Compte rendu

Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation

 Projet de loi de finances pour 2025 (n° 324 – seconde partie) :

 Audition de M. Patrick Hetzel, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche 2

 Examen pour avis des crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur : (Mmes Virginie Duby-Muller et Frédérique Meunier, rapporteures pour avis Enseignement supérieur et vie étudiante, et M. Alexis Corbière, rapporteur pour avis Recherche)              27

– Présences en réunion..............................45

 

 

 

 

 


Mercredi
23 octobre 2024

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 9

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi,
Présidente

 


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La séance est ouverte à seize heures quarante.

(Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi, présidente)

 

La commission auditionne M. Patrick Hetzel, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324 – seconde partie).

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous poursuivons l’examen du projet de loi de finances 2025 en abordant la mission Recherche et enseignement supérieur. Nous accueillons pour la première fois M. Patrick Hetzel, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Notre Commission a désigné trois rapporteurs pour avis sur cette mission : M. Alexis Corbière pour la partie recherche, et Mmes Virginie Duby-Muller et Frédérique Meunier pour la partie enseignement supérieur et vie étudiante.

Les rapporteurs ont transmis hier la partie budgétaire de leurs avis aux membres de la Commission. Ils ont également consacré une part importante de leurs travaux à des thèmes spécifiques : le crédit d’impôt recherche pour M. Corbière, et la précarité étudiante pour Mmes Duby-Muller et Meunier.

Monsieur le ministre, quels sont vos projets concernant la réforme des bourses, dont la deuxième phase devait être mise en œuvre à la rentrée prochaine ? Par ailleurs, quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il pour renforcer l’efficacité de la lutte contre la précarité étudiante, notamment en matière de restauration et de logement ?

M. Patrick Hetzel, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je suis heureux de vous retrouver dans le cadre de mes nouvelles fonctions.

Ma priorité sera d’adapter l’offre de formation supérieure pour mieux garantir les débouchés professionnels. La réussite étudiante doit être académique, mais aussi tournée vers l’insertion professionnelle, en intégrant les enjeux majeurs des transitions écologiques, numériques, sociétales et industrielles. Cela implique d’améliorer l’information des étudiants et lycéens dans leurs choix d’orientation, de piloter l’offre de formation et d’inciter les établissements à la transformer.

Ensuite, je vise une nouvelle phase d’autonomie des établissements d’enseignement supérieur, associée à un effort de simplification, de transparence et d’évaluation de la qualité de l’offre. La loi « liberté et responsabilité des universités » (LRU), vieille de 17 ans, a produit des évolutions qu’il convient de poursuivre. Une large réflexion sur cette nouvelle phase d’autonomie sera prochainement lancée. J’en préciserai prochainement les modalités de mise en œuvre. Avant d’aller plus loin, il est nécessaire de bien poser les enjeux pour la nation qui fournit un effort très important pour l’enseignement supérieur et la recherche.

L’offre de formation est abondante : 130 000 places restent disponibles à l’issue du processus Parcoursup. Il est légitime de s’interroger sur l’adéquation entre ces formations, les aspirations des jeunes et les besoins des milieux socio-économiques.

Mon troisième axe prioritaire consiste à renforcer l’investissement public et privé dans la recherche pour préserver la compétitivité de la France. Un véritable pacte pour la recherche sera élaboré avec tous les acteurs concernés. Les découvertes scientifiques issues de la recherche académique française alimentent un flux constant de transferts de connaissances vers le monde socio-économique, générant des innovations majeures dans des domaines tels que le quantique, l’hydrogène, les énergies vertes ou les biothérapies, qui contribuent à la richesse et au dynamisme de la France. Ce n’est pas un tabou : l’enseignement supérieur et la recherche contribuent au développement de la richesse de notre nation.

Le budget 2025 pour l’enseignement supérieur et la recherche a été élaboré dans un contexte contraint, tout en préservant le financement des priorités. Il s’inscrit dans la feuille de route gouvernementale visant à réduire le déficit budgétaire à 5 % du PIB en 2025, puis à le ramener sous les 3 % d’ici 2029.

Le budget du ministère s’élèvera à 26,8 milliards d’euros, répartis entre trois programmes : 15,3 milliards d’euros pour les formations supérieures et recherches universitaires (programme 150), 8,3 milliards d’euros pour la recherche scientifique et technologique pluridisciplinaire (programme 172), et 3,2 milliards d’euros pour la vie étudiante (programme 231). Ce budget progresse de 89 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2024.

Sur le long terme, le budget du ministère a augmenté de 4,3 milliards d’euros entre 2017 et 2025, dont 2,7 milliards d’euros depuis l’adoption de la loi de programmation de la recherche (LPR). Cela témoigne de l’engagement important consenti par la nation pour cette politique publique essentielle à la préparation de notre avenir.

Le budget 2025 se concentre sur quatre priorités essentielles. Premièrement, nous voulons renforcer l’attractivité des carrières scientifiques et l’investissement dans la recherche. Deuxièmement, nous cherchons à améliorer la réussite des étudiants par une politique sociale ambitieuse, incluant l’amélioration de l’offre de logement, une restauration à tarifs modérés et des bourses sur critères sociaux. Troisièmement, nous souhaitons accroître la performance des établissements d’enseignement supérieur grâce à des contrats d’objectifs et de moyens pour un pilotage plus efficace. Enfin, nous poursuivrons la transformation du parc immobilier des établissements, notamment par la rénovation énergétique du parc universitaire et du réseau des Crous (centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires). Des échanges sont en cours avec ma collègue Valérie Létard pour examiner la manière dont des immeubles de bureaux pourraient être transformés en logements pour étudiants.

Concernant l’attractivité des carrières scientifiques et l’investissement dans la recherche, le budget 2025 sanctuarise le cœur de la mise en œuvre de la LPR. Nous allouons 91 millions d’euros supplémentaires au programme 150 et 67 millions d’euros au programme 172. Ces fonds permettront de respecter le protocole d’accord signé le 12 octobre 2020, garantissant ainsi l’attractivité des métiers de l’enseignement supérieur et de la recherche et le respect de la parole publique.

Le budget de l’Agence nationale de la recherche (ANR) est maintenu pour financer les projets de recherche dans des domaines stratégiques, tout en revalorisant l’abondement financier destiné aux établissements pour soutenir les laboratoires et les unités de recherche. De plus, le plan France 2030 investit 13 milliards d’euros, soit un quart de son enveloppe totale de 54 milliards d’euros, au profit des acteurs de la recherche, de l’enseignement supérieur et de l’innovation sur la période 2020-2027. De nouvelles actions sont en cours de mise en place pour un montant de 650 millions d’euros, destinés à un programme « recherche à risque » et au financement d’équipements, les PEPR (programmes et équipements prioritaires de recherche).

Pour améliorer la réussite et les conditions de vie des étudiants, le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 renforce le soutien financier au réseau des œuvres universitaires. La subvention augmentera de 30 millions d’euros, permettant de faire face à la hausse de fréquentation des restaurants universitaires avec 2 613 places supplémentaires, tout en améliorant la qualité des repas, malgré la hausse du coût des denrées alimentaires.

Le PLF maintient également la subvention en faveur des logements du réseau des œuvres. Depuis 2018, cette dynamique a permis la création de près de 30 000 logements sociaux étudiants, dont 12 000 directement gérés par le réseau des œuvres.

Enfin, le PLF pour 2025 réaffirme son engagement envers les étudiants les plus précaires en maintenant le dispositif de repas à 1 euro, non seulement pour les étudiants boursiers, mais aussi pour ceux en situation précaire qui ne bénéficient pas du système de bourses.

Entre 2022 et 2024, le nombre de repas servis à tarif social a connu une augmentation de 17 %, révélant une problématique significative. Le total de repas pour 2024 atteint désormais 42,5 millions, contre 22 millions en 2023. Cette tendance montre un quasi-doublement, qui sera dépassé d’ici la fin de l’année.

La loi du 13 avril 2023, dite loi Lévi, assure à tous les étudiants l’accès à une offre de restauration à tarif modéré à proximité de leur lieu d’étude. Cette initiative vise à garantir une bonne couverture territoriale. Une enveloppe supplémentaire de 13 millions d’euros est prévue en 2025 pour ce dispositif, permettant à des milliers d’étudiants l’accès à des repas équilibrés à un tarif avantageux, favorisant ainsi leur réussite académique.

Nous poursuivrons le déploiement des dispositifs en faveur de l’égalité des chances. Le budget permet de poursuivre une politique d’octroi de bourses sur critères sociaux, facilitant l’accès à l’enseignement supérieur pour les étudiants les moins favorisés. Nous continuerons à financer les initiatives contribuant à la réussite et à l’insertion des étudiants, telles que les cordées de la réussite, les prêts garantis et les diplômes universitaires passerelles. L’effort pour rendre les universités plus inclusives se poursuit, notamment en matière de handicap.

L’année 2025 marquera le lancement de la troisième vague de négociation contractuelle autour des contrats d’objectifs et de moyens auprès de 55 établissements d’enseignement supérieur. Le ministère pérennise une enveloppe de 35 millions d’euros pour cette vague de contractualisation. Ces contrats offriront aux établissements davantage de latitude pour innover et répondre aux grands défis éducatifs et scientifiques de demain. Cette troisième vague sera également l’occasion d’une démarche de simplification, conformément au discours de politique générale du Premier ministre.

L’accompagnement des établissements dans leurs projets immobiliers de rénovation et de transformation constitue une autre priorité. Le ministère poursuivra son soutien aux investissements immobiliers, en mettant l’accent sur la rénovation énergétique du parc universitaire et des Crous. Cet accompagnement s’articule autour de trois dispositifs principaux : le déploiement des contrats de plan État-région, avec un investissement du ministère de 1,2 milliard d’euros ; le plan pluriannuel pour la transition écologique des bâtiments de l’État ; les dotations du plan Campus, représentant plus de 200 millions d’euros par an.

Ce projet de budget répond à une double exigence : préparer l’avenir tout en contribuant à la maîtrise des finances publiques. Bien que certains points puissent encore faire l’objet d’ajustements, nos politiques publiques sont d’ores et déjà sécurisées. Dans un contexte de raréfaction du financement public, les impulsions enclenchées par la LPR sont maintenues, même si la marche initialement prévue ne sera pas respectée en raison du nouveau contexte budgétaire. Je suis pleinement conscient de l’importance de cette question, ayant siégé parmi vous et plaidé pour un effort accru en début de période de la LPR. Cependant, il convient de replacer ces enjeux dans le contexte budgétaire actuel.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis de la mission Recherche et enseignement supérieur (Enseignement supérieur et vie étudiante). Dans un contexte budgétaire contraint, les crédits de la mission concernant l’enseignement supérieur et la vie étudiante sont globalement préservés. Je tiens à exprimer ma gratitude envers les services du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, ainsi que les opérateurs, associations et acteurs auditionnés pour leur précieuse contribution à l’analyse de l’effort consenti par la nation à ce secteur si déterminant pour l’avenir de notre pays.

Deux programmes relèvent de notre avis : le programme 150 Formation supérieure et recherche universitaire et le programme 231 Vie étudiante.

Le programme 150 comporte 15,22 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 15,28 milliards d’euros en crédits de paiement (CP). Par rapport à la loi de finances initiale pour 2024, on constate une légère baisse en AE – 60 millions d’euros – mais une hausse plus marquée en CP – 99 millions d’euros. Cet écart s’explique par la politique immobilière menée, les investissements immobiliers nécessitant une mobilisation initiale en AE, dont le montant diminue ensuite au profit des CP lors de la réalisation des projets. Ce point est d’autant plus important que nous sommes conscients des enjeux d’entretien, de rénovation énergétique et d’investissement dans le bâti universitaire, face auxquels tous les opérateurs de l’enseignement supérieur ne sont pas égaux.

Malgré les contraintes, ce budget témoigne d’un effort significatif du Gouvernement, affirmant l’importance de l’enseignement supérieur pour notre pays. La formation des étudiants n’est nullement sacrifiée. De nombreuses actions voient même leurs crédits augmenter, notamment les formations au niveau doctorat, ce dont nous nous félicitons.

Ces crédits permettent de poursuivre le financement de certaines mesures prévues par la LPR de décembre 2020. Bien que la trajectoire initiale ne soit pas parfaitement respectée, des moyens nouveaux sont alloués pour mettre en œuvre le volet ressources humaines de cette loi, ce qui mérite d’être souligné.

Néanmoins, nous avons relevé quelques points d’alerte. L’augmentation des crédits sera en partie absorbée par l’inflation, estimée à 1,8 % en 2025, ainsi que par l’augmentation de 1 % du nombre d’étudiants, même si les établissements privés supportent une grande partie de cette dynamique. Plus qu’à une augmentation nette, le PLF pour 2025 devrait donc conduire à une stabilité des crédits de nombreuses actions.

Le budget prévoit de solliciter les opérateurs, notamment via leurs fonds de roulement, pour financer certaines mesures non compensées. L’augmentation de la contribution employeur au compte d’affectation spécial (CAS) Pensions a notamment suscité l’inquiétude des universités. Cette idée de faire contribuer les opérateurs n’est pas dénuée de fondement. Dans un contexte de détérioration des finances publiques, chacun doit participer au redressement, et cette participation constitue la contrepartie nécessaire de l’autonomie des établissements. Cependant, cette contribution ne doit en aucun cas fragiliser davantage une situation financière déjà précaire pour un nombre croissant d’universités. Cela nécessitera donc un suivi attentif en gestion de la part du Gouvernement et le Parlement devra également rester vigilant.

Concernant le programme 231, le bilan apparaît plus mitigé. Avec 3,28 milliards d’euros en AE et 3,25 milliards d’euros en CP, les crédits de ce programme diminuent de 77 millions d’euros en AE et CP, soit environ 2,3 % du total inscrit en loi de finances initiale pour 2024. Nous regrettons cette réduction, qui intervient heureusement après plusieurs années d’augmentation.

Dans le détail, tous les crédits du programme ne sont pas en baisse. Nous saluons les moyens supplémentaires alloués au financement des aides indirectes, c’est-à-dire au logement et à la restauration. Ces nouveaux moyens permettront de poursuivre nos efforts pour offrir aux étudiants la possibilité de s’alimenter sainement, en réponse notamment à l’augmentation constante de la demande de repas à 1 euro observée par le Centre national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous) depuis la mise en place du dispositif. Ils permettront également la mise en œuvre effective de la loi dite Lévi de 2023, qui bénéficiera particulièrement aux étudiants ruraux, souvent éloignés des services de vie étudiante et longtemps privés d’accès à une restauration à tarifs modérés. Enfin, ces moyens permettront de poursuivre les réhabilitations et la construction de logements, bien que, sur ce point, il ressorte de nos auditions qu’un investissement plus conséquent est attendu par une majorité d’acteurs.

La baisse de crédits provient entièrement de la réduction des moyens alloués aux aides directes, c’est-à-dire aux bourses universitaires, notamment celles sur critères sociaux. Leurs crédits passeraient de 2,66 milliards d’euros à 2,54 milliards d’euros, soit une diminution de 120 millions d’euros. Nous ne pouvons pas nous en réjouir et nous comprenons que le Gouvernement anticipe une baisse du nombre de boursiers en raison de l’inflation. Nous soulignons néanmoins que cette diminution du public boursier n’est ni certaine – elle pourrait être compensée par la baisse prévisible du nombre d’apprentis dans l’enseignement supérieur – ni forcément souhaitable si elle résultait artificiellement de la seule non-indexation des barèmes. Nous attendons donc le projet de réforme des bourses, en espérant qu’il permettra d’atténuer les conséquences négatives de cette baisse de crédits.

En conclusion, le budget que nous vous présentons n’est pas parfait, aucun ne l’est. Il traduit l’effort nécessaire et responsable qu’il convient de consentir collectivement sans pour autant compromettre l’avenir de nos étudiants, tout en continuant à investir dans ce domaine essentiel qu’est l’enseignement supérieur.

Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis de la mission Recherche et enseignement supérieur (Enseignement supérieur et vie étudiante). Nous avons traité la question de la précarité étudiante sous l’angle des réponses apportées par les pouvoirs publics.

