Compte rendu

Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation

 Suite de l’examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle (n° 118) (Mme Virginie Duby-Muller et M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteurs)              2

– Présences en réunion..............................28

 

 

 

 

 

 


Mardi
8 avril 2025

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 50

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi, Présidente

 


  1 

La séance est ouverte à seize heures trente.

(Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi, présidente)

La commission poursuit l’examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle (n° 118) (Mme Virginie Duby-Muller et M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteurs).

 

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous examinerons la suite de la proposition de loi cet après-midi puis ce soir. À minuit, nous devrons arrêter nos travaux : le texte figurant à l’ordre du jour de la séance publique de vendredi, il faut laisser suffisamment de temps pour le dépôt des amendements et l’examen de leur recevabilité.

Article 1er (suite) : Création de la société holding France Médias et transformation de l’Institut national de l’audiovisuel en société anonyme

Amendement AC780 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Avant toute chose, j’exprime tout mon soutien aux administrateurs et aux administratrices, ainsi que ma reconnaissance pour leur travail.

Radio France et France Télévisions ont une identité et des lignes éditoriales différentes ; il en va de même de leurs diverses stations et chaînes. Le présent amendement vise à garantir que la spécificité de chaque maison de l’audiovisuel public sera préservée, quoi qu’il advienne de la gouvernance. De plus, la création d’une holding exécutive rendra inévitables l’optimisation et les baisses budgétaires ; il faut éviter que celles-ci n’affectent les formations musicales, comme les chœurs.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Les différentes sociétés garderont leur personnalité morale et un conseil d’administration propre ; elles conserveront leur identité. Nous défendrons un amendement visant à donner aux parlementaires la possibilité de formuler un avis contraignant sur les conventions stratégiques pluriannuelles (CSP). Plutôt que de préciser les spécificités de chaque société, je préfère que nous donnions à l’État la liberté d’élaborer des CSP, qu’à leur tour les parlementaires seront libres d’approuver ou de refuser. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Même avis.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). À mon tour, j’exprime aux fonctionnaires de l’Assemblée nationale notre plein soutien ; nous les remercions du travail qu’ils accomplissent chaque jour à notre service. Je regrette que ce sentiment ne soit pas toujours partagé par tous.

Vous soulignez que chaque entité conservera sa liberté éditoriale mais – permettez-moi l’expression – ça va mieux en le disant. On gagnerait en effet à préciser dans le texte que les spécificités de chacune seront prises en considération.

Le siège de France Ô se trouvait à Malakoff, dans ma circonscription. Pour les personnels, la suppression de cette chaîne est un gâchis ; aujourd’hui, ils s’inquiètent de savoir si leur spécificité sera respectée au sein de France Télévisions. Ils étaient chargés d’une mission particulière, qui se trouvera diluée dans le groupe. La création de la holding consiste non seulement à réformer la gouvernance et la stratégie, mais aussi à mutualiser les moyens, ce qui conduira à diluer les missions et les spécificités de chacun. Nous touchons là le cœur même de votre logiciel : vous avez procédé ainsi ces dernières années, avec le résultat qu’on sait. Les outre-mer illustrent bien l’échec systématique de cette méthode, qui a des conséquences fâcheuses, voire désastreuses, pour le public comme pour les diffuseurs.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). J’ai déposé cet amendement parce que l’« étude d’impact » mentionne la création de filiales, qui porteront atteinte à la spécificité de chaque maison en leur ôtant une partie d’elles-mêmes : France Bleu est devenue Ici et l’information, caractéristique de France Info, doit revenir à une autre filiale. Les projections du ministère montrent que, malgré vos dénégations, l’intégrité des maisons sera affectée.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’amendement rédactionnel AC1025 de Mme Virginie Duby-Muller.

Amendement AC1063 rectifié du Gouvernement

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi.  Cet amendement fait l’objet de plusieurs sous-amendements.

Mme Rachida Dati, ministre. Il vise à préciser que France Médias pourra créer des filiales pour mener les actions communes des sociétés. Il s’agit de donner au président de la holding la liberté d’élaborer des stratégies communes à des entités qui resteront très indépendantes.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Avis favorable.

Sous-amendement AC1113 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Nous nous opposons à la création de la holding, aussi le sous-amendement vise-t-il à supprimer les alinéas 1 à 3.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement AC1113.

Sous-amendements AC1376 de Mme Soumya Bourouaha et AC1491 de M. Aymeric Caron (discussion commune)

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Comme mes collègues, je salue l’engagement, la discrétion, le professionnalisme et la loyauté des fonctionnaires de l’Assemblée nationale, qui assurent la continuité de nos travaux ; je salue également le travail de notre présidente.

Je suis opposée à la holding. Sous couvert de simplification et d’efficacité, ce projet risque de fragiliser le service public. Qu’avons-nous à gagner à la centralisation des différentes sociétés ? On nous parle de synergie et de coordination, mais quel en sera le prix ? Chaque société a sa dynamique et son identité. Nous craignons qu’en les plaçant sous un même chapeau, vous affaiblissiez les singularités et que – pire encore – leur indépendance éditoriale s’en trouve menacée. Pour ces raisons, le sous-amendement AC1376 vise à empêcher la création de filiales.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Avec cet amendement du gouvernement, nous entrons dans le vif du sujet. La semaine dernière, on nous a affirmé que cette proposition de loi était l’aboutissement d’un an de travail, mais nous avons dû discuter un amendement de réécriture déposé pendant l’examen en commission. Or il est déplaisant de devoir sous-amender dans la précipitation un texte qui ne nous a pas été soumis dans des délais convenables. Soit vous avez longuement travaillé sur le fond et le texte est stabilisé, soit vous n’avez pas travaillé sérieusement et vous nous imposez des conditions d’examen indignes, qui nous empêchent de défendre nos positions. Comment expliquez-vous cette fourberie ?

Je retire le sous-amendement AC1491, au profit du précédent. La filialisation est au cœur du problème ; tous les syndicats nous alertent sur ses conséquences possibles. L’historique de la privatisation des services publics nous permet de savoir précisément comment vous procéderez : vous allez créer des petites filiales, casser les statuts et les collectifs de travail, de sorte que les salariés ne puissent plus s’organiser puis, un jour, vous nous expliquerez benoîtement que le système est dysfonctionnel et qu’il faut le privatiser. Nous y sommes totalement opposés.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Vous nous prêtez des intentions cachées en nous reprochant de vouloir remettre en cause l’indépendance éditoriale des médias et privatiser l’audiovisuel public. Nous sommes plusieurs à avoir siégé au conseil d’administration d’une société de l’audiovisuel public ; nous avons toujours défendu la liberté éditoriale. Votre opposition à la holding ne vous autorise pas à formuler des accusations de cette gravité.

Par ailleurs, vous affirmez que nous vous empêchons de défendre votre point de vue mais il reste plus de mille amendements à examiner, dont certains ne visent qu’à changer une virgule : vous allez pouvoir vous exprimer.

Enfin, vous dénoncez notre prétendu dessein de privatiser l’audiovisuel public. Selon nous, la holding favorisera la coopération et l’approfondissement des projets. Je suis profondément attaché à l’audiovisuel public mais je considère que faute d’en réunir les forces, il sera fragilisé à moyen terme ; vous, au contraire, estimez que c’est la création de la holding qui le fragilisera. Encore une fois, cela ne vous autorise pas à nous supposer des intentions cachées. D’ailleurs, nous défendrons un amendement visant à nommer un journaliste au conseil d’administration de la holding, ce qui montre notre attachement à la liberté éditoriale. Avis défavorable sur les sous-amendements.

Mme Rachida Dati, ministre. Même avis.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Quand on crée des filiales, on défait les accords collectifs pour repartir de zéro, au détriment des conditions de travail et d’emploi des agents. Cela suscite beaucoup de craintes, que vous étayez en affirmant que la création de la holding ne coûtera rien : la fusion ferait converger les statuts vers le haut, mais les filiales permettraient de tout remettre à zéro pour les abaisser. Est-ce ainsi que la holding coûtera moins que ce qu’aurait coûté la fusion ?

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Je m’étonne que la ministre, ici présente, ne daigne pas apporter des éclaircissements sur cet amendement du gouvernement ; la question circonstanciée de Sophie Taillé-Polian appelle une réponse.

Monsieur le rapporteur, je ne vous fais pas de procès d’intention ; vous défendez l’autorisation de créer des filiales, or chaque fois dans l’histoire récente qu’on a voulu privatiser, on a créé des filiales au sein d’une holding – c’est notamment le cas de la SNCF et d’EDF. J’entends votre raisonnement : vous pensez qu’en mutualisant les moyens, on renforcera les sociétés, mais cela n’implique pas de créer des filiales. Vous pourriez à l’inverse nous accorder que ces dernières sont de nature à fragiliser l’ensemble et nous rassurer en y renonçant.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Nous allons commencer ce soir l’examen en séance publique du projet de loi de simplification de la vie économique. Nous essayons de simplifier ; nous n’avons pas besoin d’une telle réforme mastodonte, qui créera de la complexité. Le gouvernement et les parlementaires cherchent de possibles économies dans le budget de l’État – nous avons tous conscience du déficit. L’histoire nous l’apprend, aucun des grands projets de fusion adoptés pour faire des économies n’a suivi le scénario prévu ; on finit toujours par sortir le carnet de chèques. Il faut aligner les statuts ; il y aura des négociations, des grèves, des blocages, des tensions sociales. Je ne veux pas jouer les Cassandre mais je suis prête à parier que la création de la holding coûtera plus qu’elle ne fera économiser. Soyez raisonnables : renoncez au projet pour faire des économies. Cette réforme n’est ni faite ni à faire.

Le sous-amendement AC1491 est retiré.

La commission rejette le sous-amendement AC1376.

