Compte rendu
Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation
– Dans le cadre de l’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires (article 5 ter de l’ordonnance n° 58‑1100 du 17 novembre 1958), audition de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ancienne ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche 2
– Présences en réunion..............................13
Lundi
5 mai 2025
Séance de 15 heures
Compte rendu n° 68
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi, Présidente
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La séance est ouverte à quinze heures.
(Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi, présidente)
La commission auditionne, dans le cadre de l’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires (article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958), Mme Najat Vallaud-Belkacem, ancienne ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Notre commission a fait le choix d’auditionner un certain nombre d’anciens ministres chargés de l’éducation nationale, afin notamment d’analyser la manière dont a été prise en compte, au fil du temps, la question des violences exercées sur des enfants, en milieu scolaire, par des adultes ayant autorité.
Il s’agit pour nous d’identifier les failles en matière de signalement, de prise en charge des victimes et de traitement des auteurs de ces violences, pour mettre fin à ce qui apparaît de plus en plus clairement comme un fléau systémique. À cet égard, le regard et l’expérience de Mme Najat Vallaud-Belkacem nous seront précieux.
L’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
(Mme Najat Vallaud-Belkacem prête serment.)
Lorsque vous étiez ministre de l’éducation nationale, à quelles occasions et dans quels contextes avez-vous eu à traiter la question des violences commises par des adultes sur des enfants en milieu scolaire ?
Vous-même, ou les membres de votre cabinet, étiez-vous destinataires de remontées d’informations sur de tels faits ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ancienne ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je vous remercie de me recevoir pour évoquer un sujet auquel je suis très sensible. J’exprimerai d’abord mon émotion et ma solidarité avec les victimes de Bétharram et des autres établissements privés au sujet desquels la parole s’est récemment libérée.
J’ai eu à connaître de faits de violences à l’égard d’élèves lorsque j’étais ministre, entre 2014 et 2017, de diverses façons. Mon cabinet, qui se trouvait en lien étroit avec les directeurs de cabinet des recteurs, était en effet destinataire des remontées de faits graves survenant dans l’ensemble des établissements scolaires. Nous recevions aussi des courriers de la part de particuliers voire de proches – je me souviens notamment de celui envoyé par l’épouse d’un professeur d’éducation physique et sportive d’Orgères –, qui dénonçaient des professionnels de l’éducation nationale.
Ayant fait du bien-être des élèves l’une de mes priorités, j’avais demandé par des circulaires, mais aussi à l’occasion de réunions avec les recteurs, que tous les faits nous soient remontés. Surtout, j’avais remédié à une lacune en créant l’application interne Faits établissement qui s’avère très précieuse. Elle permet en effet à chaque établissement de remonter les faits les plus graves jusqu’au ministère et de demander un appui en cas de situation complexe ; en compilant les typologies de violences de façon anonymisée, elle aide aussi à structurer des plans de prévention. Lorsque j’étais en fonction, nous avons ainsi fluidifié la remontée d’informations dans les établissements publics. Nous recevions des informations quotidiennement, et j’ai moi-même eu à traiter plusieurs affaires.
M. Paul Vannier, rapporteur. La ministre d’État Mme Borne a récemment annoncé vouloir élargir le périmètre d’utilisation de cette application aux établissements privés sous contrat – ce qui signifie que pour l’heure, et jusqu’à la parution du décret, ils ne sont pas concernés. Pourquoi a-t-il été décidé, lors de la création de cette application, qu’elle ne concernerait que les établissements publics ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem. Au moment de sa création, l’outil s’adressait à tous les établissements, publics comme privés. Mais je rappelle que, du fait du caractère propre des établissements privés, les pouvoirs publics ne peuvent pas agir sur ce qui, en leur sein, relève de la vie scolaire. Ils peuvent leur faire des recommandations – comme celle de mettre en œuvre l’éducation à la vie affective et relationnelle, et à la sexualité (Evars), ou le plan de lutte contre le harcèlement scolaire – mais pas leur imposer la même chose qu’aux établissements publics. C’est une lacune évidente, et je suis favorable à ce qu’une évolution de la législation vienne la combler.
Sur chacun de ces sujets, des établissements privés préfèrent recourir à des dispositifs maison dont il est avéré, à l’aune des révélations dont nous sommes témoins, qu’ils ne sont pas propices à la libération de la parole des élèves. La ministre actuelle a raison de vouloir aller plus loin sur ce point.
