Compte rendu

Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation

 Audition conjointe de Mmes Delphine Ernotte Cunci, présidente-directrice générale de France Télévisions, Sibyle Veil, présidente-directrice générale de Radio France, Marie‑Christine Saragosse, présidente-directrice générale de France Médias Monde, et M. Laurent Vallet, président‑directeur général de l’Institut national de l’audiovisuel, sur leurs projets de contrats d’objectifs et de moyens 2024‑2028              2

 Avis de la commission sur ces projets de contrats d’objectifs et de moyens, en application de l’article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (Mmes Céline Calvez et Sophie Taillé-Polian, rapporteures pour avis)              31

Informations relatives à la commission...................33

– Présences en réunion..............................34

 

 

 

 

 


Mercredi
6 novembre 2024

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 15

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi,
Présidente

 


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La séance est ouverte à neuf heures cinq.

(Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi, présidente)

 

La commission auditionne Mmes Delphine Ernotte Cunci, présidente-directrice générale de France Télévisions, Sibyle Veil, présidente-directrice générale de Radio France, MarieChristine Saragosse, présidente-directrice générale de France Médias Monde, et M. Laurent Vallet, présidentdirecteur général de l’Institut national de l’audiovisuel, sur leurs projets de contrats d’objectifs et de moyens 20242028.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Mes chers collègues,

Notre commission est invitée à formuler son avis sur les projets de contrats d’objectifs et de moyens (COM) 2024-2028 de France Télévisions, France Médias Monde, Radio France et l’Institut national de l’audiovisuel (INA), en application de l’article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

Comme en 2021, ces votes seront précédés par un échange avec les responsables de chacune des entités concernées.

Je remercie pour leur présence Mmes Delphine Ernotte Cunci, présidente-directrice générale de France Télévisions, Sibyle Veil, présidente-directrice générale de Radio France, Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale de France Médias Monde, et de M. Laurent Vallet, président-directeur général de l’INA.

Mesdames, monsieur, alors que la trajectoire financière des projets de COM est déjà caduque et que 50 millions d’euros d’économies supplémentaires sont attendus sur le financement de l’audiovisuel public, quelle crédibilité pouvons-nous accorder à ces projets de COM dont les objectifs ne sont plus en adéquation avec les moyens ?

Pourriez-vous aussi nous dire un mot du climat social de vos organismes – qui constitue le grand absent de ces projets de COM –, alors que 20 % des équipes régionales de France 3 se sont mises en grève lundi pour protester contre le déploiement de la marque commune Ici ?

Mme Delphine Ernotte Cunci, présidente-directrice générale de France Télévisions. Nous nous livrons aujourd’hui à un exercice quelque peu paradoxal. Ce COM, arbitré il y a un an, n’est plus le même à ce jour. Bien que les objectifs stratégiques soient inchangés, la trajectoire financière initialement prévue n’est plus maintenue, entraînant un hiatus évident.

Rappelons que ce COM succède à un précédent cycle stratégique entre 2018 et 2022, au cours duquel des efforts de transformation importants ont été menés, notamment concernant le numérique, la jeunesse et la proximité. En parallèle, des efforts de gestion significatifs ont été réalisés, puisque la trajectoire des dotations publiques n’a cessé de baisser. En effet, France Télévisions a enregistré une baisse de 10 % de ses effectifs et de 12 % des coûts des programmes, tout en investissant dans le numérique. Au total, les efforts de productivité atteignent environ 20 %.

Si je comprends que, compte tenu de la situation du pays, il nous soit demandé de faire des efforts, je souhaite toutefois rappeler l’importance de ces derniers. Le niveau de ressources a en effet déjà été révisé à plusieurs reprises. En 2024, les dotations de France Télévisions ont diminué de 33 millions d’euros, dont 13 millions d’euros d’annulation et 20 millions d’euros de crédits de transformation dont nous attendons toujours le versement. Pour 2025, s’agissant du COM, cette réduction s’élève à 86 millions d’euros, soit 51 millions d’euros de baisse dans le projet de loi de finances (PLF) et 35 millions par amendement, si j’ai bien compris.

Notre situation est compliquée puisque la trajectoire initiale du COM était déjà exigeante, imposant à France Télévisions des efforts d’économies importants, que nous avions chiffrés à environ 200 millions d’euros. Or, ce nouveau projet impose 100 millions d’euros supplémentaires sur l’exercice 2025, sachant que nos recettes publicitaires devraient baisser fortement, à hauteur de 70 millions d’euros, en l’absence de Jeux olympiques à Paris l’été prochain. Cet effort ne peut être réalisé au 1er janvier sans toucher à nos missions.

Ces éléments nécessitent une nouvelle discussion.

Je suis persuadée qu’une réforme qui permettrait d’envisager l’économie de nos entreprises aux bornes de l’audiovisuel public peut constituer un moyen de continuer à utiliser l’argent public au plus juste – et donc de faire des économies – mais aussi de conserver la puissance de nos offres. En effet, durant toute cette période, France Télévisions a su accroître sa part de marché en linéaire et a fait très fortement monter en puissance ses plateformes numériques, notamment France.tv, qui constitue la première plateforme gratuite en France, et Franceinfo, en collaboration avec Radio France, France Médias Monde et l’INA.

En tant que mandataire social, je me bats pour continuer à améliorer l’offre que nous devons à nos téléspectateurs.

Mme Sibyle Veil, présidente-directrice générale de Radio France. Tout d’abord, je tiens à rappeler que nous avons toujours veillé à respecter ces documents importants. Les rapports d’exécution établis par l’autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) année après année témoignent des résultats obtenus, fruits du travail considérable des équipes de Radio France. Ces efforts se reflètent tant dans les audiences que dans la transformation de Radio France, qui s’affirme comme un acteur agile et innovant, et, enfin, dans la gestion rigoureuse des fonds publics. Nous avons en effet réalisé ces dernières années d’importantes économies – parmi lesquelles un plan de départ significatif –, représentant une réduction d’environ 10 % du total de nos ressources.

En outre, ce document est important à un second titre. Je ne vous surprendrais pas en disant que plus la situation politique est pleine d’aléas – l’élection présidentielle américaine couverte sur nos antennes toute la nuit, dont nous connaissons désormais le résultat, est une preuve éloquente que ces aléas sont plus nombreux qu’il y a quelques décennies –, plus la stabilité, la visibilité ainsi que la capacité à se projeter dans l’avenir et à investir sont nécessaires pour les services publics.

Ces impératifs sont d’autant plus cruciaux que la concurrence ne ressemble en rien à ce qu’elle était il y a dix ans, et encore moins à ce qu’elle sera dans les dix prochaines années. Un document tel que le COM offre ainsi une vision stratégique sur plusieurs années.

Je tiens à saluer le travail accompli avec les services de l’État pour définir une stratégie répondant à de vrais enjeux. Je citerai quatre exemples.

Premièrement, il s’agit de reconnaître l’importance de disposer d’un service public de l’écoute en France, qui offre des contenus d’information et de culture, et constitue une alternative aux écrans. Ce service public de l’écoute est d’utilité publique, notamment pour les jeunes, qu’il ne faudrait pas « biberonner » trop tôt aux smartphones et aux réseaux sociaux. Nous avons, pour cela, développé une offre pédagogique pour le ministère de l’éducation nationale en partenariat avec un acteur majeur, à savoir les éditions Belin, permettant à des dizaines de milliers d’écoliers d’apprendre l’histoire avec les podcasts Les Odyssées de France Inter. Ce projet illustre très concrètement ce que seul un service public de l’audio est capable de développer.

Deuxièmement, une transformation est en cours. Depuis hier matin, nous avons engagé la bascule sur les différentes antennes de France Bleu et France 3 vers la marque Ici, afin de créer un média global de la proximité, englobant la radio, la télévision et le numérique. Si le service public est parfois un sujet de débat, l’expérience montre qu’il existe un consensus sur la nécessité de médias de proximité capables de s’adresser aux citoyens, qu’ils résident à Paris ou dans d’autres territoires en France. Il s’agit de l’enjeu de la coopération importante prévue par ce COM, que je suis heureuse de porter avec ma collègue Delphine Ernotte Cunci et auquel nous croyons beaucoup.

Troisièmement, nous savons qu’il est essentiel d’investir dans l’intelligence artificielle pour lutter contre la désinformation en ligne. Le pluralisme est une priorité et constitue un travail quotidien pour nos équipes. Ce COM réaffirme à ce sujet des principes particulièrement importants.

Enfin, quatrièmement, la bataille pour l’attention représente également un enjeu. Les grandes plateformes numériques monnaient et distraient les audiences à leurs profits, montrant ainsi la nécessité de développer des plateformes françaises. La plateforme de Radio France, affiche aujourd’hui des résultats dépassant ceux de grandes plateformes anglo-saxonnes, bien que nous ne disposions pas des mêmes moyens. Cela prouve notre efficacité pour un coût pour la société qui reste extrêmement raisonnable. Aucune autre plateforme n’offre des contenus gratuits et universels sur l’Histoire, la philosophie, les sciences et l’ensemble des connaissances de la culture accessibles à tous.

Cependant, il est essentiel d’évoquer les moyens au service de ce COM. Lorsque les ambitions de ce contrat ne coïncident plus avec les moyens, la situation devient problématique, ce qui est le cas aujourd’hui. Il existe un véritable hiatus entre les ambitions du COM et les moyens désormais annoncés. La négociation, qui a duré plus de vingt mois, a abouti à une trajectoire pour la période 2024-2028 impliquant déjà des efforts pour notre entreprise. Les décisions récentes nous font basculer vers une trajectoire non plus simplement d’efforts mais de sacrifices. Il est de notre responsabilité de vous en alerter.

À titre d’exemple, les crédits de transformation, dont la suppression est annoncée, n’étaient pas destinés à financer l’accessoire, mais devaient financer des sujets hautement stratégiques, tels que l’évolution vers un média global de la proximité ainsi que le développement de l’intelligence artificielle et de formats attractifs pour la jeunesse.

Ces éléments vont nécessairement nous amener à réinterroger notre soutien à la création, ce qui m’attriste. Si les arbitrages sont confirmés, nous devrons en tirer des conséquences. Nous risquons d’être en déficit pour l’année 2025 mais je voudrais également attirer votre attention sur les années 2026 et 2027, traçant une trajectoire proprement insoutenable avec un risque de devoir sacrifier des éléments importants de nos offres et donc de faire évoluer le périmètre de nos médias.

Si nous sommes tous parfaitement conscients de la situation budgétaire et de la nécessité de réaliser des économies, que nous avons faites ces dernières années, il est important d’être pleinement responsables quant aux conséquences de telles réductions de moyens. Ces COM ne doivent pas être renouvelés, car, bien que la direction stratégique soit la bonne, le rythme et le niveau des attentes doivent être très sérieusement ajustés pour sortir de la contradiction entre les ambitions affichées et les moyens disponibles.

Enfin, en toute responsabilité, nous devons nous interroger collectivement sur ce que l’État et le législateur pourraient faire pour faciliter les économies qui semblent désormais prévues dans le PLF.

Mme Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale de France Médias Monde. Je souhaite tout d’abord remercier les élus mobilisés pour l’adoption de la proposition de loi organique (PPLO) qui permettra le financement affecté de nos entités. Nous serons auditionnés demain par la commission spéciale chargée d’examiner la PPLO portant réforme du financement de l’audiovisuel public. Être qualifiés de « chaîne de propagande » à l’international plutôt que reconnus comme une chaîne de service public peut avoir des conséquences extrêmement dommageables et nuirait à notre aura.

France Médias Monde porte une information libre et indépendante à l’international et lutte contre la manipulation et les infox, en français – d’abord et toujours – mais aussi en vingt langues étrangères, grâce à six rédactions réparties à travers le monde et à un réseau de correspondants sans équivalent, garantissant une information fiable aux Français sur l’actualité internationale. Nous comptons 255 millions de contacts hebdomadaires mesurés et 3,7 milliards de vidéos ont été consommés l’année dernière.

Nous évoluons dans un contexte géopolitique inquiétant, marqué par le lot d’incertitudes que l’élection de cette nuit entraînera comme toute élection à la présidence des États-Unis. Nous vivons avec la prise de pouvoir des talibans en Afghanistan, les coups d’État dans la bande sahélienne, la guerre en Ukraine et la situation dramatique au Proche et Moyen-Orient, qui prospèrent sur fond de manipulations et de propagandes extrêmement importantes permises par les réseaux sociaux. Ces réseaux facilitent les attaques directes contre nos propres médias, avec des deep fakes et des détournements de nos logos. La polarisation est donc forte et les atteintes à la liberté d’informer sont croissantes, allant jusqu’à la censure pure et simple que nous subissons dans un certain nombre de pays.

