Compte rendu

Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation

 Audition de Mme Élisabeth Borne, ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, sur l’enseignement scolaire              2

– Présences en réunion..............................31

 

 

 

 

 


Mercredi
12 février 2025

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 25

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi, Présidente

 


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La séance est ouverte à seize heures trente.

(Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi, présidente)

 

La commission auditionne Mme Élisabeth Borne, ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, sur l’enseignement scolaire.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous recevons aujourd’hui Mme Élisabeth Borne, ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Depuis que vous avez pris vos fonctions, il y a deux mois, la loi de finances a été adoptée et la suppression envisagée de 4 000 postes d’enseignant a pu être évitée – mais d’autres questions et inquiétudes perdurent.

Premier sujet : l’inclusion des élèves en situation de handicap. Vous avez annoncé cette semaine que les pôles d’appui à la scolarité (PAS), qui ne sont déployés que dans quatre départements et à titre expérimental, seront au nombre de 500 en 2025. Un bilan de la phase initiale devait être établi par un comité de suivi piloté par la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO). Est-ce le cas ? Pouvons-nous en avoir connaissance ? Il serait utile, par exemple, de savoir si le nombre moyen d’heures d’accompagnement par élève concerné est resté stable dans les départements où il n’est plus déterminé par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). On peut en effet craindre qu’il soit artificiellement réduit pour l’adapter au volume de ressources disponibles face à l’augmentation du nombre d’élèves bénéficiant d’une notification des MDPH. Enfin, la non-suppression des 4 000 postes devait vous permettre, disiez-vous, d’accélérer le déploiement des PAS. Combien de postes d’enseignant seront fléchés vers ces pôles ?

Les auditions menées dans le cadre de nos travaux de contrôle de l’application de la loi « Victory » de 2022 nous ont appris que les 2 000 postes supplémentaires d’accompagnant d’élèves en situation de handicap (AESH) prévus dans la loi de finances pour 2025 seraient redirigés vers les pauses méridiennes, désormais à la charge de l’État. Pouvez-vous le confirmer ? S’ils ne le sont pas tous, quelle part ira à l’accompagnement en classe et quelle part à l’accompagnement pendant la pause méridienne ?

La réussite des élèves du premier degré est favorisée par la proximité de leur école et par un taux d’encadrement élevé. Chacun ici connaît les difficultés que créent chaque année les fermetures d’écoles ou de classes, toujours plus nombreuses, en zone rurale comme en zone urbaine. Quelles instructions donnerez-vous à la rentrée 2025 sur les critères de fermeture d’écoles et de classes ?

Vous vous êtes engagée – et je m’en réjouis – à ce que le programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (Evars) soit déployé à la rentrée 2025. Il faudra pour ce faire que ces séances soient prévues dès le début de l’année dans les emplois du temps des élèves et des professeurs, lesquels devront être correctement formés et rémunérés. Quels professeurs enseigneront l’Evars et comment ce volume supplémentaire d’enseignement sera-t-il financé ? Est-il prévu d’avoir recours à des associations partenaires de l’État pour tout ou partie des séances ou seront-elles de la responsabilité des seuls enseignants ? Selon quelles modalités et quel planning les professeurs concernés seront-ils formés ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Nous partageons tous ici, j’en suis certaine, une approche commune des politiques publiques selon laquelle l’action se fonde sur la réalité du terrain. Je revendique cette méthode – comme je l’ai dit hier au Sénat et comme je l’ai dit au haut encadrement de l’éducation nationale – que je veux mettre au service de l’ensemble de nos élèves et de toute la communauté éducative ; c’est dans cet esprit que je souhaite travailler avec vous.

On entend souvent dire que l’enseignement scolaire, l’enseignement supérieur et la recherche relèvent trop peu du Parlement ; je pense le contraire. Au-delà du cycle budgétaire, il exerce dans ce domaine comme dans tous les autres une mission essentielle d’évaluation qui nous aide à mieux piloter les politiques publiques. J’en profite pour vous remercier pour votre engagement constant, pour votre vigilance et pour la richesse de vos propositions. Par vos courriers, vos questions écrites ou orales et les informations du terrain que vous nous transmettez, vous contribuez à nourrir l’action du gouvernement et la réflexion collective.

Au niveau national, nous avons engagé des évaluations sur des sujets fondamentaux pour la réussite de nos élèves, comme ceux des groupes de besoins ou de l’inclusion scolaire. Je serai naturellement à votre écoute pour accompagner vos initiatives. Une évaluation est en cours sur les pôles d’appui à la scolarité. Nous en sommes au stade des premiers échanges préliminaires et nous vous ferons parvenir ses résultats.

Au niveau local, je pense naturellement à la carte scolaire. Chaque décision que nous prenons dans ce domaine doit être adaptée aux réalités de chaque territoire sur la base d’un diagnostic partagé dans lequel les parlementaires doivent avoir toute leur place. C’est aussi le rôle de l’Observatoire des dynamiques rurales, qui nous permet d’anticiper les évolutions démographiques et les besoins éducatifs plutôt que de les subir.

Je suis convaincue que nous avons tout à gagner à renforcer le partenariat entre l’État et les collectivités territoriales dans nos politiques publiques sur le bâti et les transports scolaires – cela va de soi – mais également sur les cartes de formation ou, sujet qui fait actuellement l’objet d’une concertation, sur l’orientation.

Notre école traverse une période décisive. Les Français expriment leurs attentes et parfois leurs inquiétudes. Ils souhaitent que l’école remplisse son rôle fondamental de former des citoyens, de réduire les inégalités sociales et de préparer les générations futures à un monde en constante évolution.

Dans ce contexte, mon ambition est à la fois simple et exigeante : élever le niveau des élèves et garantir une réelle égalité des chances.

L’élévation du niveau de nos élèves et de nos étudiants, la lutte contre l’autocensure, la promotion de l’égalité entre les filles et les garçons, l’excellence dans toutes les filières, qu’elles soient générales, technologiques ou professionnelles, doivent guider notre action. Trop souvent, des talents sont brisés et des vocations freinées par des barrières invisibles. L’école doit ouvrir des perspectives, encourager l’ambition, faire en sorte que chaque élève puisse trouver sa voie et qu’aucun ne reste au bord du chemin. La décision de maintenir les 4 000 postes de professeur est un investissement qui doit permettre d’améliorer les conditions d’apprentissage de nos élèves.

Pour élever le niveau, nous devons aussi moderniser nos approches pédagogiques, intégrer pleinement les outils numériques et anticiper les évolutions du monde. L’intelligence artificielle, l’apprentissage du numérique, la maîtrise des nouvelles technologies ne sont pas de simples options, ce sont des leviers fondamentaux pour les élèves. Ainsi, dès la prochaine rentrée, les élèves du second degré, en particulier ceux de quatrième et de seconde, ainsi que leurs professeurs, seront formés à l’intelligence artificielle, pour que l’école soit toujours en phase avec les transformations de la société.

Élever le niveau d’exigence ne peut se faire sans restaurer l’autorité dans l’école. Un climat scolaire apaisé est la première condition de la réussite. Les professeurs, les personnels éducatifs et les chefs d’établissement sont en première ligne face à certains comportements inacceptables. La violence, quelle qu’en soit la forme, n’a pas sa place dans l’école de la République. Il est inacceptable de contester l’autorité d’un professeur, de remettre en cause l’enseignement des savoirs fondamentaux et des valeurs qui fondent notre pacte républicain. Nous devons être fermes et déterminés. La lutte contre le harcèlement à l’école, le respect de la laïcité, la protection des professeurs, le renforcement des moyens alloués à la vie scolaire – je pense notamment aux conseillers principaux d’éducation (CPE) et aux assistants d’éducation (AED) – sont autant de chantiers que nous devons poursuivre avec détermination.

L’école ne peut pas être un lieu où l’on a peur. Elle doit être un espace de savoir et de respect. Il nous faut donc regarder la réalité en face et agir avec lucidité. Nous poursuivrons donc les investissements nécessaires pour garantir que chaque école, chaque collège et chaque lycée soit un lieu sûr où élèves comme professeurs puissent évoluer en toute sérénité.

Nous avons aussi le devoir de faire de l’école un lieu où l’on s’épanouit. Cela demande un investissement accru dans l’école inclusive – la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a déjà vingt ans – afin que les élèves en situation de handicap soient mieux accompagnés. Nous avons réalisé un effort inédit pour recruter des AESH – 34 000 postes ont été créés depuis 2017 et 2 000 le seront cette année – et améliorer leurs conditions de travail.

J’ai également demandé aux académies d’établir un plan de déploiement des pôles d’appui à la scolarité et d’augmenter la capacité d’accueil des unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis). Bien sûr, il ne s’agit pas de consacrer moins de moyens au service des élèves en situation de handicap, mais beaucoup de parents peuvent être freinés par la lourdeur des démarches administratives et par les délais souvent longs pour obtenir une notification des MDPH.

Le déploiement expérimental des PAS dans quatre départements montre qu’ils favorisent une approche plus réactive et permettent une prise en charge plus globale à l’échelle d’un territoire, grâce à un accompagnement par un enseignant spécialisé et une équipe médico-sociale allant de la maternelle jusqu’à la terminale, donc sans rupture pour les jeunes en situation de handicap. Pour répondre au mieux à leurs besoins, l’éducation nationale et le secteur médico-social doivent travailler main dans la main pour proposer un accompagnement adapté.

Une école où chacun s’épanouit passe aussi par une orientation qui prépare à la vie d’adulte. L’orientation ne doit pas être subie mais choisie, expliquée et anticipée. Elle doit être pensée en lien avec l’enseignement supérieur et le monde professionnel pour garantir à chacun des perspectives réelles d’insertion et de réussite. Nous devons faire en sorte que chaque élève trouve sa place et puisse construire son avenir. C’est pourquoi je souhaite renforcer le lien entre le collège, le lycée et l’enseignement supérieur pour que les choix d’orientation ne soient plus des parcours d’obstacles mais constituent des étapes logiques pour lesquelles les élèves bénéficient d’un accompagnement.

La revalorisation du métier de professeur, enfin, est une question centrale. Pendant trop longtemps, nous avons porté une attention insuffisante aux conditions concrètes d’exercice des professeurs. Personne ici n’est insensible à leur sentiment de déclassement et parfois d’abandon. Personne ne peut non plus accepter l’idée que notre société n’a plus le même respect qu’auparavant pour nos professeurs.

Je souhaite donc engager, à la suite des travaux que vous avez menés, une réforme ambitieuse de la formation initiale des professeurs. Cela suppose de reprendre la concertation, mais je pense que l’idée d’un recrutement dès la fin de la licence 3, avec deux années de professionnalisation, est partagée.

Ensuite, il faut mieux accompagner les professeurs tout au long de leur carrière, redynamiser leurs parcours, en particulier en milieu de carrière, et leur offrir de nouvelles perspectives. Il faut aussi rendre les choix pédagogiques plus visibles et lisibles. Les professeurs doivent pouvoir anticiper, s’adapter et se projeter. Trop souvent, les réformes se sont succédé sans laisser aux enseignants le temps de les assimiler.

Le temps long a toute son importance dans le domaine éducatif. Les réformes ne doivent pas intervenir dans l’urgence, mais être guidées par le seul intérêt des élèves, des professeurs et de la communauté éducative. Dans cette mission, j’ai bien sûr besoin de vous et de votre expérience du terrain. Je suis, avec mon cabinet et mes services, à votre disposition et à votre écoute.

Un dernier mot sur le programme Evars. Dans le premier degré, il doit être mis en œuvre au premier chef par les professeurs des écoles et les personnels de l’éducation nationale. Dans le second degré, la définition des modalités et des conditions de prise en charge des trois séances annuelles devra faire l’objet d’échanges au sein des équipes éducatives. La formation débutera dès le mois de mars avec les référents académiques, qui pourront ensuite déployer la formation auprès des professeurs. Nous proposerons également des formations en ligne aux professeurs qui le souhaitent. À partir de la rentrée 2025, nous proposerons deux jours de formation en présentiel aux enseignants qui le souhaitent. Autrement dit, nous mettons le paquet afin que les professeurs soient parfaitement outillés pour déployer ce programme dès la rentrée 2025. J’en profite pour rendre hommage à Anne Genetet, qui a beaucoup travaillé sur le sujet.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons aux orateurs des groupes.

