Compte rendu
Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation
– Dans le cadre de l’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires (article 5 ter de l’ordonnance n° 58‑1100 du 17 novembre 1958), audition conjointe de MM. Philippe Delorme, secrétaire général de l’enseignement catholique (Sgec), Sylvain Cariou-Charton, président de l’Union des réseaux congréganistes de l’enseignement catholique (Urcec), et Christophe Schietse, secrétaire général 2
– Informations relatives à la commission...................26
– Présences en réunion..............................27
Mercredi
2 avril 2025
Séance de 10 heures
Compte rendu n° 45
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi, Présidente
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La séance est ouverte à dix heures.
(Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi, présidente)
La commission auditionne conjointement, dans le cadre de l’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires (article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958), MM. Philippe Delorme, secrétaire général de l’enseignement catholique (Sgec), Sylvain Cariou-Charton, président de l’Union des réseaux congréganistes de l’enseignement catholique (Urcec), et Christophe Schietse, secrétaire général.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous entendrons séparément les représentants de l’enseignement privé non catholique, mais, dans la mesure où 95 % des élèves de l’enseignement privé sous contrat sont scolarisés dans des établissements catholiques, il nous a semblé indispensable de consacrer une audition spécifique à ces derniers.
Vous le savez, nous cherchons à comprendre comment, au sein des établissements scolaires que vous représentez et en lien avec l’État qui est censé en assurer le contrôle, vous veillez au bien-être des élèves et combattez toute forme de violence dont ils pourraient être victimes.
L’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
(M. Philippe Delorme, M. Sylvain Cariou-Charton et M. Christophe Schietse prêtent successivement serment.)
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Quel est le circuit de traitement des signalements de violences au sein de vos établissements ? Avez-vous défini une procédure formalisée applicable à l’ensemble du réseau ?
M. Philippe Delorme, secrétaire général de l’enseignement catholique (Sgec). Permettez-moi tout d’abord de penser aux personnes victimes. À la suite des révélations sur Bétharram, de nombreux témoignages affluent, relatant des faits particulièrement graves de violences physiques allant jusqu’à un certain sadisme et de violences sexuelles allant jusqu’au viol. Je veux redire ici toute notre compassion et toute notre volonté d’écouter, d’entendre la vérité, d’entendre ces victimes qui n’ont souvent pas pu s’exprimer quand elles étaient plus jeunes, de les reconnaître dans ce qu’elles ont subi. Nous avons trahi la promesse que nous avions faite à ces jeunes et à leurs familles de les aider à se construire, humainement et dans toutes leurs dimensions : au lieu de cela, nous les avons détruits, marqués à vie par des sévices inacceptables. Nous sommes déterminés à tout faire pour que plus jamais de tels actes ne puissent se produire.
Il s’agit pour nous, dans un premier temps, d’évaluer l’action engagée depuis 2018 au sein de notre réseau dans le cadre du programme de protection des publics fragiles (3PF), qui s’appuie notamment, pour la prévention, sur le plan Boussole, lancé plus récemment et conçu pour mesurer le climat scolaire et les éventuelles insuffisances constatées dans un établissement afin d’y remédier. Ce programme doit encourager la libération de la parole des enfants et inclut des procédures très claires de signalement – signalements qui sont, en fonction de la gravité des faits, adressés au procureur de la République ou à la Crip (cellule départementale de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes).
Nous devons désormais examiner ces dispositifs afin de veiller à ce qu’ils soient bien effectifs dans les 7 200 établissements qui composent notre réseau, de les améliorer si nécessaire en consultant notamment les associations de victimes, voire de prendre de nouvelles mesures, en lien avec tous les acteurs concernés et en tenant compte des recommandations que votre commission ne manquera pas de faire.
M. Paul Vannier, rapporteur. Le 20 février dernier, vous déclariez sur RMC : « Je [rêve] que nos 7 500 établissements soient contrôlés, nous n’avons rien à cacher. » Comment ce rêve pourrait-il se concrétiser, d’après vous ?
M. Philippe Delorme. Il me semble indispensable que nos établissements soient contrôlés : c’est la contrepartie d’une certaine liberté. Le contrôle de l’État est parfaitement légitime ; il est prévu par la loi dit Debré. Pendant des années, il n’a pas été effectif. Ce n’est pas de notre fait. La Cour des comptes l’a très clairement souligné dans son rapport de juin 2023 sur le financement de l’enseignement privé sous contrat.
Il importe que tous ces contrôles soient effectués. C’est désormais le cas : les académies ont institué des plans qui prévoient des contrôles tant financiers qu’administratifs – contrôles qui, dans le contexte actuel, seront probablement étendus et auront peut-être vocation à être plus poussés s’agissant des questions de climat scolaire.
M. Paul Vannier, rapporteur. Vous appelez donc à la généralisation des contrôles, dans le respect des textes, et vous invitez l’État à se montrer à la hauteur de ses obligations.
Dans un courrier adressé le 29 novembre 2024 à la direction des affaires financières (DAF) du ministère de l’éducation nationale, vous indiquez : « Les établissements privés associés à l’État par contrat ne peuvent être contrôlés comme les établissements hors contrat. Ils ne peuvent pas non plus être contrôlés comme le public. » Pourquoi cette distinction, dès lors que l’enjeu de ces contrôles est de garantir les droits et la sécurité des élèves ?
M. Philippe Delorme. Il me semble que les contrôles évoqués ne concernaient pas uniquement ces points-là. Dans ce courrier, nous n’avons fait que rappeler les termes de la loi Debré, en vertu desquels les contrôles portent sur le contrat d’association, l’organisation de la vie scolaire étant quant à elle sous la responsabilité du chef d’établissement. Mes propos portaient simplement sur cet aspect.
La vie scolaire au sein de nos établissements n’a pas vocation à être calquée exactement sur ce qui existe dans l’enseignement public : nous disposons d’une certaine liberté d’organisation. En revanche, il est parfaitement légitime et nécessaire que l’État vérifie qu’il y règne un climat de sécurité, que nos maisons sont sûres et qu’elles assurent une véritable bientraitance éducative. L’État doit pouvoir contrôler l’environnement scolaire, mais aussi les internats – même si ceux-ci n’entrent pas dans le champ du contrat d’association –, et s’assurer que les jeunes que nous accueillons y évoluent dans un climat scolaire sûr.
M. Paul Vannier, rapporteur. Les internats renvoient à la vie scolaire. Dans votre courrier, vous soulignez que « le contrôle habituel, tel qu’évoqué, ne peut porter sur la vie scolaire, qui est par nature en dehors du secteur sous contrat ». Sur quelle base légale vous fondez-vous pour affirmer que la vie scolaire doit échapper au contrôle des services de l’État ?
M. Philippe Delorme. Aux termes de la loi Debré, le contrat d’association impose – pour résumer très rapidement – le respect des programmes et des valeurs de la République, la liberté de conscience et l’accueil de tous. L’organisation de la vie scolaire nous est propre et fait partie de notre liberté. Cela ne signifie pas pour autant qu’on ne puisse pas contrôler que cette organisation assure pleinement la sécurité et le bien-être des jeunes que nous accueillons.
M. Paul Vannier, rapporteur. Nous y reviendrons, car il me semble que vous avez signé de nombreux écrits qui contredisent ces déclarations.
L’article L. 442-2 du code de l’éducation rappelle les obligations générales s’imposant à tout établissement privé, notamment en matière de protection de l’enfance. Cet article rend-il possible, d’après vous, le contrôle de la vie scolaire par l’État ?
M. Philippe Delorme. Oui, absolument.
M. Paul Vannier, rapporteur. Très bien. Là encore, nous reviendrons sur ce que vous exprimiez à ce propos il y a quelques semaines encore.
Dans ce même courrier du 29 novembre 2024, vous qualifiiez le guide du contrôle des établissements privés sous contrat alors en cours d’élaboration, dont la DAF vous avait transmis une version de travail, de « manuel de l’inquisiteur » et considériez qu’il relevait d’un « système de délation ». Les inspecteurs de l’éducation nationale sont-ils, à vos yeux, des inquisiteurs ? Estimez-vous que le contrôle par les services de l’État relève d’un système de délation ?
M. Philippe Delorme. Ce que nous avons souligné, c’est l’état d’esprit que les fiches de contrôle semblaient révéler. La Cour des comptes a rappelé que les contrôles devaient être effectués de façon ordinaire et habituelle. Or la tonalité de ces fiches suggérait qu’elles avaient été rédigées en partant du principe qu’il y avait forcément des problèmes et qu’il fallait obligatoirement déceler des dysfonctionnements dans nos établissements. Je ne pense pas que ce soit l’esprit de la loi Debré ni la meilleure façon d’appréhender les choses. C’est cet état d’esprit qui donnait l’impression d’une prime à une forme de délation et de contrôle à charge a priori. Une telle démarche ne me paraît ni juste ni bonne et ne permet pas, en tout cas, d’aborder ces contrôles en toute sérénité.
M. Paul Vannier, rapporteur. Les inspecteurs de l’éducation nationale qui utiliseront ce guide pour contrôler les établissements privés sous contrat sont-ils des inquisiteurs, monsieur Delorme ?
M. Philippe Delorme. Non, ils ne sont pas des inquisiteurs, monsieur le rapporteur.
M. Paul Vannier, rapporteur. C’est pourtant ce que vous avez écrit.
Toujours dans ce courrier, vous indiquez que tout contrôle d’un établissement privé sous contrat doit reposer sur « une programmation régulière, paisible et cohérente », fondée sur « une concertation avec les directions diocésaines et les chefs d’établissement ». Devons-nous en déduire que vous êtes opposé à toute forme de contrôle inopiné et qui ne soit pas organisé avec les représentants de l’enseignement catholique ?
