Compte rendu
Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire
– Audition, en application de l’article 13 de la Constitution, de M. Pierre Monzani, dont la nomination est proposée par le Président de la République aux fonctions de président de l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (Acnusa), et vote sur le projet de nomination (M. Fabrice Roussel, rapporteur). 2
Mardi 17 décembre 2024
Séance de 16 heures 30
Compte rendu n° 19
Session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
Mme Sandrine Le Feur,
Présidente
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La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a auditionné, en application de l’article 13 de la Constitution, M. Pierre Monzani, dont la nomination est proposée par le Président de la République aux fonctions de président de l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (Acnusa), et vote sur le projet de nomination (M. Fabrice Roussel, rapporteur).
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous sommes réunis en application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et de la loi organique du 23 juillet 2010, pour entendre M. le préfet Pierre Monzani. Le président de la République propose sa nomination aux fonctions de président de l’Acnusa, l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires.
Le mandat du dernier président de l’Acnusa, M. Gilles Leblanc, a pris fin le 12 avril. Mme Lise Driencourt a exercé l’intérim depuis le 29 avril. Elle quitte l’Autorité, remplacée par M. Pierre-Étienne Bisch, qui vient d’être nommé membre du collège par le président du Sénat. La nomination d’un président est donc urgente, si l’on veut que l’Acnusa puisse exercer pleinement ses prérogatives. Le stock de dossiers relatifs aux sanctions applicables aux compagnies aériennes qui ne respectent pas les règles doit, en particulier, être résorbé.
Cette audition publique sera suivie d’un vote par scrutin secret, effectué par appel nominal et hors la présence de M. Monzani. Aucune délégation de vote ne sera possible. Le dépouillement du scrutin aura lieu demain en fin de matinée, en même temps à l’Assemblée et au Sénat, à la suite de l’audition de M. Monzani au Sénat.
M. Fabrice Roussel, rapporteur. L’Acnusa a beaucoup progressé en efficacité ces six dernières années. Les relations entre les membres associés ont mené à de riches réflexions, aboutissant par exemple à la rédaction de rapports annuels. Il est important de poursuivre ce travail positif. La personnalité du président de l’Autorité doit permettre cette continuité, en prolongeant l’équilibre installé entre les riverains et les professionnels du secteur – et ce, d’autant que nous sommes à une période charnière de l’aéronautique, qui remet parfois en question son acceptation sociale.
Je souhaite ensuite aborder plusieurs sujets, à commencer par le nombre de manquements à la réglementation. L’exercice 2023 a été marqué par un nombre record de sanctions – 639 –, pour un montant également record de 11,7 millions d’euros d’amendes. Les manquements étant en nette hausse, le constat est clair : il faut que clouer un avion au sol ait un coût économique moindre que celui de l’amende encourue. Vous ne semblez pas entièrement partager cette idée, préférant parler de prévention. Pourriez-vous revenir sur cette notion et nous expliquer les engagements que vous souhaitez prendre auprès des riverains des aéroports, si vous n’êtes pas favorable à une augmentation du niveau des amendes ?
Par ailleurs, les précédents rapports de l’Acnusa et le rapport de 2018 de la Cour des comptes montrent que les ressources humaines restent insuffisantes au regard des attentes. La continuité de service a été difficile à assurer en 2023 et la multiplication du nombre d’aéroports et d’aérodromes placés sous le contrôle de l’Acnusa n’y a pas aidé. Pouvez-vous préciser votre position dans ce domaine, dans la mesure où vous semblez ne pas vouloir demander des moyens supplémentaires ?
Depuis 2010 et la loi Grenelle II, l’Acnusa a vu ses compétences élargies à toutes les pollutions – sonore, atmosphérique, lumineuse ou encore de l’eau – et les nuisances aéroportuaires. Votre position sur la façon de conduire les études d’impact soulève des interrogations. Vous écrivez que les préfets sont seuls à même d’apprécier s’il est opportun qu’un représentant de l’Acnusa intervienne lors de réunions ou ateliers organisés durant l’étude. Ces études consistent pourtant à déterminer les éventuels problèmes de bruit de chaque aéroport et les mesures à prendre pour les réduire, ce qui relève de la compétence de l’Autorité. Il faut donc que son futur président se sente légitime à intervenir, au même titre que les agences régionales de santé (ARS) devraient y être associées.
Concernant la politique d’aide à l’insonorisation, financée au moyen de la taxe sur les nuisances aéroportuaires, pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous n’êtes pas favorable à la suppression du plafond ? Les recettes ainsi générées permettraient de financer 100 % des travaux d’insonorisation des riverains. Les attentes sont fortes en la matière.
M. le préfet Pierre Monzani. Je vous remercie de m’accueillir dans l’éventualité de ma nomination envisagée à la présidence de l’Acnusa.
Permettez-moi de me présenter brièvement pour mettre en perspective mon parcours et ma personnalité. Je suis né dans l’Est de la France, dans le Pays-Haut sidérurgique ou ex-sidérurgique que l’on appelait dans ma prime jeunesse le « Texas français » puis, au début de ma vie active, la « Sibérie française » car, entre-temps, les usines avaient pour l’essentiel fermé. C’est peut-être ce passage du « Texas » à la « Sibérie » qui m’a très tôt sensibilisé aux questions d’aménagement du territoire. Je ne suis ni un ingénieur ni un spécialiste de l’aéronautique – ce serait une tromperie honteuse que de vouloir le prétendre. Je suis, par ma formation et par les métiers et missions que j’ai exercés, un généraliste qui a l’habitude d’essayer de construire le consensus.
Concernant les missions de l’Acnusa, vous avez évoqué la quadrature du cercle entre riverains, intérêts économiques, élus, institutions et État. Je ne prétends pas la régler d’un coup de baguette magique mais j’en ai l’habitude grâce à ma double culture, relativement rare parmi mes collègues préfets, de l’État et des collectivités locales. Cette culture territoriale et étatique nourrirait l’approche originale des questions qui pourraient être la mienne si vous m’accordiez votre confiance. Ma méthode sera très simple : beaucoup de terrain. C’est ainsi que j’ai exercé tous mes métiers, mes missions. Je ne sais pas rester dans un bureau. Je ne serai donc pas boulevard Saint-Germain, à faire des courbes de bruit – pour une raison très simple, qui est que je ne sais pas les faire ! J’ai mentionné, dans mes réponses écrites, ma devise sans prétention : voir et entendre, et non pas savoir et prétendre.
J’ai aussi un sens profond du collectif. Dans mon esprit, l’Acnusa n’est pas un président tout seul, mais un collège. Si vous me faisiez confiance, ma première action consisterait à appeler le ministre responsable de l’aviation civile, en général celui des transports, pour lui réclamer les trois membres qui manquent actuellement dans le conseil, qui sont les trois membres techniquement spécialisés dans l’aéronautique. Il est important que le collège soit au complet, même si le quorum est de cinq membres. Je pense également à mon éventuelle future équipe, composée de onze collaborateurs. Ce qui me manque le plus, dans mes fonctions actuelles, est le management. J’ai toujours adoré manager des équipes ! Je m’impliquerai donc, et je ne serai pas un président surplombant, ni avec les interlocuteurs de l’Acnusa, ni avec mon équipe, ni avec mon collège.
J’en viens à vos questions et remarques.
Peut-être ai-je trop nuancé mes réponses écrites. S’agissant des sanctions et de la prévention, je constate que malgré un plafond à 40 000 euros – qu’une proposition de loi vise à élever à 80 000 euros –, les amendes de l’Acnusa s’élèvent en moyenne à 13 000 euros. Dans une logique de rapport qualité-prix pour ceux qui commettent des manquements, par rapport au coût de la rotation non assurée d’un avion ou d’un déport d’Orly vers Roissy, ce niveau de sanction ne me semble pas dissuasif. C’est un peu comme si l’on prétendait sanctionner les excès de vitesse sans retrait de point de permis et en indiquant que les possesseurs de Ferrari qui roulent à 250 kilomètres à l’heure recevront une amende de 500 ou 1 000 euros.
Prenons l’exemple d’une compagnie qui décolle sciemment de Madrid un dimanche soir à une heure qui ne lui permettra pas de se poser à Orly même en l’absence d’incident de vol : il faut la « taper », si vous me permettez d’être trivial. Or ce ne sont pas 13 000 euros qui l’empêcheront d’assurer la profitabilité du remplissage de l’avion et qui éviteront qu’elle doive se détourne vers un autre aéroport.
