Compte rendu
Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation
– Dans le cadre de l’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires (article 5 ter de l’ordonnance n° 58‑1100 du 17 novembre 1958), table ronde de représentants de parents d’élèves, réunissant M. Grégoire Ensel, vice-président de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE), M. Laurent Zameczkowski, porte-parole de la Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public (Peep), Mme Hélène Laubignat, présidente du bureau national de l’Association des parents d’élèves de l’enseignement libre (Apel) et M. Christophe Abraham, secrétaire général 2
– Informations relatives à la commission...................19
– Présences en réunion..............................20
Jeudi
27 mars 2025
Séance de 10 heures
Compte rendu n° 41
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi, Présidente
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La séance est ouverte à dix heures.
(Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi, présidente)
La commission auditionne sous la forme d’une table ronde, dans le cadre de l’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires (article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958), des représentants de parents d’élèves : M. Grégoire Ensel, vice-président de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE), M. Laurent Zameczkowski, porte-parole de la Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public (Peep), Mme Hélène Laubignat, présidente du bureau national de l’Association des parents d’élèves de l’enseignement libre (Apel) et M. Christophe Abraham, secrétaire général.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Dans le cadre de nos travaux d’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires, nous avons organisé ce matin une table ronde de représentants de parents d’élèves réunissant : M. Grégoire Ensel, vice-président de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE), M. Laurent Zameczkowski, porte-parole de la Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public (Peep), Mme Hélène Laubignat, présidente du bureau national de l’Association des parents d’élèves de l’enseignement libre (Apel) et M. Christophe Abraham, secrétaire général.
Nous souhaitons savoir quels sont les recours à la disposition des parents d’élèves lorsqu’ils suspectent que des élèves sont victimes de violences commises par des adultes dans les établissements scolaires, et comment ces recours pourraient être rendus plus efficaces.
L’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées dans le cadre de travaux d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
(M. Grégoire Ensel, M. Laurent Zameczkowski, Mme Hélène Laubignat et M. Christophe Abraham prêtent serment.)
Ma première question sera la suivante : quel rôle les associations et fédérations de parents d’élèves jouent-elles dans la prévention des violences commises en milieu scolaire ?
M. Grégoire Ensel, vice-président de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE). La FCPE exerce un rôle de vigie, elle fait preuve d’une extrême attention. Son réseau repose sur l’engagement de 140 000 parents siégeant dans les conseils de classe et sur l’implication de 140 000 adhérents répartis dans 101 associations départementales, aussi bien dans l’Hexagone que dans les territoires ultramarins. Bien que la fédération ne soit pas représentée dans tous les établissements, son maillage territorial, allant de l’échelle locale à l’échelle nationale, permet une remontée régulière et précise des situations problématiques.
L’action de la FCPE s’inscrit dans une démarche de compréhension des événements, de détection des signaux faibles et de recherche d’un dialogue immédiat, lorsque cela est possible, avec les chefs d’établissement ou les autorités académiques. L’efficacité de cette démarche varie en fonction de notre présence sur le terrain et de la qualité des échanges entretenus avec les services académiques ou rectoraux. Il n’existe pas, à ce jour, de processus clairement établi permettant aux associations de parents d’élèves de déclencher une alerte.
Dans les établissements publics, l’organisation collective favorise une certaine transparence. Le fonctionnement en communauté éducative, associant chefs d’établissement, enseignants et parents, territorialisée à l’échelle de la commune ou du quartier, permet une détection relativement rapide des dysfonctionnements. Ces situations contrastent avec celles observées dans des établissements privés fermés, tels que Bétharram, où les élèves viennent parfois de territoires éloignés et les parents sont peu impliqués, ce qui limite la capacité de veille.
La FCPE joue également un rôle de médiation, dans une posture fondée sur la vigilance, la prudence, le discernement et l’objectivité, notamment dans le traitement de phénomènes de groupe.
Elle s’engage par ailleurs depuis de nombreuses années dans la lutte contre les violences sexuelles, un combat inscrit dès l’article premier de ses statuts. Elle est habilitée à se porter partie civile dans les affaires relevant de délits pénaux. À ce titre, elle est intervenue à plusieurs reprises devant les juridictions, comme récemment à Toulouse, dans une affaire liée au cadre périscolaire et où la fédération a obtenu gain de cause, avec condamnations et versements de dommages et intérêts aux victimes.
M. Laurent Zameczkowski, porte-parole de la Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public (Peep). La Peep partage un socle commun d’actions avec la FCPE, notamment en matière de contentieux. Elle s’est notamment constituée partie civile dans l’affaire Samuel Paty, ainsi que dans des affaires d’agressions sexuelles survenues dans des contextes périscolaires.
Une distinction importante s’impose toutefois au sein des établissements où la Peep n’est pas implantée. Bien qu’elle dispose légalement du droit d’intervention, elle se heurte régulièrement à des refus d’accès et à une hostilité manifeste. Lorsque la saisine émane directement d’un parent, adhérent ou non, cette résistance s’atténue, mais le climat reste souvent empreint de méfiance.
À l’inverse, dans les écoles où la Peep est solidement implantée et entretient une relation de confiance avec les équipes pédagogiques, le climat scolaire s’en trouve profondément transformé. Le dialogue s’instaure, les intérêts convergent et une amélioration sensible du fonctionnement collectif peut être observée. Dans ces contextes apaisés, ce sont souvent les chefs d’établissement qui sollicitent l’association pour exercer un rôle de médiation.
La fédération évolue donc dans un paysage contrasté entre les établissements où elle est absente, ceux où elle est présente mais maintenue à l’écart, et enfin ceux dans lesquels elle participe activement au travail éducatif.
Notre rôle premier est de défendre les intérêts des élèves et de leurs parents. Dans certaines situations spécifiques, à l’image de l’affaire récente d’une enseignante accusée d’agression sexuelle sur des élèves, nous intervenons également pour apaiser la situation avec les parents, rétablir la communication et veiller à la transmission de la juste information. La collaboration avec les chefs d’établissement ou la direction des services départementaux de l’éducation nationale (DSDEN) est ainsi essentielle et, là où la collaboration fonctionne, elle démontre toute son efficacité dans le rétablissement de la confiance et l’apaisement du climat scolaire. Malgré ses spécificités, notre association, laïque et apolitique, poursuit donc les mêmes objectifs que la FCPE et est fréquemment amenée à collaborer avec elle.
Mme Hélène Laubignat, présidente du bureau national de l’Association des parents d’élèves de l’enseignement libre (Apel). Je tiens, en préambule, à réaffirmer que l’Apel est aujourd’hui présente aux côtés des victimes et qu’en tant que nouvelle présidente, je suis à la fois consternée par les récentes révélations et déterminée à ne plus jamais laisser de tels faits se reproduire. Une tolérance zéro doit s’appliquer dans l’ensemble de nos établissements et tous les moyens doivent être mis en œuvre pour que la lumière soit faite sur ces situations inacceptables. La sécurité des enfants doit être durablement garantie au sein de nos établissements.