Les résultats du deuxième baromètre annuel sur les conditions de vie des étudiants, publiés jeudi dernier, révèlent une précarité alimentaire profondément ancrée dans la population étudiante. En 2024, plus d’un tiers des jeunes interrogés déclarent sauter des repas faute de moyens financiers.

Nos auditions ont confirmé la spécificité de cette précarité étudiante et l’importance de l’engagement de l’État, des opérateurs, des organisations et des associations dans la lutte contre ce phénomène. Bien que la précarité étudiante ne soit pas nouvelle et que les données montrent une certaine stabilité dans le temps, elle est de plus en plus identifiée par les pouvoirs publics, ce qui constitue une avancée positive. La question de la santé mentale s’est notamment révélée centrale lors des auditions et fait l’objet de mesures à saluer.

Des mesures exceptionnelles ont été mises en œuvre pendant la crise pour aider les étudiants précaires. Bien que nécessaires, leur coût invite aujourd’hui à en dresser le bilan. L’effort le plus significatif concerne probablement la restauration, et je me réjouis des nouveaux moyens prévus par le PLF pour 2025.

Concernant les bourses, nous estimons que la meilleure réponse aux interrogations légitimes serait la poursuite de la réforme entreprise en 2023. Le bilan de sa première étape est positif, ayant permis d’augmenter de 30 000 le nombre de boursiers, de soutenir les étudiants ultramarins et d’améliorer la prise en compte du handicap dans le calcul des bourses. Cependant, le système reste marqué par des effets de seuil et un manque de lisibilité qui nuisent à son efficacité. Nous accueillons favorablement les annonces du ministre concernant une deuxième phase de la réforme, dont nous attendons de connaître les contours.

D’autres pistes de réflexion émergent de notre travail. L’accès aux aides s’avère souvent difficile pour les étudiants, notamment en raison de la complexité de la gouvernance des dispositifs. Nous approuvons la réflexion sur la mise en place d’un guichet unique des aides, sans pour autant soutenir l’idée d’une solidarité à la source qui rendrait automatique le versement des aides et déresponsabiliserait les étudiants.

Nous avons également souhaité approfondir la question des différences territoriales dans le système d’aides et l’animation de la politique de vie étudiante. Trop souvent, les services de vie étudiante, financés par tous, bénéficient peu aux étudiants ruraux et défavorisés. La loi dite Lévi offre un exemple de prise en compte des inégalités territoriales en matière de restauration. Des efforts supplémentaires pourraient cependant être réalisés, notamment en matière de logement ou de transport, en collaboration avec l’opérateur du réseau des œuvres universitaires et scolaires, ainsi qu’avec les bailleurs et les collectivités territoriales.

La mobilité croissante des étudiants, en particulier entre la licence et le master, nous incite à réfléchir aux moyens de l’accompagner plus efficacement.

En conclusion, bien que ce projet de budget soit marqué par la contrainte budgétaire, nous pouvons nous féliciter que l’enseignement supérieur soit largement préservé des baisses de crédits. Les crédits augmentent même parfois significativement, comme pour l’action réservée au financement des doctorats. Nous avons exprimé nos réserves sur la baisse des crédits affectés aux bourses, mais nous sommes rassurés par l’engagement du ministre à poursuivre la réforme du système pour le rendre plus juste, plus accessible et plus lisible.

Pour toutes ces raisons, et sous réserve des amendements qui pourraient être adoptés ultérieurement, nous émettons un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur.

M. Alexis Corbière, rapporteur pour avis de la mission Recherche et enseignement supérieur (Recherche). Mon analyse se concentre sur les programmes relevant du ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche : le programme 172 Recherche scientifique et technologique pluridisciplinaire, le programme 150 Formation supérieure et recherche universitaire et son action 17 consacrée à la recherche. Il convient de noter que la majorité des crédits liés au protocole RH de la LPR ont été répartis sur d’autres actions du programme 150.

Mes observations s’appliquent à l’ensemble des crédits de la mission interministérielle de recherche et d’enseignement supérieur (Mires). Le point essentiel est la diminution de ses crédits pour 2025 de plus de 635 millions d’euros, soit une baisse de 2 % par rapport à la loi de finances initiale 2024.

Le Premier ministre a déclaré le 12 septembre dernier que l’innovation et la recherche étaient les clés de la réindustrialisation de la France et que nous devions redevenir une terre de production industrielle avec des ouvriers, des ingénieurs et des chercheurs. Cependant, la réalité budgétaire contredit ces ambitions.

Le budget de la recherche pour 2025 affiche une augmentation en trompe-l’œil, très faible, presque insignifiante. Le programme 172 connaîtrait une hausse maximale de 0,68 %, soit environ 58 millions d’euros supplémentaires par rapport à 2024. La comparaison avec le budget 2024 est édifiante : entre 2023 et 2024, ce même programme avait augmenté de 6,84 %, soit plus de 550 millions d’euros – dix fois plus que ce qui est proposé pour 2025.

L’action 17 du programme 150 baisse en valeur nominale de 0,89 %, soit environ 38 millions d’euros. Il s’agit donc d’une baisse réelle. La recherche n’apparaît pas comme une priorité, mais plutôt comme la cible de restrictions budgétaires.

La LPR est compromise. Contrairement aux affirmations du Gouvernement, la programmation budgétaire inscrite dans la LPR n’a pas été respectée. Pour le programme 172, la LPR prévoyait entre 2024 et 2025 une marche de croissance de 346 millions d’euros. La hausse actuelle de 58 millions d’euros dans le PLF ne représente que 17 % de la marche prévue. Même en retenant le chiffre de 67 millions d’euros avancé par le ministère, nous n’atteignons que 20 % de l’objectif initial de la LPR.

Cette situation n’est pas propre au programme 172. Le programme de recherche spatiale, bien que ne relevant pas de la compétence du ministre de l’enseignement supérieur, illustre également ce décalage : sur les 31 millions d’euros prévus par la LPR, seuls 15 millions d’euros sont budgétés, soit 50 %.

Au total, sur les 501 millions d’euros prévus par la LPR pour les trois programmes au titre de l’année 2025, moins de 169 millions d’euros ont été inscrits dans le PLF, soit environ un tiers de l’effort annoncé et voté par le Parlement. Ce décrochage par rapport à la LPR menace le financement de projets de recherche, d’infrastructures, de matériel et d’emplois.

Un autre point préoccupant, déjà soulevé dans des rapports précédents, concerne les problèmes structurels des opérateurs de recherche. Comme en 2024, seuls 50 % du surcoût lié aux mesures de revalorisation indiciaire – dites mesures Guerini – sont pris en compte dans le budget. Ces mesures ne sont pas compensées dans le cadre des subventions pour charges de service allouées aux opérateurs de recherche. Bien que nécessaires, ces revalorisations non intégrées contraignent les acteurs de la recherche à réduire leurs engagements, voire à puiser dans leur trésorerie, ce qui n’est pas viable à long terme.

Les responsables d’opérateurs de recherche auditionnés ont clairement indiqué que l’absence de compensation pour 2025 entraînerait inévitablement des mesures d’économies affectant directement la recherche menée dans les laboratoires.

Cette pression budgétaire sur les opérateurs publics de la recherche est d’autant moins acceptable que parallèlement la nation rétrocède plus de 7 milliards d’euros à la recherche privée sous la forme du crédit d’impôt recherche (CIR), en particulier aux plus grandes entreprises.

Dans mon avis budgétaire, j’ai en effet souhaité me concentrer sur le crédit d’impôt recherche, une dépense fiscale parmi les plus coûteuses pour l’État. Selon les dernières données, 7,25 milliards d’euros y seraient consacrés, pour les trois dispositifs qui le composent. Le CIR, créé en 1983, représente 95 % des créances, tandis que le crédit d’impôt innovation (CII) et celui portant sur les dépenses de collection dans le textile et l’habillement (CIC) ne représentent que quelques dizaines de millions d’euros.

Dans le contexte budgétaire tendu actuel, cette niche fiscale doit être remise en question, voire supprimée ou réorganisée. Je ne suis pas le seul à m’interroger sur sa pertinence et son rééquilibrage : une quarantaine d’amendements sont prévus en Commission des finances visant à la réformer ou à la supprimer. De nombreux organismes publics et des économistes l’ont critiquée, notamment France Stratégie, l’Inspection générale des finances ou encore l’Assemblée nationale.

Le coût du CIR pour l’État est considérable, atteignant près de 7 milliards d’euros aujourd’hui, contre seulement 2 milliards d’euros avant la réforme de 2008. L’État finance plus de 20 % des dépenses de la R&D privées via des incitations fiscales, contre 6 % en moyenne au sein de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE). À titre de comparaison, le programme 172, principal budget de la recherche publique, s’élève à 8,26 milliards d’euros en crédits de paiement dans le PLF pour 2025.

La répartition de la créance entre les entreprises soulève des questions. Sur les 16 500 entreprises bénéficiaires, moins de 500 accaparent 40 % de la créance. Cette concentration est liée au volume d’investissement en R&D, l’assiette étant principalement basée sur la masse salariale des chercheurs.

La réforme de 2008 a modifié le calcul de l’assiette, passant de la croissance des dépenses en R&D d’une année sur l’autre à la prise en compte du volume total d’investissements. Cette réforme a introduit des paramètres généreux : un taux de 30 % appliqué à l’assiette retenue et un plafond de dépenses en R&D de 100 millions d’euros. En comparaison, l’Allemagne a fixé ce plafond à 4 millions d’euros.

Des amendements proposent la suppression du CIR, mais des solutions intermédiaires pourraient corriger les effets d’aubaine actuels, comme la baisse du plafond des dépenses, l’introduction d’une « barémisation » ou la régulation de l’activité des cabinets de conseil.

Au vu de ces éléments, je donne un avis défavorable sur le projet de budget de la recherche pour 2025.

M. Pierre Henriet, rapporteur spécial de la mission Recherche et enseignement supérieur (Recherche). Je souhaite présenter les premières observations que mon collègue co‑rapporteur, Mickaël Bouloux, et moi-même tirons de l’examen du PLF pour 2025 concernant les programmes 172, 190, 193 et 142 de la Mires. Le total des dotations demandées par le Gouvernement s’élève à 13,2 milliards d’euros en AE et 12,7 milliards d’euros en CP. Comparé à 2024, cela représente une baisse de 3,6 % des AE et de 4,3 % des CP.

Cette diminution s’explique principalement par deux mesures. D’une part, une mesure de périmètre avec la suppression de la dotation du programme 190 pour l’Institut de de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), qui fusionnera en 2025 avec l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) pour former l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR). D’autre part, la suppression du dispositif Jeune entreprise innovante pour lequel le programme 192 versait une compensation de 300 millions d’euros à la Sécurité sociale.

J’attire votre attention sur le programme 172, en légère augmentation par rapport à 2024. Avec 8,7 milliards d’euros demandés pour 2025, ce programme constitue le principal vecteur de financement de la recherche publique en France. Les crédits de ce programme font l’objet d’une loi de programmation, la LPR, qui a établi un cadre légal de revalorisation des carrières des chercheurs et d’augmentation pluriannuelle du budget de l’ANR.

Le PLF pour 2025 prévoit une augmentation des crédits du programme 172 de 67 millions d’euros à périmètre constant. Cette hausse, bien que positive, reste inférieure à ce que l’annuité 2025 de la LPR prévoyait, à savoir une augmentation de 346 millions d’euros. Ces nouveaux crédits, entièrement destinés aux organismes de recherche, permettront de poursuivre les mesures de revalorisation salariale prévues par la LPR et de mettre en œuvre les contrats d’objectifs, de moyens et de performance des organismes. Cependant, ils représentent une progression moindre par rapport à la LPR.

Cette progression réduite affecte principalement le budget de l’ANR. La LPR prévoit une trajectoire dynamique de cette dotation afin d’atteindre un taux de sélection de 30 % sur ses appels à projets à l’horizon 2027. Cette trajectoire a été construite de façon pluriannuelle pour que les AE soient plus importantes que les CP. Le PLF pour 2025 maintient la progression des AE, bien qu’à un niveau inférieur de 30 millions d’euros à ce que prévoit la LPR, mais les crédits de paiement prévus en 2025 restent inchangés par rapport à 2024.

En conséquence, j’attire votre attention, monsieur le ministre, sur le fait que l’ANR devra puiser dans sa trésorerie, déjà réduite par le décret d’annulation de février 2024, pour honorer les AE passées. L’agence pourrait être contrainte de reporter – voire d’annuler – une partie de ses appels à projets. Nous nous inquiétons des répercussions potentielles de ce report, alors que la France peine à maintenir sa position parmi les pays leaders en matière de recherche et d’innovation.

Plus largement, le PLF pour 2025 suscite des craintes quant à une remise en cause durable de la LPR. L’augmentation limitée des crédits imposera un pilotage rigoureux des organismes de recherche, les exposant à des aléas conjoncturels comme ceux rencontrés en 2023 face à l’inflation ou à la non-prise en compte de la participation au CAS Pensions.

Pour 2026 et 2027, le PLF pour 2025 prévoit des hausses respectives de 198 et 172 millions d’euros, correspondant à de nouvelles demi-marches de la LPR. Si cette tendance se confirmait, l’effort prévu par la LPR serait sérieusement compromis, contraignant les organismes nationaux de recherche (ONR) à réduire leur trésorerie et à reporter des projets de recherche et des recrutements de chercheurs.

En 2025, hormis l’Institut national d’études démographiques (Ined), tous les organismes de recherche du programme 172 bénéficieront d’une dotation stable ou en légère hausse. Les augmentations les plus significatives concernent les principaux opérateurs : Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), Institut national de la recherche agronomique (Inrae) et Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer). Ces hausses visent principalement à mettre en œuvre les mesures relatives aux ressources humaines de la LPR pour renforcer l’attractivité des carrières.

Concernant les autres programmes, le programme 193 Recherche spatiale progresse de 15 millions d’euros, soit une demi-marche par rapport à la trajectoire fixée par la LPR qui prévoyait 31 millions d’euros. La subvention totale allouée au Centre national d’études spatiales (Cnes) via ce programme s’élève à 797 millions d’euros, soit une augmentation de 27 millions d’euros par rapport à 2024.

Le programme 190 Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité subit une forte baisse, expliquée aux trois quarts par la sortie de l’IRSN, et pour le quart restant par la réduction des crédits de l’action 16 affectant la dotation du CEA.

Le programme 192 Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle connaît la baisse la plus importante, sa dotation étant divisée par deux. Cette diminution résulte de la suppression des exonérations sociales pour les jeunes entreprises innovantes, représentant 300 millions d’euros, ce qui affectera considérablement l’innovation en France.

Enfin, le programme 191 Recherche duale demeure stable.

En conclusion, mon co-rapporteur et moi-même soulignons que ce PLF pour 2025 marque une rupture dans la progression du budget de la recherche. Si le secteur de la recherche doit contribuer à l’effort de redressement des comptes publics, nous espérons que les avancées de la LPR seront pérennisées, notamment la revalorisation des carrières et l’augmentation des financements de l’ANR.

M. Arnaud Sanvert (RN). La précarité étudiante est devenue une réalité alarmante. Près de 56 % des étudiants indiquent ne pas manger à leur faim et 19 % d’entre eux sont contraints de sauter régulièrement des repas. La mesure des repas à 1 euro est salutaire pour les étudiants boursiers, mais elle ne concerne qu’une partie de la population étudiante. À l’heure où le coût de la vie pour un étudiant dépasse souvent 1 000 euros par mois, les difficultés deviennent insupportables.

Le logement, véritable gouffre financier, ne fait qu’accentuer cette précarité. Avec 250 000 logements manquants, nombreux sont ceux qui sont dans des situations précaires ou contraints de payer des loyers exorbitants dans le parc privé. Malheureusement, le PLF pour 2025 ne prévoit pas de solution suffisante pour combler ce déficit.

Sur le plan de l’excellence, nos universités continuent de reculer dans les classements internationaux. Il devient de plus en plus évident que le budget consacré à la recherche et à l’enseignement supérieur en France est insuffisant. Le PLF pour 2025 prévoit une augmentation minimale des crédits, loin de compenser les besoins en infrastructures et en ressources humaines, alors même que des pays voisins investissent massivement dans ces secteurs.

