le projet de Clairvaux est particulièrement urgent, car l’inaction nous coûte 3 millions d’euros par an en frais de sécurisation.

Néanmoins, le budget alloué à la restauration des monuments historiques connaît une légère baisse. Les besoins de notre patrimoine dépassent notre dotation budgétaire, malgré sa stabilisation à un niveau historique. Nous faisons face à un mur d’investissement, aggravé par l’inflation. Les besoins dans les territoires sont insuffisamment couverts, comme j’ai pu le constater lors du lancement du plan ruralité et de mes déplacements.

En résumé, le point noir que j’identifie dans la mission Culture concerne le patrimoine. Malgré un budget à son plus haut niveau historique, nous ne sommes pas en mesure de répondre à une situation exceptionnelle qui nécessiterait une mesure véritablement exceptionnelle. Le patrimoine reste un élément fort de cohésion pour tous, transcendant les jugements individuels.

J’ai fait du patrimoine une priorité, tant dans les projets à réaliser que dans les investissements et le fonctionnement. Car si investir est important, le fonctionnement l’est davantage. La question du patrimoine en France concerne principalement les usages. Trop longtemps, nous avons restauré et protégé sans considérer l’utilisation, ce qui nous contraignait à refinancer lors de dégradations ou de catastrophes. Je souhaite donc que nous élaborions ensemble une nouvelle politique patrimoniale.

Concernant la mission Média, livre et industries culturelles, je poursuivrai l’accompagnement des acteurs de ce secteur en pleine mutation. Les industries culturelles affrontent en première ligne les grandes mutations numériques, et nos politiques soutiennent la diversité et le renouvellement de la création.

Pour le cinéma, l’efficacité de nos modalités de soutien est reconnue, comme en témoigne l’absence de plafonnement des taxes du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), qui conservera l’intégralité de ses moyens opérationnels, soit 780 millions d’euros en 2025. En janvier, la pérennité de ce modèle de financement n’était pas assurée. Ce budget, entièrement alimenté par une surfiscalité prélevée sur les entreprises du secteur, a bénéficié ces dernières années des contributions des plateformes américaines. Cela permettra de financer les mesures en faveur de la diffusion, comme je l’ai annoncé récemment à Lyon. Le CNC ne se limitera plus à la production, mais s’engagera désormais dans la diffusion, une mission que j’ai évoquée lors du festival de Cannes et qui a déjà débuté.

Je me réjouis que ce texte préserve les différents crédits d’impôt pour le cinéma, l’audiovisuel, les tournages internationaux et les jeux vidéo. Malgré les débats sur les crédits d’impôt et les niches fiscales, ce secteur génère plus de revenus qu’il n’en coûte : 6 à 7 euros d’activité en France pour 1 euro de dépenses fiscales. C’est un secteur d’attractivité, un vivier d’emplois, un pilier culturel important pour la France, mais aussi une véritable industrie.

Nous recherchons également une plus grande cohérence dans nos politiques. Nous ne pouvons pas investir 300 millions d’euros de France 2030 dans nos studios, comme à Coulommiers, sans soutenir la production locale. Je vous rappelle que le film d’Audiard, Emilia Pérez, qui semble tourné en Amérique du Sud, a été intégralement réalisé dans les studios à Bry-sur-Marne. Nous investissons également dans nos écoles, comme la CinéFabrique à Marseille et à Lyon, pour éviter la délocalisation des tournages.

Concernant la presse et les médias, l’État maintient son soutien de 365,7 millions d’euros et préserve les crédits de 26 millions d’euros alloués au pluralisme, ainsi que le fonds de soutien aux médias d’information sociale de proximité. Le fonds de soutien à l’expression radiophonique locale subit une baisse de 10 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale de 2024. J’ai rencontré les représentants du secteur et je me suis engagée à trouver des solutions. Ces radios locales associatives sont essentielles car, dans certaines régions, elles constituent presque le seul accès à la culture. Nous y sommes tous très attachés et je pense que nous trouverons une solution ensemble.

Quant à l’audiovisuel public, je regrette l’interruption de la réforme de sa gouvernance, car les raisons qui la motivaient demeurent. Je vous le dis clairement, le statu quo n’est pas envisageable pour l’audiovisuel public, indépendamment de nos différences politiques ou idéologiques.

Je suis profondément attaché à l’audiovisuel public. J’ai toujours affirmé, même avant d’être ministre de la culture, que pour une partie de nos compatriotes, il représente le premier accès à la formation, à la culture, à la liberté, à l’émancipation, voire à la cohésion. Cependant, ce secteur ne se réforme pas. Je dois vous avertir qu’il risque de s’affaiblir, voire de disparaître. Je pense que nous pourrions avancer sur cette réforme de la gouvernance de manière concertée.

Dans le projet de loi de finances 2025, le financement de l’audiovisuel public est prévu par le biais du budget général. Une proposition de loi organique sera examinée demain au Sénat pour sanctuariser l’affectation d’un montant de TVA au financement de l’audiovisuel public. L’enjeu consiste à garantir la pérennité et la prévisibilité du financement du secteur, tout en encourageant sa réforme.

Concernant le budget de l’audiovisuel public, il est maintenu au niveau de 2024, malgré certaines affirmations contraires. Il apparaîtra en retrait par rapport à la trajectoire des contrats d’objectifs et de moyens, avec un écart d’environ 80 millions d’euros. Cette différence s’explique notamment par les 50 millions de crédits de transformation, destinés à favoriser les coopérations et à amorcer la réforme de la gouvernance. Le report de la réforme entraîne logiquement un décalage des crédits associés. Il convient de remettre tout cela en cohérence.

Abordons maintenant la question du patrimoine, qui suscite de réelles préoccupations. Nous préservons l’essentiel dans ce projet de budget, atteignant même un niveau historiquement élevé. La lettre-plafond que j’avais reçue cet été était difficilement défendable, mais nous avons démontré la nécessité de sauvegarder cette mission culturelle.

Nous sommes conscients que la légère augmentation de 7 millions d’euros des crédits patrimoine ne permet pas de répondre pleinement à nos ambitions et aux attentes des Français. Le patrimoine n’a jamais été autant plébiscité, comme en témoigne l’affluence croissante aux journées du patrimoine. Pourtant, nous le laissons se dégrader en partie, agissant souvent dans l’urgence, comme l’illustrent les fonds débloqués par le président de la République pour le plan incendie ou le plan de mise aux normes, dont Notre-Dame est l’exemple le plus emblématique.

L’année prochaine concentre de nombreux enjeux. La concertation sur la ruralité a révélé que le patrimoine de proximité constituait souvent le seul équipement culturel local, insuffisamment entretenu ou exploité. Ce constat rejoint les conclusions de la mission Bern, qui a mis en lumière la dégradation de certains joyaux de notre patrimoine faute de financements dans les schémas classiques.

Nous souhaitons que 2025 soit l’année d’une prise de conscience et d’une mobilisation exceptionnelle autour du patrimoine, avec une attention particulière portée à la ruralité. Je tiens à ce que nos actions bénéficient aux 22 millions de nos compatriotes vivant dans ces territoires. Le Premier ministre partage ce constat et, avec son accord, j’ai convaincu le ministre du budget de faire un geste exceptionnel pour le patrimoine l’an prochain. Cette mesure sera annoncée dans le cadre du débat parlementaire par un amendement du Gouvernement, pour lequel je solliciterai votre soutien.

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Mme la présidente Fatiha Keloua-Hachi. Madame la ministre vient d’éveiller notre curiosité. Nous en venons à la discussion générale sur les crédits de la mission Culture. Je vais à présent donner la parole aux rapporteurs pour avis, en commençant par celui qui est en charge des programmes Création, transmission des savoirs et démocratisation de la culture.

M. Erwan Balanant, rapporteur pour avis de la mission Culture (Création, transmission des savoirs et démocratisation de la culture). Les crédits consacrés à la création artistique, à la transmission des savoirs et à la démocratisation culturelle ainsi qu’aux fonctions de soutien du ministère de la culture connaissent une hausse, ce dont je me félicite dans le contexte budgétaire actuel. Les trois programmes concernés par mon avis bénéficient d’une légère augmentation par rapport à la loi de finances pour 2024, avec une progression de 3,2 % des autorisations d’engagement et de 0,25 % des crédits de paiement. Ces montants répondent aux défis auxquels font face les différents secteurs culturels depuis 2017. L’État tient ses engagements, avec une augmentation de plus de 1 milliard d’euros pour le ministère de la culture depuis 2017, tant pour soutenir le spectacle vivant et les artistes que pour assurer sa mission de démocratisation culturelle.

Cette hausse s’inscrit néanmoins dans un contexte d’inflation persistante, particulièrement marquée dans le domaine du spectacle vivant. Les augmentations de crédits prévues pour cet exercice budgétaire seront partiellement absorbées par la hausse des prix.

Le programme Création s’élève à plus de 1 milliard d’euros, soit une progression de 3,24 % par rapport à 2024. Il vise à soutenir le spectacle vivant, les arts visuels et les professions artistiques. Cette augmentation est bienvenue face à la crise que traverse le milieu culturel. Le programme financera notamment trois mesures du nouveau plan Culture et ruralité à hauteur de 4,6 millions d’euros. Cependant, l’accès à la culture en zone rurale nécessite également un plan de soutien à la création pour accompagner les compagnies et les auteurs dans cette transformation. L’évolution des attentes du public appelle à réfléchir au développement de dispositifs de médiation adaptés.

Les mesures engagées l’an dernier sont reconduites le plan Mieux produire, mieux diffuser (9 millions d’euros) et le plan de soutien aux métiers d’art (3 millions d’euros). Les festivals bénéficieront de plus de 32 millions d’euros, un soutien attendu alors que la filière traverse une crise profonde de son modèle économique.

Concernant le soutien à l’emploi et aux artistes-auteurs, 72 millions d’euros seront déployés, dont 39 millions pour le fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps). Les grands projets d’investissement mobiliseront 79 millions d’euros pour poursuivre les travaux de rénovation et créer un établissement public consacré aux métiers d’art au 1er janvier 2025.

Le programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture verra ses crédits s’élever à 857 millions d’euros en autorisations d’engagement, soit une hausse de 3,4 % par rapport à 2024. Les efforts envers l’enseignement supérieur culturel sont maintenus, ce qui est essentiel au vu des difficultés rencontrées par les écoles nationales supérieures d’architecture et les écoles supérieures d’art territoriales. Il convient de poursuivre les concertations et de mettre en œuvre les préconisations du rapport Oudart de 2023 pour pérenniser ces établissements.

L’engagement en faveur de l’objectif 100 % éducation artistique et culturelle (EAC) est maintenu, avec une augmentation des crédits en faveur de l’éducation artistique et culturelle à l’école et hors temps scolaires. Le plan d’éducation aux médias et à l’information est reconduit, tout comme les actions en faveur de la formation.

La majeure partie des crédits du programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture finance le volet individuel du pass culture, renouvelé à hauteur de 210 millions d’euros pour 2025. Ce dispositif connaît une appropriation croissante par les jeunes. Une réforme prochaine du pass culture a été annoncée, visant à encourager davantage la fréquentation du spectacle vivant. Je soutiens l’idée de réserver une partie des crédits à ce secteur, tout en insistant sur l’importance de maintenir l’universalité du dispositif, clé de sa réussite.

Enfin, je déplore la baisse des crédits alloués à la recherche, qui envoie un signal négatif. La recherche contribue à la vitalité de la création en développant de nouveaux procédés et matières. Le patrimoine revêt une importance capitale, comme vous l’avez souligné, Madame la ministre. La création actuelle constituera le patrimoine de demain, et nous devons la préserver avec soin.

Les crédits du programme de soutien à la politique du ministère s’élèveraient à 871 millions d’euros en autorisations d’engagement et 869 millions d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 3 % par rapport à 2024. Ces crédits couvrent l’action internationale du ministère et ses fonctions support. Le plafond d’emploi du ministère demeurerait stable pour 2025, avec une légère baisse de deux équivalents temps plein.

Pour le volet thématique de cet avis budgétaire, j’ai choisi d’analyser les enjeux liés à la situation du spectacle vivant face aux contraintes économiques post-crise sanitaire. Bien que célébré lors des cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, le secteur du spectacle vivant, tant privé que public, traverse une période délicate. Les festivals, en particulier, connaissent une véritable crise de leur modèle économique, qui devra probablement être repensé pour garantir la pérennité de la filière.

Les Jeux olympiques et paralympiques ont offert une vitrine exceptionnelle au modèle français de création artistique. J’ose affirmer que la France peut être considérée comme l’une des premières puissances culturelles mondiales, voire la première. Ce succès repose sur l’existence d’une filière structurée qui a produit de véritables prodiges, à l’instar de Thomas Jolly. Par exemple, trois compagnies de danse étaient présentes lors de la cérémonie d’ouverture, et de nombreux intermittents du spectacle ont participé aux festivités. L’Olympiade culturelle a également mis en lumière la création française, avec de nombreux projets fleurissant sur tout le territoire, jusque sur la colonnade de notre Assemblée.

L’année 2024, et plus particulièrement les deux années précédentes, a été éprouvante pour le secteur. Si l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques, anticipée par les acteurs de la filière, a eu moins de répercussions que prévu — à l’exception notable du Festival d’Avignon qui a rencontré de réels problèmes dus aux changements de dates —, la dissolution de l’Assemblée nationale et l’organisation des élections législatives ont constitué un facteur de perturbation majeur pour le spectacle vivant. Une grande partie des organisations auditionnées ont signalé une baisse importante de fréquentation pendant cette période, se répercutant naturellement sur leurs recettes.

À ces difficultés temporaires s’ajoutent des problèmes structurels qui méritent notre attention. Les acteurs du spectacle vivant souffrent toujours de l’augmentation des coûts de l’énergie, des matières premières, des contrats de cession et des charges salariales, consécutive à des revalorisations de salaires nécessaires et attendues. Bien que ces revalorisations soient positives, ces coûts ne peuvent pas toujours être répercutés sur le prix des billets. Les festivals pâtissent davantage de cette inflation en raison de la structure de leur modèle, leur activité étant concentrée sur quelques jours.

Les directeurs de festivals rencontrés font état d’un changement préoccupant dans les comportements des consommateurs. Les jeunes délaissent progressivement les festivals au profit d’expériences immersives proposées dans de grandes salles autour d’un seul artiste. La concurrence de ces espaces fait craindre une concentration de la création artistique et un déclin des festivals. Une telle évolution limiterait l’émergence de nouveaux talents et le brassage des populations, pourtant essentiels à la vitalité de l’écosystème culturel français.

Une mutation du modèle des festivals pourrait être envisagée. Une moindre concentration sur la période estivale permettrait de proposer une offre culturelle tout au long de l’année. De plus, développer une politique d’aller-vers serait l’occasion de se rapprocher des publics les plus éloignés ou les plus sensibles à la concurrence des arenas.

Le spectacle vivant doit également faire face au défi du changement climatique. Les événements en plein air sont directement affectés par l’intensification des aléas météorologiques qui dissuadent parfois le public. La filière doit aussi participer à la réduction de son empreinte carbone et amorcer une mutation de ses pratiques.

Une réflexion peut être engagée concernant certains dispositifs fiscaux et de financement relatifs au spectacle vivant, notamment l’allongement à trois ans de la temporalité des campagnes d’appels à projets, l’extension au champ chorégraphique du crédit d’impôt pour le spectacle vivant, l’évolution des taxes sur la billetterie perçues par l’Association pour le soutien du théâtre privé (ASTP) et le Centre national de la musique (CNM). Ces avancées, réclamées par le secteur, garantiraient une meilleure visibilité pour les structures et une plus grande acceptabilité de ces dispositifs.

En conclusion, ce budget répond aux enjeux auxquels le monde de la culture a été confronté dans un contexte de tensions budgétaires accrues. Sous réserve des amendements qui pourraient être adoptés, je donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Culture.

Mme la présidente Fatiha Keloua-Hachi. Nous allons à présent aborder le programme Patrimoines.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur pour avis de la mission Culture (Patrimoines). Je tiens à souligner l’importance capitale de notre patrimoine, façonné au fil des siècles et constituant notre héritage commun le plus précieux. Notre patrimoine a toujours été un point de ralliement pour les Français, particulièrement dans les moments où ils ressentent le besoin de renouer avec leur unité et leur destin commun. Face aux divisions qui traversent notre société, je suis persuadé que notre patrimoine demeure un élément essentiel pour forger notre identité nationale. Il est donc impératif de le préserver et de le valoriser, car une nation qui néglige son patrimoine risque de perdre son essence même.