Exercer le métier de journaliste est extrêmement difficile aujourd’hui, d’autant plus que nous faisons face à une concurrence aux moyens croissants et bien supérieurs aux nôtres. Notre budget s’élève à 275 millions d’euros alors qu’en comparaison, la Deutsche Welle dispose de plus de 400 millions d’euros, la BBC World Service de 479 millions d’euros et la Russie consacre 1,4 milliard de dollars à son action d’influence internationale, en croissance de 9 %.

C’est dans ce contexte que nous avons bâti le COM qui vous a été soumis et dont les grandes priorités me semblent très appropriées. Si ce plan a été construit a minima, il permettait néanmoins de rester dans la course.

Le premier axe concernait la confiance, à savoir garantir une information fiable et lutter contre la désinformation.

Le deuxième axe était relatif à la proximité avec quatre projets de développement en langues locales et en proximité, financés par l’aide publique au développement.

Le troisième axe visait à assurer la transformation numérique, afin que nous ne soyons pas perdus dans cette course. Nous avions construit un plan de transformation numérique extrêmement développé, financé par les programmes de transformation. Or ces derniers ont été en suspens en 2024 et semblent avoir été annulés pour 2025. Ce renoncement serait particulièrement dommageable car nous risquons de manquer l’opportunité de nous inscrire dans la révolution très disruptive que constitue l’usage raisonné de l’intelligence artificielle.

Le quatrième axe concernait l’exemplarité en matière d’enjeux climatiques, d’égalité entre les femmes et les hommes, de droits humains en général et de diversité.

Enfin, le cinquième axe était relatif à la rigueur avec une importante réforme de la planification, réalisée notamment au sein de France 24, et des réaménagements prenant en compte le télétravail, les enjeux environnementaux, l’évolution des métiers, notamment numériques, et les mutualisations liées aux contenus éditoriaux, aux achats ou encore aux technologies de l’audiovisuel public.

Cette stratégie me semble toujours être la bonne mais se heurte au manque de moyens, représentant une baisse de 10 millions d’euros par rapport à la trajectoire établie et de 3 millions d’euros par rapport à la loi de finances de 2024.

Nous avons déjà réalisé d’importants efforts, à savoir trois plans de départs volontaires en dix ans, une réduction de 18 % des coûts de distribution en cinq ans tout en parvenant à accroître notre distribution et des économies massives sur le fonctionnement de l’entreprise.

Pour France Médias Monde, la somme de dix millions d’euros représente dix rédactions de langue de Radio France internationale (RFI), tout le réseau de distribution de RFI en FM (Frequency Modulation) et en ondes courtes ou encore l’ensemble du budget de correspondants. De plus, notre budget est essentiellement constitué de charges fixes, puisque nous produisons environ 200 heures de programme par jour, en français et dans vingt autres langues. Ainsi, toute réduction budgétaire touche immédiatement le cœur de notre activité. Le reste de notre budget concerne la distribution, avec des contrats pluriannuels qui ne peuvent être rompus sans d’importantes indemnités de dédit.

En conséquence, nous pouvons nous attendre à un déficit en 2025. Nos fonds propres nous permettent de ne pas être confrontés à des difficultés majeures dès cette date mais, si cette tendance se poursuit, nous nous dirigerons vers une impasse impliquant des renoncements lourds de conséquences concernant des activités construites durant des décennies grâce à des financements publics et dont la perte serait irrémédiable. Ces économies auront donc un sacré coût pour la France.

Je suis personnellement convaincue que nous devons préserver l’essentiel car renoncer à un territoire ou à une langue signifie ne jamais revenir et laisser la place à d’autres. Comme le rappelait Tim Davie, directeur général de la BBC, chaque économie réalisée par BBC World a constitué un « appel d’air » pour la propagande chinoise et russe.

Procéder à un désarmement informationnel de la France en pleine guerre de l’information, c’est toucher aux intérêts fondamentaux de la nation. Je veux appeler l’attention de la représentation nationale sur cet enjeu majeur.

M. Laurent Vallet, président-directeur général de l’Institut national de l’audiovisuel. Tout comme ses entreprises partenaires, l’INA ressent un hiatus entre les objectifs et les moyens du COM.

La stratégie de ce COM, qui s’inscrit directement dans le prolongement de la transformation menée depuis dix ans, visant à faire évoluer cet héritage complexe de l’éclatement de l’office de radiodiffusion-télévision française (ORTF) en un média patrimonial au service du public, ne pose pas de doute. Aujourd’hui, avec environ deux milliards de vidéos visionnés chaque année sur toutes les plateformes, réseaux sociaux et chaînes YouTube, l’INA touche une large audience, notamment auprès de la jeunesse et s’inscrit comme un média singulier, du temps long et de la culture populaire. En outre, l’INA s’attache à décrypter l’actualité et le présent grâce à une collection de 27 millions d’heures d’archives dont la numérisation est intégralement achevée.

L’INA est un leader au sein de l’audiovisuel public concernant l’usage de l’intelligence artificielle, puisqu’il dispose d’un département de recherche très actif qui développe ses propres solutions technologiques depuis plusieurs années. Ces innovations sont source de potentiels en termes de meilleure découvrabilité des contenus.

Cette ambition stratégique de l’INA est fortement remise en question dans son rythme de réalisation par le non-versement d’une partie des crédits annoncés en 2024 au titre de la transformation et par l’annonce de leur annulation en 2025. Cette situation est d’autant plus préoccupante que l’INA a la particularité de ne percevoir des crédits de transformation qu’en 2024 et 2025, qui sont des années clés d’investissements technologiques. L’INA a en effet investi plus de 25 millions d’euros par an dans ces solutions technologiques, compte tenu de la nature particulière de ses activités.

La représentation nationale a bien voulu reconnaître l’année dernière les efforts réalisés par l’INA au cours des dix dernières années pour se transformer à la fois de façon très visible pour le public et à bas bruits, avec des moyens limités, en puisant chaque fois que nécessaire dans sa trésorerie.

La représentation nationale a bien voulu accorder à l’INA une dotation exceptionnelle de 6,3 millions d’euros dans la loi de finances de fin de gestion de l’année 2023. Toutefois, cette somme est inférieure à ce qui a déjà été retiré du plan de financement du COM. Ces réductions compromettent gravement la trésorerie de l’INA, qui pourrait se retrouver en situation de quasi-rupture à la fin de l’année 2025, et fragilisent particulièrement l’institut pour le démarrage de ces nouveaux COM. Si le cap stratégique demeure clair, je me demande si – sans remettre en cause la nécessité que l’audiovisuel public participe à l’effort de redressement des finances publiques, comme nos entreprises l’ont déjà largement fait cette année – cette contractualisation pluriannuelle avec l’État demeure adaptée à la prévisibilité du développement des entreprises, notamment de celles dont les investissements pluriannuels et technologiques sont très importants.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Je cède maintenant la parole aux rapporteures.

Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteure pour avis. Nous allons faire notre rapport à deux voix car notre propos est commun.

Le contexte dans lequel notre commission est amenée à formuler un avis sur les projets de contrats d’objectifs et de moyens est inédit. Ce contexte, nous le résumerons en deux mots : incertitude généralisée. Cette dernière concerne la trajectoire budgétaire de l’audiovisuel public, les modalités de financement et le retour de la réforme de la gouvernance.

Alfred de Musset nous avait pourtant prévenus : « L’incertitude est de tous les tourments le plus difficile à supporter. » Or, l’audiovisuel public a déjà beaucoup de tourments à supporter. Nous les avons résumés dans l’introduction de notre avis : prolifération des fausses informations, concentration des médias, bouleversements massifs des usages et des comportements audiovisuels ou encore concurrence des plateformes internationales qui captent toujours plus l’attention des Français.

L’objet des COM est de donner à l’audiovisuel public un horizon pluriannuel dans lequel inscrire son action, le doter d’une visibilité sur les axes prioritaires de son développement et de ses grands objectifs stratégiques ainsi que sur le niveau de l’engagement financier consenti par l’État.

Malheureusement, les projets de COM dont nous avons été saisis apparaissent caducs avant même leur signature.

Mme Céline Calvez, rapporteure pour avis. Ma collègue et moi-même souhaitons réaffirmer avec force notre attachement à un service public audiovisuel puissant et bien financé.

Ces missions de service public – informer, éduquer, divertir, représenter la diversité de la société et soutenir la création française – sont plus essentielles que jamais. Nous saluons le travail de l’ensemble des salariés de l’audiovisuel public qui s’acquittent de ces missions avec sérieux et dévouement, parfois dans des conditions difficiles.

Les objectifs inscrits dans les projets de COM nous conviennent à toutes les deux : qualité de l’information et proximité, investissement dans la transition numérique, reconquête des publics jeunes, soutien à la création et à la diversité culturelles. Nous y souscrivons pleinement.

À ces objectifs devrait être associée une trajectoire financière réaliste et soutenable.

Ce n’est malheureusement plus le cas, comme vous l’avez dit, dès 2024, puisque, sur les 69 millions d’euros de crédits du programme de transformation que devaient percevoir les organismes de l’audiovisuel public, seulement 19 millions d’euros auront été versés d’ici la fin de l’année. En 2025, la trajectoire financière mentionnée dans les projets de COM ne sera pas respectée non plus, avec un premier recul de 81 millions d’euros dans le PLF 2025. De plus, un second recul pourrait être acté, le Gouvernement ayant déposé il y a à peine 48 heures des amendements supprimant 50 millions d’euros de crédits, dont 35 millions d’euros pesant sur France Télévisions. Au total, l’audiovisuel public serait doté en 2025 de 3,972 milliards d’euros au lieu des 4,110 milliards d’euros prévus.

Sur le fond, nous constatons que les projets de COM se distinguent des précédents par la disparition de la feuille de route de l’audiovisuel public et des objectifs communs auxquels étaient associés des jalons pour la mise en œuvre des projets de coopération.

Si ma collègue et moi-même différons sur la méthode, nous soutenons toutes deux le renforcement des coopérations entre les organismes de l’audiovisuel public et nous souhaitons que le Parlement puisse suivre leur mise en œuvre.

Pour cela, ces projets doivent être mieux précisés dans les COM, et nous demandons la réintroduction des jalons. Nous avons entendu l’argument du Gouvernement selon lequel leur mention serait rendue inutile par le retour envisagé de la réforme de la gouvernance de l’audiovisuel public. Pourtant, rien ne garantit que le Parlement voterait demain cette réforme, et le Gouvernement ne saurait le présumer.

À travers ces projets de COM se pose toujours cette épineuse question de la gouvernance des organismes de l’audiovisuel public. Je considère que la mise en place d’une présidence commune sera à terme indispensable afin de mettre en œuvre les projets de coopération entre les organismes en réduisant les frictions.

Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteure pour avis. J’ai pour ma part la sensation que ces COM anticipent la mise en œuvre de la réforme de la gouvernance, que je rejette résolument. La création d’une holding ne serait que l’antichambre de la fusion, qui rimerait avec homogénéisation des contenus.

Le climat social des entreprises est le grand oublié de ces projets de COM. Les représentants syndicaux des quatre entités concernées nous ont pourtant fait part des conditions de travail de plus en plus dégradées des salariés, très certainement liées aux différents plans de départs volontaires mis en œuvre ces dernières années.

L’augmentation des charges de travail, conjuguée à un sentiment de perte de sens en raison des incertitudes sur la gouvernance et le financement de l’audiovisuel public, et l’impact des nouvelles technologies dans le secteur provoquent mal-être et souffrance au travail pour les salariés.

L’augmentation des strates de management est également visée. Ces dernières complexifient les processus, instaurent davantage de verticalité dans les chaînes de prise de décision et entravent le sentiment de faire partie d’un tout cohérent.

Il est évident que les entreprises doivent s’adapter aux nouveaux usages, mais une politique d’adaptation des métiers doit être menée en concertation avec les parties prenantes afin de conduire une transformation numérique indolore.

Avec Céline Calvez, nous souhaitons ainsi que des indicateurs relatifs au climat social des organismes soient réintégrés dans les COM, comme c’était le cas en 2016.

Mme Céline Calvez, rapporteure pour avis. Ma collègue et moi-même nous retrouvons sur l’essentiel : les objectifs, oui, les moyens, non. Pour preuve, sur les 34 recommandations que nous formulons, 30 sont communes.

