Compte rendu
Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation
– Dans le cadre de l’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires (article 5 ter de l’ordonnance n° 58‑1100 du 17 novembre 1958), audition de Mme Anne Morvan-Paris, directrice générale de France enfance protégée 2
– Présences en réunion..............................16
Mardi
25 mars 2025
Séance de 16 heures 30
Compte rendu n° 36
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi, Présidente
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La séance est ouverte à seize heures trente.
(Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi, présidente)
La commission auditionne, dans le cadre de l’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires (article 5 ter de l’ordonnance n° 58‑1100 du 17 novembre 1958), Mme Anne Morvan-Paris, directrice générale de France enfance protégée.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Mes chers collègues, nous poursuivons nos travaux d’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires en recevant Mme Anne Morvan-Paris, directrice générale de France enfance protégée.
Nous avons souhaité vous entendre notamment parce que l’organisme que vous dirigez est responsable de deux outils en lien avec notre sujet : le numéro 119 « Allô enfance en danger », ouvert 24 heures sur 24, désormais doublé d’un site internet « allo119.gouv.fr », dont un affichage dans les établissements scolaires doit obligatoirement signaler l’existence aux élèves ; l’Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE), grâce auquel vous disposez de données statistiques sur les violences dont les enfants sont victimes.
L’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter le serment, de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
(Mme Anne Morvan-Paris prête serment.)
Madame la directrice générale, pouvez-vous brièvement rappeler le contexte de création de France enfance protégée et citer les acteurs de la prévention et de la protection de l’enfance qu’il le regroupe ? Pouvez-vous également nous indiquer quelle en est la gouvernance ?
Quels sont les moyens humains et financiers dont vous disposez ? Les jugez-vous adaptés aux besoins de vos missions ?
Mme Anne Morvan-Paris, directrice générale de France enfance protégée. Je vous remercie de m’accueillir pour cette audition. Je représente aussi Florence Dabin, présidente de France enfance protégée, et l’ensemble de la gouvernance.
Comme vous le savez, France enfance protégée est une création récente, faite d’un agglomérat d’institutions ou de différents dispositifs qui pouvaient exister au préalable : le groupement d’intérêt public (GIP) Enfance en danger, qui était le GIP initial d’accueil du numéro 119 du service national d’écoute téléphonique et l’Observatoire national de la protection de l’enfance, qui était inclus au GIP Enfance en danger ; puis se sont ajoutés, depuis le 1er janvier 2023, à la suite de la loi du 7 février 2022, l’Agence française de l’adoption (AFA) et le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (Cnaop). La loi nous a aussi confié de nouvelles missions, notamment la création de bases de données sur le contrôle des agréments.
De création récente, du GIP France enfance protégée sont issus des départements – chacun étant appelé à contribuer, c’est obligatoire –, et de l’État, selon un partage à 50 %. À ce jour, chacun donne l’équivalent de 4,9 millions d’euros, soit un budget total d’un peu moins de 10 millions d’euros s’agissant des recettes.
Nos dépenses sont un peu supérieures aux recettes, autour de 11,5 millions d’euros d’après le dernier compte financier.
En termes de gouvernance, la présidence est assurée par Florence Dabin, qui représente les départements. Désignée par Départements de France, elle est présidente du conseil départemental du Maine-et-Loire et par ailleurs vice-présidente, au sein de Départements de France, du groupe Enfance, qui regroupe l’ensemble des départements. La vice-présidence est assurée par l’État, et c’est donc la DGCS (direction générale de la cohésion sociale) qui est notre administration de tutelle Enfin la deuxième vice-présidence est assurée par un représentant des associations, en la personne de Martine Brousse, présidente de la Voix de l’enfant. Les associations occupent une place particulière car elles sont présentes dans la gouvernance bien qu’elles ne contribuent pas financièrement. Par exemple, elles ne votent pas le budget, mais elles participent à l’ensemble des autres décisions.
La particularité de France enfance protégée est d’avoir un personnel issu de différents organismes. Nous comptons une centaine d’agents, exactement 110 ETP (équivalents temps plein), dont beaucoup d’écoutants du 119 à temps incomplet, qui constituent un tiers de notre effectif. Ces écoutants représentent l’équivalent de 25 ETP, mais ils sont presque une cinquantaine aujourd’hui en nombre physique. Une vingtaine d’agents sont par ailleurs affectés au service de l’adoption. L’ONPE compte une vingtaine d’agents et le Cnaop, huit agents. Viennent ensuite les services supports : communication, finances, informatique.
Le GIP, ce sont donc 110 agents dont un tiers est constitué d’écoutants.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. Madame la directrice générale, merci de répondre à nos questions qui vont être assez directes dans le cadre de cette commission d’enquête, puisque nous nous intéressons ici aux modalités du contrôle de l’État. Ce qui va particulièrement nous intéresser, c’est le cheminement des signalements qui pourraient être faits sur des violences dans le cadre scolaire, sur des enfants, par des adultes ayant autorité. Au-delà de l’aspect statistique que vous pourrez peut-être développer sur la part des violences scolaires et votre façon de les repérer par rapport à d’autres lors d’un primo appel d’un enfant ou d’une personne qui voudrait signaler un enfant en danger, ma question portera sur la transmission des informations préoccupantes.