M. Paul Vannier, rapporteur. Vous évoquez un débat sur le périmètre des contrôles et sur le temps relevant de la vie scolaire dans les établissements privés sous contrat. Peut-être notre commission d’enquête contribue-t-elle à le faire avancer : le secrétaire général à l’enseignement catholique a en effet reconnu devant nous la nécessité que les services de l’État aient les moyens d’intervenir sur le temps de la vie scolaire. Cependant, des faits de violences peuvent aussi être commis durant le temps scolaire, lequel est financé sur fonds publics et sous le contrôle de l’éducation nationale. Pourquoi ne pas avoir élargi le périmètre de l’application Faits établissement, dès sa création, aux établissements privés sous contrat ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem. La question n’est pas celle du temps scolaire par opposition à celui qui ne le serait pas ; elle est relative à la nature de ce qui est en jeu. En vertu du code de l’éducation, les établissements privés sous contrat sont soumis à trois types de contrôles : pédagogique, budgétaire et administratif. Les pouvoirs publics n’ont donc pas la possibilité de vérifier que des mesures de lutte contre le harcèlement ou contre les violences faites aux enfants – y compris par d’autres enfants ou au sein de leur famille – sont prises et respectées. Nous devons changer la loi sur ce point.
M. Paul Vannier, rapporteur. J’entends, mais je ne parle pas des contrôles : je parle d’une application visant à centraliser des remontées. Pourquoi les établissements privés sous contrat, s’agissant de faits pouvant être commis sur le temps scolaire, n’ont-ils pas été immédiatement intégrés au dispositif lors de sa création ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem. Ils y ont été immédiatement intégrés mais, dans les faits, ils n’ont pas nécessairement mis l’outil en place. L’ensemble des réformes que j’ai menées – qu’elles soient pédagogiques, qu’elles concernent la vie scolaire ou qu’elles portent sur la mixité sociale – s’adressaient aussi aux établissements privés. Je me souviens avoir réuni le Secrétariat général de l’enseignement catholique (Sgec), ainsi que d’autres représentants des établissements sous contrat, pour leur demander de les mettre en œuvre. Mais notre marge de manœuvre pour leur imposer de le faire est indéniablement limitée. D’ailleurs, l’application Faits établissement est bel et bien utilisée par certains établissements privés sous contrat, quand d’autres préfèrent des dispositifs maison qui apparaissent insuffisants.
M. Paul Vannier, rapporteur. Ne disposant pas des moyens de le leur imposer, vous proposez aux établissements privés sous contrat d’utiliser l’application de façon facultative. Pourtant, les moyens existent manifestement puisque la ministre d’État est prête à les contraindre par décret.
Lorsque vous envisagiez la création de l’application, avez-vous eu des échanges avec le Sgec ? Avez-vous noté de sa part une réticence ? Vous a-t-il dit à vous, ou aux membres de votre cabinet, qu’il ne souhaitait pas que les établissements de son réseau soient contraints de l’utiliser ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem. Vous savez que l’autorité qu’exerce le Sgec est assez relative : les établissements ne mettent pas toujours en œuvre les mesures auxquelles il se déclare ouvert, par exemple. Les établissements privés sous contrat ont évidemment été associés à l’ensemble de nos mesures mais, dans les faits, certains ont choisi de faire autrement – il faut remédier à cette situation.
Il me semble nécessaire de replacer les choses dans le contexte de l’époque. D’une part, les affaires de violences à l’encontre d’élèves ayant éclaté entre 2014 et 2017 concernaient le public : nous nous sommes donc concentrés sur cette catégorie d’établissements. D’autre part, dans cette période post-attentats très particulière, la focale était mise sur ce qui se passait dans le privé hors contrat ; le privé sous contrat n’était pas la première préoccupation. Nous avons mené à l’époque un travail d’inspection dans le privé hors contrat comme il n’y en avait jamais eu : préalablement aux 300 inspections conduites, il nous a fallu dresser une liste des établissements, car il n’en existait même pas – c’est dire l’état d’incurie dans lequel j’ai trouvé le sujet à mon arrivée au ministère ! Nous avons aussi dû créer un corps d’inspecteurs et établir un référentiel pédagogique. Jusqu’alors, la loi n’obligeait les établissements privés hors contrat qu’à respecter la moralité, l’hygiène et la salubrité, rien de plus ! Entre 2014 et 2017, l’attention était surtout portée sur ces établissements, ainsi que sur le public – sans doute allons-nous parler, à cet égard, de ce qui s’est passé à Villefontaine notamment.