Cela étant, cette répression – j’emploie le terme à dessein –, nécessairement ferme et dissuasive, doit s’accompagner d’une information et d’une prévention, mais aussi d’une possible médiation afin d’éviter un rapport d’affrontement. Il faudrait l’annoncer clairement aux compagnies aériennes.
J’indique aussi qu’il convient de désigner et de faire honte. Les punitions pour manquement sont publiées sur le site de l’Acnusa. Le cas échéant, l’Acnusa doit communiquer massivement sur les compagnies qui, de façon systématique, ne respectent pas les règles de l’écologie et du développement durable et se fichent des couvre-feux. Cette communication pourrait être dissuasive, eu égard à la sensibilité de l’opinion à ces enjeux.
Quant aux moyens supplémentaires de l’Acnusa, j’ai exprimé une position de prudence compte tenu de l’état des finances publiques. Il va de soi, de même que nous avons perdu un équivalent temps plein (ETP) à l’occasion de la crise sanitaire, que si nous récupérions des emplois, ce devrait être à somme nulle par rapport aux effectifs du ministère de l’écologie dont nous dépendons. Il ne s’agit pas d’augmenter le nombre de fonctionnaires. Mais, si nous en avons besoin, je le ferai.
S’agissant des approches équilibrées, la décision du Conseil d’État de 2023 a fait passer ces programmations des mains de la direction générale de l’aviation civile (DGAC), qualifiée de juge et partie, aux mains des préfets, sous la coordination de celui du Val-d’Oise pour l’Île-de-France. Les préfets sont à la manœuvre – ce n’est pas un propos corporatiste – et je souhaite que l’Acnusa soit écoutée et associée. Connaissant bien tous mes collègues d’Île‑de-France, je pense que je pourrais être un interlocuteur pour eux. Gilles Leblanc l’a fait à Toulouse, par exemple, où il a impliqué l’Acnusa.
Enfin, si je ne demande pas l’augmentation du plafond de la taxe sur les nuisances aéroportuaires, c’est parce qu’il existe un excédent de trésorerie. Actuellement, 100 millions ne sont pas utilisés pour l’insonorisation des bâtiments. Il n’est donc pas nécessaire de dépasser la limite de 55 millions. Si la trésorerie était épuisée et si nous avions besoin d’argent, je demanderais à faire sauter ce plafond, pour continuer à insonoriser les logements, piste majeure pour améliorer la vie quotidienne des riverains.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Julien Guibert (RN). Nous sommes réunis pour examiner la proposition de votre nomination à la présidence de l’Acnusa. Après des mois d’attente et une vacance prolongée à ce poste clé, il est crucial de mettre fin à une situation intolérable qui mine le bon fonctionnement de nos institutions. Depuis avril, l’Acnusa est sans président de plein droit. L’exemple de l’aéroport de Nantes-Atlantique illustre les conséquences de cette période marquée par une paralysie dans la prise de décision et l’absence de sanctions pour des infractions pourtant avérées. Pour 21 dossiers en attente d’audience, dont une majorité liée au non-respect du couvre-feu, et 179 dossiers en cours d’instruction, l’autorité intérimaire sous la présidence de Lise Driencourt a été contrainte de suspendre les sanctions, par crainte de fragiliser juridiquement les décisions prises.
Cette vacance du pouvoir a des effets désastreux, non seulement pour les riverains soumis aux nuisances, mais aussi pour l’efficacité et pour la crédibilité de l’Acnusa comme organisme de régulation. L’absence prolongée d’une direction ferme a entraîné une accumulation des dossiers, allongé les délais de traitement et annihilé toute dimension préventive des sanctions. Face à cette réalité, nous ne pouvons plus attendre. La nomination de M. Monzani est l’occasion de rétablir une direction stable et légitime. Peu importent les critiques que pourraient émettre certains groupes quant à son profil. Le besoin de mettre un terme à cet intérim qui s’éternise prime sur toute autre considération.
Pour toutes ces raisons, bien que notre point de vue reste critique quant à la gestion passée de cette vacance, nous voterons en faveur de cette nomination, par souci de continuité institutionnelle et de bon fonctionnement de nos autorités publiques.
M. Pierre Monzani. Je ne voudrais pas vous prendre en otage avec la vacance de ce poste de président, dont je ne suis pas responsable. On aurait pu considérer que la présidente par intérim pouvait exercer cette responsabilité mais cela l’exposait à un risque de contentieux.
Il existe un retard dans les dossiers, alors même que l’Acnusa avait réussi à réduire les délais de traitement puisque nous étions, de mémoire, avant cette période, à 230 jours – soit pratiquement 100 jours de moins par rapport au rythme des années précédentes grâce au précédent président. Il faudra se relever les manches. C’est mon état d’esprit. Si j’étais nommé, ma première mesure, avant de réclamer les trois membres du collège qui manquent, consisterait à informer mon équipe et mon collège que nous nous réunirons plus souvent que d’habitude. Cela m’arrangera car ainsi je pourrai les connaître plus facilement et plus rapidement.
Dans mes réponses écrites, je vous ai proposé que la séance de jugement mensuelle du mardi soit doublée d’une séance le mercredi et qu’éventuellement, il y ait un bis de cette séance, qui se tiendrait alors tous les quinze jours. Tant que le retard subsistera, nous maintiendrons ce rythme. J’en prends l’engagement car ce retard n’est pas supportable, notamment en raison du risque d’impunité. Le rôle répressif n’est pas tout le rôle de l’Acnusa mais sans une capacité à taper sur les doigts des compagnies qui ne respectent pas les règles de base du développement durable, l’institution ne sera pas crédible. Vous pouvez compter sur ma résolution à cet égard.
M. Pierre Cazeneuve (EPR). J’ai lu avec attention votre projet de nomination à la présidence de l’Acnusa, à laquelle le groupe Ensemble pour la République est favorable.
Laissez-moi d’abord saluer la richesse de votre parcours, marqué par cette double culture de l’État et des collectivités territoriales, indispensable pour présider une autorité comme l’Acnusa. Je n’ai aucun doute quant à votre capacité à concilier le développement économique et le respect des réglementations environnementales, afin d’améliorer la gestion des impacts de l’activité aéroportuaire en France. Je sais aussi qu’en tant que préfet, on développe une forme de compétence à discuter avec les élus, avec les associations et avec les entreprises, et que cette capacité de dialogue sera très utile dans vos missions.
Ensuite, nous sommes en phase avec votre vision de la prévention, en particulier avec les mesures correctrices que vous avez évoquées. Nous devons multiplier les initiatives en prenant l’exemple des formations dispensées par l’aéroport de Paris Orly pour les pilotes et les contrôleurs aériens, ou du guide pédagogique publié par l’aéroport de Nice-Côte d’Azur pour réduire les nuisances. Ce n’est pas suffisant et, dans le carcan des mesures qui seront les vôtres, il y aura aussi un volet sanctions. Dans ma circonscription des Hauts-de-Seine, je suis encore régulièrement sollicité par des habitants qui subissent les nuisances sonores d’avions qui volent parfois trop bas ou trop tard, en dehors du couloir initialement prévu. Avec les radars dont peut disposer n’importe quel usager, le public devient une dimension prégnante.
Le rapport d’activité de 2024 mentionne, parmi les pistes d’amélioration et les possibles modernisations de l’Acnusa, le fait de simplifier et de renforcer le cadre législatif et normatif, pour aboutir à une meilleure efficacité. Comment le législateur, en particulier cette commission, pourrait vous y aider ? Que préconisez-vous ?
Enfin, quand on sait que le trafic aérien mondial devrait atteindre le record de 5,2 milliards de passagers en 2024, soit une hausse de 6,7 %, et que l’OMS classe le bruit comme le deuxième facteur environnemental de dommages sanitaires en Europe, quelle trajectoire claire et limpide de l’Acnusa permettrait de prendre en compte la massification du trafic et les problèmes de santé environnementale qui se poseront de plus en plus ?