La sécurité dans nos universités est un enjeu majeur qui ne peut être ignoré. En 2024, des étudiants ont rapporté des agressions physiques et verbales. De plus, les violences sexuelles et sexistes continuent d’affecter gravement les campus, des enquêtes révélant qu’un étudiant sur dix en a été victime. Il devient urgent de renforcer les systèmes de sécurité sur les campus, avec l’installation de caméras, le déploiement de dispositifs de sécurité humaine et, surtout, la mise en place d’un cadre juridique plus strict pour protéger les étudiants.

L’essor des réseaux de harcèlement et des conflits idéologiques, parfois soutenus par des syndicats d’étudiants radicaux, doit également être pris en compte. L’université doit rester un lieu de savoir où la sécurité de chacun est garantie.

Monsieur le ministre, nos grandes écoles, telles que Sciences Po, bénéficient de financements considérables, mais sont également au cœur de polémiques grandissantes sur le communautarisme et les idéologies de certains syndicats étudiants d’extrême gauche. Ces établissements, qui devraient être les fleurons de notre enseignement supérieur, sont accusés de promouvoir des visions partisanes et de favoriser un repli idéologique.

Face à cette violence, quelles mesures comptez-vous prendre contre les groupes qui gangrènent ces universités et ces écoles ?

Enfin, une réflexion doit être menée sur les filières universitaires, dites saturées, qui n’offrent que peu ou pas de débouchés. En 2023, des secteurs essentiels, comme les technologies de pointe, par exemple Framatome en Saône-et-Loire, spécialiste du nucléaire, ou la transition énergétique, manquaient cruellement de jeunes talents.

Pourquoi continuez-vous à ouvrir autant de places dans des filières sans avenir professionnel, alors que des secteurs d’avenir sont en pénurie de main-d’œuvre ?

M. Bertrand Sorre (EPR). Monsieur le ministre, à l’occasion de votre première audition par notre Commission, je tiens, au nom du groupe EPR, à vous souhaiter une pleine réussite à la tête de ce grand ministère.

La mission Recherche et enseignement supérieur représente pour 2025 un des plus importants budgets de l’État, avec 31,3 milliards d’euros, malgré une très légère diminution de ses crédits par rapport à la loi de finances pour 2024 – 31,43 milliards d’euros.

Cette mission budgétaire poursuit deux objectifs. Le premier est l’accompagnement, la réussite et l’amélioration de la vie étudiante. À cet effet, le budget consacré aux établissements d’enseignement supérieur voit ses crédits augmenter de 100 millions d’euros par rapport à la loi de finances précédente, pour un budget porté à 15,8 milliards d’euros.

Le dispositif de repas à 1 euro pour les étudiants précaires et boursiers sera maintenu. Le nombre de repas servis ayant augmenté pendant l’année universitaire précédente, 2023-2024, vous avez choisi d’augmenter la subvention versée aux Crous. Une enveloppe de 38 millions d’euros doit permettre à tous les étudiants de bénéficier, à proximité immédiate de leur lieu d’études ou de formation, de services de restauration aidés et à un prix modéré.

L’amélioration de la vie étudiante passe également par le bien-logement. Nous notons avec une certaine satisfaction la perspective de cette réhabilitation de douze mille places d’hébergement étudiant.

Le second objectif est la poursuite de la montée en charge de la LPR prévue entre 2021 et 2030. Après un effort budgétaire cumulé de 1,8 milliard d’euros entre 2020 et 2024, ce budget poursuit bien sa montée en charge, avec des moyens supplémentaires, par exemple pour la revalorisation nécessaire de l’indemnité annuelle à destination des personnels de recherche. L’année 2025 est donc la cinquième année de la LPR voulue par le Président de la République.

L’objectif visé est de donner à la recherche les leviers nécessaires pour relever les principaux défis scientifiques de demain dans les domaines de la transition écologique, du numérique, du spatial ou de la santé publique. Ces crédits doivent permettre de continuer à renforcer le rôle de la France dans le domaine de la recherche au niveau international.

Comment entendez-vous concilier ces investissements ambitieux avec la nécessaire maîtrise des finances publiques, alors que certaines missions, comme le soutien à l’innovation scientifique ou la recherche sur les risques nucléaires, subissent des baisses ?

Comment l’enveloppe de 38 millions d’euros sera-t-elle déployée pour que les étudiants boursiers ou précaires qui ne peuvent pas se restaurer dans des restaurants universitaires trop éloignés géographiquement puissent bénéficier du service de restauration aidé à un prix modéré ?

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Monsieur le ministre, ce n’est pas un hasard si vous êtes devant nous aujourd’hui. Vous êtes le fossoyeur des universités ; vous, le maître d’œuvre de la LRU, le promoteur de la collusion entre les entreprises et les universités, le défenseur de la sélection ; vous, le sceptique de la science, prêt à défendre l’usage de l’hydroxychloroquine pendant le covid-19, alors même que la science le réfute ; vous, le censeur en chef, parti en croisade contre la liberté d’expression face aux étudiants et aux chercheurs qui défendent simplement la paix en Palestine et la liberté académique.

Votre premier geste envers les étudiants : vous afficher fièrement au congrès de l’Union nationale inter-universitaire (UNI), ce groupe identitaire, régulièrement dénoncé pour ses accointances avec le Rassemblement national et des mouvements plus violents encore.

Monsieur le fossoyeur de l’université, vous aimez à présenter la recherche comme un investissement. Votre expérience dans le marketing n’est pas suffisante pour cacher l’austérité que vous organisez consciencieusement. Vous annoncez un budget en hausse. Or, c’est faux : vous manipulez sciemment les crédits alloués aux programmes.

Le budget réel de l’enseignement supérieur et de la recherche est en baisse de 553 millions d’euros, soit l’équivalent du budget de deux grosses universités. En prenant en compte les effets de l’inflation, la baisse serait de 1,3 milliard en euros constants.

Que proposez-vous pour l’avenir de l’enseignement supérieur et de la recherche ? Toujours plus de libéralisation en concentrant les moyens en fonction de quelques critères de performance inutiles, au détriment des étudiants, des personnels et de la recherche ?

Soixante universités annoncent aujourd’hui être en déficit. Elles étaient quinze en 2022. Désormais, 31 % des cours sont assurés par des vacataires précaires et les chercheurs perdent un temps précieux à répondre aux interminables appels à projets. Les coûts supplémentaires qu’ils induisent rendent le système de mise en concurrence absurde, puisque les universités doivent dépenser 1,50 euro pour obtenir à peine 1 euro de financement, aberration libérale !

Les étudiants payent le prix fort : sélection accrue, suppression d’heures de cours, travaux dirigés (TD) surchargés, baisse du nombre de boursiers et reproduction sociale.

Votre budget n’annonce rien de bon pour la suite. Vous proposez un horizon de misère et d’effondrement du service public, tandis que le mien est celui d’une université émancipatrice, où la recherche est au service de l’intérêt commun et où l’enseignement supérieur est un droit et non un privilège.

C’est dans cette philosophie que s’inscrivent nos amendements qui construisent un enseignement supérieur et une recherche où les universités seront financées de façon pérenne et suffisante, où les fonctionnaires seront payés et disposeront des moyens de mener en profondeur leurs recherches, où les vacataires et les contractuels seront titularisés, tandis que les doctorants seront protégés et les étudiants auront les moyens, grâce à la garantie d’autonomie, de suivre des enseignements de qualité dans la filière de leur choix, sans se préoccuper de leurs conditions matérielles d’existence.

Monsieur le fossoyeur de l’université, vous n’êtes pas là par hasard, mais pour achever l’université une bonne fois pour toutes et laisser place propre au privé lucratif.

Nous ne vous laisserons pas faire. Ce que vous détruisez aujourd’hui, nous le reconstruirons demain, car vous ne serez bientôt plus là.

M. Pierrick Courbon (SOC). Il aurait sans doute été utile, monsieur le ministre, de vous entendre en amont de la présentation du budget, mais votre nomination tardive et le calendrier bousculé d’élaboration de ce PLF ne l’a pas permis, d’autant plus qu’à la représentation nationale vous avez préféré d’autres interlocuteurs, réservant votre première sortie de ministre à un syndicat étudiant d’extrême droite, ce qui restera une tache indélébile sur votre ministère.

Comme notre rapporteur pour avis le signale, les crédits en faveur de la recherche marquent une rupture par rapport à la trajectoire inscrite dans la LPR. Si le Parlement ne réussissait pas à inverser le texte, la LPR serait la seule loi de programmation non respectée. Vous dites que vous préservez le cœur de cette loi mais, par définition, quand on préserve le cœur on ne se soucie pas des autres organes.

Un tel choix risque d’accroître le retard français sur les autres nations scientifiques, tandis que la recherche privée, en particulier via le CIR non ciblé, va continuer, sans réelle évaluation, à bénéficier de 7 milliards d’euros, pour des effets scientifiques incertains selon la Cour des comptes. Nous déposerons donc des amendements afin de corriger les orientations inquiétantes de ce programme.

Concernant l’enseignement supérieur et la vie étudiante, nous constatons également que les crédits sont largement insuffisants au regard des besoins. Ils ne prennent en compte ni l’inflation ni l’augmentation de la population étudiante qui dépassera 3 millions à la rentrée 2025.

La situation budgétaire de nos universités est alarmante, j’ai eu l’occasion de le dire au directeur général de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (Dgesip) la semaine dernière. Nombre d’entre elles sont déjà en situation de déficit. Après un gel des crédits inédits opérés en 2024, les nouvelles augmentations de charges non compensées représentent plus de 500 millions d’euros en 2025 et excèdent largement la capacité budgétaire et financière de l’immense majorité des établissements. La non-compensation des mesures dite Guérini représente 130 millions d’euros, le relèvement de quatre points du taux du CAS Pensions 180 millions d’euros.

Cette situation intenable conduira des établissements à effectuer des coupes drastiques, soit dans les ressources humaines, soit dans leurs investissements, voire à fermer des sites universitaires dans les territoires. Nous proposerons des amendements afin de défendre concrètement nos universités.

L’hypothèse évoquée par certains d’augmentation des frais de scolarité est absolument inenvisageable pour nous.

Enfin, sur la situation de nos étudiants, le diagnostic est connu et partagé, mais le compte n’y est pas en termes d’accès au logement, d’accès à une alimentation de qualité, d’accès aux soins, au service de la santé physique et mentale des jeunes.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre les crédits de la mission.

Mme Pascale Bay (DR). Monsieur le ministre, nous vous sommes reconnaissants d’avoir obtenu une hausse de presque 100 millions d’euros de crédits en faveur du financement des établissements d’enseignement supérieur, mais les prévisions sont moins satisfaisantes pour le programme vie étudiante.

La réduction du budget de 2,3 %, résultant notamment de la non-indexation du plafond de revenus donnant droit à une bourse par rapport à l’inflation, suscite des inquiétudes, particulièrement au regard des conditions de vie précaires de nos étudiants.

Concernant les crédits alloués à la recherche, nous constatons une baisse budgétaire et un non-respect des trajectoires prévues par la LPR. Toutefois, le rapporteur Corbière reconnaît que le Gouvernement semble avoir maintenu la priorité sur l’attractivité des carrières. Nous approuvons cette décision de revalorisation salariale.

Par ailleurs, nous partageons les préoccupations du rapporteur quant à la pression de l’inflation et des coûts salariaux sur les opérateurs publics de recherche. Nous veillerons à ce que l’inflation n’affecte pas excessivement nos organismes de recherche.

J’aimerais vous interroger sur vos projets futurs pour l’université et la recherche. Vous avez identifié l’enjeu majeur que représente la précarité étudiante. Une étude Ifop publiée le 17 octobre dernier révèle une situation alarmante pour la rentrée 2024 : précarité alimentaire, méconnaissance des aides, problèmes de logement et de santé mentale. À titre d’exemple, près d’un quart des étudiants a consulté un psychologue au cours de l’année écoulée, mais seuls 37 % ont eu recours aux dispositifs santé-psy étudiant. La lutte contre le non-recours et la méconnaissance des dispositifs étatiques doit donc être prioritaire. Ces conditions de vie précaires entravent la formation sereine des étudiants. Comment envisagez-vous de remédier à ces situations ?

L’insertion professionnelle occupe une place centrale dans votre projet. Vous proposez de développer l’orientation et l’information des étudiants en impliquant des acteurs du monde professionnel, d’offrir une aide à l’insertion et de financer une enquête sur le sujet.

Malgré des indicateurs d’insertion professionnelle encourageants, des améliorations restent possibles. La recherche d’emploi post-études demeure un parcours complexe dans lequel de nombreux jeunes se retrouvent isolés. De plus, face aux tensions dans certains secteurs, le Gouvernement doit œuvrer pour une meilleure orientation et insertion des étudiants dans les métiers en demande.

Dans un contexte de contraintes budgétaires, quelles mesures ou réformes envisagez-vous, monsieur le ministre, pour accroître le taux d’insertion professionnelle et accompagner les jeunes dans leur recherche d’emploi ?

M. Alexis Corbière (EcoS). Monsieur le ministre, le 10 octobre dernier, vous avez qualifié ce budget d’exemplaire puisqu’il répondait à la double exigence de préparer l’avenir, tout en contribuant à la maîtrise des finances publiques. La réalité est assez éloignée. Malheureusement pour nos étudiants, l’enseignement supérieur n’échappe pas à la purge budgétaire que vous imposez à l’ensemble de nos concitoyens et qui affecte en particulier nos services publics. L’augmentation de 0,65 % du budget que vous nous présentez est en réalité bien en deçà du taux d’inflation et insuffisante au regard du manque d’investissement de nos universités depuis des années. C’est un trompe-l’œil. C’est votre prédécesseur qui en parle le mieux en le qualifiant d’irréaliste, voire de dangereux.

Je dénonce ce coup d’arrêt à la réforme des aides sociales étudiantes alors que, depuis 2017, le coût de la vie a augmenté de 25,5 % pour les étudiants. Les 38 millions d’euros alloués au financement de la restauration étudiante, que vous présentez comme une avancée significative, s’avèrent en réalité largement insuffisants face à l’absence de revalorisation des montants des bourses et des barèmes de calcul.

Le budget des bourses accuse une baisse de 120 millions d’euros, ce qui risque d’aggraver la crise sociale, sachant que seuls 37,7 % des étudiants éligibles sont couverts par le système des bourses, qu’un étudiant sur cinq a recours à l’aide alimentaire et que 27 % disposent de moins de 50 euros pour vivre. Les Crous ne peuvent héberger qu’un quart des 615 000 étudiants boursiers, tandis que les loyers du parc privé ont augmenté de près de 160 % depuis 1990.

Vous ne prévoyez que le maintien des crédits pour la rénovation de 12 000 logements Crous. Le budget d’investissement immobilier a diminué, alors que l’insalubrité des résidences universitaires et la dégradation générale des universités constituent des problèmes urgents. La promesse du président Macron de créer 60 000 logements d’ici 2022 n’est réalisée qu’à hauteur de 5 %. Le désengagement total de l’État aggrave la dégradation du bâti universitaire.

En février dernier, 900 millions d’euros de crédits destinés à l’enseignement supérieur ont été annulés. Le financement insuffisant prévu par le budget place la majorité des universités dans une situation critique. Sur 74 universités, 60 se déclarent en déficit. Cette défaillance économique ouvre parfois la porte à l’intrusion de lobbys, comme cela a failli être le cas avec LVMH.

Votre politique renforce les mécanismes de sélection sociale, notamment à travers Parcoursup ou Mon Master, alors que le taux de réussite en première année de licence est passé de 55 % en 2020 à seulement 44,1 % aujourd’hui. Votre budget va accentuer la détérioration de l’enseignement supérieur. Je considère que les études ne doivent pas devenir un privilège réservé à une minorité. S’engager dans des études supérieures devient de plus en plus ardu, et votre budget ne fera qu’aggraver la situation de nos étudiants. C’est pourquoi le groupe Écologiste et social votera contre ce budget.

Mme Delphine Lingemann (Dem). Le budget 2025 alloue à la mission Recherche et enseignement supérieur 33,3 milliards d’euros dans sa dimension interministérielle, dont 26,8 milliards d’euros pour le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, en hausse de 89 millions d’euros par rapport 2023. Nous saluons cette augmentation.