Je salue votre initiative, Madame la ministre, de faire de 2025 l’année du patrimoine. Ce projet permettra de rassembler les Français autour d’une ambition fédératrice et universelle. Il s’agit notamment de redonner leur fierté aux habitants des territoires ruraux, luttant ainsi contre le sentiment d’abandon. En effet, une église en péril ou un monument qui se dégrade contribue au sentiment de relégation d’une France périphérique. De plus, cette initiative contribuera à la vitalité économique de nos territoires en préservant les 231 métiers d’art et du patrimoine, sources d’emplois non délocalisables. Il faut rappeler que chaque euro investi dans la restauration patrimoniale génère jusqu’à 21 euros de retombées économiques. Restaurer un lieu patrimonial permet d’employer de la main-d’œuvre locale, de développer des filières professionnelles et préserver nos savoir-faire.

Cette ambition patrimoniale vise également à renforcer le rayonnement et l’attractivité touristique de la France. Elle offre aussi aux jeunes Français des lieux séculaires où ils peuvent appréhender le temps long, ressentir physiquement l’histoire de notre pays, et s’éloigner momentanément du monde virtuel, les torrents d’informations, pour faire l’expérience concrète d’une identité et d’une histoire communes.

J’évoque avec émotion la renaissance de la cathédrale Notre-Dame de Paris, à laquelle j’ai eu l’honneur de participer sous l’autorité du regretté général Jean-Louis Georgelin. Je rends hommage au travail exceptionnel des centaines d’artisans d’art venus de tout le pays. Le 8 décembre, lorsque les Français et le monde entier redécouvriront la cathédrale et entendront le grand orgue, nous pourrons être fiers d’avoir relevé ce défi colossal, conformément à l’engagement du président de la République.

Je note cependant qu’aucune ligne budgétaire n’est prévue pour le musée de Notre‑Dame de Paris, et j’aimerais entendre votre avis sur ce point, Madame la ministre.

Concernant le budget, je tiens à souligner que, malgré le contexte actuel, le budget patrimoine pour l’année à venir est satisfaisant. Les principales opérations engagées sont maintenues et la contribution du patrimoine au redressement des finances publiques reste limitée. Je salue votre engagement en faveur du patrimoine, notamment rural, local et religieux.

Pour la cinquième année consécutive, les crédits de paiement du programme Patrimoines dépasseront à 1 milliard d’euros, un effort historique de la nation que nous devons tous reconnaître. En 2017, ces crédits s’élevaient à moins de 900 millions d’euros. Huit ans plus tard, nous atteignons 1,2 milliard d’euros, soit une augmentation de 300 millions d’euros. Je plaide donc pour l’adoption de ce budget et le vote des crédits du programme Patrimoines.

Pour 2025, les crédits proposés sur le programme 175 s’élèvent à 1,138 milliard d’euros en autorisations d’engagement et à 1,2 milliard d’euros en crédits de paiement. La baisse des autorisations d’engagement était largement anticipée.

Les travaux sur le centre Pompidou et le projet d’extension des Archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine, initialement prévus dans le budget 2024, ne seront pas reconduits en 2025, entraînant une baisse d’environ 40 millions d’euros. Nous attendons avec intérêt l’amendement gouvernemental évoqué par Madame la ministre, que nous serons nombreux à soutenir.

Je souhaite à présent dresser un bilan du fonds incitatif pour le patrimoine (FIP), auquel j’ai consacré la partie thématique de mon avis budgétaire. Créé en 2018 par Françoise Nyssen, ce fonds vise à soutenir la restauration du patrimoine protégé dans les petites communes à faibles ressources, celles de moins de 2 000 habitants en métropole et de moins de 20 000 habitants en outre-mer. Ce dispositif répond à un constat partagé, les petites communes, qui possèdent un patrimoine protégé conséquent, manquent souvent de moyens financiers et d’ingénierie pour l’entretenir et le restaurer.

Rappelons qu’au 1er janvier 2023, 85 % des communes françaises comptaient moins de 2 000 habitants. Selon l’état sanitaire de 2018, près de la moitié des monuments historiques protégés se trouvaient dans ces petites communes. Ce patrimoine se compose principalement d’églises et, plus rarement, d’édifices non religieux.

Le FIP cible ces différents bâtiments et monuments, particulièrement ceux dont l’état est dégradé. Il s’adresse tant aux propriétaires publics que privés et repose sur un partenariat. L’État n’intervient que si la région finance au moins 15 % du chantier (5 % en outre-mer).

Six ans après sa création, le bilan du FIP s’avère très positif. Pendant six ans, 843 chantiers ont été engagés, dont un peu plus de la moitié concernant des monuments historiques classés, le reste portant sur des monuments inscrits. Les bénéficiaires sont majoritairement des propriétaires publics. Au-delà des chiffres, je tiens à souligner l’adhésion rapide des régions et des collectivités locales à ce dispositif.

Financièrement, le fonds a progressivement augmenté, passant de 15 millions d’euros à l’origine à 20 millions actuellement. Je propose un amendement pour le porter à 22 millions d’euros, afin de renforcer le soutien au patrimoine rural de nos petites communes. La consommation des crédits est satisfaisante depuis 2018, 95 millions d’euros en autorisations d’engagement et 57 millions d’euros en crédits de paiement ont été dépensés.

Malgré ce bilan favorable, trois difficultés persistent. Premièrement, la répartition géographique des interventions est inégale, avec peu de crédits alloués aux outre-mer, au Centre-Val de Loire et à la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Deuxièmement, un enjeu de communication subsiste car de nombreux maires ne connaissent pas ce dispositif. Il serait souhaitable que les directions régionales des affaires culturelles (Drac) intensifient leur communication auprès des élus locaux. Enfin, le périmètre du fonds n’inclut pas le mobilier classé. Or, lors de la rénovation d’une église, il serait pertinent de restaurer également le mobilier, pas uniquement la toiture ou les murs. J’estime que l’élargissement du périmètre du fonds au mobilier du patrimoine immobilier serait essentiel.

En conclusion, ce fonds mérite d’être salué et renforcé dans les années à venir.

Mme la présidente Fatiha Keloua-Hachi. Nous passons à présent au rapporteur spécial des crédits du programme Patrimoines.

M. Philippe Lottiaux, rapporteur spécial de la mission Culture (Patrimoines). En tant que rapporteur spécial pour la Commission des finances sur le patrimoine, je souhaite vous présenter quelques observations et analyses budgétaires concernant les crédits proposés dans le cadre du PLF 2025. Nous constatons une continuité par rapport à 2024 en matière de crédits de paiement, ce qui mérite d’être salué compte tenu du contexte actuel. Ces crédits augmentent de 7 millions pour atteindre 1 201 millions d’euros. Cependant, on observe une forte baisse des autorisations d’engagement à 1 138 millions d’euros contre 1 479 en 2024, soit une diminution de 23,1 %. Cette baisse s’explique principalement par l’inscription des crédits liés au schéma directeur technique du Centre Pompidou en 2024. Toutefois, cela pose un problème pour les travaux prévus à Versailles cette année sur les appartements du Roi et la Galerie des Glaces qui ne peuvent être interrompus.

Ce programme inclut également treize dépenses fiscales estimées à hauteur de 326 millions d’euros, soit une augmentation de plus de 34 millions par rapport à l’année précédente. Étant donné leur importance stratégique, certaines mériteraient parfois d’être mieux évaluées ou ajustées afin d’améliorer leur efficacité.

Les crédits alloués pour l’année prochaine comportent plusieurs éléments satisfaisants. Les grandes dotations sont maintenues permettant ainsi la réalisation de projets importants tels que le lancement des travaux au Centre Pompidou et aux Archives nationales Pierrefitte-sur-Seine, la restauration du château Gaillon, la rénovation de la cathédrale de Nantes, la réhabilitation des tours de La Rochelle, le début des opérations de Clairvaux. On note aussi le maintien de 12 millions d’euros destinés à l’important programme de sécurité des cathédrales appartenant à l’État.

Cependant, certains points nécessitent une attention particulière du point de vue de l’impact budgétaire. Un volume futur très lourd de crédits de paiement, souligné par la Cour des comptes, pour mener en parallèle plusieurs grands projets est attendu. Aujourd’hui, nous avons 1 043 millions d’euros de reste à payer sur des opérations engagées. Ensuite, plusieurs projets doivent être suivis de près, dont l’inscription d’attribution d’engagements suffisante pour mener à bien les travaux du château Versailles, la maîtrise des coûts du schéma directeur technique du Centre Pompidou, mais aussi la bonne réalisation du schéma directeur culturel pour lequel le centre doit trouver environ 200 millions d’euros de ressources propres. Des efforts importants sont faits dans ce domaine via les coopérations internationales qu’il faut saluer mais tout n’est pas encore bouclé.

Troisièmement, le devenir de l’appel à manifestation d’intérêts pour Clairvaux, pour lequel 14 millions d’euros sont inscrits cette année, est une opération très complexe et potentiellement coûteuse. Quatrièmement, l’aboutissement de la seconde phase privée de Villers-Cotterêts et, plus globalement, l’équilibre futur de fonctionnement du site. À ceci s’ajoutent plusieurs problèmes structurels et notamment le trop faible montant des crédits d’entretien du centre des monuments nationaux qui ne lui permet pas de réaliser les interventions nécessaires sur ces 110 monuments, ce qui conduit parfois l’État à devoir mener en urgence des opérations d’investissement lourde, comme cette année pour les tours de la Rochelle. Doit aussi être mentionné le déficit structurel de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), qui ne peut pas faire face à toutes les prescriptions de diagnostic : il faudra soit le combler par des moyens budgétaires, soit revoir à la baisse le nombre des prescriptions.

Enfin, les besoins non satisfaits d’entretien du patrimoine local, notamment religieux et rural. Le fait est que nombre de monuments sont en péril ou en mauvais état et ces crédits sont aujourd’hui limités, généralement sous-exécutés, notamment en raison d’un manque d’architectes des bâtiments de France dans les Drac. En tout cas, notre groupe attendra évidemment l’amendement en sa faveur, que nous devrions soutenir. On peut enfin regretter que le programme Sécurité cathédrale ne soit pas étendu aux anciennes cathédrales n’appartenant pas à l’État. En conclusion, l’État ne peut pas tout, comme on dit parfois, et il convient également d’inciter et de soutenir les financements par d’autres biais.

Plusieurs pistes apparaissent intéressantes à ce titre, comme le soutien des agences d’ingénierie départementales qui peuvent utilement accompagner les petites communes, la possibilité pour les collectivités d’augmenter légèrement la taxe de séjour pour réaliser des travaux patrimoniaux ou encore le renforcement de certains dispositifs fiscaux en faveur des propriétaires privés de monuments historiques. Compte tenu de ces éléments, notre groupe ne s’opposera pas à ce budget.

Mme la présidente Fatiha Keloua-Hachi. Nous allons maintenant écouter les interventions des orateurs de groupe, chacun disposant de deux minutes. La ministre répondra ensuite de manière globale à l’ensemble des interrogations.

Mme Caroline Parmentier (RN). Partout dans le monde, on reconnaît l’existence d’une culture française et on apprécie la France pour celle-ci. Notre engagement au Rassemblement national vise à promouvoir un projet enraciné, celui d’une France resplendissante, fière de son passé et de ses origines, avec une vision pour l’avenir.

Cependant, dans le contexte du désastre économique sans précédent du gouvernement actuel, le maintien des crédits du ministère de la culture à 4 milliards d’euros, sans compter les 4 milliards supplémentaires pour l’audiovisuel public, est difficilement justifiable. La France traverse une crise financière majeure et le nouveau budget s’apprête à ponctionner davantage les Français.

Les rares économies réalisées dans le budget de la culture ne semblent pas toujours judicieuses. Comment justifier, par exemple, la réduction de 30 % du fonds de soutien aux radios associatives, générant une économie de seulement 10 millions d’euros en diminuant d’un tiers leur soutien financier ? Cette mesure menace 770 radios libres et 800 emplois.

Nous proposons, par le biais de nos amendements, la privatisation de France Télévisions et de Radio France. Notre objectif est de restituer plus de 4 milliards d’euros aux Français et nous avons identifié 300 millions d’euros d’économies supplémentaires. Certaines lignes budgétaires peuvent être réduites, notamment certaines dépenses de fonctionnement, comme le proposent nos amendements.

Le Rassemblement national accordera une attention particulière aux réponses apportées à chacun de ces amendements, afin que les salariés français ne soient pas les seuls à subir les conséquences des erreurs de ceux qui nous gouvernent si mal depuis sept ans.

Mme Graziella Melchior (EPR). Dans un contexte exigeant des économies budgétaires, il s’avérait primordial de préserver la culture. Cette légère augmentation budgétaire s’inscrit dans la continuité de vos engagements depuis votre prise de fonction, visant à promouvoir la culture pour tous et dans tous les territoires, à protéger notre patrimoine et à soutenir la création.

Au nom de mon groupe, je souhaite aborder deux points. Premièrement, le plan ruralité que vous avez lancé cet été pour renforcer la présence culturelle dans nos régions. Ce programme de 23 mesures soutiendra notamment les festivals, le déploiement des artothèques et la réhabilitation de nos musées ruraux. Il accompagnera également les communes dans le recrutement et la rémunération d’artistes locaux ou l’installation de résidences.

Cependant, nous nous inquiétons, avec d’autres collègues de notre groupe, de la réduction de 30 % des fonds alloués au soutien des radios locales, telles que Radio Pays de Léon et Armorique FM dans ma circonscription. Cette décision semble contradictoire avec l’une des mesures du plan visant à renforcer ces médias. Ma collègue Julie Delpech a déposé un amendement, que j’ai cosigné, pour revenir sur cette décision que nous estimons préjudiciable. Nous sommes convaincus de la nécessité de soutenir ces médias et ces journalistes qui s’efforcent de fournir une information au plus près des attentes et réalités de nos concitoyens. Quelle est votre position à ce sujet ?

Enfin, je souhaite évoquer le pass culture, un véritable succès qui contribue significativement à la démocratisation culturelle, particulièrement importante pour nos départements, notamment le Finistère, territoire d’expérimentation. Depuis son lancement, 84 % des plus de 18 ans se le sont approprié. Néanmoins, nous constatons des disparités régionales avec une utilisation moindre dans les zones rurales et pour certaines pratiques, dont le spectacle vivant. Comment envisagez-vous de faire évoluer ce dispositif, notamment en lien avec les annonces faites dans le cadre du plan ruralité ?

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Madame la ministre, je ne saurais me réjouir d’un budget dont la hausse de 0,36 % ne compense ni l’inflation, ni les effets d’une baisse de 5 milliards d’euros pour les collectivités, et qui demeure insuffisant pour le service public de la culture. Pourtant, avec les 60 milliards d’euros que nous avons fait rentrer dans les caisses en commission des finances, un budget bien plus ambitieux serait envisageable.

Nous avons besoin d’un vaste plan de refinancement pour répondre à la crise de la création, particulièrement dans le spectacle vivant. Au lieu de cela, nous avons subi un coup de rabot de 96 millions d’euros en février, accentuant un plan social à bas bruit, des renoncements de programmation et des incitations à la hausse des tarifs que nous observons ces dernières années.

Une politique globale du patrimoine s’impose, qui ne se cantonne pas à quelques grands chantiers versaillais en négligeant l’archéologie préventive et le patrimoine local. Nous devons assurer l’avenir plutôt que de laisser fermer des écoles d’art et de précariser les intermittents et les artistes-auteurs, au risque d’un tri social.

Par-dessus tout, nous avons besoin d’un budget au service d’une véritable politique culturelle. Malgré les critiques unanimes et vos propres réserves, Madame la ministre, vous persistez dans l’impasse du pass culture. Certes, vous nous présentez une réforme improvisée, sans consultation préalable, mais c’est pour mieux pérenniser ce dispositif conçu par Emmanuel Macron qui absorbe encore cette année 210 millions d’euros.

Un chèque, même partiellement collectif, une plateforme, même éditorialisée, une start-up, même gérée par d’anciens hauts fonctionnaires reconvertis qui s’enrichissent, ne constitueront jamais une politique culturelle. Cette logique marchande qui réduit l’œuvre à un contenu consommable produit des effets visibles. Ce sont les jeunes les plus aisés et les industries culturelles déjà florissantes qui en bénéficient le plus.

La part collective du pass ne remplacera jamais l’éducation artistique et culturelle ni les médiations constamment sacrifiées. Sachant que les sommes des années précédentes n’ont pas été dépensées, vous auriez pu réaffecter le budget annuel du pass et les salaires qui servent à le faire fonctionner vers des postes de médiateurs, des maisons de la jeunesse et de la culture, des associations d’éducation populaire, ou vers la création elle-même, sans laquelle il n’y a plus rien à transmettre.

Le groupe des Insoumis démontrera par ses amendements qu’un autre budget est possible.