Nous réclamons notamment le renforcement des indicateurs associés aux objectifs des COM, qui sont trop peu nombreux, précis et ambitieux. Beaucoup d’indicateurs ne renseignent aucune cible ou une cible bien peu audacieuse, ce qui traduit un manque d’ambition et pose un problème pour la bonne information du Parlement.

Nous appelons ainsi le Gouvernement à préciser les cibles pour chaque année du COM et à poursuivre les travaux d’harmonisation des indicateurs entre les différentes entités.

À notre sens, l’exigence de concision et de lisibilité des COM n’est pas incompatible avec celle d’une information complète et détaillée et nous refusons de nous en remettre au seul dialogue de gestion entre les sociétés de l’audiovisuel public et le Gouvernement.

En dernier ressort, c’est bien au Parlement qu’il revient de se prononcer chaque année sur les crédits de l’audiovisuel public. Si bien des divergences nous opposent dans cette salle, nous pouvons tous nous retrouver sur la nécessité de respecter pleinement les prérogatives du Parlement.

Parmi nos points de divergences figure la question des crédits du programme de transformation. Je suis personnellement favorable au versement de ces crédits, conditionnés au développement des projets de transformation et de coopération, et je souhaite que les COM décrivent précisément les voies et moyens de leur renforcement.

Dès lors, je ne peux que regretter la mauvaise gestion par le Gouvernement ou les gouvernements de ces crédits, qui constituent un outil indispensable de pilotage des coopérations. Après le coup de rabot de cette année, à hauteur de 50 millions d’euros, le programme de transformation disparaîtrait purement et simplement. Je le regrette vraiment, car ce programme constitue, selon moi, un outil de pilotage indispensable de la conduite et du renforcement de l’offre de l’audiovisuel public et des coopérations entre les organismes de l’audiovisuel public.

Dans ces conditions, la question de la gouvernance de ces organismes est plus que jamais d’actualité.

Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteure pour avis. Les coopérations entre les organismes apparaissent renforcées dans ces projets de COM à travers quatre projets d’envergure.

Premièrement, le développement d’Ici, nouveau média de proximité réunissant France 3 et France Bleu, qui se concrétise depuis hier.

Ce projet a toutefois été freiné en raison de désaccords entre les directions, d’un manque flagrant de communication entre les équipes locales et de l’absence de stratégie éditoriale commune. Preuve de ces atermoiements : le directeur de projets commun n’a été nommé qu’en 2024, alors que le projet a été initié en 2019 avec la mise en place de matinales communes.

À titre personnel, je m’interroge sur la mise en œuvre de ce projet « à 360 degrés », qui ne doit pas conduire à uniformiser l’information locale au service d’une polyvalence servant des intérêts de rationalisation budgétaire.

Le développement de ce projet rencontre également l’ire des salariés. Lundi, près de 20 % des services régionaux de France 3 étaient en grève pour protester contre la mise en œuvre d’Ici.

S’agissant de l’acte II du média global Franceinfo, nous regrettons le fort décalage constaté entre les audiences de la chaîne d’information en continu et ses concurrentes privées. Nous ne pouvons pas nous satisfaire d’un service public télévisé de l’information « à la traîne ».

Le manque de vision globale, de visibilité à long terme et de coopération entre France Télévisions et Radio France est la principale cause de ce retard. Avec ma collègue, nous proposons de positionner cette chaîne d’information sur le canal 12 ou 14 de la TNT et de rééquilibrer la gestion du site internet entre les deux sociétés.

Troisièmement, le rapprochement des offres numériques des organismes se concrétiserait par le développement d’un algorithme de recommandations croisées entre les différentes plateformes, afin de guider les utilisateurs à travers l’ensemble des contenus proposés. Nous soulignons l’abandon de la proposition d’une plateforme commune aux organismes, qui risquerait d’invisibiliser les contenus audio au profit de contenus vidéo.

Enfin, nous nous réjouissons des coopérations en matière de lutte contre la désinformation. La marque « Vrai ou Faux » est en plein essor, et le projet de création d’une agence de vérification de l’information commune à Radio France et France Télévisions est très encourageant. À l’heure où les intelligences artificielles génératives pratiquent l’hypertrucage ou deep fake, il est urgent de mettre à disposition des citoyens une information vérifiée.

Nous regrettons seulement que l’éducation aux médias et à l’information soit la variable d’ajustement des économies budgétaires demandées, tant elle est cruciale pour former les citoyens de demain.

À ce titre, nous nous félicitons aussi du développement de Lumni, outil essentiel, notamment pour l’éducation aux médias.

Mme Céline Calvez, rapporteure pour avis. Je terminerai cette intervention en exprimant un regret commun : nous sommes navrées que le Parlement ne puisse pas jouer un véritable rôle dans l’élaboration et le contrôle de l’exécution des COM. Alors que l’avenant de 2023 prolongeait le précédent COM et aurait dû engager un travail avec les parlementaires, ce ne fut pas le cas. Nous avons dû examiner ces projets dans un délai extrêmement contraint de six semaines à compter de l’ouverture de la session ordinaire, alors que notre Assemblée examinait en parallèle le projet de loi de finances pour 2025.

À défaut de nouveaux COM, et même avec ces derniers, nous réclamons l’élaboration d’une loi de programmation pluriannuelle pour l’audiovisuel public, qui proposerait une trajectoire financière compatible avec les exigences du règlement européen sur la liberté des médias.

L’examen d’un tel texte permettrait au Parlement d’être réellement associé à la définition des objectifs des organismes et à la détermination des besoins liés à la mise en œuvre de leurs missions de service public.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Merci. Je cède maintenant la parole aux orateurs de groupe.

Mme Florence Joubert (RN). Comme nous l’avons précisé lors des dernières campagnes électorales, nous sommes favorables à la privatisation de la majeure partie de l’audiovisuel public.

Cependant, nous souhaitons faire une exception pour certains médias, comme l’INA, les chaînes ultramarines, Arte France, TV5 Monde ou encore France Médias Monde, afin que les citoyens français expatriés puissent suivre un média national. En revanche, nous souhaitons une réforme profonde du paysage audiovisuel français comme préalable d’une privatisation réellement efficace.

Pour qu’une chaîne comme France 2 puisse trouver un repreneur, il est impératif de pouvoir réformer la loi sur la liberté de 1986 sur la liberté de communication, dont le dispositif anti-concentration est devenu complètement obsolète face aux évolutions récentes du secteur.

Nous dénonçons aussi l’absence de plafonnement des ressources publicitaires de l’audiovisuel public, qui en abusent au détriment des médias privés alors qu’il est pourtant financé par des fonds publics. Ainsi, France Télévisions réalise environ 25 % de son chiffre d’affaires publicitaire après 20 heures, alors que cela est théoriquement interdit. Quant à Radio France, alors que ses recettes publicitaires sont légalement plafonnées à 42 millions d’euros par an, le groupe continue chaque année de dépasser largement ce montant d’environ 23 millions d’euros en 2024, sans sanction de la part de l’Arcom ou du ministère.

Enfin, il faut souligner que l’audiovisuel public a failli dans sa mission de faire respecter le pluralisme politique. Où est ce pluralisme, lorsqu’un rapport rendu par l’institut Thomas More stipule que, sur les 50 % d’intervenants affichant une orientation idéologique, 25 % seraient classables à gauche et 4 % seulement à droite ?

Où est la neutralité du service public lorsque France Inter se retrouve épinglé par l’Arcom pour avoir relayé les chiffres des terroristes du Hamas dans le conflit à Gaza ?

C’est à cause de toutes ces failles de l’audiovisuel public que nous réclamons aujourd’hui sa privatisation. Rendons ainsi aux Français le pluralisme et l’argent de leurs impôts.

Mme Violettre Spillebout (EPR). La baisse de 50 millions d’euros dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025, annoncée le 28 octobre dernier par le Gouvernement, n’est pas sans nous inquiéter. Au nom de mes collègues du groupe Ensemble pour la République, nous disons non à ce budget de sacrifice.

Je veux ici saluer l’engagement constant de vos équipes, mesdames et monsieur les présidents-directeurs généraux, en faveur de la transformation numérique, du développement des contenus destinés au jeune public, du maintien d’une offre d’information de référence et du renforcement de la proximité avec les citoyens.

Si ces quatre objectifs sont essentiels, la priorité et l’urgence pour l’audiovisuel public sont de maintenir l’investissement massif pour la transformation numérique, avec plus de contenu numérique natif et une expérience utilisateur améliorée.

Je tiens à réellement réaffirmer notre attachement à l’audiovisuel public, bien commun dont la mission est de s’adresser à tous les Français dans leur diversité, de promouvoir la culture et la création françaises et de délivrer une information pluraliste de qualité dans la véritable guerre de l’information que nous vivons.

Nous pouvons retenir, parmi les 34 recommandations de nos rapporteures Céline Calvez et Sophie Taillé-Polian, dont je souhaite souligner l’excellent travail, quelques points d’amélioration prioritaires :

– une véritable loi de programmation pluriannuelle, ce qui serait bien plus fiable et solide qu’un simple avis consultatif de notre commission ;

– le nécessaire maintien des crédits de transformation numérique ;

– la définition de cibles chiffrées et précises pour chaque indicateur annuel ;

– l’accélération indispensable de la création d’une marque unique pour l’ensemble des contenus relatifs à l’éducation aux médias ;

– le renforcement de la visibilité des contenus de la création française en podcast sur Radio France, comme en première partie de soirée sur France Télévisions ;

– et enfin, la plus forte coopération entre France Bleu et France 3 dans chaque région pour faciliter l’intégration de la marque commune Ici.

Dans un contexte de prolifération des fausses informations, de concentration des médias et de bouleversements massifs des usages et des comportements, nous devons préserver un service audiovisuel public puissant et ambitieux. Je vous remercie.

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). L’audiovisuel public n’est pas qu’un simple vecteur d’information mais aussi un rempart contre la désinformation. Il se dresse contre les discours de haine et les contre-vérités qui prolifèrent sur certaines chaînes privées, parmi lesquelles CNews. De plus, par son soutien au cinéma, il est le gardien d’une culture vivante, d’une parole libre et de l’exception française.

Pourtant, l’austérité fragilise ces missions, puisqu’en 2024, 700 postes sont menacés à la suite des coupes de 80 millions d’euros décidées par le Gouvernement précédent. Il est désormais urgent de mettre en place un financement dédié, prévisible et pérenne, puisque le système transitoire mis en place à la suite de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public disparaîtra après le 31 décembre 2024.

À rebours de l’actuelle utilisation de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – impôt le plus injuste socialement –, la France Insoumise propose une redevance universelle progressive. Il ne s’agit pas de revenir à la taxe injuste de 138 euros par ménage mais de répartir équitablement le coût, notamment sur les plus riches. Que pensez-vous de l’idée qu’une autre redevance est possible, comme le dit l’économiste Julia Cagé ? En effet, seule une redevance universelle permettrait de garantir l’indépendance des médias publics.

Pilier de la démocratie, cette indépendance est un droit fondamental inscrit dans notre Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, mais elle reste à conquérir. Le rapport pour avis présenté devant notre commission par notre collègue Aymeric Caron montre par exemple un traitement partial et déséquilibré des souffrances palestiniennes par France Télévisions et Radio France. Or, invisibiliser les douleurs du peuple palestinien, c’est trahir cette mission d’équilibre et de justice.

La budgétisation de l’audiovisuel public revient à permettre aux parlementaires de décider chaque année des moyens qui lui sont alloués, risquant ainsi de le soumettre davantage à des pressions politiques. Nous venons de voir que certains rêvent de privatiser l’audiovisuel public, comme en témoignent l’intervention précédente ou les amendements du Rassemblement national visant à réduire son financement pour museler les voix critiques.

Dans ce cadre, le licenciement de Guillaume Meurice pour une blague irrévérencieuse fut un coup porté à la liberté d’expression. La satire, l’humour et la critique mordante doivent avoir toute leur place sur les ondes du service public. Je reprends vos mots, madame Veil : « la liberté d’expression n’est pas négociable et ne le sera jamais ». Quand passerez-vous des paroles aux actes ?

Mme Céline Hervieu (SOC). Dans un environnement médiatique bouleversé où la désinformation fait des ravages et face à un mouvement inédit de concentration des médias dans les mains d’une poignée de milliardaires, l’audiovisuel public est le garant d’une information de qualité, libre et indépendante. Ce service public est un atout essentiel pour une création audiovisuelle audacieuse face à la concurrence des plateformes, un enjeu pour le pluralisme – garant de notre démocratie – et un élément indispensable de notre patrimoine commun, dont l’INA est le dépositaire. C’est donc un service public que les socialistes entendent évidemment protéger, comme le garant d’un bien commun précieux que nous défendrons toujours.