Malgré un contexte budgétaire contraint, ces moyens permettront d’améliorer la réussite et les conditions de vie des étudiants, ainsi que de poursuivre l’accompagnement financier des établissements dans leurs projets immobiliers de rénovation et de transformation.

Notre groupe souhaite néanmoins souligner trois points de vigilance. Premièrement, la trajectoire de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche ne conserve qu’un tiers de sa marche initiale, alors qu’un seuil de 3 % du PIB dédié à la recherche, dont 1 % pour la recherche publique, avait été fixé. Dans la continuité des travaux menés par notre collègue Philippe Berta sous la précédente législature, nous regrettons que cette trajectoire ne soit pas respectée.

La situation budgétaire de nos universités s’avère préoccupante, avec de nouvelles augmentations de charges non compensées s’élevant à plus de 300 millions d’euros, notamment la revalorisation du point d’indice et le relèvement du taux du CAS Pensions. Ces difficultés budgétaires risquent d’affecter le maillage territorial des sites universitaires, pourtant essentiels à l’égalité des chances.

La question de la réforme des bourses demeure en suspens. Des évolutions du système de bourse sur critères sociaux sont attendues par les étudiants. Un premier acte de la réforme des bourses a été réalisé en 2023, avec 500 millions d’euros pour augmenter leur montant et rehausser le barème des revenus de référence. Cependant, le volet structurel de la réforme n’a pas encore vu le jour.

Concernant cette nécessaire réforme des bourses, alors que nous devons apporter des réponses à la précarité des étudiants, pouvez-vous nous présenter votre feuille de route sur le fond et selon quel calendrier ?

Quant au modèle économique de nos universités, quels sont les autres leviers financiers envisageables ?

Enfin, sur le volet de la programmation de la recherche, dans un environnement international compétitif où l’innovation dépend de l’excellence de notre recherche universitaire, quelles garanties pouvez-vous apporter à nos chercheurs pour les soutenir dans leur mission ?

Mme Isabelle Rauch (HOR). Je remercie mes collègues Virginie Duby-Muller, Frédérique Meunier et Alexis Corbière pour leurs travaux.

Nous partageons la conviction que l’enseignement supérieur constitue un pilier de notre société et la clé de voûte de notre avenir commun. Son rôle s’avère central face aux défis actuels et futurs.

La mission Recherche et enseignement supérieur représente l’un des budgets les plus conséquents de l’État, avec près de 32 milliards d’euros de crédits prévus pour 2025. Cependant, nous sommes confrontés à un exercice exigeant qui requiert un sens collectif des responsabilités. Les contraintes budgétaires nous imposent de nous concentrer sur certains fondamentaux.

Je considère comme essentielles la dynamique des crédits en corrélation avec la démographie étudiante selon les niveaux d’études, ainsi que l’amélioration des rémunérations des doctorants. La vie des campus me semble également primordiale, notamment les moyens déployés en faveur du logement et de la restauration étudiante, afin de répondre à la demande croissante et aux besoins sociaux.

Dans un contexte budgétaire contraint, vous avez dû effectuer des arbitrages. Lorsque des économies s’imposent, il est logique, à l’instar d’un ménage, de différer certains investissements importants. Je comprends la nécessité d’investir massivement dans le bâti universitaire, notamment pour maîtriser les coûts énergétiques. Il me paraît raisonnable de reporter certaines opérations, tout en veillant à ce que ce délai ne soit pas excessif, particulièrement dans une période où les charges pesant sur les établissements universitaires seront conséquentes.

En revanche, avec mes collègues du groupe Horizon et indépendants, nous souhaitons, à l’instar des rapporteures Virginie Duby-Muller et Frédérique Meunier, vous alerter sur la nécessité de finaliser, dès que possible, la refonte du système des bourses sur critères sociaux. Il s’agit d’un engagement majeur envers notre jeunesse, au même titre que la garantie d’un repas à 1 euro et l’indexation des aides directes sur l’inflation.

Enfin, nous croyons au respect de la parole donnée. À cet égard, nous constatons que le projet de loi de finances maintient partiellement la trajectoire de la loi de programmation pour la recherche, dont l’objectif est de doter la recherche française des moyens nécessaires pour relever les défis scientifiques des prochaines décennies. Cependant, le PLF 2025 prévoit un ralentissement de l’augmentation des crédits alloués à cette mission, en deçà de la trajectoire votée en 2020. Ainsi, nous souhaitons que soient présentées en détail les justifications de ces choix budgétaires, dont dépendra notre vote sur cette mission budgétaire.

M. Joël Bruneau (LIOT). Concernant l’évolution des crédits alloués à la recherche, il convient de souligner que la recherche publique et la recherche privée doivent progresser de concert. Si la recherche privée se focalise principalement sur la recherche appliquée, seule la recherche publique peut assurer le développement de la recherche fondamentale. Au cours de la dernière décennie, les crédits dédiés à la recherche publique ont augmenté de 20 % en France, contre 40 % en Allemagne. Cette différence soulève la question de la relation entre le soutien à la recherche et la performance industrielle d’un pays.

Par ailleurs, la situation des étudiants en matière d’orientation et d’insertion professionnelle soulève des interrogations. Je m’interroge notamment sur l’efficacité du passage du diplôme universitaire de technologie (DUT) au bachelor universitaire de technologie (BUT) en trois ans en termes d’insertion sur le marché du travail.

De plus, comment expliquer que le taux d’obtention d’une licence en trois ou quatre ans demeure inférieur à 50 % ?

Enfin, concernant le statut des universités ayant opté pour la dévolution du patrimoine, cette mesure peut permettre à certains établissements de valoriser celui-ci pour financer des investissements liés à la réussite étudiante ou au soutien à la recherche. Cependant, les conditions de cette dévolution diffèrent selon les vagues de mise en œuvre. La première vague a bénéficié d’un soutien de l’État, contrairement à la seconde. De plus, les laboratoires de recherche ne sont pas éligibles à ce système et les universités ayant bénéficié de cette dévolution ne peuvent pas accéder au fonds de compensation de la TVA ni déléguer la maîtrise d’ouvrage à une collectivité pour leurs investissements. Ces disparités méritent une attention particulière.

M. Frédéric Maillot (GDR). Je souhaite exprimer mon inquiétude concernant le projet de loi de finances 2025, en particulier pour la mission Enseignement supérieur et recherche. Bien que vous affirmiez préserver le financement des priorités, ce budget s’avère le plus faible depuis deux décennies. Il est notamment préoccupant de constater que le programme Vie étudiante, relevant du ministère de l’enseignement, subit une réduction de 77 millions d’euros.

La diminution des bourses étudiantes m’interpelle. En tant que représentant des étudiants réunionnais, dont la majorité se situe aux échelons 6 et 7 – témoignant d’un taux de précarité élevé – je m’interroge sur la pertinence de cette mesure. Le budget alloué aux bourses sur critères sociaux passe de 2,4 milliards d’euros en 2024 à 2,3 milliards d’euros cette année, soit une baisse d’environ 120 millions d’euros. Ces économies affectent directement des étudiants déjà en difficulté financière.

Pour améliorer véritablement la situation des étudiants, je vous invite à soutenir nos amendements visant à revaloriser les bourses, ainsi que notre amendement d’appel pour l’instauration d’un revenu étudiant garantissant leur autonomie.

Ces restrictions budgétaires semblent inopportunes, d’autant plus que nous faisons face à des défis majeurs, notamment en matière de logement étudiant. À La Réunion, par exemple, nous recensons chaque année 5 000 demandes de logement étudiant, alors que le Crous n’offre que 1 300 places. J’ai donc sollicité une accélération de la construction en outre-mer. Votre soutien à cet amendement démontrerait votre engagement à améliorer les conditions de vie étudiante.

Des solutions alternatives existent, telles que le logement intergénérationnel, jamais expérimenté à La Réunion, une option que Mme Bénédicte Durand, présidente du Cnous, considère favorablement.

Certains pourraient être tentés de souligner que le budget des aides indirectes a augmenté de 8 millions d’euros. Certes, la rénovation est importante, mais la construction l’est tout autant.

Ce budget n’épargne pas non plus les professeurs, dont le point d’indice reste inchangé malgré l’inflation.

Enfin, les étudiants réunionnais pâtissent du manque de places dû à Parcoursup. Certains étudiants métropolitains postulent à La Réunion par simple amusement, comme en témoignent des vidéos. Il est urgent d’ouvrir des places en licence et en master pour éviter que nos étudiants se retrouvent sans formation à chaque rentrée.

Si les économies vous semblent incontournables, elles ne devraient pas se faire au détriment du bien-être étudiant. Votre leitmotiv semble être : économies, économies, économies. Nous y opposons : avenir, jeunesse et réussite.

M. Maxime Michelet (UDR). Le contexte budgétaire actuel nous contraint à optimiser nos ressources et à dépasser l’idée que seuls les moyens déterminent l’efficacité des politiques publiques. Ce budget, en baisse ou stagnation, soulève des interrogations concernant la vie étudiante et les programmes de recherche économique et industrielle, pourtant essentiels à l’innovation dont notre économie a besoin.

Nous estimons que d’autres options sont envisageables. Face à la complexité excessive de l’enseignement supérieur et de la recherche, véritable mille-feuille administratif, nous aurions pu réaliser des économies par un effort de rationalisation.

L’utilisation des moyens s’avère aussi importante que leur volume. Nos enseignants-chercheurs en sont pleinement conscients, eux qui consacrent une part considérable de leur temps à des tâches administratives au détriment de l’enseignement et de la recherche. Ils doivent assumer la direction de formations, d’unités de formation et de recherche (UFR), d’écoles doctorales, participer à des conseils, des commissions, des comités de suivi ou de sélection, organiser le recrutement en licence ou en master, les soutenances de M1, M2 ou de thèse. Ces responsabilités s’ajoutent à la publication d’articles, à la préparation de colloques, parfois d’une habilitation à diriger des recherches, et bien sûr, à la préparation de leurs cours.

Ayant terminé mon doctorat il y a trois mois, je tiens à saluer le professionnalisme et le dévouement de ces enseignants-chercheurs aux emplois du temps surchargés. Il est manifeste que notre enseignement supérieur et notre recherche bénéficieraient d’une politique de simplification.

En 2016, le projet de simplification n’a abouti qu’à davantage de complications, comme c’est souvent le cas lorsque l’État tente de simplifier. En juin 2023, le professeur Philippe Gillet a remis un rapport sur l’écosystème de recherche et d’innovation en France. Le 7 décembre suivant, le président de la République accordait 18 mois aux organismes de recherche pour mener une révolution de simplification. Il reste donc sept mois pour accomplir cette révolution. Pouvez-vous nous informer de l’avancement de ce processus de simplification ? Cette démarche pourrait permettre à l’enseignement supérieur et à la recherche de gagner en efficacité, sans augmentation des coûts, dans un contexte budgétaire contraint.

M. Patrick Hetzel, ministre. Je remercie les rapporteurs pour leurs analyses, leurs commentaires et leurs recommandations.

Un projet de réforme des bourses est à l’étude pour parvenir à une linéarisation et une plus grande justesse du système, afin de supprimer les effets de seuil actuels. Le budget 2025 ne permettra pas de mettre en œuvre l’intégralité de cette réforme, qui s’inscrira dans une perspective pluriannuelle.

Le budget alloué aux bourses est effectivement en baisse. Après l’augmentation observée en 2024, nous prévoyons une diminution du nombre de boursiers en 2025 en raison de l’augmentation du nombre d’étudiants en apprentissage. Nous avons demandé une vérification de ces projections aux services compétents.

S’agissant des aides aux étudiants, le développement de l’offre de logements constitue une priorité fixée par l’État dans la contractualisation avec le réseau des Crous. Je rappelle que les Crous ne gèrent qu’une partie des logements étudiants, une part importante étant mise à leur disposition par des bailleurs sociaux ou des associations spécialisées.

Cette priorité est partagée avec le ministère du logement et je travaille avec Valérie Létard sur la précarité étudiante. Nous sommes confrontés à un véritable défi concernant le foncier dans certaines métropoles universitaires densément peuplées. Nous avons sollicité les recteurs et les préfets pour examiner la question du foncier universitaire constructible. Je vous invite à me faire part directement de toute idée de foncier disponible dans vos territoires respectifs.

Quant aux moyens attribués au réseau des œuvres universitaires, le projet de loi de finances réaffirme le soutien de l’État.

Certains d’entre vous ont parlé de « budget de misère ». Cette qualification me semble excessive, considérant l’effort considérable consenti par la nation, avec plus de 30 milliards d’euros alloués à la Mires. Certes, le système est sous tension et les deniers publics ne sont pas illimités, mais il importe de prendre conscience collectivement de l’ampleur de cet effort national.

Les enveloppes attribuées au réseau des œuvres visent notamment à réhabiliter en priorité 12 000 logements et à en construire de nouveaux.

Monsieur Corbière, vous avez mis l’accent dans votre rapport pour avis sur le CIR. C’est un débat légitime, la nation investissant des sommes considérables dans ce dispositif, avoisinant le budget du programme 172. Pour le Gouvernement, le CIR constitue un levier essentiel du dynamisme de la recherche française qu’il convient de préserver.

Les organismes internationaux, lorsqu’ils évaluent les budgets de recherche, considèrent conjointement la recherche privée et publique. Les évaluations, y compris celles de la Cour des comptes, démontrent un effet de levier : 1 euro investi en CIR génère au moins 1 euro supplémentaire de dépenses en R&D. Le CIR demeure donc un élément déterminant de l’attractivité de la recherche française.

Je prévois d’élaborer un pacte pour la recherche, impliquant tous les acteurs et responsabilisant le secteur privé quant au retour sur investissement attendu de cet effort considérable de la nation.

83 % des 15 800 entreprises bénéficiaires du CIR sont des PME. Elles représentent 29 % du CIR et 20 % de la R&D française. Vous ne pouvez donc pas affirmer que ce dispositif ne leur bénéficie pas.

Je ne m’étendrai pas sur le modèle économique des établissements car une mission d’inspection est en cours et rendra ses conclusions en décembre. Je tiens cependant à souligner qu’il existe un large éventail d’actions possibles en termes de ressources propres, au-delà de la seule augmentation des droits d’inscription. Le rapport Germinet sur la formation tout au long de la vie offre des pistes d’expertise que les établissements pourraient approfondir.

Quant à la situation financière des établissements, nous y accordons une attention toute particulière. France Universités a évoqué le chiffre de 60 établissements en difficulté, mais les informations dont nous disposons actuellement indiquent plutôt une diminution du nombre d’établissements concernés fin 2024 par rapport à 2023. J’énonce cela avec prudence, mais la tendance semble aller dans ce sens. Il convient de rappeler que la trésorerie disponible des établissements et de l’ensemble des opérateurs s’élève au minimum à un milliard d’euros. Je ne nie pas les difficultés existantes, mais cette situation rend les discussions avec Bercy complexes.

Concernant la sécurité sur les campus, de nombreux travaux ont déjà été réalisés et les établissements ont procédé à des mises aux normes importantes. Ce processus doit se poursuivre. Un chantier important reste à mener pour améliorer l’accueil des étudiants en situation de handicap.

La dévolution immobilière s’inscrit dans la logique d’autonomie des établissements prévue par la LRU. Cette démarche vise une gestion minutieuse du patrimoine. Tous les établissements n’ont pas obtenu la dévolution car il faut s’assurer qu’ils soient suffisamment équipés pour y faire face. Le sujet reste ouvert à la discussion. Vous avez évoqué le cas d’une université retenue pour une vague de dévolution, qui s’est conclue par la signature de plusieurs transferts. Pour d’autres, le processus est encore en cours.

Enfin, je tiens à souligner que nous ne sommes nullement dans une logique d’abandon. Entre 2017 et 2025, 4,7 milliards d’euros supplémentaires ont été alloués au périmètre de la Mires. Ce n’est pas négligeable. On peut toujours considérer que le verre est à moitié vide, mais les efforts consentis par la nation, dans le contexte actuel, démontrent une volonté de préserver l’enseignement supérieur et la recherche. Je suis conscient que la marche LPR représente un tiers de ce qui était envisagé initialement. Cependant, personne n’aurait pu prévoir la situation budgétaire dans laquelle notre pays se trouve aujourd’hui. J’appelle donc au sens de la responsabilité collective et vous en remercie sincèrement.