Mme Céline Hervieu (SOC). Je souhaite exprimer mon accord avec l’intervention précédente concernant les réductions budgétaires. Nous constatons une diminution des crédits alloués à la transmission des savoirs, au soutien à la création et au patrimoine. Contrairement à vos affirmations, Madame la ministre, ce budget n’est pas stabilisé. Il s’agit en réalité d’un budget d’austérité, en baisse significative de près de 6 %.

Vous affirmez votre attachement à la démocratisation de la culture mais, nous, socialistes, ne comprenons pas la réduction de 4,6 millions d’euros pour l’éducation artistique et culturelle. Les indicateurs montrent déjà un recul du nombre de jeunes qui en bénéficieront en 2025, ainsi qu’une diminution de deux points de l’effort dirigé vers les territoires prioritaires. Si cet engagement vous tient réellement à cœur, il est urgent d’agir.

Comme l’a souligné ma collègue, le pass culture est pratiquement le seul budget maintenu. Cependant, ce dispositif soulève de nombreuses questions. Pour en bénéficier et l’utiliser, l’accès aux lieux culturels est indispensable. En réalité, le pass culture ne profite pas aux jeunes des quartiers prioritaires de la politique de la ville, ni à ceux vivant en milieu rural, éloignés des structures et des pratiques culturelles. Il ne favorise aucunement la diversité culturelle et son utilisation par les jeunes décroît. Pourquoi sanctuariser des budgets inefficaces au lieu de soutenir ce qui devrait véritablement l’être ?

Je m’interroge notamment sur la recherche culturelle. Comment justifiez-vous la réduction d’1 million d’euros dans ce domaine ?

Enfin, permettez-moi d’aborder brièvement la situation du territoire parisien, que vous prétendez défendre au vu de vos fonctions locales. En tant qu’élue parisienne, j’estime important d’informer les Parisiens. Que deviennent le musée du Quai Branly, le musée national de l’Histoire de l’immigration, le château de Versailles et celui de Fontainebleau ? Nous observons une réduction massive des moyens alloués à la préservation du patrimoine, notamment parisien. Paris, notre capitale culturelle, se trouve ainsi sacrifiée dans ce budget. Il est essentiel que chacun en soit conscient.

Mme Frédérique Meunier (DR). Madame la ministre, le budget 2025 alloué à la culture demeure identique à celui de 2024. Vous avez maintenu votre ministère au sixième rang et annoncé votre intention de réformer en profondeur le pass culture, une initiative que nous jugeons pertinente et que nous avons suggérée à maintes reprises.

Force est de constater que le pass culture ne remplit pas son objectif initial de démocratisation des pratiques artistiques et culturelles, censé inciter les jeunes à découvrir des activités qu’ils n’auraient pas explorées autrement. Vous proposez donc de nouveaux aménagements, notamment la fin du libre-service. Une partie du pass devra désormais être obligatoirement consacrée aux réservations de spectacles vivants. Vous souhaitez également qu’il permette de géolocaliser l’offre culturelle à proximité, transformant ainsi le dispositif au-delà d’une simple cagnotte. Une expérimentation devrait être lancée à cet effet. Pourriez-vous nous préciser le coût de cette mise à jour ?

Concernant le patrimoine, bien que son budget connaisse une augmentation significative et atteigne un montant historique, l’ampleur des chantiers de rénovation laisse présager qu’il demeurera insuffisant pour entretenir et valoriser les nombreux monuments historiques délabrés en France. Vous avez évoqué la possibilité du dépôt d’un amendement du Gouvernement en raison du caractère exceptionnel des travaux à mener. Pouvez-vous nous le confirmer ?

Le budget alloué au spectacle vivant reste identique à celui de l’année précédente. Les collectivités locales devront participer au redressement des finances publiques à hauteur d’au moins 5 milliards d’euros, ce qui rend peu probable qu’elles débloquent d’importantes subventions pour la culture. Dans ce contexte, comment envisagez-vous de protéger le financement du spectacle vivant et quelles solutions pourraient être envisagées ?

Enfin, vous nous avez confirmé le maintien du plan ruralité. Cependant, n’existe-t-il pas une contradiction entre cette volonté et le souhait de réduire de 10 millions d’euros le budget prévu pour les radios associatives ? Je vous remercie de vos éclaircissements.

M. Steevy Gustave (EcoS). À première vue, ce budget semble échapper aux 40 milliards d’euros de coupes budgétaires. Cependant, en réalité, il ne fait que reconduire les financements de 2024 sans tenir compte des 2,1 % d’inflation anticipée pour l’année 2025. Ce budget ne permet donc pas de maintenir pleinement les crédits alloués à la culture.

Je sais que vous partagez mon attachement à une culture accessible à tous et reconnaissez ses bienfaits pour notre société. Toutefois, comme dit ma mère : « Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour. » Et ce budget ne répond malheureusement pas à cette exigence.

Bien que certaines initiatives soient louables, telles que le plan culture et ruralité, les montants alloués restent insuffisants. Je me réjouis certes de votre intention d’ajouter des crédits sur ce programme mais beaucoup restent encore à faire pour améliorer l’accès universel à la culture, mieux représenter sa diversité et renforcer son rôle éducatif tout en soutenant les acteurs locaux.

Le pass culture pourrait être un outil formidable mais nécessite également des améliorations. Vous avez annoncé vouloir apporter des modifications dans ce sens ; cependant ces annonces ne figurent pas dans ce projet de loi de finances (PLF). Tous s’accordent pourtant sur la nécessité de repenser la part individuelle du pass afin qu’il permette des économies précieuses qui pourraient être réaffectées vers d’autres programmes en souffrance.

De plus, plusieurs éléments manquent cruellement dans ce budget. Aucune mesure n’est prévue pour accompagner le spectacle vivant par rapport à 2024 ni pour soutenir les festivals impactés par les Jeux olympiques. Enfin rappelons-nous que souvent ce sont les collectivités locales qui financent une grande partie des activités culturelles territoriales or leur baisse budgétaire globale annoncée laisse craindre d’importantes réductions des politiques locales en direction de la culture.

En somme, dans son état actuel, ce n’est pas ce budget qui garantira l’accès généralisé à la culture sur l’ensemble du territoire national. Espérons que l’examen des amendements redonne l’ambition nécessaire pour adopter de belles mesures de soutien au secteur culturel.

Mme Delphine Lingemann (Dem). La stabilisation des crédits alloués à la mission culture envoie un signal positif dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons. Nous saluons également le soutien affirmé à la culture dans les zones rurales, comme indiqué dans votre feuille de route pour 2025. Ce thème a d’ailleurs été au cœur de votre premier déplacement ministériel dans le Puy-de-Dôme, où j’ai eu l’honneur de vous accueillir.

Le groupe démocrate partage néanmoins deux points de vigilance exprimés par les rapporteurs. Une baisse d’environ 40 millions d’euros sur les autorisations d’engagement concerne le patrimoine et, bien que favorable, la dynamique actuelle ne compense pas totalement l’inflation persistante qui a affecté le secteur artistique en 2024.

Je souhaite revenir sur le programme Transmission des savoirs (361), qui réaffirme la priorité accordée à la culture pour tous. Le pass culture constitue un formidable levier pour accompagner les jeunes issus des zones rurales ou des quartiers populaires vers une citoyenneté culturelle. Cependant, selon un récent rapport de l’inspection générale des affaires culturelles, ce dispositif ne corrige pas suffisamment les inégalités territoriales et sociales en matière d’accès à la culture. Vous avez mentionné vouloir revoir profondément sa partie individuelle sans renoncer à son universalité. Comment allez-vous articuler ces financements avec ceux du ministère de l’Éducation nationale afin de faire évoluer ce dispositif ? Devons-nous anticiper des modifications quant aux montants et aux affectations budgétaires ?

Concernant le volet patrimonial, pouvez-vous rassurer nos élus locaux soumis eux aussi à de fortes contraintes budgétaires qu’ils continueront à recevoir un accompagnement pour la rénovation du petit patrimoine, notamment religieux ?

Enfin, je m’adresse ici à mon collègue Erwan Balanant au sujet des appels à projets artistiques et du maintien du plan Mieux produire, mieux diffuser, visant notamment une réforme des conditions de création afin de favoriser une production durable moins coûteuse tout en participant activement à la transition écologique du secteur culturel. Envisagez-vous une réflexion sur la temporalité majoritairement annuelle actuellement imposée aux projets artistiques ?

Mme Béatrice Bellamy (HOR). Le budget présenté pour la mission Culture affiche une stabilité globale, sans réduction budgétaire significative. Le groupe Horizons et Indépendants accueille favorablement ce signal encourageant. Nous demeurons toutefois vigilants quant aux arbitrages et aux équilibres internes, en portant une attention particulière à trois aspects.

Premièrement, concernant le pass culture, qui constitue une avancée notable dans le domaine culturel, nous partageons l’avis qu’une évolution s’impose, notamment pour sa composante individuelle, afin de réduire les inégalités d’accès à la culture. Nous appuierons donc une réorientation du dispositif vers la découverte et l’appropriation du spectacle vivant.

Deuxièmement, nous sommes confrontés à un besoin considérable d’investissements pour le patrimoine religieux, en particulier dans les communes rurales. La collecte nationale se poursuit avec des résultats encourageants, mais il est impératif d’intensifier les efforts. Nous soutenons ainsi l’extension de la défiscalisation à d’autres collecteurs.

Troisièmement, dans nos circonscriptions, de nombreuses radios associatives nous alertent sur leurs inquiétudes concernant une réduction du fonds de soutien à l’expression radiophonique. Ces associations, déjà fragilisées, se trouvent menacées, d’autant plus que les collectivités ne pourront manifestement pas compenser cette baisse. Nous sollicitons une attention particulière pour ces acteurs qui jouent un rôle de proximité essentiel dans la vie démocratique, culturelle et sociale de nos territoires.

Nous attirons également l’attention du gouvernement sur les importantes mesures d’économie exigées des collectivités, premiers financeurs de la culture en France. Ces restrictions affecteront inévitablement les établissements publics labellisés, les compagnies et les associations, menaçant leur pérennité et l’écosystème culturel local.

En tenant compte de ces considérations, le groupe Horizons et Indépendants apportera son soutien aux crédits de cette mission.

M. Paul Molac (LIOT). Dans notre pays, la France, riche de ses diverses cultures, notamment autochtones, je souhaite attirer l’attention sur le fonds radiophonique. Une réduction de 30 % des financements s’avère insoutenable pour des radios à fort impact social, qui donnent la parole à des populations souvent marginalisées, que ce soit dans les banlieues ou en milieu rural. De plus, certaines de ces stations émettent en langues régionales telles que le basque, le breton ou le corse, ou de manière bilingue.

De nombreux amendements émanant de différents groupes visent à revenir sur cette décision. Concernant le Centre national de la musique, la taxe sur le streaming semble générer trois fois moins de revenus que prévu. J’aimerais savoir si vos services peuvent expliquer cette situation.

Je tiens également à souligner que les artistes s’exprimant en langues régionales, comme Anne Etchegoyen au Pays basque ou Gwennyn en Bretagne, revendiquent une meilleure représentation dans les médias français. Bien qu’ils fassent partie des 40 % de chansons francophones exigés, leur présence effective reste rare faute de précisions dans l’application de cette règle.

Concernant le patrimoine, je me réjouis des travaux de restauration de la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Nantes, en Bretagne, où étaient sacrés les ducs jusqu’au XVe siècle. Cette politique de préservation implique également les collectivités locales et, en tant que conseiller régional, je peux témoigner qu’elles y contribuent activement.

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Pour le groupe GDR, je souhaite souligner l’importance capitale de la culture dans notre société. Elle joue un rôle essentiel pour nous aider à comprendre, à réfléchir et à développer notre esprit critique. Sa fonction de transmission, d’analyse et d’ouverture critique s’avère particulièrement précieuse à une époque où la désinformation prolifère et où les idées tendent à s’uniformiser. La culture représente donc un investissement fondamental pour notre société et mérite un budget à la hauteur de son importance.

Ce budget propose certes une reconduction des crédits à l’identique du précédent exercice, mais sans tenir compte de l’inflation, ce qui équivaut de facto à une baisse. De plus, l’effort budgétaire de 5 milliards d’euros imposé aux collectivités aura inévitablement un impact sur les subventions au milieu culturel, menaçant la survie de certaines structures qui ne tiennent que grâce à l’implication politique et budgétaire locale.

Le monde du spectacle vivant exprime son inquiétude, notamment concernant la reconduction du plan Mieux produire, mieux diffuser, qui risque de favoriser les grandes compagnies au détriment de la diversité et de l’offre artistique proposée au public. Il est également primordial de soutenir la création et les artistes-auteurs, véritables travailleurs dont les œuvres contribuent à la richesse de notre société et de notre patrimoine. Nous plaidons pour qu’ils bénéficient d’un revenu reconnaissant l’acte de création et d’une meilleure protection sociale.

Par ailleurs, le pass culture ne répond pas à l’objectif de démocratisation des pratiques culturelles. Au contraire, il tend à accentuer l’uniformisation culturelle et le rapport marchand à la culture. Le groupe GDR propose d’investir plus massivement dans l’éducation à la culture afin de favoriser véritablement l’autonomie culturelle de la jeunesse.

Quant à la préservation du patrimoine, l’enveloppe de 492 millions d’euros qui lui est dédiée s’avère largement insuffisante face aux investissements considérables qui s’imposent.

Dans ce contexte, il est difficile de se réjouir alors que l’ambition culturelle et les acteurs du monde artistique semblent être sacrifiés sur l’autel de l’austérité budgétaire.

M. Bartolomé Lenoir (UDR). Je souhaite aborder à nouveau la question du patrimoine religieux rural, qui revêt une importance manifeste. En tant que député de la Creuse, je représente un département riche d’une histoire glorieuse, façonnée par des bâtisseurs. La foi et le savoir-faire de nos ancêtres nous ont légué un patrimoine religieux exceptionnel. Le long de nos chemins ruraux, chaque village abrite une église. Au XIXe siècle, d’autres édifices sont venus embellir nos villes et villages, notamment de splendides théâtres.

Ces monuments suscitent notre fierté et revêtent une grande importance à nos yeux, car dans un contexte où le dialogue entre villes et campagnes s’amenuise, la culture semble avoir fait son choix. En effet, au fil des ans, le patrimoine de nos campagnes se dégrade. Malgré le combat courageux de nombreux maires pour le préserver, les moyens financiers font trop souvent défaut. Les charpentes ne tiennent plus qu’à un fil et, sans action de notre part, nous risquons bientôt de n’en contempler que les ruines. Cette situation reflète tristement un pays en déclin qui, à force de se projeter vers l’avenir, le condamne.

Je suis conscient de l’impossibilité d’augmenter les dépenses de l’État, et je plaide au contraire pour leur réduction. Cependant, je constate, malgré vos propos liminaires, une tendance à orienter le budget des missions du ministère en faveur d’une culture de la déconstruction plutôt que de la valorisation. La philosophe Simone Weil affirmait que « l’unique source de salut et de grandeur pour la France, c’est de reprendre contact avec son génie au fond de son malheur ».

Madame la ministre, vous qui avez longuement évoqué le patrimoine dans votre discours d’introduction, comment justifiez-vous la présentation d’un tel budget ?

La séance est suspendue de dix-huit heures cinq à dix-huit heures vingt.

Mme Rachida Dati, ministre. Concernant votre rapport, Monsieur Balanant, j’ai bien conscience des enjeux que vous avez soulevés, notamment sur les spectacles vivants et les festivals. C’est pourquoi le budget du programme Création est entièrement préservé. Il est même supérieur à celui de l’année précédente, les annulations n’étant pas reconduites, ce qui permet de compenser l’effet de l’inflation.

Lors des annulations de crédits de février dernier, nous avons utilisé tous les leviers à notre disposition, notamment les réserves de précaution, pour atténuer fortement leur impact. L’effort résiduel sur le programme Création s’est finalement limité à une vingtaine de millions d’euros au lieu des 95 millions initialement prévus.

Concernant le financement des festivals, je confirme que l’aide de l’État est maintenue. Nous sommes aux côtés des festivals dans tous les cas de figure, comme le confirme le plan ruralité. J’avais d’ailleurs affirmé qu’il ne manquerait pas 1 euro en territoire pour les festivals.

Vous avez évoqué à juste titre que certains festivals, notamment ceux de taille intermédiaire, souffrent beaucoup. Leur modèle économique est fragilisé. Il ne suffit plus de remplir les salles pour être rentable. J’ai rencontré les organisateurs de festivals, qu’ils soient célèbres ou moins connus, et nous avons abordé les problématiques liées aux tourneurs et aux cachets. Certains festivals ont atteint un plafond de verre, remettant en question leur modèle même de fonctionnement.

L’État répond présent, mais le soutien public ne peut pas être illimité. Nous pouvons être un catalyseur, impulser des initiatives, mais cela ne peut se faire indéfiniment. La contrainte budgétaire nous rappelle à cette réalité et à notre responsabilité.

