Compte rendu

Commission
des affaires sociales

– Suite de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (n° 325) (M. Yannick Neuder, rapporteur général ; M. Guillaume Florquin, M. Louis Boyard, Mme Sandrine Rousseau et M. Jean-Carles Grelier, rapporteurs)              2

– Présences en réunion.................................26

 

 

 

 

 


Mardi
22 octobre 2024

Séance de 21 heures 30

Compte rendu n° 9

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de
M. Frédéric Valletoux,
président

 


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La réunion commence à vingt et une heures trente.

 

La commission poursuit l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (n° 325) (M. Yannick Neuder, rapporteur général ; M. Guillaume Florquin, M. Louis Boyard, Mme Sandrine Rousseau et M. Jean-Carles Grelier, rapporteurs)

Article 6 : Réforme des allégements généraux de cotisations patronales

Amendements de suppression AS213 de Mme Sylvie Bonnet, AS245 de M. Thibault Bazin, AS375 de Mme Katiana Levavasseur, AS1411 de M. Charles Rodwell, AS1516 de M. David Amiel et AS1519 de M. Thomas Cazenave

Mme Sylvie Bonnet (DR). Réformer les dispositions relatives aux allégements de charges patronales, en particulier pour les bas salaires, ne va pas améliorer le pouvoir d’achat des salariés, bien au contraire : ces exonérations concernent souvent des emplois fragiles, qui ne doivent leur pérennité qu’au faible coût du travail. Faute de pouvoir, le cas échéant, répercuter cette nouvelle hausse du coût du travail auprès des acheteurs publics et privés, les entreprises de services gèleront les rémunérations. Cet article ne fera que renforcer la smicardisation, casser la dynamique de création d’emplois, et donc accroître le chômage, surtout pour les publics les plus fragiles. Nous proposons donc de le supprimer.

M. Thibault Bazin (DR). En France, le coût du travail est élevé, et ce depuis de longues années. Par le passé, cela a nui à la compétitivité des entreprises, participé à la désindustrialisation du pays et engendré un chômage de masse. Pour favoriser l’emploi des personnes peu qualifiées, depuis des décennies, les gouvernements successifs – y compris ceux de gauche – ont donc instauré des dispositifs d’allégement des charges patronales afin de faire baisser le coût du travail. Pas exempts d’effets de seuil, ces dispositifs sont perfectibles, mais ils font partie intégrante de notre modèle économique et social.

La hausse des cotisations prévue à cet article augmentera le coût du travail de 5 milliards d’euros. Quelles en seront les conséquences sur l’emploi et les entreprises, en particulier dans les secteurs à forte intensité de main-d’œuvre, mais aussi sur les salariés peu ou pas diplômés, dont l’emploi est intimement lié au coût du travail ? Plutôt que de décider d’une baisse des allégements, au risque de geler la révision des minima de branche, fruit du dialogue social, ne faudrait-il pas s’attaquer aux trappes à inactivité et aux effets de seuil, qui peuvent inciter les personnes à temps partiel à refuser de travailler à temps complet par peur de perdre des allocations ?

La situation appelle des réformes structurelles et une meilleure articulation des allègements avec les autres dispositifs, comme la prime d’activité et les bonifications d’allocations.

Cet article ne le propose pas, et il m’inquiète : en l’état, je propose d’y renoncer et d’en revoir les modalités.

Mme Katiana Levavasseur (RN). Le Gouvernement s’apprête à commettre une erreur majeure : en réformant les dispositifs d’allégement des charges patronales, il menace directement les entreprises et l’emploi et, par conséquent, les salariés eux-mêmes. Les entreprises de services, qui créent des emplois dans tout le territoire, seraient en première ligne, car elles proposent principalement des emplois peu qualifiés, dont le maintien dépend essentiellement du coût du travail. Nombre d’entre elles sont déjà étouffées par l’inflation : alors que les salaires et charges représentent jusqu’à 60 % de leur chiffre d’affaires, comment pourraient-elles survivre à une augmentation du coût du travail ?

L’adoption de cet article entraînerait des destructions d’emploi en cascade, fragilisant encore davantage notre économie et emportant des conséquences désastreuses pour les salariés, en particulier les plus vulnérables. Nous ne pouvons accepter ce coup de massue sur l’emploi et demandons donc la suppression de cet article.

M. Charles Rodwell (EPR). Effectivement, une telle hausse des cotisations ne serait pas sans conséquences majeures sur l’emploi et l’activité économique des très petites entreprises (TPE), petites et moyennes entreprises (PME) et entreprises de taille intermédiaire (ETI). Or, la baisse des cotisations salariales et patronales que nous appliquons depuis sept ans a permis de créer 2 700 000 emplois. Nous proposons donc de supprimer cet article.