M. Roger Chudeau (RN). La publication en 2023 des résultats du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa) a été l’occasion pour chacun de constater tristement que notre système éducatif poursuit son long effondrement, résultat de décennies de déconstruction.

M. Attal, ministre de votre gouvernement, se dépêchait alors d’improviser un « choc des savoirs », censé redresser la barre, qui comportait deux mesures de bon sens, d’ailleurs directement inspirées du programme éducatif de Marine Le Pen : la mise en place de groupes de niveau au collège et la transformation du brevet en examen de passage en seconde. À peine nommée ministre de l’éducation nationale, la sixième en moins de deux ans, votre première décision aura été de mettre un point d’arrêt aux deux mesures principales du choc des savoirs, pourtant instituées sous votre propre autorité, il y a à peine quelques mois. En français, cela s’appelle de l’incohérence ou de la confusion, à moins qu’il ne s’agisse plus trivialement de petits arrangements politiciens avec vos amis du Nouveau Front populaire.

Parlons maintenant de l’Himalaya éducatif qu’évoquait le premier ministre lors de sa déclaration de politique générale : près de 50 % des élèves entrant en sixième ne maîtrisent pas la lecture fluide, 25 % des jeunes de 17 ans se présentant aux journées défense et citoyenneté (JDC) éprouvent des difficultés de lecture et 50 % des bacheliers échouent en première année. Ajoutons à cela que l’autorité des maîtres est quotidiennement remise en cause, y compris par des élèves ou des parents sous emprise islamiste, que le corps enseignant se délite – démissions, détachements, concours infructueux –, que l’éducation prioritaire est au point mort et que l’école rurale est brutalisée.

Tel est le bilan de bientôt huit ans de macronisme et tel est votre bilan, car vous en étiez évidemment comptable avant même de gravir les marches du 110 rue de Grenelle. Ma question est simple : où sont vos priorités ? Où est votre vision stratégique des enjeux d’un système éducatif performant dans la concurrence mondiale ? Où est votre ambition pour l’école de France pour les décennies à venir ? Poser la question, c’est y répondre, car je crains fort que vous en soyez tragiquement dépourvue.

Mme Anne Genetet (EPR). Je voudrais d’abord vous remercier pour vos propos liminaires : vous avez souligné avec justesse les enjeux auxquels sont confrontés l’école de la République, ses professeurs, ses élèves et, au-delà, la société tout entière. Notre groupe se retrouve tout à fait dans les mots que vous avez prononcés et l’ambition que vous portez.

Un plan de tranquillité scolaire a été lancé à la fin de l’année dernière et il se poursuit. Il a permis des créations de postes – 170 conseillers principaux d’éducation et 600 assistants d’éducation – et le renforcement de la sécurité de plus de 1 000 établissements. Pourtant, la tragédie qu’a vécue la petite Louise dans l’Essonne nous rappelle qu’il est urgent de sécuriser non seulement nos établissements scolaires, mais aussi leurs abords. C’est ce que j’appelle la sécurité sur le chemin de l’école, pour nos enfants comme pour les professeurs. Il est important que l’ensemble des acteurs – professeurs et parents d’élèves, mais également mairies, collectivités territoriales, et forces de l’ordre – se mettent autour de la table pour proposer des solutions. Nous l’avons fait avec succès pour les cités éducatives. Notre groupe soutiendra toute mesure pour sécuriser le chemin de l’école.

Pour renforcer l’attractivité d’un métier en crise, il faut une meilleure formation initiale des enseignants. Comment entendez-vous la reconstruire ? Les président et vice-président de France Universités nous l’ont dit ce matin : les universités sont prêtes à mettre en place des modules en licence 3, notamment dans le cadre d’une double licence mathématiques et français. À qui entendez-vous proposer cette formation initiale pour améliorer l’exercice du métier, la gestion des classes et, in fine, le niveau des élèves ?

M. Aymeric Caron (LFI-NFP). Le service public de l’éducation n’intéresse pas votre camp politique. Vous semblez d’ailleurs vous-même avoir été surprise de votre nomination à ce ministère. Vous avez avoué, avec une franchise qui vous honore, ne pas être spécialiste de l’éducation, ce qui était déjà le cas de votre prédécesseur. Votre camp politique ne cherche pas à aider les élèves à devenir des citoyens éclairés et émancipés : il cherche à en faire des consommateurs, livrés au marché. Ce n’est pas un hasard si, en France, les profs sont parmi les plus mal payés de l’OCDE et si la France détient le record des classes les plus chargées en Europe. Comme pour la santé, l’idée est de laisser se dégrader l’école publique pour la livrer à l’enseignement privé, par lequel sont d’ailleurs passés certains ministres de l’éducation nationale.

Selon l’économiste Julien Grenet, d’ici dix ans, l’école privée sera majoritaire à Paris, que concernent un quart des suppressions de postes et des fermetures de classes du premier degré annoncées pour la rentrée prochaine. Vous me répondrez sans doute qu’avec vingt élèves par classe en moyenne, le secteur public parisien détient l’un des meilleurs taux d’encadrement de la France métropolitaine, mais je rappelle que la moyenne dans les pays de l’Union européenne est de dix-neuf élèves par classe pour l’école élémentaire. J’ajoute que les moyennes permettent de gommer les situations particulières défavorables. Un exemple : certains jours à Paris, jusqu’à 200 classes peuvent se retrouver sans enseignant.

J’observe aussi que vous avez supprimé des heures pour des dispositifs essentiels comme les Ulis ou les unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants (UPE2A) et que vous avez mis fin au dispositif d’hébergement d’urgence destiné aux lycéens qui dorment dans la rue, essentiellement des exilés. Il y a quelques jours, ils ont été virés de leur centre d’hébergement alors que certains sont en train de préparer le bac.

Enfin, nous connaissons cette année à Paris des problèmes concernant le régime dérogatoire des décharges des directrices et directeurs d’école. Vous avez apparemment prévu de le supprimer alors que la mairie de Paris est prête à en supporter le coût.

J’aimerais que vous répondiez au moins aux deux questions suivantes : êtes-vous prête à ouvrir une négociation pour revenir sur le nombre de classes fermées et de postes supprimés en France et à Paris en particulier, qui paye un tribut particulièrement lourd ? Comptez-vous maintenir le dispositif des décharges pour les directrices et directeurs d’école s’il est pris en charge par la Ville ?

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Vous nous dites vouloir partir de la réalité pour agir, mais il en est une dont vous n’avez pas parlé alors qu’elle est là telle un éléphant dans une pièce : le manque de professeurs. Seuls 10 % des collèges et des lycées ont un effectif complet ; autrement dit, dans 90 % des établissements, au moins un professeur est absent depuis plus de quinze jours. Ces données émanent du principal syndicat des chefs d’établissement, qui a sonné l’alarme, mais je crains que vous ne l’ayez pas entendue. Le ministère a minimisé ces données, invoquant des cas isolés. Ce n’est pas une simple poignée de professeurs qui manquent, ce sont des brassées ! Pas une semaine ne passe sans que nous soyons saisis par des parents désemparés et par des élus excédés. Les rectorats sont passés en mode gestion de pénurie. Nous ne pourrons pas nous en sortir si vous continuez à minimiser le désastre. Combien d’heures d’enseignement sont perdues faute d’enseignants non remplacés ? 15 millions, rien qu’au collège et au lycée. Ce chiffre ne vient pas d’un syndicat, mais d’un ancien ministre de l’éducation, Pap Ndiaye.

Certes, sous la pression, le gouvernement a fini par reculer sur la suppression des 4 000 postes, mais où sont les créations de postes ? Car créer des postes, c’est envoyer un signal fort : enseigner est un métier d’avenir. Aujourd’hui, qui voudrait devenir enseignant ? Les salaires sont trop bas, les classes sont trop chargées et les remplacements sont improvisés. Au manque de moyens s’ajoute le manque de reconnaissance. Nous n’en pouvons plus des outrages faits aux enseignants, nous n’en pouvons plus de ceux qui, imbus de leur personne, affirment, du haut de leur inutilité sociale, que les professeurs sont toujours en congé. Ces propos sont antirépublicains : l’école, c’est la République.

Notre école a besoin d’un plan Marshall. Vous engagez-vous à le mettre en place ?

Mme Frédérique Meunier (DR). Vous nous avez demandé des retours de terrain, en voici un. Un courrier, dont vous avez eu une copie, a été adressé au recteur de l’académie de Versailles le 20 janvier 2025, par une mère d’élève qui relate que dans un lycée, une professeure a fait visionner à ses élèves, pendant un cours d’enseignement moral et civique, une vidéo de Clément V. intitulée « Le Ministre le plus dangereux de la Ve République » qui présente, de façon simple et rapide, M. Retailleau comme étant le pire ministre de la Ve République et soutient qu’il défendrait, comme la chaîne CNews, une doctrine fasciste. La mère d’élève écrit s’être interrogée, une fois sa surprise passée, sur l’intérêt de diffuser une telle vidéo dans une école républicaine. Il ressort de cet incident que l’enseignante a utilisé cette vidéo à des fins de propagande politique pour modeler les enfants présents et leurs futures idées politiques.

Cela ne s’arrête pas là. À la suite de cette projection, une discussion concernant les obligations de quitter le territoire français (OQTF) a eu lieu en classe avec la même professeure. Elle a pris le cas de Dahbia, meurtrière de la petite Lola, pour expliquer que même une personne soumise à une OQTF avait droit à la légitime défense, qu’en l’occurrence, Dahbia était psychologiquement dérangée et que ce n’était donc pas de sa faute si elle en était venue à tuer.

J’ai eu cette mère d’élève au téléphone, qui confirme qu’il ne s’agit pas d’une fake news. Que comptez-vous faire ? Pensez-vous que ce soit la meilleure manière d’élever le niveau de nos enfants ?

M. Arnaud Bonnet (EcoS). Vous avez dit ne rien connaître à l’éducation nationale ; je ne doute pas que vous trouverez rapidement votre place à la tête d’un autre ministère. Quoi que vous en disiez, la France a les classes les plus surchargées d’Europe, les enseignants sont parmi les moins bien rémunérés alors qu’ils font le plus d’heures avec les élèves, notamment dans le primaire, les AESH sont en situation de forte précarité et un grand nombre d’établissements sont inadaptés et vétustes – on m’a transmis des relevés de température en salle de classe qui vont de 7 à 11 degrés.

Malgré ces conditions, les professionnels continuent de porter notre institution à bout de bras. Les chantiers sont nombreux ; espérons que vous écouterez davantage les revendications syndicales et la réalité du terrain que lorsque vous étiez première ministre. À vous entendre, j’en doute. Avec la réforme des retraites, certains enseignants devront terminer leur carrière à 67 ans, voire à 70 ans. Allez-vous enfin augmenter les rémunérations, notamment en milieu de carrière, qui représente la charge salariale la plus importante, alors qu’on entend souvent incriminer le début de carrière ?

Je vous invite à visiter avec moi des établissements scolaires pour mieux connaître la réalité des AESH. Comment peut-on accepter que des personnels qui permettent l’exercice du droit à l’éducation de milliers d’enfants en situation de handicap soient ainsi traités ? Ni une heure ni même une demi-journée d’accompagnement dans la semaine ne permet d’accompagner de façon satisfaisante un élève en situation de handicap. Il est indispensable d’augmenter la rémunération des AESH et de leur permettre d’accompagner les élèves à temps plein, plutôt que de les contraindre à sauter d’un établissement à l’autre au cours d’une même journée.

M. Erwan Balanant (Dem). Entre 2017 et 2025, le budget du ministère de l’éducation nationale a augmenté de 18,7 milliards d’euros : il était de 68,4 milliards d’euros en 2017 avant de passer en 2022 à 77,72 milliards d’euros puis à 87,1 milliards d’euros en 2024. Nous pouvons tous nous en réjouir, mais, manifestement, l’argent ne suffit pas. Nos enfants ne semblent pas s’épanouir à l’école plus qu’hier et celle-ci n’est plus la clé de la réussite pour tous.