Avec mon co-rapporteur Paul Vannier, nous avons mesuré, au cours de nos premières investigations, à quel point la Crip – la cellule de recueil des informations préoccupantes des départements –, occupait une place essentielle dans ce dispositif, même si, parfois, elle n’apparaît pas dans les chaînes de signalement.
Selon quels critères transmettez-vous des signalements aux Crip ? Quelle connaissance avez-vous du suivi des signalements que vous avez opérés ? Quel est le rôle de ces Crip, plus précisément ?
Mme Anne Morvan-Paris. Les textes prévoient que tout signalement doit être traité par la Crip. Au 119, nous effectuons un premier tri des appels reçus. Certains ne relèvent pas de notre compétence, comme les violences sur adultes, et sont réorientés vers d’autres services. Sur une année, nous traitons environ 35 000 situations.
Concernant les violences institutionnelles, leur nombre est actuellement très faible. Une étude menée en 2023 sur les données de 2021 a identifié 450 cas sur 32 000 appels. La majorité des signalements concerne des violences intrafamiliales.
Lorsqu’un appel est traité, l’écoutant recueille un maximum d’informations sur la nature du danger, l’adresse, l’identité de l’appelant et les circonstances. Ces informations sont ensuite transmises à la Crip, sauf dans deux cas exceptionnels : en cas de danger immédiat, nous contactons directement la police ; en cas de danger grave et imminent nécessitant une ordonnance de placement provisoire (OPP), nous effectuons un signalement direct au procureur.
Les Crip jouent un rôle central dans le dispositif. Elles réalisent une évaluation sociale approfondie, impliquant des travailleurs sociaux et parfois d’autres professionnels comme des puéricultrices ou des psychologues. La loi de 2022 rend obligatoire l’utilisation du référentiel de la Haute autorité de santé (HAS) pour cette évaluation, bien que son application ne soit pas encore généralisée.
Concernant l’éducation nationale, nous recevons de nombreux appels d’enseignants, de proviseurs ou d’infirmières scolaires. Nous les encourageons à utiliser leur circuit de signalement interne, tout en alertant la Crip si nous estimons qu’il y a un danger. Cependant, nous devons améliorer notre protocole avec l’éducation nationale, qui se limite actuellement à l’affichage du numéro 119 dans les établissements.
Nous recevons également des signalements de familles et d’autres professionnels du milieu scolaire et périscolaire. La majorité concerne des inquiétudes sur la situation familiale d’un élève. Les signalements de violences commises par des professionnels de l’éducation sur des enfants sont rares, avec environ une centaine de cas par an.
Nous fournirons des données plus détaillées dans notre rapport écrit.
M. Paul Vannier. Madame la directrice générale, pour suivre le processus de signalement auprès des Crip, disposez-vous d’un suivi du travail effectué par chacune d’entre elles après qu’une alerte a été lancée ?
Mme Anne Morvan-Paris. En effet, je n’ai pas répondu à la question sur le retour d’information, qui est l’un de nos principaux axes d’amélioration. Actuellement, chaque département dispose de sa propre Crip et de son propre système de sollicitation. Nous utilisons un système de courriels avec une fiche type envoyée à la Crip. Notre système d’information nous permet de suivre le traitement de chaque fiche, notamment en cas de réquisition, en précisant les actions entreprises et leur chronologie. En théorie, chaque Crip devrait nous faire un retour, mais ce n’est pas systématique.
Concernant les violences institutionnelles, une enquête a été menée pour évaluer le suivi. Nous n’avons reçu qu’un tiers environ de réponses des Crip, ce qui est relativement faible. Cette situation entraîne une imprécision statistique qui nous pose un problème. Nous ne sommes pas en mesure de déterminer le nombre total d’informations préoccupantes en France, sachant que le 119 ne représente que 20 % environ des informations préoccupantes (IP), les 80 % restants étant traités directement sur le territoire concerné.
Non seulement nous ne pouvons pas additionner le nombre total d’IP en France ni les caractériser de manière cohérente, mais nous n’avons pas non plus de retour systématique sur les suites données. Cela s’explique par l’absence d’un système d’information unifié autour de l’information préoccupante et, plus généralement, en protection de l’enfance. Nous sommes donc confrontés à un véritable problème de qualité des données.
Il convient de préciser que la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), qui est désormais responsable des statistiques publiques sur la protection de l’enfance depuis la loi de 2022, va lancer une enquête spécifique sur les IP. Auparavant, cette mission incombait à l’ONPE, qui ne disposait pas des mêmes moyens que la Drees.
M. Paul Vannier, rapporteur. Peut-on donc envisager que certains des signalements transmis aux Crip se perdent ou soient oubliés ? Ma question suivante concerne les critères qui vous conduisent à saisir directement le procureur de la République, les services de police ou la gendarmerie. Est-ce uniquement le degré d’urgence qui détermine l’utilisation de ces canaux de remontée ?
Mme Anne Morvan-Paris. Concernant le suivi par les Crip, des enquêtes de l’Igas (Inspection générale des affaires sociales) ont été menées dans certains départements pour évaluer les suites données aux signalements. Nous savons qu’il n’y a pas de perte d’information sur la situation, mais qu’il peut y avoir des délais importants – parfois de plusieurs semaines, voire plusieurs mois – entre la réception du dossier par la Crip et la mise en œuvre de l’évaluation.