L’Apel est une association apolitique et non confessionnelle, qui regroupe aujourd’hui environ un million de familles adhérentes tout en représentant les familles dans toute leur diversité au sein de l’enseignement catholique.
Notre association dresse aujourd’hui le constat de l’inefficacité des dispositifs de signalement et estime que le numéro d’appel 119 devrait devenir le numéro unique à cet égard. Chaque parent d’élève porte une responsabilité en matière de signalement et doit assurer une vigilance constante pour que toutes les familles soient rassurées et que des actions concrètes puissent être engagées. Nous sommes aujourd’hui en lien avec la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) et le collectif des victimes et appelons à une tolérance zéro.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Votre association est-elle indépendante ? Quelles actions concrètes met-elle en place pour prévenir les violences au sein des établissements catholiques ?
Mme Hélène Laubignat. Bien que l’Apel n’ait pas la responsabilité directe des dispositifs de prévention des violences, elle mène en revanche un travail de sensibilisation auprès des parents, en insistant sur leur rôle dans le signalement des situations préoccupantes et dans le dialogue avec les directions et les équipes éducatives. Membre à part entière de la communauté éducative, l’Apel agit dans le respect du cadre de l’enseignement catholique tout en revendiquant son indépendance et sa liberté d’expression. Cette autonomie est essentielle pour porter librement la voix des parents.
L’objectif premier est d’éviter que les tragédies du passé ne se reproduisent. À cette fin, l’Apel soutient activement les parents à travers des outils pédagogiques tels que des webinaires ou des brochures d’information. Elle privilégie une communication claire, concise et accessible, pour ne laisser place ni au doute ni à la confusion.
Un point de vigilance mis en lumière par de nombreux parents concerne l’identification des interlocuteurs compétents pour les signalements. Nous rappelons donc régulièrement l’existence du numéro d’appel 119, accessible aussi bien aux parents qu’aux enfants et conçu comme un canal de signalement unique et fiable. Les actions menées doivent être concrètes et s’accompagner de la garantie d’une réponse, ce qui n’est que trop rarement le cas lorsque nous alertons les chefs d’établissement ou la direction diocésaine. Cette solution prend tout son sens lorsque le chef d’établissement est lui-même mis en cause et qu’il devient nécessaire de s’adresser à une autorité externe. Dans cette optique, l’Apel se déclare favorable à toute proposition permettant de renforcer l’efficacité et la clarté du processus de signalement.
M. Paul Vannier, rapporteur. Une première piste s’est dégagée, notamment concernant la capacité de la FCPE et de la Peep à se constituer partie civile aux côtés des plaignants.
S’agissant de l’Apel, vous avez évoqué l’orientation des familles vers le 119. Est-ce à dire que vous ne leur recommandez pas de s’adresser directement au procureur de la République ? Vous abstenez-vous de toute action en justice en vous constituant partie civile ?
Par ailleurs, pourriez-vous nous éclairer sur les mécanismes que vous avez mis en place pour faire remonter les informations relatives à des violences, depuis les établissements jusqu’au niveau départemental puis national ? Car pour qu’une fédération puisse se constituer partie civile, elle doit nécessairement avoir été saisie par des adhérents ou des familles. Il serait utile de comprendre comment ces informations circulent dans vos structures.
M. Grégoire Ensel. L’exemple de l’affaire survenue dans une école toulousaine illustre très clairement la solidité de notre réseau. Le conseil local a d’abord alerté la structure départementale, qui s’est aussitôt tournée vers le niveau national. Le conseil d’administration a alors donné mandat au président pour engager des poursuites judiciaires, se constituer partie civile et accompagner les victimes ainsi que leurs familles. Cela s’inscrit clairement dans nos statuts depuis 1998.
Nous avons une pensée pour les victimes de Bétharram, mais également pour celles du Maine-et-Loire et peut-être bientôt pour de nouveaux cas dans le Béarn. Il se pourrait que nous soyons confrontés à un phénomène systémique. Ces enfants n’ont été protégés ni par leurs établissements ni par la nation qui, à nos yeux, exerce un contrôle insuffisant.
À mon sens, le cœur du problème réside dans la nature du contrat passé entre l’État et les établissements privés sous contrat. Alors que les fonds publics représentent plus de 75 % de leur financement, ces établissements échappent largement à tout contrôle effectif. Nous demandons que l’État publie, de manière transparente, la date du dernier contrôle effectué dans chaque établissement privé sous contrat, quelle que soit sa confession, car cette information demeure aujourd’hui totalement opaque.
L’école joue un rôle protecteur fondamental, notamment en permettant la libération de la parole. À ce titre, le programme Evars (éducation à la vie affective et relationnelle, et à la sexualité), qui sera déployé à la rentrée prochaine de la maternelle au lycée, constitue un outil essentiel dont la vocation est d’expliquer clairement l’interdiction des gestes déplacés et des violences tout en favorisant l’expression des élèves. Nous devrons être collectivement intransigeants quant à sa mise en œuvre, qui ne doit souffrir d’aucune exception. Ce programme représentera une sécurité pour chaque enfant en permettant à la fois des interventions ciblées, des moments de dialogue et une formation sur des questions essentielles à la vie en société.
Enfin, nous croyons fermement à la nécessité de renforcer la coéducation car les parents doivent être pleinement intégrés à la vie des établissements scolaires.
M. Paul Vannier, rapporteur. Je vous remercie pour ces éléments mais vous rappelle que nous avons besoin, dans le cadre de cette commission d’enquête, de réponses claires aux questions posées.
M. Grégoire Ensel. Le 119 représente effectivement un outil important, qui rencontre de réelles limites. Les familles comme les enfants peuvent s’y adresser mais les délais d’attente sont parfois extrêmement longs, allant jusqu’à trente ou quarante minutes pour déposer un signalement. Bien que ce numéro reste à nos yeux une pièce centrale du dispositif, il nécessite d’être renforcé et d’autres mesures devront également être rapidement engagées.
M. Laurent Zameczkowski. Je tiens tout d’abord à dire combien nous sommes tous profondément bouleversés par les événements survenus à Bétharram et à réaffirmer qu’il nous appartient collectivement de faire progresser la situation.
S’agissant de la procédure de signalement, nous privilégions toujours une démarche amiable. Le premier échange doit avoir lieu avec l’enseignant concerné et, si cela s’avère insuffisant, un dialogue doit s’engager avec le chef d’établissement ou le directeur d’école. Si nécessaire, le recours à l’inspecteur de circonscription constitue l’ultime étape, mais il faut reconnaître que ces inspecteurs sont parfois difficiles à joindre, ce qui ralentit le traitement des signalements. Des retards sont également observés dans la transmission des informations entre les directeurs d’école et leur hiérarchie.