Dans son avis de juin 2024 Réussite à l’école, réussite de l’école, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) fait un constat sans appel : l’école est à l’image de la société actuelle, fracturée et inégalitaire. Les réformes se multiplient pour tenter de répondre aux nombreuses difficultés qui traversent le système éducatif, sans réelle évaluation des résultats obtenus. Plus inquiétant encore, cet avis montre que les parcours scolaires et l’orientation des élèves sont encore fortement déterminés par leur origine sociale, souvent plus que par leurs choix ou leurs compétences : 70 % des enfants d’ouvriers ont un bac professionnel alors que 75 % des enfants de cadres ont un bac général. Notre système éducatif semble donc à l’arrêt.

Comment évaluer ce qui marche et ce qui ne marche pas ? Comment refondre notre système scolaire pour que tous les enfants de la République deviennent des citoyens formés, épanouis et confiants en notre République ?

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Vous êtes à la tête d’un ministère essentiel, qui est un pilier de notre République en ce qu’il prépare à la fois l’avenir notre pays et celui de nos enfants.

Je regrette que certains ici, notamment à gauche, se prétendent les représentants du camp des enseignants. Les professeurs votent pour des élus de tous bords, y compris du Rassemblement national. L’avenir de notre système éducatif doit nous réunir au-delà de nos étiquettes : chacun peut apporter son expérience et sa vision – vous n’êtes pas les seuls à avoir enseigné.

Notre collègue socialiste nous invite à regarder la réalité en face. Elle a raison, mais il faut, pour cela, accepter d’affronter la situation que Frédérique Meunier vient de dépeindre, à savoir la politisation d’une petite partie des enseignants, la fracture du système éducatif, la montée de l’insécurité, la difficulté à enseigner la Shoah dans certaines écoles. Ce n’est pas jeter l’opprobre sur les enseignants que de décrire cette réalité.

En 2023, alors première ministre, vous aviez annoncé des mesures importantes en faveur des écoles rurales, notamment l’élaboration d’une carte scolaire à trois ans, afin de donner de la visibilité aux élus locaux, parents d’élèves et enseignants sur les ouvertures et fermetures de classes. Deux ans après, nous n’y sommes pas encore. Pourtant, il faut impérativement changer de méthode. La France s’apprête à connaître la baisse démographique la plus importante de son histoire et à perdre 500 000 élèves en dix ans. Si nous ne gérons pas les écoles rurales autrement, nous serons confrontés à des drames. L’avenir de certaines communes, où l’école est parfois le dernier service public, pourra même s’en trouver menacé. Comptez-vous appliquer les mesures annoncées en 2023 : anticipation, concertation, visibilité à trois ans ?

Enfin, des mesures ont été prises en faveur des AESH, mais il faut aller plus loin. Quel plan d’action prévoyez-vous pour revaloriser ce métier essentiel à l’avènement d’une école inclusive ?

M. Salvatore Castiglione (LIOT). La question de la refonte de la carte scolaire et des ouvertures et fermetures de classes est essentielle. La baisse démographique est une réalité que nous pouvons choisir de subir ou d’anticiper. Il nous faut travailler en amont et mieux associer les élus locaux, afin d’adapter les solutions retenues aux spécificités territoriales. Envisagez-vous une prochaine réforme de la carte scolaire en ce sens ?

Comptez-vous revoir la géographie prioritaire afin que les réseaux d’éducation prioritaire, renforcée ou non (REP et REP +) coïncident mieux avec les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) ? Actuellement, tout est lié au collège de secteur, si bien que certaines écoles sont exclues des REP et REP+ alors même qu’elles concentrent de fortes difficultés et affichent un indice de position sociale des élèves (IPS) très dégradé.

Vingt ans après la grande loi sur le handicap, la question de l’école inclusive reste prégnante. Sur le terrain, l’inclusion a ses limites : la multiplication des situations de handicap épuise les enseignants et ne permet pas une bonne gestion de la classe. Il faudrait davantage de structures adaptées pour les handicaps qui le nécessitent et une meilleure inclusion, garantie par un meilleur accompagnement, pour ceux qui le permettent.

Le non-remplacement des professeurs pose aussi problème. Dans ma circonscription, le collège Jean-Moulin de Wallers et le lycée polyvalent du Pays de Condé, à Condé-sur-l’Escaut, n’ont plus de professeur de français depuis des semaines. Ce n’est pas admissible : il faut rendre le métier plus attractif afin de recruter des professeurs.

Je conclus par deux autres thèmes, que je ne détaille pas faute de temps : la réduction des vacances scolaires d’été et le temps de décharge des directeurs d’école.

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Le gel de la partie collective du pass culture jusqu’en juin 2025 prive de nombreuses classes de sorties culturelles, pourtant organisées depuis plusieurs semaines. Résultat : des activités annulées, des élèves déçus, des professeurs découragés. Cette décision révèle un profond mépris pour le monde de la culture et ses acteurs, mais aussi pour les enfants et leurs enseignants, que j’imagine dépités. L’accès à la culture est un droit fondamental, qui contribue à l’émancipation des adultes de demain. Remettre en cause ce principe ou rogner sur les activités en invoquant des raisons budgétaires, c’est envoyer un très mauvais signal. Comptez-vous revenir sur cette décision ?

Voilà des années que les budgets de l’éducation nationale ne sont pas à la hauteur des besoins et que les conditions de travail des enseignants se dégradent. Difficulté à assurer les remplacements, salaires en berne, faible attractivité, bâti parfois délabré : ce manque de considération pour l’école a des conséquences directes sur la scolarité et la réussite des élèves. Les difficultés sont d’autant plus grandes en Seine-Saint-Denis, département le plus pauvre de l’Hexagone, où les inégalités en matière de moyens humains et budgétaires sont les plus marquées. Il y a un an, les enseignants, les parents d’élèves et les élus se sont mobilisés des mois durant pour exiger un plan d’urgence. La dissolution a interrompu les discussions entre l’intersyndicale et le ministère. Quand reprendront-elles ?

M. Maxime Michelet (UDR). En trente mois, l’éducation nationale aura donc connu six ministres. Cette instabilité sans précédent sous la Ve République, tant dans les personnes que dans les politiques conduites, nous prive de cap clair et cohérent, alors que l’école exige, par sa nature même, une projection au-delà des contingences du moment. La politique scolaire devrait être fixée pour une génération, mais la présidence d’Emmanuel Macron aura peiné à lui offrir plus d’un an de stabilité, dans ses orientations générales comme dans le suivi des décisions : ordres et contrordres sur les groupes de niveau, sur l’organisation des épreuves du baccalauréat, sur les dotations, sur la réforme du brevet, et sur tant d’autres sujets. Les circulaires s’empilent, s’annulent, se contredisent. En matière éducative, le gouvernement semble confondre action et agitation.

Sur les bureaux des directeurs, principaux et proviseurs, les normes nouvelles et les consignes contradictoires s’amoncellent. Je tiens d’ailleurs à rendre un hommage appuyé aux 22 000 personnels de direction qui assurent le pilotage et l’encadrement des établissements. Tous ces ordres et contrordres les transforment souvent en Pénélope modernes, les contraignant – notamment les proviseurs adjoints – à tisser, détisser et retisser sans cesse la tapisserie des emplois du temps. Malgré les difficultés, ils remplissent leurs missions avec un professionnalisme remarqué.

Le cap de l’école devrait donc être la confiance dans ces hommes et ces femmes qui ont la responsabilité concrète de leurs établissements et de leurs élèves – une confiance qui devrait se traduire par la revalorisation de leur statut, mais surtout par une plus grande liberté : liberté dans les dispositifs d’accompagnement, dans l’animation pédagogique et dans l’innovation scolaire, mais aussi liberté administrative dans l’organisation et dans le choix de leurs collaborateurs. Or seulement 2 % des décisions éducatives sont prises dans les établissements. Il faut inverser cette tendance et remettre les personnels de direction au cœur de la fabrique des politiques éducatives. Oserez-vous l’école de la confiance envers les directeurs, principaux et proviseurs ? Oserez-vous l’école de la liberté des établissements ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Monsieur Chudeau, je crois avoir exposé mes priorités, mais je peux les reformuler. Personne ne peut se satisfaire de la position de la France telle qu’elle ressort des évaluations internationales. Il est donc impératif d’agir avec détermination pour élever le niveau des élèves. De nombreuses mesures ont été prises en ce sens depuis 2017. S’agissant du premier degré, notamment – puisque chacun s’accorde à dire que c’est par là qu’il faut commencer –, nous n’avons pas lésiné sur les moyens : comme M. Balanant l’a rappelé, 15 milliards d’euros supplémentaires ont été dégagés et 16 000 postes ont été créés pour dédoubler les classes de grande section de maternelle, de CP et de CE1 afin que le niveau des élèves rattrape les meilleurs standards de l’OCDE.

Cette amélioration passera aussi par une réforme du recrutement et de la formation des enseignants, notamment des professeurs des écoles. Je souhaite reprendre, avec les organisations syndicales, le travail déjà entrepris en la matière. Il s’agit de conforter les savoirs des enseignants, de leur donner accès à un enseignement diversifié en mathématiques, français, histoire-géographie et SVT dès la licence et de mieux les préparer à leur futur rôle en les formant et en les professionnalisant pendant deux ans.

Naturellement, je poursuivrai l’action engagée conformément aux annonces faites par Gabriel Attal lorsque j’étais première ministre : les groupes de besoins en sixième et en cinquième seront maintenus. Ils font l’objet d’une évaluation qui nous permettra de mesurer la diversité des pratiques entre établissements, de retenir les meilleures d’entre elles et de voir si des améliorations doivent être apportées.

Comme M. Michelet, je crois en effet à l’intelligence du terrain. J’ai eu l’occasion de le dire au haut encadrement de l’éducation nationale : nous pouvons faire confiance aux chefs d’établissements pour trouver les bonnes réponses à apporter aux élèves plutôt que de prétendre tout décider par des circulaires prises rue de Grenelle ou rue Descartes. Il faut leur laisser des marges de manœuvre et diffuser les meilleures pratiques. C’est ainsi que nous pourrons élever le niveau et – c’est ma deuxième priorité – accompagner au mieux chaque élève pour lui permettre de construire son parcours de réussite, que ce soit dans la voie générale ou dans la voie technologique ou professionnelle. C’est tout l’objectif de la politique engagée avec la réforme du lycée professionnel, que j’entends poursuivre avec détermination.

Tout cela ne sera possible qu’à condition de garantir un climat scolaire apaisé, de ne rien laisser passer et d’être toujours aux côtés des personnels quand ils sont victimes d’insultes, voire de violences, ou quand on les empêche de délivrer le contenu de leur enseignement. Il faut systématiquement faire jouer la protection fonctionnelle des professeurs, signaler les cas au procureur de la République et lancer des procédures disciplinaires à l’encontre des élèves qui ne respectent pas les règles au sein des établissements.

Nul ne peut nous accuser de pas nous préoccuper de la situation des enseignants. Grâce aux revalorisations salariales intervenues depuis 2017, aucun professeur ne démarre sa carrière avec un revenu inférieur à 2 121 euros net par mois, ce qui représente un effort inédit depuis trente ans. Les salaires ont augmenté de 11 % entre avril 2022 et janvier 2024. Il faut continuer à agir, en travaillant maintenant sur les milieux de carrière, mais, contrairement à ce qui a été dit, les enseignants, dont la rémunération était en effet inférieure de 10 % à la moyenne de l’OCDE, commencent désormais leur carrière avec un salaire supérieur de près de 7 % à cette moyenne. Nous devons cependant continuer à améliorer les parcours professionnels et à travailler sur le recrutement et la formation initiale et continue.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Je vous propose de nous interrompre quelques minutes, afin de permettre à mes collègues de participer au vote à venir en séance.

 

L’audition est suspendue de dix-sept heures vingt-cinq à dix-sept heures trente-cinq.

 

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Je tiens à réagir aux propos de M. Caron et de Mmes Hadizadeh et Bourouaha. Peut-on réellement défendre l’école publique tout en laissant penser qu’elle se caractérise par des classes surchargées, un bâti dégradé, des professeurs absents et des élèves mal accompagnés ? Ces propos ne rendent pas compte des efforts consentis depuis des années par les collectivités pour améliorer le bâti scolaire. Ils sont même en contradiction totale avec la hausse inédite du taux d’encadrement. Nous connaissons une baisse démographique très forte : en dix ans, nous perdrons l’équivalent d’une génération. À la rentrée prochaine, la France comptera 80 000 élèves de moins dans le premier degré. Malgré cela, nous avons fait le choix fort, dans le budget pour 2025, de maintenir le nombre d’enseignants, précisément pour améliorer les politiques éducatives, mieux accompagner les élèves, assurer davantage de justice sociale et territoriale et déployer des politiques prioritaires. Je suis donc assez choquée par cette description de l’école publique. Ceux qui prétendent la défendre ne devraient pas se livrer à des présentations aussi caricaturales.