Défendre l’audiovisuel public, c’est d’abord défendre un financement dédié, pérenne, juste et prévisible. Nous connaissons effectivement depuis 2022 un contexte extrêmement compliqué, avec la suppression de la redevance par Emmanuel Macron. Les projets de budgétisation et d’intégration de votre financement dans le PLF sont extrêmement inquiétants. C’est tout l’inverse de ce que nous proposons. Les socialistes refusent cette politique du fait accompli et feront tout pour empêcher une situation catastrophique pour l’indépendance de l’information. Défendre le financement de l’audiovisuel public, c’est aussi garantir une forme de pérennité. Or, le compte n’y est absolument pas. Des dizaines de millions d’euros de coupes budgétaires sont prévus. Nous dénonçons fermement cette cure d’austérité. Nous avons proposé la création d’une contribution à l’audiovisuel public progressive. Nous soutiendrons évidemment la PPLO du mieux que nous pourrons. En tout cas, éviter à tout prix cette budgétisation est notre objectif.

Dans ce contexte budgétaire extrêmement dégradé, les entreprises de l’audiovisuel public sont au cœur d’enjeux majeurs autour de la transition numérique, des programmes jeunesse, des médias locaux et de proximité. Or ces objectifs ne sont pas tenables dans les conditions budgétaires qui sont les vôtres.

Mme Frédérique Meunier (DR). L’audiovisuel public devrait connaître une baisse de 45 millions d’euros de ses crédits et le Gouvernement demande un effort de maîtrise de ses dépenses, même si vous en faites déjà depuis de nombreuses années. En particulier pour France Télévisions, ce budget est bien éloigné de celui prévu dans le contrat d’objectifs et de moyens négocié avec les ministères de la culture et de l’économie et des finances.

Même si le Gouvernement se justifie en plaidant que la moitié de ces crédits, initialement destinés à financer des projets liés à France Télévisions et Radio France, ne seront pas annulés, mais simplement décalés, j’entends votre inquiétude et vos renoncements à venir du fait de ce manque de moyens.

Une proposition de loi sénatoriale vise à pérenniser le financement de l’audiovisuel public par la TVA. Il m’apparaît essentiel que ce texte soit adopté par le Parlement afin d’éviter que l’audiovisuel public ne soit directement financé par le budget de l’État et que vous puissiez bénéficier ainsi d’une totale indépendance. Je regrette la suppression de la redevance audiovisuelle, qui était votre garantie de financement pérenne.

La ministre de la culture affirme que son projet de fusion de l’audiovisuel public attirera de nouveaux publics, en particulier les jeunes, vers des contenus plus innovants via de nouveaux canaux de diffusion.

Face à une concurrence croissante, l’audiovisuel public doit également se réorganiser s’il ne veut pas s’affaiblir, et maintenir une vision stratégique. Vous qui émettiez des doutes, pensez-vous qu’une holding pourrait en effet répondre à l’objectif que vous vous fixez tous ?

Madame Veil, l’un de vos objectifs de l’année dernière était de partir à la conquête de publics qui ne vous écoutent pas. Pour cela, vous vouliez tester la création d’un laboratoire dédié à l’expérimentation de nouveaux formats. Comment s’est déroulé le lancement de cette initiative ?

Le logo France 3 a disparu de nos programmes régionaux. Or, la télévision régionale est associée au chiffre 3 dans l’imaginaire collectif. Ce chiffre sera remplacé par la marque Ici, que certains jugent impersonnelle. Pourquoi ce changement ? Il semblerait qu’aucune étude sérieuse ni analyse d’impact n’aient été réalisées. Pourquoi ?

M. Arnaud Bonnet (EcoS). L’audiovisuel public réalise de très bonnes performances et fournit des émissions de qualité d’intérêt général dans un contexte budgétaire exsangue. Je vous remercie, ainsi que l’ensemble des salariés de vos entreprises, pour ce travail quotidien.

Cependant, les comptes n’y sont pas. Notre discussion sur le renouvellement des COM de l’audiovisuel public est une parodie de démocratie parlementaire. Ces COM donnent à l’audiovisuel public des objectifs ambitieux : augmenter les audiences chez les jeunes, mettre en œuvre une transition numérique importante, investir dans l’éducation aux médias, lutter contre la désinformation ou encore enrayer la dégradation continue des conditions de travail des journalistes et salariés de nos entreprises publiques. Toutefois, encore une fois, le Gouvernement ne donne pas aux services publics les moyens de ses ambitions. Le PLF prévoit un budget pour les sociétés publiques inférieur de 81,5 millions d’euros à la trajectoire prévue par le COM. Il se murmure déjà qu’un rabot supplémentaire de 50 millions d’euros pourrait être adopté au Sénat, soit un budget proposé inférieur de plus de 130 millions d’euros à la trajectoire fixée par le contrat.

Le Gouvernement sabre dans le budget de l’audiovisuel public, certainement pour préparer le terrain de la justification de son démantèlement. C’est la stratégie libérale habituelle : couper les fonds des services publics, les empêcher de remplir leur mission, puis venir expliquer qu’ils ne fonctionnent pas.

Ma question s’adresse principalement à mesdames les rapporteures du rapport sur le COM : que proposez-vous pour assurer le financement adéquat aux entreprises du service public de l’audiovisuel, afin qu’elles puissent remplir les objectifs ambitieux qui leur ont été fixés ?

Mme Géraldine Bannier (Dem). Au nom du groupe Les Démocrates, je souhaite tout d’abord rappeler notre attachement de longue date, réitéré et sincère aux services publics de l’audiovisuel. C’est important, alors que se font entendre des remises en cause fondamentales de ce que vous représentez.

Qu’est-ce que le service public de l’audiovisuel ? Lors de sa remise du prix journalistique Anna Politkovskaïa, le président de Reporters sans frontières nous rappelait hier que l’information peut faire bouger les choses. Encore faut-il que cette information soit fiable, vérifiée et non partisane. C’est votre rôle au quotidien, comme celui de parler à chacun de nous, quel que soit notre territoire, notre histoire et notre identité. Le service public de l’audiovisuel garantit la proximité et l’accès pour tous et toutes à ce que les médias peuvent offrir de mieux, qu’il s’agisse de divertissements ou de contenus qui enrichissent l’individu (spectacle vivant, documentaire ou encore films qui renforcent la cohésion et l’adhésion à un idéal commun).

C’est pourquoi vous nous trouverez toujours en soutien, notamment dans la perspective d’un budget sécurisé, lisible et assuré pour les prochaines années.

Par ailleurs, attendra-t-on quatre ans pour revoir du sport paralympique à la télévision et entendre parler de nos champions ? Les Jeux ont été plus mixtes et paritaires et ont rappelé que le sport paralympique est ce qu’il est : du sport. Que pouvez-vous nous en dire ?

De plus, votre soutien à la lecture se poursuit. Le succès considérable du film adapté du roman Le Comte de Monte-Cristo nous montre l’intérêt des scénarii nourris par la littérature. Nous comptons sur vous pour persévérer dans cette voie apaisante.

Quant au projet de COM en discussion aujourd’hui, la trajectoire prévue paraît remise en cause par l’arrêt des versements des crédits de transformation depuis avril 2024, à la suite de la reprise du projet de fusion et de son abandon avec la dissolution, ainsi que par la révision à la baisse de la trajectoire en 2025. Le PLF prévoit le report des 30 millions d’euros de crédits de transformation non versés en 2024 sur 2025, l’augmentation de la dotation socle des opérateurs d’environ 1 % contre les 2,5 % prévus et le versement de 67 millions d’euros de crédits de transformation. Enfin, par l’annonce de baisses supplémentaires via des amendements gouvernementaux, les crédits sont encore réduits de 50 millions d’euros tandis qu’avec la suppression des crédits de transformation, les dotations socles le sont de 20 millions d’euros.

Face aux défis qu’il rencontre, l’audiovisuel public a besoin de garanties d’indépendance, notamment financières. Nous regrettons que cette trajectoire financière ne soit pas respectée.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Au regard de l’actualité politique internationale, je tiens tout d’abord à saluer le travail approfondi et minutieux des journalistes et des équipes de l’audiovisuel, public comme privé, mené cette nuit comme les semaines précédentes pour couvrir les élections états-uniennes.

Au nom des députés du groupe Horizons et apparentés, je souhaite dire que je regrette profondément que nous examinions des COM déjà caducs, dans des délais contraints. Nos acteurs de l’audiovisuel public ont besoin de visibilité, de cohérence, de stabilité, et nous, parlementaires, avons besoin de pouvoir conduire un réel travail de contrôle. Il n’est pas acceptable de recevoir ces COM dans des délais aussi restreints. Malgré l’engagement des rapporteures que je veux saluer, ces conditions ne nous permettent pas d’exercer notre travail de manière sérieuse. Pour avoir été administrateur de Radio France et l’être désormais de France Médias Monde, je veux dire qu’on ne peut pas conduire, malgré tous les efforts de vos équipes et votre engagement, des stratégies cohérentes sur la durée avec des COM qui sont déjà caducs, avant même d’être examinés par le Parlement.

Je soutiens, comme d’autres parlementaires ici, l’idée d’une loi de programmation financière pluriannuelle de l’audiovisuel public qui permettra à la fois de participer au redressement des finances publiques mais aussi de donner de la stabilité et de la visibilité sur les projets que vous pouvez mener.

Face à la guerre de l’information, de la montée en puissance des plateformes, de l’ingérence étrangère et de la désinformation, nous avons besoin d’un audiovisuel public fort et d’une information pluraliste, fiable et indépendante.

Nous partageons une grande partie des trente-quatre recommandations de nos collègues rapporteures. Nous regrettons effectivement la disparition de la feuille de route et des objectifs communs, notamment des jalons de coopération, que nous soutenons et sur lesquels vous pourrez sans doute revenir.

De plus, certains indicateurs manquent de cibles précises.

S’agissant de l’idée de holding, je souhaite savoir quelles sont vos positions au regard de l’évolution de ces derniers mois et de la capacité de vos entreprises à pouvoir mener cette transformation dans des conditions satisfaisantes.

Mme Nicole Sanquer (LIOT). Notre groupe souhaite exprimer ses préoccupations sur les COM des entités de l’audiovisuel public et soutient l’avis défavorable des rapporteures. Ces contrats arrivent dans un contexte critique et incertain pour le financement de l’audiovisuel public.

La suppression de la redevance, décidée il y a deux ans, pose problème car elle n’a pas été remplacée par une ressource stable. Nous sommes contraints de chercher des solutions en urgence basées sur la TVA. Cette option reste, à notre avis, loin d’être idéale, tant pour la justice fiscale que pour l’indépendance et la stabilité financière des entités concernées.

Nous sommes également contre la décision du Gouvernement de réduire de 50 millions d’euros les crédits de l’audiovisuel public dans le PLF. Ces crédits étaient déjà insuffisants et cette nouvelle diminution compromet la trajectoire financière des projets de COM avant même leur mise en œuvre. Nous alertons sur l’impact que cette imprévisibilité pourrait avoir sur la gestion des entreprises de l’audiovisuel public.

Alors que, depuis 2020, ces entités évoluent dans un climat d’incertitude marqué par l’abandon des projets de réforme sur la gouvernance, nous sommes interpellés par le fait que les projets de COM anticipent une réforme qui n’a pas été adoptée par le Parlement.

Enfin, à la suite de la suppression de France Ô, le pacte pour la visibilité des outre-mer devait garantir une meilleure représentation de ceux-ci sur les chaînes à forte audience. Toutefois, sans quotas ni sanctions, ces promesses restent fragiles. Comment assurer cette visibilité des outre-mer sans outils contraignants, dont nous continuons de penser qu’ils sont nécessaires ?

Enfin, je souhaiterais insister – sans polémique – sur l’importance de la neutralité, de l’objectivité et du respect du pluralisme des chaînes publiques locales dans nos collectivités insulaires, en particulier en Polynésie française, car nos familles suivent majoritairement l’actualité via ces médias. Nous notons que la réglementation des temps d’antenne établie par l’Arcom n’est pas toujours respectée, ce que nous regrettons.

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Je vous remercie du travail que vous réalisez pour l’audiovisuel, essentiel au maintien d’une ligne indépendante dans le paysage médiatique.