Durant la crise sanitaire, l’État a soutenu les festivals avec un fonds exceptionnel initialement doté de 10 millions d’euros, rapidement porté à 30 millions, incluant le soutien du Centre national de la musique aux festivals de musique. Nous avons mis en place une nouvelle politique en faveur des festivals avec des moyens supplémentaires pérennisés. Le nombre de festivals du champ de la création soutenus par les Drac est passé de 169 à 772 entre 2019 et 2023, soit une augmentation de 362 %. Les crédits alloués sont passés de 10,6 millions à plus de 20,2 millions d’euros. Le Centre national de la musique a également soutenu 250 festivals en 2023 pour un montant d’environ 8 millions d’euros.

L’État est prêt à accompagner les professionnels dans la réflexion sur leur modèle économique. J’annoncerai prochainement une réflexion sur la pérennité du spectacle vivant en France, élément essentiel de notre identité culturelle. Des grands festivals aux petits événements en milieu rural, il est crucial de réfléchir à leur viabilité à long terme.

J’ai entendu vos remarques sur la baisse des dotations aux collectivités territoriales. Cependant, les contrats que j’ai pu établir avec les élus locaux, qu’ils soient régionaux, départementaux, communaux ou de communauté de communes témoignent d’un engagement fort pour la culture. Nous poursuivrons ce travail partenarial.

Monsieur le rapporteur Patrier-Leitus, je suis d’accord avec vous sur l’importance des points d’amélioration que vous avez soulevés dans les différents programmes. Je suis prêt à apporter des précisions si vous le souhaitez, mais je partage globalement l’ensemble de vos observations.

Dans le cadre du plan pour le patrimoine, un amendement gouvernemental sera proposé, couvrant les différentes demandes formulées. Je compte sur votre soutien, comme vous l’avez fait jusqu’à présent.

Concernant le fonds incitatif et partenarial, je reconnais que son efficacité varie selon les régions, principalement en raison d’une méconnaissance du dispositif. Je veillerai à le rappeler aux Drac, notamment pour l’outre-mer, qui ne sera pas oublié ni dans mon programme ni dans mon plan d’action, comme je l’ai systématiquement annoncé. Le plan ruralité intègre également l’outre-mer.

Quant au périmètre de ce fonds, j’approuve l’idée de l’élargir pour inclure le mobilier religieux, souvent négligé lors de la restauration des édifices. Je suis favorable à l’étude d’une augmentation de ce fonds, compte tenu de son efficacité avérée. Je soutiendrai l’amendement que vous proposerez à ce sujet.

Pour le musée Notre-Dame, bien qu’un arbitrage soit encore en cours, je suis personnellement favorable à sa création. Il me semble cohérent de compléter la renaissance de cette magnifique cathédrale, pari audacieux mais réussi du président de la République, par l’établissement de ce musée.

Concernant les radios associatives, je m’engage à trouver une solution, comme je l’ai mentionné dans mon propos liminaire. Le débat parlementaire nous aidera à y parvenir.

Sur la privatisation de France Télévisions et de Radio France, nous convenons que le statu quo n’est pas envisageable. Je penche pour une réforme de la gouvernance, sujet que nous pourrons approfondir ultérieurement.

Je ne partage pas votre opinion selon laquelle il faudrait réduire drastiquement les budgets culturels. La culture ne contribue-t-elle pas à notre cohésion sociale ? Le patrimoine, la liberté de création, le spectacle vivant sont autant de domaines essentiels. Le ministère de la culture œuvre à réduire les fractures au sein de notre société. L’expérience montre que là où la culture recule, le niveau d’éducation diminue, entraînant un recul de l’humanité et de la civilisation.

J’ai pris mes responsabilités en réduisant certaines dépenses, tout en préservant les missions fondamentales du ministère. Je ne pense pas que nous soyons en désaccord sur les priorités à maintenir.

Enfin, je tiens à souligner que, en février 2024, j’ai signé un contrat de territoire dans votre circonscription, lié à la lecture, pour un montant de 30 000 euros sur trois ans. Je présume que cette initiative rencontre votre approbation.

Je souhaite préserver les crédits alloués au soutien du patrimoine des monuments historiques, car j’estime que c’est primordial. Particulièrement dans votre territoire, Madame Parmentier, l’accès à la culture se révèle être un enjeu majeur, notamment dans les zones rurales ou défavorisées. C’est pourquoi j’insistais précédemment sur l’importance de ne pas toujours favoriser les mêmes bénéficiaires.

Le plan ruralité, que vous avez souligné comme prioritaire, bénéficie d’un financement sanctuarisé pour les trois prochaines années. Cela nous permettra d’en dresser un bilan et d’évaluer sa pérennité, comme pour les festivals évoqués avec Monsieur Balanant.

Ce plan ruralité financera plus de 200 événements et résidences d’artistes en territoires ruraux. Concernant la mission patrimoine, nous abordons la question des unités départementales de l’architecture et du patrimoine (Udap) dans les régions, où les architectes des bâtiments de France interviennent. Le plan ruralité offrira une assistance aux communes rurales pour la protection et la valorisation de leur patrimoine, ainsi que pour la conception d’équipements culturels pérennes.

Vous avez mentionné l’importance des artothèques. Je souhaite généraliser cette expérimentation qui rencontre un vif succès auprès des habitants.

Quant aux radios associatives, nous trouverons une solution. J’ai rencontré leurs représentants et je m’engage à collaborer avec les parlementaires pour résoudre la question de leur financement.

Dans le Finistère, région pilote pour le pass culture, 84 % des jeunes y ont recours. Cependant, ce chiffre masque des disparités : en région Paca et en Île-de-France, moins de 60 % des jeunes utilisent la part individuelle. En janvier, j’ai été applaudie pour avoir souligné que le pass culture favorisait la reproduction sociale. Aujourd’hui, je propose des mesures pour corriger ces inégalités.

Concernant la part collective du pass culture, qui représente près de 60 millions d’euros, je m’adresse aux parlementaires de gauche qui m’ont interpellée. Remettre en cause cette part collective signifierait priver de nombreux enfants de leur seul accès à la culture. Je vous invite à considérer cette réalité au-delà du prisme parisien.

Lorsque vous interrogez les enfants, en leur demandant si c’est la première fois qu’ils vont au musée, au cinéma ou au théâtre, 90 % d’entre eux lèvent la main pour indiquer que c’est effectivement une première. Lorsqu’on leur demande si leurs parents les y emmènent, ils répondent systématiquement non, car leurs parents n’y pensent pas ou ne peuvent pas le faire. Je tiens à souligner l’importance de cette dimension collective et je m’engage à la renforcer. Certains pourraient dire que ces crédits sont gaspillés puisqu’ils ne sont pas entièrement utilisés ; cependant, ce n’est pas un gaspillage mais plutôt un problème de mobilité.

Je me suis penchée sur cette question avec des élus concernés par ce sujet. Madame Hervieu et Madame Legrain, j’aimerais vous rencontrer pour discuter de propositions visant à améliorer la mobilité afin de faciliter l’accès culturel collectif. Les enseignants se plaignent souvent du temps nécessaire pour organiser des sorties culturelles, soit deux mois pour trouver un spectacle et six mois pour organiser le transport. Cette situation est inacceptable car elle prive les enfants d’une avancée démocratique majeure dans l’accès à la culture.

En ce qui concerne le pass culture individuel évoqué par Madame Melchior, il est essentiel que nous comprenions son fonctionnement actuel. En janvier dernier encore, cet outil ressemblait davantage à un guide parisien nécessitant déjà une connaissance préalable des lieux comme la Comédie Française.

Madame Legrain a critiqué le pass culture en affirmant qu’il était inefficace ; pourtant en janvier dernier il manquait même une fonctionnalité basique telle que la géolocalisation. De plus, concernant l’éducation populaire et les médiateurs, cela faisait quarante ans que leurs représentants n’avaient pas été reçus au ministère. Récemment, j’ai signé avec eux une charte intégrant désormais ces structures dans le pass culture et incluant 100 postes dédiés financés par 3 millions d’euros.

Enfin, concernant le supposé rabot budgétaire, 96 millions d’euros était le chiffre annoncé initialement Bercy qui n’a jamais été appliqué. Aucun euro n’a manqué sur les territoires.

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Concernant la médiation, je maintiens qu’il n’est nullement nécessaire de recourir au pass culture, dispositif que je juge défaillant dès sa conception et inadapté pour défendre les médiateurs et l’éducation populaire. Si votre objectif est de les soutenir, vous pouvez le faire sans pérenniser le pass culture, sur lequel vous avez vous-même émis des réserves.

Quant aux réductions budgétaires, j’insiste sur le fait que lorsque vous touchez aux structures nationales, cela impacte l’ensemble des équipes. Les syndicats, tant ceux des employés que ceux des employeurs de théâtre public et du spectacle vivant, soulignent les répercussions de ces coupes sur les équipes et sur l’intégralité du secteur. Cette crise préexistait aux restrictions budgétaires.

Vous tentez de nous convaincre qu’en réinjectant des fonds, vous annulez l’effet des coupes. Pourtant, le secteur demeure en crise, comme en témoignent ses représentants, et exprime la nécessité d’une augmentation des crédits alloués à la création.

Mme Rachida Dati, ministre. J’ai reçu les syndicats du spectacle vivant et des théâtres nationaux suite à leurs revendications. Concernant la médiation, j’ai intégré cette dimension au pass culture à la demande des acteurs de l’éducation populaire. Leur objectif est de favoriser l’accompagnement des enfants vers les théâtres, l’opéra et les spectacles vivants, particulièrement dans certains territoires. Je souhaite renforcer la place du spectacle vivant dans le pass culture, car elle est actuellement insuffisante.

Je soutiens les acteurs de l’éducation populaire car ils contribuent à la construction civique et à l’émancipation. C’est un vecteur de réduction des inégalités. Sauf si vous me présentez des exemples précis, Madame Legrain, j’affirme avoir corrigé les problèmes que vous évoquez. Je m’y suis engagée et je poursuivrai dans cette voie. Je suis prête à me rendre partout en France pour constater la situation sur le terrain. Mon rôle de ministre est de changer concrètement la vie des gens, notamment en matière d’accès à la culture. Je suis déterminée à y parvenir.

Concernant le prétendu coup de rabot, il n’a pas eu lieu. J’ai au contraire mobilisé et préservé les crédits. Ce secteur est essentiel pour éviter les fractures sociales évoquées précédemment.

S’agissant des écoles d’art, l’État apporte son soutien. Si certaines écoles connaissent encore des difficultés, précisez-moi lesquelles. Certains établissements relèvent des collectivités territoriales. L’État ne peut pas tout assumer seul. Là où il intervient, toutes les écoles sont soutenues. Je n’ai jamais parlé de supprimer quoi que ce soit. Cependant, lorsque des millions d’euros sont investis dans des écoles n’offrant pas de débouchés et inaccessibles aux étudiants boursiers, cela pose question. L’entre-soi n’est pas ma conception de l’éducation.

L’accès aux métiers de la culture doit être ouvert au plus grand nombre. Certaines formations contraignent les étudiants à s’endetter ou à travailler, compromettant ainsi leur scolarité. Ce n’est pas ma vision de l’accès à la culture ni aux professions culturelles.

Un autre enjeu concerne l’accès aux responsabilités au sein du ministère de la culture. J’ai réformé le programme La Relève pour constituer un vivier permettant de diversifier les profils à la tête d’institutions comme l’Opéra de Paris, la Comédie-Française ou le musée d’Orsay. C’est ma feuille de route pour favoriser l’accès aux métiers de la culture, aux postes à responsabilité et à la culture dans son ensemble.

En réponse à Madame Hervieu, je vous mets au défi de citer un seul établissement parisien dont les crédits ont diminué. Pour Beaubourg, ce sont plus de 200 millions d’euros qui seront alloués. Les budgets du Louvre, d’Orsay et du Quai Branly n’ont pas baissé. L’amendement gouvernemental sur le patrimoine permettra de financer d’importantes restaurations. J’annoncerai prochainement un projet ambitieux pour le Grand Musée du Louvre, qui doit devenir le plus prestigieux au monde. Les conditions d’exposition de ses chefs-d’œuvre — La Joconde, la Victoire de Samothrace et la Vénus de Milo — méritent d’être améliorées. Ma politique pour les musées parisiens, notamment en faveur du mécénat, vise à les renforcer, ce dont nous devrions nous réjouir ensemble.

Je rejoins Monsieur Patrier-Leitus sur les défiscalisations pour les propriétaires privés de patrimoine historique ouvert au public. Nous devons simplifier les contraintes administratives ou favoriser un dispositif fiscal avantageux. Comme pour le crédit d’impôt, chaque euro investi rapporte entre 6 et 7 euros.

Concernant le patrimoine religieux, je m’engage pleinement en sa faveur car il est constitutif de l’identité française. Je souhaite restaurer largement le petit patrimoine religieux et j’ai une idée de financement innovant à développer, sous réserve de certains arbitrages. Le président de la République avait lancé une souscription pour ce patrimoine, mais son succès a été mitigé. Les Français préfèrent connaître la destination précise de leurs contributions, comme le prouve le succès du Loto du patrimoine. Nous devons donc repenser cette souscription et trouver de nouveaux dispositifs de financement.

Mme la présidente Fatiha Keloua-Hachi. Nous allons maintenant procéder aux questions d’une minute, auxquelles Madame la ministre apportera ses réponses.

Mme Rachida Dati, ministre. Monsieur Balanant, vous m’aviez interrogé sur les crédits alloués à la recherche. Ils n’ont absolument pas diminué. J’ai fait vérifier et le budget du projet de loi de finances pour 2025 reste supérieur à 9 millions d’euros.

M. Bertrand Sorre (EPR). Je souhaite attirer votre attention, Madame la ministre, sur les fragilités qui pèsent sur l’établissement public national du Mont-Saint-Michel, une structure appelée de leurs vœux par l’État et les collectivités depuis plusieurs années. La question préoccupante du plafond d’emplois mérite, à mon sens, d’être portée à votre connaissance.

Connaissant votre sensibilité aux actions déconcentrées de l’État dans le domaine culturel, notamment dans le secteur rural comme c’est le cas dans le département de la Manche et au Mont-Saint-Michel, je me permets de vous solliciter. Selon mes informations, environ dix emplois supplémentaires seraient nécessaires pour soutenir cet établissement public encore très récent.

Cette problématique s’inscrit pleinement dans les orientations et l’impulsion bénéfique que vous avez données au ministère de la culture, à savoir le soutien aux structures présentes dans les territoires ruraux pour garantir un accès à la culture pour tous.

Ainsi, Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer si ce budget vous permettra d’augmenter le nombre d’emplois au sein de l’établissement public national du Mont-Saint-Michel ?

M. Aly Diouara (LFI-NFP). Madame la ministre, lors de votre intervention dans l’émission du DVM Show le 12 février dernier, vous avez affirmé, à juste titre, être la ministre de toutes les cultures, incluant notamment les cultures urbaines et populaires. Je souhaite donc vous interroger sur la pluralité et la pertinence de l’offre culturelle dans les quartiers populaires, élément essentiel à la cohésion sociale.

Vous vous étiez alors engagée à soutenir les cultures populaires et à les rendre plus accessibles. Cependant, en examinant le projet de budget de votre gouvernement, force est de constater l’absence de mesures spécifiques, notamment concernant les maisons des jeunes et de la culture, pourtant primordiales pour la vitalité culturelle des quartiers populaires.

Le sentiment qui prédomine est celui d’un sacrifice de la pluralité culturelle, de la démocratisation et de l’accès à la culture pour tous, particulièrement dans les quartiers populaires où les aspirations des habitants sont fréquemment négligées.

Je m’interroge donc sur votre méthode et sur vos intentions pour promouvoir cette offre culturelle plurielle. Comment envisagez-vous de permettre aux habitants des zones prioritaires et rurales d’en bénéficier ?

Mme Virginie Duby-Muller (DR). L’annonce en juillet d’un plan sans précédent de 98 millions d’euros vise à renforcer l’offre culturelle pour 22 millions de Français. J’ai eu l’opportunité de vous remettre un rapport sur l’ingénierie des collectivités en milieu rural, et je constate avec satisfaction que ce plan culture et ruralité s’inscrit dans la durée à travers ce budget.

Connaissant votre détermination à démocratiser l’accès à la culture, je souhaite attirer votre attention sur l’avenir de l’Orchestre des Pays de Savoie. Cet ensemble remplit pleinement sa mission de diffusion culturelle en zone rurale, tout en bénéficiant d’un rayonnement qui dépasse les frontières régionales. La sénatrice Catherine Morin-Desailly, en sa qualité de présidente de l’Association française des orchestres, est intervenue cet été auprès des présidents des deux départements concernés.