J’ai, comme Mme Genetet, une pensée pour les parents de Louise. Chacun ici mesure la tragédie qu’ils ont vécue et partage leur douleur après ce drame épouvantable, qui nous impose d’autant plus d’agir pour assurer la sécurité aux abords des établissements et sur le chemin de l’école. J’ai bien en tête, madame la députée, l’action que vous aviez engagée en ce sens lorsque vous étiez ministre. Je vous assure de ma détermination à agir pour la sécurité au sein des établissements, notamment pour lutter contre la recrudescence du port d’armes blanches par les élèves : à l’évidence, aucune arme ne doit entrer dans une école et tout incident de ce type doit donner lieu à une traduction devant le conseil de discipline ainsi qu’à un signalement au procureur de la République.

Nous devons également travailler avec la police et la justice pour améliorer la sécurité autour des établissements. Ce travail, que j’ai engagé avec Bruno Retailleau et Gérald Darmanin, doit se prolonger dans le cadre des états-majors de sécurité, comme c’est le cas par exemple en Seine-Saint-Denis, et des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD). Nous devrons, enfin, améliorer la collaboration entre l’éducation nationale et les familles, qui doivent être responsabilisées. Ce sera le sens du travail que je souhaite conduire, avec Catherine Vautrin, pour mieux accompagner les parents, qui sont parfois démunis face à leurs adolescents, singulièrement dans les familles monoparentales. À l’image de ce qui se fait dans les cités éducatives, nous devons faire bloc autour de l’école et de l’élève et veiller au mieux à la sécurité dans les établissements, mais aussi sur le chemin de l’école. Vous pouvez compter sur moi pour poursuivre votre travail en ce sens. Je vous confirme, à cet égard, que les 170 postes de CPE et les 600 postes d’assistants d’éducation seront bien déployés.

Pour ce qui est des AESH, nous devons continuer à œuvrer afin d’améliorer leur situation, mais il est aussi important de rappeler le chemin parcouru depuis 2017. Les accompagnants étaient employés sous le régime des contrats aidés ; ils sont désormais embauchés en CDD et obtiennent un CDI au bout de trois ans. Par ailleurs, leurs rémunérations ont été revalorisées de 20 % depuis 2017. Personne ne peut se satisfaire des niveaux de salaire actuels, qui sont principalement liés au fait que de la plupart des AESH ne sont pas employées à temps plein. La loi « Vial », qui prévoit leur rémunération par l’État pendant la pause méridienne, permet d’y remédier en partie. Au-delà, des discussions sur la reconnaissance des acquis de l’expérience et les parcours professionnels ont été inscrites à l’agenda social du ministère, en vue de donner des perspectives à ces personnels, qui assurent un travail essentiel auprès des élèves.

Étant moi-même élue d’une circonscription rurale, je partage le constat de MM. Castiglione et Patrier-Leitus : il faut anticiper les évolutions de la carte scolaire et adopter effectivement la vision pluriannuelle que j’avais annoncée en tant que première ministre, plutôt que d’informer les maires en décembre – et même encore plus tardivement cette année du fait de la censure. Nous devons apporter des réponses adaptées, y compris dans des zones confrontées à une baisse démographique, en nous donnant par exemple le temps de créer des regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI) ou des territoires éducatifs ruraux, pour que s’y crée l’équivalent des cités éducatives, c’est-à-dire une mobilisation générale pour offrir le meilleur accompagnement aux élèves. Cela suppose de pouvoir se projeter et travailler en amont à l’élaboration des cartes scolaires.

Pour ce qui est de l’actualisation de la géographie prioritaire, je vous confirme que nous avons pris beaucoup de retard. Des analyses sont en cours car, s’il semble clair que certains établissements devraient intégrer les réseaux d’éducation prioritaire, nous devons aussi prendre en considération l’impact sur les établissements qui devront en sortir. L’importance de l’enjeu nous impose, avant d’engager cette nécessaire réforme de la carte de l’éducation prioritaire, de bien analyser ses conséquences pour les territoires, les personnels et les élèves concernés.

En matière d’école inclusive, nous devons travailler main dans la main avec le secteur médico-social pour qu’elle se déploie bien et dans l’intérêt des enfants. Les élèves qui relèvent d’un établissement médico-social doivent y être accueillis – 30 000 sont actuellement pris en charge dans des écoles. Certains peuvent être intégrés dans des dispositifs Ulis, dont j’entends poursuivre le déploiement. Ma collègue Charlotte Parmentier-Lecocq et moi-même travaillons de concert pour apporter une réponse adaptée à chaque élève. Il est vrai que cette coordination est plus simple quand les établissements médico-sociaux sont proches, comme c’est le cas à Paris, où j’effectuais une visite hier, mais ce travail est indispensable pour assurer une meilleure inclusion et permettre à ces élèves de partager des temps avec les autres.

Le pass culture a rencontré un tel succès que les pré-réservations d’activité ont atteint 50 millions d’euros en dix jours. Devant cet afflux, les services ont temporairement suspendu la plateforme, qui a depuis été rouverte. L’ensemble des demandes ont été validées. Certains acteurs culturels ont réagi de manière quelque peu excessive en déprogrammant des activités en attente de validation, mais, je le répète, toutes ont bien été validées : les élèves pourront en bénéficier. Dans le même temps, j’ai souhaité qu’une inspection soit conduite par mon ministère et l’Inspection générale des finances (IGF), car, si je ne doute pas que ce dispositif soit très bénéfique pour les élèves, on peut aussi s’interroger sur les dépassements de budget observés depuis quelques années : nous devons nous assurer que les ressources sont utilisées au mieux.

Enfin, M. Caron m’interrogeait sur le régime dérogatoire de décharge des directeurs d’école à Paris. La Cour des comptes nous enjoint de mettre fin à ce dispositif, qui est dépourvu de base légale. Rappelons que la Ville de Paris a cessé de prendre en charge les coûts qui y sont associés en 2019 et accuse désormais une dette de 120 millions d’euros. J’entends toutefois les attentes qui se sont exprimées et je suis prête à étudier les dispositions qui pourraient être prises, à condition que soit défini un cadre juridique et financier adapté.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons aux questions des autres députés. Au vu de leur nombre, Mme la ministre répondra d’abord à une première salve de vingt questions.

M. Thierry Perez (RN). Les résultats de l’enquête Pisa de 2022 ont révélé une baisse inédite – de 21 points par rapport à 2018 – du niveau des élèves français en mathématiques. Face à ce constat préoccupant, il faut d’urgence modifier les programmes scolaires afin de renforcer l’apprentissage des savoirs fondamentaux, plutôt qu’introduire davantage d’éducation sexuelle et affective dès le primaire ou encore plus de pédagogisme. Le Rassemblement national avait déposé un amendement au PLF pour 2025 visant à allouer des moyens supplémentaires à l’apprentissage du français et des mathématiques dès le primaire, en insistant sur la nécessité de recentrer l’école sur sa mission première, qui est de transmettre des connaissances solides aux élèves. Notre programme propose aussi de remettre au cœur de l’apprentissage l’enseignement du français, des mathématiques et de l’histoire, afin de garantir une maîtrise optimale de ces disciplines essentielles.

Envisagez-vous de modifier les programmes scolaires pour renforcer l’enseignement des savoirs fondamentaux et ainsi rehausser le niveau scolaire des élèves ?

Mme Graziella Melchior (EPR). Depuis la rentrée, en application de la loi « Vial », l’accompagnement des élèves en situation de handicap durant la pause méridienne est pris en charge par l’État en lieu et place des communes. Cette évolution s’est faite de manière kafkaïenne, pour ne pas dire catastrophique, dans certains départements comme le Finistère. L’État, par le biais de la Dasen (direction académique des services de l’éducation nationale), ne finance plus qu’un seul AESH à Lesneven alors qu’auparavant, la commune en rémunérait sept. Les maires sont contraints de financer les contrats manquants, le risque étant que les enfants en situation de handicap soient laissés sans surveillance et que les familles ne se voient pas proposer de solution.

Il nous faut préparer la rentrée prochaine. Pour cela, les trois mots d’ordre doivent être la simplicité, la temporalité et la confiance : simplicité de la procédure ; temporalité, en préparant dès la fin de l’année scolaire les attributions des AESH pour la rentrée ; confiance envers les directeurs et directrices d’établissement, qui connaissent les besoins réels et dont les demandes doivent être par principe acceptées. Pouvez-vous prendre l’engagement que cette situation intenable sera améliorée ? Qu’en sera-t-il de la rétroactivité de la prise en charge ?

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). L’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle est une obligation légale et un puissant levier d’émancipation. Elle permet aux jeunes de comprendre leur corps, d’apprendre le consentement, de lutter contre les violences sexistes et sexuelles (VSS), de déconstruire les préjugés. Pourtant, 85 % des élèves n’en bénéficient pas, ce qui favorise la désinformation, les VSS, la montée des LGBTphobies, la recrudescence des infections sexuellement transmissibles.

Vous annoncez un module de formation en ligne pour les professeurs volontaires. Avez-vous conscience que ce sera tout à fait insuffisant ? Vous n’investissez pas 1 euro, alors que les forces anti-choix mènent des actions de sabotage, tractent devant les écoles, exercent des pressions sur les rectorats, attaquent les enseignants. Comment comptez-vous lutter contre ces mouvements réactionnaires présents jusqu’au sein du gouvernement ? Allez-vous défendre cette éducation ou laisser le Rassemblement national imposer son obsession du contrôle des corps et de l’ignorance à l’école ?

Surtout, allez-vous lancer une enquête approfondie sur les révélations de Mediapart concernant les violences pédocriminelles à Bétharram, alors que l’omerta semble régner au sommet de l’État ? Comment imaginer qu’un premier ministre reste en place s’il a couvert des crimes pareils ?

M. Christophe Proença (SOC). La France fait face à une épidémie croissante de surpoids et d’obésité chez les enfants. Les chiffres sont particulièrement préoccupants dans les milieux populaires. La situation est alarmante : lors des auditions que nous avons menées, avec ma collègue Frédérique Meunier, sur l’obésité infantile et le sport scolaire, nous avons constaté, en prenant en compte l’ensemble d’une cohorte entre la grande section et – au moins – l’entrée au collège, que les élèves ne bénéficient pas de tests physiques réguliers ni de visites médicales. La situation est tout aussi inquiétante concernant la capacité physique : en trente ans, nos collégiens ont perdu près de 35 % de leur capacité cardiovasculaire. Le manque de données empêche toutefois de conduire des politiques publiques efficaces. Les conséquences, à moyen terme, seront catastrophiques pour la santé de ces futurs adultes et le budget de l’État. Allez-vous vous pencher sur ce problème de santé publique et instituer des visites médicales obligatoires, doublées de tests physiques ?

M. Éric Liégeon (DR). Il y a tout juste un an, un rapport parlementaire sur l’apprentissage de la lecture montrait que 45 % des élèves entrant en sixième n’atteignaient pas la vitesse de lecture attendue. Le rapport proposait, entre autres, de limiter l’influence du numérique sur les apprentissages, de privilégier la méthode syllabique, de promouvoir la lecture personnelle et de repenser la formation initiale des enseignants, en leur faisant effectuer plus de stages dans les classes de CP. Ces propositions se sont-elles traduites par des mesures concrètes, par exemple la limitation de l’usage des outils numériques au primaire ?

Par ailleurs, pouvez-vous nous assurer que la carte scolaire des communes classées en zone montagne prend en compte les particularités de ces territoires, et, surtout, qu’elle y limite les fermetures de classes ? Les remontées de terrain me laissent en effet penser le contraire. Avez-vous un premier retour à nous faire sur le fonctionnement des observatoires des dynamiques rurales, nouvel outil de concertation instauré lors de la rentrée 2023 ?