Cependant, cette indépendance est aujourd’hui remise en question, notamment par le projet de holding. En effet, cette fusion, qui exclurait France Médias Monde et Arte, représente un réel danger, comme l’ont dénoncé de nombreux syndicats, notamment à travers un mouvement de grève en mai dernier. Les organisations représentatives craignent notamment que cette fusion entraîne une forme d’hégémonie de France Télévisions qui pourrait « avaler » Radio France et l’INA, entraînant un retour à l’ORTF, ainsi qu’une pression exercée sur la ligne éditoriale.

Le financement de l’audiovisuel public représente une autre source d’inquiétude. En effet, son inclusion dans le budget de l’État crée un danger pour son indépendance mais également pour sa diffusion hors de nos frontières. Si, par exemple, la chaîne France 24 était amenée à être considérée comme un média d’État, ses fréquences pourraient être remises en cause par certains pays.

Ces deux éléments sont aujourd’hui indissociables et n’ont qu’un objectif : celui de l’étatisation de l’audiovisuel public. C’est en ce sens que le groupe Gauche démocrate et républicaine propose une contribution à l’audiovisuel public plus juste, universelle et proportionnelle, afin de protéger le modèle français.

Comment appréhendez-vous ce projet de holding et l’indépendance de vos structures ?

Par ailleurs, un tel projet aura pour conséquences la réduction des effectifs, une possible dégradation des conditions de travail des salariés et, à travers la baisse des moyens, une probable chute de la qualité des programmes. Quelle est votre position concernant ces différents sujets ?

M. Maxime Michelet (UDR). Cette nuit, toutes les télévisions du monde ont braqué leurs regards sur les États-Unis, où Donald Trump a été réélu. Comme tous les quatre ans, l’élection américaine génère un intérêt soutenu de nos compatriotes, qui s’interrogent sur l’avenir de la première puissance mondiale, dont nous ne connaissons que trop bien l’influence.

Face à cet événement planétaire, fournir aux Français une information objective et équilibrée est un devoir du service public. Le projet de COM de France Télévisions évoque l’exigence d’« une offre d’information approfondie, exigeante et pluraliste, avec une attention particulière sur l’actualité mondiale ». Ma question sera directe : cela a-t-il été le cas dans le cadre de l’élection américaine ?

Peu importe notre opinion du président Trump, la puissance américaine et son système politique méritent davantage que des caricatures et des poncifs, tout spécialement dans le pays de Tocqueville. Les 27 et 28 octobre derniers, France 5 a pourtant dédié ses deux soirées à trois émissions consacrées à Donald Trump, titrées Trump, la menace fasciste, Trump, le nouveau visage du fascisme et Trump, un fascisme à l’américaine.

Alors que, de l’autre côté de l’Atlantique, le très respecté Wall Street Journal dénonçait le caractère insensé de cette accusation, France Télévisions rassemblait des intervenants ne craignant pas le point Godwin et les contradictions historiques.

Kamala Harris avait également fait l’objet de trois émissions, intitulées Kamala, le remède au trumpisme ?, Kamala Harris, une femme à la Maison-Blanche et Kamala Harris, une icône pop – une tonalité toute différente, vous en conviendrez.

Dans une élection aussi importante que l’élection américaine, les Français doivent être correctement informés. Dans un monde aussi périlleux que le nôtre, un peuple mal informé est un peuple fragilisé.

Quelles sont, selon vous, les conditions essentielles à réunir pour garantir aux Français une information internationale approfondie, exigeante et de qualité, pour reprendre vos mots, auxquels j’ajouterais « indépendante de toute idéologie » ?

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Merci. Je vous cède maintenant la parole, mesdames et monsieur les présidents-directeurs généraux.

Mme Delphine Ernotte Cunci, présidente-directrice générale de France Télévisions. Concernant la holding, je suis en faveur d’un regroupement des entreprises de l’audiovisuel public.

S’agissant du climat social, l’absence de regroupement n’est pas forcément une bonne nouvelle.

Avec Sibyle Veil, nous partageons votre souhait que nous avancions davantage et plus rapidement sur France 3 et France Bleu.

Comment agir concrètement sans disposer d’une organisation nous permettant de réfléchir en commun aux priorités de l’audiovisuel public ? Cette question préoccupe beaucoup les salariés qui redoutent que, sans holding, une filiale commune soit créée, ce qui ne constituerait pas forcément une très bonne nouvelle pour eux.

Des questions se posent donc d’ores et déjà sur l’organisation de nos équipes et la possibilité d’avoir un cadre social identique pour tous, lisible, clair et suffisamment simple. Même si certains syndicats s’opposent fermement à ce regroupement, clarifier la situation sociale des salariés participant aux coopérations de l’audiovisuel public pourrait aussi constituer un avantage.

Néanmoins, indépendamment de ce point, un regroupement représente aussi une opportunité d’améliorer grandement le service que nous devons à nos utilisateurs, mission pour laquelle nous nous battons tous les jours. Si nous sommes bien sûr sensibles à la question économique car elle nous est imposée et que nous estimons que nous devons être exemplaires et garants de la bonne utilisation de cette ressource publique, ce qui nous motive au quotidien est d’améliorer le service que nous devons à nos utilisateurs.

La holding n’est pas le seul moyen. Au sein de France Télévisions, je plaide également depuis des années pour la création d’une plateforme unique. Nous avançons finalement dans cette direction, d’une certaine manière, avec France.tv. Nous accueillerons très prochainement l’offre d’Arte, de l’INA et des chaînes parlementaires.

Nous sommes également en discussion avec les équipes de Radio France, non pas pour « écraser » Radio France mais pour favoriser l’écoute de podcasts sur un écran de télévision, usage qui prend de l’ampleur car ce dernier permet un accès généraliste à divers contenus écrits, audio et vidéo. Nos homologues européens disposent d’univers mieux interconnectés. Il ne s’agit pas de remplacer mais de faire croître. De la même manière, Sibyle Veil pourrait dire que l’accessibilité à nos programmes vidéo pourrait être développée dans un environnement plutôt audio comme la voiture. Il me semble donc pertinent de réfléchir en fonction des cas d’usage de nos téléspectateurs et auditeurs plutôt que de réfléchir en fonction de nos structures actuelles.

Nous avons démontré avec France Info, France 3 et France Bleu que l’union fait la force, même si ce n’est pas simple et que cela suscite des inquiétudes.

Concernant le déploiement de la marque Ici, ce que nous mettons en place avec Sibyle Veil fait partie des jalons qui devaient être associés aux crédits de transformation selon le COM – qui n’a, certes, pas été validé par l’Assemblée nationale. Nous répondons donc à une demande, que nous essayons d’exprimer au mieux. Je crois même que ce projet a été initié par une note d’un Premier ministre de la France. Nous agissons donc sur une commande de la puissance publique. Toutefois, nous y croyons car nous sentons qu’il existe un vrai besoin d’une information plus locale. J’ai ainsi décidé de relocaliser complètement les deux éditions d’information de midi et du soir, appelées depuis 2023 « Ici 12/13 » et « Ici 19/20 » car il existe une véritable attente d’une vision, non seulement locale, mais adaptée à ce que vivent les gens là où ils sont, sans séparer l’information locale et nationale.

Il me semble qu’une gouvernance commune nous permettrait d’essayer de gommer des différences entre nos structures. La peur que la télévision « mange » la radio existe depuis son invention. Ce type de crainte a pu exister au sein de France Télévisions entre les salariés de France 2 et de France 3 lorsqu’une holding puis une fusion ont été décidées en 2010 entre ces deux entités. Mes prédécesseurs m’ont même raconté qu’une grève avait eu lieu lors de l’ouverture d’une salle de sport commune pour les salariés de ces deux chaînes. Heureusement, ces divergences sont aujourd’hui révolues. Du temps est nécessaire pour apprendre à se connaître, à travailler ensemble et à respecter les identités des uns et des autres.

Si mes prédécesseurs, et vos prédécesseurs d’une certaine façon, n’avaient pas initié cette fusion des sociétés de télévision françaises, France Télévisions ne pourrait pas revendiquer sa place de premier média audiovisuel en France. Nous n’aurions pas été capables de mener à bien toutes ces transformations ni d’investir dans un numérique commun, avec France.tv et France Info. Cette mise en commun des moyens des sociétés de l’époque – qui ne s’est pas faite sans mal – a permis la force actuelle de l’audiovisuel public.

La multitude de voix qui compose ses antennes fait la force Radio France, premier groupe radiophonique en France. Nos deux entreprises sont très fortes. Bien qu’il ne soit pas simple de les faire travailler ensemble, la holding semble être un moyen assez soft pour y parvenir.

Mme Sibyle Veil, présidente-directrice générale de Radio France. Plus le service public est un enjeu politique, plus cela nuit à l’accomplissement serein de ses missions. Par nature, le service public doit être un acteur indépendant, neutre et pluraliste. Ce dernier point est évidemment une bataille au quotidien car, lorsque vous êtes pluralistes, vous déplaisez forcément un peu à tout le monde. La multiplicité des critiques montre bien la difficulté d’être un acteur qui assure une vraie liberté d’expression et un véritable pluralisme, ce qui constitue une exigence quotidienne sur nos antennes. Je voudrais vraiment m’élever contre le « service public bashing » très fréquent, notamment sur certaines chaînes concurrentes qui en usent comme d’une stratégie de communication. La diversité du nombre d’intervenants et des angles avec lesquels nous traitons tous les sujets n’a pas d’équivalent à ce jour.

Des études visant à comparer la diversité des intervenants sur différentes périodes de l’année, telle que la tranche de neuf heures à dix heures de fin août à début octobre, ont montré que nous avons reçu 55 débatteurs différents, soit quatre fois plus que sur une radio généraliste équivalente durant la même période. Ces résultats reflètent une diversité considérable d’intervenants, qui fait aussi la richesse de ce qu’apporte l’audiovisuel public et n’est permise que par l’indépendance qui doit être l’une des conditions de notre fonctionnement.

Je remercie donc tous les parlementaires qui ont porté le sujet de l’indépendance du financement, moyen de préserver le droit de regard du Parlement sur ce point. Je n’ai aucun doute sur le fait qu’une loi de programmation pour l’audiovisuel renforcerait cette indépendance, en donnant de la prévisibilité tout en en évitant que le service public constitue une variable d’ajustement et qu’il existe une politisation de son budget.

De nombreux pays européens, parmi lesquels l’Allemagne, garantissent d’ailleurs par tous les moyens l’indépendance de l’audiovisuel public. Pour beaucoup de nos confrères européens, la visibilité pluriannuelle est très longue, s’étendant sur une dizaine d’années, comme pour la BBC ou l’audiovisuel public allemand. Cette stabilité est entourée de garanties importantes alors que nous pilotons notre budget, que nous sommes en train de découvrir et pour lequel des décisions financières sont encore en cours, « à vue ». L’une des conditions de l’indépendance réside donc dans le mode de financement.

Cependant, s’il existe un consensus sur la nécessité d’un financement indépendant, ce n’est pas le cas pour la gouvernance. Au printemps dernier, une pétition a été signée par plus d’un quart des salariés de Radio France car il existe une incompréhension sur l’objectif poursuivi. Si l’objectif est de réaliser des économies, ce serait en totale contradiction avec le fait que la création d’une structure coûte de l’argent. Il faut être cohérent, éviter des mesures qui augmenteraient les coûts et, a minima, réaliser une étude d’impact pour estimer le coût d’une telle structure, qui constitue un élément important de transparence et d’information de la représentation nationale.

Si la création d’une telle structure doit permettre de réaliser des économies, nous devons savoir où. Dans la plupart des exemples en Europe, une telle structure s’est rarement constituée au bénéfice du média public de l’écoute. Il est donc nécessaire de réaliser une étude d’impact sérieuse pour mesurer les conséquences d’une évolution de la gouvernance. Cette réforme n’est pas neutre et aura des implications systémiques pour nos différentes maisons. Il faut donc prendre le temps d’analyser ces impacts et de s’interroger, en toute transparence, sur le montant des coûts et sur le budget sur lequel cette dépense sera prélevée, surtout dans un contexte où des économies nous sont demandées.

Ces éléments ne nous empêchent pas de faire avancer des projets de coopération très ambitieux, parmi lesquels les actions menées conjointement par France Bleu et France 3. Depuis hier matin, nous avons engagé la bascule vers la marque unique et commune Ici. Progressivement, l’ensemble du réseau France Bleu adoptera cette marque aux côtés de France 3. Nous tenons à ces évolutions, qui témoignent de l’engagement du service public en faveur des médias de proximité, replacée au centre de gravité de l’audiovisuel public car nous sentons combien elle représente un besoin. Lors des dernières séquences électorales, nous avons vu qu’une partie des Français souhaite être plus évoquée et entendue. Dans la mesure où le paysage audiovisuel français est fortement parisien, l’investissement sur ces médias de proximité est nécessaire.