Je vous sollicite donc, dans le cadre des moyens alloués par le budget du ministère de la culture, pour obtenir un soutien à cet orchestre. Je vous invite également, par votre intermédiaire ou celui des directions régionales des affaires culturelles, à rassembler les acteurs susceptibles de trouver une solution pérenne pour l’Orchestre des Pays de Savoie.

Mme Violette Spillebout (EPR). Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur la situation financière préoccupante des centres sociaux et maisons de quartier, ainsi que de l’ensemble du secteur de l’éducation populaire, qui ont lancé une alerte fin mars 2024. Dans ma circonscription à Lille, une vingtaine de ces structures, qui jouent un rôle essentiel dans la médiation culturelle et artistique, sont concernées.

Vous avez récemment exposé dans une tribune publiée dans Le Monde votre volonté de développer la diversification et l’accompagnement de la part individuelle du pass culture. Cette orientation découle de votre constat d’une consommation culturelle trop passive et d’une reproduction sociale persistante.

À cet égard, je souhaiterais obtenir des précisions sur deux points. Premièrement, envisagez-vous, dans la proposition budgétaire, d’augmenter les fonds alloués collectivement aux centres sociaux et maisons de quartier, comme vous l’avez évoqué pour les Maisons des Jeunes et de la Culture ? Deuxièmement, prévoyez-vous d’intégrer les frais de transport et de mobilité dans les dispositifs du pass culture ?

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Aujourd’hui, dans notre pays, la liberté de création et la programmation sont menacées. Nous assistons au retour de la censure et de l’autocensure. La censure émane principalement de groupuscules d’extrême droite qui vont jusqu’à empêcher physiquement la tenue de certaines représentations qui les dérangent. L’autocensure, quant à elle, se manifeste par une baisse d’un quart du nombre de représentations prévues pour 2024-2025.

Cette réduction du nombre de spectacles incite les programmateurs à privilégier des œuvres plus consensuelles. Bien que cette logique soit compréhensible, elle engendre un repli. Or, le service public a pour vocation de présenter des œuvres qui peuvent bousculer, susciter des émotions et faire évoluer les consensus ou les débats dans notre société.

Comment pouvons-nous enrayer cette diminution alarmante de la diversité et de la pluralité de la création du spectacle vivant, soumise à cette double pression ? Vous avez exhorté les collectivités territoriales à assumer leurs responsabilités. Je considère que cette approche est quelque peu simpliste, surtout lorsque le gouvernement s’apprête à leur retirer plusieurs milliards d’euros, alors qu’elles ont déjà subi une inflation considérable. Nous avons constaté que de nombreux établissements culturels se trouvent dans une situation financière très précaire.

Mme Géraldine Bannier (Dem). Je souhaite vous interroger sur les bâches publicitaires apposées sur les monuments nationaux lors de travaux de rénovation. La loi de finances de 2007 a instauré une dérogation à l’interdiction d’affichage publicitaire sur les monuments historiques, permettant l’installation de bâches publicitaires sur les échafaudages durant les travaux extérieurs. Cette dérogation, soumise à autorisation, génère des recettes affectées au financement des travaux, pouvant constituer une ressource financière substantielle pour certains monuments. Quelle est votre position quant à la mise en œuvre de cette dérogation ?

Par ailleurs, je tiens à souligner l’importance de mettre en place des mesures de protection provisoire, notamment pour le petit patrimoine rural, telles que le bâchage et la mise hors d’eau. Ces dispositions préventives permettent d’éviter ultérieurement des coûts de réparation excessifs. On constate trop fréquemment, en particulier dans les zones rurales, une dégradation des bâtiments sur plusieurs décennies avant qu’une intervention ne soit entreprise.

Mme Delphine Lingemann (Dem). Situé dans ma circonscription du Puy-de-Dôme, le site de Gergovie a marqué l’histoire de notre nation. Cette terre volcanique fut le théâtre d’un épisode majeur de la guerre des Gaules, avec la victoire de Vercingétorix sur Jules César. Nous avons récemment célébré le cinquième anniversaire de l’ouverture du musée archéologique de la bataille de Gergovie, inaugurant une nouvelle phase de valorisation de ce site exceptionnel appartenant à l’État.

Le projet Gergovie, la cité des Gaulois, porté conjointement par la région, le département, les EPCI et les communes du territoire, s’inscrit dans cette dynamique. Les échanges avec les services de l’État s’avèrent très fructueux. Néanmoins, deux points demeurent en suspens, sur lesquels je souhaite attirer votre attention.

Premièrement, pouvons-nous espérer une confirmation du partenariat du ministère de la culture via la signature de la convention entre le musée d’archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye et le groupement d’intérêt public (GIP) Gergovie ?

Deuxièmement, est-il envisageable de finaliser le partenariat entre le ministère de la culture et le GIP Gergovie afin d’optimiser la gestion du site ?

Mme Pascale Bay (DR). L’objectif numéro 4 de la mission culture du PLF 2025 vise à promouvoir un accès équitable à la culture, notamment par le biais du développement de l’éducation artistique et culturelle. La politique 100 % EAC à l’école bénéficie d’un financement de 31,96 millions d’euros. Le budget 2025 fixe comme objectif que 80 % des enfants scolarisés en école primaire ou au collège se voient proposer une action d’éducation artistique et culturelle pendant le temps scolaire.

Néanmoins, malgré les financements alloués et la diversité des actions envisagées, force est de constater que 20 % des élèves demeurent privés d’accès à l’EAC. De plus, l’objectif initialement fixé pour 2024 a été revu à la baisse pour 2025, passant de 85 % à 80 %.

Face à ce constat, j’aimerais vous interroger sur les obstacles que vous avez identifiés dans le déploiement de l’EAC. Quelles mesures envisagez-vous pour accompagner les enseignants dans la mise en œuvre de tels projets ?

Mme Prisca Thevenot (EPR). Je souhaite souligner l’importance du jeu de société comme alternative aux écrans, favorisant la création de liens intergénérationnels et entre les jeunes. Sa pratique se développe dans les écoles et les tiers-lieux, et les jeux sont disponibles à la vente dans les librairies et grandes surfaces. La France, reconnue pour ses créateurs de jeux, pourrait considérer le jeu de société comme un objet culturel et l’intégrer à l’offre du pass culture.

Le pass culture, outil remarquable d’accès à notre culture et notre patrimoine, connaît un succès croissant chaque année. Il pourrait ainsi contribuer à faire connaître cette nouvelle forme de culture et de création artistique. Je propose donc d’élargir le pass culture aux jeux de société, sans coût supplémentaire pour l’État. Cette solution simple et efficace pourrait être mise en œuvre rapidement.

La réunion, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à dix-neuf heures dix.

M. Philippe Fait (EPR). Les fanfares, danses et jeux traditionnels qui composent notre patrimoine immatériel incarnent toute la diversité de la richesse culturelle de la France et renforcent les liens sociaux, particulièrement dans nos territoires ruraux. Malheureusement, les moyens actuels ne suffisent pas à assurer la transmission de ce patrimoine aux générations futures car, bien souvent, ces pratiques sont portées par des associations aux faibles moyens. Dans le cadre du PLF pour 2024, mes collègues et moi-même avions proposé que le plan Fanfares du ministère de la culture soit renforcé et élargi aux autres expressions artistiques traditionnelles. Le nouveau plan Fanfares évoluerait ainsi vers un vaste programme « arts et traditions » qui inclurait fanfares, harmonies, danses et jeux traditionnels.

Malgré une adoption unanime par notre commission l’an dernier, cette proposition ne s’est finalement pas concrétisée. Je reviens à la charge cette année, en soulignant l’urgence d’une mobilisation pour préserver notre patrimoine et nos traditions.

En janvier dernier, madame la ministre, lors de vos vœux aux acteurs culturels, vous disiez que vous vouliez faire de la ruralité la priorité du début de votre mission. Vous avez réaffirmé ce soir que vous y teniez. J’ai donc l’intime conviction que nous pourrons compter sur votre soutien pour cette proposition, fortement soutenue dans nos territoires ruraux. Quelle est votre position ?

Mme Rachida Dati, ministre. Monsieur Sorre, le ministère de la culture a consacré seize équivalents temps plein à l’établissement public du Mont-Saint-Michel. Il s’agit des seuls effectifs qui ont été ajoutés. Lorsque je me trouvais sur place pour le passage de la flamme olympique, on m’a saisie de la question du modèle économique, qui s’essouffle un peu, certaines collectivités souhaitant se désengager. Le ministère de la culture reste très engagé sur ce dossier, tandis que le conseil régional de Bretagne a confirmé sa décision de sortir de la gouvernance du projet en 2025, en supprimant le financement correspondant. Il nous faut donc revoir cette gouvernance. Toujours est-il que le ministère de la culture tient ses engagements. Je souhaiterais que les collectivités tiennent les leurs, sachant que, comme nous nous le sommes déjà dit, le Mont-Saint-Michel est fortement fragilisé.

Monsieur Diouara, pour ce qui concerne les cultures urbaines, j’ai reconduit 2,6 millions d’euros de crédits pour les MJC (maisons des jeunes et de la culture) et nous avons augmenté les crédits consacrés aux cultures urbaines et populaires. À Paris, Blanca Li relance à la Grande halle de la Villette un grand plan dans ce domaine.

L’orchestre dont a parlé Mme Duby-Muller n’est pas labellisé car il ne remplit pas tous les critères requis, notamment s’agissant de ses emplois permanents. Le ministère de la culture ajoute néanmoins 50 000 euros aux 600 000 euros qu’il lui apportait déjà.

Je remercie par ailleurs Mme Duby-Muller pour avoir mené dès février, avec la sénatrice Frédérique Espagnac, la mission consacrée à l’ingénierie culturelle des collectivités territoriales en milieu rural. Le plan Culture et ruralité repose sur les vingt-trois recommandations qu’elles avaient formulées.

Madame Spillebout, la part collective du pass culture relève de l’éducation nationale. Quant à augmenter cette part collective, il se trouve que les crédits qui lui sont consacrés ne sont pas entièrement utilisés : il faudrait donc commencer par cela. Cette question est liée à celle de la mobilité. Lorsque nous nous étions rencontrées à propos du plan Culture et ruralité, nous avions évoqué la possibilité d’intégrer le montant des transports dans la part collective. Je n’y étais alors pas favorable, car cela réduisait d’autant la part consacrée à l’action culturelle proprement dite. Depuis lors, des partenariats avec des collectivités nous ont permis de trouver des dispositifs permettant de faciliter cette mobilité. Ainsi, le transport scolaire assuré par la collectivité en milieu rural – voire parfois dans des zones urbaines – pour déposer les enfants le matin et les ramener le soir peut être utilisé en journée pour les conduire à des activités culturelles. Des expérimentations en ce sens seront généralisées, à l’instar du dispositif Caravelle, dans l’est de la France, que nous voudrions étendre dans le Nord.

Madame Taillé-Polian, vous dites que l’extrême droite empêche la liberté de la création. J’ajouterai, sans vouloir polémiquer, que l’extrême gauche le fait aussi, selon les informations qui remontent jusqu’à moi depuis certaines Drac (directions régionales des affaires culturelles) et certains préfets. Une conjonction des deux peut advenir dans le cas de manifestations liées à l’écologie, se traduisant par des entraves dont pâtissent certains spectacles ou animations culturelles.

M. Aymeric Caron (LFI-NFP). Donnez des exemples !

Mme Rachida Dati, ministre. Cela a été le cas dans la Creuse, à Lille, dans le Nord, ou à la Sorbonne. (Protestations parmi les députés du groupe LFI-NFP.) Vous voulez qu’on dise que tout va bien, que seule l’extrême droite empêche des manifestations ? Mais il faut que nous puissions parler de cela entre nous ! En tant que ministre, je ne peux pas nier les informations qui remontent jusqu’à moi.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Arrêtons là cet échange, mes chers collègues. Vous pourrez le reprendre après notre réunion. Seule Mme la ministre a la parole.

Mme Rachida Dati, ministre. Il n’y a aucune volonté de polémique de ma part. Bien sûr que la ministre de la culture est informée quand une activité, un festival, un spectacle ont été empêchés. Quelle qu’en soit l’origine, je suis pour la liberté de création et vous me trouverez à vos côtés pour la défendre. C’est ce que j’ai fait y compris pour la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques, qui a suscité quelques polémiques. Avec nos différences, nous pouvons, sans nous affronter, avoir des échanges et des débats. Mais vous pouvez être assurés que je défends la liberté et la diversité de la création, qui ne subit du reste aucune réduction budgétaire, en particulier pour le spectacle vivant.

Quant aux collectivités, partout où je me suis rendue, les élus que je rencontre, quelle que soit leur couleur politique – car je reçois tout le monde – donnent la priorité à la culture. L’engagement culturel est très fort.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Il y a un quart de représentations en moins, madame la ministre !

Mme Rachida Dati, ministre. Cela ne s’explique pas uniquement par la censure, mais par la fragilisation des structures. J’annoncerai prochainement que j’ai chargé Christopher Miles, directeur général de la création artistique, d’une mission sur le spectacle vivant et sur la création, afin de voir comment les soutenir. Sur cette question, je suis très au clair.

Madame Bannier, je suis d’accord sur les bâches publicitaires. Mais une fois qu’on les enlève, à la fin des travaux, on se dit que cela valait le coup ! L’École militaire et les Invalides sont absolument magnifiques. L’hôtel de la Marine a, lui aussi, bénéficié d’un financement publicitaire. Pourquoi s’en priver ? J’admets que les bâches ne sont pas bien belles, mais certaines commencent tout de même à avoir un caractère artistique assez réussi.

Pour ce qui est du patrimoine rural, je suis d’accord avec vous.

Madame Lingemann, le nouveau projet du musée de Gergovie n’est pas encore totalement circonscrit. Je vous confirme néanmoins que le partenariat avec l’Institut national de recherches archéologiques préventives et le Musée d’archéologie nationale est validé et que la convention va être signée. Il n’y a pas de problème quant à l’engagement du ministère sur ce projet.

Madame Bay, les objectifs de l’éducation artistique et culturelle ont en effet été revus à la baisse, en raison du temps de formation nécessaire. De fait, l’éducation artistique et culturelle obligatoire à l’école, annoncée par le Président de la République, suppose que les enseignants soient formés en conséquence – lorsqu’ils ne le sont pas, certains établissements recourent à des animateurs. En tout cas, partout où je vais, tout le monde est favorable à l’éducation artistique et culturelle obligatoire dans les établissements. Il faut maintenant que le nombre d’enseignants et de formations suive.

Madame Thevenot, votre proposition d’intégrer les jeux de société au pass culture est intéressante. En milieu hospitalier, en pédopsychiatrie ou en psychiatrie, le recours à ces jeux s’est beaucoup développé – il ne s’agit plus seulement du jeu de l’Oie ou du Monopoly ! Ils ont des effets très bénéfiques, notamment en termes d’éveil et de socialisation ou face à certaines pathologies touchant les adolescents. Je ne suis donc pas opposée par principe à cette démarche. La question est de savoir comment la concrétiser. Je saisis cette occasion d’annoncer que les lycées agricoles, qui n’avaient jusqu’ici pas accès au pass culture, seront désormais intégrés au dispositif, auquel je souhaite également intégrer les instituts médico éducatifs. Il serait bon d’y relier votre idée.

Quant au plan Fanfares, monsieur Fait, lorsque j’ai pris mes fonctions, j’ai adoré cette idée proposée par un membre de mon ministère, fou de fanfares. Il a élaboré un plan doté maintenant de 1,7 million d’euros, qui s’inscrit pour partie dans le plan Culture et ruralité, à travers les projets Villages en fête. Cet été déjà, cette activité s’est fortement développée – comme les majorettes, elle revient à la mode. Le plan Fanfares continuera à s’amplifier en 2025. Nous y avons affecté des crédits.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Merci, madame la ministre. On voit l’étendue de la culture en France !

*

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous passons à la discussion générale sur les missions Médias, livre et industries culturelles et Audiovisuel public.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis de la mission Médias, livre et industries culturelles. La Cigale, ayant chanté tout l’été – voire de nombreuses années –, se trouva fort dépourvue quand la bise fut venue.

Oui, après des années de gestion catastrophique de nos finances publiques, la bise budgétaire s’est finalement abattue sur la France. Notre priorité est maintenant d’éviter une crise financière qui appauvrirait durablement le pays. Pour cela, le redressement des comptes publics est un impératif absolu. Quasiment tous les ministères doivent contribuer à l’effort. En 2025, la mission Médias, livre et industries culturelles ne sera pas épargnée, puisque sa contribution dépasserait un peu les 12 millions d’euros, mais il est sans doute possible de faire davantage d’économies – et des économies intelligentes.