M. Roger Chudeau (RN). Je vous souhaite, monsieur le ministre, la bienvenue dans cette commission. Notre groupe reconnaît et respecte la force de vos convictions.

Cependant, nous considérons que votre budget manque d’ambition, bien qu’il préserve l’essentiel. Il ne répond pas aux défis majeurs auxquels nous sommes confrontés. Il n’apporte aucune solution à l’échec massif des étudiants en première année, qui touche 50 % d’entre eux, ni au faible taux de réussite en licence, avec seulement 44 % des étudiants obtenant leur diplôme en trois ou quatre ans.

De plus, nous déplorons l’absence d’ambition en matière de recherche. La France stagne à 2,2 % du PIB consacré à ce domaine, tandis que l’Allemagne dépasse largement les 3 %. Le livre blanc sur la recherche de 2017 fixait pourtant un objectif de 3 %, mais aucun nouveau livre blanc n’a été publié en 2022.

Nous comprenons votre souci de respecter les équilibres budgétaires. Cependant, un simple budget de routine s’avère insuffisant. Notre enseignement supérieur et notre recherche nécessitent un budget ambitieux. Pouvons-nous espérer une rupture annoncée par le Premier ministre dans ce domaine ?

Mme Graziella Melchior (EPR). Je salue la légère hausse du budget de votre ministère, tout en déplorant que la trajectoire votée dans LPR ne soit pas pleinement respectée, contrairement aux autres lois de programmation. Bien que nous devions modérer la dépense budgétaire pour garantir notre souveraineté nationale, nous ne pouvons faire l’économie des investissements dans la recherche actuelle, car ils façonneront la souveraineté nationale de demain. Je pense notamment à la recherche médicale, écologique et énergétique.

Je souhaite vous interroger sur l’amendement que j’ai déposé et que nous examinerons ultérieurement. L’État a annoncé une augmentation du taux du CAS Pensions pour les universités, le faisant passer de 74 % à 78 %. Cette hausse engendre une charge additionnelle de 180 millions d’euros pour l’ensemble des universités, et atteint 270 millions d’euros si l’on inclut des organismes tels que le CNRS, l’Inserm et l’Inrae. Le problème réside dans le fait que cette augmentation soudaine ne sera pas compensée par l’État. Vous n’ignorez pas que les universités se trouvent déjà dans une situation budgétaire précaire. Comment envisagez-vous de compenser cette augmentation de la contribution au CAS Pensions ?

M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Vous affichez avec fierté, monsieur le ministre, une augmentation du budget alloué à l’enseignement supérieur et à la recherche. Cependant, l’analyse du PLF révèle qu’en tenant compte de l’inflation, le budget subit en réalité une diminution de 1,3 milliard d’euros. Depuis l’adoption de la LPR, les crédits destinés à la recherche s’amenuisent face à l’inflation. Le secteur de la recherche demeure bien en deçà de l’objectif de 3 % du PIB fixé par les directives européennes.

Vous privilégiez le financement de l’ANR, dont les ressources sont majoritairement captées par les vingt universités les plus prestigieuses et sélectives du pays. L’ANR, qui représente un huitième du programme 172, n’a cessé de démontrer son inefficacité au fil des années. C’est pourquoi je préconise sa suppression.

Vous consacrez chaque année davantage au CIR, avec 7,6 milliards d’euros en 2025. Son incapacité à stimuler une R&D performante a été maintes fois établie. Il s’agit d’un gaspillage manifeste.

La recherche pâtit d’une perte d’attractivité croissante. Les chercheurs, démoralisés, finissent par quitter leur poste ; j’en connais personnellement un certain nombre au CNRS. La souffrance au travail s’intensifie également dans les universités et les laboratoires, tout comme la multiplication des heures supplémentaires. Ces phénomènes ont été amplement documentés.

Quand allez-vous enfin investir de manière adéquate pour renforcer la recherche publique, titulariser le personnel, reconstruire et rénover les infrastructures ?

Mme Florence Herouin-Léautey (SOC). Je souhaite exprimer ma profonde inquiétude concernant le budget que vous présentez. Celui-ci est en complet décalage avec la trajectoire définie par la LPR puisque seuls 158 millions d’euros sur les 501 millions d’euros prévus y figurent actuellement.

En 2020, France Universités soulignait déjà que la durée de programmation de dix ans représentait un délai conséquent pour combler notre retard et atteindre l’objectif de 3 % du PIB consacrés à la recherche. L’effort financier prévu pour 2025 dans le domaine scientifique ne répond pas aux attentes, faisant peser un risque majeur de décrochage de la recherche française.

Par ailleurs, le budget 2025 des universités fait apparaître de nouvelles augmentations de charges non compensées, s’élevant à plus de 500 millions d’euros. Cette somme dépasse largement la capacité d’absorption budgétaire des établissements, compromettant de fait leur mission fondamentale de transmission du savoir et de développement de la recherche.

Cette diminution sans précédent des moyens publics alloués à l’université contraindra les établissements à procéder à des coupes drastiques, tant en matière de ressources humaines que d’investissements.

Avec ce budget, vous prenez le risque d’entraver la capacité des universités à remplir leur mission essentielle et universelle. Assumeriez-vous de voir des universités contraintes de renoncer à leurs activités de recherche, voire de fermer certains de leurs sites, pour compenser ces baisses budgétaires ?

M. Thierry Perez (RN). L’Institut de recherche pour le développement (IRD) consacre une part substantielle de ses ressources à des projets d’aide au développement des pays du Sud. Néanmoins, dans un contexte budgétaire particulièrement difficile, cet organisme fait l’objet de critiques pour l’allocation de fonds à des thématiques telles que la valorisation des théories du genre ou la réduction des inégalités, qui paraissent s’écarter des priorités stratégiques de la France. En 2021, un rapport de la Cour des comptes a également mis en lumière des dysfonctionnements en matière de gouvernance et de dispersion des moyens.

Face à cette situation, j’ai proposé un amendement au PLF 2025 visant à réduire de 15 millions d’euros les crédits de l’IRD, afin de réorienter ces fonds vers des enjeux nationaux. Quelle est votre position concernant cet amendement ? Plus généralement, comment percevez-vous le rôle actuel de l’IRD et envisagez-vous une éventuelle fusion de cet institut avec le CNRS ?

Mme Violette Spillebout (EPR). Je souhaite vous interroger sur les moyens mis en œuvre pour lutter contre le racisme et l’antisémitisme à l’université, particulièrement après les événements violents survenus à l’université de Lille en 2024.

Un réseau de 140 référents spécialisés aurait été instauré en 2015 dans le cadre d’une mobilisation pour les valeurs de la République. Cependant, les informations disponibles sur le site du ministère n’ont pas été actualisées depuis 2019. Par ailleurs, bien qu’un plan national de lutte contre le racisme et l’antisémitisme existe, le poste de délégué de la Dilcrah (Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT) demeure vacant.

Je salue votre prise de position ferme dans la circulaire d’octobre, où vous réaffirmez votre soutien aux présidents d’université dans leur combat contre ces fléaux. Pouvez-vous nous éclairer sur les moyens budgétaires prévus pour animer ce réseau de référents et pour épauler les dirigeants et le personnel universitaire, qui se trouvent souvent démunis face à la recrudescence des actes violents liés à ces problématiques dans nos établissements d’enseignement supérieur ?

M. Paul Vannier (LFI-NFP). L’université française repose sur des principes fondamentaux tels que la liberté d’enseignement, de discussion, de recherche et de publication, ainsi que sur le pluralisme et la liberté d’expression. Ces principes, protégés par la loi, constituent le socle de la production du savoir et de la connaissance, et s’opposent à toute tentative de mise sous tutelle politique.

Il y a quelques mois, lorsque vous étiez encore député, vous avez proposé la création d’une commission d’enquête relative à l’entrisme idéologique et aux dérives islamo-gauchistes dans l’enseignement supérieur. Cet intitulé évoque une atmosphère maccarthyste, s’éloignant de la rigueur scientifique et s’apparentant à une forme d’obscurantisme. De plus, il semble nier à la jeunesse étudiante de notre pays le droit de s’élever contre les événements tragiques qui se déroulent actuellement à Gaza.

Envisagez-vous de vous engager dans une chasse aux sorcières contre un prétendu wokisme ? Avez-vous l’intention de remettre en question les libertés académiques ?

M. Jean-Claude Raux (EcoS). Je m’adresse à vous, monsieur le ministre, pour évoquer vos premières semaines à la tête de l’enseignement supérieur et de la recherche. Pour décrire la situation actuelle, je reprendrai les termes employés par votre prédécesseur, Mme Sylvie Retailleau : irréaliste et dangereuse. Cependant, contrairement à elle, je ne fais pas référence au budget, mais à votre nomination.

Votre nomination apparaît comme une menace pour les libertés, en particulier les libertés académiques, mais également pour la liberté d’expression que vous remettez en question en vous opposant à des rassemblements pacifiques dans votre circulaire du 4 octobre. Elle semble également menacer la démocratie lorsque vous encouragez et légitimez un syndicat d’extrême droite par votre présence ostensible. Votre nomination semble dangereuse pour la science. Vouloir faire disparaître des prises de position éloignées de la rationalité scientifique de votre page Wikipédia n’efface pas les propos tenus pendant la crise sanitaire ou lors du dernier PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale). Enfin, elle est dangereuse pour les universités et leurs étudiants dans un contexte déjà particulièrement préoccupant : 553 millions d’euros de coupes budgétaires, non-respect de la LPR, diminution de plus de 5 % du budget alloué aux bourses, etc.

Ainsi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous rassurer ? Ces premiers signaux laissent en effet craindre une croisade idéologique plutôt qu’une véritable ambition pour l’enseignement supérieur et la recherche.

Mme Géraldine Bannier (Dem). Nous sommes préoccupés par la situation financière précaire des universités françaises. Les mesures sociales dites Guerini engendrent des dépenses additionnelles de 130 millions d’euros, qui ne sont pas intégralement compensées par l’État. L’inflation a durement affecté les établissements universitaires, s’ajoutant aux augmentations de charges, notamment le relèvement du taux de CAS Pensions.

À l’échelle locale, pour Le Mans Université, ces accroissements de charges devraient atteindre près de 2,7 millions d’euros en 2025, suscitant des inquiétudes quant à l’offre de formation qui pourra être maintenue en Mayenne et dans la Sarthe.

En outre, l’abandon de la trajectoire prévue par la LPR compliquera la création de chaires de professeurs juniors ou l’augmentation du nombre de contrats doctoraux financés par l’État.

M. Laurent Croizier (Dem). J’ai été profondément ému par le cas de Tom, étudiant à Besançon, hospitalisé en urgence le jour de ses épreuves écrites du brevet de technicien supérieur (BTS) et contraint au redoublement en raison de l’absence de session de remplacement pour ce diplôme.

Alors que les examens du baccalauréat, du certificat d'aptitude professionnelle (CAP) ou du brevet professionnel prévoient des sessions de rattrapage, une absence à une épreuve de BTS, même pour un motif impérieux, se traduit par l’attribution d’un zéro.

J’ai récemment déposé une proposition de loi visant à instaurer des sessions de remplacement pour tous les examens menant à l’obtention d’un diplôme national. Monsieur le ministre, vous disposez du pouvoir réglementaire pour remédier à cette inégalité. Puis-je compter sur vous et sur ce budget pour corriger cette injustice ?

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Le 19 mars 2018, Édouard Philippe, alors Premier ministre, présentait un plan national de lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Ce plan prévoyait notamment la création d’un réseau de référents racisme et antisémitisme. Au vu des nombreux événements survenus l’année dernière dans nos universités et de la recrudescence de l’antisémitisme – phénomène que certains semblent nier – je souhaiterais connaître les modalités de mise en œuvre de ces réseaux de référents.

Je tiens à souligner que nos présidents d’université se trouvent parfois démunis face à cette montée idéologique au sein de nos établissements.

M. Patrick Hetzel, ministre. Je tiens à clarifier ma position concernant les libertés académiques. Ces libertés sont garanties par la Constitution, et il n’est pas question de les remettre en cause. Le débat qui a eu lieu résulte d’un glissement sémantique opéré par certains. La circulaire évoquée ne visait pas à s’opposer à la liberté académique, mais simplement à rappeler le droit en vigueur.

En tant que ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, je ne peux tolérer que des étudiants, notamment juifs, se rendent sur les campus avec appréhension. Mon objectif est de garantir à tous les étudiants une réelle liberté d’aller et venir dans les établissements d’enseignement supérieur. Je m’étonne d’ailleurs que le simple rappel de la loi républicaine ait pu susciter certaines critiques.

Concernant la réussite étudiante, je reconnais que la situation actuelle n’est pas satisfaisante. Cette question doit nous mobiliser collectivement, au-delà des clivages idéologiques. Je présenterai prochainement une feuille de route comportant diverses propositions, tout en restant à l’écoute de toutes les suggestions constructives.

Quant au risque de décrochage de la recherche française, il est réel. Avec 2,2 % du PIB consacré à la recherche, contre 3,1 % en Allemagne, l’écart en valeur absolue entre les deux pays est considérable, du simple au double. Pour y remédier, nous devons nous montrer proactifs, notamment en captant davantage de financements européens. Un véritable pacte pour la recherche, impliquant également le secteur privé, s’impose.

J’ai bien conscience des difficultés liées à la non-compensation relative au CAS Pensions. Dans un contexte budgétaire contraint, cette réalité ne peut être niée. Ma prédécesseure avait d’ailleurs alerté le Premier ministre à ce sujet. Nous travaillons actuellement sur cette question, en veillant à ne pas laisser les établissements seuls face à ce défi. J’ai notamment demandé aux recteurs de suivre attentivement la situation et d’envisager des solutions si nécessaire.

Concernant le crédit d’impôt recherche, je prends acte de nos divergences de vues. Je défends la position du Gouvernement sur ce dispositif, tout en entendant les arguments opposés.

Je ne partage pas votre analyse concernant l’ANR. Le taux de succès, autrefois problématique entre 12 et 15 %, atteint désormais 25 %. Cela signifie qu’un projet sur quatre est retenu, nous plaçant dans la moyenne internationale.

Quant au risque de décrochage évoqué par Mme Herouin-Léautey, nous y sommes très attentifs. La fermeture de sites universitaires, mentionnée par France Universités, s’oppose fondamentalement aux missions de l’enseignement supérieur qui doit irriguer nos territoires. Je pense notamment aux bassins comme Brive.

Monsieur Perez, les interrogations sur une fusion de l’IRD avec le CNRS ne sont pas nouvelles. Je n’ai pas encore suffisamment étudié ce sujet pour apporter une réponse éclairée.

Madame Spillebout, votre question sur l’animation des réseaux est essentielle. Dans notre contractualisation avec France Universités, nous considérons que cela doit se faire en coordination avec les établissements, respectant ainsi leur autonomie. Il faudra veiller à ce que chaque établissement dispose de référents. Nous examinerons avec France Universités comment assurer une animation efficace de ce réseau, car c’est devenu un enjeu majeur.

Madame Bannier, les mesures dites Guerini ont été compensées à 50 %. Nous examinerons la situation pour éviter des difficultés insurmontables, notamment dans le cadre de nos discussions régulières sur divers sujets comme le glissement vieillesse-technicité.

Monsieur Croizier, vous soulevez un point important : l’absence actuelle de session de remplacement pour les BTS. Mon cabinet et les services du ministère étudieront des solutions, tout en respectant le cadre national et l’équité entre candidats. Nous devons traiter cette question avec humanité. Je comprends la frustration d’un jeune contraint d’attendre un an pour repasser ses examens. En tant que ministre, je suis sensible à cet argument et reste à votre disposition pour avancer sur ce sujet.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Je vous remercie.

*

La commission examine, pour avis, les crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur (Mmes Virginie Duby-Muller et Frédérique Meunier, rapporteures pour avis Enseignement supérieur et vie étudiante, et M. Alexis Corbière, rapporteur pour avis Recherche).

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons à l’examen des amendements, au nombre de 105, se rapportant aux crédits de la recherche et de l’enseignement supérieur.