Le statut même des directeurs d’école reste problématique. Malgré les améliorations apportées par la loi Rilhac, leur position reste délicate car ils ne disposent d’aucune autorité hiérarchique sur leurs collègues enseignants. Par ailleurs, les parents manquent souvent d’informations claires sur la manière dont sont traités les signalements. Il est essentiel de mieux expliquer les procédures existantes et de fournir un suivi transparent, sans pour autant porter atteinte à la présomption d’innocence ou violer la confidentialité des données. L’absence d’information nourrit la frustration et la colère, surtout lorsqu’il s’agit des enfants les plus jeunes. La réponse classique sur les affaires qui suivent leur cours ne suffit plus, qu’elle émane de la police ou de l’éducation nationale.
Un protocole de communication rigoureux et clair est donc indispensable pour garantir une bonne compréhension du processus et assurer la confiance des familles. Il est également impératif de renforcer la pédagogie autour de ces procédures, en formant l’ensemble des personnels éducatifs et administratifs à ces enjeux. Cela concerne les chefs d’établissement, les directeurs d’école, les inspecteurs de circonscription mais également les services déconcentrés tels que les directions académiques.
L’administration semble aujourd’hui largement dysfonctionnelle et maltraitante, étouffant les problèmes au lieu de les traiter. Les situations que nous connaissons résultent en grande partie de cette déconnexion et le cas de la lettre adressée au parent d’un jeune garçon ayant mis fin à ses jours par le secrétaire général adjoint et directeur des ressources humaines de l’académie de Versailles en est une illustration frappante, alors que ce dernier avait accès à des conseillers techniques de la rectrice qui auraient été en mesure de l’aider à gérer cette situation. Ce dysfonctionnement administratif doit être traité en priorité car il constitue le maillon faible de l’ensemble des politiques publiques. Aussi bonnes soient les intentions ministérielles, elles resteront vaines si l’administration échoue dans leur mise en œuvre.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. Nous entendons votre plaidoyer politique et en tiendrons compte dans nos réflexions sur les moyens et le fonctionnement de l’administration. Bien que nos observations de terrain confirment votre diagnostic, ces auditions visent avant tout à interroger la dimension opérationnelle de votre action, au-delà des considérations générales sur le système.
S’agissant du signalement, les termes de « médiation », « discussion amiable » ou « temporisation » peuvent susciter des inquiétudes, en particulier lorsqu’un enfant libère sa parole sur une potentielle agression. Bien que ces approches soient essentielles dans la prévention des violences et le dialogue entre parents, élèves et enseignants, elles peuvent également retarder un signalement pourtant indispensable. Je souhaite donc que vous précisiez les critères qui vous conduisent à saisir le 119 après un premier échange dans une situation complexe.
Par ailleurs, entre le recours au 119 et la possibilité pour certaines associations de se constituer partie civile, il existe la voie des plaintes et des signalements directs à la justice. Y avez-vous recours ? Est-ce une alternative ou un complément systématique au 119 ? Le 119 vous paraît-il remplir efficacement son rôle de relais ?
Nous souhaitons enfin comprendre les logiques internes de chaque association. Vos process sont-ils formalisés ou adaptés à chaque situation rencontrée ?
Mme Hélène Laubignat. L’Apel organise actuellement des rencontres parents-école sur des thématiques telles que le harcèlement ou l’usage des écrans. Ces temps d’échange, organisés en groupes restreints avec les professeurs au sein des établissements, nous permettent de recueillir les retours des parents.
Notre structure n’est pas une fédération, mais une association. Chaque entité est indépendante, ce qui complique malheureusement la remontée d’informations au niveau national. J’ai rappelé l’urgence de structurer cette remontée lors de notre dernière réunion avec les présidents académiques et départementaux.
Notre objectif est de pouvoir effectuer un premier signalement auprès du 119 et, si nécessaire, d’engager ensuite des démarches auprès du procureur ou d’autres autorités, en particulier si l’établissement n’agit pas, pour que le signalement puisse aller jusqu’à son terme. S’il ne nous appartient pas, en tant que parents, de juger les faits ou d’en apprécier la gravité, nous avons néanmoins le devoir de les signaler.
Nous demandons que les enseignants soient mieux formés et qu’une capacité d’écoute réelle soit développée au sein des établissements. Dans l’enseignement catholique, où l’organisation diffère du public, nous proposons également de recourir à des psychologues externes si nécessaire. Nous souhaitons que tout soit mis en œuvre pour garantir que toutes les violences puissent être dénoncées.
Mme Fatiha Keloua Hachi, présidente. L’Apel est la seule association de parents d’élèves pour environ un million d’enfants scolarisés dans l’enseignement catholique. Comment expliquez-vous cette absence de pluralisme associatif ?
Mme Hélène Laubignat. Cette situation découle des statuts de l’enseignement catholique qui ont établi ce modèle. Malgré notre position unique, notre mission est de représenter tous les parents de nos établissements, qu’ils soient adhérents ou non.
M. Paul Vannier, rapporteur. Pouvez-vous détailler les modalités de désignation de vos représentants dans les établissements et leur fréquence ?
Vous avez par ailleurs mentionné l’absence de remontée d’informations de vos structures locales vers le niveau national. Existe-t-il néanmoins des transmissions vers vos structures départementales ? Le cas échéant, comment ces informations sont-elles traitées, en lien notamment avec le 119 ou les signalements judiciaires ?
Mme Hélène Laubignat. La remontée d’informations des établissements vers les départements est encore lacunaire. Nous n’avons aujourd’hui aucun levier pour en garantir l’effectivité, ce qui appelle une réflexion de fond. Depuis ma prise de fonction en août dernier, j’insiste sur la nécessité de faire circuler les informations du national vers les territoires, mais également de les faire remonter depuis ces derniers.
Notre association représente l’ensemble des familles de l’enseignement catholique, ce qui constitue une réelle force. Plus de la moitié des parents y adhèrent volontairement, ce qui reflète la liberté de choix propre à cet enseignement.
La désignation des représentants est effectuée par une élection au sein des établissements. Les parents qui se portent candidats sont élus pour les fonctions de président, secrétaire, trésorier et membres du conseil d’administration. Ces élections ont lieu chaque année au niveau local dans les établissements, départements ou académies pour les fonctions de président, secrétaire, trésorier, et tous les trois ans pour les personnes élues dans les différentes instances. Au niveau national, mon mandat est de deux ans, renouvelable trois fois au maximum.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. Lors de nos visites dans le Sud-Ouest, nous avons constaté d’importants manques en matière d’accompagnement psychologique. À Bétharram, par exemple, un établissement de 500 élèves environ, aucun psychologue n’est présent à demeure. Seul un professionnel rattaché à la direction diocésaine intervient ponctuellement et sur sollicitation.
Cette situation est préoccupante, surtout au niveau collège. Si, dans l’enseignement public, un effort est mené pour renforcer les services de santé scolaire malgré des difficultés similaires, dans l’enseignement catholique en revanche, la question semble reléguée au second plan. Concernant ce rôle des psychologues, connaissez-vous l’organisation actuelle par département ? Comment les parents peuvent-ils solliciter ces services pour l’accompagnement des enfants ? Quel est l’état des lieux de l’accompagnement psychologique ?