Les crédits de la mission Médias soutiennent des politiques publiques essentielles pour la cohésion nationale : le livre, la musique, le cinéma, la presse écrite et les radios sont en effet des acteurs essentiels de la vie démocratique de la nation, mis en péril par la numérisation croissante, en particulier de la presse, de la télévision et du livre. Une récente étude du Centre national du livre indique ainsi que 30 % des 16-19 ans ne lisent pas du tout, et ne souhaitent surtout pas lire – cela tient, on l’a compris, à la concurrence des écrans. La presse, le livre, la musique et les médias de proximité ont pourtant ceci de commun qu’ils ont vocation à créer du… commun, un horizon culturel partagé par tous les Français, ce peuple qui a toujours eu un rapport si particulier à sa littérature.

L’exercice est convenu : chaque rapporteur, comme chaque ministre, met en avant la spécificité de sa mission, son caractère prioritaire, l’indispensable sanctuarisation de ses crédits, et se projette dans un futur mouvant et incertain. En matière de télévision, par exemple, en 2023, la consommation de vidéos à la demande a pris le pas pour la première fois sur la consommation linéaire : le risque, à terme, est tout simplement de voir nos opérateurs historiques français disparaître.

Dans ce contexte de bouleversement rapide des usages, le soutien de l’État aux secteurs de la presse écrite, des médias, du livre et des industries culturelles est important, mais il doit être apporté avec discernement. L’esprit de responsabilité doit dominer et chacun doit prendre sa part de l’effort. Or la baisse de plus de 10 millions d’euros des crédits du Fonds de soutien à l’expression radiophonique locale en 2025 représente 84 % de cet effort.

Que les choses soient bien claires : j’ai été le premier à m’interroger sur les hausses successives de la dotation de ce fonds et sur le contrôle quasi-inexistant des plus de 750 radios associatives concernées, parmi lesquelles cohabitent des stations tout à fait honorables, nécessitant un soutien, et d’autres qui peuvent tenir à l’antenne des propos sortant du champ républicain. Il serait nécessaire de faire le tri et d’attribuer les subventions sur des critères plus solides. Quelques millions d’euros pourraient ainsi être économisés. En attendant, cette baisse n’est accompagnée d’aucune étude d’impact, notamment en matière d’emplois.

S’agissant de la presse écrite, le constat est plutôt sombre. La diffusion et les recettes publicitaires continuent de s’effondrer, dans un contexte d’inflation persistante pour le secteur. La consolidation des aides à la presse ne peut avoir de sens que si l’État œuvre au renforcement durable de son modèle économique, d’abord en dégageant de nouvelles sources de financement. La réforme de la loi de 2019 sur le droit voisin est désormais urgente, alors que tout le monde s’accorde à dire qu’en dehors de Google – et encore est-ce à coups de sanctions de l’Autorité de la concurrence – aucune plateforme ne respecte ses obligations. Le rééquilibrage dans le partage de la ressource publicitaire est tout aussi urgent, alors que Google et Meta captent les trois quarts du marché de la publicité en ligne. Le comité de pilotage des états généraux de l’information a proposé la création d’une contribution obligatoire des plateformes sur la publicité numérique, dont le produit serait redistribué aux médias traditionnels. J’y suis très favorable et j’espère que cette mesure sera intégrée au projet de loi que prépare la ministre de la culture. Faisons payer les pilleurs de contenus plutôt que l’État et donc les Français.

Je souhaite également que soit relancée la réflexion sur un crédit d’impôt sur le revenu au titre des abonnements à une publication d’information politique et générale. Un tel dispositif, qui devrait trouver sa place dans une refonte globale des aides à la presse, aujourd’hui illisibles, pourrait utilement remplacer les aides au pluralisme. Je considère que nous n’avons pas suffisamment donné sa chance au crédit d’impôt créé en 2020. Là encore, l’État pourrait économiser quelques millions. Le rôle de la puissance publique ne peut se résumer à la distribution de subventions – nous ne sommes pas en Union soviétique. L’État a pour première responsabilité de penser, d’anticiper les mutations de la presse écrite, en l’incitant à rassembler ses forces chaque fois que c’est nécessaire. C’est pourquoi je vous alerte quant à la nécessité d’une conclusion rapide de la concertation Soriano sur la distribution de la presse imprimée, afin d’aboutir à un accord de filière ambitieux. Pour presser les acteurs, une légère réduction des subventions peut être envisagée.

Comme l’an dernier, je vous alerte à propos de la distribution de la presse dans les outre-mer. La récente liquidation du Journal de l’île de La Réunion est un nouveau motif d’inquiétude. Le risque est grave : d’ici peu de temps, il pourrait n’y avoir plus aucun titre d’information local dans les outre-mer. Les pouvoirs publics n’ont malheureusement pas encore pris la mesure du caractère dramatique de la situation.

Il en va bien différemment pour la musique et le cinéma, deux secteurs qui se portent bien – et c’est heureux. Le soutien que leur consentent les pouvoirs publics est pleinement justifié, mais le niveau qu’il atteint m’étonne, dans un contexte budgétaire aussi contraint que le nôtre. J’ai entendu les appels à déplafonner la taxe sur les spectacles vivants, plus connue sous le nom de « taxe billetterie » – son plafond, qui a été augmenté, pour s’établir à 50 millions d’euros, devrait être largement atteint en 2025. L’argument serait qu’il s’agit là de l’argent de la filière musicale, et qu’en reverser une partie à l’État reviendrait à miner le consentement à l’impôt. Que le produit de cette taxe ait vocation à financer le Centre national de la musique (CNM), nous en convenons tous, mais le niveau de ce financement doit être réfléchi. En défendant l’abaissement du plafond de la taxe billetterie, ainsi que de la taxe streaming, je ne souhaite nullement punir la filière musicale, mais simplement la faire participer davantage au redressement de nos finances publiques, au moins pour quelques années, sans que cela ne la mette en péril. Là encore, cela ferait rentrer de l’argent dans les caisses de l’État.

S’agissant de la taxe streaming, je m’interroge, comme tout le monde, sur le rendement attendu cette année. Il semble que plusieurs grandes plateformes refusent encore de la payer, au motif qu’elles ne proposeraient de la musique qu’« à titre accessoire ». Cette situation est inadmissible et j’espère que l’administration fiscale y mettra bon ordre d’ici la fin de l’année.

J’ai pris note de la disposition du projet de loi de finances prévoyant un prélèvement de 450 millions sur la trésorerie du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Au vu de la progression des ressources fiscales du Centre, qui passeraient de 771 millions en 2023 à 785 millions cette année, je ne peux qu’approuver la participation au redressement des comptes publics qui lui est demandée.

C’est dans le contexte particulièrement préoccupant de nos finances publiques que je vous propose un grand plan de réduction des dépenses, faisant participer l’ensemble des acteurs du secteur à leur juste niveau. Ce sont près de 70 millions d’euros – et non pas 12 – que nous pouvons économiser sur cette mission, en plafonnant les taxes affectées au CNM, en refondant les aides directes à la presse en matière de portage et de pluralisme, en réduisant la dotation publique à l’Agence France-Presse, en limitant l’avantage fiscal des Sofica (Société pour le financement de l’industrie cinématographique et audiovisuelle) pour le CNC ou en mettant fin aux subventions incontrôlées à Medi1, cette radio que, si l’on en croit les sondages, personne ne semble connaître ni écouter.

Enfin, la partie thématique de mon avis budgétaire poursuit le même objectif que l’an dernier : préserver la souveraineté audiovisuelle française. Après avoir défendu ce qu’il est désormais convenu de nommer la « découvrabilité » des contenus audiovisuels, je me suis intéressé cette année à leur mode de production, avec une question : les règles anti-concentration sont-elles adaptées à la concurrence des Gafam, les géants du numérique ? Non : elles sont dépassées et l’heure est venue de refonder le dispositif, en abandonnant la logique des seuils et en permettant à notre audiovisuel de rassembler davantage ses forces, pour mieux affronter les mastodontes qui captent toujours plus l’attention des Français et la ressource publicitaire. Ce n’est qu’en renforçant la viabilité économique de nos médias audiovisuels que ceux-ci pourront survivre dans un univers ultra-concurrentiel.

Il est donc nécessaire de nous projeter à moyen terme. Jusqu’à présent, l’horizon nous a donné raison – je pense notamment à la fusion avortée entre TF1 et M6 : on voit bien, avec le recul, que les arguments avancés par l’Autorité de la concurrence sont complètement dépassés. Nous avons besoin de concentration. Il est plus que jamais indispensable de libérer les acteurs français des carcans anti-concentration, afin de permettre l’émergence de grands groupes audiovisuels plurimédias capables de garantir à long terme une souveraineté audiovisuelle française. On me répondra en parlant de pluralisme. Tout le monde est attaché au pluralisme, mais méfions-nous d’une vision purement idéologique ou trop économique du problème. Le pluralisme et la concentration entretiennent des rapports complexes et le législateur dispose de bien d’autres outils pour assurer le pluralisme, lequel gagnerait par ailleurs à s’appliquer aussi à l’audiovisuel public.

Pour conclure, je regrette l’absence de réformes structurelles pour l’ensemble du secteur. Je ne peux donc que donner un avis défavorable à l’adoption de ces crédits.

M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis de la mission Audiovisuel public. Permettez-moi de commencer par rappeler mon attachement à l'audiovisuel public, qui s’appuie sur des professionnels de grande qualité – journalistes, techniciens, animateurs, monteurs, réalisateurs et producteurs. Ses missions sont essentielles : informer de manière indépendante et pluraliste, soutenir la création d’œuvres originales françaises de qualité, refléter la diversité de la société, divertir avec intelligence et promouvoir la liberté de la presse, la culture et la langue française. Pour rester en bonne santé, une démocratie a besoin d’un audiovisuel public puissant et doté de moyens importants.

Compte tenu de mon passé professionnel, j’ai interrogé le déontologue de l’Assemblée nationale avant de prendre la charge de cette mission. Mes rapports professionnels avec France Télévisions étant inexistants depuis huit ans, il m’a confirmé que c’était possible.

Notre audiovisuel public n’est pas exempt de reproches : il n’est pas toujours à la hauteur de ses missions, notamment en matière d’information. Pour l’améliorer, nous devons lui allouer beaucoup plus de moyens financiers et réclamer davantage de pluralisme et moins de partis pris. Il faut le protéger et non pas le privatiser, comme certains en rêvent, ne supportant pas que l’audiovisuel public défende l’antiracisme, la solidarité et l’égalité des droits.

Sept programmes composent les crédits de la mission Audiovisuel public : un pour chacun des établissements – France Télévisions, Radio France, Arte France, France Médias Monde, TV5 Monde et l’Institut national de l’audiovisuel (INA) – et un programme regroupant des crédits dits de transformation.

Pour 2025, l’ensemble de ces crédits s’établissent à 4 029,16 millions d’euros, en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit une progression apparente de 2,43 millions – qui est factice, puisqu’elle est imputable à l’évolution de la compensation des effets fiscaux de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public en 2022. Ces crédits appellent des observations sur la forme comme sur le fond, y compris concernant le fonctionnement, parfois préoccupant, de l’audiovisuel public.

Sur la forme donc, pour la première fois depuis 2006, les crédits de l’audiovisuel public sont organisés sous la forme d’une mission budgétaire. Bien que je sois opposé à la budgétisation, comme l’ensemble des interlocuteurs que j’ai rencontrés, la situation nous impose d’être compréhensifs. En effet, le financement de l’audiovisuel public est pour le moment assuré au moyen d’un compte de concours financiers, lui-même alimenté par une fraction de la TVA. Dans l’hypothèse où la réforme attendue de la Lolf (loi organique relative aux lois de finances) n’aboutirait pas dans les délais souhaités, ce mode de financement ne pourrait pas être renouvelé au-delà du 31 décembre 2024. Le Gouvernement a donc légitimement prévu une solution de secours.

Le PLF pour 2025 comporte ainsi une mission budgétaire classique, dotée des 4 milliards d’euros que j’évoquais, ainsi qu’un compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public égal à zéro, vers lequel les crédits de la mission seraient transférés si la réforme aboutissait. Je ne conteste pas cette mécanique, mais je considère que les garanties proposées pour assurer l’indépendance de l’audiovisuel public ne seraient pas suffisantes dans l’hypothèse où la réforme de la Lolf n’aboutirait pas dans les temps. J’ai déposé un amendement à ce sujet.

Sur le fond, les crédits ne sont clairement pas à la hauteur des enjeux. Au premier abord, le budget proposé pourrait sembler honorable compte tenu de la stabilité globale des crédits. Toutefois, les crédits votés l’an passé n’ont pas été exécutés conformément au vote du Parlement, puisque 50 millions d’euros ont été annulés ou suspendus en cours d’exercice. Par ailleurs, lors de la négociation des contrats d’objectifs et de moyens (COM) des établissements de l’audiovisuel public, l’État s’était engagé à relever sensiblement le budget en 2025. On aurait pu croire qu’après des années de casse, l’horizon s’éclaircissait un peu, mais non : les crédits inscrits au PLF pour 2025 sont inférieurs de plus de 80 millions d’euros à la trajectoire prévue et les COM sont désormais caducs. En l’espace d’un an, ces derniers se sont transformés en miroirs aux alouettes, à tel point qu’on pourrait les rebaptiser « Catalogues des Oublis et des Mensonges ».

Alors que les contrevérités et les contenus racistes prolifèrent dans les médias privés, comme la chaîne CNews, l’audiovisuel public devrait être une priorité du Gouvernement. Pourtant, de France Télévisions à France Médias Monde, tous ses acteurs sont soumis à la même cure d’austérité.

Outre le budget, le fonctionnement quotidien de l’audiovisuel public lui aussi est inquiétant, comme en témoignent quatre exemples récents. Le premier est le licenciement pour faute grave de Guillaume Meurice, une sanction choquante et contraire à l’esprit du service public. Le tribunal des prud’hommes étant saisi, je n’en dirai pas plus, mais je constate l’existence d’un « deux poids deux mesures » à Radio France, où Alain Finkielkraut semble inamovible malgré ses dérapages et ses accusations à l’encontre du personnel de Radio France.

Le deuxième exemple concerne les conditions de nomination de Mme Kim Younes à la présidence de TV5 Monde. À la suite de la démission d’Yves Bigot, en mai 2024, les ministères de tutelle ont lancé un appel à candidatures, auquel vingt personnes ont répondu, en présentant par mail un projet pour l’entreprise. Aucun n’a été auditionné. La procédure n’a été qu’un simulacre organisé dans la plus grande opacité.

Le troisième exemple est particulièrement symptomatique des dérives de l’audiovisuel public : il s’agit de la situation de M. Bernard-Henri Lévy, président du conseil de surveillance d’Arte France depuis 1993 – trente-et-un ans, huit mandats. À deux reprises, en 2019 et en 2024, Bernard-Henri Lévy a opportunément bénéficié d’une modification des statuts du conseil de surveillance d’Arte pour rester en fonction alors qu’il avait dépassé la limite d’âge. Surtout, entre 2011 et 2022, quatre de ses productions audiovisuelles et cinématographiques ont bénéficié d’un appui financier d’Arte France, pour un montant total de 750 000 euros.

J’ai interrogé la direction d’Arte France au sujet de ce conflit d’intérêts manifeste. Dans un État de droit, il est inadmissible qu’une personne présidant le conseil de surveillance d’une entreprise puisse bénéficier du soutien financier répété de cette même entreprise. Le Monde diplomatique résumait ainsi la situation : « Ce privilège d’Ancien régime ne perpétue pas seulement le conflit d'intérêts entre une chaîne qui subventionne et diffuse (en troisième partie de soirée) les documentaires nombrilistes de son inamovible mandarin. Il sonne en ce moment comme une déclaration politique. » J’invite Bernard-Henri Lévy, qui nage depuis plusieurs années en plein conflit d’intérêts, à démissionner de ses fonctions et j’encourage la chaîne à modifier sans délai ses statuts afin de prévenir ce type de situations.

Quatrième exemple des dysfonctionnements de l’audiovisuel public, le traitement déséquilibré et partial des événements en cours à Gaza. France Télévisions et Radio France ont invisibilisé ou largement minimisé les souffrances des Palestiniens. Elles ne montrent pas d’images du génocide qui frappe des dizaines de milliers de femmes et d’enfants ; elles ne citent pas le bilan pourtant ahurissant des victimes palestiniennes ; elles adoptent un parti pris pro-Netanyahou qui apparaît comme une faute professionnelle et morale majeure.

M. Denis Masséglia, rapporteur spécial de la commission des finances. Outre les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles, je suis chargé cette année de ceux de la mission Audiovisuel public.

Sans réforme de la Lolf avant le vote du PLF pour 2025, l’audiovisuel public sera dorénavant financé par crédits budgétaires. C’est une source d’inquiétude pour les organismes concernés, qui redoutent des conséquences importantes sur leur réputation et sur leur capacité de diffusion. Alors que la proposition de loi organique dédiée a récemment été adoptée par la commission des finances du Sénat et que les débats sur la première partie du PLF sont en cours, je rappelle l’urgence de cette réforme et l’importance de nous accorder sur un mode de financement préservant l'indépendance de l’audiovisuel public.