M. Pierre Monzani. Permettez-moi de citer une anecdote pour montrer quelles sont ma méthode et l’aptitude de terrain que vous voulez bien me prêter en tant que préfet. Quand j’occupais un poste de préfet, je demandais à mon cabinet de préparer autant de lettres qu’il y avait de maires dans mon département, en indiquant combien j’étais à leur disposition y compris pour les rencontrer, et je les signais chacune à la main le jour même de mon dépôt de gerbe. En général, cela paniquait mon cabinet qui me demandait comment nous allions les recevoir. Je répondais systématiquement que nous les recevrions dans l’ordre des réponses, quelle que soit la taille de la commune. N’ayez pas d’inquiétude quant à mon aptitude à faire du terrain, si vous voulez bien me faire confiance – et, vous l’avez compris, j’adore cela !
La prévention et la répression seront les deux jambes sur lesquelles j’essaierai de m’appuyer.
En matière de pédagogie, la procédure Riviera de Nice-Côte d’Azur que vous avez évoquée suppose de la formation.
Quant aux progrès législatifs, qui reposent sur vous, j’espère que j’aurai à nouveau le plaisir de vous rencontrer. Si vous me faites confiance, je serai à votre disposition dès que la commission ou vous-même, madame la présidente, ou encore les députés individuellement souhaiterez me rencontrer. Le propre du président d’une autorité administrative, même indépendante, est d’être à la disposition des élus du peuple, c’est-à-dire des parlementaires et des maires.
Si je devais vous proposer un grand débat, il porterait sur la notion d’avis de l’Acnusa. Se pose d’abord une question de rythme. À quoi sert un avis « chargé d’éclairer le public », pour reprendre les termes de la loi du 12 juillet 1999 portant création de l’Acnusa, lorsqu’il arrive après l’enquête publique ? Le bon sens et l’esprit pratique indiquent que cela ne convient pas ! Ce sera le rôle du président de taper du poing sur la table si c’est nécessaire, pour rappeler le rôle des avis.
Ensuite, il arrive que l’administration et les gouvernements s’asseyent sur les avis dès lors qu’ils sont purement consultatifs. Peut-être faudrait-il que les avis de l’Acnusa deviennent des avis conformes, en tout cas pour les sujets les plus sensibles. C’est la réflexion politique, juridique, intellectuelle et pratique que je serai ravi d’avoir avec vous.
S’agissant des questions de santé, le bruit est la seule pollution intermittente : dès lors que le silence se fait, cette nuisance cesse. L’Acnusa ne doit pas s’éloigner de sa mission première de lutte contre le bruit, qui est la plus locale. C’est là qu’elle peut agir, au plus près des réalités, de façon la plus concrète possible. C’est la raison pour laquelle j’ai écrit que le bruit est local, la pollution est régionale ou grand régionale, et le climat est mondial. Il ne faut pas se perdre.
Nous sommes une petite structure, avec un collège de dix membres, sept membres associés et onze collaborateurs – peut-être plus si vous nous soutenez dans nos efforts. On ne peut pas tout faire. Il faut enfourcher le cheval des gaz à effet de serre et exercer pleinement cette compétence. Je ne suis pas certain que dans l’équipe actuelle, quel que soit le mérite de mes éventuels futurs collaborateurs, nous ayons l’expertise nécessaire pour être efficace car le sujet est très pointu. L’efficacité de l’Acnusa est une triangulation entre la fermeté d’action, la capacité d’écoute et la crédibilité technique, voire scientifique.
Mme Clémence Guetté (LFI-NFP). Ma circonscription rassemble les villes de Choisy-le-Roi, Créteil et Orly. Vous comprendrez donc combien votre nomination à la tête de l’Acnusa et ce que vous comptez y faire m’intéressent.
On constate une reprise intensive des flux aériens, qui atteignent quasiment le niveau d’avant l’épidémie de covid. Les riverains qui se réveillent et s’endorment sous les avions sont les premières victimes d’un double péril, la pollution sonore et la pollution atmosphérique, deux facteurs environnementaux qui provoquent le plus de dommages sanitaires en Europe.
Le bruit des décollages et des atterrissages est un problème majeur de santé publique, qui concerne prioritairement nos concitoyens les plus modestes, ceux qui habitent à côté des aéroports. L’Ademe, l’Agence de la transition écologique, a même montré que le bruit est la première cause de pollution mentionnée par les habitants des quartiers populaires. C’est d’autant plus alarmant que le Val-de-Marne est le seul département dans lequel le nombre de personnes touchées par le bruit a augmenté. Et pour cause, à l’aéroport d’Orly, les compagnies aériennes ont dérogé plus d’une trentaine de fois au couvre-feu durant l’été 2023. Tout cela découle de l’explosion des compagnies à bas coût qui piétinent les droits des salariés, perçoivent des quantités phénoménales de subventions et s’arrogent le droit de ne pas respecter la réglementation environnementale. Pour nourrir cette machine folle, la Macronie continue de privatiser les aéroports, alors qu’il faudrait en finir avec ce modèle sans limites.
Nos attentes vis-à-vis de l’Acnusa sont fortes. Depuis le mois d’août, en attendant votre nomination, elle n’a prononcé aucune sanction contre les compagnies aériennes. Or il y a urgence !
J’ai regardé votre curriculum vitae et j’ai lu vos réponses au questionnaire du rapporteur. Je n’y ai vu aucun engagement pour le bien vivre ou le mieux vivre des habitants proches des aéroports. Vous estimez que le contrôle effectif des pollutions atmosphériques et des gaz à effet de serre est nécessaire, sans donner davantage de détails. La généralisation des couvre-feux vous semble difficile à instaurer. L’augmentation du montant des sanctions aux compagnies aériennes qui les violent vous semble envisageable. Vous n’apportez aucun élément concernant la saisine de votre autorité par les riverains. La France insoumise avait pourtant inscrit toutes ces mesures dans une proposition de loi, assorties des moyens humains et financiers qui devront figurer dans le budget appelé à revenir en janvier.
En conséquence de ces faibles engagements de votre part et des réponses quelque peu évasives que vous avez données, et bien que vous essayiez de nous convaincre d’une méthode innovante, nous voterons contre votre nomination comme président de l’Acnusa.
M. Pierre Monzani. Je suis peut-être plus précis à l’oral qu’à l’écrit. J’ai indiqué que je considérais que le montant de 13 000 euros de sanctions n’était pas suffisant, en prenant l’exemple de la contravention d’un conducteur de Ferrari. J’ai insisté fermement – je n’ai d’ailleurs pas l’habitude de manquer de fermeté – sur la nécessité d’être exemplaire. J’ai même indiqué qu’il fallait « taper » les compagnies qui ne respectent pas les règles du jeu. C’est un verbe assez fort.
S’agissant des riverains, j’ai indiqué dans mes réponses écrites qu’ils sont souvent des travailleurs. C’est bien toute la difficulté de notre équation : il faut à la fois préserver l’emploi – 130 000 emplois directs et 400 000 emplois indirects liés aux aéroports, qui permettent à des personnes, souvent riveraines des aéroports, de vivre de leur travail – et être à l’écoute des riverains. Il me semble avoir écrit clairement que j’irai voir les riverains et leurs associations, quitte à déplaire – c’est le verbe que j’ai employé – à l’administration. Je connais bien l’administration d’État, et je sais que les services n’aiment pas trop quand vous allez discuter des réalités avec ceux qui les vivent.
Je comprends vos réticences mais j’espère pouvoir vous retrouver, madame la députée, pour vous montrer que les riverains, comme les autres, auront été écoutés par l’éventuel futur président de l’Acnusa.
S’agissant de l’insonorisation, que vous n’avez pas évoquée, j’indique clairement dans mes réponses qu’au-delà de la question du plafonnement, qui concerne la trésorerie, il faut revoir les taux de prise en charge pour les foyers concernés, qui ne vivent pas dans les quartiers les plus bourgeois. Pour ces foyers, un taux de 20 % de reste à charge représente une somme trop importante. Quand j’écris qu’il faut monter à 100 % les taux d’indemnisation, c’est en prenant en compte non seulement l’intérêt des riverains, mais aussi leurs caractéristiques sociologiques et leurs problèmes quotidiens. J’évoque d’ailleurs, dans mes réponses écrites, l’inflation et les difficultés sociales de notre pays.
Soyez assurée que mon éventuelle présidence de l’Acnusa ne sera pas dénuée de dimension sociale.
M. Romain Eskenazi (SOC). J’ai été rapporteur pour avis du budget de l’aérien dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2025. Dans mon rapport, je mets en avant une approche équilibrée entre les emplois, le moyen de transport indispensable qu’est l’avion, les acteurs économiques majeurs que sont les aéroports et les enjeux environnementaux et sanitaires.