Mme Hélène Laubignat. Ces aspects relèvent de l’enseignement catholique. En tant que représentante des parents, je ne peux que constater les carences car trop peu d’établissements bénéficient de la présence d’un psychologue ou d’une infirmière scolaire.
Nous estimons pourtant indispensable la présence de ces professionnels dès le CM1, âge auquel les enfants commencent à se poser de nombreuses questions.
Mme Fatiha Keloua Hachi, présidente. Vous indiquez qu’il n’existe qu’une seule association et que les parents y adhèrent facilement. Est-ce par volonté d’avoir un interlocuteur unique ou bien les initiatives tendant à la création d’autres associations indépendantes sont-elles empêchées par les directions ?
Quelle est la nature exacte de vos relations avec les organismes de gestion de l’enseignement catholique (Ogec), avec qui vous collaborez notamment pour les achats groupés ? Êtes-vous totalement indépendants ou existe-t-il des liens structurels ?
M. Christophe Abraham, secrétaire général de l’Apel. Je précise que l’Apel est une entité totalement indépendante. Nous ne faisons pas partie de l’enseignement catholique mais sommes une association de parents régie par la loi de 1901, qui fonctionne comme une union d’associations et qui est présente dans la quasi-totalité des établissements catholiques.
La création d’autres associations est tout à fait possible et, d’ailleurs, le statut de l’enseignement catholique y encourage les parents. Si l’Apel est aujourd’hui reconnue, c’est en raison de son ancienneté et de son implantation mais d’autres associations pourraient émerger. L’objectif de l’enseignement catholique est d’assurer une représentation des parents dans toutes ses instances, mission que nous assumons actuellement mais pour laquelle d’autres pourraient se positionner.
Concernant les personnels de santé, nous plaidons naturellement pour une présence accrue des infirmiers et des médecins dans les établissements. Plus ils seront nombreux, meilleure sera la prise en charge physique et psychologique des enfants. Nous faisons néanmoins face, comme dans l’enseignement public, à des difficultés de moyens et de recrutement.
S’agissant de nos relations avec les différentes instances, qu’il s’agisse des Ogec ou des chefs d’établissement, nous devons, en tant que représentants des parents, instaurer une relation de confiance avec tous les membres de la communauté éducative, sans connivence ni lien direct. La notion de communauté éducative est essentielle et suppose une communication fluide entre les adultes impliqués dans l’établissement pour favoriser la réussite des élèves.
En tant que fédération de parents, nous siégeons de droit au sein des instances, notamment celles de gestion, et intervenons sur des sujets tels que la vie scolaire. Bien que nos représentants jouissent d’un droit de parole, nous ne sommes pas liés aux structures de gestion, notre rôle se limitant à la représentation parentale dans ces espaces.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. Les deux fédérations de l’enseignement public ont-elles formalisé les traitements des signalements de violences ? Disposez-vous de protocoles, existe-t-il des expérimentations locales afin d’harmoniser les pratiques, ou intervenez-vous uniquement au cas par cas, en vous appuyant sur les expériences antérieures ?
M. Grégoire Ensel. Il n’existe pas aujourd’hui de situations systémiques dans les établissements publics. Les situations inacceptables doivent être immédiatement signalées, par tous les moyens possibles, et faire l’objet de plaintes, mais je tiens à souligner que les remontées problématiques restent du domaine de l’exception.
Bien que nous n’ayons pas de procédure formalisée au sein de la fédération, nos valeurs militantes et notre projet éducatif font que chaque membre de la FCPE, partout sur le territoire, fait appel à sa fédération dès qu’une situation le nécessite. C’est ce que nous avons notamment observé à Toulouse, où nous nous sommes mobilisés en soutien.
Il n’existe pas, en revanche, de dispositif structuré pour un parent non adhérent et, lorsque celui-ci est confronté à un drame, il doit souvent y faire face seul. Nous sommes parfois informés des faits par la presse locale ou par des appels directs mais, en dépit de notre présence dans les conseils académiques et départementaux et de nos relations avec les autorités académiques, nous ne sommes pas systématiquement tenus au courant par les responsables. Je n’ai, à titre personnel, jamais été contacté par un recteur ou un inspecteur d’académie, y compris dans mon propre département, alors même que des incidents graves s’y sont produits récemment.
La communication dépend des relations humaines locales et, là où le lien est établi, des échanges informels peuvent exister. Notre rôle est d’accompagner la justice tout en assurant la discrétion nécessaire à la protection des victimes.
Une piste d’amélioration concrète serait d’institutionnaliser le lien entre les autorités académiques et une fédération de parents d’élèves reconnue d’utilité publique telle que la nôtre. Cette reconnaissance pourrait permettre d’instaurer un dialogue rapide et une coéducation efficace au service des victimes.
M. Laurent Zameczkowski. Face à de telles situations, la temporisation ne peut exister. La première étape est toujours d’engager le dialogue pour comprendre la situation, en échangeant avec l’enseignant, le directeur d’école ou le chef d’établissement, car il est fondamental de bien cerner les faits pour protéger et défendre au mieux les enfants. Lorsque les interlocuteurs sont à l’écoute, nous cherchons des solutions par le dialogue. Lorsque ce n’est pas le cas, nous passons à l’action. Notre structuration départementale, académique et nationale permet une remontée rapide des informations selon les besoins. Nos priorités sont la réactivité et l’efficacité.
Dans l’enseignement public, nous sommes effectivement confrontés à un manque criant d’infirmières, de psychologues ainsi qu’à des failles en matière de formation et de suivi. Certains enseignants ne sont inspectés que deux fois dans leur carrière, ce qui est problématique, surtout en cas de difficulté personnelle ou professionnelle.
Nous jouons auprès des parents un rôle d’accompagnement, à l’image de ce que l’inspection représente pour les enseignants. Nous ne les jugeons pas, mais les aidons à comprendre et à agir au mieux pour leurs enfants. Nos actions s’articulent en plusieurs étapes : dialogue, médiation éventuelle avec la direction, et, si nécessaire, saisine des forces de l’ordre, du procureur ou recours au 119. Tous les leviers sont activables, avec pour seul objectif l’efficacité dans le respect des droits des victimes.
M. Paul Vannier, rapporteur. Dans le cadre des récents événements, l’Apel a-t-elle transmis des consignes ou des messages à ses structures académiques, départementales et locales pour faciliter les signalements et détecter les phénomènes de violence ?
Mme Hélène Laubignat. Dès que nous avons eu connaissance des faits, nous avons réagi, par l’intermédiaire d’un courrier envoyé fin février à l’ensemble des présidents académiques et départementaux, qui figurera dans notre réponse écrite.