Sous-amendements AC1239 de M. Emmanuel Grégoire et AC1485 de M. Aurélien Saintoul (discussion commune)

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Le texte manque de clarté comme de précision. Nous ne cessons de poser des questions mais nous ne recevons aucune réponse. Nous parlons d’une réforme d’ampleur qui aura des conséquences sur la vie des salariés concernés et sur le paysage audiovisuel : nous ne pouvons rester dans le flou. Plus le temps passe, plus notre inquiétude grandit.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). On nous a expliqué qu’il fallait mutualiser les moyens, comme les plateaux techniques et le personnel – logique que nous contestons parce que les écritures radiophonique et télévisuelle sont différentes, par exemple. Si c’est ce que vous pensez, pourquoi créer des filiales ? Comment les imaginez-vous ? Que pensez-vous mutualiser pour qu’il soit nécessaire de créer une entité administrative distincte de France Télévisions, de Radio France, de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) et de France Médias Monde ? Si c’est une filiale de vidéo à la demande, par exemple, expliquez-nous en quoi elle est nécessaire et pourquoi sa création réduirait les coûts. Nous ne pouvons pas accepter le principe de la filialisation sans argument pour justifier sa pertinence. Allons plus loin : qui, parmi les candidats à la présidence de l’audiovisuel public, évoque ce projet ?

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Si on instaure une holding, il faut lui donner les moyens de fonctionner, y compris, le cas échéant, en créant des filiales. Quelles filiales ? Radio France et France Télévisions pourraient travailler à une plateforme numérique de contenus. N’étant pas président de la holding, je ne puis pas vous assurer qu’une filiale serait nécessaire pour y parvenir. Peut-être faudra-t-il créer une filiale de l’outre-mer pour concentrer tous les moyens afférents, à moins que des coopérations n’y suffisent. Aujourd’hui, France 3 et France Bleu travaillent ensemble sur la proximité, dans le cadre d’Ici ; pour aller plus loin, il sera peut-être pertinent demain de créer une filiale. L’éducation aux médias est une mission essentielle qui donne à l’audiovisuel public sa raison d’être et sa grandeur, pourtant, Radio France et France Télévisions n’y travaillent pas ensemble. Est-ce acceptable ? Vous me direz que cela ne nécessite pas de créer une holding ; malheureusement, je crains que si. Depuis quarante ans on dit que les coopérations se feront par le bas, mais ça n’a pas l’air de fonctionner. Avis défavorable aux deux sous-amendements.

Mme Rachida Dati, ministre. L’étude d’impact – puisque c’est le terme que vous avez vous-même employé – mentionne la possibilité de créer des filiales consacrées à l’information et à la proximité. On pourrait également créer une filiale pour l’éducation à l’image et aux médias et une filiale de création de contenus. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les sous-amendements AC1239 et AC1485.

 

La réunion est suspendue de dix-sept heures à dix-sept heures quinze.

 

Sous-amendements AC1118, AC1119, AC1176 et AC1177 de Mme Sophie Taillé-Polian (discussion commune)

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Par ces sous-amendements, je demande qu’on s’interroge sur la pertinence des filiales. Ma question relative au devenir des accords collectifs n’a pas reçu de réponse. La création de filiales fera-t-elle repartir de zéro, comme c’est l’usage ?

Si nous avons utilisé le terme « étude d’impact », c’est par commodité, en le plaçant entre guillemets. Appelons-la plutôt le document que vous nous avez donné et qui vise à décrire à grands traits l’avenir de l’audiovisuel public : il montre bien votre volonté de créer des filiales mais, contrairement à ce que ferait une étude d’impact, il n’en présente pas les conséquences. Il envisage une coordination accrue de la ligne éditoriale globale des médias d’information. Il existe deux rédactions indépendantes ; parce qu’elles exercent des métiers différents, elles travaillent différemment. Elles perdraient donc leur autonomie, entraînant un appauvrissement.

Nos interrogations portent également sur cette nouveauté qu’est la filiale dédiée à l’éducation aux médias. Quelle place aurait l’éducation nationale alors que l’éducation aux images et aux médias est susceptible de devenir une discipline à part entière ? Cette plateforme commune n’a rien d’anecdotique et nous déplorons de ne pouvoir qu’effleurer tous ces enjeux d’importance, faute d’éléments solides.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Ce sur quoi nous sommes appelés à nous prononcer à travers l’amendement du gouvernement, c’est la capacité pour la holding de créer des filiales. Il ne nous appartient pas ici de définir sa stratégie en ce domaine. Si la holding est créée, l’État déterminera dans le projet stratégique de la CSP quelles seront les filiales. Sachez toutefois que vous pourrez vous opposer à ces conventions car les commissions chargées des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat seront appelées à formuler un avis contraignant à leur sujet.

Monsieur Saintoul, vous qui nous avez traités de « laquais de Bolloré », sachez que ce qui fait la force de ce groupe, c’est l’intégration d’une partie des rédactions d’Europe 1 et de CNews. Une information diffusée le matin sur l’une de ces antennes est reprise l’après-midi sur l’autre. Fermer la porte à la création d’une filiale dédiée à l’information, c’est se priver des moyens de lutter contre ce que vous voulez combattre. Une mise en commun des rédactions de l’audiovisuel public est de nature à assurer une information fiable, indépendante et pluraliste, contrairement à ce que vous affirmez.

Avis défavorable sur ces quatre sous-amendements.

Mme Rachida Dati, ministre. Même avis, mêmes arguments. Tout est résumé dans l’étude d’impact – je maintiens cette dénomination. Offrir la possibilité de créer des filiales, c’est donner un pouvoir supplémentaire au président de la holding exécutive. Or sans pouvoirs donnés au président, la holding ne saurait être exécutive. Quant aux coopérations, elles correspondent à une demande forte, notamment des rédactions qui les ont multipliées depuis un an, précisément dans la perspective de ce projet. Enfin, les négociations des conventions collectives ont commencé l’année dernière, par anticipation là encore, et se poursuivent.

M. Inaki Echaniz (SOC). Je partage les doutes et les interrogations de mes collègues, en particulier s’agissant de la proximité. La holding remettra en cause l’agilité des rédactions et leur présence quotidienne sur le terrain, assurée tant par la télévision que par la radio, auxquelles les habitants sont attachés. Dans ma région, la réduction du temps d’antenne consacré aux éditions locales des journaux, censée ne durer que le temps des Jeux olympiques, a été pérennisée. Nous craignons que si tout est décidé depuis Paris, une réduction drastique des moyens vienne limiter les possibilités pour les rédactions de couvrir les sujets locaux, notamment les langues régionales, et de s’adapter aux différences territoriales. Cette filialisation déconnectera public et territoires.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). En quoi le fait que France Télévisions et Radio France n’aient pas la même stratégie dans le domaine de l’éducation aux médias pose-t-il problème ? La diversité de l’audiovisuel public est, comme dans un écosystème, une richesse. Quant à la couverture qu’assurent les antennes locales, elle est essentielle à la vitalité de notre démocratie. Nous l’avons bien vu lors des dernières élections : elles ont permis aux téléspectateurs de prendre la mesure de l’impréparation de certains candidats se présentant dans leur circonscription.

Tous ceux, nombreux, qui ne cessent dans l’hémicycle de chanter les louanges des petites et moyennes entreprises devraient être convaincus que les petites entités, qui sont parfois les plus agiles, sont préférables à un mastodonte qu’on aura vite fait de qualifier de mammouth.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je ne crois pas, madame la ministre, que les négociations sur les conventions collectives aient partout commencé, comme vous l’affirmez. Les directions seraient bien en peine de les lancer puisqu’elles ignorent tout de la prochaine gouvernance, ce projet de réforme ayant connu bien des aléas. Si des filiales sont créées, les accords collectifs actuels seront-ils conservés ou bien, comme je le redoute, le président de la holding aura-t-il juridiquement la possibilité de repartir de zéro ? Les salariés attendent des réponses.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Pour que la holding soit exécutive, il faut donner des pouvoirs à son président, dites-vous, de manière tautologique, mais l’inverse est aussi vrai. Du reste, initialement, le texte ne prévoyait pas que la holding soit exécutive. Pourquoi en faire désormais un argument à part entière ? La véritable question qui se pose est de savoir quelles sont les perspectives de l’audiovisuel public.

Je le redis, je n’ai qualifié ni le rapporteur ni la ministre de « laquais de Bolloré », j’ai simplement expliqué que l’audiovisuel public constituait une forme de mauvaise conscience pour ceux qui l’étaient – même si je considère que le programme de Mme la ministre est bien au service de M. Bolloré.

Je trouve choquant que ce système low cost puisse servir de modèle à l’audiovisuel public, avec ces mêmes individus débitant leurs avis sur quelques thèmes seulement et reprenant mutuellement leurs propos. C’est de sa diversité que l’audiovisuel public tire sa force et sa nécessité.

Mme Céline Calvez (EPR). Offrir la possibilité de créer des filiales sera source d’agilité pour le président de la holding et les CSP détermineront s’il est nécessaire ou non d’aller dans cette voie.

Pour l’éducation aux médias et à l’information (EMI), nous avons vu ces dernières années que les initiatives prises par France Télévisions et Radio France ne se répondaient pas – lors du Tour de France de l’EMI notamment. Mettre l’accent sur une action conjointe et coordonnée ne signifie nullement promouvoir un contenu uniforme. Il s’agit d’éviter qu’il y ait des trous dans la raquette et de trouver les moyens de mieux répondre aux missions de service public. La question n’est pas de savoir si cette politique doit faire l’objet d’une filiale à part entière.

La commission rejette successivement les sous-amendements AC1118, AC1119, AC1176 et AC1177.

Sous-amendements identiques AC1116 de Mme Sophie Taillé-Polian et AC1125 de M. Frédéric Maillot

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). L’audiovisuel public doit avoir une place prépondérante dans l’éducation aux médias, enjeu majeur qui nous préoccupe tous. Or, du fait des problèmes budgétaires entraînés par la politique du gouvernement, l’éducation aux médias est devenue le parent pauvre de l’audiovisuel public. Certaines séances organisées dans les classes ont dû être annulées, faute de moyens suffisants. On en revient aux inquiétudes suscitées par la création d’une holding exécutive : la mutualisation, motivée par une volonté d’optimiser, se fera à l’encontre des métiers et des compétences des différentes maisons de l’audiovisuel public.