Vous parlez de gêne pour les riverains. Il ne s’agit pas de cela, mais d’un problème de santé publique majeur : Bruitparif estime que les riverains de l’aéroport de Roissy, dont je fais partie, perdent jusqu’à trois ans de vie en bonne santé. Une étude universitaire démontre un renforcement du risque de crise cardiaque ainsi qu’une augmentation des troubles du sommeil. Il faut rééquilibrer le curseur entre la santé publique et les intérêts économiques.
J’ai osé, dans mon rapport, évoquer la question de l’alcool. Certes, comparaison n’est pas raison. Mais alors qu’il s’agit d’une production majeure à l’export pour la France, des parlementaires ont eu le courage de rééquilibrer et de limiter la vente d’alcool, tout en portant atteinte à des intérêts économiques. La première vertu d’un président de l’Acnusa, que nous attendons de longue date, d’autant que les dossiers s’accumulent, est l’ambition. Force est de constater que vos réponses écrites en manquent.
Elles manquent d’ambition quant au rôle central que doit jouer l’Acnusa par rapport aux préfets. J’étais ce matin avec M. le préfet du Val-d’Oise, qui amorce l’étude d’impact selon l’approche équilibrée pour l’aéroport de Roissy, champion d’Europe des vols de nuit – je ne sais pas si l’on peut s’en glorifier. Alors que les serviteurs de l’État, pour qui j’ai le plus grand respect, peuvent parfois se retrouver en difficulté face aux décisions à prendre, l’Acnusa pourrait prendre une part plus importante dans ces études. Pour cela, il faut des moyens supplémentaires mais vous avez répondu qu’ils ne vous semblent pas nécessaires. Il faudrait augmenter, non pas les amendes appliquées mais leur plafond, pour qu’elles soient dissuasives. Des calculs rationnels sont effectués par les compagnies, qui préfèrent faire décoller leurs avions et payer des amendes plutôt que de renoncer à porter atteinte à la santé des riverains. Les sanctions étant laborieuses, mal appliquées et peu dissuasives, il faut renforcer et moderniser les procédures. Je n’ai pas ressenti cette ambition dans vos réponses. Vous semblez plutôt envisager un rôle minimaliste pour l’Acnusa, qui serait un simple relais administratif. Il s’agit qu’elle soit un acteur majeur pour régler une question de santé publique.
C’est la raison pour laquelle, au regard de vos réponses écrites, le groupe socialiste ne soutiendra pas votre candidature.
M. Pierre Monzani. Vous mentionnez mes réponses écrites. Peut-être pourrai-je me rattraper à l’oral.
Vous craignez un manque d’ambition. Chaque fois que j’ai rempli une mission dans ma vie administrative au sens large, j’ai eu beaucoup d’ambition pour mon institution et beaucoup de modestie pour moi-même. Je n’ai pas pour habitude de me mettre en avant dans des réponses écrites. Peut-être aurais-je dû être plus extraverti ; je le suis davantage à l’oral. En tout cas, ne doutez pas que si l’Acnusa manque d’ambition, ce ne sera pas de mon fait. J’ai toujours porté les institutions que l’on m’a confiées au plus haut que j’ai pu – y compris, parfois, contre mon intérêt.
Vous avez vu mon parcours, que je qualifie parfois moi-même d’incohérent. Sa seule logique est celle de mission. La haute fonction publique, même si je n’apprécie pas ce terme que je trouve condescendant à l’égard des autres, gagnerait à être dans une logique de mission plutôt que de carrière. J’en prendrai un exemple. Lorsque je dirigeais l’Institut national des hautes études de sécurité (Inhes), j’ai proposé le rapprochement entre cette institution et l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN). À longueur de colloques, en effet, on m’expliquait que sécurité et défense étaient des problématiques qui convergeaient. J’ai alors considéré que si elles convergeaient, il fallait faire converger les institutions. Dans le microcosme de la sécurité, on disait que M. Manzoni voulait présider « le grand machin ». Or je suis ensuite parti occuper un poste de préfet territorial. Ne doutez pas a priori de ma volonté d’ambition, même si mes termes étaient nécessairement choisis – ne serait-ce que par respect pour mes lecteurs.
Concernant les sanctions, j’ai été d’une clarté limpide. J’ai expliqué qu’il n’était pas utile de porter le plafond à 80 000 euros alors qu’il est à 40 000 euros et que le montant moyen des amendes de 13 000 euros. Quand le plafond sera atteint, je reviendrai vers vous pour demander son augmentation. Soyons raisonnables, ou modestes : montrons d’abord que nous sommes capables de monter à 40 000. Je préfère les mesures concrètes à l’affichage.
Je ne manque pas non plus d’ambition concernant les moyens de l’Acnusa. Il existe tant de services dépensiers, comme l’on dit à Bercy ! Quand j’ai commencé dans ce métier, 160 personnes portaient le titre de préfet, sans compter les retraités. Elles étaient soit à la tête d’une préfecture, soit dans d’autres fonctions. Quand le corps a été supprimé, il y avait 345 préfets. Dans le même temps, les effectifs de la préfecture de Seine-et-Marne étaient passés de 650 à 400. Je trouve regrettable que l’on ait ainsi sacrifié les personnels des préfectures. Tout cela m’a rendu prudent quant à l’affichage du nombre d’ETP.
J’ai indiqué combien j’avais besoin de collaborateurs efficaces pour lutter contre les gaz à effet de serre. Ce n’est pas le nombre qui compte, mais la qualité et l’ambition. De ce point de vue, je vous rejoins : je serai ambitieux, mais je le serai dans le cadre de l’emploi public que nous connaissons en France. Je ne peux pas vous demander de voter pour moi en affirmant que je rendrai l’Acnusa pléthorique. En revanche, je m’engage à tout faire pour la rendre efficace.
M. Jean-Pierre Taite (DR). Le groupe Droite républicaine accueille avec bienveillance votre proposition de nomination à la tête de l’Acnusa. Homme de terrain et de territoire, préfet attaché au plus strict respect des principes républicains, votre carrière de haut fonctionnaire en prise avec les réalités locales force le respect et donne à penser que vous saurez être soucieux de la diversité des situations à laquelle votre administration devra répondre, avec fermeté et discernement. Après les longs mois de vacance de sa direction, comme appréciez-vous la capacité de l’Acnusa à mener sa mission de contrôle et de sanction ?
À la lecture du rapport annuel de 2024, on apprend que l’Autorité s’appuie, pour certains aéroports, sur les données établies par des associations de riverains pour contrôler le trafic nocturne et constater d’éventuels manquements. Le serviteur de l’État que vous êtes se satisfait-il que l’Acnusa et la DGAC doivent se reposer sur le travail de bénévoles, d’aussi bonne qualité soit-il, pour construire leur diagnostic ? Jugez-vous au contraire qu’il est de bonne complémentarité que l’Autorité délègue d’une certaine manière ce travail à des acteurs publics proches du terrain ?
S’agissant des sanctions, comme vous, nous estimons que leur montant ne présente pas un caractère dissuasif. Les réponses que vous avez fournies nous satisfont. Vous pourrez faire appliquer une réglementation plus stricte et sévère.
Enfin, pensez-vous que les personnels de l’Acnusa et de l’aviation civile, avec qui vous aurez à travailler étroitement, disposent de moyens réglementaires et humains suffisants pour faire appliquer ces sanctions souvent nécessaires ?
Le groupe Droite républicaine votera pour votre nomination.
M. Pierre Monzani. L’Acnusa ne dresse pas les procès-verbaux. Elle est tributaire des agents assermentés de la DGAC et, de façon plus marginale, de la gendarmerie des transports maritimes. Il existe une disproportion entre l’ampleur des menaces pour la sécurité ou la santé et celle des besoins.