Article 42 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-AC105 de M. Arnaud Saint-Martin

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Cet amendement a pour objet d’augmenter de 15 % la subvention pour charges de service public des universités afin de remédier à la baisse constante du budget qui leur est alloué. De fait, 60 universités sur 74, soit quatre sur cinq, annoncent être en déficit ; elles n’étaient qu’une quinzaine en 2022.

Les universités sont asphyxiées par des années d’austérité qui mettent en péril l’émancipation et la formation de plusieurs générations d’étudiants et de professionnels de l’enseignement supérieur et de la recherche. Bien que l’augmentation de la démographie étudiante ait été anticipée, l’État n’a pas voulu en tirer les conséquences : entre 2013 et 2024, la dépense moyenne par étudiant est passée de 12 430 euros à 10 270 euros.

Notre amendement ne permettrait même pas de combler le retard pris par la France dans le financement des travaux universitaires et la formation de sa jeunesse, mais c’est le minimum que l’on puisse faire pour éviter l’extinction de l’université publique.

Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis (Enseignement supérieur et vie étudiante). Cette mesure, au coût de 2 milliards, serait en tout état de cause incompatible avec la contrainte budgétaire et augmenterait d’autant la dépense publique si, comme vous le demandez, le Gouvernement levait le gage. Du reste, je ne sais pas comment vous êtes parvenus à cette somme : pourquoi pas la moitié ou le double ? Quoi qu’il en soit, il semble que, pour vous, la dette publique ne soit pas déjà suffisamment importante. Avis défavorable.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis (Enseignement supérieur et vie étudiante). Si un tel amendement était adopté, leurs auteurs seraient les fossoyeurs de nos finances publiques, sans parler de leur comportement outrancier, qui contribue au délitement de la fonction parlementaire.

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Ces 2 milliards correspondent, je l’ai dit, à une augmentation de 15 % de la subvention pour charges de service public des universités.

Au motif qu’il faut réduire la dépense publique, vous décidez de couler l’université, au lieu de proposer de nouvelles recettes. Il y va de la vision que l’on a de l’université : voulons-nous un véritable service public ou la privatisation ? Tel est le véritable enjeu.

Enfin, je note que, tout à l’heure, vous avez défendu le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui a pourtant évité de me répondre alors que mon propos était clair.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC120 de Mme Marie Mesmeur

M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Cet amendement, rédigé en concertation avec de nombreux chercheurs, syndicalistes et étudiants, vise à favoriser la bifurcation écologique dans et par l’enseignement supérieur en créant de nouvelles filières pour former des étudiants dans les domaines des énergies renouvelables, de la gestion de l’eau ou de la souveraineté alimentaire par exemple. Il s’agit notamment d’adapter chaque corps de métier au changement profond des modes de production et de consommation.

Nous proposons donc de créer un conseil national de la qualification professionnelle, qui aurait pour mission d’élaborer et de réviser le cadre national des diplômes et des certifications. Il pourrait proposer des formations dans la décarbonation du secteur des transports par exemple, ou pour la reconversion des ouvriers des centrales nucléaires. Ce faisant, nous vous soumettons un plan cohérent sur le long terme pour que l’enseignement supérieur soit en phase avec les besoins de la bifurcation écologique.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis. Le montant proposé, 700 millions, n’est absolument pas réaliste. Compte tenu de la contrainte budgétaire, l'essentiel des moyens de l'enseignement supérieur doit être concentré sur la formation des étudiants et non sur l'écologie, qui bénéficie par ailleurs de crédits et de nombreuses instances dédiés. En outre, nous ne partageons pas certains des sous-jacents du plan proposé, comme la formation de 5 000 ouvriers spécialisés pour démanteler les centrales nucléaires, car celles-ci contribuent à la décarbonation. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC118 de Mme Marie Mesmeur

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Il s’agit de créer 130 000 places en licence afin d’abolir la sélection à l’université et de permettre à chacun d’étudier dans la filière de son choix.

Depuis sa création, Parcoursup est une machine à exclure : en 2024, plus de 85 000 candidats se sont retrouvés sans affectation malgré l’obtention du bac, qui devrait être la seule condition requise pour accéder à la filière de son choix. Outre qu’il trie, exclut et accroît les inégalités sociales et géographiques, ce dispositif contribue à abaisser le niveau de qualification des jeunes. La restriction de l’accès à l’éducation est non seulement une injustice sociale et une mesure anticonstitutionnelle, mais aussi une erreur économique.

Il est donc urgent d’abroger Parcoursup et de réinvestir dans l’enseignement supérieur et la recherche pour garantir une place à tous les bacheliers. L’université est un lieu d’émancipation et un combat pour l’égalité ainsi que pour l’avenir de notre pays.

Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. L’augmentation continue depuis des décennies des effectifs de licence traduit un véritable effort des pouvoirs publics. Cependant, l'université n'a pas vocation à absorber l'intégralité de l'augmentation de la démographie étudiante : pour certains, une orientation vers d'autres filières est plus pertinente. Du reste, les filières professionnelles correspondent parfois mieux aux besoins auxquels fait face notre pays.

Outre le fait qu'elle n’est pas nécessairement souhaitable, la création de 130 000 places serait trop coûteuse compte tenu de la situation des finances publiques, et ne correspond pas même au nombre d'étudiants sans affectation, qui était de 85 000.

Enfin, lors de leurs auditions, les syndicats étudiants n’ont jamais demandé la suppression de Parcoursup.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC272 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi (EcoS). La production et le partage du savoir scientifique sont une chance pour notre pays. Le savoir est émancipateur et utile pour relever les défis, notamment écologique et énergétique. C’est pourquoi il est nécessaire de reconnaître le droit à la poursuite des études : chaque titulaire du baccalauréat doit avoir une place dans l’enseignement supérieur, notamment en licence.

Or, lors de la dernière rentrée universitaire, 90 000 candidats n’ont pas obtenu la formation qu’ils souhaitaient. Il convient donc de créer de nouvelles places en licence et, à cette fin, d’augmenter le budget alloué aux formations universitaires et à la recherche de 357 millions. Cette somme est le produit du coût moyen d’un étudiant multiplié par le nombre de ceux qui n’ont pas obtenu de place dans l’enseignement supérieur.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis. L’augmentation continue des effectifs inscrits en licence traduit un véritable effort des pouvoirs publics. Au demeurant, l'université n'a pas vocation à absorber l'intégralité de l'augmentation de la démographie étudiante. Une orientation vers les filières professionnelles peut correspondre mieux aux besoins de formation auxquels fait face notre pays. Enfin, la création de places est coûteuse et incompatible avec la contrainte budgétaire actuelle. Avis défavorable.

M. Hendrik Davi (EcoS). Tout d’abord, il existe des formations professionnalisantes à l’université, notamment les bachelors universitaires de technologie (BUT). La dichotomie que vous évoquez n’est donc pas exacte. Ensuite, les formations proposées en dehors de l’université sont très onéreuses, y compris pour le contribuable. En effet, la formation professionnelle coûte près de 20 milliards à France Compétences parce que l’État sur-subventionne les grandes entreprises, telles que Galileo, qui proposent ce type de formations.

M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Prétendre que l’université n’a pas vocation à absorber l’intégralité de l’augmentation démographique étudiante, c’est pratiquer un tri social qui est d’une violence inouïe. Il faut offrir aux étudiants ce moment d’émancipation et d’épanouissement qu’est l’université et supprimer les obstacles qui empêchent d’y entrer.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis Frédérique Meunier, la commission rejette l’amendement II-AC178 de Mme Soumya Bourouaha.

Amendement II-AC127 de Mme Marie Mesmeur

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Nous proposons, cette fois, de créer 27 000 places en master. La sélection à l’entrée de celui-ci est en effet une véritable attaque contre la démocratisation de l’université : elle renforce les inégalités sociales en favorisant les étudiants issus de milieux privilégiés. La plateforme Mon Master est, à l’instar de Parcoursup, une machine à trier les étudiants, faute de places en nombre suffisant.

Ainsi, en 2024, le ministère dénombre 958 000 étudiants en licence, contre seulement 598 000 en master. Ce tri social va à l’encontre des valeurs républicaines d’égalité et de justice sociale et, surtout, du droit à poursuivre ses études. Sélectionner, c’est accroître les déterminismes sociaux.

Non seulement cette logique dévalorise la licence, perçue comme le diplôme final de ceux qui n’ont pas pu accéder au master, mais elle mine également la crédibilité des diplômes nationaux, qui deviennent un simple outil de tri au lieu de marquer la reconnaissance collective de compétences. De plus, la sélection prive l’université de sa mission d’accueil universel et de formation du plus grand nombre. En augmentant la pression dès la licence, on décourage des étudiants qui auraient pu s’épanouir en master. En sélectionnant, on ne fait que renforcer les inégalités préexistantes, sans offrir de solutions aux étudiants issus des classes populaires.

La sélection à l’entrée du master est une régression sociale majeure et doit être abolie.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis. Dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025, les moyens alloués aux masters augmentent de 2,2 %. Cet effort est significatif au regard de la contrainte budgétaire. Du reste, la croissance du nombre de places en master a été soutenue au cours des dernières décennies. D'autres types de formations, plus spécialisées ou professionnalisantes, sont également recherchés par les entreprises, comme en témoigne l’existence de métiers en tension.

Le fait que certains étudiants n'aillent pas en master ne relève donc pas du tri social, mais de leur intérêt et de celui du pays. Ils peuvent s'épanouir et mettre à profit leurs compétences dans d'autres cursus ou en travaillant plus tôt. Avis défavorable.

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Il ne nous revient pas de choisir la formation que vont suivre les étudiants en fonction de leur milieu d’origine ! Chacun doit être libre de poursuivre ses études dans la filière de son choix. Au demeurant, l’université offre des formations professionnelles, lesquelles ont d’ailleurs été un peu saccagées par la réforme du BUT.

M. Laurent Croizier (Dem). Je suis gêné par les propos de notre collègue, qui donne le sentiment que les personnes issues d’un milieu social défavorisé ne pourraient pas réussir à l’université. Je m’inscris en faux : ces personnes ont toutes les capacités pour faire des études longues, même si ce n’est pas forcément facile. Arrêtons de raisonner avec de tels plafonds de verre.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC271 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi (EcoS). Les industriels que nous rencontrons dans nos circonscriptions disent manquer d’ingénieurs, mais aussi de titulaires de masters. Or de nombreux diplômés en licence qui souhaitent poursuivre leurs études ne le peuvent pas, faute de places en nombre suffisant.

Si nous insistons sur la situation des catégories populaires, c’est parce que le système actuel les défavorise : un étudiant parisien issu des classes populaires à qui la plateforme Mon Master propose un master à Nice, par exemple, n’aura pas les moyens de poursuivre ses études. L’augmentation du nombre des places en master est la seule possibilité d’augmenter le niveau de qualification de l’ensemble de la population.

Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. Il s’agit d’un dialogue de sourds : notre avis ne peut être que le même, dès lors que vous répétez toujours la même chose. Il faut vraiment que vous sortiez de vos a priori. Il n’y a pas de tri social. Les étudiants qui ont le plus de difficultés sociales peuvent accéder à toutes les formations. Bien souvent, ils sont d’ailleurs les plus soutenus et les plus favorisés. Avis défavorable.

M. Hendrik Davi (EcoS). Des étudiants qui n’ont pas de place en master dans l’université où ils ont obtenu leur licence, on en rencontre par dizaines ! Je peux vous citer le cas d’une étudiante qui avait obtenu sa licence de psychologie avec la mention très bien. Vous me répondrez qu’il n’y a pas de débouchés en psychologie, mais c’est faux : on manque de psychologues partout !

Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. Vous avez des a priori.

M. Hendrik Davi (EcoS). C’est vous qui avez des a priori ! Je connais bien le milieu universitaire, j’y ai travaillé pendant vingt ans. Le tri social est aussi un manque à gagner pour la société, laquelle se prive ainsi de talents qui auraient pu avoir de brillants parcours.

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Avant d’être élue, j’étais en doctorat de sociologie. J’ai donc passé de longues années à l’université, où je défendais les étudiants : j’ai bien conscience de ce qu’ils vivent. Les études coûtent cher. Or 80 % des étudiants sont sous le seuil de pauvreté et 30 % d’entre eux ont recours aux banques alimentaires. Parmi les doctorants, dont beaucoup ne mangent pas à leur faim, on compte seulement 4 % d’enfants d’ouvriers : ne me dites pas que le tri social n’existe pas ! Le capital symbolique, social, financier et culturel a une valeur académique. C’est de cela que nous parlons, pas du cerveau des étudiants. Lisez Marx !

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC179 de M. Frédéric Maillot

M. Frédéric Maillot (GDR). Si on demande de l’argent, ce n’est pas pour le plaisir, c’est parce que les étudiants en ont besoin pour réussir leurs études. Si vous vous contentez de nous opposer des avis défavorables sans qu’aucun débat soit possible, dites directement au Premier ministre qu’il peut renouer avec la méthode de la précédente législature et écraser la démocratie à coups de 49.3 !

Encore une fois, nous ne disons pas que les personnes issues d’un milieu défavorisé sont moins intelligentes, mais que pour elles, la situation est socialement plus compliquée. Les chiffres ne sont ni de droite ni de gauche, et ils attestent que certains étudiants sont régulièrement obligés de sauter un repas. Comment voulez-vous qu’ils n’arrêtent pas leurs études plus tôt que les autres ? C’est pourquoi je propose de créer 12 500 places en master.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis. Il ne nous paraît pas possible d’accepter votre amendement, pour des raisons de coût et d’opportunité.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC204 de M. Pierrick Courbon

M. Pierrick Courbon (SOC). Cet amendement d’appel a pour objet de souligner les défaillances de la plateforme Parcoursup. Madame Meunier, nous n’avons pas dû auditionner les mêmes syndicats étudiants. Pour notre part, nous les avons entendus se dire unanimement et légitimement outrés par ce dispositif de tri social, qui est une source de stress pour les familles. Là encore, les chiffres ne mentent pas : en deux ans, le nombre de néo-bacheliers qui ne reçoivent aucune proposition à l’issue du premier tour de Parcoursup a crû de 1,5 point et le nombre de ceux qui se retrouvent sans affectation au terme du processus a augmenté de 10 000, pour s’établir à 45 000.

Ce dispositif est un véritable cache-misère. La réalité est que la demande est plus importante que l’offre. Nous proposons qu’à tout le moins, la procédure soit plus transparente.

Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. Il me semble que nous avons bien assisté, l’un et l’autre, à l’audition des syndicats étudiants. Lorsque la question leur a été posée, ils ont très clairement répondu que le problème n’était pas Parcoursup – mais on entend ce que l’on veut bien entendre. J’ai moi-même critiqué le dispositif naguère, mais des améliorations ont eu lieu. Il reste de toute façon préférable au tirage au sort. Certes, l’attente du résultat est stressante pour les familles, mais l’attente des résultats d’un examen l’est tout autant et l’on n’envisage pas pour autant de supprimer ces derniers !

En définitive, si ni les étudiants ni leurs syndicats ne critiquent Parcoursup, c’est peut-être que les importants efforts consentis ont porté leurs fruits. Avis défavorable.

M. Pierrick Courbon (SOC). Parcoursup n’est pas un examen ! Et la véritable demande des étudiants n’est pas qu’on le supprime pour le principe, mais qu’il y ait davantage de places dans l’enseignement supérieur. Le fait est que ce dispositif trie les étudiants selon des critères dont nous contestons la légitimité et qu’il demeure donc le principal obstacle à la poursuite des études.

M. Hendrik Davi (EcoS). J’ai déposé une proposition de loi qui vise à abroger Parcoursup, mais je suis le premier à dire qu’il ne faut pas se focaliser sur ce dispositif : le véritable problème est le manque de places – peut-être est-ce ce que vous ont dit les syndicats étudiants.