M. Paul Vannier, rapporteur. Je voudrais d’abord rappeler que nous ne jugeons rien : nous sommes une commission d’enquête parlementaire et non une instance judiciaire.
En dépit de ses dénégations, le Sgec dispose de pouvoirs d’intervention puissants lorsqu’il le souhaite : la consigne qu’il a fait passer pour que cesse immédiatement la campagne de vaccination contre le papillomavirus a manifestement été suivie dans l’ensemble des établissements de son réseau.
Vous n’avez pas répondu à ma question – à moins que j’aie mal compris votre réponse : le Sgec était-il réticent à ce que l’utilisation de l’application soit obligatoire pour les établissements privés sous contrat ? Il est vrai que certains l’utilisent de leur plein gré, mais ils sont très peu nombreux.
Quelles étaient par ailleurs vos relations avec le Sgec ? Nous avons découvert, dans le cadre des travaux de notre commission, que des dîners – mensuels, parfois – ont réuni des ministres de l’éducation nationale, ou bien leurs directeurs de cabinet, et le Sgec. Y avez-vous participé vous-même, ou bien les membres de votre cabinet ? Si oui, quels sujets abordiez-vous ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem. Je n’ai pas souvenir que le Sgec ait exprimé devant moi une réticence à l’égard de l’application Faits établissement – il n’est pas exclu qu’il l’ait fait dans le cadre d’autres réunions. Le secrétaire général de l’époque était plutôt désireux, je crois, que les établissements privés sous contrat travaillent sur la question du bien-être des élèves – mais, encore une fois, il n’était pas forcément suivi par les établissements.
Vous m’interrogez sur d’éventuels dîners mensuels : non, nous n’avions pas une telle promiscuité avec le Sgec à mon époque ! Je traitais ses représentants comme tous les interlocuteurs du ministère : je les recevais régulièrement, au cours de rendez-vous destinés à évoquer les réformes que nous mettions en place – celles des programmes et du collège, par exemple –, ainsi que d’autres questions relatives par exemple à la mixité sociale. Je me souviens aussi les avoirs reçus comme tous les autres après les attentats, pour réfléchir à la façon de mieux transmettre les valeurs de la République.
J’estimais que l’enseignement privé ne devait pas être considéré comme extérieur aux missions de service public de l’éducation. Le Sgec était donc traité pour ce qu’il est – un dépositaire de ces missions par le biais du contrat d’association –, mais pas davantage.
M. Paul Vannier, rapporteur. J’en viens à une question que je poserai aussi aux autres anciens ministres de l’éducation nationale. J’ai interrogé le directeur des affaires juridiques du ministère sur le cadre juridique qui organise les relations entre l’État et le Sgec. Ce sont souvent des organisations représentatives – syndicales, par exemple – qui sont reçues au ministère, dans le cadre d’un dialogue institutionnalisé. Or le statut du Sgec interroge à de nombreux égards. Dans quel cadre établissiez-vous le dialogue avec ce réseau qui se distingue des autres par son organisation et par la façon dont son secrétaire général est choisi ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem. Je ne suis pas sûre de comprendre votre question. Auriez-vous souhaité que nous ne les recevions pas, et que le ministère de l’éducation n’ait ainsi aucun regard sur ce qui se passait dans l’enseignement privé catholique sous contrat ?
M. Paul Vannier, rapporteur. Je ne souhaite rien. Je pose des questions et je cherche à comprendre le fonctionnement de la relation entre le Sgec et l’éducation nationale. Vous nous avez dit qu’il n’y avait pas de dîners à votre époque mais, manifestement, il y en a eu beaucoup depuis. Existait-il des ordres du jour et des comptes rendus publics de vos réunions avec le Sgec ou bien cette relation, qui n’est prévue par aucun texte, était-elle informelle ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem. Il faudrait regarder, pour voir si les ordres du jour étaient publics ou pas. En tout cas, certaines de nos rencontres ont fait l’objet de communications publiques, par exemple celles que nous avons eues au sujet des différentes réformes pédagogiques.
J’ajoute que les réunions avec mes différents interlocuteurs ne donnaient pas nécessairement lieu à la fixation d’un ordre du jour ou à une communication à la fin. Les organisations syndicales venaient parfois avec un ordre du jour précis, et d’autres fois de façon plus informelle – ce qui est utile aussi.
M. Paul Vannier, rapporteur. Sans doute, mais les organisations syndicales sont aussi membres d’instances, comme le Conseil supérieur de l’éducation, au sein desquelles les positions des uns et des autres sont connues ; un contrôle démocratique est ainsi possible.