M. Philippe Delorme. Les deux modalités peuvent exister, mais, dès lors que, comme l’a rappelé la Cour des comptes, ces contrôles doivent être réguliers, ils doivent s’inscrire dans une programmation tenable pour les établissements. Rendez-vous compte : un établissement pourrait faire l’objet, la même année, d’une évaluation, d’un contrôle de la DGFIP (direction générale des finances publiques), d’un contrôle administratif, d’une visite de tutelle, d’un contrôle de l’Urssaf et d’une consultation par la Cour des comptes. Tous ces contrôles mobilisent les équipes, qui doivent avant tout œuvrer au service des élèves et des jeunes. Le fait de les inscrire dans un calendrier pluriannuel n’a donc rien de choquant, au contraire, et n’empêche pas des contrôles surprises dans certains cas.
M. Paul Vannier, rapporteur. Pour rassurer nos collègues : le contrôle financier intervient environ une fois tous les mille cinq cents ans ; quant au contrôle administratif, dans l’académie de Nantes, qui compte 50 % d’établissements privés sous contrat, il y en a eu un seul – pour 1 139 établissements – au cours des six dernières années. Le risque de voir tous ces contrôles se cumuler la même année n’est donc pas particulièrement élevé.
Vous n’appelez donc à davantage des contrôles qu’à condition qu’ils soient organisés avec l’enseignement catholique et adaptés aux établissements privés, et vous considérez qu’ils peuvent entretenir un climat de délation : on pourrait, au fond, se demander si vous n’êtes pas tout simplement opposé au principe du contrôle. Là encore, je m’appuie sur le courrier que vous avez adressé à la DAF, dans lequel vous transmettez vos annotations au projet de guide du contrôle des établissements privés sous contrat. Vous demandez qu’en soient supprimés pas moins de vingt-huit points de vigilance et, surtout, deux des huit fiches regroupant les points à contrôler par catégorie – la fiche n° 5, qui porte sur la vie scolaire, et la fiche n° 8, qui concerne les obligations tirées du contrat.
La fiche n° 5 enjoint aux inspecteurs de s’assurer que la devise républicaine et le numéro 119, mis à disposition des élèves victimes de violences, sont bien affichés dans les établissements. Pourquoi vouloir la faire disparaître ?
M. Philippe Delorme. La fiche ne portait pas uniquement sur ces points. Il est bien évident que le 119 doit être affiché dans tous les établissements, sans exception : il est absolument nécessaire de protéger les enfants et les jeunes que nous accueillons en leur donnant la possibilité de signaler des faits. Seulement, le périmètre de cette fiche était plus large et, comme je l’ai indiqué, la question de la vie scolaire telle qu’elle était présentée n’entre pas dans le champ du contrat, donc du contrôle. Cela étant dit, nous n’écririons pas forcément la même chose aujourd’hui.
M. Paul Vannier, rapporteur. La fiche concerne également les internats, qui sont les lieux où les élèves sont le plus fortement exposés à de potentiels agresseurs, particulièrement dans l’enseignement catholique, qui accueille en proportion deux fois plus d’élèves internes que l’enseignement public. Or vous demandez la suppression du passage suivant : « S’il semble que les conditions morales et matérielles de l’accueil des enfants mineurs hébergés dans un internat compromettent leur sécurité, leur santé et leur moralité, une information préoccupante sur les mineurs en danger ou qui risquent de l’être doit être adressée au président du conseil départemental. Parallèlement, un signalement peut être fait au procureur de la République au titre de l’article 40 du code de procédure pénale. »
Vous avez rappelé le nombre de victimes ayant dénoncé les violences physiques et sexuelles subies à Bétharram. Si un tel guide avait existé dans les années 1990, il aurait certainement permis de détecter des violences et de prendre des mesures. Peut-être aurait-il sauvé la vie de dizaines, voire de centaines d’enfants et d’adolescents. Or, en novembre 2024, vous appelez à la suppression d’une disposition appelant les inspecteurs de l’éducation nationale à la plus grande vigilance en matière de violences commises dans le cadre de la vie scolaire au sein des internats. Pourquoi ?
M. Philippe Delorme. Il convient de distinguer deux aspects. Les fiches qui nous ont été soumises étaient destinées à définir le contrôle administratif effectué dans le cadre de la loi Debré. Notre réponse s’inscrivait dans ce cadre. Les questions qui nous occupent aujourd’hui ne sont pas du même ordre. On ne peut pas affirmer que les internats sont couverts par le contrôle prévu aux termes de la loi Debré.
En revanche, je suis évidemment favorable à ce que les lieux d’accueil de nuit soient contrôlés pour les raisons que vous avez citées. Simplement, on change alors de cadre. Je ne vois aucune difficulté à aller au-delà de la loi Debré pour vérifier certains points. Je suis favorable au contrôle des internats tel qu’il est prévu dans cette fiche. J’estime seulement qu’il ne relève pas de la loi Debré. C’est sur ce point qu’il existe sans doute un malentendu entre nous, plus qu’une opposition.
M. Paul Vannier, rapporteur. La loi Debré s’applique, et c’est heureux, mais elle n’est pas la seule loi de la République. Je vous renvoie à nouveau à l’article L. 442-2 du code de l’éducation, qui charge très clairement les services de l’État de veiller à ce que la protection des enfants soit assurée, y compris dans les établissements privés sous contrat, pendant le temps de la vie scolaire.
En parlant du périmètre de la loi Debré, vous introduisez ainsi un élément qui n’est pas pertinent dans le cadre de notre réflexion. Il me semble que vous manifestez ici une volonté de résister à l’application de la loi, puisque vous appelez à la suppression de tous les passages qui renvoient au contrôle des internats, alors même que vous vous y déclarez favorable.
La fiche n° 5 aborde également les conseils de discipline, qui, au sein de votre réseau, ne sont pas soumis aux mêmes règles que dans les établissements publics et qui peuvent être le lieu d’une violence institutionnelle exercée sur des élèves, par exemple lorsqu’ils conduisent à leur renvoi sans motivation. Les inspecteurs sont tenus de veiller à ce que les règlements intérieurs informent clairement les élèves et les familles des « sanctions en cas de manquement à la règle ». Vous appelez également à la suppression de ce passage, ouvrant dès lors la voie à l’arbitraire, à l’opacité et à l’absence de tout recours possible. Pourquoi ?
M. Philippe Delorme. Pour la même raison que précédemment, ce qui ne veut pas dire que nos établissements ne respectent pas le droit applicable en la matière.
M. Paul Vannier, rapporteur. J’en viens à la fiche n° 8, qui permet aux inspecteurs, en cas de manquement grave, d’appliquer des sanctions au chef d’établissement, mais aussi d’envisager la rupture du contrat d’association – une procédure très rare, puisqu’en soixante-cinq ans, elle n’a frappé qu’un établissement dans les années 1980 et, très récemment, les lycées Averroès et Al-Kindi. Vous en demandez la suppression. Pourquoi ?
M. Philippe Delorme. Elle comportait des répétitions et nous semblait inutile au vu de ce qui était écrit dans d’autres fiches.
M. Paul Vannier, rapporteur. Ce n’est pas parce que vous considérez qu’un contrôle ne devrait pas donner lieu à une sanction pouvant aller jusqu’à la rupture du contrat d’association ?
M. Philippe Delorme. Nullement.
M. Paul Vannier, rapporteur. Des situations comme celles observées à Bétharram devraient-elles, selon vous, conduire à la rupture du contrat d’association ?
M. Philippe Delorme. À l’époque où les faits se sont produits, pas aujourd’hui.
M. Paul Vannier, rapporteur. Quand ma collègue rapporteure et moi-même nous sommes rendus à Bétharram, nous avons pris connaissance de violences sexuelles entre élèves survenues en 2024. Ces faits ne renvoient pas à un passé ancien et révolu : ils sont malheureusement tout à fait d’actualité.
L’enseignement à la vie affective, relationnelle et sexuelle (Evars) a été évoqué à plusieurs reprises au cours des auditions précédentes. Il présente des vertus préventives, car il peut aider des enfants ou des adolescents victimes de violences sexuelles à les identifier et à les signaler, contribuant ainsi à en préserver l’ensemble des élèves.
Dans les fiches n° 3 et n° 4 du guide, vous proposez de remplacer les références à l’article L. 312-16 du code de l’éducation, qui impose au moins trois séances annuelles d’éducation à la sexualité pour chaque niveau, par des références à l’article L. 121-1, qui dispose de façon beaucoup plus générale que les écoles, collèges et lycées assurent une éducation à la sexualité, sans référence à son caractère obligatoire ni au nombre de séances. Pourquoi cette demande ?
M. Philippe Delorme. Il nous semblait que c’était cet article qui correspondait au sujet. Toutefois, dans l’immense majorité de nos établissements, ces trois séances de deux heures étaient déjà dispensées avant d’être obligatoires. Un programme, applicable à la rentrée prochaine, est désormais publié. Il sera appliqué dans tous nos établissements.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Vous avez indiqué être favorable à l’organisation de contrôles réguliers, ainsi qu’à des contrôles inopinés « dans certains cas ». Pouvez-vous expliciter cette expression ?
M. Philippe Delorme. Il me semble que les cas envisagés par le ministère correspondent aux situations dans lesquelles une remontée d’information préoccupante ou inquiétante a eu lieu. Si des faits de maltraitance sont déclarés, il me paraît parfaitement légitime que des contrôles inopinés aient lieu.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Seriez-vous donc opposé à des contrôles inopinés complètement aléatoires ?
M. Philippe Delorme. Non.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. Merci pour ces réponses très précises et directes. Ces questions sont importantes, au nom du respect dû à toutes les victimes passées et actuelles et à leur souffrance, qui perdure. Nous sommes submergés de témoignages d’hommes – principalement – de 65, 70, 75 ans, qui ont été violentés dans leur enfance et qui trouvent le courage de nous écrire pour dire combien il est nécessaire que les forces de l’éducation nationale, de l’État et des directions diocésaines coopèrent afin de mettre un terme aux violences subies à Bétharram et dans beaucoup d’autres établissements, privés comme publics.