Mme Soumya Bourouaha (GDR). La création de cette holding soulève de nombreuses interrogations. Pourquoi une telle fusion alors que l’audiovisuel public, dans sa configuration actuelle, enregistre des résultats positifs, comme le montrent les audiences en hausse ? France Télévisions et Radio France séduisent des millions d’usagers et l’INA, grâce à son offre numérique, connaît un succès croissant. Ce projet de regroupement comporte un double risque : d’une part, une désorganisation des services, susceptible de nuire à leur bon fonctionnement ; d’autre part, une dilution de la diversité culturelle des médias publics.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Certes, l’audiovisuel public connaît des succès mais refuser d’admettre que les coopérations ne sont pas au rendez-vous, c’est se voiler la face. Certains collègues et moi-même, en nous rendant au siège de France Télévisions, avons appris que les actions d’éducation aux médias que ses services élaborent en relation avec chaque rectorat de France ne faisaient l’objet d’aucune coordination avec celles menées par les autres acteurs de l’audiovisuel public. Il n’est pas satisfaisant que chaque académie noue des partenariats avec quatorze entreprises différentes. Si nous voulons que ces actions aient un impact, loin de tout saupoudrage, ces entreprises doivent unir leurs forces, comme dans d’autres domaines, notamment les médias de proximité, monsieur Echaniz. Vous semblez considérer que chacun doit travailler dans son couloir, position qui avait déjà motivé votre opposition au rapprochement entre France 3 et France Bleu. Nous estimons au contraire que la création de cette holding contribuera à renforcer l’audiovisuel public face à la concurrence, que nous estimons saine, des médias privés, des plateformes et des réseaux sociaux.

Au fond, je me demande si ce n’est pas le terme même de « holding » qui gêne nos collègues de gauche. Si nous options pour « confédération de l’audiovisuel public » ou « front pour l’audiovisuel public », le projet leur paraîtrait peut-être plus acceptable.

Avis défavorable sur ces sous-amendements.

Mme Rachida Dati, ministre. Je rejoins le rapporteur : l’année dernière, lorsque j’ai présenté le projet de réforme de l’audiovisuel public, certains à gauche ont dit préférer à la fusion un retour à la solution de la holding. À chaque fois qu’on avance, ils reculent, mais cela fait peut-être partie de leur ADN.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Monsieur le rapporteur, vous ne pouviez choisir pire exemple que celui que vous avez pris. M’étant consacrée pendant quatre ans à l’éducation aux médias au sein de la direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco), je sais comment les partenariats se nouent : les académies s’assurent qu’ils respectent certains principes et ce sont les chefs d’établissement et les équipes éducatives qui valident les projets. Il est bien évident que ces derniers font en sorte qu’ils n’y aient pas de doublons. France Télévisions et Radio France ne sauraient se succéder au sein d’un même établissement.

Ce n’est pas en fusionnant que vous comblerez les trous dans la raquette mais en développant les moyens affectés à l’éducation aux médias. Sachez qu’elle mobilise non seulement les acteurs de l’audiovisuel public mais aussi les grandes associations de l’éducation populaire et des associations spécialisées, qui interviennent notamment à l’occasion de la Semaine des médias et de la presse à l’école, action éducative à laquelle participent le plus d’enseignants. Préservons cette diversité, qui est une richesse et non une menace.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Fusionner la Philharmonie de Paris et l’Opéra Bastille ne permettra pas d’améliorer l’éducation musicale dans les écoles. L’éducation aux médias sortira renforcée si plus de moyens lui sont consacrés au sein des entreprises de l’audiovisuel public mais également si l’éducation nationale prend sa part. Durant les états généraux de l’information, le projet d’en faire une discipline à part entière dans le cursus scolaire a été évoqué. Certaines coopérations sont en effet couronnées de succès, monsieur le rapporteur, – pensons au programme Vrai/Faux ou à la plateforme Lumni – mais elles ne nécessitent pas plus d’intégration. Si d’autres, à l’inverse, fonctionnent mal, c’est peut-être qu’à l’épreuve du terrain, elles se sont révélées non pertinentes.

Quant aux médias de proximité, n’oublions pas qu’ils se déploient à des échelles différentes – les régions pour France 3, les départements pour Ici – ce qui rend complexe une fusion. Leur manque de moyens réduit leur capacité à être présents sur le terrain et il faut réfléchir à ce que veulent les publics.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Votre volonté de créer une filiale consacrée à l’éducation aux médias semble contradictoire avec votre logique de concentration. Par ailleurs, si tout le monde s’accorde pour dire l’importance de ces actions éducatives, j’estime que c’est aux professeurs et aux documentalistes qu’il revient de les mener plutôt qu’à des entreprises qui ont précisément pour mission de produire des contenus audiovisuels. Il faut se demander ce qu’elles recouvrent concrètement au lieu de se contenter de dire que tout le monde doit en lancer.

Avec votre holding, vous voulez en finir avec la diversité. Pourquoi ne pas créer une holding du web, regroupant podcasts et vidéos, sous prétexte que ces différents métiers ont en commun l’utilisation du micro ? Pour l’outre-mer, mettre en place une filiale ne serait que reboucher un trou après l’avoir creusé vous-mêmes puisque vous avez saboté la chaîne France Ô.

M. Jérémie Iordanoff (EcoS). Que le terme retenu soit « holding » ou « fusion », la ministre nous confirme que l’intention du gouvernement est la même et nous vous confirmons que nous ne sommes toujours pas satisfaits. C’est la volonté de mettre en place une unité de direction qui pose problème. Regardez donc ce qui se passe au-delà de nos frontières : des initiatives trumpistes parviennent à défaire très rapidement tous les contre-pouvoirs et à imposer une orientation politique aux médias. La meilleure manière de résister à de telles tentatives, c’est de maintenir l’indépendance des directions de chaque média.

La commission rejette les sous-amendements identiques.

Sous-amendements AC1496 de M. Aurélien Saintoul, AC1497 de M. Aymeric Caron, AC1498 de M. Aurélien Saintoul et AC1500 de M. Aymeric Caron (discussion commune)

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Le rapporteur nous a donné en exemple le système Bolloré en soulignant que s’il fonctionnait, c’est que les journalistes se faisaient la courte échelle. On peut même se demander s’ils n’ont pas un seul contrat pour se lancer sur Europe 1, CNews ou le Journal du dimanche dans leurs logorrhées xénophobes et racistes, sans jamais avoir à rechercher d’informations nouvelles et de contenus originaux. Est-ce cela votre modèle pour l’audiovisuel public ?

On ne peut pas imaginer que, dans l’audiovisuel public, au sein des différentes entités, entreprises ou filiales, le seul horizon proposé consiste à reprendre ce qu’a fait un collègue d’une autre chaîne ou d’une autre radio. Si l’audiovisuel public a un sens, c’est parce que chaque entité a sa singularité : France Culture ou France Musique ne sont pas France Inter, par exemple. Vous semblez considérer que la reprise des éléments de langage des uns et des autres fera la force de ce groupe audiovisuel et de la holding, ce qui ne fait que renforcer notre inquiétude. Vous êtes en train de nous dire qu’il faut aligner le public sur les pires pratiques du privé ; cela ne peut évidemment pas nous satisfaire. Le service public est précisément là pour ne pas faire comme le privé. Ce dernier est plus que défaillant dans la qualité : il est même pernicieux. Aligner les pratiques du service public sur celles du privé – y compris celles de Vincent Bolloré et de ceux qui travaillent à son service – revient à enclencher la logique de la privatisation. Cette logique est très avancée au sein de certaines entreprises de l’audiovisuel public, qui recourent massivement à la sous-traitance. C’est ce genre de menaces à laquelle les entreprises – ou les futures filiales – vont être confrontées.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Vous déformez, par volonté d’obstruction, l’esprit du texte et de la holding. Celle-ci a vocation à assurer un pilotage par le haut et non à uniformiser les entités existantes, qui garderont leur spécificité et leur identité. Avis défavorable.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Je n’ai pas dit, monsieur Saintoul, qu’il fallait que l’audiovisuel public fonctionne comme le groupe Bolloré. Que l’on soit journaliste politique sur France Inter ou sur France 2, on fait le même métier, même si le canal n’est pas le même. Favoriser les coopérations entre les rédactions renforcera l’audiovisuel public et lui conférera la capacité de développer la production de contenus d’information pluriels, indépendants, conformes aux exigences du service public. Vous avez le sentiment que mutualiser, permettre des coopérations et des rapprochements, créer des filiales fragilise l’audiovisuel public ; je pense, pour ma part, que cela lui donne les moyens de travailler mieux, plus efficacement.

Je ne parle pas d’économies financières : j’ai la conviction que, même pour des enjeux d’information, il est cohérent de rapprocher les rédactions, de permettre, par exemple, à France 3 de travailler avec France Bleu. Il ne me paraît pas pertinent, en effet, que France 3 et France Bleu soient structurées de manière aussi différente et ne soient pas capables de penser ensemble l’information de proximité. Il n’est pas invraisemblable qu’un média radio et un média télévision travaillent ensemble sur la manière de mieux informer les habitants de nos territoires ruraux, par exemple. Il est regrettable que l’on ait dû attendre aussi longtemps pour que France 3 et France Bleu travaillent ensemble. Je ne crois pas que les coopérations qu’elles mettent en œuvre sur le terrain les affaiblissent.

Je constate, notamment en ma qualité d’ancien administrateur de Radio France, que les coopérations par le bas n’ont pas avancé assez rapidement. Des progrès ont été accomplis depuis quelques années, en partie parce que la holding, que ces médias perçoivent peut-être comme une menace, les a incités à accélérer les coopérations par le bas. Toutefois, ces dernières n’ont été ni assez rapides, ni vraiment satisfaisantes : tel est, également, l’objet de la holding.