Avez-vous été surprise par la révélation des faits de violences systémiques commis en particulier dans les établissements privés catholiques depuis l’affaire Bétharram ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem. Je sais malheureusement ce qu’est la réalité des violences sexuelles sur mineurs. Le travail considérable mené par la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) et la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase) nous ont ouvert les yeux ces derniers temps.
S’agissant de Bétharram, nous serons nombreux à vous répondre, je crois, que nous avons été sidérés par l’ampleur, la gravité et la durée des faits, ainsi que par la silenciation dont ils ont fait l’objet. Ce phénomène d’omerta totale est absolument terrifiant.
Ce qui me frappe, c’est que la libération de la parole permise par la Ciivise et la Ciase, mais aussi par le mouvement MeToo, est fragile. À la fin des années 1990, un même sentiment de libération de la parole avait accompagné le vaste plan de lutte contre la pédocriminalité lancé par Ségolène Royal et Élisabeth Guigou. Pourtant, à peine quelques années plus tard, on a eu l’impression qu’une parenthèse se refermait. La parole des enfants, notamment au moment de l’affaire d’Outreau, a en effet été beaucoup remise en question ; je rappelle d’ailleurs qu’ils ont bien été victimes – on a tendance à l’oublier, dans la confusion qui règne à ce sujet.
Les avancées sont donc très fragiles et il faudrait, cette fois-ci, prendre les mesures qui s’imposent pour éviter que la parenthèse de libération de la parole ne se referme trop vite.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. En tant que ministre, vous avez mené de nombreuses actions, qui ont fait évoluer les pratiques. Il a souvent été question, lors des contrôles que nous avons menés sur le terrain et lors de nos auditions, de la circulaire de 2015 notamment, renforçant le contrôle des antécédents judiciaires. Malheureusement, nous constatons encore aujourd’hui que des condamnations passées d’enseignants pour des délits ne sont pas connues au sein de l’éducation nationale ; cela nous conduit parfois à saisir le procureur au titre de l’article 40 du code de procédure pénale.
Quels ont été vos constats à votre arrivée au ministère sur l’état du droit notamment, et qu’est-ce qui a guidé l’écriture de la loi de janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem. En matière de lutte contre les violences faites aux enfants dans les établissements scolaires, deux choses importent tout autant l’une que l’autre : les contrôles – que vous avez raison de vouloir renforcer dans les établissements privés, puisqu’ils sont insuffisants – mais aussi la culture, pour sortir de la silenciation et de l’omerta. La libération de la parole et l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle sont des sujets essentiels à cet égard, sur lesquels nous devons agir.
Je voudrais vous rappeler le déroulement de la terrifiante affaire de Villefontaine. En 2015, on découvre soudainement qu’un enseignant d’une école de la banlieue grenobloise a agressé sexuellement une soixantaine d’enfants et surtout – ce qui est extrêmement grave – qu’il avait été condamné pour détention d’images pédopornographiques en 2008, sans que l’éducation nationale n’ait eu connaissance de cette condamnation. Par la suite, l’État a été condamné par le tribunal administratif de Grenoble pour la non-transmission de la condamnation au rectorat, considérée comme une faute.
Revenons-en à la chronologie précise des faits. Le 23 mars 2015, les membres de mon cabinet et moi sommes informés de cette affaire. Je réagis immédiatement. Le lendemain, 24 mars, j’organise une conférence de presse pour faire la transparence sur le sujet et je suspends immédiatement l’enseignant mis en cause ; j’organise également l’accompagnement des enfants et de leurs familles par une cellule médico-psychologique. Ma collègue en charge de la justice et moi-même déclenchons une enquête administrative, laquelle aboutit à la publication par nos inspections respectives d’un rapport intermédiaire en date du 4 mai 2015.
Si je vous donne ces dates précises, c’est pour rappeler un point majeur : lorsque l’on a connaissance de faits aussi graves, on peut et on doit réagir rapidement. Les ministres ont bel et bien des leviers pour agir vite, et je ne vous cache pas que j’ai été étonnée du temps de latence entre les premières révélations relatives à Bétharram, en 2023, et l’inspection diligentée par le ministère de l’éducation nationale sur cet établissement en mars 2024.