Nous avons également pris immédiatement contact avec le collectif des victimes de Bétharram, qui dépasse d’ailleurs le seul cadre de cet établissement. J’ai eu des échanges avec M. Esquerre ainsi qu’avec d’autres personnes à la sortie de leur audition la semaine dernière, au cours desquels nous avons discuté des actions que nous pourrions engager ensemble, des événements passés et des raisons pour lesquelles ces faits n’avaient pas été dénoncés à l’époque. Nous poursuivons ce travail avec eux et avons convenu de continuer à collaborer durablement en mutualisant nos moyens.
Nous devons avancer avec l’ensemble des acteurs concernés, y compris l’enseignement catholique. Le week-end dernier, nous avons ainsi invité M. Frank Burbage de la Ciivise afin qu’il nous aide à mieux comprendre le rôle de celle-ci et à informer les parents sur la manière de les alerter ou de les contacter.
M. Paul Vannier, rapporteur. Les violences à Bétharram ont été dénoncées dès les années 1990, notamment par un vice-président local de l’Apel dont le fils a été victime d’un coup porté par un surveillant, entraînant une surdité partielle. Quelques mois plus tard, cet enfant a été mis nu dans la cour de récréation, de nuit, pour être puni. Ce père, qui était le premier à porter plainte, a été exclu de l’Apel locale. Si son alerte avait été entendue, peut-être des décennies de violences auraient-elles pu être évitées. Quelle est votre réaction ? Que pourriez-vous faire aujourd’hui, au niveau national, si une telle situation se reproduisait ? Comment expliquer qu’un parent engagé dans la vie de l’établissement ait été considéré comme un problème plutôt que comme un lanceur d’alerte ?
Mme Hélène Laubignat. J’ai découvert ces faits par M. Esquerre, qui m’a décrit les événements et m’a confirmé l’exclusion du vice-président. Je suis révoltée par cette situation inacceptable, dont je n’avais aucunement connaissance.
Nous sommes des associations indépendantes et, si une relation équilibrée avec l’établissement est souhaitable, il ne peut exister de complaisance ou de connivence pour dissimuler des faits ou faire taire un parent. Ce qui s’est produit à l’époque ne doit plus jamais arriver.
Pour prévenir de telles dérives, j’ai demandé à tous les présidents académiques et départementaux de nous signaler systématiquement tout incident, quel qu’il soit. Cela peut se faire par l’intermédiaire de notre attaché de presse, par courriel ou sur notre ligne d’écoute. L’essentiel est que les faits soient transmis clairement et personne ne doit en aucun cas être écarté pour avoir osé s’exprimer.
M. Paul Vannier, rapporteur. Quelles actions concrètes l’Apel pourrait-elle engager si une situation analogue à celle de Bétharram venait à survenir aujourd’hui ?
Mme Hélène Laubignat. Nos capacités d’action restent malheureusement limitées car chaque Apel, qu’elle soit d’établissement ou départementale, est juridiquement indépendante. Les événements récents nous obligent toutefois à réinterroger notre fonctionnement et à réfléchir à de nouveaux modes d’action.
Dans les cas préoccupants, j’adresse des courriers ou je me rends sur place, souvent à la demande des présidents départementaux ou académiques. Malgré nos ressources restreintes dues à notre statut de bénévoles, j’essaie d’être aussi présente et réactive que possible.
En tant que présidente nationale, je me déplace dès qu’une situation le justifie. J’assume de dépasser le principe d’indépendance des structures locales pour dire fermement quand une situation est inacceptable et que des actions s’imposent. Je prends l’engagement personnel de m’employer activement à ce que de telles situations ne puissent pas se reproduire.
M. Paul Vannier, rapporteur. Je souhaite aborder un cas récent concernant le collège Stanislas à Paris. Je dispose d’un extrait du rapport de l’Inspection générale, incluant le procès-verbal de l’audition d’un parent d’élèves de cet établissement, qui déclare : « L’Apel choisit les parents délégués et les forme. Les mamans de plusieurs enfants peuvent rester parents délégués sur plusieurs classes en même temps et le rester pendant des années, pas de vote, pas d’ouverture. »
Vous avez évoqué précédemment un renouvellement régulier des représentants élus. Quelle est votre réaction face à ce témoignage ? Que comptez-vous faire pour vérifier ces faits et, le cas échéant, les corriger ? Les considérez-vous comme inacceptables s’ils sont avérés ?
Mme Hélène Laubignat. De tels faits, s’ils sont confirmés, doivent absolument être corrigés. Nous allons vérifier que les statuts de l’établissement sont bien conformes à ceux de notre structure nationale, car chaque niveau doit les respecter. Une vérification rigoureuse sera menée.
Ce que vous rapportez est contraire à nos règles. Les parents d’élèves sont élus et, pour être membre de l’Apel, il faut avoir un enfant scolarisé dans l’établissement. Par ailleurs, une famille ne peut être représentée que par un seul parent, sauf si le second s’engage avec une cotisation propre. Le vote est une obligation, avec des candidats qui se présentent et sont ensuite élus. Tout écart à ce principe démocratique est à mon sens inacceptable.
M. Christophe Abraham. Les parents délégués, ou parents correspondants selon notre terminologie, sont ceux qui représentent les familles dans les classes. Leur mode de désignation varie selon les établissements. Il ne s’agit pas des parents élus de l’Apel, qui le sont lors de l’assemblée générale du conseil d’administration, mais de ceux qui siègent au sein des conseils de classe.
Nous formons nos représentants pour qu’ils puissent ensuite accompagner ces parents correspondants, ce qui n’empêche pas totalement la survenue de pratiques critiquables dans certains établissements.
M. Paul Vannier, rapporteur. Je précise que le terme de « correspondants » n’apparaît pas dans la citation que j’ai lue. Il s’agit bien de parents délégués de l’Apel, dans un établissement privé, en l’occurrence le collège Stanislas de Paris. Selon ce témoignage, ces parents ne sont pas élus et exercent leur mandat pendant de longues années, sans renouvellement.
M. Christophe Abraham. Je vous confirme que les parents délégués sont les représentants des familles au sein des conseils de classe. Leur désignation peut s’effectuer par appel à candidatures, en lien avec l’équipe éducative. Les parents bénévoles qui s’engagent au service de la communauté forment ensuite les autres pour mener à bien cette mission.
Si, dans l’établissement mentionné, certaines personnes restent trop longtemps en poste, cela doit être corrigé car ce fonctionnement ne correspond ni à nos pratiques courantes ni à nos principes associatifs. Nous travaillons actuellement à un meilleur encadrement de ces désignations car ces parents peuvent jouer un rôle de relais essentiel.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. À la suite de nos échanges sur le signalement et les limites que vous avez évoquées, nous souhaiterions disposer de données comparatives sur les moyens des associations. Pourriez-vous nous indiquer, pour chacune de vos structures, le budget annuel approximatif, le nombre d’équivalents temps plein (ETP), le nombre de salariés, ainsi que l’existence ou non d’un service ou d’un référent juridique ? Ces éléments nous aideront à comprendre si les difficultés que vous indiquez rencontrer relèvent de vos moyens, de vos choix ou d’autres facteurs, et à réfléchir à d’éventuelles évolutions.