Mme Rachida Dati, ministre. Cette réforme a pour objet de défendre le service public. On constate un affaiblissement de l’audiovisuel public, notamment un vieillissement de l’audience. En outre, les médias publics présentent des spécificités, qu’il convient de préserver. On compte aujourd’hui vingt-sept chaînes gratuites sur la TNT (télévision numérique terrestre). Les groupes privés sont de plus en plus structurés. Nous ne sommes pas obsédés par le groupe Bolloré : d’autres entités se structurent.

Bien avant le covid, dans le cadre de la réforme défendue par Franck Riester, on visait un objectif de quarante-quatre coopérations par le bas d’ici à 2023. Or, lorsque je suis arrivée au ministère, on n’en était pas à la moitié. Avec les présidentes de France Télévisions et de Radio France, nous avons nommé deux personnes pour accélérer les coopérations, qui sont aujourd’hui au nombre de trente-huit. Les difficultés à instituer ces coopérations, que reconnaissent les dirigeants, ont pour origine un manque de volonté. Chacun considère à présent que ce mouvement répond à une nécessité et nous devrions atteindre l’objectif de quarante-quatre coopération en fin d’année.

M. Inaki Echaniz (SOC). À écouter les rapporteurs, cette réforme parfaite n’aura que des effets positifs sur l’audiovisuel public, sur les téléspectateurs et auditeurs, ainsi que sur l’éducation des jeunes. Pourtant, elle aura connu des reports successifs, car elle n’était pas aboutie. Dans vos propres rangs, elle a nourri des doutes, des questionnements. Certains, au sein des groupes du bloc commun, ne soutiennent pas le texte ; pourtant, s’il était si parfait, il devrait recueillir une quasi-unanimité. Surtout, la grande majorité des personnels de France Télévisions et de Radio France, qu’ils soient journalistes, techniciens, opérateurs ou administratifs, sont opposés à la proposition de loi : il y a bien une raison à cela. Le gouvernement s’est opposé à la proposition de loi visant à réguler l’installation des médecins au motif que ces derniers y sont opposés. En l’occurrence, malgré l’opposition des salariés, vous foncez tête baissée. Faites preuve d’un peu d’humilité et reconnaissez qu’il y a des zones d’ombre et que tout ne va pas se passer aussi bien que vous le décrivez.

Mme Céline Calvez (EPR). Je regrette que, lorsqu’une société de l’audiovisuel public crée une émission de qualité sur un thème donné, il n’y ait pas systématiquement – même si cela se fait de plus en plus – d’invitation à aller découvrir les contenus proposés par les autres sociétés sur le même thème. Grâce à la holding et à un travail de coordination plus poussé, on pourra davantage favoriser les rebonds d’un contenu à l’autre. Rejeter la réforme revient, paradoxalement, à s’opposer à ce que l’on montre la diversité et la qualité des contenus. L’idée n’est pas de proposer moins de contenus mais de faire en sorte qu’on les voie davantage : qui peut s’opposer à cela ?

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). On n’entretient pas le même rapport au territoire selon que l’on traite de l’intégralité de l’information d’une région ou que l’on se situe, comme c’est le cas des stations de radio, à l’échelle départementale. Par l’effet de votre texte, on risque de s’éloigner du territoire et du maillon départemental, du fait d’un manque de moyens dont on souffre déjà. Dans le cadre que vous proposez, on aura logiquement intérêt à aspirer les moyens pour privilégier une vision régionale. En effet, dans ce genre de coopérations entre la radio et la télévision, c’est bien souvent cette dernière qui l’emporte. On met davantage de moyens sur les images, notamment parce qu’elles sont plus captivantes que le son sur les réseaux sociaux, ce qui conduit à se focaliser sur la région. Cela entraînera un dépérissement des radios à l’échelle départementale.

Dans le cadre des coopérations déjà existantes, on observe des problèmes de moyens, qui sont au cœur de nos préoccupations. À Orléans, on m’a dit, au cours d’une réunion officielle, que l’on était en train de mettre fin à la possibilité qui était offerte jusqu’à présent aux groupes musicaux locaux d’enregistrer leurs œuvres et de les faire connaître grâce à la radio. Tous les acteurs, à la radio comme à la télévision, en sont désolés. Nous devrions nous concentrer sur les moyens accordés à l’audiovisuel public : c’est pourquoi, avec Céline Calvez, nous demandions une loi de programmation.

 

La réunion est suspendue de dix-huit heures cinq à dix-huit heures quinze.

 

M. Jérémie Iordanoff (EcoS). J’essaie de comprendre la logique du texte. La coopération n’est pas une fin en soi ; en tout état de cause, si l’on veut renforcer la coopération, on peut le faire entre entités distinctes. Ce que j’entends, derrière vos propos, c’est que vous voulez non pas la coopération mais la simplification du paysage et peut-être, in fine, un média unique. Vous recherchez l’efficacité, notamment par l’institution d’un seul média pour chaque territoire, ce qui nous fera perdre en qualité et en diversité. Si vous voulez être plus efficaces, il suffit de mettre de l’argent dans l’audiovisuel public.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Madame la ministre, je ne comprends pas en quoi une holding pourrait remédier au vieillissement des audiences. La moyenne d’âge des téléspectateurs de CNews – comme l’était celle des téléspectateurs de C8 – est plus élevée que celle des téléspectateurs de France Télévisions. Le mode de consommation des médias par les jeunes a évolué : le problème ne vient donc pas du groupe France Télévisions, nul besoin de lui couvrir la tête de cendres. Il doit certes s’adapter à l’évolution de la consommation mais il fait mieux que les acteurs privés.

M. Erwan Balanant (Dem). Je suis surpris des propos que j’entends sur les bancs de la gauche. Nous avons la chance d’avoir un réseau constitué des antennes locales de Radio France et de France 3, qui irrigue l’ensemble du territoire. Au-delà de la question de la forme juridique, le réseau doit avoir une force de frappe pour offrir une information territoriale, qui inclut l’actualité nationale, voire internationale. La question est de savoir comment faire travailler ensemble et coopérer ces médias. Je constate sur le terrain que France 3 et Radio France ne travaillent pas bien ensemble, alors que le réseau public a un grand potentiel.

Depuis des années, cela n’avance pas, malgré le travail extraordinaire des radios locales et des antennes régionales de France 3. Personnellement, je n’ai pas la solution ; il faut, je crois, que l’on se mette autour de la table ; faute de volonté en ce sens, quelqu’un doit donner l’impulsion. Les coopérations par le bas n’ont pas pleinement fonctionné, peut-être parce qu’on ne leur a pas laissé le temps nécessaire. Les coopérations par le haut ne marchent pas non plus totalement. Il y a un chemin à suivre entre ces deux formes de collaboration, mais il faut aussi structurer l’ensemble du système. Chacun doit sortir de ses postures. Nous croyons fortement, à tout le moins au sein du bloc central, à l’audiovisuel public.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Jusqu’à présent, on a confondu allègrement la concentration, la coopération, la force de frappe et la visibilité. Vous posez le postulat selon lequel il faut des coopérations, mais il est nécessaire de comprendre la signification concrète de ce terme. Tout le monde – ou presque – préfère la coopération à la compétition. Que les gens travaillent ensemble, pourquoi pas, mais cela réduira le nombre de projets : la coopération mènera à l’uniformisation. Vous considérez que la force de frappe d’un groupe permet de mettre en évidence des contenus : je suis ouvert au débat à ce sujet. En revanche, nous ne voulons pas que l’on affaiblisse ni que l’on uniformise l’audiovisuel public. Il n’est pas nécessaire d’avoir un groupe intégré pour offrir l’accès à l’ensemble des contenus de l’audiovisuel public à partir d’un site unique. On pourrait instituer un portail de l’audiovisuel public par un simple conventionnement. Cette holding n’obéit donc à aucune nécessité : c’est un choix de gouvernance qui aura un effet recentraliseur, qui permettra à l’exécutif d’exercer un contrôle plus direct et qui aura des conséquences néfastes – qui ne correspondent pas à ce que vous recherchez –, tant sur le plan social que sur celui des contenus.

La commission rejette successivement les sous-amendements.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous avons achevé l’examen des sous-amendements et pouvons passer au vote de l’amendement.

La commission adopte l’amendement AC1063 rectifié.

Amendements AC633, AC634 et AC635 de Mme Céline Hervieu (discussion commune)

Mme Claudia Rouaux (SOC). Nous nous opposons à cette holding pour l’ensemble des raisons précédemment exposées.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Soit vous considérez que les coopérations n’ont pas lieu d’être – en ce cas, holding ou pas, nous avons une divergence stratégique concernant l’audiovisuel public –, soit vous estimez que les coopérations sont nécessaires –mais nous avons alors une différence de point de vue. Pour ma part, je suis convaincu que, pour faire aboutir ces coopérations, il faut un arbitre, un chef d’orchestre, donc une holding. De votre côté, vous estimez que les coopérations peuvent se nouer naturellement. Dans le domaine culturel comme dans la sphère politique, on a besoin que quelqu’un tranche, faute de quoi cela ne fonctionne pas. France 3 et France Bleu se sont engagées dans une coopération, allant jusqu’à une marque unique : Ici. De mon point de vue, sans un chef d’orchestre ou un arbitre, ce rapprochement ne fonctionnera pas à moyen et à long terme. La holding garantira qu’à toutes les étapes du processus, quelqu’un pourra arbitrer les principaux enjeux relatifs à l’avenir de la coopération. Madame Taillé-Pollian, la question du périmètre géographique d’Ici se posera, en effet, mais pensez-vous que l’on apportera une réponse à ces questions très concrètes en l’absence d’un arbitre ? J’aimerais que vous nous disiez, monsieur Saintoul, si vous considérez qu’aucune coopération n’est nécessaire ou si vous estimez que la holding n’est pas le bon moyen d’y parvenir. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre. Même avis.

M. Inaki Echaniz (SOC). Compte tenu des secousses que connaît actuellement le bloc commun, je trouve peu opportune la comparaison établie par M. le rapporteur !