M. Julien Odoul (RN). Les fermetures de classes tuent la ruralité à petit feu et sacrifient un principe que nous partageons tous : l’égalité des chances. Je me fais le relais des préoccupations des élus, des parents d’élèves, des professeurs et des agents des communes de Courtois-sur-Yonne, Vinneuf, Sergines, Montacher-Villegardin et Saint-Julien-du-Sault, dans ma circonscription, qui attendent anxieusement la publication de la carte scolaire. Une fermeture de classe, dans la ruralité, conduit à regrouper deux ou trois niveaux, ce qui aboutit à une classe surchargée et à des conditions de travail dégradées. La baisse démographique doit être considérée comme une chance, en ce qu’elle permet de renforcer l’accompagnement des élèves de la ruralité et la transmission des savoirs fondamentaux. Allez-vous faire de la ruralité un REP ? Dans ma circonscription, des classes sont fermées à partir de dix-sept élèves alors que d’autres, dans les quartiers dits prioritaires, sont maintenues à onze ou douze élèves. Tous les enfants de la République devraient être traités de la même manière.

Mme Violette Spillebout (EPR). La lutte contre les fake news a occupé une place importante lors du sommet mondial sur l’intelligence artificielle (IA). Vous y avez annoncé que les élèves de quatrième et de seconde recevraient une formation en ligne à l’IA. Lors de l’examen du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, en 2024, nous avions voté un amendement rendant obligatoire l’éducation critique aux médias. Dans un contexte marqué par l’accroissement du risque de désinformation lié à l’IA, comment développer la prise en compte de ces questions au-delà des heures d’éducation morale et civique qui leur sont réservées ?

M. Raphaël Arnault (LFI-NFP). Ceux qui n’ont jamais mis un pied dans l’école publique et qui inscrivent leurs enfants dans des écoles privées, comme Notre-Dame-de-Bétharram, où les révélations de violences pédocriminelles s’enchaînent, viennent nous expliquer – Bruno Retailleau en tête – que des mères accompagnatrices seraient un danger pour nos enfants parce qu’elles portent un voile. Cela témoigne d’un racisme abject et d’une volonté de déshumanisation totale des femmes musulmanes, aujourd’hui repris par un champ politique et médiatique toujours plus à la dérive, au plus grand bonheur de l’extrême droite. Non seulement ces femmes méritent d’être défendues face à l’islamophobie mais l’éducation nationale devrait même leur décerner des médailles pour leur dévouement bénévole et le service qu’elles rendent à nos enfants et à l’école de la République. Ni les fermetures de classes, ni le harcèlement, ni le manque d’AED et d’AESH, ni l’insuffisante attractivité du métier de professeur ne sont imputables aux mères accompagnatrices qui portent le voile : elles sont la résultante de vos politiques austéritaires. Allez-vous condamner les propos ignobles du ministre de l’intérieur et respecter, enfin, toutes les personnes qui contribuent au bon fonctionnement de notre école ?

M. Alexis Corbière (EcoS). Madame Borne, vous êtes la septième ministre de l’éducation nationale en un peu plus de deux ans : autrement dit, tous les trois ou quatre mois, un nouveau ministre vient nous dire qu’il faut mener des réformes ambitieuses. Vous avez annoncé des créations de postes mais le monde enseignant et ses organisations syndicales – que nous soutenons – font savoir que, depuis 2017, 11 000 postes d’enseignant ont été supprimés. Il faudrait en créer 26 000 si l’on voulait simplement atteindre la moyenne européenne de dix-neuf élèves par classe.

Les problèmes qu’ont soulevé certains de mes collègues ne correspondent pas à la réalité, leur avez-vous répondu. Mais en Seine-Saint-Denis, un élève perd en moyenne dix-huit mois de scolarité par manque de remplacements. Viendrez-vous nous rencontrer à la préfecture pour faire le point sur la réalité du terrain et les raisons de la mobilisation en faveur d’un plan d’urgence pour l’école du département ?

M. Laurent Croizier (Dem). Depuis que j’ai commencé à enseigner, il y a vingt-cinq ans, les conditions d’exercice, le bien-être professionnel et la reconnaissance par la société du métier d’enseignant se sont considérablement dégradés. Il faut tout mettre en œuvre pour redonner aux enseignants la place qu’ils méritent. L’institution doit leur envoyer un message fort de soutien, de reconnaissance et de confiance, et reconnaître que les décisions ne peuvent pas toujours venir d’en haut, mais aussi de leur donner plus d’autonomie et de capacité d’initiative et de décision pour s’adapter et anticiper en faveur de la réussite des élèves. De quelle manière comptez-vous témoigner votre confiance aux enseignants ? Comment instituer un fonctionnement moins vertical au sein de l’éducation nationale ?

M. Arnaud Sanvert (RN). Comme vous ne cessez de le rappeler, l’éducation doit être une priorité. Pourtant, il a fallu la pression des députés pour que vous reculiez sur la suppression de 4 600 postes d’enseignants. Dans le même temps, les classes ferment, dans une incohérence totale. L’argument démographique ne suffit plus. En Saône-et-Loire comme dans tant d’autres départements, comment feront les parents qui ne peuvent parcourir des dizaines de kilomètres pour déposer leurs enfants à l’école ? Alors que nos établissements manquent déjà cruellement de moyens, vous persistez à affaiblir le réseau scolaire au détriment des élèves et des territoires les plus fragiles, notamment dans notre ruralité, où des regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI) entiers sont menacés. Comment justifiez-vous ces choix alors que vous affirmez vouloir lutter contre les inégalités scolaires et garantir une éducation de qualité pour tous ?

Mme Prisca Thevenot (EPR). Ma question émane d’élus, de membres associatifs et de citoyens de ma circonscription. Le président de la République l’a rappelé à l’occasion du sommet mondial de l’IA : nous devons investir tant dans les infrastructures que dans la formation pour relever les défis de la souveraineté numérique. L’ambition est claire : il faut former 100 000 talents à l’IA d’ici à 2030. Vous avez annoncé des mesures importantes pour l’éducation, notamment la création d’une IA souveraine pour les enseignants, et des formations obligatoires pour les élèves dès la classe de quatrième. Pouvez-vous préciser le calendrier et les formations concernées ?

Mme Farida Amrani (LFI-NFP). Le lycée Georges-Brassens à Évry-Courcouronnes, le lycée Robert-Doisneau à Corbeil-Essonnes, le collège Rosa-Luxembourg à Lisses, le collège Jean-Lurçat à Ris-Orangis : voilà quelques exemples d’établissements de l’Essonne qui connaissent depuis la rentrée des mobilisations de personnels éducatifs et administratifs, de parents d’élèves et d’élèves au bout du rouleau. Les conditions de travail sont chaotiques, faute de moyens, de dotations horaires suffisantes, de CPE et d’AED. Les classes sont surchargées et les établissements sont la proie de tensions. Pour tous ces serviteurs de l’État, pas de 49.3, pas de passage en force, mais une seule solution : la grève et la perte de salaire. On leur demande toujours plus avec toujours moins, votre gouvernement poursuivant ses coupes budgétaires. Pourquoi l’éducation continue-t-elle à être abandonnée, pourquoi nos collèges et nos lycées doivent-ils se battre pour obtenir le strict minimum ? Quand allez-vous enfin donner les moyens à l’école de la République ? J’aimerais que vous voyiez de vos propres yeux l’état des établissements dans ma circonscription.

M. Pierrick Courbon (SOC). La prise en charge par les Dasen des AESH pendant la pause méridienne était très attendue par les élus locaux, mais force est de constater que la mesure est appliquée de manière chaotique dans l’ensemble des territoires. Au-delà de la dégradation des conditions de travail et, parfois, des problèmes touchant la rémunération des personnels, je voudrais faire part d’une difficulté concernant mon département de la Loire, où la Dasen a prévu une procédure en quatorze étapes qui suscite l’incompréhension des AESH, des directeurs d’établissement, des maires et des parents. Sur un total de plusieurs milliers d’enfants concernés, 120 dossiers ont été enregistrés au 1er février et seules 13 procédures ont réellement abouti. Que prévoyez-vous pour rendre cette mesure de bon sens plus effective et plus souple ?

Mme Béatrice Bellamy (HOR). Le fonctionnement de la part collective du pass culture soulève des interrogations. La plateforme Adage est plus un guichet click and collect qu’un espace de médiation culturelle. La pertinence des contenus artistiques n’est manifestement pas – ou très peu – vérifiée. Certains opérateurs, en partie privés, captent des sommes élevées, en contrepartie de prestations parfois très éloignées de l’éducation artistique et culturelle. Il serait souhaitable que votre ministère conduise une mission d’inspection sur le fonctionnement de cette plateforme et de la part collective. Parallèlement, peut-être une mission d’information parlementaire devrait-elle s’emparer de ce sujet. Nous devons renforcer la part collective du pass culture en le réformant. Avec mes collègues Horizons de l’Assemblée et du Sénat, nous défendrons une diminution de la part individuelle au profit de la part collective.

M. Bruno Clavet (RN). Le brevet des collèges est le premier diplôme de la vie d’un élève. C’est un repère fondamental, un marqueur du travail accompli et une étape essentielle de la validation des connaissances acquises tout au long du collège. Pourtant, vous avez décidé que son obtention ne serait pas obligatoire pour accéder au lycée. Plutôt que d’exiger un niveau minimal, vous choisissez – je cite – de vous « en remettre au conseil de classe », sans qu’aucune référence commune ne soit garantie. Cela signifie que des élèves pourront entrer en seconde sans avoir validé les compétences fondamentales du collège, qui en sera réduit à un simple lieu de transit. Dans le même temps, la France s’enfonce dans les classements internationaux. Le niveau des élèves dégringole, notamment dans les matières fondamentales que sont le français et les mathématiques. Par cette décision, ne craignez-vous pas d’accélérer encore le naufrage de l’école républicaine ? Que proposez-vous pour la sauver et relever le niveau des élèves qui en sortent ?

M. Joël Bruneau (LIOT). Compte tenu de la difficulté qu’il y a à diriger un ministère qui compte près de 1,3 million d’agents, ne croyez-vous pas qu’on gagnerait à accroître la déconcentration de l’action de l’État dans les collectivités locales ? Ces dernières ne peuvent pas être de simples pourvoyeuses de bâtiments ; elles ont également un rôle à jouer dans l’adaptation des dispositifs de l’éducation nationale aux réalités locales.

A-t-on évalué le temps d’apprentissage réel d’un enfant en primaire ? Quel bilan peut-on dresser du passage, il y a une quinzaine d’années, à la semaine de quatre jours ?

M. Bartolomé Lenoir (UDR). Lussat et Ladapeyre, communes de mon département de la Creuse, vont perdre leur école en septembre prochain. Les jeunes parents ne s’y installeront plus et ceux qui, y étant nés, sont devenus parents devront partir, payant ainsi le lourd prix du déracinement. La fermeture de ces écoles résulte d’un choix politique, qui vise à faire des économies sur le dos des campagnes pour sauver un État dépensier et incapable de se réformer. Le budget du Conseil économique, social et environnemental (Cese) correspond à la rémunération de 1 000 professeurs. Les membres du Cese et d’autres agences totalement déconnectées doivent-ils être privilégiés par rapport aux instituteurs et aux services publics sur le terrain ?

M. Sacha Houlié (NI). Pouvez-vous nous apporter des précisions concernant le calendrier de la réforme de la formation initiale des enseignants ?

Les principes énoncés par la loi en matière de rythmes scolaires souffrent malheureusement de très nombreuses exceptions, en application de deux décrets de 2016 et 2017. Le fonds de soutien au développement des activités périscolaires va bientôt disparaître, ce qui imposera aux collectivités concernées des dépenses élevées, que l’on peut estimer à 1,6 million d’euros pour le département de la Vienne, dont je suis élu, et à 600 000 euros pour la seule ville de Poitiers. La pérennité des temps périscolaires est en outre menacée. C’est particulièrement le cas dans le département de la Vienne où 70 % des communes ont conservé la semaine de quatre jours et demi – que j’estime, pour ma part, préférable eu égard au rythme des élèves.

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Nous agissons avec détermination pour relever le niveau de nos élèves. Le dédoublement des classes de grande section de maternelle, de CP et de CE1 de l’éducation prioritaire a été lancé lors du précédent quinquennat. Nous déployons également, depuis bientôt cinq ans, un plan maths et un plan français qui doivent conforter la capacité des professeurs des écoles à former nos jeunes dans ces matières fondamentales. L’ensemble des enseignants en ont déjà bénéficié. Il conviendra de réaliser une évaluation pour vérifier les progrès accomplis. Cette première étape était indispensable pour que nos élèves acquièrent ces savoirs fondamentaux avant d’entrer au collège.