L’Acnusa se trouve dans une confrontation entre David et Goliath, en l’occurrence les intérêts économiques en jeu. Il ne s’agit pas d’instaurer un couvre-feu général. De fait, le trafic passager est peu délocalisable. Le fret en revanche, qui pose l’essentiel des problèmes nocturnes, l’est. Si un couvre-feu absolu était décidé, un acteur comme Fedex, qui représente 8 000 emplois à Roissy, partirait à Amsterdam, à Luxembourg ou dans une autre plateforme proche. Nous sommes dans un ciel ouvert, avec une concurrence ouverte. Il faudrait donc renforcer les moyens d’investigation et de dressage des procès-verbaux, afin que le combat entre David et Goliath soit plus équilibré, sans volonté de tuer Goliath, qui représente beaucoup d’emplois et de pouvoir d’achat, dans une France qui fait face à une crise industrielle inédite. J’évoquais la terre sidérurgique de mon enfance. Croyez bien que j’en ai gardé un souvenir humain fort et précis. Quand des usines et des ateliers ferment, et que des emplois disparaissent, cela fait très mal à une région.
Concernant le rôle des associations, il faut que le président de l’Acnusa soit dans un esprit ouvert à leur égard, dès lors qu’elles travaillent sur le terrain. L’administration de l’État a été trop longtemps condescendante à l’égard du travail des associations. Dans ma vie personnelle, j’ai un engagement associatif fort dans le domaine de la culture et de la francophonie. Je suis convaincu que l’apport des associations peut être important. Sans Airparif, par exemple, nous serions les bras ballants et les yeux fermés en matière de lutte contre les nuisances atmosphériques et sonores. Les 200 capteurs et la plateforme « Survol-bruit » qui permettent d’approcher la réalité du bruit sont notamment dus à l’action d’Airparif, qui est un groupement constitué sur une base associative.
Il faudrait – c’est du domaine du législateur – renforcer les capacités statistiques qui étaient celles de la France depuis Napoléon, qui avait allié l’exercice du pouvoir et la précision statistique. Ce débat dépasse l’Acnusa mais je suis philosophiquement d’accord avec vous quant au fait que nous avons pris du retard dans le domaine des statistiques, alors que nous étions en avance.
Mme Julie Ozenne (EcoS). Au vu de votre parcours, il n’aura échappé à personne que vous n’êtes pas un expert des sujets aéroportuaires. Vous reconnaissez vous-même que vous n’êtes ni un ingénieur ni un spécialiste de l’aéronautique.
Vous rappelez, dans vos réponses au questionnaire de M. le rapporteur, que vous êtes proche de personnalités politiques et d’anciens ministres, dont vous estimez qu’ils ont été vos professeurs. Or l’Acnusa est une autorité indépendante. Comment pouvez-vous garantir que vos liens politiques ne seront pas un frein à cette indépendance ?
Je regrette que vous ne partagiez pas la demande formulée de longue date de désigner l’Acnusa comme membre associé aux études d’impact selon une approche équilibrée, préférant laisser la main aux préfets.
Concernant les manquements des compagnies aériennes à certaines restrictions, vous reconnaissez que l’augmentation du plafond des amendes pourrait être plus dissuasive. Compte tenu du caractère dérisoire de leur montant actuel, pensez-vous qu’une multiplication par cinq de ces amendes, comme l’ont proposé plusieurs députés, serait suffisante pour qu’elles deviennent dissuasives, ou proposez-vous de les augmenter plus encore ?
Vous affirmez que d’autres moyens que les amendes existent pour réduire les activités nocturnes et l’usage d’aéronefs plus bruyants. Je partage votre point de vue mais je suis surprise de voir que vous ne considérez pas les couvre-feux et le plafonnement du nombre de décollages et d’atterrissages comme des mesures à privilégier.
Enfin, vous affirmez que servir l’Acnusa serait un enjeu majeur d’équilibre entre progrès et environnement, ainsi qu’entre économie et société. Mais vous ne parlez pas d’équilibre avec la santé des riverains. Vous affirmez que le poids économique de certaines activités nocturnes, comme le fret, rend un couvre-feu peu pertinent et dangereux pour l’emploi, un enjeu que vous considérez vital pour l’intérêt du pays. Mais ce qui est vital, c’est la santé des riverains, qui peuvent perdre plus de trois années de vie à cause de la pollution sonore.
Alors que le rôle de l’Acnusa est de contrôler les dispositifs de lutte contre les nuisances générées par le secteur aéroportuaire, quelle option choisiriez-vous entre un scénario qui protègerait la santé des riverains et favoriserait la diminution des émissions de gaz à effet de serre, et un scénario qui garantirait le développement de l’activité économique aéroportuaire ?
Concernant l’aéroport de Roissy, vous avez déjà fait un choix : vous ne préconisez ni un couvre-feu ni un plafonnement du nombre de mouvements. Vous préférez faire primer l’activité économique, notamment le fret, sur la lutte contre les pollutions sonores et atmosphériques, donc sur la santé des riverains.
C’est pourquoi, en tant qu’écologistes, nous voterons contre votre nomination à la tête de l’Acnusa.
M. Pierre Monzani. S’agissant de mes liens politiques, je n’ai pas cité son nom mais vous l’aurez reconnu : mon professeur de transports a été Dominique Bussereau. Il m’a beaucoup parlé, dans l’amitié qui nous unit, de l’aérien et du ferroviaire. Chacun sait ses capacités d’expertise dans ces domaines. Je fais donc référence à lui avec humilité et affection. Quant à mon indépendance à son égard, vous savez qu’il a pris sa retraite politique. En outre, pour avoir travaillé six ans avec lui, je ne pense pas qu’il soit directif au point de guider ma main !
Quand j’ai quitté la Seine-et-Marne, le président d’une grande agglomération qui n’était pas de ma sensibilité m’a remercié, trois mois après mon départ, pour ce que j’avais fait. Je lui ai alors répondu qu’il le faisait sans doute parce que je lui avais donné raison contre un homme politique de droite majeur de Seine-et-Marne, et parce que j’avais utilisé ma proximité politique pour servir l’intérêt général. C’est pour cela que le corps préfectoral est un corps politique, quand il se regarde les yeux dans les yeux. Je compte poursuivre dans cette voie, en mettant mes connaissances, mes réseaux et mes appuis au service de l’intérêt général.
Vous m’avez mal compris s’agissant d’associer les préfets. Je répondais à une question relative à l’approche équilibrée qui est actuellement à la main des préfets, notamment de mon ami Philippe Court dans le Val-d’Oise. Imaginez que, préfet candidat à la présidence de l’Acnusa, j’écrive que je dois avoir la main. Comment réagiraient mes collègues ? C’est le rôle du législateur d’apporter des moyens supplémentaires à l’Acnusa. Si vous écrivez qu’elle doit être systématiquement associée, ou prendre la main, j’en serai ravi mais mon rôle sera de faire avec les moyens juridiques et humains dont je disposerai, et qui n’augmenteront pas par miracle. Je ne dois pas me décrédibiliser.
Le ministère de l’intérieur m’avait consulté, après la décision du Conseil d’État de 2023. Il était favorable à ce que ce soit l’Acnusa qui prenne la main, et pas les préfets. Dès lors que vous me donnerez les moyens – que je n’ai pas aujourd’hui – de cette ambition, je les utiliserai. Mais je ne me substituerai pas au législateur.
Concernant les amendes, je serais lecteur dans le marc de café si je vous disais qu’il faut les augmenter par deux, par trois, par quatre, par cinq ou par dix. Je ne peux pas répondre à une question aussi précise. Il faut que j’étudie au cas par cas, avec mes équipes, le rapport qualité-prix pour les compagnies aériennes, ce que leur a coûté le refus d’une pose à Roissy et que j’affine tous ces chiffres. Après examen, je pourrai vous indiquer quel est le bon multiplicateur. Je n’ai pas de tabou concernant l’importance du multiplicateur. Mon seul tabou est la réalité.
S’agissant de la santé et de l’écologie, un autre lien doit être mentionné avec l’économie : plus la population est pauvre, plus elle est malade et plus elle meurt tôt. Ce lien s’observe partout dans le monde. Si des mesures sont contraires à l’intérêt économique, elles créent du chômage, elles créent de la misère, et la misère c’est la maladie et la mort. Ce n’est pas la voie que je privilégie. La voie d’équilibre est difficile. C’est une route de crête. Mais il n’y a pas d’un côté la « méchante économie » et, de l’autre, la « gentille santé ». Il existe des interférences et une équation complexe.
Je ne vais pas vous ramener à nouveau à ma Lorraine natale. Je ne sais pas si vous connaissez le Pays-Haut sidérurgique, mais je vous renvoie au prix Goncourt Nos enfants après eux, qui décrit cette réalité : quand on prend des mesures qui font disparaître des emplois, on crée du malheur, et le malheur crée la maladie et la mort.