Le territoire dont je suis élu est vaste et dynamique. Une rédaction unique, dotée d’un seul outil audiovisuel public, ne permettrait pas de couvrir correctement l’ensemble des événements. En outre, elle traiterait chaque actualité d’une seule façon, là où France Télévisions et Radio France proposent aujourd’hui des angles différents. En réduisant les moyens des rédactions, vous allez les placer dans la même situation que nous, parlementaires, qui nous plaignons de devoir choisir les événements auxquels nous assistons.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). La coopération peut s’envisager mais elle ne peut être permanente et totale. Nous croyons quant à nous à des coopérations de projet, qu’il revient aux directions des entreprises d’organiser – pour mettre particulièrement en lumière un grand événement comme les Jeux olympiques, par exemple. Ce que vous avez décrit, monsieur le rapporteur, n’est pas une coopération : c’est une intégration, avec une mutualisation des moyens. La différence n’est pas uniquement sémantique, elle a des implications concrètes. Une équipe dont la mission est réputée moins importante que l’autre – celle dédiée aux outre-mer, par exemple – risque de ne pas être prioritaire pour l’utilisation du plateau de tournage. Votre logique mène à l’affaiblissement et à l’homogénéisation.

M. Jérémie Iordanoff (EcoS). Nous ne sommes pas contre la coopération mais contre la coopération forcée, qui est en réalité une fusion-absorption. D’ailleurs, nous n’avons toujours pas la réponse à notre question : pourquoi voulez-vous cette fusion ?

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Notre collègue Saintoul a raison de souligner la différence entre coopération et intégration. Je m’étonne que Mme la ministre trouve trop faible le nombre de trente-huit coopérations organisées entre 2020 et 2023, pour un objectif de quarante-quatre. Ce n’est pas si mal, compte tenu de la crise du covid ! Cela démontre que dans de nombreux territoires, des liens se sont créés et des projets ont été mis en œuvre.

Si c’était vraiment une coopération que vous souhaitiez mettre en œuvre, vous ne nous demanderiez pas de prévoir la possibilité de créer des filiales. Créer des filiales, c’est en effet découper des bouts d’entreprises pour les fusionner, donc les intégrer. C’est à ce projet que nous sommes profondément opposés, et plus particulièrement au média 360°. Les modèles Bolloré et Saadé, dont il s’inspire, visent avant tout à économiser de l’argent. Ils aboutissent à une véritable intégration éditoriale et à une uniformisation de l’information.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Nous avons effectivement, à gauche, une culture de la coopération. Nous pourrons d’ailleurs vous éclairer sur les facteurs de succès et d’échec de celle-ci ! Quoi qu’il en soit, à vouloir caporaliser une coopération, on la dénature : elle fonctionne lorsque les cultures de chacun sont proches et respectées.

La création de la holding aura un coût très élevé, que nous estimons à 150 millions d’euros, et ses effets sont incertains. Est-ce bien raisonnable ? Avec un PDG tout puissant à sa tête, qui décidera pour tout le monde, il n’y aura plus de coopération. N’employez pas des mots séduisants pour parler d’autre chose.

Enfin, monsieur Balanant, n’êtes-vous pas troublé que des collègues qui ne soutiennent pas l’audiovisuel public votent avec vous depuis le début de l’examen du texte ?

M. Joël Bruneau (LIOT). On sait que des entités séparées, quand bien même elles expriment une volonté de coopérer, ont du mal à la mettre en œuvre – d’où l’intérêt d’un chef d’orchestre pour les y inciter. M. Echaniz évoquait tout à l’heure la multiplicité des événements : est-il normal qu’une équipe de France 2 se déplace pour tourner un reportage sur un événement en région alors qu’il y a sur place une équipe de France 3 ? La coopération, concrètement, ce n’est pas l’absorption d’une chaîne par une autre mais l’optimisation des moyens pour, éventuellement, économiser de l’argent – ce qui n’est pas un vilain mot.

M. Erwan Balanant (Dem). Cet exemple est révélateur des incompréhensions entre nous. Je suis favorable, quant à moi, à ce que chaque rédaction garde son identité tout en étant partie intégrante de l’audiovisuel public français – avec ce que cela emporte en matière de déontologie et de qualité. Je trouve normal qu’un journaliste de France 2 couvre un événement en région, car il ne le fait pas de la même façon que celui de France 3. Ce qui me choque en revanche, c’est que les moyens techniques ne soient pas mutualisés alors qu’ils pourraient l’être.

Ce débat doit être replacé dans le contexte de la révolution numérique, qui va nécessiter une production de contenus dédiés. Or c’est un angle mort de nos discussions. Comment donner à l’audiovisuel public français une force de frappe sur les réseaux sociaux ? Comment faire pour qu’un média multisupport – radio, télévision et texte – puisse être intégré sur le web ? C’est grâce à la coopération que ces questions pourront être traitées – même si j’ai encore des doutes sur la forme que celle-ci devra prendre.

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Le numérique est un vrai sujet ; plusieurs projets ont vu le jour pour mettre les contenus du service public sur une plateforme. Je voudrais signaler que les podcasts les plus téléchargés sont ceux de Radio France, que l’on peut retrouver sur Instragram et TikTok.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements AC639, AC636, AC637 et AC638 de Mme Céline Hervieu (discussion commune)

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. J’émets un avis défavorable à ces amendements d’obstruction. Il y a entre nous une divergence de fond, monsieur Saintoul : vous considérez la holding comme un facteur d’affaiblissement tandis que nous la voyons comme un outil de renforcement de l’audiovisuel public. Les coopérations ne détruiront pas ce qui fonctionne, au contraire. La holding devra se saisir des deux leviers d’amélioration que sont la proximité et l’information, derrière lesquels il y a de véritables enjeux démocratiques.

Mme Rachida Dati, ministre. Avis défavorable.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Je m’étonne que figure toujours dans le texte la mention de France Médias Monde alors qu’il me semblait que l’adoption d’un amendement précédent avait exlu cette société du périmètre de la holding.

Si vous souhaitez mutualiser, c’est que votre objectif est bien de réaliser des économies. Je peux le comprendre mais, dans ce cas, expliquez-nous ce que sont les marges de manœuvre. L’exemple du journaliste de France 2 qui pourrait utiliser les moyens de France 3 à l’occasion de son déplacement en région est peut-être pertinent mais je le crois périphérique. Surtout, pour qu’il y ait mutualisation, il faudrait que les ressources actuelles soient sous-employées. Disposez-vous d’un document qui le démontrerait ?

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). France 2 et France 3 ayant déjà fusionné, des coopérations doivent déjà être possibles ! Il arrive régulièrement que France 2 réutilise les images tournées localement par France 3 et les traite différemment.

M. Patrier-Leitus expliquait tout à l’heure qu’un journaliste politique exerce toujours le même métier. C’est vrai, à ceci près que l’écriture n’est pas la même selon qu’il travaille pour la radio ou la télévision et selon la couverture de son média. Les journalistes n’étant pas interchangeables, des coopérations sont envisageables mais certainement pas une intégration. On peut très bien coopérer sans appartenir à la même maison ; c’est même ce qu’il y a de mieux, car la spécificité de chaque média est ainsi respectée.

M. Inaki Echaniz (SOC). L’intégration de France Médias Monde dans le périmètre de la holding avait abouti au report du texte lors de la précédente législature et provoqué quelques secousses au sein du bloc commun de l’époque ; le groupe Démocrates s’y était opposé, tout comme la commission des affaires étrangères. Je m’étonne donc moi aussi de son retour dans le texte, alors que les enjeux internationaux sont de plus en plus pressants. J’espère que vous reviendrez sur ce point.

Vous établissez souvent une comparaison entre le secteur public et le secteur privé. Un quotidien qui couvre l’ensemble du Sud-Ouest a décidé, dans un souci de mutualisation et de synergies, de fermer des éditions locales et de rapatrier en central, voire de licencier, certains journalistes. Il subit aujourd’hui une perte de vitesse car le traitement de l’information est devenu beaucoup trop large, au détriment des sujets locaux. Ne reproduisons pas ce qui ne fonctionne pas dans le privé.

La commission rejette successivement les amendements.

 

La réunion est suspendue de dix-huit heures cinquante à dix-neuf heures cinq.

 

Amendement AC751 de Mme Soumya Bourouaha

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Derrière cette réforme présentée comme un vecteur de modernisation, nous voyons surtout un risque majeur pour la qualité du service public audiovisuel. L’exemple de la chaîne de télévision France Info, lancée en 2017, devrait nous alerter. Ce projet ambitieux a été mis en place sans les moyens techniques et humains suffisants ; il en a résulté un turnover très important, des conditions de travail dégradées et une polyvalence très poussée.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre. Avis défavorable également.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Nous sommes d’autant plus opposés à la création d’une holding que celle-ci soulève la question de la répartition des moyens alloués entre les futures filiales, a fortiori s’il y en a de nouvelles. Nous souhaitons nous assurer que la radio conservera une véritable autonomie et qu’elle bénéficiera d’investissements. Mme la ministre dit que son public vieillit, mais Radio France est aujourd’hui à la première place pour l’écoute et le téléchargement de podcasts – lesquels attirent un public jeune !

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). En pointant la nécessité d’une répartition équitable des ressources, cet amendement tape dans le mille. Après avoir investi ces dernières années, l’audiovisuel public manque aujourd’hui de crédits de transformation du fait de la baisse du budget. Si la holding devait voir le jour, la question se poserait de façon encore plus aiguë en période de pénurie. La question de l’équité entre les différentes filiales mérite donc d’être soulevée.

Vous n’avez pas répondu, par ailleurs, à ma question sur la mutualisation : y a-t-il un sous-emploi des ressources ? Un rapport d’activité vous permet-il d’en juger ?

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Nous craignons l’effet ciseau dévastateur que pourrait avoir la mise en place d’une stratégie de déficit organisé, dans un contexte budgétaire contraint et alors que la suppression de la redevance a affaibli les ressources. N’est-ce pas un moyen pour vous de justifier l’unification de l’audiovisuel ? Lorsque vous qualifiez la réforme de « nécessaire », nous comprenons qu’il s’agit d’une réforme visant à faire des économies et nous connaissons la suite : le coût prévisible de la holding, que vous n’avez pas budgété, va affaiblir les moyens d’action des entités. Notre estimation d’un coût de 150 millions d’euros vous semble-t-elle juste ?