Au collège, justement, dans la continuité de l’action de Gabriel Attal puis de Nicole Belloubet et d’Anne Genetet, nous avons instauré, depuis la rentrée dernière, des groupes de besoins en sixième et en cinquième. En outre, les élèves de quatrième et de troisième bénéficieront comme prévu, à compter de la rentrée prochaine, d’une heure de renforcement, pour laquelle nous avons dégagé 540 postes.

Nous avons pris la question du niveau des élèves à bras-le-corps. Ce sujet a partie liée à la formation des professeurs, pour laquelle des concertations ont été engagées. Monsieur Houlié, je souhaite que la réforme de la formation soit applicable au moment de la campagne de recrutement de 2026. Un certain nombre de formations existent déjà : je pense en particulier aux licences de préparation au professorat des écoles, instituées par plusieurs universités, qui permettent aux étudiants d’accroître leurs compétences dans les matières fondamentales que sont les mathématiques, le français, l’histoire-géographie et la SVT. En complément, les futurs professeurs suivront deux années de professionnalisation qui les mèneront, comme aujourd’hui, au niveau du master 2. Nous poursuivrons notre action au cours des prochains mois.

Les messages concernant le brevet ont peut-être été mal compris. Cet examen demeure obligatoire mais, comme c’est le cas depuis sa création, au lendemain de la seconde guerre mondiale, il ne constituera pas un examen de passage en seconde. Il est important que le dernier mot soit laissé au conseil de classe, en particulier sur les questions de redoublement. Lorsque le conseil de classe valide un passage en seconde mais que l’élève échoue au brevet, cela constitue évidemment une alerte qui doit être prise en compte. Je souhaite que l’on poursuive l’expérimentation des prépas seconde et que l’on institue, dans le cadre de la concertation qui s’impose, d’autres mesures de remédiation telles que des stages de réussite et des actions de soutien au cours des premiers mois de scolarité au lycée en faveur des élèves qui ont échoué au brevet.

Nous allons continuer à élever le niveau d’exigence du brevet en mettant fin au correctif académique, en instaurant un nouvel équilibre entre le contrôle continu – qui représentera 40 % au lieu de 50 % – et les épreuves finales, et en appliquant un nouveau mode de calcul du contrôle continu, qui reposera sur la moyenne des notes obtenues pendant l’année de troisième et pas simplement sur des compétences socle, lesquelles manquaient peut-être de lisibilité. Par ailleurs, j’ai signé récemment le texte créant la mention très bien avec félicitations du jury pour distinguer les élèves qui ont particulièrement bien réussi l’examen. Sur tous les sujets liés à l’exigence et à l’élévation du niveau des élèves, l’action menée s’inscrit dans la continuité de ce qui a été précédemment engagé.

Madame Melchior, monsieur Courbon, je suis parfaitement consciente que la loi « Vial » n’est pas appliquée, ce qui est évidemment un problème. Je viens de signer un décret qui vise non pas à compliquer la circulaire mais à accélérer la bascule de la prise en charge de la rémunération des AESH dans l’esprit de ce qui a été voté. Je serai particulièrement attentive à l’application de ces dispositions.

Madame Mesmeur, le plaidoyer en faveur d’une éducation à la vie affective et relationnelle et à la sexualité est un peu dépassé puisque, comme vous l’aurez noté, le programme a été publié. J’ai annoncé qu’il serait mis en œuvre à la rentrée prochaine. Nos enseignants recevront une formation adaptée. Le fait que le Conseil supérieur de l’éducation (CSE), composé de l’ensemble des organisations syndicales, ainsi que des représentants des parents et des associations familiales, ait voté à l’unanimité en faveur du programme me satisfait particulièrement. Le travail mené depuis des mois par le Conseil supérieur des programmes (CSP), qui a fait l’objet d’une longue concertation sous l’impulsion de ma prédécesseure Anne Genetet, est ainsi reconnu.

S’agissant de l’établissement Notre-Dame-de-Bétharram, je ne suis pas ministre de la justice et, quand bien même je le serais, je n’aurais pas à me prononcer sur une affaire qui fait l’objet d’une procédure judiciaire. Je ne m’exprimerai donc pas sur ce sujet : laissons la justice faire son travail.

Monsieur Proença, on constate en effet une trop forte sédentarité des jeunes, ce qui constitue une menace pour leur santé future. Cela appelle un renforcement du sport à l’école. Le programme des trente minutes d’activité physique quotidienne dans le premier degré se déploie, même s’il ne concerne encore que 60 % des écoles. Nous veillerons à ce qu’il soit étendu à l’ensemble des établissements. Les kits ont été fournis ; nous accompagnons les enseignants. Au collège, le dispositif « Deux heures d’activité physique et sportive en plus par semaine » se déploie plus lentement que nous ne l’avions prévu : nous l’avons donc recentré, à ce stade, sur les quartiers de la politique de la ville.

Je partage également vos propos sur l’importance de la santé scolaire, qui joue un rôle fondamental en matière de repérage et de prévention. Malheureusement, nous sommes confrontés, en la matière, à une crise des vocations, ce qui appelle une démarche volontariste – que j’ai engagée – pour aligner la rémunération des médecins scolaires sur celle des autres médecins de la fonction publique. Je travaille sur ces sujets avec le ministre chargé de la santé. Nous tiendrons des assises de la santé scolaire en avril. Il faut redonner toute sa place à cette discipline. À compter de la prochaine rentrée, les médecins scolaires auront accès à Mon espace santé, ce qui leur permettra, par exemple, de savoir si un jeune suit un traitement.

Je prends pleinement la mesure de l’inquiétude, évoquée notamment par M. Patrier-Leitus, que suscite, dans un territoire rural, la fermeture d’une classe. Je voudrais faire deux remarques à ce propos. D’une part, la stabilité des postes d’enseignant facilite l’élaboration de la carte scolaire. D’autre part, en nous appuyant sur les observatoires des dynamiques rurales, qui sont en cours de déploiement, nous pourrons travailler sur la base d’une vision pluriannuelle. Nous devons pouvoir faire de nos territoires éducatifs ruraux l’équivalent des cités éducatives, grâce à une mobilisation de tous les acteurs autour de l’école. Les collectivités sont, elles aussi, très motivées.

Je voudrais rassurer les uns et les autres en rappelant que les enjeux qui s’attachent à l’élaboration d’une carte scolaire concernent non seulement le taux d’encadrement mais aussi l’accessibilité, le temps de trajet. Élue d’un territoire rural, je sais ce que c’est d’entendre un jeune expliquer qu’il devra faire une heure de trajet dans chaque sens pour se rendre au collège ou au lycée où il souhaite étudier. C’est naturellement quelque chose que l’on doit prendre en compte, mais il faut le faire en réfléchissant collectivement – avec votre commission si elle le souhaite – pour inventer l’école de demain dans les territoires ruraux et garantir pleinement l’égalité des chances.

Mmes Spillebout et Thévenot m’ont interrogée sur l’IA. C’est un enjeu majeur qui rejoint les sujets de l’éducation aux médias et de la lutte contre la propagation de fausses informations. Certaines images fabriquées de toutes pièces sont d’un réalisme parfois déconcertant. Il est donc très important de fournir une formation à l’IA à nos jeunes. Elle aura lieu à partir de la rentrée prochaine sur la plateforme Pix. Elle comprendra tout d’abord une évaluation du niveau de compréhension des enjeux puis un module sur la manière de dialoguer avec l’IA. Cela sera aussi l’occasion de sensibiliser aux différents risques de biais de l’IA. On peut se réjouir que des communautés d’enseignants se soient déjà saisies de ces questions. Il faut repérer et généraliser les bonnes pratiques.

Il faut aussi développer l’IA en tant qu’outil pour nos professeurs, et le faire dans le cadre d’une IA souveraine, ouverte et évolutive. Des opérateurs français sont très bien placés dans ce domaine. France Travail a noué un partenariat avec Mistral AI ; j’espère que l’on pourra offrir des outils aux enseignants dans des conditions similaires grâce à un opérateur européen et, si possible, français. Je suis convaincue que cela peut permettre de mieux comprendre les difficultés d’apprentissage de certains élèves, et donc de personnaliser davantage leur accompagnement.

Je me rendrai volontiers en Seine-Saint-Denis, monsieur Corbière. Je mesure parfaitement les grandes difficultés auxquelles ce département largement classé en éducation prioritaire fait face. Un plan y avait été mis en œuvre et il convient d’aborder une nouvelle étape.

Mme Amrani affirme que nous sacrifions la politique publique de l’éducation. Pourtant, nous avons choisi de lui consacrer 15 milliards d’euros de plus, de stabiliser les effectifs d’enseignants malgré une baisse de 100 000 élèves et de créer 2 000 postes d’AESH supplémentaires. Sa remarque ne correspond pas à la réalité et n’appelle donc pas de réponse.

Monsieur Bruneau, je suis convaincue que les chefs d’établissements et les professeurs ont besoin de marges d’initiative. Même s’il faut aussi s’intéresser au recrutement, à la formation et aux rémunérations, c’est un point essentiel pour accroître l’attractivité de cette profession fondamentale pour notre pays. Cela revient à leur faire confiance, car ils connaissent la réalité de leurs établissements et de leurs territoires ainsi que les besoins de leurs élèves. C’est sur eux qu’il faut d’abord s’appuyer pour apporter les bonnes réponses.

Quel que soit le choix fait en matière de rythmes scolaires, le nombre d’heures d’enseignement reste identique. Le fonds de soutien au développement des activités périscolaires (FSDAP) a été maintenu pendant dix ans. Son extinction avait été annoncée depuis longtemps et nous ne prenons personne par surprise. J’espère néanmoins que les collectivités pourront maintenir la qualité de l’accompagnement proposé pendant les temps d’activités périscolaires.

Je suis entièrement d’accord avec vous, madame Bellamy : nous devons mieux analyser l’utilisation de la part collective du pass culture. J’ai pour ma part lancé une inspection, mais votre commission pourrait utilement se saisir de ce sujet si elle le souhaite. Les fonds consacrés à cette part collective, qui s’élevaient initialement à 14 millions d’euros en 2022, ont atteint 97 millions d’euros l’an passé. Les 72 millions d’euros prévus pour 2025 seront donc très probablement dépassés. Cela justifie que l’on s’intéresse au contenu des différents projets financés.

Je peux rassurer Mme Meunier sur le fait que le principe de neutralité s’applique dans nos établissements et qu’il doit être respecté par chacun. Quand ce n’est pas le cas, il revient aux autorités académiques de se saisir du dossier – ce qui, en l’occurrence, a été fait.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons à la deuxième série de questions.

M. José Beaurain (RN). La décision de la région Hauts-de-France de réduire fortement la dotation globale de fonctionnement (DGF) des lycées publics provoque une vive inquiétude dans l’Aisne. Ce département est particulièrement frappé, avec une baisse moyenne de 18,9 % qui met en péril le bon fonctionnement des établissements scolaires. Cette coupe budgétaire compromet fortement la capacité des lycées à assumer leurs dépenses essentielles. Elle aggrave également les difficultés d’un territoire qui souffre déjà de fragilités économiques et sociales.

Quelles mesures le gouvernement entend-il prendre pour garantir aux lycéens et enseignants axonais des conditions d’apprentissage dignes et pour pallier les effets de cette décision lourde de conséquences ?

Mme Céline Calvez (EPR). Afin de combattre les inégalités sociales, les classes de CP en REP+ ont été dédoublées dès 2017. Cette mesure a été ensuite étendue à la grande section de maternelle et au CE1. Plus de 20 % d’une classe d’âge en bénéficie désormais.

Quel bilan tirez-vous de cette mesure, non seulement en ce qui concerne les progrès des élèves et la motivation des professeurs, mais aussi s’agissant de l’attractivité des établissements en réseau d’éducation prioritaire ? Les familles qui contournaient la carte scolaire choisissent-elles désormais davantage ces écoles ?

Les indices de position sociale des établissements scolaires ont été publiés en octobre 2022. Quels enseignements en tirez-vous ? Comment en faire des leviers pour améliorer la mixité sociale dans les écoles, collèges et lycées ?

Plus généralement, comment entendez-vous refaire des écoles des lieux où se construit la société du vivre-ensemble ?