L’enquête conjointe de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR) et de l’Inspection générale des services judiciaires (IGSJ) portait sur les conditions dans lesquelles les informations relatives aux poursuites et aux condamnations pénales des enseignants sont portées à la connaissance de l’éducation nationale : nous souhaitions qu’elle détermine si la non-transmission d’informations entre le parquet et le ministère de l’éducation était une faille ponctuelle ou bien systémique – sachant qu’elle contrevenait à des circulaires déjà publiées. Au terme de l’enquête, nous avons constaté que la transmission était totalement hasardeuse et, pour y remédier, avons décidé qu’un texte de loi déterminerait en détail le moment auquel le parquet a obligation de transmettre l’information relative à une mise en examen.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. Aux termes de la loi dont vous avez pris l’initiative, le ministère public est tenu d’informer par écrit le ministère de l’éducation nationale. Quelles étaient les modalités de transmission de l’information jusqu’alors ? Pour quelles raisons avez-vous imposé la forme écrite, malgré le risque qu’elle ralentisse la transmission ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem. Il faut bien avoir en tête que les débats parlementaires sur cette loi se sont focalisés sur le nécessaire équilibre entre protection des enfants et respect de la présomption d’innocence et de la vie privée des personnes mises en cause. Afin d’entourer des garde-fous nécessaires l’obligation d’information faite au parquet à un stade aussi précoce de la procédure pénale, il a été décidé de soumettre la transmission à l’appréciation de l’autorité judiciaire ; de limiter les infractions pouvant y donner lieu ; d’utiliser un support écrit – ce mode de communication est plus sécurisé ; de garantir la confidentialité de la communication ; d’informer la personne concernée ; d’informer l’autorité destinataire de l’issue de la procédure ; d’effacer enfin les informations relatives à celle-ci lorsqu’elle a abouti à une décision de non-culpabilité. Il me semble que nous sommes parvenus à trouver l’équilibre recherché.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. Les difficultés dans la transmission des informations entre le ministère de la justice et celui de l’éducation nationale perdurent. Nous en avons eu des exemples, notamment lors de notre déplacement à Châlons-en-Champagne. Selon la procureure que nous avons rencontrée, l’absence d’encadrement, avant l’entrée en vigueur de la loi, laissait la place à des échanges informels : une garde à vue pouvait ainsi être rapidement notifiée au Dasen (directeur académique des services de l’éducation nationale) par le parquet. Le formalisme actuel réduit le champ d’action du procureur. Une garde à vue ne peut ainsi pas faire l’objet d’une information de la part du parquet. Désormais, les procureurs s’interdisent, au nom de la présomption d’innocence, de communiquer avant un certain stade de la procédure pénale.
Votre regard sur la loi a-t-il changé depuis 2016 ? Faut-il la faire évoluer ? La restriction du partage de l’information peut-elle être un frein à l’adoption de mesures administratives pour protéger les enfants ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem. Le premier objectif de la loi était de mettre fin à des décennies de pratiques incertaines dans la transmission d’informations entre le ministère de la justice et le ministère de l’éducation nationale sur des affaires graves, notamment des violences de nature sexuelle impliquant des professionnels agissant ou travaillant auprès d’enfants. Le deuxième objectif était d’établir un cadre juridique qui sécurise les magistrats chargés de la transmission, y compris au stade des poursuites, et sur lequel fonder de nouvelles relations de travail entre l’autorité judiciaire et les rectorats pour mieux protéger les enfants. Le troisième objectif était d’unifier les procédures et de créer un cadre commun – à l’époque, certains parquets faisaient et d’autres ne faisaient pas.
Si certains pouvaient se satisfaire de l’absence de cadre légal, au motif qu’elle laissait la place aux initiatives, nous avons à l’époque surtout entendu que celle-ci bridait les magistrats. Craignant d’être mis en cause, les parquets se dispensaient souvent d’informer. La loi a permis de dissiper le flou. L’équilibre était très compliqué à trouver. Souvenez-vous en, les circulaires de la fin des années 1990 de Ségolène Royal et d’Élisabeth Guigou ont été contestées au moment de l’affaire d’Outreau, précisément parce que l’équilibre entre présomption d’innocence et protection de l’enfance n’était pas assez respecté.
Nous avons donc particulièrement veillé à cet équilibre dans la loi. Il a été âprement discuté au Parlement mais il me semble qu’il est plutôt convenable.