M. Grégoire Ensel. Notre budget annuel s’élève à 2,6 millions d’euros. Nous disposons de treize ETP permanents. Notre fédération est constituée d’associations locales régies par la loi 1901. Le conseil local peut être affilié au conseil départemental qui dispose de la responsabilité juridique, morale et financière. Les conseils locaux peuvent être des associations de fait ou constituées selon la loi de 1901, comme les conseils départementaux ou la fédération nationale. Nous ne disposons d’aucune autorité hiérarchique sur nos membres et notre fonctionnement repose uniquement sur le dialogue.
Sur le plan juridique, nous disposons de fonds pour assister les conseils départementaux dans le cas, par exemple, d’actions en justice. L’adhésion à la FCPE inclut une assurance avec assistance juridique, activée en fonction de la gravité des faits, en complément de notre accompagnement fédéral.
Je tiens à souligner que notre efficacité en matière de signalement repose moins sur les moyens humains ou financiers que sur nos valeurs et notre réseau. La lutte contre les violences sexuelles est depuis toujours au cœur de notre engagement. Toute situation remontée est traitée avec la plus grande vigilance, sans possibilité d’occultation.
M. Laurent Zameczkowski. Nous comptons un peu moins de cinq ETP. Deux personnes sont chargées du service dédié aux adhérents et associations, une autre assure la direction générale, une autre s’occupe de la communication et la dernière gère la comptabilité.
La Peep est une fédération d’associations indépendantes, toutes régies par la loi de 1901. Elles peuvent être créées au niveau d’un établissement ou regrouper plusieurs établissements, voire couvrir une ville entière.
Ces associations partagent les mêmes statuts, doivent respecter les principes de laïcité et d’apolitisme et ont l’obligation de transmettre à la fédération des informations sur leurs adhérents. Chaque département procède à l’élection d’une association départementale et une union académique est ensuite constituée par les représentants des départements. Les associations locales participent donc à une double élection, départementale et académique. Une assemblée générale annuelle est organisée pour élire le bureau. Chaque association départementale peut présenter un candidat au conseil d’administration national et chaque union académique peut en présenter deux. Le conseil national compte quinze administrateurs.
Mme Hélène Laubignat. Notre bureau national est composé de seize membres élus lors de notre délégation nationale qui se tient au début du mois de décembre. Ces membres sont issus des territoires, avec une représentation limitée pour chacun d’eux.
Des assemblées générales issues des établissements sont organisées dans chaque département, de telles assemblées générales impliquant les parents étant également organisées au sein des établissements. Le processus de désignation est donc démocratique à tous les niveaux.
Au niveau national, nous comptons actuellement vingt salariés. Selon leurs moyens financiers, les associations peuvent également recruter des salariés au niveau des académies et des départements. Le nombre de personnels varie donc d’un territoire à l’autre, en fonction de leurs ressources et de leurs besoins.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. Je vous serais reconnaissante de nous transmettre le nombre d’équivalents temps plein au niveau national ainsi qu’un chiffre consolidé pour les départements. Cela nécessitera peut-être un travail de collecte, mais ces informations sont précieuses pour évaluer les moyens dédiés par vos associations à la lutte contre les violences et aux actions juridiques.
M. Paul Vannier, rapporteur. Comment expliquez-vous la contradiction entre vos importants moyens au niveau central et l’absence de pouvoir sur vos relais territoriaux ?
Mme Hélène Laubignat. Nos salariés au niveau national sont constitués en différents pôles : éducation, service au mouvement, communication, secrétariat de direction, comptabilité et gestion. Leur mission principale est de relayer l’information vers les structures locales. Nous avons également un service formation et une équipe chargée de la gestion des réseaux sociaux.
M. Christophe Abraham. Je souhaite insister sur la difficulté que représente la formation. Bien que l’engagement des parents dans les établissements reste fort, les bénévoles s’investissent moins longtemps qu’avant. Alors qu’un président local restait en poste en moyenne six à sept ans auparavant, aujourd’hui cette durée est réduite à trois ou quatre ans. Nous devons donc former davantage de personnes, et plus rapidement. Cela représente un défi majeur si nous voulons garantir une stabilité territoriale, un suivi et la diffusion d’une information de qualité aux parents.
M. Laurent Zameczkowski. Notre budget s’élève à 750 000 euros. Notre conseil d’administration est élu pour deux ans, renouvelable deux fois, soit un mandat d’une durée maximale de six ans. Cette règle s’applique également aux unions académiques et aux associations départementales, pour les postes de président et de trésorier. L’adhésion est conditionnée à la scolarisation d’enfants dans un établissement.
En dehors des cinq salariés de la fédération, certaines grandes associations emploient un ou deux salariés pour gérer les bibliothèques scolaires des lycées, ce qui constitue une forme de délégation de service public. Cela représente environ cinq personnes supplémentaires à l’échelle nationale.
M. Paul Vannier, rapporteur. Pour résumer, les fédérations de parents du public, qui concernent dix millions d’élèves, comptent entre vingt et vingt-cinq salariés. L’association du privé sous contrat, avec deux millions d’élèves, dispose d’un nombre similaire de personnels au niveau central.
Vous évoquez des échanges réguliers entre Paris et les territoires, notamment pour répondre aux demandes locales. Pourtant, vous nous avez indiqué que ces remontées n’existent pas concernant les signalements de violences. Comment expliquez-vous cette incohérence, alors que vos services centraux ont la capacité d’apporter un appui sur de nombreux sujets ?
Mme Hélène Laubignat. Je n’ai pas d’explication satisfaisante à vous fournir, mais je souhaite que cela change. Nous organisons déjà des formations pour préparer les membres à leur fonction, en incluant la dimension juridique et les responsabilités pénales. Il me semble indispensable de créer une nouvelle formation dédiée à la remontée des informations afin que chacun, à tous les niveaux, de l’établissement à l’académie, prenne conscience de l’importance de faire remonter les incidents. C’est la condition pour que nous puissions en prendre la mesure et agir en conséquence.
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Je souhaite revenir sur la question de l’Ogec, qui est également une association loi 1901 souvent dirigée par des parents ou ex-parents d’élèves. Il constitue le support juridique, économique et financier des établissements catholiques. En tant que présidente de l’Apel, vous êtes membre du conseil d’administration de l’Ogec. En Bretagne, région où les écoles privées sont nombreuses, il est fréquent que l’un des parents siège à l’Apel et l’autre à l’Ogec.