Vous vous référez au cadre de la loi Debré, tout en vous déclarant favorable à ce que des contrôles ou des mesures soient conduits en dehors de ce cadre. La loi Debré, qui instaure le contrat entre l’État et les écoles privées, vous paraît-elle adaptée à la gestion des violences faites aux élèves ? Faut-il la faire évoluer ?
M. Philippe Delorme. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de toucher à la loi Debré pour combattre et prévenir les violences faites aux élèves. Un décret devrait être suffisant pour imposer l’utilisation de la plateforme de signalement Faits établissement dans l’ensemble de notre réseau. Il ne me semble pas utile de modifier la loi Debré pour renforcer notre action sur certains points – comme cela a d’ailleurs déjà été fait par le passé –, car, comme le rapporteur l’a souligné, nous avons vocation à appliquer la loi tout court, et pas seulement l’une d’entre elles. Des réflexions peuvent être menées pour améliorer la prévention et les signalements et s’assurer que les choses se font dans de bonnes conditions et de façon efficace, sans modifier la loi Debré.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. Chaque établissement catholique est doté d’un projet éducatif particulier : c’est ce qu’on appelle son caractère propre. À votre connaissance, les établissements ont-ils intégré dans leur projet la protection des élèves, la prévention des risques, la formation des jeunes et des adultes ainsi que les signalements ?
M. Philippe Delorme. Je ne peux pas répondre à votre question, car je n’ai pas une vision d’ensemble des projets éducatifs. Les thèmes dont vous parlez peuvent figurer non dans ces derniers, mais dans leur traduction par le projet d’établissement.
Je peux garantir, en tout cas, que les établissements ont vraiment mis en place les éléments relevant de la bientraitance éducative et de la lutte contre le harcèlement, éléments qui se retrouvent dans le projet d’établissement.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. Il n’y a donc pas aujourd’hui de politique nationale que les établissements pourraient décliner dans leur projet éducatif, mais vous supposez que chaque établissement intègre les éléments que j’ai évoqués.
M. Philippe Delorme. Chaque établissement est autonome ; il possède donc son propre projet éducatif, même si celui-ci s’inscrit dans le cadre du projet commun de l’enseignement catholique.
Le programme de protection des publics fragiles que nous avons mis en place en 2018 a vocation à être décliné dans tous les établissements. L’objectif est de comprendre le phénomène ; de veiller à ce que la parole des enfants soit libérée et entendue ; et d’agir lorsque des cas sont signalés.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. Les chefs d’établissement ont donc la responsabilité de décliner ce programme.
Pouvez-vous préciser les modalités de leur recrutement ? Pour ceux qui ont été recrutés depuis 2018, la mise en œuvre du programme en question fait-elle formellement partie des missions prioritaires qui leur sont assignées ? Fait-elle l’objet d’une évaluation annuelle ? Comment les chefs d’établissement sont-ils formés au recueil de la parole, au signalement et à la transmission d’informations préoccupantes ?
M. Philippe Delorme. L’établissement et son chef sont le socle de notre organisation ; c’est une différence avec la pyramide descendante de l’enseignement public. Le chef d’établissement est recruté par une tutelle, qu’elle soit congréganiste ou diocésaine, dont il reçoit une lettre de mission. Il est embauché par l’organisme de gestion de l’enseignement catholique (Ogec), régi le plus souvent par la loi de 1901 et géré par des bénévoles.
Dans l’immense majorité des cas – plus de 90 % –, le chef d’établissement est recruté parmi le personnel enseignant, notamment parmi les personnes qui ont pu exercer des responsabilités intermédiaires.
Il reçoit une formation à l’issue de laquelle il se voit délivrer un titre RNCP (répertoire national des certifications professionnelles). Cette formation dure deux ans – une année avant la prise de fonctions et une année d’exercice. Elle comporte un volet consacré à la protection des mineurs, aux signalements, au programme 3PF, etc. Je pourrai vous transmettre son cahier des charges.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. Pouvez-vous avoir la certitude que le programme est mentionné dans toutes les lettres de mission ? La formation que vous évoquez est-elle dispensée systématiquement aux chefs d’établissement recrutés depuis 2018 ?
M. Philippe Delorme. Le programme n’apparaît pas forcément dans la lettre de mission. En revanche, dans sa mission d’accompagnement des chefs d’établissement, notamment dans le cadre des visites qu’elle effectue, la tutelle doit veiller à ce que les dispositifs soient bien mis en place.
Le plan Boussole est une proposition. D’autres modalités peuvent être choisies pour garantir la prévention et la sécurité des enfants et différentes méthodes peuvent être retenues pour faire face au harcèlement. En tout état de cause, le rôle de la tutelle est de s’assurer que le chef d’établissement a bien instauré des dispositifs à cette fin.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. Nous avons rencontré le chef d’établissement du collège Le Beau Rameau à Bétharram et échangé avec lui à propos de la façon dont il a pu signaler les faits de violences entre élèves survenus en 2024. Puis nous avons interrogé les inspections académiques et diocésaines et recueilli des témoignages concernant l’action des chefs d’établissement. Il apparaît que ces derniers, dans l’enseignement privé – comme dans l’enseignement public, du reste –, se sentent très souvent isolés lorsqu’ils ont à prendre une décision de suspension ou d’éloignement d’un professeur parce qu’un fait de violence physique, psychologique ou sexuelle l’impliquant leur est signalé. Leurs actions sont très aléatoires.
Vous avez évoqué les signalements soit au procureur, soit à la Crip pour les informations préoccupantes. On sait que l’obligation de dénonciation sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale ne s’applique pas à certains personnels qui ne sont pas sous l’autorité du ministère de l’éducation nationale.
De nos échanges sur le terrain, nous avons retenu que le processus de signalement n’est absolument pas fiable. Il ne permet pas de s’assurer, au niveau local comme national, que les mesures prises sont systématiquement à la hauteur des exigences de protection de l’enfant en cas de violence. Quelles actions ont été entreprises pour sécuriser le processus ?
M. Philippe Delorme. Je suis frappé de la diversité des situations selon les territoires. Ainsi, les Crip ne fonctionnent pas toutes de la même façon ; la réactivité des autorités rectorales n’est pas toujours identique ; l’organisation de l’enseignement catholique est variable.
Dans certaines académies, comme celle de Lille, les dispositifs sont parfaitement en place. Le diocèse a signé avec la procureure une convention relative aux signalements liés à l’enfance en danger et à la révélation dans le milieu scolaire de faits de nature pénale. La procédure est très claire, très efficace ; elle garantit que les informations remontent bien – a priori, car tout dépend toujours du chef d’établissement. Elle est si bien huilée qu’elle porte ses fruits.
Dans d’autres territoires, les dispositifs sont sans doute moins clairs ou moins bien compris, ou moins bien suivis. Il y a un besoin – pas seulement dans l’enseignement catholique, mais celui-ci doit en prendre sa part – d’harmonisation et de clarification des procédures.
Quant à la solitude du chef d’établissement, celui-ci peut compter sur le soutien de l’Ogec si le signalement concerne un salarié de droit privé et doit se tourner obligatoirement vers l’autorité académique s’il s’agit d’un enseignant.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. À la suite de la publication du rapport de la Ciase (Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église) en 2021, la Conférence des évêques de France a décidé de plusieurs actions correctives dans le domaine de l’écoute des victimes, de l’accompagnement psychologique et de la prévention, des suites judiciaires. Fin mars, juste avant l’assemblée plénière de printemps des évêques à Lourdes, un point d’étape a eu lieu qui a permis de présenter un rapport évaluant les mesures prises pour lutter contre les violences sexuelles dans l’Église depuis les conclusions de la Ciase.
Ainsi, la Conférence des évêques de France a immédiatement pris les choses en main, si je puis dire. Qu’en est-il pour le Sgec ? Vous parlez beaucoup de 2018, date de lancement de votre programme de protection, comme d’un moment de changement en ce qui concerne le souci de protection des enfants, mais le rapport de la Ciase a-t-il déclenché une évolution des procédures ? Quelles actions ont été menées alors ?
M. Philippe Delorme. J’étais présent à Lourdes ainsi que lors de la présentation du rapport de la Ciase – le soir même, j’ai adressé un communiqué à l’ensemble des communautés éducatives de l’enseignement catholique, d’abord pour exprimer mon effroi et demander pardon aux victimes, mais aussi pour appeler à nous saisir des recommandations de Jean-Marc Sauvé.
Dès lors, nous avons travaillé en étroite collaboration avec la Conférence des évêques de France. J’ai participé à toutes les assemblées qui traitaient de ce sujet et mon adjointe est membre du Conseil de prévention et de lutte contre la pédophilie.
Nous avons travaillé avec l’ensemble des directeurs diocésains, lesquels ont travaillé à leur tour avec chaque diocèse. Madame Derain de Vaucresson, présidente de l’Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (Inirr), a pris part aux travaux. Les directeurs diocésains ont contribué à l’élaboration de chartes de bientraitance éducative et de procédures de signalement. Selon la taille des diocèses, soit des conventions ont été signées directement par l’enseignement catholique et le procureur de la République, soit les établissements s’appuient sur la convention signée par le diocèse et le procureur. Nous avons fait évoluer notre programme 3PF pour accorder une attention accrue aux atteintes et agressions sexuelles ainsi qu’au viol.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. Nous avons obtenu à Pau la convention entre le procureur et l’évêque. Nous sommes preneurs de documents formalisant les plans d’action élaborés par le Sgec – nous disposons essentiellement d’échanges entre vous et l’éducation nationale au sujet du guide de contrôle. Nous souhaitons établir la réalité et l’étendue des nouvelles procédures qui ont été mises en place pour mettre fin aux violences sexuelles, physiques ou psychologiques.