Ayant travaillé au sein d’un département, je peux en parler librement. Il y a d’abord le problème de l’ouverture du dossier et de l’intervention. L’intervention implique notamment le contact avec l’entourage de l’enfant, y compris la famille et les professionnels. C’est à ce stade qu’intervient la liaison avec l’éducation nationale lorsque l’enfant est scolarisé. L’enquête vise à dresser un état des lieux de la situation de l’enfant, à identifier les référents, et les travailleurs sociaux sont censés se rendre dans la famille pour l’interroger et effectuer une évaluation. Ce processus peut prendre plusieurs mois.
Ce qui nous manque actuellement, c’est le retour d’information. Nous ne savons pas si l’information préoccupante a été qualifiée comme telle ou non. Il y a une phase de qualification qui détermine si une suite est donnée, voire un signalement au procureur effectué.
Pour nous, le critère principal d’intervention directe est le danger grave et imminent. Par exemple, lorsqu’on nous signale des coups reçus récemment ou des révélations de violences sexuelles, notamment par des mineurs eux-mêmes, nous signalons la situation directement au procureur. Les seules fois où nous sommes passés outre les Crip, c’était sur des sujets complexes comme la prostitution des mineurs : nous avions reçu plusieurs signalements pour la même mineure sans qu’il y ait apparemment de réaction sur le terrain. Dans ces cas, nous faisons un signalement au procureur, car nous savons que ces jeunes filles sont en danger dans un réseau.
M. Paul Vannier, rapporteur. Pour recentrer le débat sur les 450 faits de violences institutionnelles repérés chaque année, quel est le suivi des Crip dans ces cas ? Nous avons le sentiment, après avoir échangé avec l’une d’entre elles, que leur sujet principal étant les violences intrafamiliales, elles sont un peu démunies face à d’autres types de violences qui leur sont signalées. Lorsque ces violences institutionnelles sont transmises, avez-vous un regard plus précis sur le suivi qui en est fait ?
Mme Anne Morvan-Paris. La difficulté avec les violences institutionnelles réside dans le fait que le 119 a été initialement conçu pour repérer les violences intrafamiliales. Progressivement, la question des violences institutionnelles est apparue, que ce soit en matière d’accueil du jeune enfant ou dans le domaine du handicap. Le réflexe consistant à contacter le 119 ou la Crip pour ces situations n’est pas encore systématique, y compris au sein des départements. On observe parfois des situations étonnantes où des institutions qui se connaissent bien ne se signalent pas mutuellement des situations problématiques qui ne sont pas encore qualifiées.
Lorsque le parquet est saisi, on peut considérer que le sujet est pris en charge, ce qui est plutôt rassurant. Cependant, je pense notamment aux institutions du secteur du handicap, financées ou autorisées par le département, ainsi qu’aux institutions de l’aide sociale à l’enfance, où la situation est plus complexe.
Il existe un système de signalement d’événements indésirables dans les établissements médico-sociaux, mais il n’y a pas de lien établi entre ces événements, qui peuvent être très graves, et le processus d’information préoccupante. Par exemple, un éducateur ayant un comportement violent envers des enfants, comme cela s’est produit dans plusieurs foyers de l’enfance, ne fait pas systématiquement l’objet d’une IP. Parfois, ces situations sont traitées en interne par l’institution, voire pas du tout traitées, et on ignore ce qui se passe réellement.
Cette problématique a été bien mise en évidence dans un rapport rédigé par Florence Dabin, en sa qualité de présidente de France enfance protégée, à la suite de divers drames et difficultés dans l’accueil du jeune enfant. En raison des changements ministériels, il y a eu des hésitations quant à son destinataire. Finalement, il a été remis à Agnès Canayer, qui a quitté ses fonctions peu après.
Ce rapport, que j’ai récemment relu, aborde de manière exhaustive les problématiques liées aux violences institutionnelles. Il traite notamment du repérage, de l’amélioration de la culture professionnelle pour mieux identifier les signes de maltraitance institutionnelle, ainsi que de la prise en charge des familles et des enfants victimes de violences avérées. Il évoque également la question du partage d’informations. Les recommandations qu’il contient sont applicables à divers contextes, qu’il s’agisse de l’éducation sociale, des centres de loisirs ou des écoles de musique. Les enjeux principaux sont la vigilance collective des adultes, l’amélioration de la formation pour mieux repérer et écouter les enfants, et le traitement des signalements.
Concernant l’éducation nationale, le circuit de traitement peut varier, passant parfois par l’établissement, l’information préoccupante ou le 119. Il peut y avoir une certaine déperdition dans le traitement des violences institutionnelles, qui peuvent être gérées de manière disciplinaire, interne, pénale, ou par une combinaison de ces approches. Nous manquons actuellement de documentation précise sur ces processus.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Je m’interroge sur votre mention précédente concernant le recours au 119 par des enseignants ou une équipe éducative pour comprendre une situation. Vous évoquez des flottements dans les circuits de l’éducation nationale, ce qui est préoccupant, mais aussi intéressant pour notre commission d’enquête. En cas de violence avérée d’un adulte sur un enfant dans un établissement, comment les autres membres de l’équipe éducative devraient-ils procéder pour effectuer un signalement ? Le 119 ne devrait pas être le canal habituel dans ce cas de figure.