M. Aly Diouara (LFI-NFP). L’éducation n’est pas votre spécialité, avez-vous déclaré. C’est particulièrement préoccupant au vu des défis urgents auxquels fait face notre système éducatif.

Dans ma circonscription, un établissement illustre à lui seul ces difficultés. Construit à l’origine pour accueillir 700 élèves, le collège Paul-Bert de Drancy en compte aujourd’hui 801 et ils seront 848 lors de la rentrée prochaine – bien au-delà de ce qui est autorisé en matière de sécurité incendie. Les conditions d’apprentissage et de travail se détériorent : couloirs trop étroits, sanitaires insuffisants et encadrement minimal – 1 surveillant pour 140 élèves alors que la moyenne nationale est de 1 pour 80. Le manque d’AESH prive également des élèves en situation de handicap de l’indispensable inclusion à laquelle ils ont droit.

Il ne s’agit pas d’accorder des privilèges, mais de faire bénéficier chacun de l’égalité garantie par la République.

En Seine-Saint-Denis, comme d’ailleurs dans les territoires et départements dits d’outre-mer, l’État n’est pas à la hauteur. Comment comptez-vous garantir des conditions d’apprentissage et de travail dignes, tant pour les élèves que pour les personnels ? Allez-vous revoir à la hausse les effectifs d’encadrement, recruter davantage d’AESH et aider les collectivités territoriales à procéder à la nécessaire rénovation du bâti scolaire ?

Mme Céline Hervieu (SOC). La situation pour la rentrée 2025 à Paris est très préoccupante. Dans le premier degré, 110 postes seront supprimés – 92 dans le second degré – et 40 % des suppressions de postes prévues au niveau national concernent la seule académie de Paris.

L’argument de la baisse démographique ne tient pas, car celle-ci pourrait être mise à profit pour améliorer les conditions d’enseignement.

Les suppressions de classes fragiliseront encore plus une école publique largement concurrencée par le secteur privé. À Paris, la situation est très grave et, si nous ne réagissons pas rapidement, dans quelques années la moitié des élèves seront inscrits dans le privé. Durant les trois dernières années, 500 postes ont déjà été supprimés.

Pouvez-vous vous engager à renoncer à ces fermetures ?

Un projet de convention concernant la décharge des directeurs d’école à Paris a été transmis à votre ministère et nous espérons un avis favorable. La décharge d’enseignement quand l’école a plus de cinq classes est un élément important des conditions de travail des directeurs et c’est un instrument d’attractivité majeur.

L’arrêt du dispositif « lycéen » a jeté à la rue 108 élèves en situation précaire. Pourriez-vous en parler à votre collègue Valérie Létard afin de le rétablir et de permettre à ces jeunes scolarisés d’étudier dans de bonnes conditions ?

Mme Lisette Pollet (RN). La réforme de la terminale professionnelle introduit deux parcours différenciés, l’un orientant vers l’insertion professionnelle, l’autre préparant à la poursuite d’études tout en réduisant le nombre d’heures de cours au profit d’une présence accrue en entreprise.

Cette réforme suscite des inquiétudes parmi les enseignants et les syndicats, qui redoutent que la diminution des enseignements généraux ne fragilise les élèves souhaitant préparer un brevet de technicien supérieur (BTS) ou intégrer une autre formation post-bac.

Comment comptez-vous assurer un équilibre entre l’acquisition des compétences professionnelles et la consolidation des savoirs académiques, afin que tous les élèves, quelle que soit leur orientation future, disposent des mêmes chances de réussite ?

Quelles garanties pouvez-vous apporter pour éviter que la mise en place de ces parcours différenciés ne creuse les inégalités entre les élèves, notamment dans les territoires où l’accès aux stages et aux formations supérieures est limité ?

M. Christophe Marion (EPR). Le stage de seconde est devenu obligatoire l’année dernière pour l’ensemble des élèves des voies générale et technologique.

L’opération « Mon stage de seconde » et la plateforme 1Élève1Stage ont permis de faciliter les contacts entre les lycéens et les milieux professionnels. Cependant, il existe des inégalités entre les territoires en ce qui concerne le nombre de stages proposés mais aussi en matière d’accès aux entreprises, faute de transports en commun.

Pourriez-vous dresser un bilan de la première session et évoquer les aménagements prévus cette année afin que cette séquence d’observation soit plus réussie ?

J’ai été plusieurs fois interpellé dans ma circonscription à propos des dispositifs dérogatoires. En effet, l’article D. 331-68 du code de l’éducation autorise les élèves à remplacer leur stage par une mobilité européenne ou internationale, après accord de leur chef d’établissement. Mais la situation est floue pour les stages linguistiques, tantôt refusés, tantôt acceptés. Compte tenu de leur intérêt scolaire, professionnel et culturel, ne serait-il pas opportun de les accepter de manière claire ?

M. Idir Boumertit (LFI-NFP). Le 10 janvier 2025, la préfecture du Rhône a résilié le contrat d’association du groupe scolaire Al-Kindi, un établissement privé musulman. Cette décision a profondément choqué les responsables, enseignants et parents que nous avons rencontrés avec mon collègue Abdelkader Lahmar.

En effet, le lycée a scrupuleusement répondu aux exigences de l’éducation nationale et pris toutes les mesures nécessaires à la suite des inspections. Cette décision est donc incompréhensible et semble motivée par autre chose que la réussite des élèves – surtout si l’on considère le traitement réservé à d’autres établissements privés, comme le lycée Stanislas qui, quoique mis en cause pour des faits bien plus graves, continue de bénéficier du soutien de l’État. Deux poids, deux mesures.

Le groupe scolaire Al-Kindi accueille des enfants issus de quartiers populaires pour qui la République est un espoir. Allez-vous revenir au cadre républicain égalitaire et rétablir sans délai le contrat d’association de l’État avec le lycée Al-Kindi, afin de lui permettre de poursuivre sereinement sa mission éducative républicaine ?

Mme Géraldine Bannier (Dem). La semaine est marquée par le sommet de l’IA, mais ma question concerne l’enseignement des langues et cultures de l’Antiquité. Les deux sujets ne sont pas si éloignés.

Tout récemment, un rouleau de papyrus calciné durant l’éruption du Vésuve en l’an 79 de notre ère a été déchiffré grâce à une technologie de pointe mêlant les rayons X et l’IA. Miracle de la science, des chercheurs ont réussi à lire ce qui y était écrit sans même le dérouler. C’est ainsi que des pensées datant d’il y a 2 000 ans sont devenues accessibles, grâce à un colossal travail de déchiffrement s’appuyant sur des algorithmes.

À l’heure de ces découvertes, où en sommes-nous de l’enseignement du latin et du grec en France ? Les heures d’option de certains professeurs sont remises en cause. On leur demande parfois de se convertir aux lettres modernes, discipline où la pénurie d’enseignants se fait sentir. Enfin, les groupes de besoins sont parfois mis en place au détriment de ces enseignements précieux.

Saura-t-on encore former des spécialistes des langues et civilisations antiques, alors que l’IA ouvre de nouvelles pistes ?

Mme Anne Sicard (RN). Lorsque vous avez été interpellée sur le gel du pass culture, vous avez déclaré que la « quasi-totalité » des collèges et lycées étaient engagés dans la part collective de ce pass.

Ce terme masque mal un scandale. Alors que nous avons célébré hier les 20 ans de la loi handicap, la totalité des élèves souffrant d’un handicap et scolarisés dans des établissements spécialisés rattachés au ministère de la santé sont exclus du dispositif.

Pourquoi un tel rejet, sachant qu’à l’occasion du dernier comité interministériel du handicap, le 16 mai 2024, le premier ministre Gabriel Attal avait promis que tous les élèves, y compris ceux scolarisés dans un établissement spécialisé, auraient enfin accès à cette part collective dès la rentrée 2024 ? Une fois de plus, cette promesse a été trahie.

Pouvez-vous nous dire clairement quand vous mettrez un terme à cette terrible injustice ?

Mme Béatrice Piron (HOR). L’enquête Timss (Trends in International Mathematics and Science Study) de 2023 met à nouveau en évidence le retard des élèves français en mathématiques, dont le niveau reste inférieur à la moyenne de l’OCDE et de l’Union européenne.

L’âge et la maturité des élèves jouent un rôle-clé. En France, les élèves testés ont en moyenne 9,9 ans, contre 10,9 ans en Pologne et au Danemark et 10,8 en Suède – la moyenne européenne étant de 10,3 ans. Ces écarts influencent sûrement les résultats. En 2023, la Norvège a changé de classe et retenu le niveau CM2, avec une moyenne d’âge à 10,8 ans, afin de mieux se comparer à ses voisins.

Pouvez-vous nous préciser qui détermine les critères de sélection des élèves testés, sachant que le taux de participation est également variable d’un pays à l’autre – 97 % en France, contre 60 % en Roumanie ou 77 % aux Pays-Bas ? Des évolutions sont-elles prévues ?

M. José Gonzalez (RN). Votre projet d’éducation dès la maternelle à la vie affective, relationnelle et sexuelle suscite de vives inquiétudes.

En effet, ce programme prévoit de parler avec de très jeunes enfants d’anatomie intime, de sensations corporelles ainsi que de la grossesse et de la naissance. Or ces sujets sont traditionnellement abordés de manière progressive en fonction du développement cognitif et émotionnel des enfants, et souvent à travers leur imaginaire.

En les arrachant à ce dernier pour les confronter à la réalité, avez-vous évalué le risque de perturbation inutile mais durable de si jeunes enfants ? Et comment comptez-vous répondre aux préoccupations des parents qui estiment que ces enseignements devraient relever en priorité de la responsabilité familiale ?

Mme Julie Delpech (EPR). Le système actuel de financement des écoles privées sous contrat pose une difficulté particulière pour certaines communes, comme celle de Beaumont-sur-Sarthe, dans ma circonscription.

La contribution versée aux écoles privées situées hors du territoire atteint 714 euros par élève. Ce montant tient compte du coût moyen de scolarisation dans les écoles publiques et il a induit pour cette commune une dépense de 36 000 euros au cours de l’année scolaire passée. Ce mode de calcul crée un phénomène préoccupant. Lorsqu’un élève quitte une école publique pour rejoindre le privé, les coûts fixes des écoles publiques demeurent inchangés mais ils sont répartis sur un nombre d’élèves moindre. Il en résulte une hausse mécanique du coût moyen par élève dans le public et, partant, de la charge financière du privé pour les communes, ce qui fragilise encore davantage les écoles publiques locales.

Envisagez-vous de revenir sur la circulaire du 15 février 2012 afin de préciser la liste des dépenses devant être intégrées dans le calcul du coût moyen de scolarisation d’un élève du public ?

M. Frantz Gumbs (Dem). Sur l’île de Saint-Martin, les résultats scolaires sont nettement inférieurs aux moyennes de l’académie de la Guadeloupe, dont elle dépend, et plus encore aux moyennes nationales.

Cette situation persistante s’explique en partie par la prise en compte insuffisante des caractéristiques, notamment linguistiques, de ce territoire insulaire certes petit mais complexe, où l’anglais saint-martinois est beaucoup plus parlé que le français. Dans l’un des collèges de l’île, seuls 4 % des élèves parlent français à la maison, alors que 62 % y parlent anglais. Par ailleurs, la moitié des collégiens appartiennent à des catégories socioprofessionnelles défavorisées.

Or, seule une très faible proportion des enseignants est issue du territoire. Une plus grande connexion culturelle entre enseignants et élèves serait de nature à favoriser un meilleur rapport à l’école, et donc une meilleure réussite scolaire.

Pouvez-vous envisager d’adapter les méthodes pédagogiques et les procédures d’affectation de personnels, afin que ces derniers aient le profil idoine ?

Mme Florence Joubert (RN). Ma question porte sur la place occupée par la notion d’identité de genre au sein du programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle. Commandé en 2023 par Pap Ndiaye au Conseil supérieur des programmes, son contenu avait été scandaleusement réécrit par des associations militantes d’extrême gauche, à tel point qu’il faisait référence dix-sept fois aux termes « identité » et « genre ». En réalité, il s’agissait d’introduire chez nos enfants l’idée que l’identité dite de genre ne dépend pas du sexe biologique mais plutôt du ressenti subjectif de chacun – ce qui peut avoir des conséquences délétères sur de jeunes esprits fragiles car immatures.