Cet enjeu considérable nécessite d’embarquer les équipes. Je crois beaucoup aux coopérations entre nos maisons car il s’agit de la meilleure manière de donner du sens à ce que nos grandes maisons peuvent accomplir ensemble pour le public, les auditeurs, les téléspectateurs et les internautes. C’est ce qui nous motive dans cette grande coopération que nous menons avec France Télévisions.

S’agissant des formats pour les jeunes, nous avons le projet de créer un laboratoire des idées car la créativité est le « nerf de la guerre » dans nos métiers et a toujours permis à Radio France de réussir ces dernières années. Nous sommes fortement mis au défi par l’arrivée de nouveaux acteurs, tels que les réseaux sociaux et les nouvelles plateformes, ce qui nous impose d’être extrêmement créatifs. Cependant, avec la trajectoire financière, il deviendra difficile de développer ce laboratoire, même si nous resterons ambitieux. Les jeunes sont aussi l’avenir de nos médias et de notre pays. Il est donc primordial de s’assurer qu’ils ne restent pas uniquement sur les réseaux sociaux, dans un univers numérique dominé et maîtrisé par de grands acteurs internationaux, particulièrement anglo-saxons. Aller chercher ce public doit être une priorité pour les prochaines années, dont nous nous saisirons dans le cadre des moyens dont nous disposerons.

Par ailleurs, j’ai vu ces derniers jours des amendements visant à réduire la publicité. Je souhaite rappeler que la publicité est plafonnée et que je n’ai jamais demandé, à titre personnel, une extension du volume de publicité sur nos antennes. Le statu quo est important sur cette question. En revanche, diminuer la publicité serait en contradiction complète avec les économies qui nous sont demandées. Moins nous percevrons de ressources publiques, plus il sera nécessaire de préserver les recettes publicitaires existantes. Il s’agit d’un enjeu de cohérence au regard de la trajectoire financière qui s’annonce.

Enfin, si nous devons effectuer des économies, certains enjeux doivent être pris en considération. Le soutien du législateur serait vraiment important sur la bascule vers le DAB+ (Digital Audio Broadcasting), nouveau mode de diffusion plus économique que la FM, qui offre une réelle modernité et un confort d’écoute significatif. L’Arcom a fait un travail considérable pour trouver un chemin de bascule vers le DAB+, pour lequel nous avons besoin de l’appui du législateur et qui aura un effet important sur nos comptes dans la durée en limitant les doubles coûts de diffusion.

Mme Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale de France Médias Monde. Concernant le climat social, nous sommes une entreprise de main-d’œuvre, comptant beaucoup de journalistes en France et dans le monde entier, notamment dans des zones extrêmement exposées, qui doivent être soutenus. Les correspondants français qui s’expatrient rencontrent des difficultés car leur système de couverture sociale est assez fragile. De ce fait, certains rentrent en France, ce qui affaiblit notre maillage de journalistes à l’étranger. Ce sujet concerne le Parlement, puisque la couverture sociale relève du domaine législatif. Nous pouvons essayer d’aider les journalistes sur ce point mais nous n’y suffisons pas.

Par ailleurs, je comprends que, compte tenu des annonces budgétaires, le climat social puisse être tendu, avec des COM élaborés de manière participative dont les moyens sont dorénavant caducs. Nous instaurons un dialogue intense et permanent, ce qui n’empêche pas une inquiétude fondée. Nous, les dirigeants, sommes inquiets également. Si cette trajectoire franchement rude en 2025 se poursuivait, il faudrait en effet être inquiet pour le service public. J’espère que le soutien du Parlement aidera à éviter le pire et l’irrémédiable, dans l’intérêt fondamental de la nation sur les questions internationales.

J’ai mené, du début à la fin, une fusion entre chaînes de radio et de télévision décidée en 2012 au moment de ma nomination à la présidence de l’audiovisuel extérieur de la France. Lors de l’examen de la proposition de loi sur la gouvernance de l’audiovisuel public, en mai dernier, il avait été arbitré que FMM ne participe pas à la nouvelle structure car elle n’a pas le même public que les autres entités. Notons que 60 % de nos audiences ne concernent pas le territoire national en français mais le monde en vingt langues. Au sein de RFI et France 24, nous développons l’international, le plurilinguisme et la présence dans des pays pas toujours simples où nous devons convaincre pour maintenir notre présence. Nos activités sont donc assez différentes et nous ne représentons que 7 % du budget. Dans ce type de moment, les difficultés sont d’autant plus fortes que nos entreprises sont de petite taille. Il nous semble prioritaire de nous mobiliser pour faire face aux attaques assez violentes que subit notre pays dans un certain nombre de zones. Je n’ai pas eu l’occasion d’échanger à nouveau avec la ministre de la culture ou le ministre des affaires étrangères au sujet d’une éventuelle réforme, afin de savoir quelle est la position actuelle. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il est possible que la position n’ait pas changé.

Je sais qu’il existe des désaccords entre députés sur le choix des financements affectés et que la création d’une nouvelle redevance reste envisagée. Bien sûr, d’autres grandes démocraties ont toujours un système de redevance. Je voudrais néanmoins appeler votre attention sur la course contre la montre dans laquelle nous sommes. Le mieux est parfois l’ennemi du bien. Il est très important que la PPLO soit adoptée avant le PLF. Si elle est adoptée dans des termes proches du Sénat, nous aurons une chance de gagner la course contre la montre. En revanche, si de nombreuses modifications sont effectuées, les chances seront moindres. Les contacts que j’ai avec un certain nombre d’entre vous témoignent de votre conscience de l’importance de refuser une budgétisation pour l’intérêt général. J’entends l’idée d’une redevance plus équitable, basée sur la taxation des citoyens, mais l’intérêt général du service public est l’adoption de la PPLO.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Merci. Je cède maintenant la parole aux députés pour leurs questions.

Mme Bénédicte Auzanot (RN). Madame la présidente Ernotte Cunci, dans votre projet, vous mettez l’accent sur la lutte contre la désinformation. Vous désignez des ingérences étrangères comme source principale de celle-ci.

Pouvez-vous affirmer que France Télévisions n’a jamais produit de fausses informations et, dans la pure hypothèse où cela a pu être le cas, quelles mesures de remédiation ont été prises ? J’aimerais également savoir quel service vérifiera le travail du service « Vrai ou Faux » que vous comptez créer.

Enfin, vous insistez sur votre volonté de respecter le pluralisme. Comment vous croire quand, auditionnée à l’Assemblée le 5 juillet 2023, vous affirmiez : « Je tiens à dire qu’on ne représente pas la France telle qu’elle est. On essaie de représenter la France telle qu’on voudrait qu’elle soit. » Madame la présidente, comment lutter contre la désinformation et respecter le pluralisme lorsqu’on refuse de montrer le réel et qu’on lui préfère le fantasme de son idéologie ?

M. Ali Diouara (LFI-NFP). La mission de service public que vous portez est claire : garantir une information libre, juste et impartiale.

Pourtant, avec le retour sur le devant de la scène médiatique du conflit israélo-palestinien, il apparaît de plus en plus que France Télévisions et Radio France s’exonèrent de cette responsabilité. Je citerais le travail de notre collègue Aymeric Caron, rapporteur d’un avis sur l’audiovisuel public, qui fournit des chiffres assez accablants. En une semaine de journal télévisé, 29 secondes ont été consacrées à la ville de Gaza en janvier et la couverture est, la plupart du temps, biaisée en faveur d’Israël. Le 14 octobre dernier, des bombardements israéliens ont tué 19 Palestiniens, dont des civils brûlés vifs. Dans le même temps, une frappe du Hezbollah a tué quatre soldats israéliens. Or, France 2 a passé près de deux minutes à évoquer ces soldats israéliens mais a choisi de consacrer onze secondes aux victimes palestiniennes, invisibilisant par la même occasion ces civils en les réduisant à des morts dans un centre de commandement.

Comment justifiez-vous une couverture si partielle et partiale? Quel engagement concret pouvez-vous prendre aujourd’hui pour garantir un traitement plus équilibré et humanisé de l’actualité en Palestine, à Gaza comme ailleurs dans le monde?

M. Pierrick Courbon (SOC). Je voudrais revenir sur la grève de l’intersyndicale des 24 antennes régionales de France Télévisions en raison de la large opposition à la nouvelle marque commune Ici. Le nom est effectif sur France 3 depuis cette semaine et le sera sur France Bleu en janvier 2025. La création de ce nouveau média global dans la proximité, avec cette nouvelle marque qui efface les autres, a été annoncée en 2023. Ce rapprochement correspond bien évidemment à une logique de mutualisation des moyens mais il inquiète les salariés qui redoutent que cela soit le préalable à une fusion.

Effectivement, si la proximité fait consensus, cette fusion qui se dessine fait l’unanimité contre elle et laisse planer des doutes quant à l’avenir de l’audiovisuel public en région. Dans ma circonscription, nous sommes attachés à France Bleu Saint-Étienne Loire, tout comme nous sommes attachés à l’antenne locale de France 3.

Pouvez-vous nous apporter des garanties quant au maintien et à la pérennité des deux entités sous la nouvelle marque Ici ?

Mme Pascale Bay (DR). Le jeune public est vulnérable à la désinformation et aux contenus de mauvais aloi. La nouvelle génération se développant avec le numérique, il est donc essentiel de leur proposer des contenus audiovisuels fiables et qualitatifs. Le succès des médias numériques d’information témoigne de l’intérêt des jeunes pour l’actualité. La jeunesse constitue l’un des thèmes du COM de France Télévision.

Toutefois, malgré la hausse annoncée des dépenses, le régulateur de l’audiovisuel constate un manque d’ambition. L’Arcom recommande la création de contenu numérique d’information à destination du jeune public pour reconquérir cette tranche d’âge éloignée des médias traditionnels, une plus grande présence sur la plateforme Twitch et un plus grand investissement dans les chaînes numériques Okoo et France TV Slash.

Cette ambition demande une volonté forte de la direction. Allez-vous œuvrer pour offrir aux enfants, aux adolescents et aux familles le bénéfice d’un audiovisuel public adapté à leurs besoins ?

Mme Caroline Parmentier (RN). Mesdames les présidentes-directrices générales, c’est un peu mes condoléances que je vous présente ce matin, compte tenu des résultats de la nuit. J’espère que vous n’allez pas décréter trois jours de deuil du service public – on peut sourire un peu.

La proposition de loi sur la réforme de l’audiovisuel public va revenir à l’Assemblée nationale. La ministre de la culture Rachida Dati soutient activement cette réforme prioritaire pour elle, avec la fusion des sociétés de l’audiovisuel public en une entité unique et une réflexion nécessaire sur leur financement, qui s’élève à 4 milliards d’euros par an dans le contexte du catastrophique déficit actuel.

Je vous ai souvent interrogées ici sur votre manque de pluralisme et de neutralité. Rappelons tous les récents numéros de Complément d’enquête.

Quel est votre point de vue, peut-être un peu plus personnel, sur cette réforme ? Vous donnez l’impression d’y croire.

Mme Delphine Lingemann (Dem). Selon les conclusions d’une étude de l’Arcom publiée en janvier 2023, le nombre de retransmissions consacrées au sport féminin est très inférieur à celui du sport masculin malgré une progression. Dans cette étude basée sur les années 2018 à 2023, le football féminin est le sport féminin le plus diffusé, devant le rugby, le tennis puis le cyclisme. Certes, 97 % du volume horaire total de retransmission sportive est diffusé par des chaînes payantes. Toutefois, le sport féminin est plus présent sur les chaînes gratuites généralistes.

Des avancées sont observées. Ce samedi, la chaîne Canal+ a diffusé le match de rugby féminin opposant l’ASM Romagnat et l’Union Bordeaux Bègles. De plus, plusieurs retransmissions de rencontres de l’Élite 1 féminine sont programmées. La rencontre a également été reprise dans le journal de France 3 Auvergne à travers l’opération « Sport Féminin Toujours ».

L’Arcom souhaite « inciter les médias à diffuser davantage de retransmissions sportives sur les antennes, mais aussi aborder les problématiques liées à la pratique du sport féminin ». Membre de la délégation aux droits des femmes, députée d’un territoire où se trouvent plusieurs clubs professionnels de sport féminin, je souhaiterais vous interroger sur les actions que compte mettre en œuvre l’audiovisuel public pour accompagner la féminisation du sport.