Mme Anne Morvan-Paris. En général, s’agissant des violences suspectées sur des enfants, notamment dans le cadre familial, il arrive que des proviseurs ou des enseignants nous contactent, ne sachant pas comment aborder le sujet avec leurs collègues. Cette situation se retrouve dans d’autres institutions culturelles et sportives. Malgré l’existence d’un service social dédié aux élèves, qui devrait normalement être le point de contact pour ces situations, les professionnels se tournent parfois vers le 119. Cela s’explique en partie par le manque de moyens et d’effectifs dans les services sociaux et médicaux scolaires, particulièrement dans les collèges où ces questions sont fréquentes. Au 119, nous redirigeons systématiquement ces professionnels vers leurs propres institutions, tout en reconnaissant qu’il peut exister une certaine méfiance envers ces systèmes internes ou une frustration face à des signalements antérieurs restés sans suite.
Concernant les violences dites institutionnelles, nous recevons une centaine de signalements impliquant des professionnels de l’éducation nationale et du périscolaire. Ces signalements proviennent principalement des enfants eux-mêmes ou de leurs parents, rarement des collègues des personnes en causes.
M. Paul Vannier, rapporteur. S’agissant de ces 450 cas de violences institutionnelles, majoritairement signalés par des élèves ou leurs parents, pouvez-vous détailler la nature de ces violences, leur fréquence et les types d’établissements concernés ? Par ailleurs, l’affichage du numéro 119 est-il effectivement réalisé dans tous les établissements qui y sont tenus ? Comment expliquez-vous la faible proportion de signalements de violences institutionnelles malgré cet affichage censé être généralisé ?
Mme Anne Morvan-Paris. Nous envoyons effectivement les affiches à tous les établissements, mais leur emplacement et leur visibilité peuvent varier considérablement. Nous constatons que les élèves, particulièrement au collège, connaissent le 119 mais ne l’associent pas nécessairement aux situations impliquant des enseignants ou des animateurs ayant des comportements violents. Il est crucial d’améliorer notre communication sur ce point.
Nos données couvrent tous les établissements sous contrat avec l’éducation nationale, publics comme privés. Sur la centaine de situations signalées, environ 90 professionnels sont concernés par des actes de violence institutionnelle. Un tiers des cas rapportés concerne des violences psychologiques, suivies par les violences physiques. En comparaison, dans le champ de l’aide sociale à l’enfance, les signalements portent davantage sur des négligences, tandis que dans le domaine des activités extrascolaires, les violences sexuelles sont plus fréquemment signalées, bien que sur un échantillon plus restreint de 25 cas.
Nous reconnaissons la nécessité d’améliorer le repérage de ces situations, car nos données actuelles sont limitées. Nous collaborons avec l’ONPE et la Drees pour systématiser la collecte d’informations sur les violences institutionnelles. Il est également important de préciser les définitions utilisées, notamment concernant les violences psychologiques, qui peuvent parfois être confondues avec des problèmes de gestion de classe ou des sentiments de harcèlement.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. Prenons le cas simple de parents qui appellent le 119 pour faire part d’un viol ou de violences sexuelles d’un enseignant sur leur enfant. Selon votre protocole, faites-vous une fiche pour la Crip ou pas ? Faites-vous un signalement au procureur ou appelez-vous la police immédiatement ? Votre démarche s’arrête-t-elle après le signalement au procureur ? Lorsqu’un citoyen dépose plainte, il demande un suivi de sa plainte. De votre côté, bénéficiez-vous d’un suivi ou d’un retour du procureur ? Le processus vous semble-t-il efficace ?
Mme Anne Morvan-Paris. Lorsque nous recevons un tel signalement, la Crip est immédiatement informée. Une fiche permet d’identifier l’adresse, les circonstances, etc. Si un viol est signalé, accompagné d’un certain nombre d’indices, il provoque un signalement au procureur, même s’il faut rester prudent, car les violences sexuelles peuvent être de différentes natures.
Évidemment, tout système laisse voir des imperfections. Les protocoles utilisés par nos écoutants peuvent s’accompagner de ratés, et j’espère que ce n’est pas le cas. Aujourd’hui, on doit nous rappeler plusieurs fois avant d’être en mesure de parler à un écoutant. Ma priorité consiste vraiment à faire en sorte qu’il soit répondu à chaque appel immédiatement, pour éviter de passer à côté d’une situation grave. Je pense par exemple aux jeunes filles qui appellent lorsqu’elles souhaitent s’exprimer, que ce soit pour elles ou leurs amies. Si nous ne répondons pas tout de suite, c’est un problème. Les mineurs sont priorisés, mais la situation peut être compliquée. Je veux atteindre un meilleur taux de réponse des écoutants. C’est une vraie piste d’amélioration.
Parfois, il peut y avoir une part d’interprétation de l’écoutant, ce qui suppose que le protocole adopte une forme scénarisée. On évoque le mot « viol », que se passe-t-il ? On évoque une violence sexuelle, que dois-je faire selon la nature de cette violence ? Il nous faut être le plus clair possible.
Enfin, nous ne disposons pas d’un outil unique pour tracer tous les retours. Nous ne savons donc pas ce qui se passe ensuite.