Néanmoins je suis tout à fait ouverte à une évolution de la loi si vos travaux concluent à une telle nécessité. Il faut malgré tout conserver l’idée d’un cadre clair, unifié, connu de tous pour assurer une application uniforme, si ce n’est homogène, sur tout le territoire. C’est un gage de sécurité juridique, qui met en confiance les acteurs. Après tout, ce sont eux qui feront vivre le texte.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. Nous avons entendu le ministère de l’agriculture et le ministère des armées au sujet des établissements scolaires qu’ils gèrent de façon relativement autonome par rapport à l’éducation nationale. Lors de l’élaboration de la loi, a-t-il été envisagé d’étendre l’obligation d’information faite au parquet à ces établissements ? Dans le souci d’homogénéisation que vous évoquez, une réflexion a-t-elle également été menée sur le périscolaire ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem. Vous me donnez l’occasion de mentionner un autre volet de notre action à l’époque : la vérification des casiers judiciaires de tous nos agents publics. Si le ministère de l’éducation nationale n’avait pas été informé comme il aurait dû l’être à l’époque, il va de soi que les autres ministères que vous venez de citer ne l’étaient pas davantage. Face à la suspicion qui pesait alors sur quasiment tout le personnel enseignant et non enseignant dans nos établissements, il fallait absolument faire la clarté. C’est la raison pour laquelle nous avons procédé – chose complètement inédite à l’époque – à la vérification des antécédents judiciaires de tous nos personnels, non seulement pour l’avenir, dans une logique de flux, mais aussi pour le passé, dans une logique de stock. Auparavant, le bulletin n° 2 (B2) du casier judiciaire des personnels enseignants n’était contrôlé qu’au moment de leur entrée dans le métier. S’il se passait quelque chose au cours de leur carrière et que la justice ne nous en informait pas, nous pouvions employer des prédateurs sexuels dans nos équipes sans le savoir.
À partir de mars 2016, nous avons donc passé au crible les dossiers – il y en avait 850 000 –, à raison de 3 000 par jour, en vérifiant le B2 ainsi que le Fijais (fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes). Cette vérification a révélé des cas problématiques, et vingt-six radiations et fins de contrat ont été prononcées. Naturellement, les enseignants du privé étaient concernés par ce travail de vérification.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. À quelle fréquence sont aujourd’hui effectués les contrôles ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem. Je peux vous dire ce qu’il en était jusqu’en mai 2017. J’ignore ce qui a été fait par la suite.
Interrogé par un journaliste en janvier 2018 de mémoire, mon successeur, Jean-Michel Blanquer, avait donné quelques indications puis il n’a plus jamais évoqué le sujet alors que, selon la planification que nous avions établie, le contrôle, qui concernait l’ensemble des personnels, devait s’achever à la fin 2018. Si vous ne l’avez toujours pas reçu, il faudrait l’interroger sur les suites qui ont été données. Je serais curieuse de les connaître.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Si l’on comprend bien, le stock correspondant aux 850 000 agents n’avait pas été purgé lors de votre départ.
Mme Najat Vallaud-Belkacem. À raison de 3 000 par jour, nous avons passé en revue 850 000 dossiers, mais cela ne couvre pas l’ensemble des personnels de l’éducation nationale, ni celui des autres ministères.
Le décret publié le 30 décembre 2015 autorisait bien l’ensemble des administrations publiques à contrôler le bulletin n° 2 du casier judiciaire des agents en contact habituel avec des mineurs en cours de carrière. Les autres administrations se sont-elles saisies de cette possibilité ? C’est à vérifier.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. Entre 2014 et 2017, lorsque vous étiez ministre, avez-vous entendu parler de cas qui, parfois, étaient déjà relayés dans la presse locale ? Je pense à Bétharram, à Riaumont ou à des établissements de Bretagne. Avez-vous le souvenir que votre ministère avait pris en main ces affaires ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem. Comme vous pouvez l’imaginer, dès que l’affaire de Bétharram a éclaté dans les médias, je me suis empressée de fouiller dans mes archives pour savoir si nous étions passés à côté de quelque chose. Je n’ai rien trouvé qui soit parvenu au ministère de l’éducation nationale, qu’il s’agisse d’un lancement d’alerte ou d’une information préoccupante, en tout cas entre 2014 et 2017 – je ne m’engagerai pas sur les autres années puisque je n’y étais plus. À la lumière de ce que je vous décris s’agissant des affaires de Villefontaine ou d’autres et des radiations auxquelles nous avons procédé, vous comprenez que ce sujet était pris extrêmement au sérieux lorsque j’étais au ministère. Si des informations de cette nature nous étaient parvenues, nous aurions, je pense, réagi exactement de la même façon. Mais non, ce n’est pas arrivé à nos oreilles.
Cela pose le problème de la libération de la parole. J’insiste sur le fait qu’il faut installer une culture de la parole. Ce sont moins les canaux qui font défaut – le logiciel Faits établissement est évidemment très précieux – que la silenciation qui règne.