Ce mode de fonctionnement ne présente-t-il pas un risque de conflit d’intérêts, notamment entre intérêt général et intérêts particuliers ? La frontière peut être ténue, d’autant plus que les parents membres de l’Ogec sont également les employeurs des personnels, potentiellement impliqués dans des situations graves, comme à Bétharram. Dans la mesure où l’Ogec constitue le support juridique de l’établissement, ne pensez-vous pas que cela remette en question l’indépendance de l’école et la relation entre les familles et le personnel ?
Mme Hélène Laubignat. J’estime également qu’une telle situation ne devrait pas exister. Nos statuts indiquent d’ailleurs clairement qu’il n’est pas souhaitable qu’une même personne siège à la fois à l’Ogec et à l’Apel. Depuis ma prise de fonction, nous travaillons à revoir cette disposition pour la renforcer. Nos présidents départementaux, académiques et d’établissements s’accordent pour dire qu’une séparation stricte doit être maintenue entre ces deux instances. Il ne devrait pas exister de confusion des rôles car, comme vous le soulignez à juste titre, cela peut contribuer à l’omerta. Une seule personne par cellule familiale devrait être impliquée au sein de ces instances.
M. Christophe Abraham. Les statuts des organismes de gestion interdisent à une personne d’être à membre du conseil d’administration tout en siégeant à l’Apel.
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Si j’entends que vos statuts respectifs prévoient une telle interdiction, la pratique semble différente. Par ailleurs, je précise qu’on peut lire sur votre site internet que : « D’autre part, si vous achevez vos fonctions au sein d’une Apel car vos enfants terminent leur scolarité, mais que vous êtes désireux de poursuivre votre engagement […], vous pouvez rejoindre le réseau des Ogec ». Cela va même plus loin puisque les personnes concernées sont incitées à le faire. Il existe donc un lien très fort.
Vous avez indiqué avoir envoyé des courriers à l’ensemble de vos structures locales à la suite des révélations de Bétharram. En Bretagne comme ailleurs, nous sommes particulièrement sollicités par des signalements de situations actuelles ou passées. Ces communications ont-elles permis une libération de la parole ? Avez-vous reçu des alertes et, le cas échéant, comment sont-elles traitées ?
Mme Hélène Laubignat. Dans ce courrier, adressé à l’ensemble des présidents académiques et départementaux, nous avons sollicité une transmission aux présidents d’établissement afin que l’information puisse circuler le plus largement possible. Dans le même objectif, nous l’avons ensuite publié sur notre site internet et nos réseaux sociaux. Nous n’avons en revanche, depuis lors, reçu aucun nouveau signalement. J’apprends encore trop souvent par la presse les événements qui surviennent et peine à comprendre pourquoi les signalements ne nous remontent pas directement. Les parents qui osent s’exprimer se heurtent-ils à des blocages dans la suite de la chaîne de transmission ? Je souhaite que nous puissions tous être acteurs et que les procédures soient réellement efficaces.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. Nous percevons, dans vos propos, une volonté forte de reprise en main au sein de l’Apel, ce qui est à saluer. Il apparaît néanmoins que ce seul courrier, aussi important soit-il, ne suffit pas à transformer en profondeur les pratiques culturelles dans les relations entre l’Apel nationale et les Apel locales.
Ma question porte donc sur la suite à donner à cet engagement. Face aux témoignages que nous recevons, majoritairement issus de l’enseignement catholique, il semble que l’Apel ait un rôle essentiel à jouer dans le signalement des violences.
En dehors de cette impulsion initiale, envisagez-vous une action plus structurelle ? À vous entendre, notamment au regard des projets de réforme que vous portez, ne serait-il pas pertinent de mener un audit externe sur le fonctionnement associatif, les relations avec les Ogec et avec les directions diocésaines ? Un tel audit pourrait rapidement déboucher sur un véritable plan d’action.
Enfin, vous sentez-vous isolés dans cette mission, ou bien avez-vous le sentiment d’être soutenus, notamment par l’enseignement catholique, pour impulser une dynamique de transformation plus large et plus ambitieuse ?
M. Christophe Abraham. Les affaires les plus graves, dont il est aujourd’hui question, remontent souvent à plusieurs années. Bien que cela ne signifie pas que de tels cas ne peuvent pas encore se produire, la plupart des victimes ne sont plus scolarisées. Il n’est donc pas étonnant qu’elles ne se tournent pas vers l’Apel aujourd’hui.
Notre mobilisation actuelle et nos prises de parole fortes traduisent notre volonté de mettre en place une véritable culture de la vigilance. Nous cherchons à comprendre pourquoi la parole ne s’est pas libérée à l’époque et comment nous pouvons mieux accompagner les parents aujourd’hui pour que cela ne se reproduise pas.
Sur le sujet de l’Ogec, nous encourageons en effet les parents qui quittent l’Apel à s’investir dans d’autres structures. Mais si leur engagement est précieux, il est néanmoins essentiel qu’ils ne cumulent pas plusieurs fonctions à la fois. Lorsqu’ils ne sont plus parents d’élèves, ils peuvent continuer à s’impliquer dans la vie de l’établissement dans un cadre distinct.
Mme Graziella Melchior (EPR). Les témoignages des victimes prouvent l’existence d’une forme d’omerta, parfois qualifiée de loi du silence voire de loi de la lâcheté.
Aujourd’hui, à la lumière des faits que vous connaissez, percevez-vous encore, au sein de la communauté éducative, des formes de solidarité ou de blocage qui entravent les signalements, qu’ils viennent des enseignants, des directions ou même des familles que vous représentez ?
Mme Anne Sicard (RN). En tant que représentants de parents d’élèves, considérez-vous que le système actuel de vérification des antécédents soit suffisamment clair et transparent ? Des contrôles sont-ils systématiquement effectués pour vérifier les antécédents judiciaires des enseignants et surveillants d’internat ? Quelles pistes d’amélioration permettraient, selon vous, de prévenir les contacts entre des mineurs et des professionnels de l’éducation s’étant rendus coupables de violences à caractère sexuel ou de comportements inappropriés ?
Mme Hélène Laubignat. Nous constatons aujourd’hui la trop grande opacité du système. En tant qu’association de parents, nous devons faire preuve d’une vigilance extrême pour garantir que toute situation problématique soit connue, traitée et sanctionnée, tout en préservant la confiance que les familles accordent à leurs établissements.
Aujourd’hui, l’enseignement catholique demande simplement au rectorat l’accès au bulletin n° 2 du casier judiciaire pour les maîtres d’internat et les enseignants. Cette démarche me semble insuffisante, notamment dans les établissements dotés d’un internat, où les risques sont accrus. Il est indispensable de renforcer ces dispositifs de contrôle.
M. Christophe Abraham. Les contrôles des antécédents judiciaires ne devraient pas se limiter au moment de l’embauche, car une personne peut afficher un casier vierge à son arrivée dans l’établissement puis commettre ensuite des actes répréhensibles. Des vérifications périodiques seraient nécessaires et le chef d’établissement devrait pouvoir accéder à toutes les informations utiles pour garantir la sécurité des élèves.