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Je souhaite d’abord partager un sentiment. En vous écoutant, j’ai vraiment l’impression que nous sommes face à une usine à gaz, alors que nous devrions disposer d’un protocole clair. Face à un risque on doit se placer en mode gestion de risque et mettre en place un protocole qui n’apparaisse comme une aide apportée, mais comme un processus extrêmement carré, clair, suivi pour éviter tout dysfonctionnement. Non seulement nous avons affaire à une usine à gaz, mais il semble même y avoir des trous dans les tuyaux de cette usine – mon propos n’étant pas de vous blâmer, j’espère que vous le comprenez. Il est impératif que cela change et j’espère sincèrement que cette commission d’enquête provoquera ce bouleversement nécessaire et que nous pourrons vous apporter le soutien requis.
J’avais également fait remarquer aux membres de la Ciivise (Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants) que nous avons auditionnés qu’il n’existe pas moins de cinq numéros différents pour signaler des cas de violence. Il y a le vôtre, le 119, mais également d’autres que vous connaissez. C’est aberrant et cela doit cesser. C’était d’ailleurs le cri du cœur d’une des victimes du collectif Bétharram : un seul numéro unique. Ce n’est pas aux personnes de chercher le bon numéro. Il faut un numéro unique, connu, national et qu’il s’inscrive dans le cadre d’une procédure parfaitement identifiée.
Pour le 119, il faut savoir lire et compter. Qu’en est-il des jeunes enfants qui ne savent pas encore lire, qui ne savent pas encore compter, et qui n’ont même pas accès à ce numéro ? L’association Les papillons a mis en place des boîtes aux lettres dans les établissements scolaires. Je sais que son président se bat pour que son initiative soit reconnue, ce qui n’est pas encore le cas. C’est pourtant un moyen de remontée d’alerte nécessaire quand on n’a pas accès à un téléphone et quand on ne sait ni lire ni écrire.
Ma deuxième question : pouvez-vous nous expliquer pourquoi on n’arrive pas à obtenir un affichage et une communication obligatoires sur votre numéro ? Nous savons mettre en place un processus pour les risques d’attentat. Je ne veux pas les quantifier, mais les risques de violences faites aux enfants sont bien plus élevés. On parle de trois enfants en moyenne par classe. Les risques d’attentat existent, mais ils sont heureusement beaucoup moins nombreux. Je n’ai pas de réponse pour l’instant à cette question. Peut-être qu’en tant que directrice, vous avez des éléments de réponse.
M. Roger Chudeau (RN). Notre commission d’enquête a pour objectif principal d’identifier les éventuelles défaillances de l’État dans le suivi des signalements de violences à l’encontre de nos élèves. J’aimerais obtenir des précisions concernant les relations entre le 119 et l’éducation nationale. Il peut paraître surprenant que des professionnels de l’éducation nationale contactent le 119 pour savoir comment procéder. C’est pourtant une réalité. Vous recevez de nombreux signalements – 450, c’est un nombre significatif. Vous avez mentionné précédemment que vos relations avec l’éducation nationale étaient plutôt « faciales », selon une convention de communication. J’aimerais approfondir ce point. Avez-vous identifié des partenaires institutionnels au niveau des académies, par exemple dans les rectorats, ou l’administration centrale, vers lesquels vous pourriez vous tourner pour transmettre les signalements que vous recevez, afin d’éviter qu’ils ne restent en suspens ? Si oui, lesquels ? De plus, obtenez-vous un retour sur ces signalements ? C’est précisément ce que nous cherchons à savoir : comment l’État réagit-il lorsqu’il reçoit des signalements ?
Mme Géraldine Bannier (Dem). Madame la directrice générale, je souhaite vous interroger sur les établissements qui, en raison d’une double tutelle, échappent parfois aux contrôles. Le numéro 119 est-il affiché dans les établissements d’enseignement agricole et les établissements d’enseignement professionnel ? Cette question me préoccupe car les jeunes en apprentissage peuvent également être victimes de violences.
Mme Anne Morvan-Paris. Concernant les protocoles avec les lycées agricoles, sous tutelle du ministère de l’agriculture, notre convention avec ceux-ci va plus loin que celle avec l’éducation nationale. Nous pourrons vous la transmettre. Elle aborde non seulement la communication, mais aussi le traitement des situations. Avec l’éducation nationale, nous nous concentrons principalement sur l’affichage obligatoire du 119 et sur la communication institutionnelle, avec des perspectives d’intervention dans les formations, bien que cela soit encore à l’état de projet. Ces interventions ont été évoquées dans le cadre du récent plan de lutte contre les violences faites aux enfants.
Actuellement, pour tout signalement reçu, notre point de contact principal, ce sont les Crip au niveau départemental. Ces cellules sont censées faire le lien avec l’institution concernée, notamment l’académie ou le rectorat pour l’éducation nationale. La ministre de l’éducation nationale a récemment évoqué un rapprochement entre le 119 et les inspections d’académie, un sujet que nous devons traiter. Notre interlocuteur au niveau de l’administration centrale est la direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco), avec laquelle nous devons bientôt travailler sur ces questions.
La loi est claire : tous les signalements doivent être traités par les Crip. Créer des circuits parallèles pourrait compliquer la situation. Cependant, il serait envisageable de signaler simultanément à la Crip et à l’inspection d’académie, à condition d’avoir les coordonnées et les interlocuteurs appropriés, ainsi qu’une procédure de traitement bien définie.