Cette version a certes été en partie corrigée dans le projet actuel, mais il est toujours question d’évoquer la distinction entre sexe et genre dès la classe de cinquième. En quoi cette distinction est-elle vraiment différente de celle qui figurait dans la version initiale ? Vous engagez-vous à ce que la théorie du genre, promue par l’extrême gauche, ne trouve jamais sa place dans nos écoles ?

Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Faute de remplacements, il n’y a pas d’enseignant dans 250 classes du Val-d’Oise. En 2024, l’État a été condamné pour sa carence en matière de remplacement de professeurs dans ce département. Il est prévu d’y fermer 60 classes à la rentrée. C’est certes moins que les 105 fermetures envisagées en Seine-Saint-Denis, mais c’est quand même dramatique.

Quelques exemples : dans l’école maternelle Les Cygnes, à Enghien-les-Bains, des enfants sont confiés à des personnes en service civique recrutées par la mairie parce qu’il n’y a plus d’enseignante. Une classe entière de CE1 de l’école Raymond-Logeais n’a plus d’enseignant, alors que ses élèves avaient déjà souffert pendant un mois du manque de remplaçants quand ils étaient en CP. Dans l’école maternelle L’Orangerie, à Sannois, quatre enseignants ne sont pas remplacés alors qu’il y a sept classes.

Vous allez me dire que le métier d’enseignant n’est absolument pas attractif. Mais qui en est responsable depuis 2017 ? Face aux situations que j’ai décrites, que répondez-vous aux parents, aux enfants et aux enseignants ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. La question de M. Beaurain s’adressait en fait au président de la région des Hauts-de-France ; son objectif était probablement de réaliser une capsule vidéo.

Madame Calvez, je vous confirme que le dédoublement des classes dans les REP + et les moyens supplémentaires qui leur ont été affectés ont produit des résultats positifs sur le niveau des élèves. Je transmettrai à votre commission les évaluations détaillées. Cette mesure est également positive pour les enseignants, qui bénéficient de décharges et de primes supplémentaires et qui sont ainsi incités à enseigner dans des secteurs qui étaient moins attractifs dans le passé. Manifestement, le dispositif porte ses fruits et il faut poursuivre.

L’indice de position sociale est pris en compte dans l’attribution des moyens aux établissements, aussi bien publics que privés. Un IPS faible nous alerte sur la nécessité de mobiliser davantage de moyens.

S’agissant de la mixité sociale, il faut continuer à développer l’ensemble des dispositifs existants pour assurer l’égalité des chances et donc l’attractivité des établissements, y compris lorsqu’ils sont situés dans des QPV – par exemple en développant des sections internationales. Les internats d’excellence font également partie de cette politique, de même que le dispositif des Cordées de la réussite, qui permet à des collégiens d’aller étudier dans des établissements qu’ils n’auraient pas envisagés. Notre devoir est d’ouvrir les perspectives les plus larges et que les choix des élèves, quelle que soit leur origine sociale, ne se fassent pas par défaut. J’y suis très attachée.

J’ai déjà répondu aux questions concernant la situation de la Seine-Saint-Denis. Je me pencherai avec attention sur les remplacements dans le Val-d’Oise. De façon générale, il y a moins de 5 % d’absences de longue durée et nous avons multiplié par quatre les remplacements de courte durée – qui ont bénéficié de 100 millions d’euros supplémentaires lors de la dernière rentrée. Cela ne veut pas dire que la situation est satisfaisante et j’entends que certains cas ne sont pas acceptables mais, en tout cas, on va dans le bon sens.

Le taux d’encadrement à Paris est le plus élevé de l’Hexagone, madame Hervieu. Il faut en être conscient. Je suis donc un peu surprise quand on me dit que des classes sont surchargées à Paris ; je veux bien que l’on me donne des exemples. Globalement, la démographie baisse. Je ne me réjouis pas que l’on compte 800 000 élèves de moins sur une période de dix ans et qu’il y en ait 100 000 de moins à la rentrée prochaine. Et cette évolution est encore plus marquée à Paris, tandis que les suppressions de postes y ont été moins nombreuses ces dernières années que celles auxquelles on aurait dû procéder compte tenu de la démographie. Telle est la réalité et, dans une logique d’équité territoriale bien comprise, on doit quand même tirer les conséquences d’une situation particulièrement favorable en matière d’encadrement à Paris.

J’ai déjà eu l’occasion de répondre au sujet des décharges d’activité des directeurs d’école à Paris. Si la Ville de Paris trouvait que le système était formidable, pourquoi a-t-elle décidé en 2019 de cesser de financer ces décharges ? Ce faisant, elle a attiré l’attention de la Cour des comptes qui a enjoint l’État de suspendre ce dispositif sans fondement juridique. Que la Ville de Paris veuille bien s’acquitter des 120 millions d’euros qu’elle a omis de verser à l’État et nous verrons si l’on peut trouver un cadre juridique et financier adapté. Je suis prête à y travailler mais je le répète, la situation actuelle résulte de la décision prise en 2019 de ne plus financer le dispositif, ce qui n’en simplifie pas la prolongation.

Je suis consciente qu’il est plus difficile de trouver des stages en seconde lorsque le territoire compte peu d’entreprises. C’est la raison pour laquelle des modalités particulières sont prévues, par exemple en acceptant que les stages aient lieu sur les plateaux techniques des lycées professionnels. Il faut poursuivre la réflexion et continuer à travailler avec les collectivités, car il s’agit là encore d’égalité des chances. La plateforme 1Élève1Stage permet de drainer des offres et nous avons des entreprises très motivées, grâce notamment au réseau « Les entreprises s’engagent ». Dans la mesure du possible, il faut permettre aux élèves de découvrir des métiers quel que soit leur établissement scolaire.

Nous voulons élargir le plus possible les possibilités en matière de stages et, s’il y a une ambiguïté, nous ferons le nécessaire pour que les stages linguistiques soient bien acceptés partout.

Même si elle a été prise sur la base des éléments transmis par l’inspection de l’éducation nationale, la décision de mettre fin au contrat avec le groupe scolaire Al-Kindi relève du préfet, monsieur Boumertit. Elle peut faire l’objet de recours. Je ne peux pas me prononcer sur une décision qui ne relève pas de mon ministère.

Madame Bannier, il est exact que le nombre d’élèves qui souhaitent suivre l’enseignement du latin baisse. C’est particulièrement le cas au collège. A contrario, des professeurs motivés peuvent parfois inverser la tendance. Ainsi, dans un collège de ma circonscription, 250 jeunes font du latin. Il y a donc aussi de bonnes nouvelles, mais la baisse est en effet préoccupante. Les programmes sont en cours de réécriture et leur nouvelle version mettra mieux en valeur le lien entre l’Antiquité et le monde moderne pour rendre la discipline plus attractive. Nous souhaitons mener une réflexion avec l’Inspection générale de l’éducation nationale sur l’opportunité de mettre en place une spécialité unique grec et latin pour attirer davantage d’élèves, renforcer l’enseignement des humanités au lycée et renouveler le vivier des étudiants intéressés par ces disciplines.

Je vais voir avec ma collègue Catherine Vautrin comment corriger la situation évoquée par madame Sicard s’agissant de la part collective du pass culture pour les élèves des établissements médico-sociaux. Il n’y a en effet pas de raison que ces élèves ne puissent pas en bénéficier.

Une fois encore, le programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle a été adopté à l’unanimité par le Conseil supérieur de l’éducation. Cet enseignement progressif a été élaboré par des spécialistes de l’éducation, de la santé et de la jeunesse. Je pense qu’ils savent mieux que nous ce qu’il est pertinent d’apprendre à un jeune en fonction de son âge et de sa maturité. Comme on entend parfois des choses assez éloignées des réalités, je tiens à souligner que, dans le premier degré, il s’agit seulement d’une éducation à la vie affective et relationnelle, la sexualité n’étant abordée que dans le second degré.

Il est important de parler de l’intimité du corps, y compris à des jeunes élèves. Chaque année, 120 000 mineurs sont victimes d’agressions sexuelles, le plus souvent dans la sphère familiale. Il est précisé dans le préambule du programme qu’il doit être mené la main dans la main avec les familles. Mais il est des cas que l’on ne peut manifestement pas ignorer. Cet état de fait impose d’enseigner aux jeunes que leur corps leur appartient – et de le faire à l’école si ce n’est pas suffisamment expliqué à la maison.

Il n’est pas question de théorie du genre. Dans le programme qui a été publié la semaine dernière, il est fait référence à la notion d’identité de genre – laquelle figure dans le code pénal, qui proscrit notamment les discriminations en fonction du sexe, de l’identité de genre ou de l’orientation sexuelle.

Je propose à M. Gumbs que nous examinions ensemble comment s’adapter à la particularité linguistique de Saint-Martin.

Nous allons aussi nous pencher sur la situation du collège Paul-Bert, monsieur Diouara. C’est sans doute un cas particulier puisque, de manière globale, nous avons renforcé les effectifs d’AED, de CPE et d’AESH.

Plusieurs collectivités ont également soulevé la question que vous avez posée, madame Delpech. La loi fixe pour principe que les établissements publics et privés sont financés de manière égale. Une modification de la circulaire de 2012 pourrait permettre d’éviter les effets pervers que vous avez mentionnés.

Madame Piron, il revient à la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) de fixer à quel moment du cursus doit être pratiquée l’évaluation Timss. Nous évaluerons avec elle l’opportunité d’une rectification pour éviter le biais que vous avez évoqué.

M. Aly Diouara (LFI-NFP). Vous n’avez pas répondu à ma question sur l’amélioration du financement du bâti scolaire par les collectivités territoriales.

En outre, il est prévu de recruter vingt-trois AED supplémentaires en Seine-Saint-Denis lors de la prochaine rentrée. Vous conviendrez que c’est largement insuffisant. Quels dispositifs comptez-vous mettre en place ? Peut-être ferez-vous des annonces lors de votre prochaine visite dans ce département.

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. Je pourrais passer dans tous les départements faire des annonces…

Le bâti scolaire relève des collectivités territoriales. Chacun a pu noter que l’état de ce bâti s’est largement amélioré depuis la décentralisation grâce à l’implication des communes, des départements et des régions. Les collectivités ne m’ayant pas sollicitée, je suppose qu’elles estiment avoir suffisamment de marges de manœuvre.

Je ne dispose pas des chiffres précis s’agissant des AESH et des AED en Seine-Saint-Denis, mais je vous les fournirai ultérieurement.

 

La séance s’achève à dix-neuf heures quinze.

 


Présences en réunion

 

 

Présents.  Mme Farida Amrani, M. Raphaël Arnault, M. Erwan Balanant, M. Philippe Ballard, M. José Beaurain, Mme Béatrice Bellamy, M. Arnaud Bonnet, M. Idir Boumertit, Mme Soumya Bourouaha, M. Joël Bruneau, Mme Céline Calvez, M. Aymeric Caron, M. Salvatore Castiglione, M. Roger Chudeau, M. Bruno Clavet, M. Pierrick Courbon, M. Laurent Croizier, Mme Julie Delpech, M. Aly Diouara, Mme Anne Genetet, M. José Gonzalez, M. Emmanuel Grégoire, M. Frantz Gumbs, M. Steevy Gustave, Mme Ayda Hadizadeh, Mme Céline Hervieu, M. Sacha Houlié, Mme Florence Joubert, Mme Fatiha Keloua Hachi, M. Jean Laussucq, M. Bartolomé Lenoir, M. Eric Liégeon, M. Christophe Marion, Mme Graziella Melchior, Mme Marie Mesmeur, Mme Frédérique Meunier, M. Maxime Michelet, M. Julien Odoul, M. Jérémie Patrier-Leitus, M. Thierry Perez, Mme Béatrice Piron, Mme Lisette Pollet, M. Christophe Proença, Mme Isabelle Rauch, M. Jean-Claude Raux, Mme Nicole Sanquer, M. Arnaud Sanvert, Mme Anne Sicard, M. Bertrand Sorre, Mme Violette Spillebout, Mme Prisca Thevenot

Excusés.  M. Gabriel Attal, M. Xavier Breton, M. Frédéric Maillot, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Claudia Rouaux

Assistaient également à la réunion.  Mme Géraldine Bannier, Mme Gabrielle Cathala, Mme Mélanie Thomin