Les crédits de cette mission Audiovisuel public sont stables, avec un peu plus de 4 milliards d’euros. Cependant, en prenant en considération l’augmentation des effets fiscaux liés à la suppression de la contribution à l’audiovisuel public, on observe une baisse d’environ 60 millions d’euros. Après une loi de finances pour 2024 inédite, le PLF pour 2025 révise à la baisse la trajectoire de financement.

Alors que la trajectoire des COM prévoyait une augmentation brute des dotations publiques de 84 millions d’euros entre 2024 et 2025, l’augmentation effective s'établit à 2,46 millions d’euros. Pourtant, ce qui avait justifié l’engagement de l'État dans une trajectoire dynamique reste d’actualité. L’audiovisuel public remplit bien ses missions de service public : production et diffusion de programmes de qualité, fiabilité de l’information, financement de la création, etc. L’État souhaitait accompagner les acteurs pour relever les défis qui se posent en matière de transformation numérique, d’intelligence artificielle, de désinformation, de renouvellement de l’offre jeune public et de renforcement de la proximité. Les projets de COM, sur lesquels nous nous prononcerons bientôt, présentaient donc des objectifs ambitieux, auxquels correspondaient des moyens supplémentaires. Or l’engagement de l’État a été rompu en février 2024 avec l’annulation de 20 millions d’euros de crédits de transformation, dont les versements se sont arrêtés en avril sans que les organismes de l’audiovisuel public n’en aient été informés. Sur les 69 millions d’euros de crédits de transformation initialement prévus, seuls 19 ont été versés à ce jour et la direction du budget prévoit que le reste ne sera pas versé en 2024.

Bien que le contexte budgétaire nécessite des efforts importants de la part de tous, je regrette que l’État n’ait pas tenu ses engagements. Il y va de la parole du Gouvernement et de celle du Parlement, qui avait voté les crédits de transformation en 2024. En l’absence d’une relation de confiance avec leur tutelle, il semble difficile d’exiger des organismes de l’audiovisuel des transformations et des réorganisations majeures.

Le budget de la mission Médias, livre et industries culturelles diminue de 12,2 millions d’euros, la baisse étant principalement supportée par le programme 180 Presse et médias. Le fonds de soutien à l’expression radiophonique locale subit en particulier une diminution de près de 30 %. C’est une nouvelle soudaine et regrettable pour les radios associatives, qui jouent pourtant un rôle important dans le maintien du lien social, en particulier dans les territoires ruraux, et que le fonds finance pour 40 % en moyenne de leurs ressources. La baisse du programme 180 s’explique également par l’extinction de l’aide temporaire aux réseaux de portage, dans le cadre de la réforme du transport de la presse. Les réflexions en cours sur la réorganisation de la filière de distribution de la presse doivent aboutir à une réforme devenue indispensable eu égard aux difficultés systémiques du secteur.

Le programme 334 Livre et industries culturelles connaît lui aussi une légère baisse de ses crédits, qui entraîne une redistribution partielle entre les différents opérateurs de la mission. Le principal bénéficiaire en est la Bibliothèque nationale de France, qui pourra ainsi faire face à l’augmentation de ses coûts de fonctionnement et respecter la trajectoire du COM.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons aux orateurs des groupes.

M. Bruno Clavet (RN). L’audiovisuel public, qui coûte 3,2 milliards d’euros aux Français, a oublié ses missions d’équilibre et d’impartialité. Compte tenu du contexte économique, cela doit nous donner le courage de mener les réformes que les Français appellent de leurs vœux.

Le Rassemblement national propose d’amorcer la transition en diminuant les crédits de France Télévisions et de Radio France. L’État ne peut plus se permettre de les financer autant qu’auparavant, pas plus qu’il ne peut investir davantage pour leur permettre de rivaliser avec Netflix, Prime Video, Apple TV ou Disney +. Il est utopique de croire que nous pourrions dégager 210 millions d’euros pour une série, soit le prix d’une seule saison de Stranger Things par exemple. À long terme, seule une privatisation le permettrait, accompagnée de la levée des obstacles empêchant des groupes comme TF1 et M6 de se rapprocher pour bâtir un géant français du divertissement. Soyons lucides : l’audiovisuel public est en fin de vie. Plutôt que de prolonger son agonie aux frais du contribuable, accompagnons-le vers la sortie.

Quant à la mission Médias, livre et industries culturelles, qui mobilise 730 millions d’euros, il est nécessaire de rationaliser ses dépenses. Le Rassemblement national propose un plan d’économies de plusieurs millions, en remplaçant les aides directes à la presse par un crédit d’impôt à l’abonnement, ce qui permettrait de soulager l’État de 13 millions d’euros, et en réduisant de 4 % la dotation de l’Agence France-Presse, afin d’économiser 5 millions d’euros sans pour autant compromettre son fonctionnement.

Le Rassemblement national est déterminé à mener des réformes ambitieuses pour alléger la dette publique sans remettre en question la liberté des médias, mais en renforçant leur indépendance. Grâce à ces réformes, la France disposera d’acteurs capables de rivaliser avec les plus grands. Madame la ministre, je sais que vous avez le courage nécessaire pour tenir bon contre les syndicats d’extrême gauche, allergiques à tout changement.

Mme Céline Calvez (EPR). En cette période de réduction des dépenses et après une hausse continue du budget de la culture, madame la ministre, vous avez réussi à maintenir les crédits alloués au ministère. Au nom des députés de mon groupe, je vous en remercie.

Les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles, avec 720 millions d’euros, sont donc relativement stabilisés, à l’exception notable du fonds de soutien à l’expression radiophonique. Le soutien aux bibliothèques nationales est renforcé, tandis que les aides à la presse, démultipliées ces dernières années, se stabilisent. À l’heure où les états généraux de l’information appellent à une refonte du modèle économique des acteurs et à un renforcement du pluralisme par une meilleure redistribution de la richesse des plateformes, il apparaît essentiel de s’interroger à nouveau sur la pertinence du système de soutien à la presse. Une modernisation des aides à la presse est-elle envisagée ?

L’audiovisuel public, dont nous remarquons l’audience et l’impact, traverse une période d’incertitude quant à son mode de financement et à ses projets de gouvernance. Dans ce contexte, vous augmentez ses crédits de plus de 2 millions d’euros. Le budget total dépasse ainsi les 4 milliards d’euros, mais il est en deçà de la trajectoire prévisionnelle présentée en septembre 2023 et dans les projets de COM 2024-2028, au sujet desquels Sophie Taillé-Polian et moi-même rendrons prochainement un avis. Il est regrettable que les programmes de transformation en faveur des coopérations et du développement des quatre priorités – culture, jeunesse, information et proximité – fassent l’objet de coupes ou de suspensions répétées. Quels pourraient être la hauteur, les jalons, l’évaluation et le rôle des crédits de transformation dans le pilotage de l’audiovisuel public ? Par ailleurs, quelle place accorder aux ressources propres de l’audiovisuel public, c'est-à-dire la publicité et la commercialisation des droits sur les œuvres ?

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles souffrent dans ce PLF d’une politique austéritaire dont la principale victime est la radio associative. Le budget alloué au fonds de soutien à l’expression radiophonique locale est en effet ramené de 35 à 25 millions d’euros, ce qui aura des conséquences dévastatrices pour le secteur : suppression de plus de 800 emplois, recul du pluralisme, appauvrissement de la diversité médiatique locale et affaiblissement de l’offre culturelle.

Les aides à la presse souffrent également d'une baisse de 1,9 million d’euros, qui n’aura pas d’effet majeur sur ses principaux bénéficiaires, les titres adossés à de grands groupes industriels, mais frappera de plein fouet les médias indépendants. Une réforme d’ampleur est nécessaire afin de favoriser l’émergence et la diffusion des médias indépendants et de respecter l’indépendance des rédactions.

Enfin, nous nous opposons à la budgétisation du financement de l’audiovisuel public, dont les établissements ont besoin d’un financement pérenne et à la hauteur de leurs besoins. Compte tenu de l’inflation, bien que les crédits demeurent stables à 4 029 millions d’euros, ils accusent en réalité une baisse de 80 millions d’euros. Le groupe GDR a déposé un amendement sur la première partie du PLF, visant à rétablir une contribution proportionnelle et universelle à l’audiovisuel public. Seul un financement affecté peut assurer un financement pérenne et garantir l'indépendance économique et éditoriale du service public audiovisuel.

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Je m’associe aux alertes lancées par le rapporteur Aymeric Caron au sujet du financement et des dysfonctionnements de l’audiovisuel public. En revanche, sur les industries culturelles, je m’oppose radicalement au rapporteur Philippe Ballard, qui non seulement veut privatiser l’audiovisuel public, mais défend bec et ongles la concentration des médias et des industries culturelles dans les mains de quelques milliardaires, prétendument au nom de la compétitivité de la France. Rien de très surprenant puisque Fayard, rachetée par Bolloré, publie le livre de Jordan Bardella et que Planète +, chaîne documentaire du groupe Canal détenu par Bolloré, va adapter Le suicide français, livre révisionniste d’Éric Zemmour, en une série de quatre épisodes.

J’aimerais vous entendre, madame la ministre, au sujet de la concentration dans les domaines de l’édition, des industries culturelles et des médias, mais aussi sur la mainmise de certains milliardaires qui déclarent eux-mêmes mener une guerre civilisationnelle.

Les aides à la presse, distribuées selon un système d’arrosage automatique, favorisent la concentration du secteur. Ainsi, 200 millions d’euros sont distribués sans contrepartie en matière d’indépendance ou de diversité. Parallèlement, le soutien à l’expression radiophonique locale, pourtant gage de diversité, subit un véritable massacre.

Enfin, le CNC et son petit frère le CNM sont des outils indispensables au maintien de l’exception culturelle française, que vous avez à cœur de défendre, madame la ministre. La ponction sur la trésorerie du CNC est certes plus rassurante que tous les scénarios que laissait craindre l’audit de l’inspection des finances, mais elle ne constitue pas un signal favorable pour le cinéma et ne règle pas la question de la refonte éventuelle des aides visant à éviter les phénomènes de concentration. Quant au CNM, je m’associe aux revendications défendues par Ekhoscènes quant au relèvement du plafond de la taxe sur la billetterie, d’autant que la taxe sur le streaming ne rapporte pas autant qu’espéré. Pour construire un modèle redistributif vertueux sur le modèle du CNC, l’État doit accepter de ne pas ponctionner les taxes sur la billetterie et de conserver le système de redistribution interne, qui finance et favorise la diversité de la création.

M. Emmanuel Grégoire (SOC). Ravi de vous retrouver ici, madame la ministre, pour aborder des sujets dont les enjeux sous-jacents sont d’une gravité qui mérite de retenir notre attention collective.

Le Gouvernement entend-il apporter son soutien à la proposition de loi organique portant réforme du financement de l’audiovisuel public, qui sera examinée demain au Sénat ? La réponse à cette question changera complètement la nature de nos discussions budgétaires. Pour notre part, nous réitérons notre opposition totale à la budgétisation, d’une part parce que ce n’est pas un gage d’indépendance et de stratégie de développement pluriannuelle, d’autre part parce que cela soumettrait l’audiovisuel public à des régulations infra-annuelles très problématiques. Entendons-nous bien : le texte sénatorial tend à modifier la loi organique et non à réformer l’audiovisuel public, contrairement à ce que j’ai pu entendre ici ou là. Les deux sujets doivent être disjoints et nous n’avons pas le temps nécessaire pour traiter de la réforme de l’audiovisuel public en ce début de législature.

J’en viens à la situation budgétaire, qui suscite des inquiétudes chez les personnels mais aussi chez tous les acteurs du secteur – n’oublions pas que France Télévisions reverse 1 milliard d’euros à l’ensemble des acteurs du cinéma, de la fiction, du documentaire et autres. Prenons aussi l’exemple de France Médias Monde. À l’heure où se déroule une guerre de l’information totale au plan mondial, ce désarmement informationnel est-il utile au rayonnement et à l’influence de la France ? La baisse de 12 millions d’euros de la mission Médias, livre et industries culturelles représente une saignée pour les radios indépendantes et associatives, pour le CNM, pour les livres et la lecture. Nous avons donc déposé de nombreux amendements pour protéger l’audiovisuel public et le secteur des médias en général.

Mme Frédérique Meunier (DR). En préambule, je tiens à dire que je regrette que le rapport sur les crédits de la mission Audiovisuel public fasse l’objet d’un détournement par M. Caron. Le rapporteur pour avis fait de sa présentation une tribune militante pour exprimer les thèses qui lui sont chères sur l’audiovisuel et qui sont, quoi que l’on puisse en penser, strictement étrangères à la nature budgétaire de l’exercice.

Le budget de l’audiovisuel public pour 2025 est reconduit. Il s’élève à 4 milliards d’euros. Vos deux priorités, madame la ministre, sont d’une part le financement de la télévision et des radios publiques, et d’autre part la fusion de l’audiovisuel public par le regroupement de France Télévisions, France Médias Monde et l’INA. En raison de la dissolution de l’Assemblée nationale, une proposition de loi sur ce point, qui avait été adoptée au Sénat, est devenue caduque. Nous espérons que ce texte, qui nous tient à cœur, pourra être repris et adopté avant la fin de l’année.

Quant au financement de l’audiovisuel public, la proposition de loi organique du sénateur Cédric Vial, qui sera débattue demain au Sénat, vise à modifier certaines règles encadrant les lois de finances afin de permettre la pérennisation du financement par la TVA. Ce système provisoire, qui avait été retenu pour pallier la suppression de la redevance en 2022, arrive en effet à échéance fin 2024. Nous espérons que ce texte sera adopté avant la fin de l’année, afin d’éviter que l’audiovisuel public ne soit intégré directement au budget de l’État. Il est important de pérenniser son financement afin d’éviter toute proposition fantasque de certains de nos collègues, comme celle de rétablir une nouvelle redevance calculée en fonction des revenus.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je vais centrer mon intervention sur l’audiovisuel public, que les gouvernements qui se sont succédé depuis 2017 n’ont cessé de fragiliser, avec une baisse constante des moyens, sauf en 2023, et la suppression de la redevance en 2022.

Madame la ministre, ce budget prépare la fusion de l’audiovisuel public, votre projet, auquel nous sommes radicalement opposés.

Est-ce envisagé de manière positive, autour d’une vision apte à répondre aux enjeux en matière de concurrence des plateformes ou de lutte contre la désinformation ? Non, l’unique dessein de la fusion est de faire des économies. Les preuves ne manquent pas : on coupe dans les budgets dits de transformation, censés accompagner des projets de mutualisation et d’optimisation collective dans certains domaines ; on rabote sous prétexte que le groupe fusionné va coûter plus cher ; on oblige des maisons qui sont déjà à l’os à dégrader le service public et les conditions de travail. France Médias Monde renonce à envoyer des envoyés spéciaux en mission. France 3 n’a pas les moyens de réparer certaines caméras, et tant pis pour les éditions régionales qui sont floues – et les exemples de ce type abondent. On ne remet pas en cause les objectifs des COM, mais on organise leur échec, en ne débloquant pas les budgets pourtant alloués.

Ce budget illustre bien le fameux « quand on veut noyer son chien, on dit qu’il a la rage ». Nous y sommes opposés, au nom du service public, de l’accès de tous à une information de qualité, de la diversité culturelle, de l’indépendance, du pluralisme et aussi des droits sociaux qui ne manqueront pas d’être remis en cause projet.

Mme Géraldine Bannier (Dem). Dans un cadre budgétaire très contraint, la mission Médias, livre et industries culturelles est en baisse de 1,6 % tandis que la mission Audiovisuel public affiche une hausse de 0,1 %, ce qui porte leurs crédits respectifs à 723 millions et 4,029 milliards d’euros.

Les aides à la presse sont stabilisées. L’aide à l’exemplaire posté diminue, en raison d’une baisse des volumes, tandis que l’aide à l’exemplaire porté augmente dans les mêmes proportions. Au lendemain des états généraux de l’information, nous souhaitons insister sur la nécessité de soutenir la presse. Il faut trouver des dispositifs d’encouragement à sa lecture, sachant que le postage reste important en milieu rural, dès que l’on quitte les bourgs. Il faut aussi accompagner la mutation engendrée par l’intelligence artificielle.