M. José Beaurain (RN). Madame la présidente Ernotte Cunci, vous affirmiez en 2015 au micro d’Europe 1 : « Nous avons une télévision d’hommes blancs de plus de 50 ans et il faut que ça change. » Je suis moi-même un homme blanc de plus de cinquante ans et je dois dire que cette déclaration m’interpelle et m’inquiète. Elle suggérait alors que France Télévisions pouvait envisager son recrutement et ses orientations, non pas sur la base des compétences, de l’expertise ou du mérite, mais plutôt en fonction de l’âge, de la couleur de peau et de l’origine de chacun.

Près de dix ans plus tard, j’aimerais savoir si vous faites toujours ce constat et si cette vision prévaut encore dans vos décisions de recrutement. Pouvez-vous aujourd’hui rassurer ceux qui s’inquiètent de cette approche ? Quelle garantie pouvez-vous donner que France Télévisions valorise chaque collaborateur sur des critères professionnels et sur leur mérite, en dehors de tout critère d’âge, de sexe ou d’origine ?

Mme Graziella Melchior (EPR). Les COM déterminent notamment vos axes de développement, le coût prévisionnel de vos activités et vos perspectives économiques.

Aussi, je tiens à saluer la pertinence de vos axes prioritaires : le renforcement de la proximité de l’information, le maintien d’une offre de référence, la transformation numérique et le développement de l’offre pour les jeunes.

Je souhaite également profiter de cette audition pour rendre hommage à tous les journalistes et employés de vos structures qui œuvrent dans nos régions à offrir une information de qualité et au plus près des attentes locales.

Toutefois, pour des raisons que vous avez évoquées, ces contrats ont été tardivement traités en lien avec le Parlement. Aussi, puisque nous avons à cœur de préserver nos pouvoirs, sur les moyens notamment, pourriez-vous nous dire comment nous pouvons travailler à des consultations plus largement menées en amont en particulier ?

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Je voudrais réagir aux propos de notre collègue député, qui s’est ému de la disparition des voix d’hommes blancs sur les antennes. Je ne sais pas si, cher collègue, vous avez aussi prévu de vous rendre en commission des lois pour remettre en cause les lois sur la parité en politique. Ces lois ont permis à un grand nombre de femmes d’être présentes ici, y compris dans vos rangs.

Mesdames et monsieur les présidents-directeurs généraux, travaillez-vous sur cet objectif de parité, mais aussi de diversité des voix ? Avez-vous prévu des objectifs un peu plus ambitieux ?

Je regrette parfois, lors des débats d’experts se tenant sur certaines de vos chaînes, la surreprésentation de voix d’hommes, experts et un peu unanimes. Nous devrions davantage entendre le savoir tiré de l’expérience des personnes présentes sur le terrain.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Merci. Je cède la parole aux présidents-directeurs généraux pour leurs réponses à ces questions.

Mme Delphine Ernotte Cunci, présidente-directrice générale de France Télévisions. France Télévisions, comme tous les médias français, notamment de service public, est comptable du pluralisme auprès du public et de la puissance publique.

Il existe différents mécanismes lorsque l’on estime que ce pluralisme n’est pas respecté ou qu’une fausse information a été diffusée sur nos antennes, parmi lesquels la possibilité de porter plainte. De nombreuses personnes, se sentant injustement citées dans un article ou dans un magazine d’investigation tel que Complément d’enquête, saisissent un juge. Cette plainte est ensuite instruite et jugée. Une deuxième option est de saisir l’Arcom, qui peut, en tant qu’autorité indépendante, mener des investigations et arbitrer une éventuelle sanction pour le média concerné. Enfin, depuis la loi n° 2016-1524 du 14 novembre 2016 visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias, un comité d’éthique, présent au sein de chacune de nos entreprises, peut être saisi par un particulier ou un organisme estimant qu’un traitement n’a pas été juste sur un système d’information.

S’agissant du climat social, rappelons que notre dernier plan stratégique s’est arrêté en 2022 et que, depuis 2023, nous nous dirigions vers un projet de coopération, puis vers un projet de loi relatif à une holding et à une fusion, remis en cause par la dissolution de l’Assemblée nationale du 9 juin 2024. Nous devons dorénavant travailler avec un COM inchangé mais amputé dans ses financements. Ce contexte n’est pas idéal pour garantir un climat social serein.

Le comité social et économique central de France Télévisions a d’ailleurs déclenché son droit d’alerte économique, ce qui est son droit lorsqu’il estime que l’entreprise est en insécurité économique. Je ne vous cache pas que, lorsque ses membres m’interrogeront, je serai bien en peine de répondre à certaines questions que se posent légitimement les représentants des salariés.

Le sujet du financement de l’audiovisuel public fait l’objet d’un débat mais la façon de procéder est importante.

La marque Ici s’impose depuis plusieurs années, puisqu’elle avait déjà été utilisée lors de la refonte des magazines d’information « Ici 12/13 » et « Ici 19/20 » en septembre 2023. Hier, un problème technique a perturbé l’affichage sur France 3 mais le logo Ici doit normalement apparaître à l’écran lors des plages régionales, dont la diffusion représente plus de six heures par jour, tandis que le logo de la chaîne doit être visible le reste du temps.

Nous évoluons peu à peu d’un univers de marque où nous étions sensibles aux chiffres sur la télécommande à un autre où nous nous repérons dans un environnement numérique. La marque Ici est une incarnation de ce mouvement en cours depuis des années.

Nos deux entreprises ont besoin d’incarner cette forme de promesse d’information locale. Cependant, cette évolution n’est pas simple, entraîne des grèves et est source d’inquiétudes qui doivent être prises au sérieux.

Avec Sibyle Veil, nous ne savons pas encore comment nous répondrons aux obligations du COM car nous sommes toujours suspendues à cette question du mode d’organisation, qui nous dépasse.

Par ailleurs, concernant la chaîne numérique Okoo, vous avez parfaitement raison de dire que nous devons investir davantage dans des contenus s’adressant aux enfants et aux jeunes publics, ce qui fait partie des engagements pris dans le COM et de nos missions. Nous avons prévu de rediriger une partie des coûts des programmes actuellement diffusés sur les antennes traditionnelles pour nourrir les programmes dédiés à la jeunesse et Slash.tv mais cela reste insuffisant. Si nous devions encore réduire les coûts de programme, nous n’y parviendrons pas. Ce point fait partie des contradictions que nous pouvons noter entre les objectifs et les moyens.

Les questions relatives à la mixité sont parfaitement légitimes. Le député qui m’interrogeait sur les hommes de plus de 50 ans peut être rassuré : la parité est constituée de 50 % hommes et de 50 % de femmes. Des hommes sont donc toujours présents sur nos antennes. Nous avons également des objectifs de mixité concernant les expertes présentes sur nos chaînes, calculés en moyenne et non pour chaque émission. L’an dernier, nous comptions parmi les experts 47 % de femmes et 53 % d’hommes. Nous devons rester vigilants sur ce point.

De la même façon que des règles d’égalité entre les hommes et les femmes ont été introduites en politique, les COM contiennent des objectifs de mixité. Je suis personnellement convaincue du bien-fondé d’une représentation égalitaire et cela fait bien partie des objectifs qui me sont fixés.

Nous avons étendu ces objectifs de mixité des visages sur nos antennes à un objectif de femmes derrière la caméra. Nous avons déjà beaucoup progressé quant à la présence de réalisatrices dans nos effectifs, mais poursuivons nos efforts dans ce domaine.

Nos actions en faveur de la représentation de la diversité, déjà très visible sur nos antennes, se concentrent beaucoup sur la représentation de tous les handicaps. France Télévisions marquera le paralympisme par l’intensité de son traitement des Jeux paralympiques de Paris, identique à celui des Jeux olympiques. Ce pari a été un véritable succès et les athlètes paralympiques sont devenus des personnalités publiques très appréciées. Lors du très bel événement du 14 septembre 2024, nous avons constaté la même ferveur pour les athlètes décorés par le Président de la République, qu’ils soient paralympiques ou non, ce qui montre qu’une barrière a été franchie.

Nous continuons de diffuser des sports paralympiques, avec un peu moins de succès. Nous devrons persévérer pour que l’intérêt du public se maintienne. De plus, une économie doit se mettre en place, avec des fédérations qui doivent se constituer et organiser des compétitions. Soyez assurés de la détermination actuelle et future de France Télévisions sur ce sujet.

En outre, nous poursuivrons nos efforts concernant la représentation de toutes les formes de handicaps sur nos antennes. Vous aviez salué la création des Rencontres du Papotin. Le recrutement de Théo Curin, qui a été un visage très important des Jeux olympiques, à un poste n’ayant jamais été occupé par une personne en situation de handicap représente un progrès tout en étant une reconnaissance de son talent.

Enfin, depuis hier, la totalité des programmes de la chaîne Franceinfo est sous-titrée, notamment grâce à l’utilisation de l’intelligence artificielle. Nous ne souhaitons pas encore généraliser ce sous-titrage sur la télévision numérique terrestre et les box car nous voulons être sûrs que la qualité est au rendez-vous. Des associations agissant sur la question du handicap, avec lesquelles nous avons beaucoup travaillé, ont donné leur validation pour le lancement de cette offre de sous-titrage. Nous attendons leur retour et celui des utilisateurs pour savoir si nous irons plus loin. Nous proposons aussi le sous-titrage de l’intégralité des programmes de Franceinfo.

Je crois que les Français ont remarqué la mixité mais je ne suis pas sûre qu’ils considèrent que nous sommes parvenus à une représentation au plus juste de la diversité – qu’elle soit liée à l’origine sociale, à la couleur de peau ou au handicap. Nous réalisons tous les ans un baromètre sur ce sujet. Nous sommes attentifs et continuons d’y travailler.

Mme Sibyle Veil, présidente-directrice générale de Radio France. L’objectif de parité, suivi par l’Arcom, est fixé dans nos COM. L’INA a d’ailleurs développé un outil pour apprécier la part de femmes dans nos différents médias. Cet objectif est donc suffisamment consensuel pour être partagé très largement et figuré dans différents textes.

Lors de mon arrivée à Radio France en 2015, j’entendais encore que confier l’animation d’émissions matinales à des femmes serait anxiogène pour les auditeurs. En assurant la présence de voix de femmes sur toutes les tranches horaires, nous avons connu une augmentation des audiences car nous sommes à l’image de la société. Nous avons d’ailleurs été suivis par les autres médias, dont les différentes tranches sont aussi devenues peu à peu paritaires.

Par ailleurs, j’ai nommé Nathalie Iannetta à la direction des sports, ce qui constitue la première nomination d’une femme à ce poste. Depuis, elle fait une couverture absolument remarquable des événements sportifs qui mettent en valeur le sport féminin, ce qui constitue un enjeu important. Le Tour de France féminin n’est couvert par les médias que depuis trois ans.

La diversité est un sujet plus vaste, qui inclut bien d’autres caractéristiques. Nous sommes évidemment très vigilants sur toutes les autres dimensions. Sur ce sujet également, nous sommes suivis : les rapports de l’Arcom sur l’exécution des COM montrent les progrès réalisés année après année par nos différents médias sur ce sujet, afin de répondre aux objectifs extrêmement précis qui nous sont fixés.

S’agissant du climat social, une vraie inquiétude existe dans nos maisons, liée au fait qu’il est nécessaire de continuer à partager et porter l’objectif du service public audiovisuel français.

Évidemment, les économies sont une source d’inquiétude considérable compte tenu de leur ampleur dès 2025 mais aussi pour 2026 et 2027. Ces sujets sont d’autant plus majeurs pour nous qu’au même moment, nous conduisons des évolutions considérables dans nos entreprises. Le travail commun que nous réalisons entre France Bleu et France 3, deux réseaux répartis partout en France, avec le déploiement de la marque Ici se traduit par des changements significatifs qui s’accompagnent d’une évolution éditoriale pour répondre à l’aspiration des Français. Ces derniers souhaitent en effet une information locale, une approche moins anxiogène, un accompagnement et des solutions à leurs problèmes du quotidien concernant les évolutions écologiques, le pouvoir d’achat ou la santé. Ces sujets considérables constituent le travail quotidien de nos équipes.

Le contexte que nous connaissons a généré beaucoup d’incertitudes sur les moyens financiers. Nous espérons que les ambitions et la stratégie de ce COM ne seront pas remises en cause. De nombreux projets ont déjà été lancés, parmi lesquels la coopération entre France Bleu et France 3. Nous avons engagé les financements de ces projets, qui pèseront donc dans nos comptes. Nous devrons nous demander comment continuer à porter ces projets déjà très largement engagés car ils répondent à de vrais besoins de médias locaux de proximité sur lesquels il existe un consensus.