Dans la lettre du 29 novembre, vous soulignez le défaut d’inculturation chez les inspecteurs de l’éducation nationale. Vous vous inquiétez d’un certain nombre d’imprécisions dans le guide, comme la mention du directeur plutôt que celle du chef d’établissement ou la non-reconnaissance des chefs d’établissements adjoints. Vous critiquez une méconnaissance qui pourrait être préjudiciable à la qualité des contrôles.
Depuis votre courrier, avez-vous fait des propositions à l’éducation nationale pour former les inspecteurs aux spécificités de l’enseignement catholique ? Si oui, ont-elles été étudiées par le ministère ? Comment faire en sorte que les inspections soient de votre point de vue plus efficaces ?
M. Philippe Delorme. Nous pouvons nous appuyer sur l’expérience de l’évaluation de l’école. Le Conseil d’évaluation de l’école a instauré un processus d’évaluation pour l’enseignement privé. En amont, nous avons travaillé pendant un an pour que les évaluateurs comprennent le fonctionnement de l’enseignement privé sous contrat, connaissent la loi Debré et soient au fait de nos droits et nos devoirs. Nous leur avons ainsi proposé des petits modules de formation.
Il est nécessaire de remédier à la méconnaissance de nos espaces de liberté et de nos droits et devoirs que nous constatons chez les contrôleurs. Le ministère de l’éducation nationale en a bien conscience. Il m’a indiqué qu’il créait une formation pour assurer le bon déroulement des contrôles et éviter les confusions. Plusieurs problèmes nous ont été signalés. Je prends l’exemple d’un contrôleur dans un établissement du premier degré qui accomplissait sa mission comme si elle concernait un établissement public, relevant tout ce que l’établissement n’avait pas le droit de le faire ; lorsqu’il est revenu le lendemain, il a admis que l’établissement en avait bien le droit. Cela ne témoignait pas d’une opposition de sa part, mais simplement d’une méconnaissance de notre fonctionnement.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. Ce n’était pas ma question. Avez-vous proposé depuis le 29 novembre dernier de nouveaux modules de formation ? Le ministère a-t-il été réceptif ?
M. Philippe Delorme. Nous l’avons proposé, le ministère nous a répondu qu’il s’en occupait lui-même.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. Avez-vous des échanges écrits à ce sujet ?
M. Philippe Delorme. Non, c’étaient des échanges oraux.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. On peut donc considérer que depuis le 29 novembre, ce point n’a pas été traité.
M. Philippe Delorme. Peut-être l’a-t-il été, mais je n’en sais rien.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. Nous questionnerons le ministère de l’éducation nationale sur ce point.
S’agissant de la gouvernance de l’enseignement catholique, nous avons compris qu’au sein d’un couple, l’un des membres pouvait faire partie de l’Apel (Association des parents d’élèves de l’enseignement libre), l’association représentant les parents susceptibles de se plaindre du comportement d’un enseignant, et l’autre de l’Ogec, qui a la responsabilité de recruter le personnel enseignant. Cela pose des questions quant à la liberté de parole en cas de violence et quant aux suites éventuelles qui y sont données.
Pour la nouvelle présidente de l’Apel nationale, que nous avons auditionnée, cette situation n’est ni normale ni souhaitable. Pour assurer une gouvernance saine et prévenir les conflits d’intérêts, qui ont contribué à l’omerta, elle considère qu’il faut proscrire de telles situations. Qu’en pensez-vous ?
M. Philippe Delorme. Une précision : l’Ogec n’intervient absolument pas dans le recrutement des enseignants, uniquement dans celui des personnels de droit privé.
Cette situation n’est pas courante. Elle n’en reste pas moins ni souhaitable ni conforme au statut des Ogec et des Apel.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. Je laisserai mes collègues qui ont des exemples dans leur circonscription réagir à vos propos.
Pouvez-vous préciser en quoi elle n’est pas conforme au statut des Ogec ? Est-ce interdit ?
M. Philippe Delorme. En principe – là encore, chaque Ogec jouit d’une certaine liberté –, cela a été fortement souligné par les instances nationales. Cela ne veut pas dire que ce soit toujours suivi d’effet. Ces pratiques ne sont pas bonnes car elles peuvent faire naître des conflits d’intérêts, qui ne sont pas souhaitables.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. Les éventuels conflits d’intérêts font-ils l’objet d’un suivi de la part du Sgec ? Connaissez-vous le nombre d’établissements concernés ?
M. Philippe Delorme. Ce n’est pas au Sgec qu’il appartiendrait de le faire, mais plutôt à la Fnogec (Fédération nationale des organismes de gestion de l’enseignement catholique), à l’Apel nationale et aux instances locales. Les instances nationales ne sont pas chargées du suivi local. Ce sont les responsables des Udogec (unions départementales des organismes de gestion de l’enseignement catholique) et des Apel départementales qui doivent vérifier, au sein des conseils d’administration dont ils sont membres de droit, l’existence de potentiels conflits d’intérêts.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. Vous nous avez fait part de votre volonté de mettre en œuvre tous les moyens nécessaires au sein des établissements privés catholiques pour que cessent les violences et que la parole se libère. Mais, alors que vous savez comme nous que les conflits d’intérêts locaux peuvent constituer une entrave à la libération de la parole, vous dites qu’il n’est pas de votre responsabilité de suivre ce point. Compte tenu des révélations récentes sur l’ampleur des violences, avez-vous décidé de vous en préoccuper ou continuez-vous à considérer qu’il concerne exclusivement l’Apel nationale et la Fnogec ?
M. Philippe Delorme. Ma responsabilité est de veiller à ce que la Fnogec et l’Apel nationale traitent cette question. Il ne m’appartient pas de le faire directement car ce sont des associations autonomes, même si la Fnogec a un lien avec le secrétariat général. Nous respectons le droit. En revanche, il est de ma responsabilité, et je l’exerce pleinement, d’alerter et de vérifier que les choses bougent.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. Pourriez-vous mettre à notre disposition les échanges entre le Sgec et la Fnogec sur ce point ?
M. Philippe Delorme. Il n’existe pas d’écrits. En ce qui concerne la bientraitance éducative et la lutte contre les violences, les échanges ont lieu au sein des instances nationales avec tous les acteurs de l’enseignement catholique, que ce soit le Comité national de l’enseignement catholique, qui est un peu notre parlement, ou la commission permanente, qui se réunit tous les mois.
M. Paul Vannier, rapporteur. À vous écouter, on ne sait pas où est la responsabilité : est-ce la vôtre, celle des Apel, des Ogec, de la Conférence des évêques de France ? Beaucoup d’éléments reposent sur de l’informel, des échanges oraux ; il n’y a pas d’écrits. Vous siégez dans de nombreux comités, vous participez à de nombreuses réunions, mais on peine à comprendre quelles actions concrètes exactement vous avez engagées après le rapport de la Ciase.
Alors que les révélations se multiplient et que des collectifs de victimes prennent la parole pour dénoncer des faits extrêmement graves, en tant que secrétaire général de l’enseignement catholique, qu’avez-vous entrepris auprès des établissements de votre réseau pour combattre ces violences ?
M. Philippe Delorme. J’ai dû mal m’exprimer, monsieur le rapporteur.
Le secrétariat général emploie une personne aux quatre cinquièmes de temps pour s’occuper exclusivement de ce sujet. Nous avons mis en place un ensemble de formations qui se déploient sur le territoire. Des correspondants ont été désignés pour mettre en œuvre le programme 3PF. Nous avons élaboré plusieurs documents pour accompagner les établissements.
L’action du secrétaire général est claire. Les responsabilités sont claires et parfaitement définies. Le poste que j’occupe a été créé assez récemment parce qu’il répondait à un vrai besoin. Nous accompagnons les diocèses, qui eux-mêmes accompagnent les chefs d’établissement, selon le principe de subsidiarité. Je le répète, ma responsabilité est très claire et parfaitement définie. Dans ce cadre ont été mises en place un certain nombre d’actions que je viens de vous décrire.
De plus, nous pouvons être sollicités par les directeurs diocésains ou, plus rarement, par les établissements qui nous demandent un conseil juridique sur des faits graves. Nous pouvons vérifier que les actions engagées respectent la loi et protègent réellement les jeunes. Il nous arrive aussi, parfois, d’être alertés directement par des courriers auxquels nous répondons toujours, et là aussi nous vérifions que les mesures prises protègent bien les enfants et les jeunes.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. Vous avez évoqué le plan Boussole et le programme de protection des publics fragiles. Comment s’articulent-ils ?
M. Philippe Delorme. Le plan Boussole fait partie du programme de protection des publics fragiles.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. Les deux datent de 2018 environ ?
M. Philippe Delorme. Le plan Boussole est plus récent. Le programme de protection des publics fragiles a été élaboré en 2018, il a évolué à la suite du rapport de la Ciase puis pour prendre en compte la loi visant à combattre le harcèlement scolaire.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. Merci de ces précisions, qui sont importantes pour mesurer l’évolution qui s’est opérée. La commission d’enquête a pour but de faire la lumière sur les dysfonctionnements passés dans le contrôle des établissements publics et privés par l’État, mais aussi de susciter une prise de conscience, de responsabiliser et d’inciter à l’action, car il reste beaucoup à faire au niveau national.
La pénurie d’infirmiers et médecins scolaires affecte le public, mais aussi, semble-t-il, le privé. Nous avons ainsi eu la surprise d’apprendre que l’établissement Le Beau Rameau, qui accueille 500 élèves, n’a ni infirmier scolaire ni médecin scolaire. La direction diocésaine nous a indiqué qu’un psychologue scolaire pouvait être contacté à la demande des établissements. Face aux révélations, à la pression médiatique et à l’altération de la réputation qui s’est ensuivie, nous avons eu l’impression que le sujet n’était pas pris très au sérieux dans l’établissement, que ce soit par le chef d’établissement et les personnels ou par les collégiens. On sait pourtant que l’adolescence est une période de questionnements au cours de laquelle l’appui d’un psychologue peut être précieux. Il nous a semblé que la direction diocésaine n’avait pas suffisamment pris conscience de la nécessité d’un accompagnement psychologique, en particulier dans la situation actuelle, que l’on peut qualifier d’extrême.