Mme Hélène Laubignat. Nous avons par ailleurs entamé un véritable travail d’introspection en profondeur de l’Apel, qui inclura des acteurs extérieurs à l’enseignement catholique, tels que les parents, les associations de victimes, la Ciivise et des représentants élus. Nous pourrons être amenés à solliciter un cabinet indépendant pour nous aider à conduire ce travail. Nous sommes ouverts à vos recommandations pour bâtir des mesures concrètes et pérennes et mettre en place un véritable plan d’action.
M. Paul Vannier, rapporteur. Quelle est votre perception du plan « Brisons le silence, agissons ensemble » présenté par la ministre d’État Élisabeth Borne ? Quelles pistes d’amélioration ou propositions souhaitez-vous porter devant notre commission pour renforcer la prévention, le traitement et la cessation des violences dans les établissements ?
M. Grégoire Ensel. Ce plan est bienvenu, au regard d’un système hors de contrôle. Cela a été évoqué précédemment : qui contrôle qui ? La réponse qui se dessine est que personne ne contrôle réellement.
Nous proposons donc la création d’une agence nationale publique chargée de contrôler les établissements privés sous contrat. Cette agence serait chargée de conduire des audits tous les trois à cinq ans, effectués par des auditeurs indépendants des territoires afin d’éviter toute situation de conflit d’intérêts. Elle pourrait suivre des indicateurs précis, tels que le contrôle effectif des casiers judiciaires, et formuler des recommandations, voire proposer un déconventionnement. Nous regrettons en effet aujourd’hui l’incohérence des déconventionnements, appliqués de manière variable. Un établissement sous contrat avec l’État doit être contrôlé avec rigueur et les rapports d’audit rendus publics afin que les parents soient informés. La transparence est indispensable dans un système encore trop opaque.
Nous proposons par ailleurs d’intégrer, dans les conventions d’objectifs et de moyens entre l’État et les fédérations, un volet renforcé sur la protection des élèves et la libération de la parole. Nous formons déjà plus de 5 000 parents par an et pourrions intensifier nos actions sur ces enjeux.
Nous attirons également votre attention sur les conseils de discipline au sein des établissements publics, qui fonctionnent comme une boîte noire et où se règlent parfois des situations dramatiques. Nous demandons depuis longtemps une étude sur les motifs de convocation, les sanctions prononcées, les appels et leurs résultats, car ces instances opaques nous semblent contribuer à la violence du système.
Nous demandons enfin l’organisation d’une vaste campagne de communication publique à la rentrée de septembre sur les élections des représentants de parents d’élèves. Ce scrutin républicain, le seul organisé chaque année dans toutes les écoles, est totalement ignoré en matière de communication, alors même qu’il est essentiel de renforcer l’implication des parents dans la vie scolaire.
M. Laurent Zameczkowski. Il est avant tout fondamental d’investir dans le recrutement, la formation et le suivi des enseignants. Nous faisons face à un manque criant de personnel, avec un recours massif à des contractuels souvent insuffisamment formés. Les enseignants doivent également bénéficier d’un accompagnement régulier, non pas pour être surveillés, mais pour être soutenus. Cela concerne tous les métiers de service public à responsabilité car les difficultés personnelles d’un enseignant peuvent entraîner des conséquences graves sur les élèves.
Par ailleurs, les établissements manquent cruellement de psychologues et de personnels de soutien à qui parler librement. Les infirmières scolaires sont souvent débordées et les psychologues trop rares. Il est essentiel qu’une personne neutre et distincte de la direction soit présente dans les établissements pour permettre aux élèves de se confier en toute sécurité. La présence adulte dans les établissements est également insuffisante, avec un assistant d’éducation pour 120 élèves au collège et un pour 250 au lycée, ce qui ne permet ni d’identifier les signaux faibles ni d’instaurer un lien de confiance.
Pour terminer, les associations de parents d’élèves, qui jouent pourtant un rôle crucial, manquent aujourd’hui cruellement de moyens pour assurer leurs missions. Le bénévolat s’épuise et nous peinons à recruter. Participer à un conseil de classe, un conseil de discipline ou une commission d’appel académique nécessite souvent de poser des congés, ce qui devient de plus en plus difficile dans un contexte économique tendu. Nous avons obtenu de la direction générale de l’enseignement scolaire la possibilité d’un second suppléant pour les commissions d’appel académique, mais cela reste insuffisant. Nous avons besoin de soutien pour continuer à nous engager efficacement. Sans un investissement accru dans l’éducation, nous ne pourrons pas relever les défis qui se présentent à nous.
Mme Hélène Laubignat. Nous partageons pleinement l’idée selon laquelle la formation des enseignants et des chefs d’établissement est une priorité, notamment sur la détection et le signalement des violences. Lors de notre récente réunion avec les présidents départementaux et académiques, nous avons décidé de rendre obligatoires les formations – jusqu’alors facultatives – pour les cadres de notre mouvement.
Nous souhaitons également la création d’un dispositif d’alerte anonyme, accessible et compréhensible par tous. Il est nécessaire de simplifier les numéros existants et de créer un point de contact unique pour faciliter les signalements.
La transparence dans nos établissements est également essentielle et les contrôles actuels insuffisants. En tant qu’établissements sous contrat avec l’État, nous devons répondre à des exigences élevées, en cohérence avec les financements publics perçus. Nous devons envisager d’augmenter le nombre de contrôleurs pour rendre ces vérifications plus efficaces.
Enfin, les parents d’élèves doivent être pleinement associés aux politiques de prévention. En tant que premiers éducateurs de nos enfants, notre implication est cruciale dans toute démarche de protection de la jeunesse.
La séance est levée à onze heures quarante-cinq.
Informations relatives à la commission
La commission a désigné :
– Mme Géraldine Bannier et M. Jean-Claude Raux rapporteurs de la mission flash sur les impacts des réformes successives sur le baccalauréat professionnel
– M. Arnaud Bonnet et M. Laurent Croizier rapporteurs de la mission flash sur l’évaluation de l’accompagnement des élèves à la découverte des métiers et à l’orientation
– M. Joël Bruneau, M. Bruno Clavet et Mme Véronique Riotton rapporteurs de la mission d’évaluation de l’impact de la loi n° 2022-296 du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France
Présents. – M. Arnaud Bonnet, M. Laurent Croizier, M. José Gonzalez, Mme Fatiha Keloua Hachi, Mme Graziella Melchior, Mme Marie Mesmeur, M. Jean-Claude Raux, Mme Anne Sicard, Mme Violette Spillebout, M. Paul Vannier
Excusés. – Mme Farida Amrani, M. Gabriel Attal, M. José Beaurain, M. Xavier Breton, Mme Céline Calvez, Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho, Mme Anne Genetet, M. Frantz Gumbs, M. Steevy Gustave, Mme Tiffany Joncour, M. Frédéric Maillot, Mme Véronique Riotton, Mme Claudia Rouaux, Mme Nicole Sanquer