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Nous craignons que la répartition des moyens ne soit pas équitable, au détriment de Radio France en particulier. Nous appelons à la prudence et à la transparence : derrière cette réforme, il y a des structures, des journalistes, et des citoyens qui ont droit à une information de qualité.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC752 de M. Frédéric Maillot

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Mon collègue député de La Réunion soulève une question essentielle, celle de la place des outre-mer dans l’audiovisuel public et, plus largement, de leur visibilité dans l’espace médiatique. Le rapport d’information de la délégation sénatoriale aux outre-mer, « Les outre-mer dans l’audiovisuel public. Face au risque d’invisibilité totale, le défi du média global », pointe une tendance préoccupante à l’effacement progressif de l’actualité ultramarine dans les grands médias nationaux.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Le présent texte n’a pour objet le traitement de l’information mais l’organisation de l’audiovisuel public. Le pacte pour la visibilité des outre-mer comprend vingt-cinq engagements visant à donner plus de place aux outre-mer sur les chaînes à forte audience du groupe : France 2, France 3 et France 5. Leur visibilité s’est effectivement améliorée, le nombre de sujets les concernant ayant été multiplié par quatre entre 2019 et 2022 dans les éditions nationales d’information.

Dans son avis de 2022 sur le contrat d’objectifs et de moyens (COM) de France Télévisions, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) considère que l’engagement de diffusion d’au moins douze programmes ultramarins en première partie de soirée est respecté mais que la programmation ultramarine repose essentiellement sur la fiction et les documentaires de découverte et de voyage. La chute de la représentation des personnes ultramarines est l’un des sujets de préoccupation. Le rapport d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public préconisait la création d’une mission d’information sur la visibilité des outre-mer, afin de dresser un bilan et de faire des propositions. Il ne semble donc pas nécessaire de modifier la loi à ce stade. Enfin, l’Arcom intègre déjà la visibilité des outre-mer dans ses avis sur les rapports d’exécution des COM. Pour toutes ces raisons, nous émettons un avis défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre. Nous venons d’établir un bilan du pacte de visibilité des outre-mer sur l’ensemble des chaînes, qui est excellent. Nous préférons que le sujet soit abordé sur toutes les chaînes, en particulier sur celles qui font de l’audience, plutôt que de le cantonner à une seule chaîne qui ne serait pas regardée.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je ne comprends pas que nous ne puissions, à l’occasion d’un débat sur la gouvernance, débattre du projet. Il ne s’agit pas de réformer pour réformer, mais de donner des garanties de fonctionnement suffisantes à l’audiovisuel public pour lui permettre de remplir ses missions – que nous devrons passer au peigne fin. Un projet de structure doit évidemment soutenir un projet plus global ; la question de la place des outre-mer est donc bien notre sujet. Il nous semble important de ne pas mettre entre les mains d’une seule personne l’avenir de l’audiovisuel public sans que la représentation nationale ait pu définir précisément les missions de service public.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). J’appuie l'amendement de notre collègue Maillot, même si je regrette qu’il porte exclusivement sur la question de l’information ; il me semble que les outre-mer devraient bénéficier d’une représentation globale, y compris dans la fiction et dans la culture. Toutefois, puisque la proposition émane de la délégation aux outre-mer du Sénat, je ne lui en fais pas grief. On ne pourra pas non plus lui reprocher de faire preuve d’excès ou de sectarisme.

Pour avoir rencontré localement les anciens de France Ô, j’estime que le bilan de la fermeture de cette chaîne n’est pas bon. J’aimerais que Mme la ministre précise devant nous les résultats qu’elle allègue, car nous avons des interprétations opposées.

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Je n’ai pas du tout les mêmes chiffres que Mme la rapporteure et Mme la ministre, qui évoquent l’amélioration des résultats. Le journal des outre-mer ne dure que neuf minutes chaque jour sur France 3 : c’est tout à fait insuffisant pour rendre compte des réalités des douze territoires. De plus, la dotation budgétaire entre France Télévisions et les antennes d’outre-mer est inéquitable. Comment croire que le projet de holding garantira un réel soutien à la production locale dans ces conditions ?

M. Steevy Gustave (EcoS). Peut-on parler de représentativité quand le rapport de l’Arcom sur la représentation de la diversité de la société française dans les médias 2013-2023 révèle que les personnes non blanches sont représentées dans 9 % des programmes d’information sur les sujets liés à la politique française ? Peut-on parler de visibilité quand la seule chaîne dédiée aux outre-mer a été supprimée et quand on parle de « réflexe outre-mer » sans nommer à des postes clés des référents en la matière ? Les outre-mer ne sont pas qu’une carte postale. Leur représentation est à la fois une nécessité et une urgence.

La commission rejette l'amendement.

Amendement AC1487 de M. Jérémie Patrier-Leitus

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. L'amendement vise à mettre en cohérence les deux missions actuelles de l’INA que sont la conservation et la mise à disposition des archives.

Mme Rachida Dati, ministre. Avis favorable.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Cette explication est un peu trop succincte. Si l’amendement est adopté, l’INA devra procéder à « la conservation des archives audiovisuelles des filiales des sociétés nationales de programme », et non plus à la conservation « de l’ensemble » de ces archives. Le diable est dans les détails : pourquoi supprimer les mots « de l’ensemble » ? Quelles archives passeront à la trappe ? Ce n’est manifestement pas un amendement de coordination.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). La rédaction n’est pas claire, d’autant que l’intégration de l’INA à une holding de l’audiovisuel public pose la question de sa capacité à être considéré comme un partenaire privilégié par les sociétés privées. L'amendement ne nous éclaire pas sur ce point. Comment l’INA pourrait-il conserver avec TF1, dont il assure le dépôt légal, le même rapport contractuel qu’avec les autres chaînes, s’il est intégré à la concurrence ? L’archivage de l’intégralité des programmes de télévision, et même des réseaux sociaux, est un sujet important qui ne doit pas être traité par-dessus la jambe.

La commission adopte l'amendement.

Amendement AC1489 de Mme Virginie Duby-Muller

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Cet amendement de précision vise à supprimer la référence aux cahiers des charges. Les modalités d’exploitation des extraits des archives audiovisuelles sont déjà fixées par les conventions conclues entre l’INA et les sociétés nationales de programme.

Mme Rachida Dati, ministre. Avis favorable.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Pardonnez-moi d’insister, mais j’aimerais entendre les rapporteurs sur l’amendement précédent. C’est un sujet de préoccupation que l’on m’a fait remonter. En passant du statut d’Epic à celui de filiale d’une holding du service public, l’INA peut-il rester un interlocuteur neutre vis-à-vis des chaînes privées ?

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. L’INA doit changer de statut et devenir une société anonyme pour être intégré au sein de la holding, mais chaque entité de la holding gardera sa raison d’être et son périmètre. Si vous me demandez si nos deux amendements changeront quelque chose aux missions de l’INA, la réponse est non.

La commission adopte l'amendement.

Amendement rédactionnel AC1028 de M. Jérémie Patrier-Leitus

Mme Rachida Dati, ministre. Avis favorable.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il s’agit d’un réel amendement rédactionnel, à la différence des deux amendements précédents. Vous n’avez pas dit ce qu’il serait advenu de votre projet si nous ne les avions pas adoptés. Je ne suis qu’un humble professeur de français, mais « les archives » et « l’ensemble des archives », cela ne signifie pas la même chose. J’aimerais que l’on m’explique qui fera la sélection pour passer de l’un à l’autre.

M. le rapporteur dit : « Il faut que l’INA devienne une société anonyme. » Permettez-nous de ne pas nous satisfaire de cette explication. Nous n’allons tout de même pas gober que rien ne changera, sauf le statut, alors qu’un changement de statut implique nécessairement l’altération de son fonctionnement et de ses missions.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je remercie M. le rapporteur pour son explication. Toutefois, il ne répond pas à ma question. Je ne l’interrogeais pas sur les relations de l’INA avec les autres sociétés de la holding, mais sur ses relations avec les chaînes de télévision privées. Le fait de devoir verser ses archives à la concurrence ne créera-t-il pas des difficultés ? Il me semble que cela risque de changer, voire de dégrader, les relations de l’INA avec ces chaînes et de nuire à la mission qui fait actuellement sa force, à savoir collecter l’intégralité des archives de la télévision.

La commission adopte l'amendement.

Amendement rédactionnel AC1029 de Mme Virginie Duby-Muller

Mme Rachida Dati, ministre. Avis favorable.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). N’ayant pas obtenu de réponse à mes dernières questions, je me permets de relancer les rapporteurs. Vous nous expliquez qu’il faut en passer par une mutualisation ; or, si l’on mutualise des moyens, cela signifie qu’ils sont sous-utilisés. Êtes-vous en mesure de nous présenter des preuves d’une sous-utilisation des moyens ? Ayez du respect pour vos contradicteurs ; je ne fais que rebondir sur vos propos.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Ce n’est pas le sujet de l’amendement !

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Laissez M. Saintoul terminer. Il lui reste dix secondes.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Je n’ai pas obtenu de réponse à une question de fond. De votre côté, vous déposez des amendements rédactionnels à la dernière minute. Je crois que, de nous deux, l’un respecte plus l’esprit de l’Assemblée que l’autre.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). J’appuie la demande de mon collègue Saintoul. Nous n’avons pas obtenu de réponse à plusieurs de nos questions. Pour ma part, j’ai interrogé Mme la ministre sur le devenir des accords sociaux lors de la filialisation. Elle m’a répondu que leur renégociation avait commencé. Or, d’après les quelques échanges que j’ai eus par téléphone portable, il semblerait que ce ne soit pas le cas. J’aimerais obtenir une réponse : la filialisation permettra-t-elle au nouveau président-directeur général de repartir de zéro au détriment des salariés ? Quand j’ai interrogé Bercy, en tant que rapporteure pour avis de la Commission sur les projets de contrats d’objectifs et de moyens 2024-2028 de France Télévisions, France Médias Monde, Radio France et de l’Institut national de l’audiovisuel, sur la manière de faire des économies pour s’adapter à la baisse des moyens, on m’avait répondu : « En revoyant les accords collectifs » !