Néanmoins, Parcoursup est bien un des éléments du problème, pour au moins deux raisons. Premièrement, il accroît le stress et l’angoisse des élèves, et ce dorénavant dès la troisième ! Ensuite, c’est une vitrine pour l’enseignement supérieur privé lucratif, dont l’offre a explosé tant et si bien que même le Gouvernement a reconnu la nécessité de légiférer dans ce domaine. Il faut donc le supprimer.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC132 de M. Arnaud Saint-Martin

M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Il s’agit de lancer un plan de construction et de rénovation des laboratoires ainsi que des lieux d’enseignement et de vie étudiante. Dans l’université de 2024, des étudiants suivent leurs cours en doudoune et des chercheurs travaillent dans des conditions impossibles. Toilettes condamnées, chauffage hors service, plafonds qui tombent, chaises bancales, humidité, voire amiante : selon la CGT, 60 % du parc universitaire est délabré. L’État se décharge de ses responsabilités et pousse les universités à recourir à l’endettement et aux partenariats public-privé, lesquels se traduisent fréquemment par un gaspillage d’argent public dans des travaux de mauvaise qualité.

La rénovation des infrastructures est une nécessité pour garantir des conditions d’étude dignes, diminuer la souffrance des personnels, mettre les bâtiments aux normes, notamment énergétiques, et absorber l’augmentation des effectifs.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis. Nous sommes très sensibles à la question du patrimoine immobilier des universités, dont nous connaissons et identifions les besoins. Nous savons également combien de tels investissements peuvent être vertueux, notamment en matière de performance énergétique. Mais le montant proposé, 1,4 milliard, nous oblige à écarter votre amendement, trop coûteux au regard de la situation des finances publiques. Par ailleurs, le ministre l’a rappelé, le foncier est rare et cher en zone urbaine et en zone tendue. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC208 de M. Pierrick Courbon

M. Pierrick Courbon (SOC). Nous plaidons pour un grand plan immobilier en faveur des universités. L’enjeu est stratégique pour l’accueil des étudiants et les conditions de travail des personnels. Il est tout aussi important pour l’État, qui est propriétaire de 82 % du parc immobilier universitaire, dont un tiers est dans un état jugé peu ou pas satisfaisant et ne correspond pas aux critères de sobriété énergétique. Ainsi la Cour des comptes souligne-t-elle, dans un rapport de 2022, l’urgence de l’adaptation du patrimoine immobilier aux besoins de l’enseignement et à la démographie étudiante.

Le montant de 1 milliard que nous proposons d’allouer à ce plan peut paraître important, mais France universités estime le coût d’une rénovation totale à 15 milliards. Lors de l’adoption de la loi de programmation de la recherche, nous avions regretté que celle-ci ne prévoie pas d’investissements dans l’immobilier universitaire. Cet amendement vise à réparer cet oubli.

Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. Vous avez raison, l’état de certaines universités justifie la réalisation de travaux. Mais où allons-nous trouver le milliard que vous proposez d’y affecter ? Au demeurant, ne faudrait-il pas commencer par réhabiliter les bâtiments avant d’augmenter le nombre de places, comme vous le proposez par ailleurs ?

Avis défavorable.

M. Hendrik Davi (EcoS). C’est l’autonomie des universités qui empêche l’établissement d’un état des lieux global et du coût total de la rénovation, ce qui suffit à démontrer la nécessité d’en finir avec la mauvaise réforme qui l’a instaurée. Pour financer ces travaux, plusieurs solutions existent, dont la plus symbolique consisterait à revenir sur le crédit d’impôt recherche. Chaque année, on donne à ce titre près de 7,6 milliards aux entreprises, sans contreparties ni appels d’offres, et on cherche 1 milliard pour rénover les bâtiments universitaires ?

M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). L’argument comptable ne tient pas : il y a de l’argent ! On pourrait parfaitement réaffecter une bonne partie des crédits investis à perte dans l’Agence nationale de la recherche, par exemple, au financement de la rénovation des bâtiments universitaires. J’ajoute que, parmi ces derniers, beaucoup de constructions neuves, par exemple sur le plateau de Saclay, s’effondrent déjà parce qu’elles ont été conçues n’importe comment – je pourrais donner des noms. Non seulement il faut rénover, mais il faut le faire dans de bonnes conditions. Ainsi, nous investirions pour l’avenir.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques II-AC101 de Mme Marie Mesmeur et II-AC273 de M. Hendrik Davi

M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Nous proposons d’accélérer la construction et la rénovation des logements universitaires. En cette rentrée, les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) ont augmenté leurs loyers, gelés depuis 2020, de 4,5 %. Cette augmentation, qui pèse sur des étudiants en situation précaire, a rapporté au Centre national des œuvres universitaires 20 millions d’euros, qui devaient financer la rénovation des logements insalubres et vétustes. Or cette promesse n’a pas été tenue. À ce jour, aucun plan de rénovation n’a été présenté bien que la Cour des Comptes estime qu’un tiers des logements des Crous devraient être rénovés.

Par ailleurs, sur les 60 000 logements étudiants dont Emmanuel Macron avait promis la construction en 2022, 36 000 seulement ont vu le jour. On compte un logement Crous pour dix-sept étudiants, contre un pour trois il y a soixante ans. Ainsi, moins de 6 % des étudiants sont logés dans une résidence du Crous tandis que les prix du privé explosent, comme la précarité étudiante.

Il est urgent de mener une véritable politique du logement pour offrir les meilleures chances de réussite et d’émancipation à tous les étudiants. C’est pourquoi nous proposons la construction de 15 000 logements universitaires supplémentaires par an ainsi que la rénovation des logements existants.

M. Hendrik Davi (EcoS). J’appelle votre attention sur la situation sociale dramatique des étudiants. Les cas que je vais citer sont peut-être extrêmes, mais ils sont révélateurs : la presse parle d’étudiants logés dans des hébergements d’urgence à Lyon, tandis que d’autres dorment sous une tente à Toulouse, dans des campings à Rennes ou dans des appartements loués par des marchands de sommeil à Marseille.

Nous en sommes là parce qu’au cours des soixante dernières années, pendant que le nombre des étudiants décuplait, celui des logements n’a fait que doubler. Encore une fois, Emmanuel Macron n’a pas respecté ses engagements : il n’a construit qu’un peu plus de la moitié des 60 000 logements dont il avait annoncé la construction. Je sais qu’une des difficultés est de trouver du foncier, mais ce n’est pas tant un problème d’argent que de volonté politique.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis. Nous soutenons bien sûr la construction et la rénovation de logements pour les étudiants, qui doivent être une des priorités du Gouvernement. Les crédits de l'action qui les financent sont d’ailleurs en légère hausse, même si l'essentiel de cette augmentation est absorbé par la restauration. Mais encore une fois, les montants proposés – plus de 1 milliard, soit près d'un tiers des crédits dédiés à la vie étudiante – sont incompatibles avec la contrainte budgétaire à laquelle nous faisons face. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement II-AC205 de M. Pierrick Courbon

M. Pierrick Courbon (SOC). Mes collègues ont rappelé qu’en matière de logement étudiant, les promesses n’ont pas été tenues, que ce soient celles du Président de la République ou celles d’Élisabeth Borne, qui évoquait en 2023, en présentant le pacte des solidarités, 30 000 logements supplémentaires d’ici à la fin du second quinquennat. De fait, 2 605 logements seulement ont été construits.

En nous opposant des refus, vous contribuez non seulement à aggraver les difficultés sociales des étudiants, mais aussi, dans les zones tendues, à soutenir les marchands de sommeil que vous prétendez combattre par ailleurs.

Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. Abonder les crédits destinés à la construction de logements étudiants de 500 millions, soit un doublement, paraît irréaliste tant sur le plan budgétaire, compte tenu de la situation de nos finances publiques, que sur le plan matériel, dans la mesure où la réalisation de tels travaux ne se décrète pas. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC283 de M. Alexis Corbière

M. Alexis Corbière (EcoS). L’an dernier, le Gouvernement a promis la construction de 35 000 logements sociaux étudiants supplémentaires d’ici à 2027. Cependant, aucun crédit additionnel n’est prévu à cette fin dans le PLF. Cet amendement vise donc à mobiliser 100 millions afin d’atteindre cet objectif auquel il semble que nous soyons davantage attachés que ceux qui l’ont présenté aux électeurs.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis. Les crédits dédiés au logement étudiant sont en légère hausse, mais nous sommes conscients de la nécessité d’investir davantage afin de pouvoir proposer une solution à tous les étudiants. Le montant ici proposé paraît excessif, mais compte tenu de l’importance de l’enjeu, nous nous en remettrons à la sagesse de la commission. Rappelons simplement que d’autres solutions existent pour financer le logement étudiant, comme la contractualisation avec des bailleurs privés.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC285 de M. Arnaud Sanvert

M. Arnaud Sanvert (RN). Cet amendement vise à affecter 100 millions au programme 231 Vie étudiante afin de financer la construction de logements étudiants gérés par les Crous. Cette somme proviendrait pour 70 millions du programme 172 et pour 30 millions du programme 150, et ce en ne prélevant que sur des dépenses de gestion administrative, de communication et de mutualisation des services, sans porter atteinte aux capacités de recherche.

Avec un manque d’environ 250 000 logements, trois étudiants sur quatre rencontrent des difficultés. Actuellement, seuls 6 % des 2,9 millions d’étudiants bénéficient d’une habitation gérée par les Crous. Le coût moyen de construction d’un logement étant estimé à 100 000 euros, cet amendement permettrait d’accroître notre objectif de construction de 1 000 unités et de commencer à combler le retard accumulé.

Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. Même position que précédemment : sagesse.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC258 de M. Jean-Claude Raux

M. Jean-Claude Raux (EcoS). Sur 175 000 logements relevant des Crous qui nécessitent une rénovation, seuls 4 000 ont fait l’objet de travaux. Pour 2025, 12 000 nouvelles rénovations sont prévues. Il est impératif de tenir cette trajectoire malgré l’austérité qui nous est imposée, d’autant plus que, comme l’a rappelé Arnaud Saint-Martin, les étudiantes et les étudiants contribuent directement aux frais, ayant vu leur loyer augmenter. En accord avec les préconisations de l’Union étudiante, nous souhaitons qu’un audit énergétique du logement étudiant soit mené et qu’il soit suivi d’un plan massif de rénovation. Pour ce faire, cet amendement vise à réaffecter 75 millions d’euros.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis. Même si la somme envisagée est élevée et si nous estimons que les moyens doivent être prioritairement affectés à la construction, nous reconnaissons que la rénovation est nécessaire pour que les étudiants aient des hébergements décents. Comme précédemment, nous nous en remettons donc à la sagesse de la commission.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AC187 de Mme Marie Mesmeur

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). La contribution de vie étudiante et de campus (CVEC) est une taxe injuste, supportée uniquement par les étudiants, pour qui chaque centime compte. Elle est en augmentation constante depuis sa création, en 2019, et représente désormais 103 euros, soit trente repas au Crous pour les non-boursiers. Ce n’est ni aux étudiants, ni aux Crous de compenser les effets d’une politique d’austérité qui frappe de plein fouet les universités et le réseau des œuvres universitaires, dont le financement devrait être assumé par l’État. Plutôt que de taxer les étudiants, il est nécessaire de réfléchir à une réforme structurelle du financement des établissements publics d’enseignement supérieur, afin de garantir une éducation réellement publique, gratuite et accessible à tous. Nous proposons donc de compenser la disparition de la CVEC par une dotation équivalente, soit 178 millions, de l’État.

Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. Si la commission des finances a bien adopté un amendement visant à supprimer la CVEC, le rejet de l’ensemble de la première partie du texte a annulé cette abrogation. Le présent amendement, qui vise à compenser son produit, est donc caduc.

Plus généralement, nous sommes défavorables à la suppression de cette contribution qui finance des initiatives dans les domaines de la santé, de la culture ou du sport et qui soulage le budget des opérateurs, qu’il s’agisse du réseau des œuvres universitaires et scolaires ou des établissements eux-mêmes. Nous reconnaissons toutefois qu’une plus grande transparence dans son usage accroîtrait sa légitimité et son acceptabilité.

Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Certes la CVEC permet d’investir dans la santé universitaire ou dans la qualité des bâtiments, mais elle n’en repose pas moins sur les seuls étudiants. Ce que nous souhaitons, c’est que l’État prenne la mesure de l’enjeu et finance lui-même ces éléments importants que sont la culture, le sport, les services universitaires ou les bureaux de la vie étudiante.

La CVEC n’est autre qu’une augmentation cachée des frais de scolarité. Son montant est passé de 90 à 103 euros, ce qui est tout de même énorme.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC257 de M. Jean-Claude Raux

M. Jean-Claude Raux (EcoS). Pour la deuxième année consécutive, mon amendement visant à supprimer la CVEC a été adopté par la commission des finances en première partie du PLF. Cela confirme que, non, les étudiants n’ont pas à payer pour étudier, ni à financer de leur poche les universités et les Crous. Il est évident que l’enseignement supérieur public doit être financé par des fonds également publics. Cela étant, afin de ne pas porter préjudice à la vie étudiante et au fonctionnement des Crous et des universités, qui font déjà l’objet de 500 millions de coupes budgétaires, nous proposons de compenser le produit de cette contribution, à hauteur de 176 millions d’euros.

Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. Même avis que précédemment. Je précise simplement que plusieurs des personnes que nous avons auditionnées pour l’élaboration de notre rapport pour avis ont insisté sur la pertinence de ce dispositif pour le financement de certaines initiatives.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC207 de Mme Fatiha Keloua Hachi

Mme Florence Herouin-Léautey (SOC). Je me permets d’enfoncer le clou une troisième fois. La CVEC souffre des mêmes limites que les bourses. Les boursiers en sont exonérés, mais pas les autres étudiants, qui souffrent pourtant eux aussi de la précarité. Il est si difficile de se loger, de se chauffer, de manger et de se soigner qu’il ne leur reste rien pour s’acquitter de la CVEC. Nous proposons donc que l’État compense la suppression de cette contribution à hauteur de 170 millions, afin de rendre réellement accessible l’enseignement supérieur à l’ensemble des étudiants. Je me doute de votre réponse, madame la rapporteure pour avis, mais les chiffres relatant les difficultés étudiantes sont têtus.

Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. Les faits juridiques sont également têtus, chère collègue. Le rejet de la première partie du PLF pour 2025 par la commission des finances rend caducs tous ces amendements, qui devraient être retirés.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. En tant que première signataire de cet amendement, je tiens à ajouter que la CVEC est un dispositif illisible et que son produit n’est pas utilisé de la même manière par les différents Crous. Non seulement son montant est très difficile à assumer, mais les étudiants ne savent pas ce qu’il advient de leur argent, ce qui me semble gravissime dans un pays démocratique. De la même manière que les étudiants savent à quoi servent les frais d’inscription, ils devraient savoir où va leur contribution.

Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. Nous examinerons tout à l’heure un amendement relatif à la transparence de la CVEC, pour lequel nous nous en remettrons à la sagesse de la commission.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques II-AC84 de Mme Marie Mesmeur et II-AC276 de M. Hendrik Davi

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Il s’agit d’appliquer la Constitution, plus précisément l’alinéa 13 du préambule de la Constitution de 1946, selon lequel « la nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État. »

Pourtant, un étudiant paye 175 euros pour s’inscrire en licence, 250 euros en master et 391 euros en doctorat. Ces frais d’inscription ne représentent que 2 % des ressources des universités : ils ne sont donc pas un levier de financement important. Alors qu’ils étaient gelés depuis 2020, la ministre démissionnaire de l’enseignement supérieur Sylvie Retailleau les a augmentés en juillet, au mépris des difficultés avérées des étudiants pour vivre – sans parler de l’augmentation cachée que constitue la hausse de 14,4 % de la CVEC en cinq ans. Bref, il est clairement demandé aux étudiants de pallier le désengagement de l’État.

Le but est bien d’opérer un tri social et de fermer l’accès de l’enseignement supérieur et de la recherche aux plus pauvres, alors que la gratuité, au contraire, permettrait aux jeunes de poursuivre leurs études.

M. Hendrik Davi (EcoS). Il y a trois bonnes raisons d’adopter ces amendements.

La première est symbolique. Comme l’a dit Marie Mesmeur, la Constitution dispose que l’école et l’enseignement supérieur sont gratuits. Ce serait un geste très fort de réaffirmer que la France est le pays du savoir, le pays de Pasteur.

Deuxièmement, la gratuité serait une mesure sociale. Elle soulagerait les étudiants, mais serait facilement supportable pour l’État puisque les frais d’inscription ne rapportent que 319 millions : on ne peut pas dire qu’ils soient un pilier du financement des universités.