Voilà pourquoi je serai sur une ligne d’équilibre. Je ne sacrifierai pas la santé des riverains, mais je ne sacrifierai pas non plus l’économie, sans laquelle il n’y a pas de santé publique. Tous les pays pauvres du monde en sont, hélas, une pathétique illustration.
M. Jimmy Pahun (Dem). Je salue la proposition de votre nomination à la présidence de l’Acnusa. Cette nomination est d’autant plus attendue qu’il devient urgent de traiter les nombreux dossiers en suspens et de répondre à l’enjeu majeur des amendes envers les compagnies aériennes qui ne respectent pas les restrictions pour les vols nocturnes. À Nantes-Atlantique, par exemple, l’absence de sanction depuis plusieurs mois a amplifié le sentiment d’impunité chez certains transporteurs et le désarroi des riverains. L’Acnusa doit pouvoir rapidement retrouver sa pleine capacité d’action pour garantir la tranquillité des populations concernées.
Vous avez évoqué une modernisation nécessaire de la procédure de sanction, et je souligne la pertinence de cette approche équilibrée. L’augmentation du plafond des amendes constitue un outil dissuasif mais elle doit s’accompagner de mesures incitatives et préventives. Votre proposition d’introduire un sursis conditionné à des mesures correctrices pour éviter les récidives témoigne d’une volonté de pédagogie. Néanmoins, face à certaines compagnies qui persistent à enfreindre sciemment les règles, ne faut-il pas envisager une réponse plus sévère ? Quelles mesures supplémentaires préconisez-vous pour renforcer les incitations à la conformité ou dissuader les récidivistes multiples qui aggravent les nuisances pour les riverains ?
Par ailleurs, je soutiens la proposition de l’Acnusa visant à compléter le code des transports pour mieux encadrer et contrôler les émissions de polluants et de gaz à effet de serre liées aux activités aéroportuaires. C’est une avancée nécessaire pour la santé publique et l’environnement. Je souhaite que nous puissions avancer rapidement vers cette évolution législative essentielle pour atteindre nos objectifs climatiques.
M. Pierre Monzani. Concernant les récidivistes, je le répète, il faut taper les mauvais joueurs. Je proposerai à la collégialité d’infliger des amendes dissuasives. Mon but est le suivant : les compagnies aériennes qui ne jouent pas le jeu, quelles qu’elles soient – ce seront sans doute plutôt des compagnies à bas coût, sans vouloir faire de procès d’intention –, seront tapées. Il faut que ce soit dissuasif, et vous pouvez compter sur ma fermeté. Elle sera entière et ma main, si la collégialité me suit, ne tremblera pas.
Je n’aime pas la dénonciation, par attitude philosophique et par conviction politique, mais il faut montrer du doigt les mauvais élèves. Je n’ai pas encore réfléchi à cette communication. Faudra-t-il proposer un Prix Citron de l’Acnusa, à la remise duquel vous seriez tous invités ? Madame l’oratrice du groupe Écologiste et social, nous pourrions remettre ce prix ensemble ! Vous seriez ainsi rassurée quant à ma volonté de fermeté à l’égard des mauvais joueurs. Je n’ose dire qu’il faut « terroriser les terroristes » de l’anti‑développement durable – ce serait aller trop loin dans l’autodérision – mais il faut que l’on touche les compagnies qui ne jouent pas le jeu dans leurs intérêts économiques. Cette position n’est pas seulement celle des associations de riverains : certaines compagnies y sont favorables.
Les mauvais joueurs doivent être sanctionnés. S’ils se délocalisent, la pollution, les gaz à effet de serre et les avions trop vieux partiront avec eux. Nous ne l’avons pas mentionnée, mais la qualité du matériel est essentielle, y compris pour le fret. Si je ne veux pas de couvre-feu à Roissy, pour ne pas provoquer la misère dans la population environnante, je suis favorable à ce que les flottes d’avions-cargos évoluent vers plus de propreté et moins de bruit.
Concernant les gaz à effet de serre, je demanderai à l’Acnusa de s’impliquer pleinement. Je ne pense pas avoir, au moment où je vous parle, les compétences requises pour être bon dans ce domaine. L’Acnusa a une dimension d’influence. Or, pour avoir de l’influence, il faut être bon et crédible.
M. Sylvain Berrios (HOR). Le trafic aérien a repris et excède dans de nombreux aéroports son niveau d’avant la pandémie de covid. Les nuisances sonores aéroportuaires sont donc plus que jamais un enjeu de santé publique, puisqu’elles ont un impact direct sur des millions de personnes, dont 2,2 millions en Île-de-France.
Nous avons entendu votre fermeté à l’égard des compagnies qui violent les couvre‑feux. C’est une bonne chose mais rappelons-nous qu’une large partie des violations procèdent de dérogations de la DGAC. Cela nourrit un certain pessimisme quant à la capacité de l’Acnusa à conduire sa mission, qui réside dans celle à faire appliquer le couvre-feu par la DGAC sans dérogation. À l’été 2023, trente-trois viols du couvre-feu ont été autorisés par cette dernière. Or l’Acnusa dépend en partie de la DGAC pour effectuer son travail de contrôle. Comment pourrez-vous accomplir votre mission dans ces conditions de dépendance vis-à-vis de ceux, notamment la DGAC, qui contribuent au non-respect du couvre-feu ? C’est le cas dans le Val-de-Marne. Certes, un couvre-feu a un impact économique. Mais le fait que des populations, quand bien même elles travaillent à l’aéroport, ne puissent pas dormir et soient en mauvaise santé en a un tout aussi important. Pour la santé, cet impact représente près de 5 milliards par an.
Comment pensez-vous pouvoir accomplir votre mission, vis-à-vis de la DGAC qui viole le couvre-feu par dérogation réglementaire ?
M. Pierre Monzani. Vous évoquez la question centrale du rapport entre l’Acnusa et la DGAC. Il est inutile de se cacher derrière son petit doigt : si l’on est en frontal, cela ne va pas ; si l’on est en complicité excessive, cela ne va pas non plus. Toute autorité administrative indépendante (AAI) soit-elle, une Acnusa qui serait en guerre contre la DGAC ne serait pas sûre de la gagner – à moins qu’elle n’ait l’appui du Parlement.
Dans un premier temps, avec la situation, la législation et les règlements auxquels il faudra que je m’adapte, car je ne serai pas un flibustier des AAI, il faudra entretenir des rapports harmonieux. Ce sera aussi une condition de persuasion.
Plusieurs dérogations au couvre-feu sont valables et justifiées, en cas de problème sanitaire dans un avion ou de tempête dans le couloir aérien. Je proposerai au directeur général de l’aviation civile que nous tenions un point régulier, peut-être en liaison avec les parlementaires, pour étudier les dérogations et tricoter une procédure différente, plus respectueuse du couvre-feu.
Par ailleurs, les agents assermentés de la DGAC qui dressent les procès-verbaux ne sont sans doute pas assez nombreux. Mais ils font bien leur travail, avec cœur, comme tous les agents assermentés de toutes les administrations chargées de dresser des procès-verbaux.
Enfin, nous n’avons pas évoqué certains thèmes, faute de temps. J’ai répondu du point de vue économique au débat sur le couvre-feu absolu ou non. C’est un débat à la fois vrai philosophiquement mais un peu faux en pratique, puisqu’il faut prendre en compte le vol en descente continu et l’insonorisation des logements – sur les 76 000 logements concernés en Île-de-France, il en reste 40 000 à insonoriser.
M. Romain Eskenazi (SOC). C’est une fois dans la vie !
M. Pierre Monzani. J’ai écrit qu’il fallait que ce soit plusieurs fois dans la vie, car les conditions de vie évoluent, de même que les technologies d’isolation. Heureusement, des progrès sont accomplis dans le domaine environnemental et l’économie du développement durable crée des emplois et apporte des innovations.
Il faut donc faire flèche de tout bois : travailler sur l’insonorisation ; mieux raisonner les dérogations au couvre-feu en liaison avec la DGAC ; travailler sur les descentes en continu, donc sur le contrôle aérien ; travailler sur la nature des aéronefs utilisés. Ce n’est pas à la commission du développement durable que je vais dire que l’objectif européen est fixé à 63 % de carburants propres dans le domaine de l’aviation pour le milieu du siècle. Nous aurons des avions plus propres, donc moins polluants, et moins bruyants. Ces vingt dernières années, le bruit des réacteurs des gros porteurs a diminué de 25 à 30 %. C’est considérable ! Soyons optimistes dans les progrès de la science, et nous pourrons continuer dans cette voie.