S’agissant des établissements d’accueil du jeune enfant, l’idée d’un numéro national unique qui redirigerait vers des services locaux a été suggérée, permettant aux familles de contacter ce numéro ou le 119.
Pour les violences institutionnelles, nous travaillons actuellement avec la Direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative (Djepva) sur des protocoles relatifs à l’animation en centres de loisirs, centres aérés, colonies, etc. Ces protocoles se concentrent principalement sur l’information et la formation. Nous manquons encore de protocoles précis détaillant la procédure complète de traitement d’un signalement, de sa réception à son suivi, en passant par les responsabilités de chaque niveau – local et national – et les retours d’information.
Les « boîtes aux lettres papillons » ont effectivement eu un impact positif, permettant aux enfants de signaler des situations par des dessins ou des mots simples. Cependant, cela soulève des questions dans la culture professionnelle du secteur social quant à la valeur de ces signalements. Il est important de reconnaître tous les canaux possibles de signalement, tout en mettant en place des filtres professionnels pour interpréter correctement ces informations.
Au 119, nous avons ouvert un service de tchat, il y a environ deux ou trois ans. Nous réfléchissons également à d’autres moyens de communication, comme la prise de rendez-vous en ligne ou l’utilisation de SMS. Il est crucial d’ouvrir tous les canaux possibles, tout en s’assurant que le tri et l’interprétation soient effectués par des professionnels.
Quant à l’affichage du numéro 119, nous n’avons actuellement pas de moyens de contrôle systématique, hormis lors de visites ponctuelles dans certains établissements. Il serait logique d’instaurer une forme de contrôle de cet affichage, similaire à ce qui existe pour les consignes de sécurité ou l’affichage syndical. La question de l’emplacement optimal de ces affiches se pose également : près de l’infirmerie, du bureau de la direction, ou plutôt près de la cour d’école ?
Il est essentiel que les enfants disposent d’un endroit où ils se sentent à l’aise pour contacter le 119, sans nécessairement être sous le regard d’un adulte. Cette question se pose particulièrement au collège, où de nombreuses révélations ont lieu entre jeunes. Des jeunes, notamment entre 11 et 16 ans, nous appellent fréquemment avec leurs amis à côté. Le numéro 119 figure désormais dans les carnets de santé, mais pas encore dans les carnets de correspondance. Nous proposons également des supports que les enfants peuvent emporter avec eux. Cependant, nos moyens actuels ne nous permettent pas de fournir des dépliants à tous les élèves. L’éducation nationale pourrait peut-être trouver un moyen pour que les élèves aient un accès sans la présence d’un adulte, ce qui est crucial.
Enfin, au sujet de nos partenariats institutionnels, nous n’avons pas de lien direct avec l’éducation nationale, ni de numéro d’académie spécifique.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. Concernant votre remarque sur le risque de doublon dans les signalements, je souhaite revenir sur le cas que j’évoquais précédemment. Dans une situation où vous feriez un signalement direct au procureur pour un viol sur un enfant par un adulte, et qu’en parallèle une fiche Crip serait envoyée, la Crip effectuerait également un signalement au procureur. Si tout fonctionnait correctement, il y aurait un double signalement pour la même situation, si je comprends bien.
Mme Anne Morvan-Paris. En réalité, lorsque la Crip est informée d’un signalement au procureur, elle se rapproche de celui-ci pour connaître les suites données. Par exemple, la semaine dernière, nous avons eu un cas où un placement a été effectué le lendemain d’un signalement fait pendant le week-end. Nous avons d’abord interrogé la Crip sur les actions entreprises, et ils nous ont informés qu’une ordonnance de placement provisoire avait été immédiatement prononcée en raison de violences avérées.
M. Paul Vannier, rapporteur. Vous avez mentionné que la Dgesco est votre interlocuteur en administration centrale s’agissant de l’élaboration des protocoles de remontée de signalement. Cependant, la Dgesco ne traite pas des établissements privés sous contrat, qui représentent 7 500 établissements et deux millions d’élèves. Comment ces enfants sont-ils intégrés dans le protocole que vous élaborez avec l’éducation nationale ?
Mme Anne Morvan-Paris. Les inspections d’académie ont quand même une certaine autorité sur plusieurs sujets concernant l’enseignement privé, notamment la mise à disposition d’outils pour les enseignants. Je ne me souviens plus exactement de l’étendue du rôle de l’inspecteur d’académie auprès de l’enseignement privé. Dans mon expérience passée dans un département où l’enseignement privé était très présent, nous avions un travail quasi quotidien entre l’inspection d’académie et la direction diocésaine, notamment sur des questions de formation et d’information des enseignants. Cela relevait souvent de l’initiative personnelle de l’inspectrice d’académie locale. Il serait envisageable d’établir un protocole similaire avec la direction nationale de l’enseignement catholique. La question est de savoir qui serait l’interlocuteur : la Dgesco, nous directement, ou l’inspecteur académique qui reste le pilier du lien avec l’enseignement privé ? J’aurai prochainement une réunion pour clarifier ces points avec l’éducation nationale.