Mme Violette Spillebout, rapporteure. De nombreuses victimes de violences affirment qu’à l’époque, la parole était libérée – je pense à celles de Bétharram ou de Riaumont. Des juges ont cherché à faire bouger les choses mais ces affaires n’ont pas franchi le mur des médias nationaux. Seule la presse locale les a relayées et le ministère n’en a pas toujours tenu compte. Par ailleurs, le cloisonnement entre les administrations est une question majeure dans le cadre de nos travaux : dans le cas de Riaumont, le chef d’établissement s’adresse au recteur en 2014, en réponse à une inspection de 2012, pour lui assurer que tout va bien et que toutes les inquiétudes de ce dernier sont levées, sans que cette information remonte au bon niveau.
Mme Najat Vallaud-Belkacem. Je me permets d’ajouter un point. Il ne faut pas ignorer le sujet des dénonciations calomnieuses. Il est nécessaire de protéger les professionnels qui en sont victimes.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Il ressort des auditions que nous avons menées que la parole a souvent été libérée ; les enfants ont dit des choses.
Peut-être faut-il aujourd’hui écouter, entendre et chercher à comprendre, y compris des phénomènes physiologiques. Quand un enfant rentrait chez lui, n’allait pas bien, se plaignait et refusait de retourner à l’école en disant qu’il préférait se suicider, certains parents ont fait semblant de pas comprendre et ont renvoyé leur enfant à l’école le lendemain sans aucune question. C’est arrivé souvent à Bétharram. Oui, il faut libérer la parole mais il faut aussi apprendre à écouter et à décrypter. Ce sujet reste délicat.
M. Paul Vannier, rapporteur. Le contrôle peut être l’occasion de recueillir une parole.
Vous avez rappelé votre souci du contrôle des établissements hors contrat ainsi que les mesures que vous avez prises en réaction à l’affaire de Villefontaine, parmi lesquelles l’organisation de la transmission d’informations entre le ministère de la justice et le ministère de l’éducation nationale.
S’agissant du contrôle des établissements privés sous contrat, aviez-vous à l’époque diagnostiqué sa quasi-inexistence, qui est demeurée jusque très récemment ? Avez-vous eu des échanges avec le Sgec à leur sujet ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem. Notre démarche – qui constituait l’urgence du moment – consistant à élaborer un référentiel pour les établissements hors contrat, lesquels s’apprêtaient à passer sous contrat, et à former des inspecteurs pour veiller à son application, était utile et précieuse, y compris pour le privé sous contrat.
Cette démarche, si elle avait été poursuivie après 2017, avait logiquement vocation à être étendue au privé sous contrat et à inaugurer une évolution des rapports avec lui. Vous aurez tous fait le constat que les contrôles n’y sont pas suffisamment fréquents et qu’ils ne portent pas suffisamment sur des aspects utiles.
Je regrette de ne pas avoir eu le temps d’aller plus loin. Je déplore que le travail de formation des inspecteurs et de développement des contrôles n’ait, semble-t-il, pas été poursuivi. La logique aurait voulu que l’exercice couvre mieux le privé sous contrat.
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Je m’étonne que l’éducation nationale se soit trouvée seule pour vérifier les antécédents judiciaires des enseignants et que la justice n’ait pas aidé à purger ce stock rapidement ni instauré une procédure systématique.
Les fichés S dont on parle beaucoup, et pour cause, sont inscrits au fichier des personnes recherchées (FPR), qui comporte vingt et un sous-fichiers – évadés, aliénés, interdits du territoire. Avez-vous envisagé d’y créer une catégorie supplémentaire ? La justice aurait pu prendre le relais en passant en revue chaque année les personnels et en transmettant les cas problématiques à l’éducation nationale. Elle aurait ainsi déchargé d’une tâche lourde et fastidieuse une administration qui n’est pas faite pour cela. Avez-vous eu des échanges avec votre homologue du ministère de la justice sur ce point ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem. Une circulaire de septembre 2015 instaure un partenariat renforcé entre l’autorité judiciaire et les services de l’éducation nationale. Concrètement, il est demandé au recteur de nommer dans chaque académie un référent justice, qui est formé et soumis au secret professionnel. Ce référent joue un rôle clé puisqu’il est l’interlocuteur du parquet sur chacune des affaires qui donnent lieu à information, et assure le suivi des signalements effectués par des personnels de l’enseignement en vertu de l’article 40 du code de procédure pénale. Il faudrait peut-être mieux accompagner et protéger les enseignants, qui parfois se sentent un peu seuls lorsque, après y avoir été incités – et c’est normal –, ils font usage de l’article 40, ce qui leur vaut des pressions, des intimidations voire des violences.