La commission adopte l'amendement.

Amendement AC157 de M. Salvatore Castiglione

M. Salvatore Castiglione (LIOT). L'amendement vise à préciser que l’INA doit contribuer à la recherche sur l’accessibilité de l’audiovisuel à tous.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Il s’agit d’un sujet important. Cependant, il n’apparaît pas nécessaire de préciser que l’INA contribue à la recherche et à l’innovation sur l’accessibilité des programmes aux personnes en situation de handicap. D’abord, il peut déjà le faire ; ensuite, il s’agit surtout d’une mission de service public des sociétés nationales de programme. Nous considérons que les missions de l’audiovisuel public n’ont pas à être toutes déterminées dans la loi : il existe des cahiers des charges qui précisent ces missions. L’amendement est satisfait. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre. L’accessibilité fait déjà partie des missions de l’audiovisuel public et le bilan de l’INA en la matière est tout aussi bon. L'amendement est satisfait.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Puisque la proposition de loi remet à plat les missions de service public, il faut donner à la représentation nationale l’occasion de s’exprimer sur celles qui lui semblent importantes, voire essentielles. C’est le cas de la représentation des outre-mer. De même, l’inclusion des personnes en situation de handicap n’est pas toujours respectée, qu’il s’agisse du traitement réservé à certains handicaps à l’écran – j’ai déposé plusieurs amendements sur le sujet – ou de l’accessibilité des programmes.

L'amendement est retiré.

Amendement AC930 de Mme Céline Calvez

Mme Céline Calvez (EPR). L’alinéa 12 rappelle le rôle fondamental de l’INA dans l’innovation et la recherche. L’INA a déjà permis de grandes avancées en utilisant l’intelligence artificielle pour détecter le temps de parole des femmes – avant même l’arrivée de ChatGPT – et, désormais, pour analyser le pluralisme. Au sein de la holding, l’INA pourra mettre son savoir à la disposition des médias du service public. Il me semble important de l’inviter dans la loi à rechercher l’impact et les opportunités de l’intelligence artificielle, car celle-ci fait partie d’une révolution qui doit toucher l’ensemble des médias publics.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Avis favorable. L’intelligence artificielle est un outil qui peut être bénéfique à l’INA.

Mme Rachida Dati, ministre. L’intelligence artificielle est très utilisée au sein de l’INA pour la conservation et l’utilisation des archives. Il faut l’inciter à l’utiliser davantage, notamment au service des chercheurs et du grand public. Avis favorable.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Nous voterons pour l’amendement car l’intelligence artificielle peut être utile. De plus, en précisant les missions de l’INA, il montre combien il est nécessaire de fixer des orientations. J’allais saluer la cohérence de l’avis des rapporteurs sur la question de l’accessibilité aux personnes sourdes, malentendantes, aveugles et malvoyantes, tout en regrettant que mon collègue ait retiré son amendement ; toutefois, il y a une forme d’incohérence à se prononcer pour l’amendement de Mme Calvez. Si l’INA utilise déjà l’intelligence artificielle, il n’a pas besoin d’une holding pour accélérer son développement. Il devrait coopérer avec des centres de recherche plutôt qu’avec ses collègues de la radio.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je soutiens l’amendement de Mme Calvez et je salue le travail extraordinaire réalisé par les chercheurs intégrés à l’INA, qui sont à la pointe de l’utilisation de l’intelligence artificielle dans la gestion des archives vidéos au service de l’intérêt général. C’est un très fort atout. Cependant, après plusieurs années de baisse budgétaire, ce service souffre d’un manque de moyens qui l’empêche d’aller aussi loin qu’il le souhaiterait. Nous devons l’aider à se développer plutôt que lancer un projet de mutualisation.

La commission adopte l'amendement.

Amendement AC1089 rectifié du gouvernement, sous-amendements AC1429 et AC1430 de Mme Soumya Bourouaha (discussion commune) et sous-amendement AC1151 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Rachida Dati, ministre. C’est un amendement de précision. Bien que la formation fasse partie des missions de l’INA, qui a vocation à mettre son savoir-faire à disposition des sociétés nationales de programme, la formule « assure ou fait assurer la formation » paraît contestable. L’amendement prévoit donc que l’INA « contribue notamment à assurer la formation » du personnel de l’ensemble de l’audiovisuel public.

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Ces deux sous-amendements rédactionnels visent à substituer au mot « contribue » les mots « concourt » ou « participe ».

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre. Avis défavorable.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Le sous-amendement C1429 illustre le désaccord qui habite cette commission. Depuis le début des auditions, on nous vante la nécessité d’une intégration au nom de croyances qui ne sont pas vérifiées dans les faits. Mme la rapporteure a parlé de proximité ; pourtant, jusqu’à présent, toutes les opérations qui ont concerné France Télévisions ont conduit à un éloignement, notamment vis-à-vis des outre-mer. De la même façon, on a vanté des économies d’échelle réalisées sur le management et par la mise en commun de certaines prestations au sein du groupe. Enfin, M. Balanant a évoqué le fait que le modèle permettrait d’entrer en concurrence avec les plateformes. Il me semble que nous nous trompons. En réalité, l'amendement organise la mise en concurrence entre le public et le privé. C’est un problème.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Malgré mon opposition farouche au projet de holding, j’espérais qu’il résoudrait une difficulté, à savoir le fait que l’INA est actuellement en concurrence avec les entreprises privées pour assurer la formation des autres entreprises du service public de l’audiovisuel. Il est ainsi obligé de répondre à des appels d’offres. Que de temps perdu et de bureaucratie, alors que nous avons là un des meilleurs outils de formation ! Avec l’amendement du gouvernement, nous allons continuer dans cette logique. C’est une très mauvaise idée.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Je ne suis pas à l’aise avec l’explication donnée à l’amendement du gouvernement. Certes, il assure un parallélisme de forme en utilisant l’expression « contribue notamment à la formation » aux deux phrases de l’alinéa 13, mais mon collègue a raison de pointer qu’il s’agit avant tout d’une question de fond. Vous voulez une intégration censée accroître la coopération entre les sociétés. Cependant, in fine, l’une d’entre elles n’assurera pas la totalité de la formation interne des autres dans ce qui est pourtant son domaine d’expertise. Pourquoi la formation ne pourrait-elle pas être l’apanage de l’INA ?

La commission rejette successivement les sous-amendements AC1429 et AC1430.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Mon sous-amendement propose de supprimer le mot « notamment ». Si nous en venions à fusionner les entreprises de l’audiovisuel public, il serait normal que l’INA assure la formation au sein du groupe, soit partiellement, soit en fusionnant avec l’université France Télévisions. La rumeur circule parmi les agents que cet organisme interne de formation est en passe d’être vendu.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Il reste quatre-vingts amendements à examiner sur l’article 1er. Si nous ne sommes pas capables de l’adopter avant ce soir, minuit, je considérerai que vous aurez assumé jusqu’au bout l’obstruction parlementaire. Même sur l’amendement de Mme Calvez, sur lequel tout le monde était d’accord, certains ont pris la parole pour dire que rien ne va ! Je ne remets pas en cause le droit d’amendement, qui est absolu, mais il serait regrettable, au vu de la qualité de nos échanges, que nous ne puissions pas voter démocratiquement l’article 1er en commission. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre. Avis défavorable.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Ce n’est pas de l’obstruction que de s’attacher à un mot. Le mot « notamment » a un sens. Nous serions de bien mauvais gestionnaires de l’argent public si nous investissions dans des organismes de formation publics pour les livrer ensuite à la concurrence ! Il faut au moins assurer la rentabilité de l’investissement en garantissant à l’INA le monopole de la formation.

Je suis député de Paris. On débat en ce moment même dans l’hémicycle d’une loi sur les élections qui nous concerne. Si je fais le choix d’être ici plutôt qu’en séance, c’est pour discuter du texte.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). L’INA collabore déjà avec La Chaîne parlementaire dans le cadre de l’excellente émission Rembob’INA présentée par Patrick Cohen ou avec France Télévisions pour des fresques historiques remarquables. Il s’agit donc d’un exemple de coopération réussie, pour laquelle il n’est pas besoin de créer une holding. Une coopération est avant tout un projet partagé. En quoi le fait de dépenser 150 millions d’euros permettrait-il de développer des émissions de qualité, qui existent déjà et ont démontré leur intérêt ? Soutenons-les et favorisons ce type de projets, sans chercher à tout détruire de l’intérieur, par pure idéologie, au motif que le modèle d’organisation du privé serait plus efficace que celui du public. C’est faux.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). C’est vrai que nous avons des désaccords et que nous ne partageons pas votre postulat sur le principe des coopérations. Toutefois, nous ne faisons pas de l’obstruction, au contraire ! Vous pouvez trouver nos amendements un peu légers, mais la discussion avancerait si vous répondiez sur le fond à nos questions, qui sont légitimes, notamment en ce qui concerne la mutualisation des ressources et leur prétendu sous-emploi – malgré toute l’amitié et le respect que je vous porte, je ne lâcherai pas sur ce point. Vous n’avez pas répondu non plus sur la formation des personnels : relèvera-t-elle exclusivement de l’INA ou confierez-vous le soin de l’assurer à des prestataires ?

M. Erwan Balanant (Dem). Je présente mes excuses à M. Saintoul pour l’avoir traité de procureur ; ce n’était pas très gentil, même s’il s’agit d’un métier très noble. Vous pensez, par idéologie, que nous voulons faire disparaître l’audiovisuel public. Au contraire, la volonté de mon groupe et de la majorité des membres du bloc central est de le rendre plus puissant.

Par ailleurs, nous souhaitons mutualiser les ressources non pas parce qu’elles seraient sous-employées, mais par souci d’efficacité. France 3 et Radio France, par exemple, forment un réseau incroyable de journalistes qui sont sur place, en régions, depuis des années, et peuvent traiter l’information différemment. Voilà à quoi sert la mutualisation.