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Il est effectivement complexe de s’y retrouver dans le domaine de la protection de l’enfance, avec la multitude d’acteurs tels que le GIP enfance protégée, l’ONPE, les observatoires départementaux de la protection de l’enfance (ODPE), les Crip, le procureur, les centres départementaux d’action sociale (Cdas) ou les associations habilitées dans l’écoute ou l’accompagnement. Cette complexité se ressent aussi bien chez les députés que dans l’éducation nationale. Hier encore, lors d’une rencontre avec une direction de services départementaux de l’éducation nationale, j’ai constaté que la Crip était absente de son discours concernant les signalements, ce qui est problématique. La décentralisation de la protection de l’enfance entraîne une diversité de fonctionnements des Crip selon les départements, ce qui pose des problèmes de collecte de données. Même les départements n’utilisent pas les mêmes logiciels, ce qui complique la tâche de la Drees ou de l’Insee.
J’ai deux questions à vous poser. Pensez-vous que la recentralisation du recueil des signalements ou de la protection de l’enfance faciliterait la gestion, le traitement et l’étude des signalements, ainsi que la collecte des données ? Que penseriez-vous de l’idée d’avoir des éducateurs spécialisés formés en protection de l’enfance directement auprès des directeurs académiques, qui serviraient d’interface entre les établissements d’éducation nationale, qu’ils soient privés ou publics, les Crip et les départements ?
Mme Florence Herouin-Léautey (SOC). Ma question concerne ce que vous avez appelé la culture professionnelle ou institutionnelle. Vous avez mentionné que les enseignants ou le personnel de l’éducation nationale appellent votre numéro avant de déclencher les procédures, par besoin de réassurance, de soutien ou de légitimité pour protéger l’enfant dans une institution dédiée aux enfants. C’est à la fois une interrogation et une crainte. Concernant les « boîtes aux lettres papillon », je considère personnellement que tous les canaux sont bons s’ils sont encadrés et suivis. Je ne comprends pas pourquoi, en 2025, avec les connaissances dont nous disposons, ces boîtes aux lettres n’ont pas leur place au sein des établissements de l’éducation nationale.
Mme Céline Hervieu (SOC). Mes trois questions font écho aux propos de Mme Mesmeur concernant la transmission d’informations entre les différentes Crip et la possibilité de centraliser ces informations via des systèmes informatiques.
Lors de nos auditions avec les collectifs de victimes, nous avons été informés de situations où des auteurs d’agressions et de violences, bien qu’identifiés et signalés, étaient simplement mutés dans un département voisin sans transmission d’information. Cette problématique concerne principalement l’éducation nationale. Selon vous, la Crip pourrait-elle jouer un rôle dans l’accompagnement de l’éducation nationale pour faciliter cette transmission d’informations et ainsi éviter que des individus potentiellement condamnés se retrouvent à nouveau en contact avec des enfants ?
Ma deuxième question porte sur la proportion des signalements reçus par les Crip concernant la petite enfance. Pouvez-vous nous donner une estimation globale ? Avez-vous constaté une augmentation des signalements pour les moins de trois ans, notamment dans les établissements d’accueil du jeune enfant ou en accueil individuel, ces derniers mois ou années ?
Enfin, concernant la formation des écoutants au sein de votre structure, pouvez-vous nous en dire plus sur leur profil ? Rencontrez-vous des difficultés de recrutement ou de rétention du personnel ? Plus généralement, estimez-vous disposer des moyens nécessaires pour accomplir vos missions, compte tenu de l’importance cruciale de la protection de l’enfance dans notre société et des attentes croissantes tant des politiques que du grand public ?
Mme Graziella Melchior (EPR). Ma question rejoint celle qui vient d’être posée concernant les écoutants. Comment sont-ils formés et par qui ? Connaissez-vous leur taux de renouvellement ? Et surtout, comment gèrent-ils la charge émotionnelle liée à leur travail ?
Mme Anne Morvan-Paris. Concernant la question de la décentralisation et de la recentralisation, je ne vais pas prendre position à titre personnel ou professionnel. Cependant, nous pouvons constater que le fait d’avoir plus d’une centaine de départements, chacun avec sa propre organisation, pose des défis. Par exemple, les modalités de contact des Crip varient : certaines ont des adresses e-mail publiques, d’autres des numéros de téléphone, et parfois l’information n’est pas clairement disponible. Cette décentralisation, commune à tous les domaines du social et du médico-social, crée un paysage complexe.
Néanmoins, le niveau local présente des avantages indéniables. La décentralisation de la protection de l’enfance visait notamment à améliorer le suivi local. Les équipes de terrain, comme la PMI et le service social de secteur, ont leur pertinence, même si la multiplicité des sigles et des dénominations peut rendre le système peu lisible pour le grand public.
Pour améliorer la cohérence du système et garantir un traitement équitable des signalements à travers le pays, l’unification des systèmes d’information et des protocoles semble être une solution prometteuse. La Drees étudie actuellement le contenu des informations préoccupantes. De plus, nous travaillons avec la DGCS, les administrations centrales, les départements et les associations sur un système d’information unifié, similaire à celui mis en place pour les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Bien que ce système ne soit pas parfait, il permettrait une meilleure communication entre les départements et avec le 119.