Enfin, je rappelle que certaines universités relèvent du statut « grand établissement », qui leur permet de déroger aux règles et de commencer à faire flamber le montant des frais d’inscription. Nous voyons bien que l’actuel ministre de l’enseignement supérieur pourrait être tenté d’augmenter ces frais. On se rapprocherait du modèle anglais, avec les frais d’inscription de 6 000 ou 10 000 euros et les prêts étudiants qui vont avec. Ce serait une catastrophe.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis. La suppression des frais d’inscription ne nous paraît évidemment pas opportune. Une telle mesure risquerait de fragiliser le budget des établissements, certains d’entre eux étant déjà en déficit. De plus, cette contribution des étudiants est modique, surtout au regard de ce qui se pratique dans d’autres pays européens et dans le monde. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement II-AC95 de M. Arnaud Saint-Martin

M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). « Bienvenue en France » : voici un dispositif qui porte particulièrement mal son nom, étant donné qu’il consiste à empêcher les plus précaires des étudiants extra-européens d’accéder aux universités françaises. Depuis 2019, le Gouvernement a multiplié par seize les frais d’inscription les concernant, ceux-ci atteignant désormais 2 850 euros en licence et 3 879 euros en master. Pour quelle raison les étrangers, déjà exclus du système des bourses, devraient-ils payer tellement plus que les Français ou Européens ? L’association France Universités l’affirme : il s’agit d’une « insulte aux Lumières », ce type de dispositifs ne faisant que « renforcer la marchandisation de l’enseignement supérieur français et accentuer la précarité financière de nos étudiantes et étudiants internationaux ».

C’est bien un tri raciste et xénophobe qui est organisé : les statistiques relatives aux arrivants en attestent. Le pays des droits de l’homme choisit ses étudiants selon leur pays d’origine, au détriment du partage des savoirs, de la recherche et de l’attractivité de nos universités. Les étrangers représentaient 40 % des doctorants il y a quelques années, 34 % aujourd’hui et leur nombre ne fait que chuter, notamment en raison de ce dispositif injuste que cet amendement tend à supprimer.

Mme Frédérique Meunier, rapporteure pour avis. Si la stratégie « Bienvenue en France » permet la différenciation des frais d’inscription, leur montant pour les étudiants extra-européens demeure largement en deçà du coût réel des formations délivrées. Par ailleurs, dans la mesure où ces étudiants n’ont pas contribué par l’impôt au financement de l’enseignement supérieur public, il apparaît légitime de leur demander des frais d’inscription plus élevés. Rappelons enfin que les plus fragiles d’entre eux peuvent bénéficier d’une exonération sous conditions. Notre avis est donc défavorable.

M. Hendrik Davi (EcoS). L’université d’Aix-Marseille, dans ma circonscription, accueille énormément d’étudiants étrangers. Pendant plusieurs années, son président est parvenu à ne pas leur appliquer cette disposition injustifiée et cynique – appeler le dispositif « Bienvenue en France », il fallait oser !

L’importance du partage du savoir, le fait qu’il ne s’agit pas d’une marchandise : peut-être n’adhérez-vous pas à cela, mais essayez au moins de comprendre que les étudiants étrangers dont nous parlons, qui ont de hauts niveaux de qualification, conserveront un lien privilégié avec la France quand ils retourneront dans leur pays. Nombreux seront ceux qui créeront des entreprises, en Chine ou en Afrique par exemple, et seront autant de partenaires commerciaux potentiels pour la France. Ainsi, même quand on est pro-business, il est intéressant de proposer une université gratuite. Cela a longtemps été un avantage comparatif de la France, sur lequel nous revenons bêtement.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AC98 de Mme Marie Mesmeur, II-AC182 de Mme Soumya Bourouaha, II-AC202 de M. Pierrick Courbon et II-AC270 de M. Hendrik Davi

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Mon amendement tend à instaurer une garantie d’autonomie pour les jeunes en formation. Selon les chiffres du ministère, depuis vingt ans, la population étudiante a augmenté de 650 %. Or, étude après étude, toutes les données quantitatives et qualitatives montrent les dégâts de la précarité étudiante, avec 85 % des inscrits vivant sous le seuil de pauvreté.

Vous semblez fermer les yeux devant les images des distributions alimentaires qui explosent et les chiffres des étudiants qui échouent. Un sur deux doit travailler en parallèle de ses études pour survivre, c’est-à-dire pour payer son loyer et se nourrir. C’est une injustice sociale, car ils n’ont pas le même temps que les autres pour réviser et pour vivre sereinement. Même le Sénat a reconnu, en mai 2021, que les étudiants qui travaillent en parallèle de leurs études ont un taux de réussite plus faible, ce qui tend à allonger leurs cursus et à multiplier les décrochages.

Le montant maximal d’une bourse s’élève à 633,50 euros par mois, quand le coût de la vie étudiante dépasse largement les 1 000 euros. Voilà pourquoi La France insoumise et le Nouveau Front populaire demandent l’instauration d’une garantie d’autonomie supérieure au taux de pauvreté. De cette manière, nous rendrions aux étudiants leur dignité, tout en faisant preuve de responsabilité et d’ambition politique.

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Depuis plusieurs années, le groupe GDR défend la création d’un revenu étudiant, objet de mon amendement. Il prendrait la forme d’un versement mensuel à tous les étudiants du supérieur, quels que soient l’établissement de rattachement, la filière et la situation familiale, afin de leur permettre de subvenir à leurs besoins, à savoir se loger, se nourrir, s’habiller, acheter du matériel scolaire, mais aussi accéder aux loisirs.

Cette proposition répond à un besoin matériel identifié chez des dizaines de milliers d’étudiants actuellement contraints de travailler en parallèle de leurs études. Pour différentes raisons, les familles ne peuvent pas toujours aider. Il faut donc apporter à ces jeunes une autonomie financière et reconnaître leur travail ainsi que leur apport à la société. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous ne parlons pas d’allocation, mais de revenu, avec tout ce que cela comporte.

M. Pierrick Courbon (SOC). Par l’amendement d’appel II-AC202, le groupe socialiste propose également d’introduire une aide inconditionnelle aux étudiants, afin de réduire la précarité. Mesdames les rapporteures, vous savez que plusieurs organisations étudiantes défendent une telle mesure, mais c’est aussi le cas de la présidente de la Sorbonne et du président de l’université Jean-Monnet de Saint-Étienne, qui, dans une récente tribune, ont plaidé pour le « versement d’une allocation dès l’inscription dans l’enseignement supérieur ou professionnel, et sans condition de revenu », afin de favoriser l’autonomie.

Par cette proposition, nous questionnons la place des jeunes dans la société et dénonçons le système de dépendance financière et morale dans lequel ils se trouvent vis-à-vis de leurs familles. Cette question ne saurait donc se résumer à une simple divergence partisane.

M. Jean-Claude Raux (EcoS). Cela a été dit et répété, la précarité étudiante explose. Selon une étude récente de l’association Cop1-Solidarités étudiantes, 36 % des étudiants ont déjà sauté des repas par manque d’argent, un sur dix le font souvent, et 65 % ont recours à l’aide alimentaire régulièrement ou fréquemment. Je suppose que vous êtes nombreux à avoir vu les images des distributions alimentaires à Montpellier, mais les mêmes existent dans les autres villes universitaires.

Le coût de la vie étudiante continue de progresser, en raison de la hausse des frais d’inscription, du coût de l’énergie, des charges locatives – dans et hors des Crous – ainsi que des prix alimentaires. Pour en finir avec la précarisation grandissante des conditions de vie et de formation des étudiantes et étudiants, le groupe Écologiste et social appelle le Gouvernement à instaurer une garantie d’autonomie de 1 216 euros par mois pour les jeunes détachés du foyer fiscal de leurs parents.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis. Avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements. Cette mesure démagogique fait partie du programme de gouvernement du Nouveau Front populaire, qui n’a pas été plébiscité par les électeurs. (Exclamations.)

Précisons qu’une garantie d’autonomie pour les jeunes aurait un coût incompatible avec la situation budgétaire dégradée que nous connaissons. Notre pays offre d’ailleurs déjà une myriade d’aides. Celle que vous proposez aurait un effet déresponsabilisant, d’autant qu’elle serait décorrélée des revenus. En quoi un élève issu d’un milieu favorisé devrait-il bénéficier de la solidarité nationale ? Enfin, il serait injuste qu’une simple inscription à l’université suffise pour toucher 1 200 euros, un montant proche du Smic et que de nombreux travailleurs ne perçoivent pas.

Nous sommes nombreux à venir d’un milieu modeste. Pour ma part, j’ai travaillé plusieurs étés dans un Ehpad ou à l’usine et j’y ai survécu. J’invite donc à prendre un peu de hauteur et à sortir d’une vision égalitariste, dont on voit où elle nous mènerait.

M. Pierrick Courbon (SOC). Je conçois que vous vous opposiez aux propositions du NFP, madame la rapporteure pour avis, mais celle-ci est également défendue par deux présidents d’université, qui ne sont ni des irresponsables, ni de dangereux gauchistes partisans d’une vision égalitariste de la société. Si vous n’avez pas de considération pour nous, ayez-en au moins pour eux. Que répondez-vous à leur cri du cœur ?

M. Laurent Croizier (Dem). Nous sommes d’accord sur la nécessité de s’attaquer à la précarité étudiante. Cependant, je suis choqué par cette idée d’une allocation étudiante sans condition de revenus. Je ne comprendrais pas que des enfants de députés touchent une telle aide, alors que notre indemnité est élevée. Vous ne proposez rien de moins qu’une allocation étudiante pour les familles de riches ! Les aides pour les étudiants en rupture familiale ou simplement dépourvus de ressources, cela existe déjà : cela s’appelle les bourses, et l’éligibilité dépend bien des revenus du foyer. Chers collègues du Nouveau Front populaire, quand cesserez-vous d’instrumentaliser la précarité étudiante ? (Exclamations.) Cet après-midi, comme depuis des années, vous entretenez l’illusion du tout-gratuit.

M. Hendrik Davi (EcoS). Contrairement à ce qui a été dit, cette mesure, comme tant d’autres, a bien été plébiscitée par les Français, dans la mesure où nous sommes arrivés en tête du second tour des élections législatives. De plus, elle est défendue par des présidents d’université ainsi que par l’ensemble des syndicats étudiants.

Cette proposition a évidemment un coût, mais elle pourrait être financée par un prélèvement sur les héritages supérieurs à 12 millions d’euros. Elle ferait de la France la nation du savoir.

Quant aux riches, dès lors qu’ils payent leurs impôts et qu’ils participent davantage, comme la commission des affaires sociales l’a approuvé, au financement de la sécurité sociale, je suis favorable à ce que leurs enfants puissent étudier gratuitement. C’est cela la République, madame la rapporteure pour avis !

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Je trouve humiliant et déplacé, madame la rapporteure pour avis, que notre proposition ait été qualifiée de démagogique. Elle est plébiscitée aussi bien par les universitaires que par les étudiants et leurs parents et nous assumons justement qu’il s’agisse d’une mesure égalitaire.

Pour avoir été prof, je peux témoigner de l’importance cruciale d’aider les étudiants à réussir. Je peux vous assurer que ceux qui travaillent jusqu’à minuit ou une heure du matin ne sont jamais réveillés le lendemain pour assister à leur cours de huit heures. Travailler empêche de réussir ses études. Voilà pourquoi instaurer un revenu étudiant est si important.

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Cela ne m’étonne pas que vous refusiez d’ouvrir les yeux sur l’ampleur de la précarité étudiante, comme sur les résultats des élections. C’est d’ailleurs aussi pour cette raison que les jeunes votent en majorité pour le Nouveau Front populaire et donc en faveur de la garantie d’autonomie. (Exclamations.)

Vous qualifiez cette mesure de démagogique, mais elle est chiffrée et financée, en l’occurrence grâce à une taxe sur les héritages supérieurs à 12 millions. Qui a une telle somme à transmettre à ses enfants peut en effet contribuer à permettre à tous les enfants de France d’étudier sereinement. J’ajoute qu’une condition d’éligibilité est bien prévue : celle d’être détaché du foyer fiscal de ses parents.

Voir la jeunesse d’une manière universelle, monsieur Croizier, permet de ne pas infantiliser les jeunes, ni de ne les considérer que comme des « enfants de ». Le versement d’une allocation à tous éviterait à certains de se voir imposer un avenir tout tracé sous peine de se faire couper les vivres. Tous les jeunes seraient émancipés et libres d’accéder aux études de leur choix, indépendamment des souhaits de leurs parents.

M. Pierrick Courbon (SOC). Vous avez indiqué, madame la rapporteure pour avis, avoir très bien supporté de travailler certains étés, mais il y a une grande différence avec le fait d’occuper un emploi de plusieurs heures par semaine tout au long de l’année universitaire. Toutes les statistiques le prouvent : quand il est continu et parallèle aux études, le travail étudiant est l’un des principaux facteurs qui nuisent à la réussite académique.

Par ailleurs, si vous vous opposez à notre remède, je remarque que vous adhérez au diagnostic. Alors, que proposez-vous ? Que répondez-vous aux files d’attente devant les banques alimentaires, images que nous pensions appartenir à l’histoire ? Qu’envisagez-vous pour les étudiants qui dorment dans la rue, dans leur voiture ou au camping ?

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis. Je n’ai pas de leçon à recevoir sur la terminologie que j’emploie de la part des membres du Nouveau Front populaire, coutumiers des outrances, en commission comme dans l’hémicycle.

Quant à la précarité étudiante, vous avez pu constater que Frédérique Meunier et moi-même consacrons à cette question la seconde partie de notre rapport pour avis, après avoir entendu les inquiétudes des différentes associations que nous avons auditionnées.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Hors micro, M. Corbière nous interpelle et nous met en cause directement. Qu’il soit d’abord assuré que je suis moi aussi un enfant de la République et que les miens iront à l’école publique quand ils en auront l’âge. Je note d’ailleurs que ce n’est pas le cas d’un député comme M. Caron, qui emmène ses enfants dans une école privée de Versailles, puisque nous en sommes aux attaques personnelles.

M. Alexis Corbière (EcoS). C’est n’importe quoi ! Nous avons autre chose à faire que d’écouter de telles bêtises !

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Quant à la précarité étudiante, je rappelle que c’est sous la présidence d’Emmanuel Macron que les fonds alloués aux bourses ont augmenté de 500 millions (Exclamations) et que les repas sont passés à 1 euro pour certains étudiants. La situation est loin d’être parfaite, parlons-en, mais jamais la gauche n’a pris de telles mesures.

La commission rejette successivement les amendements.

 

La séance est levée à vingt heures.

 


Présences en réunion

 

Présents. – M. Raphaël Arnault, Mme Bénédicte Auzanot, M. Erwan Balanant, Mme Géraldine Bannier, M. José Beaurain, Mme Béatrice Bellamy, M. Bruno Bilde, M. Arnaud Bonnet, M. Idir Boumertit, Mme Soumya Bourouaha, M. Joël Bruneau, M. Roger Chudeau, M. Alexis Corbière, M. Pierrick Courbon, M. Laurent Croizier, M. Arthur Delaporte, Mme Virginie Duby-Muller, M. Philippe Fait, M. Emmanuel Grégoire, Mme Ayda Hadizadeh, Mme Céline Hervieu, Mme Tiffany Joncour, Mme Florence Joubert, Mme Fatiha Keloua Hachi, M. Jean Laussucq, Mme Delphine Lingemann, M. Frédéric Maillot, Mme Graziella Melchior, Mme Marie Mesmeur, Mme Frédérique Meunier, M. Maxime Michelet, M. Jérémie Patrier-Leitus, M. Thierry Perez, Mme Béatrice Piron, M. Christophe Proença, Mme Isabelle Rauch, M. Jean-Claude Raux, M. Arnaud Sanvert, Mme Anne Sicard, M. Bertrand Sorre, Mme Violette Spillebout, M. Paul Vannier

 

Excusés. – M. Gabriel Attal, M. Xavier Breton, M. Frantz Gumbs, Mme Nicole Sanquer

 

Assistaient également à la réunion. – Mme Pascale Bay, M. Pierre Cordier, M. Hendrik Davi, M. Pierre Henriet, Mme Florence Herouin-Léautey, M. Arnaud Saint-Martin