Cela nous amène à nous interroger sur la mise à disposition, et l’éventuel renforcement, des moyens dans ce domaine au sein des établissements de l’enseignement catholique.
M. Philippe Delorme. Dans son rapport, la Cour des comptes souligne les difficultés liées à la santé scolaire. Malheureusement, l’enseignement privé ne peut pas bénéficier, ou seulement de manière marginale, de la médecine scolaire, qui relève du rectorat, car l’enseignement public est déjà confronté à la pénurie de personnels. C’est un problème pour certains jeunes que nous accueillons, qui ont des besoins éducatifs particuliers. J’ai encore reçu récemment un courrier d’une famille qui ne parvient pas à obtenir les autorisations nécessaires pour que son enfant bénéficie d’un tiers temps.
Puisque nous avons en principe accès à la médecine scolaire publique, le forfait d’externat versé aux établissements ne tient pas compte du coût de celle-ci. Nous ne recevons donc aucun financement qui permettrait d’embaucher des psychologues, des infirmières ou des médecins scolaires. Seuls les gros établissements peuvent le faire parce que les familles sont mises à contribution financièrement. Pourtant, je partage votre appréciation sur le rôle indispensable de ces personnels. Malheureusement, nous nous heurtons au manque de moyens.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. Je suis un peu surprise de votre réponse. Je vous interroge sur l’indispensable accompagnement psychologique des victimes – les psychologues, les infirmiers, les médecins sont formés au recueil de la parole – dans une situation de crise pour l’enseignement catholique et vous me répondez en mettant en avant le manque de moyens. Il me semble pourtant qu’à situation de crise, moyens de crise. C’est ainsi que s’organise la gestion de crise dans les institutions publiques ou les entreprises.
Depuis les révélations il y a un an, votre réponse consiste-t-elle à dire que l’État ne vous donne pas les moyens et que vous devez vous en remettre aux familles, ou avez-vous envisagé des actions en matière de suivi psychologique, notamment la mise à disposition de moyens d’écoute pour les établissements sous votre responsabilité ?
M. Philippe Delorme. Je n’ai peut-être pas compris votre question, madame la rapporteure.
Il faut distinguer les moyens ordinaires et les situations exceptionnelles. Dans les secondes, il faut en effet s’assurer que le recueil de la parole est possible par des professionnels, entre autres car ce ne seront pas toujours eux qui auront ce rôle. Plusieurs directions diocésaines – pas toutes, parce qu’elles n’ont pas toutes les mêmes moyens – mettent des psychologues à la disposition des établissements et cela fonctionne très bien. Celles qui n’en ont pas les moyens peuvent compter sur l’aide du rectorat, qui ne rechigne jamais, dans des situations de crise, à mettre à disposition son personnel pour accompagner les élèves et recueillir la parole.
Dans les établissements touchés par ces terribles révélations, on peut envisager – il le faut – une écoute plus grande pour que les élèves et les personnels puissent se confier.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Les chefs d’établissement jouent un rôle clef, même si je comprends que les enseignants sont placés sous l’autorité académique. Je connais la formation de ces derniers dans le privé ; pouvez-vous nous éclairer sur celle des chefs d’établissement ? Vous dites qu’ils ont une formation, puis un titre délivré dans le cadre du RNCP, et qu’ils font l’objet de visites de leur tutelle. Existe-t-il par ailleurs, comme pour les chefs d’établissement du public, une formation théorique et une formation pratique, c’est-à-dire des stages dans d’autres établissements aux côtés de personnes déjà formées ?
Y a-t-il une évaluation et des contrôles des chefs d’établissement par la tutelle ? Peut-on leur dire qu’ils doivent se former ou se reformer au bout de dix ans sur tel sujet, comme les violences dans les établissements ? Comment cela se passe-t-il concrètement ? Qu’en est-il dans les établissements privés et les congrégations ?
M. Philippe Delorme. Oui, le cursus de formation inclut un stage dans un autre établissement et il existe une évaluation triennale, réalisée par l’autorité de tutelle. Celle-ci évalue l’action des chefs d’établissement par rapport à leur lettre de mission et éventuellement incite à suivre telle ou telle formation, même si la formation continue des chefs d’établissement est déjà très régulière et très importante dans notre réseau.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Qu’appelez-vous l’autorité de tutelle ? Est-ce le diocèse ?
M. Philippe Delorme. La tutelle peut être, selon les cas, diocésaine ou congréganiste.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Pouvez-vous nous donner des exemples de mauvaises évaluations d’un chef d’établissement ? Peuvent-elles résulter du fait qu’on ne dispense pas dans l’établissement les trois séances d’éducation à la vie affective et relationnelle qui sont prévues ?
M. Philippe Delorme. Cela peut faire partie de l’évaluation – le chef d’établissement est tenu de veiller à ce que les programmes soient appliqués selon les mêmes règles que dans le public. On évalue un tout, qui comprend aussi le climat scolaire et les relations avec les familles, les enseignants et l’ensemble du personnel.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Existe-t-il des fiches d’évaluation ?
M. Philippe Delorme. Elles sont propres à chaque évaluateur. Rien n’est normé en la matière : c’est la tutelle qui définit les critères d’évaluation.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Il n’y a donc pas d’évaluation type, formalisée, pour tous les chefs d’établissement privé ?
M. Philippe Delorme. Non, en effet.
M. Roger Chudeau (RN). Ma question porte sur le contrôle exercé par l’État sur les établissements catholiques. Lorsqu’il concède une mission de service public, il a le devoir de contrôler et d’évaluer l’exécution de cette mission. Pouvez-vous nous dire, afin que nous puissions vérifier l’intensité de ce contrôle, combien d’évaluations, à peu près, ont lieu chaque année depuis cinq ou dix ans dans les établissements de votre réseau ?
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Il peut exister un conflit d’intérêts lorsqu’un membre d’un couple fait partie de l’Apel et l’autre de l’Ogec. Celui-ci est responsable de la gestion économique, financière et sociale de l’établissement, dont il constitue le support juridique, économique et financier. Mais les risques de conflits d’intérêts vont plus loin, à mon avis, par exemple quand un parent non membre de l’Ogec signale des violences sur son enfant à un membre de l’Ogec, qui est chargé du support juridique de l’établissement, engage sa personnalité morale et entretient des relations avec des tiers, comme les autorités administratives et les collectivités, sous la responsabilité du chef d’établissement. Est-on certain dans une telle situation qu’on recherche en permanence l’intérêt supérieur de l’enfant et non l’intérêt moral de l’institution que le membre de l’Ogec représente ?
Mme Graziella Melchior (EPR). Je suis députée de la cinquième circonscription du Finistère, où se trouvait le collège Saint-Pierre du Relecq-Kerhuon, depuis rebaptisé. J’ai bien sûr une pensée pour les plus de 120 victimes de cet établissement, qui ont vécu une violence décrite comme institutionnalisée et comme reposant sur une équipe d’enseignants et d’encadrants recrutés par l’abbé qui était le directeur. Je souhaite savoir quel rôle ont joué, et pourraient jouer, le Sgec et l’Urcec (Union des réseaux congréganistes de l’enseignement catholique) dans le recrutement et la formation des enseignants en général, ainsi que des catéchistes, dont on a peu parlé. Je sais qu’il existe pour les concours du premier degré un entretien d’admission. Par qui est-il réalisé ? Selon quels critères les recrutements ont-ils lieu ?
M. Philippe Delorme. Monsieur Chudeau, il faudrait distinguer évaluation et contrôle. S’agissant des évaluations, je n’ai pas de chiffre mais le système a été mis en place et les objectifs du Conseil d’évaluation de l’école sont atteints, au moins pour le second degré. Quant au premier degré, dans le public comme dans le privé, c’est un peu plus compliqué. Pour ce qui est des contrôles des établissements, M. le rapporteur l’a dit, il y en a eu très peu ces dernières années. Je n’ai pas le chiffre global, car je ne suis pas toujours informé des contrôles réalisés, mais il sera doute disponible auprès du ministère de l’éducation nationale.
Madame Mesmeur, je crois que vous attribuez à l’Ogec un rôle qui n’est pas vraiment le sien en réalité. Le chef d’établissement a délégation pour faire vivre l’établissement, c’est lui qui est au cœur du système. On peut avoir la tentation de protéger une institution plutôt qu’une personne, cela a souvent été le drame, je le dis avec force et sincérité, dans notre institution comme dans d’autres, mais je pense que tous les acteurs de l’enseignement catholique, à mon niveau comme à celui de la Fnogec, des Apel, des organisations professionnelles de chefs d’établissement et des syndicats de maîtres, ont vraiment changé de registre, comme toute la société, ce qui était absolument indispensable. Il ne faut plus jamais privilégier une institution plutôt qu’une personne. La personne doit toujours être protégée, et celui qui ne le ferait pas doit être sanctionné.
Madame Melchior, s’agissant des intervenants, par exemple pour la catéchèse, et des bénévoles, j’aurai peut-être l’occasion de parler de la question du casier judiciaire. Le recrutement relève du chef d’établissement, avec l’autorisation de la tutelle pour l’adjoint en pastorale scolaire, lorsqu’il existe. En ce qui concerne les enseignants, la formation est semblable dans l’enseignement catholique et le public : on passe un concours équivalent, le Cafep (certificat d’aptitude aux fonctions d’enseignement dans les établissements d’enseignement privés) ou le Capes (certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré). Ce qu’on appelle le préaccord collégial permet de vérifier une certaine adéquation entre la volonté de la personne concernée et le projet d’enseignement catholique. On ne demande pas d’être chrétien, évidemment, mais on regarde si la personne va se sentir bien compte tenu de notre projet éducatif particulier. Le préaccord ne vise pas à vérifier les aptitudes éducatives et pédagogiques, qui sont plutôt du ressort de l’inspecteur.