Concernant les contacts avec l’éducation nationale, je pense que le service social aux élèves devrait être le premier interlocuteur. Nous sommes parfois surpris de recevoir des appels au 119 de la part de proviseurs ou d’enseignants expérimentés qui n’ont pas eu le réflexe de contacter ce service. Je souhaite discuter de cette question avec la Dgesco pour comprendre comment l’information est transmise aux enseignants, notamment aux débutants, sur la marche à suivre en cas de suspicion de problèmes familiaux ou de comportements inappropriés de collègues.
Pour répondre à votre question sur la mobilité des personnes entre départements, que ce soit pour des raisons de gestion des ressources humaines ou autres, chaque institution gère ses propres cas. Il est important de noter que le fichier des infractions à caractère sexuel et des violences sexuelles (Fijais) est en cours de déploiement pour les professionnels des établissements d’accueil du jeune enfant et de la protection de l’enfance. Sa généralisation est prévue pour 2026. Des situations ont déjà été repérées où des professionnels inscrits au Fijais travaillaient auprès d’enfants. Le chiffre de 70 à 80 cas peut sembler faible, mais il est en réalité considérable compte tenu des dégâts potentiels.
Une question qui me préoccupe concerne l’interdiction d’exercer, notamment pour les assistants familiaux ou maternels. Il arrive que des personnes ayant commis des violences reconnues pénalement n’aient pas d’interdiction d’exercer, ou que celle-ci soit floue et limitée dans le temps. Le Fijais ne couvre pas toutes les formes de violence ou de négligence, ni certains comportements problématiques au sein des familles. Cette notion d’interdiction d’exercice semble appliquée de manière variable en France.
Concernant les écoutants du 119, j’ai découvert leur système d’organisation du travail en prenant mes fonctions. Nous rencontrons des difficultés de recrutement, en partie dues aux conditions de travail proposées. À l’origine, le 119 recrutait des professionnels ayant déjà une activité principale, comme des psychologues ou des travailleurs sociaux. Aujourd’hui, la réalité de l’emploi a changé : les candidats recherchent plutôt des postes à temps complet ou à 80 %. Seuls les psychologues peuvent encore envisager le multi-emploi de manière viable.
Nous manquons de professionnels issus des Crip ou des départements, ce qui est paradoxal étant donné la nature du 119. Nous sommes en train de revoir notre fiche de poste et d’étudier le cycle de travail des écoutants. Le fonctionnement 24/24 est coûteux, notamment la nuit où il y a moins d’appels. Nous réfléchissons à l’efficience entre le nombre d’appels et la qualité de l’écoute.
Nous envisageons de modifier notre système de pré-accueil, actuellement assuré par des non-professionnels, pour peut-être adopter un modèle similaire au 3919 (pour les violences faites aux femmes) avec un premier niveau assuré par des travailleurs sociaux. Ces réflexions seront présentées à nos représentants du personnel et à notre collège des associations.
L’objectif est de prendre des décisions concrètes sur les cycles de travail des écoutants à partir de la rentrée 2025. La question de l’attractivité sera également abordée. Quant au nombre d’écoutants nécessaires, je ne peux pas encore répondre précisément. Nous devons considérer non seulement l’écoute téléphonique, mais aussi le tchat, le traitement des formulaires et la possibilité de rappels.
Un point crucial est de maintenir la qualité des compétences professionnelles de nos écoutants, qui sont principalement des travailleurs sociaux et des psychologues, avec quelques juristes. Nous ne souhaitons pas recourir au bénévolat ou à des agents administratifs comme d’autres plateformes.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. Je vous remercie pour ces réponses détaillées qui mettent en lumière les défis à relever. Nous souhaiterions obtenir plusieurs documents à la suite de cette audition : le protocole concernant l’affichage obligatoire du 119 ; le protocole écrit actuel des écoutants, ainsi que le contenu de leur formation, s’il existe un module pédagogique spécifique ; le support référentiel 2022 de la HAS utilisé pour l’évaluation sociale et la qualification des informations préoccupantes.
Enfin, étant donné que vous êtes en poste depuis neuf mois, nous aimerions recevoir une contribution sur vos premières pistes d’amélioration. Nous vous invitons à vous affranchir des contraintes de moyens et des cadres institutionnels pour nous proposer des réflexions que la représentation nationale pourrait approfondir dans le cadre des propositions de la commission d’enquête.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Je vous remercie, madame la directrice générale et chers collègues. Nous pouvons lever la séance.
La séance s’achève à dix-sept heures quarante-cinq.
Présences en réunion
Présents. – M. Raphaël Arnault, Mme Géraldine Bannier, M. Bruno Bilde, M. Arnaud Bonnet, M. Roger Chudeau, Mme Julie Delpech, Mme Ayda Hadizadeh, Mme Florence Herouin-Léautey, Mme Céline Hervieu, Mme Fatiha Keloua Hachi, M. Eric Liégeon, Mme Graziella Melchior, Mme Marie Mesmeur, M. Christophe Proença,
M. Jean-Claude Raux, Mme Violette Spillebout, M. Paul Vannier
Excusés. – Mme Farida Amrani, M. Gabriel Attal, M. José Beaurain, M. Xavier Breton, Mme Céline Calvez, Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho, Mme Anne Genetet, M. Frantz Gumbs, M. Steevy Gustave, Mme Tiffany Joncour, Mme Véronique Riotton, Mme Claudia Rouaux, Mme Nicole Sanquer