Il faut vraiment jouer sur toute la gamme. Ma vision est que la présidence de l’Acnusa doit utiliser tous les moyens pour améliorer la santé acoustique, donc la santé globale des riverains, et les activités liées à l’aviation. C’est d’ailleurs pour cela que je veux être dans la collégialité et dans l’utilisation pleine et entière de l’équipe de collaborateurs. Ce n’est pas à vous que je vais apprendre qu’on est plus intelligent à plusieurs que tout seul ! En tout cas, c’est ma conviction.
Mme Constance de Pélichy (LIOT). Depuis le 11 avril, l’Acnusa attend que quelqu’un soit nommé à sa présidence. Cette situation est problématique puisqu’en l’absence de président, l’Autorité ne peut sanctionner les manquements des compagnies aériennes. Les dossiers s’accumulent, le sentiment d’impunité grandit et les riverains s’inquiètent. Bref, il est temps de mettre fin à une situation qui n’a que trop duré en nommant quelqu’un à la tête de l’Acnusa.
Les défis qui vous attendent sont importants et nombreux : gérer le stock de dossiers en attente de réponse – plus de 600, nous dit-on – ; faire face à l’augmentation du nombre d’aéroports et d’aérodromes placés sous le contrôle de l’Autorité ; répondre à l’extension de ses missions. Parmi elles, il y a la réponse à la question des nuisances sonores. Nous le savons, les avions génèrent beaucoup de bruit. Cette question est d’autant plus importante que le trafic aérien ne cesse de croître et, avec lui, les perturbations. La surexposition au bruit n’est pas simplement un sujet d’inconfort ou de gêne, mais pose un véritable problème de santé publique. Elle augmente le risque des maladies cardiovasculaires et réduit de trois ans l’espérance de vie. Le cadre juridique actuel vise à réduire le bruit des avions à la source, en soumettant leur conception à une certification spécifique. En outre, des restrictions d’exploitation prévues sur le plan européen s’imposent aux onze principaux aéroports français.
Alors que l’Acnusa est chargée de sanctionner la violation des mesures de limitation du bruit généré par les aéroports, pensez-vous que les obligations qui incombent aux constructeurs et aux zones aéroportuaires sont suffisantes pour lutter contre la surexposition au bruit des riverains, ou faut-il renforcer le cadre juridique ? Faut-il avancer le couvre-feu, comme le demandent les collectifs de riverains de l’aéroport d’Orly ? Plus globalement, la situation actuelle est-elle selon vous suffisamment protectrice pour les riverains des aéroports et toutes les personnes concernées par les survols ?
M. Pierre Monzani. S’agissant du bruit des avions, j’ai devancé votre propos en citant la diminution du bruit des réacteurs. Nous suivons le bon mouvement, avec néanmoins quelques éléments contre-intuitifs. En effet, certains avions à pales, comme les avions sanitaires ou ceux qui se posent au Bourget, sont plus bruyants du fait de l’évolution technologique et de la taille des pales. Sans être spécialiste, je pense qu’il faut travailler vers des avions mieux-disants, en tout cas moins bruyants. Cela appartient aussi, et surtout, au législateur. Ce n’est pas l’Acnusa qui édictera des normes globales en la matière.
Nous sommes le seul pays au monde, exception faite des superpuissances, à avoir une industrie aéronautique complète, tant dans le domaine militaire que dans le domaine civil. Il importe de préserver cette pépite française. Il faut être optimiste, quand on fait du développement durable. Nous allons vers de nouveaux progrès dans le domaine de la qualité environnementale des avions. La France doit rester un pays créateur en matière aéronautique et conserver une longueur d’avance dans la compétitivité internationale.
Trois scénarios sont envisagés pour Orly. L’exécutif semble avoir fait le choix d’un scénario minimaliste, qui joue simplement sur les structures d’ensemble et pas sur les heures de couvre-feu. Orly est très différent de Roissy. Autant je me suis prononcé clairement contre un couvre-feu absolu à Roissy, qui serait contraire au règlement européen qui s’oppose à toute mesure générale et oblige à une étude d’impact par l’approche équilibrée pour chaque aéroport, autant la réponse mérite d’être examinée sans tabou concernant l’aéroport séculaire d’Orly, à cause de son environnement anciennement et fortement urbanisé. Il y a aussi moins de fret à Orly qu’à Roissy, où il représente 2 millions de tonnes, ce qui le place au-dessus du niveau de Francfort. À Orly, le fret représente 80 000 tonnes. Les enjeux ne sont donc pas les mêmes. Pour Orly, dans mon esprit, le débat est ouvert.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous en venons aux questions des autres orateurs.
Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). Ma circonscription est particulièrement affectée par le bruit et les diverses pollutions atmosphériques de l’aéroport Charles-de-Gaulle. Cela ne devrait pas s’arranger avec l’augmentation prévue du trafic aérien, notamment la nuit, depuis cet aéroport qui est le deuxième plus fréquenté d’Europe.
J’appelle votre attention sur les risques d’inondation et de pollution liés à la gestion des eaux pluviales en lien avec l’aéroport. Le dégivrage hivernal des avions à l’aide de solvants, par exemple, n’est pas sans risque pour l’environnement. En outre, compte tenu des événements climatiques à forte pluviométrie attendus dans les prochaines décennies, l’imperméabilité des sols aéroportuaires devrait faire l’objet d’une attention particulière.
Les habitants de ma circonscription perdent déjà trois ans d’espérance de vie en raison du bruit généré par l’activité de l’aéroport Charles-de-Gaulle. Il est important, pour leur santé et pour leur sécurité, de prendre en compte l’ensemble des risques générés par celui-ci.
Ne pensez-vous pas qu’il faudrait étendre les compétences de l’Acnusa au contrôle de la gestion des eaux pluviales et de la pollution des eaux générée par l’activité des acteurs de l’aérien ?
M. Bérenger Cernon (LFI-NFP). Les habitants de ma circonscription subissent de plus en plus régulièrement des nuisances sonores aéroportuaires liées au non-respect du couvre-feu applicable à l’aéroport d’Orly. Ce couvre-feu est pourtant un vrai bol d’air pour les personnes qui subissent quotidiennement le passage d’avions au-dessus de leurs habitations.
Air France n’utilisera progressivement plus cet aéroport, laissant la place à des compagnies à bas coût, qui ont déjà montré leur intérêt pour l’exploitation de ces pistes. L’inquiétude est donc vive de voir ce couvre-feu de moins en moins respecté puisque ce sont souvent ces compagnies qui ne respectent pas les règles. Anticiperez-vous et aborderez-vous le sujet avec les compagnies aériennes arrivantes ?
Dans vos réponses au questionnaire, vous ne tranchez pas clairement la question des conséquences du non-respect du couvre-feu pour ces compagnies, bien qu’à l’oral vous sembliez plus clair. Vous mentionnez que vous hésitez à sanctionner plus durement et à faire connaître au grand public le nom des mauvais joueurs. Qu’est-ce que cela signifie, concrètement ? De quelles sanctions parlez-vous – financières, d’exploitation ou autres ? Comment comptez-vous aborder ce sujet avec les compagnies et avec les riverains ?
Mme Anne-Cécile Violland (HOR). J’appelle votre attention sur la particularité des aéroports transfrontaliers. Ma circonscription est située au bord du lac Léman et de l’aéroport international de Genève. Les négociations semblent compliquées, s’agissant notamment des trajectoires de vols et des approches coudées. C’est une source de problèmes pour les riverains des petites communes qui bordent le lac et sont régulièrement survolées. Outre les nuisances sonores que nous avons largement évoquées, ils subissent des nuisances pour leur santé et leur environnement, en particulier en raison des dépôts de particules. Comment se passent les négociations et quel espoir avons-nous que les choses avancent ?
M. Sylvain Berrios (HOR). Je vous remercie d’avoir rappelé que l’extension du couvre-feu, dont nous souhaitons qu’il soit d’une demi-heure à Orly, doit être envisagée sans tabou. Vous avez également rappelé que le taux d’insonorisation des habitations pouvait être relevé et que ce travail pourra être conduit par l’Acnusa avec les parlementaires et les élus concernés.