Un magnifique concert du groupe Terrenoire, originaire de Saint-Étienne, a eu lieu pour les dix ans de France Bleu, en décembre 2023. C’est une chance formidable que des médias locaux portent des artistes locaux, qui deviennent ensuite des artistes nationaux à succès.

Nos actions visent à développer ces médias et à renforcer leur présence, afin que la complémentarité de nos deux réseaux soit bénéfique pour le public, ce qui constitue l’enjeu de ces coopérations. Nous abordons ce défi par les enjeux éditoriaux et la visibilité de ce que nous pouvons accomplir en commun. La marque Ici incarne la proximité du lieu de vie, très loin de la proximité idéologique qui constitue un point de rassemblement sur les médias polarisés. Ces éléments constituent l’ambition de ce projet que l’ensemble de nos équipes portent avec beaucoup d’enthousiasme, bien que les changements soient difficiles et génèrent évidemment des inquiétudes.

Nous sommes présents au quotidien pour essayer de donner du sens et un cap, ce qui nécessite de pouvoir nous projeter sur plusieurs années. En effet, de tels projets sont si majeurs pour les équipes comme pour le public qu’une trajectoire financière pluriannuelle, offrant une réelle stabilité, est indispensable pour permettre leur mise en œuvre. Les réformes et investissements numériques de ces dernières années n’auraient pas été possibles sans cette visibilité pluriannuelle car ils nécessitent de déplacer des métiers, des fonctions et des organisations. Dans la mesure où Radio France produit ses émissions en interne, le succès repose sur le talent et l’engagement de nos équipes. Nous avons donc besoin d’emmener les équipes avec nous et de tracer des directions sur plusieurs années.

Mme Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale de France Médias Monde. La question de la parité et, plus généralement, de la représentativité des équipes par rapport aux auditeurs me semble importante. Notre temps d’antenne se divise entre 50 % de voix d’hommes et 50 % de voix de femmes. Il ne s’agit pas seulement d’une présence physique mais de temps de parole. L’INA développe un outil très intéressant à ce sujet. Chez France Médias Monde, la proportion de présence féminine à l’antenne correspond au temps de parole accordé aux femmes.

Par ailleurs, nous avons la chance de compter 60 nationalités et 21 langues. La diversité est donc également au rendez-vous, avec un lien commun très fort : toutes les personnes présentes parlent le français et ont choisi la France. Toutes leurs origines se réunissent autour d’un choix très fort, souvent bouleversant, pour notre pays.

Je souhaite saluer France Télévisions pour sa couverture des Jeux paralympiques, qui représente une avancée importante pour les personnes handicapées. L’enthousiasme des équipes de RFI et de France 24 était manifeste. Je pense que l’impact de ces Jeux paralympiques sera durable.

Porter ces objectifs de parité et de représentativité constitue le cœur du service public.

Par ailleurs, des ingérences étrangères, que vous observez depuis ici, partent de loin, dans les territoires où France Médias Monde est présent. L’entreprise Wagner a produit des dessins animés mettant en scène des rats et des serpents et représentant la présence française en Afrique ainsi que des jeux vidéo permettant de tuer des soldats français. C’est innommable. Nous avons la chance de vivre dans des territoires où nous nous sentons protégés par nos institutions et notre démocratie. Toutefois, j’appelle l’attention de cette commission qui est, fort légitimement, préoccupée par la proximité, sur le fait que l’international, peut-être loin des yeux, ne doit pas être loin du cœur des Français car ce sont sur ces territoires que se jouent d’abord ces ingérences. La France n’est pas dans une position où elle peut se permettre un désarmement informationnel dans cette guerre qui la vise spécifiquement.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous vous remercions pour le travail que vous réalisez jour après jour dans vos entités respectives.

L’audition s’achève à onze heures dix.

La séance est suspendue de onze heures dix à onze heures quinze.

*

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Mes chers collègues, Nous en venons maintenant à la formulation de l’avis de notre commission sur chaque projet de COM. Mesdames les rapporteures, je vous cède la parole.

Mme Céline Calvez, rapporteure. Nous avons pu livrer précédemment notre avis mais il nous apparaît important de préciser, après cette audition, qu’il ne repose pas uniquement sur l’écoute des présidents-directeurs généraux de l’audiovisuel public mais également sur les auditions d’une quarantaine de représentants d’entités différentes (sociétés de l’audiovisuel public, représentants syndicaux, sociétés de journalistes, Arcom, direction du budget ou encore direction générale des médias et des industries culturelles du ministère de la culture). Il nous est apparu indispensable de fonder notre avis, au-delà de la seule parole des présidences, sur différents points de vue.

Je constate qu’une large majorité de cette commission est favorable et réitère son attachement à un audiovisuel public disposant des moyens nécessaires pour accomplir ses missions.

Nous aurons à cœur de souligner que les objectifs et la stratégie mis en œuvre vont dans la bonne direction. La stratégie porte sur la transition numérique, la reconquête du public et l’information des Français. Des débats ont eu lieu dans cette commission au sujet du pluralisme. Comme le disait Sibyle Veil, le fait que les avis soient divergents sur la question signifie sans doute que le pluralisme est assez représenté. J’ai confiance en l’Arcom, notamment après la décision du Conseil d’État de février dernier, pour assurer au mieux un suivi du pluralisme.

Nous devons accompagner et renforcer ces objectifs, notamment en matière de coopération. Cependant, les moyens ne sont pas au rendez-vous, tant en termes de financements que de modalités de ces derniers, qui devraient être entérinées dans les prochaines semaines.

J’insisterai aussi sur le pilotage et le contrôle de l’action des organismes de l’audiovisuel public. Nous avons, en tant que parlementaires, un rôle à jouer. Il est assez décevant de constater que l’avenant prolongeant d’une année les COM 2020-2022 invitait fortement à un travail collaboratif avec les parlementaires, ce qui n’a pas été le cas pour l’élaboration des COM, finalisés en juin et dont nous n’avons pu nous saisir qu’à partir du 1ᵉʳ octobre. Nous avons travaillé dans des délais assez contraints pour vous formuler 34 recommandations, portant sur la force des COM, des coopérations et sur chacun des contrats sur lesquels nous avons à voter.

Il est donc crucial de stabiliser et pérenniser la hauteur et les modalités du financement afin de donner une visibilité sur la stratégie. Au sein de ce Parlement, nous avons un rôle à jouer, bien plus actif que celui d’observateur du dialogue entre l’État et l’audiovisuel public. C’est pourquoi nous formulons la proposition d’une loi de programmation et d’orientation pluriannuelle, qui serait à même de davantage garantir que le Parlement ait un véritable rôle dans l’élaboration mais aussi le suivi des politiques de l’audiovisuel public.

Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteure. Le service public de l’audiovisuel est reconnu dans notre pays et bénéficie d’un grand soutien. Il est important de rappeler qu’il s’agit des médias en lesquels les Françaises et les Français ont le plus confiance.

Le travail mis en œuvre dans la douleur, puisque des plans sociaux ont eu lieu à répétition, a malgré tout permis de maintenir la qualité – reconnue – des services publics de l’audiovisuel. Nous devons saluer et poursuivre ce travail, d’autant que l’information est en grande difficulté et que la création doit être soutenue.

Les objectifs des COM, que nous soutenons, sont à la hauteur des ambitions que nous devons avoir pour le service public de l’audiovisuel.

Finalement, par cet appel à voter contre les projets de COM, nous vous proposons de replacer le Parlement, et notamment l’Assemblée nationale – mise actuellement à mal au regard de nos collègues du Sénat –, au cœur de ces discussions. Voter en défaveur de ces COM, c’est poser l’exigence des députés de disposer d’un suivi sur le pilotage, la mise en œuvre des objectifs et d’une capacité réelle d’intervention sur les moyens dédiés.

Voter en défaveur de ces COM permettrait aussi de manifester notre accord sur la nécessité d’une loi de programmation permettant de travailler sur ces objectifs et moyens. Une telle loi permettrait que l’État s’engage en faveur des entreprises du service public de l’audiovisuel, soumises à des aléas intenables et qui pourraient ainsi s’appuyer sur une trajectoire stable et pérenne dans un milieu extrêmement concurrentiel. Une loi de programmation permettrait de se projeter tout en respectant l’annualité budgétaire et la liberté parlementaire, ce qui répond aussi aux exigences du règlement européen sur la liberté des médias qui impose un financement stable, pérenne et prévisible pour l’audiovisuel public dans tous les pays d’Europe.

Nous vous proposons de porter collectivement cette loi de programmation afin qu’elle puisse être débattue dans notre hémicycle.

Enfin, la reprise en main de ce sujet par le Parlement, et singulièrement par l’Assemblée nationale, doit aussi concerner le financement et les modalités de ce dernier. Une commission spéciale, dont j’ai été élue présidente, aura pour objectif d’examiner la PPLO, qui sera discutée en séance le 19 novembre et qui permettra, si elle est adoptée, de pérenniser le financement actuel dans le respect des règles organiques.

Ces éléments ne signifient pas que notre travail devra s’arrêter là. Nous proposons une loi de programmation car nous devons non seulement stabiliser le financement mais également le porter à la hauteur des ambitions partagées pour le service public culturel et de l’information. Notre service public de l’audiovisuel est en effet un point de référence pour l’information de qualité, indispensable à la démocratie, tout en étant un appui majeur à l’exception culturelle, en participant activement au financement et à la valorisation de la diversité culturelle dont notre pays peut s’enorgueillir.

Suivant l’avis des rapporteures, la commission émet successivement un avis défavorable sur les projets de contrats d’objectifs et de moyens de France Télévisions, France Médias Monde, Radio France et de l’Institut national de l’audiovisuel.

La séance est levée à onze heures trente.


Informations relatives à la commission

 

La commission a désigné :

M. Julien Odoul et Mme Caroline Yadan, rapporteurs de la mission flash sur les dérives communautaristes et islamistes dans le sport

M. Bertrand Sorre et Mme Nicole Sanquer, rapporteurs de la mission flash sur le fonds de développement de la vie associative (FDVA)

Mme Frédérique Meunier et M. Christophe Proença, rapporteurs de la mission flash sur le sport scolaire et la prévention de l’obésité infantile en milieu scolaire

M. Paul Vannier, rapporteur sur la proposition de loi visant à la refondation du modèle de financement public des établissements privés sous contrat afin de garantir la mixité sociale en leur sein (n° 418)

 

 

 


Présences en réunion

Présents.  M. Raphaël Arnault, Mme Bénédicte Auzanot, M. Erwan Balanant, M. Philippe Ballard, Mme Géraldine Bannier, Mme Pascale Bay, M. José Beaurain, Mme Béatrice Bellamy, M. Arnaud Bonnet, M. Idir Boumertit, Mme Soumya Bourouaha, M. Joël Bruneau, M. Fabrice Brun, Mme Céline Calvez, M. Salvatore Castiglione, M. Roger Chudeau, M. Alexis Corbière, M. Pierrick Courbon, M. Laurent Croizier, M. Aly Diouara, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Ayda Hadizadeh, Mme Florence Herouin-Léautey, Mme Céline Hervieu, M. Sacha Houlié, Mme Tiffany Joncour, Mme Florence Joubert, Mme Fatiha Keloua Hachi, M. Jean Laussucq, M. Bartolomé Lenoir, M. Eric Liégeon, Mme Delphine Lingemann, Mme Graziella Melchior, Mme Marie Mesmeur, Mme Frédérique Meunier, M. Maxime Michelet, Mme Caroline Parmentier, M. Jérémie Patrier-Leitus, M. Thierry Perez, Mme Lisette Pollet, M. Christophe Proença, Mme Isabelle Rauch, M. Jean-Claude Raux, Mme Sophie-Laurence Roy, Mme Nicole Sanquer, M. Arnaud Sanvert, Mme Anne Sicard, Mme Violette Spillebout, Mme Sophie Taillé-Polian, Mme Prisca Thevenot, M. Paul Vannier

Excusés.  M. Gabriel Attal, M. Xavier Breton, M. Aymeric Caron, Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho, Mme Julie Delpech, M. Frantz Gumbs, M. Christophe Marion, Mme Sophie Pantel, Mme Véronique Riotton, Mme Eva Sas, M. Bertrand Sorre, M. Emmanuel Tjibaou, Mme Caroline Yadan