Mme Florence Herouin-Léautey (SOC). Je reviens sur les signalements aux Crip, au sujet desquels vous avez évoqué une diversité de gestion dans les territoires. Une procédure permet-elle de vous faire remonter l’ensemble des signalements adressés aux Crip par vos établissements ? Quel est le nombre de ces signalements au cours des dix dernières années ? Quelles sont les évolutions en matière et quel regard portez-vous sur la question ?
Pour que justice soit rendue aux victimes, il faut que leur parole puisse être libérée, entendue et reconnue. Nous devons donc arriver, ici et ailleurs, à lever l’omerta, la chape de plomb qui pèse. Il faut pouvoir parler et, pour cela, il faut des procédures et de l’information, au-delà de la formation des enseignants. Quelles mesures avez-vous prises ou comptez-vous prendre à cet égard ?
Même si vous en avez déjà parlé, de quelle manière percevez-vous le programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle ? Des associations, que l’on dit proches du milieu catholique, militent contre ce programme. Quel message auriez-vous à leur faire passer ?
Mme Géraldine Bannier (Dem). Lorsque j’enseignais dans le second degré, une connaissance qui était directrice d’école, elle aussi dans le public, m’a confié les craintes qu’elle éprouvait à la suite de la mutation dans son établissement d’un professeur qui avait un dossier très lourd mais continuait d’enseigner. C’était, je pense, il y a moins de dix ans. Comme elle craignait que quelque chose se passe avec les élèves, la porte de la classe restait ouverte et elle surveillait de près ce professeur, qui semblait, disait-elle, avoir le bras long. Il avait réussi à être muté afin d’éviter un licenciement. De tels déplacements de personnel ont-ils pu exister aussi dans le privé ? Comment peut-on éviter cette politique de protection des professeurs impliqués ? Comment faire, afin que tout soit très clair, pour licencier ceux qui ont un dossier ?
M. Xavier Breton (DR). Ma question concerne l’organisation territoriale et administrative de l’enseignement catholique. Vous dites en réponse à certaines questions, qui témoignent d’une vision un peu centralisatrice, jacobine ou étatiste de l’éducation, que votre organisation est fondée sur un principe de subsidiarité, plus ascendant que descendant, ce qui peut sans aucun doute conduire à des incompréhensions. Avez-vous mené une réflexion sur ce principe d’organisation, qui pourrait empêcher l’information de remonter et conduire à une chape de plomb non pas générale, mais établissement par établissement ou diocèse par diocèse ?
M. Philippe Delorme. Madame Herouin-Léautey, je n’ai pas de statistiques à vous donner. Nous n’avons ni les outils ni les remontées d’informations : c’est un point à améliorer pour nous.
S’agissant du programme Evars, je connais et je combats les associations dont vous parlez. Elles font, dans la plupart des cas, de la désinformation sur le contenu du programme. Il est évident que nous soutenons tout ce qui peut contribuer à l’éducation des enfants dans ce domaine ; par exemple la partie de ce programme qui concerne le premier degré, c’est-à-dire la maternelle et le primaire, et a trait à la pudeur, au respect de son corps et du corps de l’autre, à la notion de consentement, plus compliquée à ces âges-là, mais nous n’allons pas entrer dans le débat – des enfants consentent parfois à des choses auxquelles ils ne devraient pas consentir, mais cela s’accompagne –, enfin à la possibilité de se confier à quelqu’un – quand les drames viennent des familles, il faut trouver une personne extérieure. Le programme en question a été établi et publié et nous allons donc le mettre en œuvre. S’il peut favoriser la libération de la parole et éviter que des enfants subissent des drames, des maltraitances – quand on prend connaissance des chiffres de la Ciivise, selon lesquels 10 % des enfants, c’est-à-dire trois élèves dans une classe de trente, seraient victimes d’inceste, d’abus, de violences sexuelles, cela fait froid dans le dos –, si on peut, grâce à ces interventions, supprimer ou du moins réduire les violences subies par les enfants, si on peut les prévenir, alors il n’y a rien d’autre à dire.
Madame Bannier, je sais que des déplacements d’enseignants ont été effectués par l’éducation nationale. La difficulté est toujours la suivante : que fait-on quand on a connaissance de faits répréhensibles mais que la justice n’a pas prononcé de condamnation ? C’est une vraie question. Vous savez que, par ailleurs, le licenciement d’un enseignant n’est pas de notre ressort.
Monsieur Breton, notre mode d’organisation est effectivement très subsidiaire : il est centré sur le diocèse et l’établissement. Nous sommes notamment en train de réfléchir avec tous les acteurs de l’enseignement catholique à la façon dont l’information, les signalements pourraient remonter au niveau national. Tout ne doit pas remonter, mais cela doit au moins être le cas, d’une façon systématique, pour les faits les plus graves.
M. Alexis Corbière (EcoS). Il n’est plus question d’un seul établissement posant des problèmes, celui de Bétharram, mais de plusieurs ; c’est ce qui vous amène aujourd’hui devant nous. Beaucoup de témoignages semblent montrer qu’il y avait une certaine connaissance des faits dans ces établissements. Une personne que je qualifierai de lanceuse d’alerte nous a raconté, s’agissant de Bétharram, que le chef d’établissement avait notamment réuni les enseignants pour leur demander, en exerçant une pression, de ne pas parler aux familles ni à la presse. Quel regard portez-vous sur cette attitude de la part d’un chef d’établissement ? Envoyez-vous des courriers aux chefs d’établissement pour leur dire que demander aux enseignants de se taire face aux difficultés n’est pas conforme à l’idée que vous vous faites de leur rôle ?
La Ciase a estimé dans son rapport que 30 % des 330 000 cas d’abus sexuels commis sur des victimes mineures concernaient des établissements scolaires, ce qui est très significatif. Pouvez-vous nous dire quelles mesures vous avez prises – dispositifs, envoi de courriers ? Cela aurait pu susciter un changement culturel avant même l’affaire qui nous réunit au sein de cette commission d’enquête.
Par ailleurs, l’historien de l’éducation Claude Lelièvre a montré dans de nombreux travaux que du fait de l’héritage spirituel des congrégations jésuites et des Frères des écoles chrétiennes, qui ont longtemps structuré le paysage scolaire, le châtiment corporel faisait souvent partie de l’apprentissage. Qu’en pensez-vous ? Considérez-vous que c’est inexact ou justifié ?
Mme Spillebout a évoqué la spécificité de l’enseignement catholique et vous avez répondu, sans être précis, ce que je peux comprendre, qu’il existait chez les inspecteurs une méconnaissance de votre manière de fonctionner. Pourriez-vous aller plus loin ? La méconnaissance de vos mécanismes administratifs m’importe peu ; en revanche, pensez-vous qu’il y ait une méconnaissance de la part des inspecteurs de l’éducation nationale de techniques pédagogiques faisant partie d’une sorte de culture interne que des gens comme moi, ancien professeur de l’éducation nationale, ne pourraient pas comprendre ? Je pense à des pratiques qui pourraient parfois être tolérées, comme des punitions particulières, et rudes, envers des élèves.
Je reviens sur les déplacements d’un établissement à un autre. La manière dont vous avez répondu était assez franche, et je vous en remercie. Lorsqu’un enseignant ou un membre du personnel de surveillance quitte un établissement de cette manière, prévoyez-vous un accompagnement, par un courrier particulier indiquant qu’il y a quelque chose de préoccupant ? N’est-ce pas aussi votre responsabilité de veiller à ce que les mêmes faits ne se produisent pas dans un autre établissement ?
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Je suis un peu surprise de votre conception de l’éducation à la vie affective et aux relations sexuelles : il ne s’agit pas de prévenir des passages à l’acte, mais d’enseigner aux enfants que leur corps leur appartient et que c’est à eux seuls de décider ce qu’il en advient, peut-être aussi de faire prendre conscience à des enfants qu’ils sont déjà victimes de violences. Il est fort probable que certains se disent que ceux qui leur parlent de ces questions sont des adultes de confiance à qui ils pourront confier ce qu’il se passe à la maison si on leur explique à l’école que cela ne devrait pas arriver. Ce n’est absolument pas de la prévention, mais une possibilité pour des enfants de trouver une issue, quelqu’un à qui parler pour que leur calvaire s’arrête.
J’ai demandé à la direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco) si vous en aviez pris conscience et si vous envisagiez de mettre en place, ou d’inciter vos établissements à mettre en place, un protocole pour faire en sorte que la parole, une fois qu’elle se libérera, soit très rapidement entendue et que la suite puisse s’enclencher, à commencer par des signalements pour mettre très vite les enfants à l’abri. La manière dont vous avez parlé de cette question m’a paru un tout petit peu angélique, si je puis me permettre cette expression. Vous avez dit que c’était bien que cette éducation existe, que c’était tant mieux, que les enfants allaient ainsi être protégés, alors que ce n’est du tout ce que cette éducation va produire. La parole va plutôt se libérer – massivement, on l’espère. Vous avez évoqué les chiffres absolument effarants des violences faites aux enfants. La réponse de la Dgesco ne nous a pas tout à fait rassurés.
Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Vous avez souligné l’importance de l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle, dont l’objectif précis peut effectivement faire l’objet de nuances. Vous avez également évoqué le fait que des enfants pouvaient se retrouver à consentir à des actes auxquels ils n’avaient pas à consentir. Cette éducation vise aussi à leur dire qu’il n’y a pas de consentement dans leur cas et qu’un interdit pèse, à leur sujet, sur les adultes. C’est aussi un cadre où la parole se libère, où des témoignages peuvent être recueillis, où on apprend aux enfants les droits qu’ils ont ou qu’ils auront quand ils seront plus grands, notamment les petites filles, et qui ne sont pas forcément beaucoup mis en valeur dans leur environnement familial, par exemple le droit à l’IVG.