Le groupe Les Démocrates se réjouit que les budgets alloués au livre et aux industries culturelles soient globalement préservés. Il est fondamental de faire lire le plus grand nombre possible de jeunes, de les aider à cultiver leur imaginaire et à développer leur esprit critique. La Bibliothèque nationale de France voit ses moyens renforcés de 4,7 millions d’euros, tandis que le Centre national du livre disposera de 20 millions d’euros pour encourager la création et la diffusion. Tout cela est salutaire. Par le biais du programme 334 Livre et industries culturelles, le soutien aux bibliothèques municipales sera accru au travers du plan Culture et ruralité. Cela permettra de renforcer les ressources mutualisées apportées par les bibliothèques départementales aux médiathèques implantées en milieu rural et dans les petites villes.

La stabilité des crédits de la mission Audiovisuel public est une bonne nouvelle dans un environnement en plein bouleversement, qui demande visibilité et prévoyance. Nous resterons vigilants sur la réforme urgente du financement de l’audiovisuel public, dont les contours doivent être prochainement examinés en commission spéciale. Pour éviter la budgétisation du financement, il serait possible de pérenniser l’affectation d’une fraction de TVA. Nous serons particulièrement attentifs tant au périmètre qu’au financement retenu.

Le temps contraint de cette discussion m’oblige à faire court. Quoi qu’il en soit, nous saluons l’esprit de responsabilité de ce texte, ainsi que les efforts consentis pour préserver ces budgets si importants pour l’édification d’une société civique et instruite. Le groupe Les Démocrates votera en faveur de ce budget.

Mme Béatrice Piron (HOR). Au nom du groupe Horizons et indépendants, je tiens à vous remercier d’avoir fait de l’audiovisuel public une priorité. L’actualité nous rappelle l’urgence de statuer sur le financement de l’audiovisuel avant la fin de l’année. En effet, la mesure temporaire fixée par la loi organique relative aux lois de finances, modifiée en 2021, prendra fin le 31 décembre 2024. Si la commission du Sénat s’est récemment prononcée en faveur de la pérennisation de l’affectation d’une fraction de la TVA, cette solution doit encore être validée cette semaine en séance publique, puis à l’Assemblée, pour garantir la continuité de ce modèle de financement.

Plusieurs autres options étaient envisageables pour financer l’audiovisuel. Alors que certains collègues prônaient un prélèvement sur les recettes de l’État, je suis convaincue, au vu de l’urgence de la situation, qu’il faut maintenir le système d’affectation d’une part de la TVA. Quant à la budgétisation, elle affaiblirait tout l’écosystème et enverrait un signal négatif concernant l’indépendance et la transparence de l’information, au niveau national mais surtout international. Une fois le système actuel pérennisé, nous pourrons envisager de réexaminer d’autres options, y compris un financement direct, proportionnel aux revenus, comme cela se pratique dans certains pays nordiques.

Les Français sont profondément attachés à ces services dont il est impératif de préserver l’indépendance et la qualité. Dans un contexte de restrictions budgétaires généralisées, des inquiétudes se font sentir par rapport aux trajectoires financières définies dans les COM : les engagements pris dans ces contrats ne semblent plus correspondre aux réalités budgétaires à venir. Le secteur de l’audiovisuel public doit pouvoir anticiper et se projeter, d’autant que certains acteurs ont déjà investi dans leur programme de transformation. Comment ces efforts peuvent-ils se poursuivre, dans un contexte où les ressources deviennent de plus en plus incertaines ? Envisagez-vous de réajuster les crédits alloués à l’audiovisuel pour 2025 pour retrouver ceux prévus dans les COM ?

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons aux questions des autres députés.

Mme Julie Delpech (EPR). Le PLF pour 2025 prévoit une réduction drastique, de 30 %, du fonds de soutien à l’expression radiophonique. Cette coupe budgétaire, avec des crédits passant de 35,7 à 25,3 millions, menace directement la survie de plus de 770 radios associatives en France. Or ces médias du dernier kilomètre jouent un rôle essentiel dans l’animation locale, l’éducation aux médias et la lutte contre la désinformation, surtout dans les zones rurales et les quartiers prioritaires. Ces radios représentent 15 % des fréquences FM et sont le deuxième employeur du secteur radiophonique de notre pays. Pour assurer leur pérennité, j’ai déposé un amendement visant à rétablir leurs budgets.

Madame la ministre, comment justifiez-vous cette décision qui semble contredire les priorités de l’État en matière de soutien aux médias de proximité ? Dans votre propos introductif, vous vous êtes engagée à trouver des solutions. Quelles mesures envisagez-vous pour préserver la diversité radiophonique française et les emplois menacés ?

Mme Rachida Dati, ministre. S’agissant de l’audiovisuel public, je me sens au milieu du gué, entre ceux qui veulent privatiser et ceux qui refusent toute réforme, quitte à ce que les difficultés actuelles s’amplifient.

À mon avis, l’audiovisuel public ne peut pas rester en l’état. J’ai reçu tous les syndicats de France Télévisions et de Radio France, des collectifs de journalistes, les dirigeants. Tout le monde s’accorde à penser qu’une réforme de la gouvernance est nécessaire, que le statu quo n’est plus possible. Vous n’êtes pas d’accord, madame Taillé-Polian, mais rencontrez-les ! La proposition de loi n’avait pas été adoptée en commission par hasard, au doigt mouillé !

M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. J’ai rencontré les syndicats moi aussi, et ils ne m’ont pas donné les mêmes réponses qu’à vous !

Mme Rachida Dati, ministre. Je vous répète que je les ai tous reçus. Le statu quo affaiblirait l’audiovisuel public et risquerait même de le faire disparaître. Or l’audiovisuel public est fondamental dans une démocratie comme la nôtre, surtout quand elle est secouée. Pour ma part, je préfère y voir parfois des choses qui me déplaisent plutôt que d’assister à la disparition de ce pilier de la démocratie. À l’instar de ce qui passe dans tous des pays européens, la préservation de l’audiovisuel public passe par un regroupement des forces, une stratégie mieux définie et plus uniforme, un budget mieux utilisé. Les états généraux de l’information ne disent pas forcément le contraire car, comme vous le savez, tous les sujets sont liés.

Pour lancer cette nécessaire réforme structurelle, il faut avoir le temps de débattre, de confronter les idées et les visions, de dresser un bilan, de faire des études d’impact. J’avais entrepris de le faire avant la dissolution, mais nous ne sommes plus dans le même contexte. Pourtant, la réforme de la gouvernance est nécessaire. Bien sûr, elle est liée à la sanctuarisation du financement, à laquelle je suis très attachée, monsieur Grégoire : l’un ne va pas sans l’autre, je l’ai dit depuis le début. Je pense que la budgétisation pourrait mettre en péril l’indépendance et même la viabilité de l’audiovisuel public. Mais sans réforme de la gouvernance, la sanctuarisation ne suffira pas. La proposition de loi qui a été adoptée au Sénat, à l’initiative de Laurent Lafon, votre homologue, madame la présidente, est une bonne base de travail pour engager cette réforme de la gouvernance de l’audiovisuel public.

S’agissant de la sanctuarisation du financement, nous avions envisagé un prélèvement sur recettes. Nous avons désormais la proposition de loi organique qui sera discutée demain au Sénat. Je serai au banc et je la soutiendrai, monsieur Grégoire. Au passage, je signale que c’est bien la première fois qu’un ministre de la culture soutiendra une réforme de loi organique relative aux lois de finances ! À mon sens, on peut relier cette réforme à celle de la gouvernance, dans le but de sauvegarder notre audiovisuel public, avant d’envisager par la suite des réformes plus profondes et plus affinées. Le statu quo en matière de gouvernance affaiblirait l’audiovisuel public, surtout dans un paysage de concurrence avec des groupes privés de plus en plus organisés et structurés.

M. Ballard a soulevé le sujet de la concentration. Nous en avions d’ailleurs discuté, madame Taillé-Polian, dans le cadre de la commission d’enquête sur la TNT (télévision numérique terrestre). Monsieur Ballard, vous avez dû prendre connaissance des conclusions, d’ailleurs assez équilibrées, des états généraux de l’information sur ce sujet. Il me semble que c’est plutôt dans ce cadre-là que nous pourrons l’aborder.

Les radios associatives, il en existe effectivement 750, de qualité et d’intérêt variables. Comme vous, monsieur Ballard, je suis favorable à l’instauration de critères de contrôle. Les états généraux de l’information ont aussi abordé le thème des droits voisins, que je voulais intégrer à la réforme envisagée avant la dissolution de l’Assemblée nationale. Quant au crédit d’impôt instauré en 2020, nous n’avons pas assez de recul pour juger de ses résultats mais je suis à votre disposition pour en dresser le bilan. Si vous reprenez les conclusions des états généraux de l’information, vous verrez d’ailleurs que sept recommandations peuvent se concrétiser sur le plan législatif – notamment celle qui concerne la protection des sources des journalistes, dont nous avons déjà eu l’occasion de discuter ensemble, monsieur Caron.

Lorsque j’ai été reconduite dans mes fonctions, j’ai relancé la mission sur l’avenir de la distribution de la presse, confiée à Sébastien Soriano et restée en suspens du fait de la démission du gouvernement. Nous pourrons en discuter dès que j’aurai reçu ses conclusions. Enfin, vous avez raison, monsieur Ballard, de dire que la taxe streaming ne fonctionne pas bien. J’ai demandé que l’on fasse en sorte de l’améliorer. Il faudra surmonter les réticences, car, partout où je me rends, on me demande d’y mettre fin, mais pour ma part, cette taxe me semble indispensable et il faut s’arranger pour qu’elle fonctionne mieux.

J’en viens aux nominations, monsieur Caron. À propos de la présidence de TV5 Monde, un certain nombre de candidatures avaient prospéré pendant la période de gestion des affaires courantes. Pour être honnête, je n’avais pas tout suivi, ne sachant pas trop dans quelle mesure nous pouvions poursuivre le processus. Après un échange avec les partenaires européens, c’est Mme Younes qui a été retenue.

M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. On peut s’interroger sur la transparence du processus, étant donné qu’aucun candidat n’a été reçu.

Mme Rachida Dati, ministre. Si, pour ma part, j’en ai reçu quelques-uns.

M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Ce n’est pas ce qui nous a été dit par vos services.

Mme Rachida Dati, ministre. Les services ne m’ont pas informée qu’ils avaient été questionnés à ce sujet, mais vous imaginez bien qu’à l’instant où un tel poste se libère, le ministre se retrouve avec une pile de candidatures sur son bureau. J’ai reçu certains de ces candidats.

M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Permettez-moi d’insister parce que vos services nous ont affirmé le contraire, à savoir qu’aucune des vingt personnes ayant déposé un dossier de candidature dans le cadre de la procédure officielle n’avait été rencontrée physiquement, ni à votre ministère, ni au ministère des affaires étrangères.

Mme Rachida Dati, ministre. La procédure officielle est écrite, monsieur Caron, mais j’ai reçu ceux qui avaient demandé à l’être. J’ignore qui vous a répondu au sein de mon ministère.

M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Vos propos sont à la fois surprenants et inquiétants. Dans l’enquête réalisée par Libération sur la nomination de Kim Younes, le journaliste indique qu’il n’a pas trouvé une seule personne que vous auriez auditionnée. Cela signifie que vous avez peut-être organisé des rendez-vous en dehors de la procédure classique, ce qui serait gênant.

Mme Rachida Dati, ministre. Allez au bout de votre pensée, je ne comprends pas bien.

M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Je suis allé assez loin. J’ai dit ce que j’avais à dire. C’est très clair.

Mme Rachida Dati, ministre. Et moi je vous réponds de façon tout aussi transparente que j’ai reçu ceux qui avaient demandé à l’être. Je ne comprends pas ce que vous suggérez en disant qu’ils auraient été reçus ailleurs. Une procédure écrite, c’est une procédure écrite. Et ce n’est pas encore Libération qui me donne des instructions et écrit les procédures.

M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Libération n’établit pas les procédures, mais fait des reportages sur la manière dont elles se déroulent. Sur quels critères avez-vous reçu certains candidats et pas d’autres ?

Mme Rachida Dati, ministre. C’est très simple : la procédure est écrite, les candidats peuvent demander à être reçus par le ministre et je reçois tous ceux qui le souhaitent. Quant à Libération, c’est un journal subventionné par la Ville de Paris. En matière d’indépendance, il se pose là. Mais c’est un autre débat…

M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Libération aurait fait une fausse enquête ?

Mme Rachida Dati, ministre. Sans doute.

M. Emmanuel Grégoire (SOC). Alors, on ne doit pas les payer assez !

Mme Rachida Dati, ministre. Vous les payez déjà pas mal, monsieur Grégoire !

S’agissant de Bernard-Henri Lévy, le ministère n’étant pas au conseil de surveillance d’Arte, je n’ai pas été saisie de sa candidature à la présidence pour un huitième mandat. Vos interrogations sont légitimes, monsieur Caron. Je vous invite à écrire au président du conseil de surveillance pour lui demander comment a été décidé le changement des statuts repoussant la limite d’âge. Vous pouvez même l’interroger sur ce que fait la chaîne en matière de production de films et de documentaires.

M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Est-ce que ce conflit d’intérêts vous choque ? Est-ce qu’une telle situation vous paraît normale dans l’audiovisuel public français ?

Mme Rachida Dati, ministre. Par définition, un conflit d’intérêts me choque. Cela étant dit, je ne suis pas procureur ou juge d’instruction. De la même manière que vous avez saisi le déontologue vous concernant, vous avez la liberté d’interroger le président du conseil de surveillance sur le processus de nomination et le changement de statut. À cet égard, je vais dans votre sens.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Veuillez terminer de répondre aux questions des députés, madame la ministre.

Mme Rachida Dati, ministre. S’agissant des crédits, de l’audiovisuel public, 30 millions ne sont pas annulés mais juste reportés, étant donné que la réforme a été décalée. Quant à la trajectoire des COM, la réduction de 80 millions tient compte de la révision à la baisse de l’inflation et du décalage dans les crédits versés au titre des programmes de transformation.

Y a-t-il d’autres questions auxquelles je n’aurais pas répondu ?

M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Je veux bien rouvrir le débat à propos des candidats que vous avez reçus pour la présidence de TV5 Monde.

Mme Rachida Dati, ministre. Venez me voir au ministère, monsieur Caron. Je ne me dérobe pas, mais il est compréhensible que certaines personnes ne souhaitent pas que leur candidature soit rendue publique. Je ne vais pas donner leur nom et risquer de les fragiliser dans leurs fonctions actuelles. C’est tout.

M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Avez-vous rencontré Mme Younes ?

Mme Rachida Dati, ministre. Non, parce qu’elle n’a pas demandé à me rencontrer.

M. Aymeric Caron, rapporteur pour avis. Alors pourquoi a-t-elle été choisie ?

Mme Rachida Dati, ministre. Elle a respecté la procédure, qui est une procédure écrite.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous pourrons encore échanger le vendredi 15 novembre, lors de l’examen de ce budget en séance. Madame la ministre, au nom des commissaires, je vous remercie.

 

 

La séance est levée à vingt heures trente.

 


Présences en réunion

Présents.  Mme Farida Amrani, M. Raphaël Arnault, Mme Bénédicte Auzanot, M. Erwan Balanant, M. Philippe Ballard, Mme Géraldine Bannier, M. José Beaurain, Mme Béatrice Bellamy, M. Bruno Bilde, M. Arnaud Bonnet, M. Idir Boumertit, Mme Soumya Bourouaha, M. Xavier Breton, M. Joël Bruneau, Mme Céline Calvez, M. Aymeric Caron, M. Roger Chudeau, M. Bruno Clavet, M. Alexis Corbière, M. Pierrick Courbon, M. Laurent Croizier, Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho, Mme Julie Delpech, M. Aly Diouara, Mme Virginie Duby-Muller, M. Philippe Fait, M. Emmanuel Grégoire, M. Steevy Gustave, Mme Ayda Hadizadeh, Mme Céline Hervieu, Mme Tiffany Joncour, Mme Florence Joubert, Mme Fatiha Keloua Hachi, M. Jean Laussucq, Mme Sarah Legrain, M. Bartolomé Lenoir, Mme Delphine Lingemann, Mme Graziella Melchior, Mme Marie Mesmeur, Mme Frédérique Meunier, M. Maxime Michelet, Mme Caroline Parmentier, M. Jérémie Patrier-Leitus, M. Thierry Perez, Mme Béatrice Piron, Mme Lisette Pollet, M. Christophe Proença, Mme Isabelle Rauch, M. Jean-Claude Raux, Mme Véronique Riotton, Mme Claudia Rouaux, M. Arnaud Sanvert, Mme Anne Sicard, M. Bertrand Sorre, Mme Violette Spillebout, Mme Sophie Taillé-Polian, Mme Prisca Thevenot

Excusés.  M. Gabriel Attal, M. Frantz Gumbs, M. Frédéric Maillot, Mme Nicole Sanquer

Assistaient également à la réunion.  Mme Pascale Bay, M. Philippe Lottiaux, M. Denis Masséglia, M. Paul Molac, M. Paul Vannier