La commission rejette le sous-amendement et adopte l’amendement.

Amendement rédactionnel AC1031 de Mme Duby-Muller, rapporteure.

Mme Rachida Dati, ministre. Avis favorable.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Je ne suis pas sûr que cet amendement, qui vise à substituer aux mots « des personnels » les mots « du personnel », soit un simple amendement rédactionnel. Cette modification a une signification et j’ai suffisamment enseigné la langue française pour savoir faire le distinguo. Notre collègue Taillé-Polian a évoqué, tout à l’heure, le sujet des négociations et des statuts. Or, par cet amendement, vous tendez à effacer la diversité des statuts et des conditions des personnels, ce qui sera précisément remis en cause en créant la holding. S’il y a une dimension rédactionnelle dans cette modification, il n’est pas certain qu’elle soit motivée par le respect de la langue française.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je partage les interrogations de mon collègue Saintoul. Le document de préfiguration de la holding qui nous a été transmis par Mme la ministre indique que « la société France Médias pourra fonctionner avec des personnels détachés, mis à disposition par les autres sociétés » et précise, en page 21, que « la constitution de la holding occasionnera un coût nul », puisque les personnels seront pris sur les effectifs des autres entités. Or, après des années de plans sociaux et de réductions budgétaires, quels sont les personnels qui ne remplissent aucune mission et qui ne sont pas déjà indispensables ? Vous ne pouvez pas nous laisser dans le flou.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AC1090 rectifié du gouvernement et sous-amendement AC1199 de Mme Taillé-Polian, sous-amendements AC1194, AC1196, AC1197 et AC1198 de Mme Taillé-Polian (discussion commune), sous-amendements AC1141 et AC1142 de M. Emmanuel Grégoire (discussion commune), sous-amendement AC1139 de M. Emmanuel Grégoire, sous-amendements AC1131 et AC1127 de Mme Taillé-Polian, et sous-amendements AC1432 de Mme Soumya Bourouaha, AC1143 de M. Emmanuel Grégoire, AC1433, AC1434, AC1435, AC1436 et AC1437 de Mme Soumya Bourouaha (discussion commune).

Mme Rachida Dati, ministre. L’amendement du gouvernement vise à préciser, dans un article de la loi du 30 septembre 1986 consacré aux missions de l’INA, que ce dernier est soumis à un cahier des missions et des charges, fixé par décret.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Nous nous interrogeons sur la nature des informations qui figureront dans le décret pour définir les missions de l’INA, auxquelles nous sommes très attachés. Nous craignons que les liens avec les entreprises de la concurrence – TF1 notamment – ne soient détériorés et nous nous interrogeons également sur les moyens qui seront accordés à l’INA. C’est pourquoi nous ne comprenons pas le sens de l’amendement.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Je partage les inquiétudes de Sophie Taillé-Polian : la ministre parle de cahier des missions et des charges, alors qu’elle aurait pu évoquer un cahier de missions ou de charges. Sérieusement ! Évitons de faire des commentaires sur la moindre phrase ou le moindre mot d’amendements qui ne posent pas de difficulté !

Par ailleurs, permettez-moi de présenter des excuses à M. Saintoul : nous ne sommes plus dans de l’obstruction parlementaire mais dans la psychanalyse, voire l’exégèse, du texte. Franchement, ce n’est pas à la hauteur de nos débats !

Mme Rachida Dati, ministre. Avis défavorable.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Nous avons bien du mal à avoir une vision claire de votre projet. Pour commencer, vous avez fait le choix de passer par une proposition de loi, que vous avez d’ailleurs dénaturée par rapport à la version initiale du sénateur Lafon, au lieu d’assumer votre vision et de déposer un projet de loi. De ce fait, vous nous privez d’une étude d’impact, puisque le document qui nous a été transmis n’en est pas une. Ensuite, nous n’avons eu que quelques heures pour prendre connaissance des amendements du gouvernement. Enfin, entre le premier projet de loi du ministre Riester et les différents examens de la présente proposition de loi en commission, le texte change à chaque fois ! C’est pourquoi nous cherchons à obtenir des précisions sur la volonté réelle du gouvernement, en lui posant, ainsi qu’aux rapporteurs, toutes les questions sur lesquelles nous nous interrogeons.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Le rapporteur me fait beaucoup d’honneur en expliquant que je fais l’exégèse d’un texte qui, en réalité, n’est pas assez riche pour cela. Sur le fond, nous ne pouvons adopter l’amendement du gouvernement, qui prévoit que le cahier des missions et des charges de l’Institut national de l’audiovisuel sera fixé par décret, sans y réfléchir au préalable. Cela signifie que vous avez l’intention de modifier les missions de l’INA, sans recueillir l’avis du Parlement. Ce n’est donc pas un petit sujet et nous sommes là au cœur du problème. La création d’une holding n’est pas qu’un changement de gouvernance ; elle aura des effets sur les missions et les moyens de l’INA. Par conséquent, répondez-nous. Pourquoi le gouvernement veut-il modifier son cahier des missions et des charges, puisque les missions actuelles de l’Institut sont claires et que le cahier des charges existe déjà ?

La commission rejette le sous-amendement AC1199.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons aux sous-amendements AC1194, AC1196, AC1197 et AC1198.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je rejoins les propos de mon collègue Saintoul. Nous avons besoin d’obtenir des clarifications de la ministre sur le contenu du décret et sur les raisons qui motivent son amendement, afin d’être sûrs que nous sommes en accord avec les missions qui seront confiées à l’INA à l’avenir, puisque le changement de gouvernance aura un impact sur les entreprises initiales. Il est question, en effet, de créer des filiales dont nous ne savons pas grand-chose, même si nous en avons un aperçu dans le document transmis par la ministre. Parfois, lorsque le gouvernement travaille correctement avec les parlementaires, il leur communique les projets de décret pour les rassurer : ce pourrait être une option.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Je m’efforcerai d’être le plus didactique et pédagogue possible : à l’heure actuelle, les entreprises publiques Radio France et France Télévisions ont toutes les deux des cahiers des missions et des charges, fixés par décret. L’objectif est donc d’harmoniser pour l’INA, par cohérence ; mais cela ne changera strictement rien. Vous créez des problèmes là où il n’y en a pas. Ne venez pas nous expliquer que le cahier des missions et des charges de ces entreprises publiques est défini autrement que par décret, car c’est déjà le cas et personne ne s’en offusque ! Je veux bien accepter vos amendements et sous-amendements lorsqu’ils permettent de porter la contradiction, mais ces sous-amendements relèvent de l’obstruction – ou qualifiez-les comme vous voulez. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre. Il s’agissait en réalité d’une omission de la proposition de loi du sénateur Lafon, puisque tous les cahiers des charges sont définis par décret et que celui de l’INA avait été oublié – il n’y a rien d’autre à expliquer, sauf à vouloir justifier de l’obstruction.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Je ne crois pas que nous, Insoumis, ayons eu l’occasion de nous exprimer sur les décrets fixant les cahiers des missions et des charges de l’INA ou des chaînes de l’audiovisuel public, puisque cette disposition a dû être inscrite dans la loi bien avant que notre groupe existe. C’est pourquoi je ne me sens pas tenu de suivre les choix de mes prédécesseurs. Nous préférons, à La France insoumise, que le Parlement se saisisse d’un sujet plutôt que de laisser tout loisir au gouvernement de prendre des décisions par décret. Vous ne partagez peut-être pas ce tropisme, mais c’est le nôtre. Je ne fais donc pas de l’obstruction en disant que votre volonté de prolonger un état de fait qui vous agrée n’est pas une bonne chose. J’entends l’argument de la ministre qui évoque un oubli et je ne le prends pas comme une fourberie ; néanmoins, nous ne sommes pas d’accord sur le fond.

Nous aurons d’ailleurs une discussion du même ordre sur la question des conventions stratégiques pluriannuelles, pour lesquelles vous nous dites que le Parlement aura le dernier mot. Si vous étiez cohérents, vous devriez être d’accord pour que le Parlement ait le dernier mot sur le cahier des missions et des charges également.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Il suffirait que Mme la ministre précise que les missions de l’INA définies par décret demeureront inchangées pour nous rassurer sur son avenir.

La commission rejette successivement les sous-amendements AC1194, AC1196, AC1197 et AC1198.

 

La séance est levée à vingt heures.
Présences en réunion

 

Présents.  M. Rodrigo Arenas, M. Erwan Balanant, M. Philippe Ballard, Mme Géraldine Bannier, Mme Béatrice Bellamy, M. Arnaud Bonnet, Mme Soumya Bourouaha, M. Joël Bruneau, Mme Céline Calvez, M. Salvatore Castiglione, M. Alexis Corbière, M. Pierrick Courbon, Mme Julie Delpech, Mme Virginie Duby-Muller, M. Inaki Echaniz, M. Philippe Fait, M. José Gonzalez, M. Steevy Gustave, Mme Ayda Hadizadeh, M. Jérémie Iordanoff, M. Vincent Jeanbrun, Mme Florence Joubert, Mme Fatiha Keloua Hachi, M. Jean Laussucq, M. Bartolomé Lenoir, Mme Katiana Levavasseur, M. Eric Liégeon, M. Christophe Marion, Mme Graziella Melchior, Mme Marie Mesmeur, Mme Sophie Mette, Mme Caroline Parmentier, M. Jérémie Patrier-Leitus, M. Thierry Perez, Mme Béatrice Piron, M. Alexandre Portier, Mme Claudia Rouaux, M. Aurélien Saintoul, Mme Anne Sicard, M. Bertrand Sorre, Mme Violette Spillebout, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, Mme Sophie Taillé-Polian, M. Jean Terlier, Mme Prisca Thevenot, M. Paul Vannier

Excusés.  Mme Farida Amrani, M. José Beaurain, M. Xavier Breton, Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho, Mme Anne Genetet, Mme Tiffany Joncour, M. Frédéric Maillot, Mme Isabelle Rauch, Mme Véronique Riotton, Mme Nicole Sanquer

Assistaient également à la réunion.  Mme Justine Gruet, M. Jean-Claude Raux