En vertu de la circulaire, des référents éducation sont également désignés au sein de chaque parquet.
En ce qui concerne le stock, pourquoi n’avons-nous pas obtenu le concours de l’institution judiciaire ? J’ai découvert, ce qui sur le moment n’avait rien d’évident pour moi, le manque criant de moyens de la justice dans notre pays. Faute de greffiers et d’outils informatiques adaptés, certaines décisions étaient conservées dans un placard sous une forme exclusivement écrite. Rien d’étonnant donc à ce que les informations ne soient pas transmises. Si nous voulons que la justice fonctionne et transmette bien les informations au ministère concerné, il faut la doter des moyens nécessaires – informatisation, nombre de greffiers, etc.
Mme Géraldine Bannier (Dem). Lors des auditions de l’enseignement privé sous contrat, a été évoquée la pratique du déplacement des personnels, de la mutation obligatoire. L’éducation nationale aurait-elle pu recourir à de telles méthodes ?
J’ai le souvenir d’une collègue directrice d’école qui s’inquiétait de voir arriver dans son établissement, à la suite d’une mutation obligatoire, une personne au lourd dossier.
Mme Najat Vallaud-Belkacem. Avant 2014, il était possible que l’éducation nationale décide de muter un personnel ayant non pas commis des violences sexuelles mais ayant eu des comportements inappropriés tels une gifle, sans que ceux-ci n’aient fait l’objet d’une condamnation pénale. Je l’ai constaté dans les affaires passées. La personne était mutée non pas dans un autre établissement – je ne suis pas en train de dire que cela n’est jamais arrivé, je ne peux pas m’engager sur ce qui a été fait avant – mais dans l’administration. Elle n’était plus devant des élèves.
À partir du moment où nous avons lancé toutes les démarches que je viens d’évoquer, il ne nous serait pas venu à l’esprit de déplacer un enseignant. Lorsque la condamnation était avérée, il était tout simplement radié.
Pour terminer, je souhaite ajouter quelques éléments de réflexion. Dans une récente interview qui m’a frappée, Éric Debarbieux, spécialiste des violences faites aux élèves, indiquait que, entre une enquête datant de 2012 et une autre qu’il a conduite récemment, les chiffres de la victimation chez les professionnels de l’éducation nationale s’étaient aggravés.
Il faut faire attention à ce qu’un climat dégradé entre adultes au sein des établissements scolaires ne mine pas la capacité de ces derniers à détecter, à écouter la parole des élèves, à informer et à signaler comme ils doivent le faire.
J’insiste sur la nécessité de bien traiter les personnels de l’éducation nationale pour qu’ils exercent leurs missions dans de bonnes conditions. Lorsqu’ils sont en souffrance, il leur est plus difficile de percevoir les signaux.
Ils doivent aussi être formés. On ne peut pas simplement attendre des personnels qu’ils détectent les signaux, qu’ils transmettent l’information et qu’ils effectuent des signalements sans leur donner une formation. Je ne parle pas simplement d’une information par le biais d’affichages ou de circulaires. Il faut également prendre au sérieux le travail interéquipes dans les établissements scolaires et les journées de rentrée scolaire, qui sont devenues une seule journée. Faute de temps dédié, les enseignants n’ont plus le temps de travailler ensemble.
Je regrette toutes les décisions prises ces dernières années qui ont conduit à réduire la quantité de formation continue offerte aux enseignants, notamment du second degré. Cela n’est pas sans conséquence sur le sujet que nous évoquons car les enseignants ont besoin d’y voir clair sur ce qu’ils doivent faire, comment, avec quels interlocuteurs, et sur les protections dont ils peuvent bénéficier.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Je vous remercie.
La séance est levée à seize heures.
Présents. – M. Philippe Ballard, Mme Géraldine Bannier, M. Arnaud Bonnet, Mme Ayda Hadizadeh, Mme Fatiha Keloua Hachi, M. Jean-Claude Raux, Mme Violette Spillebout, M. Paul Vannier
Excusés. – Mme Farida Amrani, M. Gabriel Attal, M. Xavier Breton, Mme Céline Calvez, Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho, M. Frantz Gumbs, Mme Tiffany Joncour, M. Frédéric Maillot, Mme Marie Mesmeur, Mme Nicole Sanquer