Ces enseignements sont assurés par des personnes formées à ces questions et au recueil de la parole et non pas nécessairement par les enseignants eux-mêmes, ou alors avec l’aide d’intervenants extérieurs. L’éducation à la vie sexuelle et affective peut-elle avoir lieu dans l’enseignement privé catholique, comme dans le reste du pays, avec l’appui d’acteurs tels que le Planning familial, qui a une expertise tout à fait particulière et ancienne en matière d’accompagnement des jeunes dans la compréhension de leurs droits et des questions de sexualité et de violences sexuelles ?
On assiste à l’émergence de groupes assez bruyants, assez audibles, qui s’opposent à l’éducation à la vie sexuelle, affective et relationnelle. Si des établissements privés catholiques sont confrontés à des groupes de parents hostiles à ce programme, qui décident de retirer les enfants de l’école quand ce genre d’enseignement a lieu, qui distribuent des tracts pour appeler à être vigilant alors que, loin de l’être eux-mêmes, ils mettent leurs enfants en danger, quelles réactions sont prévues au sein de l’enseignement privé catholique pour s’opposer à ces groupes d’influence qui veulent priver les enfants de leur droit à une telle éducation ?
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. J’ai fait partie, en tant que parlementaire, du collège du Conseil supérieur des programmes, au sein duquel nous avons travaillé pendant un an sur l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle. Nous avons reçu les religieux – le président de la conférence des évêques de France, le recteur de la mosquée de Paris et les protestants. Le discours qui nous a été tenu consistait à dire que cette éducation devait avoir lieu en priorité dans les familles et que l’éducation nationale n’avait pas de rôle à jouer en la matière. Je suis plutôt satisfaite que le secrétaire général de l’enseignement catholique ait aujourd’hui une autre position, comme sûrement l’Église, au sujet de ce programme conçu entre 2023 et 2024.
M. Jean-Claude Raux (EcoS). À Issé, dans ma circonscription, plane encore l’ombre du frère Girard et des frères de Saint-Gabriel, dont la congrégation a reconnu pour la première fois en mai 2022, plus de cinquante ans après les faits, les actes de pédocriminalité commis dans plusieurs écoles de l’Ouest par une vingtaine d’agresseurs sur plus de cinquante victimes ayant subi des sévices, des agressions sexuelles et des viols pendant de longues années. « Ces violences ont tué notre enfance », ont répété des membres de l’association Ampaseo (association pour la mémoire et la prévention des abus sexuels dans l’Église catholique de l’Ouest), à qui le pape a demandé pardon au nom de l’Église. L’affaire de Bétharram a mis en lumière des dysfonctionnements graves dans le contrôle – il faudrait plutôt parler d’absence de contrôle – des établissements privés et la protection systémique de l’institution plutôt que des victimes.
Plus de 260 000 élèves étant scolarisés dans plus de 1 000 établissements privés sous contrat en Pays de la Loire, la question des contrôles ne peut être éludée dans ma région. Pourtant, aucun contrôle n’y a été effectué par le rectorat en 2023 et 2024, dans le premier comme dans le second degré. Certes, il s’agit là d’une responsabilité de l’État, mais ce n’est pas le moment de se renvoyer la balle. Si l’État fait preuve de défaillance, notamment dans l’académie de Nantes, au collège Richelieu de La Roche-sur-Yon ou au lycée Notre-Dame d’Espérance de Saint-Nazaire, des contrôles internes auraient pu et dû être effectués, et les personnels auraient dû être formés pour accueillir la parole des victimes. Monsieur Delorme, vous avez dit chercher le moyen de renforcer les contrôles exercés par la tutelle des établissements scolaires, c’est-à-dire soit une congrégation religieuse soit le diocèse dans lequel est implantée l’école. Quelle voie d’action concrète comptez-vous finalement emprunter ?
M. Philippe Delorme. Monsieur Corbière, il n’est pas admissible de dire à une personne qui lance une alerte qu’elle doit se taire. Ce temps est révolu. Soyons très clairs : des consignes seront données et diffusées et leur mise en œuvre fera l’objet d’un contrôle.
Sur les 30 % de faits relevés par le rapport de la Ciase et qui correspondent, de mémoire, à 108 000 victimes potentielles, Jean-Marc Sauvé a expliqué lors de son audition comment ce chiffre se décomposait. Il a indiqué, et je ne le rappelle pas du tout pour relativiser, qu’un pic très important s’est produit entre 1945 et 1970 : à cette période, l’enseignement scolaire – petits séminaires et établissements scolaires – a concentré environ 40 % des abus commis dans l’Église. Ce chiffre a ensuite été divisé par deux, grosso modo, entre 1970 et 1990, avant de descendre autour de 5 % entre 1990 et 2020. La raison en est simple et cruelle : cette diminution s’explique par la fermeture massive d’internats dans l’enseignement catholique à partir des années 1970.
Non, monsieur Corbière, les châtiments corporels ne sont pas recommandés. Si on a pu le faire dans certaines littératures – et pas seulement chez nous, il faut le reconnaître, malheureusement –, nous condamnons aujourd’hui avec fermeté ces pratiques. Aucune particularité relevant de notre caractère propre ne pourrait justifier une telle démarche, qui est vraiment contraire à notre projet éducatif.
Quant au déplacement de personnel, vous savez que les enseignants ne relèvent pas de notre autorité, contrairement au personnel de droit privé. Vous savez aussi combien la question est délicate du point de vue juridique. On ne peut pas l’écrire, mais il m’est arrivé dans le cadre de mes responsabilités passées d’indiquer qu’un enseignant avait rencontré certaines difficultés et qu’il fallait être vigilant.
Madame Hadizadeh, s’agissant du programme Evars, je crois que les deux aspects coexistent : il permet à des enfants de révéler ce qu’ils vivent, mais constitue aussi un outil de prévention. J’ai des petits-enfants en bas âge : leurs parents leur expliquent qu’eux seuls peuvent toucher, dans le cadre du bain, leurs parties intimes et que personne d’autre n’a le droit de le faire. La prévention est très importante, y compris dans ce programme. Les différentes dimensions ne s’opposent pas, me semble-t-il.
Nous sommes en train de travailler sur la mise en œuvre de ce programme, qui est très récent. Il faut notamment mobiliser les équipes. Nous allons nous appuyer sur notre programme de protection des publics fragiles, qui indique clairement les procédures à suivre lorsqu’un enfant exprime quelque chose de grave à un adulte.
Madame Legrain, vous nous pardonnerez, mais si nous nous engageons à respecter scrupuleusement le programme, il n’est pas anormal que nous choisissions les intervenants reconnus par l’éducation nationale en fonction de notre anthropologie. La question du Planning familial se pose donc réellement. Quant aux familles, nous comptons les associer au maximum pour dédramatiser et expliquer. Il faut qu’elles puissent aussi échanger avec leurs enfants à ces sujets. Nous savons bien que, comme dans l’enseignement public, nous allons rencontrer l’opposition de certaines associations, mais il n’est pas question de se laisser envahir par quelque forme d’idéologie que ce soit.
Monsieur Raux, vous évoquez les drames vécus dans votre département. L’État va renforcer les contrôles et je m’en réjouis. Dans l’enseignement catholique, il est absolument évident que le climat scolaire, la bientraitance éducative et la remontée des signalements occuperont une place accrue dans l’accompagnement assuré par les tutelles.
M. Paul Vannier, rapporteur. Je constate un important changement dans les prises de position du Sgec : après les publications de novembre 2024 et divers communiqués de presse, y compris récents, comme celui, conjoint avec l’Apel, sur le programme Evars, vous venez d’affirmer que la vie scolaire faisait partie du champ du contrôle et que ce programme serait dispensé en conformité avec ce que prévoit le code de l’éducation. Je crois pouvoir dire non seulement en mon nom, mais aussi au nom de Violette Spillebout et de Mme la présidente Keloua Hachi que cette avancée illustre l’utilité de notre commission d’enquête.
Vous avez indiqué réfléchir aux moyens de faire remonter les faits les plus graves au niveau national, alors que la ministre de l’éducation nationale a dit sa volonté d’étendre l’application Faits établissements aux établissements privés sous contrat, changement d’ailleurs envisagé depuis 2019-2020. Des échanges entre le Sgec et le ministère de l’éducation nationale, il semble ressortir que l’enseignement catholique aurait recours à deux canaux distincts et cloisonnés : le premier partirait des inspecteurs d’académie pour aller vers les recteurs puis vers le ministère, pour les faits les plus graves ; le deuxième mobiliserait les directeurs diocésains puis le Sgec. Pouvez-vous nous le confirmer ?
M. Philippe Delorme. C’est dans cette voie que nous nous engageons, mais les canaux ne seraient pas étanches, car le Sgec et le ministère souhaitent qu’il y ait une communication entre les directeurs des services départementaux de l’éducation nationale (DSDEN) et les directeurs diocésains. Cela ne fera que renforcer la vigilance qu’impose la mise en œuvre des actions à engager.
M. Paul Vannier, rapporteur. Pourquoi ne pas recourir à un canal unique par lequel les chefs d’établissement transmettraient les informations au directeur académique des services de l’éducation nationale (Dasen) afin d’avoir la garantie que les faits les plus graves sont identifiés au plan national par le ministère ? Le directeur diocésain a-t-il une obligation de transmettre les signalements au Dasen et au Sgec ou est-il en position d’arbitrer et de choisir ceux qu’il fait remonter ?
M. Philippe Delorme. On ne peut pas, d’un côté, reprocher à l’enseignement catholique de ne pas exercer de vigilance et de contrôle et, de l’autre, l’empêcher d’appliquer son plan de vigilance et de contrôle. Il serait un peu paradoxal que les directeurs diocésains ne soient pas informés des faits établissement, eu égard notamment au fait que les établissements emploient des personnels de droit privé. Les informations remonteront de toute façon de manière automatique. Pourquoi le directeur diocésain ferait-il de la rétention alors que l’information est également détenue par le DSDEN ? Le fait que deux personnes aient la même information garantit au contraire que les affaires seront bien traitées.