Vous avez mesuré que notre préoccupation concerne votre capacité à faire respecter la règle par tous, y compris la puissante DGAC. J’ai bien noté votre nouvelle approche. Il faudra qu’elle soit rigoureuse. Nous ne contestons pas le fait que certains atterrissages doivent avoir lieu en pleine nuit, durant le couvre-feu. Il n’en demeure pas moins qu’un travail doit être conduit fermement avec la DGAC et en collaboration avec les élus locaux.
M. Pierre Monzani. Concernant le contrôle de la gestion des eaux pluviales et de la pollution des eaux, je n’avais pas pensé à cette nouvelle compétence pour l’Acnusa. Je vous répondrai, avec l’esprit d’ouverture qui est le mien, « pourquoi pas ? » L’imperméabilité des sols est un réel problème dans notre pays. Nous avons bétonné et goudronné, et l’une des conséquences de ce manque de verdure est visible au travers des dégâts causés par les pluies torrentielles et les inondations : le ruissellement ne se fait plus naturellement. Certes, nous n’allons pas mettre des pistes en herbe à Roissy. Mais le sujet de la végétalisation autour des zones d’aéroport mérite une réflexion collective. En tout état de cause, la question qui m’a été posée m’incite à faire une proposition plus large. N’aurions-nous pas besoin d’une autorité indépendante de sanction des manquements à l’environnement ? Celle-ci aurait une force de frappe tous azimuts. Il serait prétentieux de ma part d’affirmer que ce pourrait être l’Acnusa. Ce sujet est aux mains du législateur.
Par ailleurs, vous avez bien voulu évoquer ma clarté à l’oral. Si j’ai toujours été plutôt meilleur à l’oral qu’à l’écrit, c’est aussi le fruit de l’échange. Votre remarque me fait plaisir car elle va dans le sens de ce que je vous ai dit au début : je compte dans ma présidence de l’Acnusa, si vous me faites confiance, renforcer cet échange – j’ai d’ailleurs beaucoup appris durant cette audition. Nous continuerons ainsi, si vous le voulez bien, pour que je sois plus clair grâce à vous.
J’ai évoqué l’augmentation des amendes, et indiqué que nous établirions le coefficient multiplicateur en fonction des réalités mais que je n’avais pas de tabou. J’ai mentionné ma fermeté et ma volonté de taper les compagnies « voyous », et estimé qu’il fallait les montrer du doigt dans une campagne de contre-publicité. J’ai oublié un élément : ne faudrait-il pas jouer sur les créneaux attribués ? Certes, ceux-ci ne sont pas attribués par l’Acnusa, mais par le Cohor, l’Association pour la coordination des créneaux horaires. Mais il faudrait que les compagnies moins-disantes aient moins de créneaux. Ce serait très efficace puisque ce sont elles qui polluent le plus et qui font le plus de bruit. Si elles ont moins de créneaux, elles en feront moins ! Voilà une mesure qui me semble ferme et que nous pourrions instaurer si je bénéficie de votre soutien.
L’Acnusa est une œuvre collective. Ce ne sont pas un collège de dix personnes, avec un président même très volontaire, et onze collaborateurs qui renverseront la montagne. Il faut, en fonction des circonstances, et c’est tout l’art du président de l’Acnusa, jouer plutôt sur les associations de riverains ou sur les élus pour affronter les problèmes qui nuisent à la qualité environnementale. Les alliés ne sont pas toujours les mêmes selon les périodes. Connaître le jeu des alliances à opérer pour servir l’intérêt général, c’est là la dimension politique du président de l’Acnusa. C’est aussi ce que font les préfets de terrain désireux d’être efficaces. Je ne sais pas si je l’ai été mais, dans l’esprit, c’est ce que je souhaitais faire.
S’agissant de l’aéroport Genève, vous posez en filigrane la question de la différence entre les aéroports « acnusés » et ceux qui ne le sont pas. La compétence de l’Acnusa ne porte que sur les aéroports qui comptabilisent plus de 20 000 mouvements effectués par des avions de plus de 20 tonnes, à l’exception de quatre aérodromes à forte dimension environnementale, dont Paris-Saclay-Versailles, anciennement Toussus-le-Noble, Pointoise-Cormeilles et Issy‑les-Moulineaux. Je ne peux donc pas me saisir de ceux qui ne sont pas « acnusés » dans la mesure où ils n’ont pas le bon niveau d’intensité de vols. Peut-être est-ce une autre piste de travail législatif : faut-il « acnuser » davantage ? Un aéroport avec nettement moins de mouvements que Roissy peut s’avérer très pénible pour les riverains en matière de bruit et d’influence sur leur santé. Le cas échéant, tout président volontariste de l’Acnusa que j’essaierai d’être, je ne pourrai qu’émettre des avis « en l’air », puisque je n’aurai pas de prise pour modifier la situation. J’espère, si vous me faites confiance, que nous aurons l’occasion d’en reparler.
Enfin, s’agissant de faire respecter la règle, le président de l’Acnusa doit, comme dans toute action publique, savoir être en fonction des circonstances en position de sagesse, d’équilibre absolu ou de timidité momentanée. La capacité de l’Acnusa à s’inscrire dans le paysage tiendra à celle de son président à toujours l’être aussi, selon les moments, avec le visage qui convient. Ainsi, quand il faudra faire respecter la règle, je m’efforcerai de le faire avec la fermeté que vous voulez bien me prêter.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Je vous remercie pour la précision de vos réponses. Nous voyons que vous maîtrisez votre sujet.
M. Fabrice Roussel, rapporteur. Je remercie M. le préfet pour cet échange, pour la précision de ses réponses et pour sa mobilisation. L’attente est forte, concernant les dossiers en retard, le rôle de contrôle et de sanction de l’Autorité, mais aussi sa capacité à mener un travail de collégialité.
Il importe aussi de faire en sorte que les sujets de plafonnement et de couvre-feu ne soient pas tabous, mais fassent l’objet d’un dialogue serein. Comme Nantais, je vois l’apport de l’Acnusa dans le nouveau couvre-feu, qui a permis à la DGAC de mieux l’appliquer.
Enfin, vous avez constaté la forte attente des parlementaires, des associations de riverains et des populations concernant les enjeux de santé publique. L’Acnusa aura à s’emparer de tous les sujets relatifs à la pollution.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Je vous remercie. Nous allons vous laisser partir, monsieur le préfet, pour procéder au vote à huis clos.
Délibérant à huis clos, la commission se prononce par un vote au scrutin secret, dans les conditions prévues à l’article 29‑1 du règlement, sur cette proposition de nomination. Le dépouillement aura lieu à l’issue de la réunion de la Commission le mercredi 18 décembre 2024.
Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire
Réunion du mardi 17 décembre 2024 à 16 h 30
Présents. - M. Fabrice Barusseau, M. Olivier Becht, M. Sylvain Berrios, M. Nicolas Bonnet, M. Jean-Yves Bony, Mme Manon Bouquin, M. Jean-Michel Brard, M. Sylvain Carrière, Mme Danièle Carteron, M. Pierre Cazeneuve, M. François-Xavier Ceccoli, M. Bérenger Cernon, M. Mickaël Cosson, M. Stéphane Delautrette, Mme Sophie Delorme Duret, M. Vincent Descoeur, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Peio Dufau, M. Romain Eskenazi, M. Auguste Evrard, Mme Sylvie Ferrer, Mme Clémence Guetté, M. Julien Guibert, M. Timothée Houssin, M. Sébastien Humbert, Mme Chantal Jourdan, Mme Sandrine Le Feur, Mme Julie Lechanteux, M. Pascal Markowsky, M. Éric Michoux, M. Christophe Mongardien, M. Hubert Ott, Mme Julie Ozenne, M. Jimmy Pahun, Mme Sophie Panonacle, Mme Constance de Pélichy, Mme Marie Pochon, M. Xavier Roseren, M. Fabrice Roussel, Mme Anaïs Sabatini, Mme Ersilia Soudais, M. Jean-Pierre Taite, M. Vincent Thiébaut, Mme Anne-Cécile Violland, M. Frédéric-Pierre Vos
Excusés. - Mme Lisa Belluco, M. Jean-Victor Castor, M. Max Mathiasin, M. Marcellin Nadeau, M. Olivier Serva
Assistaient également à la réunion. - Mme Gabrielle Cathala, M. Nicolas Ray