Permettez-moi de suggérer ici une amélioration de l’application Faits établissement : une fois un fait signalé au directeur diocésain et au DSDEN, il faudrait que, passé un certain délai, d’une durée à déterminer, un rappel automatique soit adressé au chef d’établissement ou au rectorat pour vérifier où en sont les choses. Dans sa configuration actuelle, la plateforme ne permet d’indiquer que dans la partie commentaires si le procureur a été saisi ou la Crip contactée. Si ces informations étaient renseignées autrement, en cochant une case, par exemple, le rappel automatique conduirait, le cas échéant, à revenir vers la justice ou la Crip. L’application est à cheval entre un outil statistique, de surcroît peu précis, et un outil de signalement. Il conviendrait de revoir son fonctionnement pour en faire un véritable outil de signalement et de suivi des affaires.
M. Paul Vannier, rapporteur. Les signalements relatifs aux personnels de droit privé remonteraient donc par un double canal : d’une part, vers le Sgec par l’intermédiaire des directeurs diocésains ; d’autre part, vers l’éducation nationale par l’intermédiaire des Dasen.
M. Philippe Delorme. Absolument. S’il s’agit, par exemple, d’atteintes sexuelles, il est indispensable que l’autorité académique soit informée, car cela touche à l’ensemble de la vie scolaire, du moins de la vie de l’établissement.
M. Paul Vannier, rapporteur. Quand je vous ai demandé si l’institution Notre-Dame-de-Bétharram aurait pu, selon vous, faire l’objet d’une rupture de son contrat d’association, vous m’avez répondu : « Oui, à l’époque. » Peut-être considérez-vous que les faits de violences sont limités aux années 1990 ? Pourtant, nous l’avons dit, Violette Spillebout et moi-même avons été informés de deux faits de violences sexuelles entre enfants s’étant produits dans cet établissement en 2024 et les représentants de la Ciase, lors de leur audition, nous ont indiqué avoir fait en 2019 un signalement au sujet d’autres faits.
La question de la rupture du contrat d’association est d’importance : cette décision peut conduire à la fermeture d’un établissement, donc contribuer à mettre en sécurité des enfants et des adolescents en leur permettant d’échapper aux violences systémiques qui ont pu s’y dérouler des décennies durant. Je vous repose donc la question : pensez-vous que la rupture du contrat d’association puisse être envisagée aujourd’hui pour Notre-Dame-de-Bétharram ?
M. Philippe Delorme. Il est difficile de répondre à cette question alors qu’une enquête est en cours. Considérer les faits que vous évoquez et ceux qui ont été signalés au procureur comme une suite des drames ayant eu lieu des années plus tôt me semble un peu excessif. On ne peut pas s’appuyer sur des faits anciens pour analyser une situation actuelle. Je ne peux donc pas répondre précisément à votre question.
M. Paul Vannier, rapporteur. Nous sommes en possession d’une note datée du 13 novembre 2023 de Mme Cécile Laloux, alors conseillère pédagogique auprès du ministre de l’éducation nationale – elle est désormais membre du cabinet de François Bayrou –, dans laquelle elle indique que vous avez demandé que soit abordée la situation du lycée Averroès à l’occasion d’une rencontre prévue le 15 novembre 2023 avec la directrice de cabinet du ministre. Vous considériez qu’une rupture du contrat d’association, rupture que vous jugiez, d’après les éléments rapportés par la presse et en pleine procédure judiciaire, mal motivée, pouvait entraîner une série de conséquences. Pouvez-vous nous éclairer sur le regard que vous portiez sur les éléments ayant conduit à envisager cette décision ? Pourquoi avoir voulu alerter le cabinet du ministre sur cette situation en novembre 2023 ? Je précise que ce lycée ne fait pas partie votre réseau puisqu’il s’agit d’un établissement privé musulman.
M. Philippe Delorme. Je n’ai pas eu entre les mains le dossier qui a conduit à la décision de retirer son contrat d’association au lycée Averroès. Ayant eu connaissance, par la presse essentiellement, de certains éléments, j’ai pu m’étonner que des ouvrages pourtant retirés par la direction aient pu être pris en compte dans l’appréciation de la situation de cet établissement. Des questions financières, qui m’échappent totalement, ont aussi été évoquées. Dans quelle mesure des ouvrages présents dans des CDI (centres de documentation et d’information) entrent-ils en compte pour évaluer le respect des valeurs de la République ? Jusqu’où ça va ? Je ne connais pas l’ouvrage incriminé, j’ai simplement lu qu’il avait été retiré. Je n’en savais pas beaucoup plus, mais cela pouvait nous pousser à nous interroger.
M. Paul Vannier, rapporteur. Vous aviez donc un avis sur une possible décision de rupture d’association alors qu’une enquête était en cours. Pourquoi n’en va-t-il pas de même pour Bétharram ?
M. Philippe Delorme. Pour le lycée Averroès, j’avais des questions, ce qui n’est pas du même ordre qu’un avis. Je ne me suis pas prononcé sur le fait de savoir si la décision de retrait était juste ou pas.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. Cette audition, certainement très écoutée, a été marquée par de nombreux engagements positifs. Vous avez évoqué un mouvement ascendant de remontées d’informations effectuées par les chefs d’établissements, mais vous avez aussi précisé, au fil de nos questions, que vous pensiez intégrer les violences dans un mouvement descendant, en vous engageant à favoriser la libération de la parole, à réunir les conditions pour que cette parole soit entendue, à respecter le déploiement du programme d’éducation Evars au sein des programmes scolaires des établissements catholiques. Je pense aussi aux précisions apportées dans les lettres de mission des chefs d’établissement, au pilotage des Ogec et des Apel en vue d’une gouvernance saine et, plus globalement, à la formalisation du respect du programme de protection des publics fragiles et du plan Boussole. Tout cela va dans le bon sens. Nous voyons à quel point notre commission d’enquête est utile pour lever des incertitudes, dissiper des malentendus et faire évoluer le cadre législatif, notamment la loi Debré. Nous le constatons, notre priorité commune est la protection des enfants.
Avez-vous déjà eu avec le ministère de l’éducation nationale un échange portant sur l’éventualité d’une rupture de contrat d’association d’un établissement catholique, que l’initiative vienne de vous ou du ministère ?
Dans un monde idéal, pour prévenir les violences, à quelle fréquence devraient avoir lieu les contrôles dans les établissements placés sous votre responsabilité ?
M. Philippe Delorme. Je répondrai non à votre première question. Depuis que j’occupe ces fonctions, je n’ai jamais eu de conversation sur le retrait possible d’un contrat.
S’agissant des contrôles, aujourd’hui – et c’est une très bonne chose –, on cherche avant tout à dresser des constats et à libérer la parole – vous connaissez le syndrome de la fameuse inspection de 1996 à Bétharram lors de laquelle rien n’a été ni vu ni entendu. Mais il me semble important que les contrôles portent aussi sur la prévention, et il faut se poser la question de savoir comment cette dimension peut être prise en compte dans ce cadre.
Quant à la fréquence des contrôles, il y a un écart entre les besoins et ce qui peut être fait. Nous savons quel temps cela réclame. Tous les trois ans, est-ce tenable ? Tous les cinq ans, est-ce suffisant ? Doit-on prévoir un contrôle deux ans après chaque changement de chef d’établissement ? Une chose est sûre, ces règles doivent être pensées collectivement.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Je vous remercie, messieurs.
La séance est levée à douze heures.
Informations relatives à la commission
La Commission des affaires culturelles et de l’éducation a désigné :
– Mme Julie Delpech, rapporteure sur la proposition de loi visant à renforcer le parcours inclusif des élèves en situation de handicap (n° 439)
– Mme Constance Le Grip et M Pierre Henriet, rapporteurs sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur (n° 1009)
Présences en réunion
Présents. – Mme Farida Amrani, M. Rodrigo Arenas, M. Raphaël Arnault, Mme Bénédicte Auzanot, M. Philippe Ballard, Mme Géraldine Bannier, M. Idir Boumertit, Mme Céline Calvez, M. Salvatore Castiglione, M. Roger Chudeau, M. Bruno Clavet, M. Alexis Corbière, M. Pierrick Courbon, M. Laurent Croizier, Mme Julie Delpech, Mme Virginie Duby-Muller, M. Philippe Fait, Mme Anne Genetet, M. José Gonzalez, Mme Justine Gruet, Mme Ayda Hadizadeh, M. Pierre Henriet, Mme Florence Herouin-Léautey, Mme Florence Joubert, Mme Fatiha Keloua Hachi, Mme Constance Le Grip, M. Bartolomé Lenoir, M. Eric Liégeon, M. Christophe Marion, Mme Graziella Melchior, Mme Marie Mesmeur, Mme Frédérique Meunier, M. Maxime Michelet, M. Julien Odoul, Mme Caroline Parmentier, M. Thierry Perez, Mme Béatrice Piron, Mme Lisette Pollet, M. Alexandre Portier, M. Christophe Proença, Mme Isabelle Rauch, M. Aurélien Saintoul, M. Freddy Sertin, Mme Anne Sicard, M. Bertrand Sorre, Mme Violette Spillebout, Mme Sophie Taillé-Polian, Mme Prisca Thevenot, M. Paul Vannier, M. Roger Vicot
Excusés. – M. José Beaurain, M. Arnaud Bonnet, Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho, M. Sacha Houlié, Mme Tiffany Joncour, M. Philippe Latombe, M. Frédéric Maillot, Mme Nicole Sanquer
Assistaient également à la réunion. – M. Xavier Breton, Mme Sarah Legrain, M. Jean-Claude Raux, Mme Claudia Rouaux