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Nous souscrivions aux propositions du rapport Bozio-Wasmer, mais la manière dont elles ont été traduites dans le texte pose plusieurs problèmes.

Pour les artisans et patrons de PME, le coût du travail est le premier critère d’embauche : l’augmenter en faisant disparaître des allégements de charges, c’est donc risquer d’augmenter le chômage – c’est du bon sens.

En outre, augmenter l’écart entre le salaire brut et le salaire net aurait un impact sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Aujourd’hui, le montant moyen des prélèvements obligatoires en France est supérieur de 10 points à celui de l’Organisation de coopération et de développement économiques : cela représente pas moins de 300 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires ! Certes, ceux-ci abondent notre modèle redistributif, et c’est une bonne chose, mais veillons à ne pas en rajouter indéfiniment.

Enfin, contrairement à la surtaxe exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés, qui n’est prévue que pour deux ans, cette baisse des exonérations serait pérenne : c’est un très mauvais signal envoyé aux entreprises.

Mme Annie Vidal (EPR). Dans l’optique de favoriser l’emploi et de lutter contre le chômage de masse, nous avons défendu, depuis 2017, un certain nombre de réformes, comme la baisse des charges sociales : elles ont permis de stimuler l’embauche, de renforcer la compétitivité des entreprises, et d’abaisser le taux de chômage à 7,3 %, son plus bas niveau depuis 1982.

Renoncer à ces exonérations de charges risque d’inverser la dynamique de reprise de l’emploi de ces dernières années et d’aggraver les difficultés d’accès à l’emploi, en particulier pour les plus vulnérables. À terme, l’augmentation des charges pourrait même conduire à une hausse du chômage, affectant à la fois la compétitivité des entreprises et la dépense publique. Il faut donc supprimer cet article.

M. Yannick Neuder, rapporteur général. En hausse de 20 milliards d’euros depuis 2020, les allégements généraux de cotisations représentent aujourd’hui 80 milliards d’euros par an. Or, si nous ne faisons rien, le déficit de la sécurité sociale dépassera 28 milliards l’an prochain. Et une éventuelle abrogation de la réforme des retraites n’arrangerait rien, puisqu’elle entraînerait une perte supplémentaire de 3,5 milliards en 2025, qui atteindrait 16 milliards d’ici à 2032. En termes d’équilibre des comptes publics, le compte n’y est donc pas.

Mais, comme vous avez été nombreux à le souligner, une hausse des cotisations patronales aurait des conséquences importantes sur le coût du travail, la compétitivité des entreprises à l’échelle européenne et leur capacité à créer des emplois, en particulier dans les filières fragiles, comme les services à la personne.

Il faut donc trouver un compromis entre le rétablissement des comptes publics et un juste allégement des charges, pour permettre aux entreprises de continuer à créer des emplois faiblement qualifiés, tout en encourageant l’augmentation des salaires proches du Smic sans avoir recours à des heures supplémentaires. J’ai échangé avec le ministère du travail et Matignon et, pour l’heure, rien n’est tranché : réfléchissons collectivement à une réécriture de cet article en vue de la séance.

Avis favorable à ces amendements de suppression.

M. Jérôme Guedj (SOC). Ah, le bel éclatement du socle commun que voilà ! Aidé par les députés d’Ensemble pour la République, de la Droite Républicaine et du Rassemblement national, le rapporteur général, élu avec le soutien du socle commun, vient de torpiller une proposition gouvernementale que la gauche s’apprête à soutenir, du moins dans l’intention et une partie de ses modalités.

C’est pourtant le fruit du travail engagé par Elisabeth Borne, suite au rapport que j’ai commis avec Marc Ferracci dans le cadre de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss) – le premier à remettre en question l’ampleur des exonérations de cotisations sociales. Elle avait confié aux économistes Antoine Bozio et Etienne Wasmer une mission visant notamment à identifier les marges de manœuvre pour sortir de la sacro-sainte doxa qui, depuis 1993, a conduit la droite comme la gauche à empiler ces mesures sans en évaluer l’efficacité sur l’emploi et la compétitivité – je pense notamment au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), instauré en 2014. Tous les rapports ne se valent pas, mais si vous ne l’avez pas encore fait, je vous invite vivement à lire celui-là.

Et au moment où l’on remet enfin en question cette politique, on nous oppose l’argument paresseux du coût du travail !

M. Hendrik Davi (EcoS). La situation est surprenante : contre toute attente, c’est le Nouveau Front populaire qui soutiendra la proposition du Gouvernement face aux députés des groupes RN, EPR, et DR !

Au-delà de la question du volume des exonérations, sur laquelle je reviendrai, le modèle doit nous interroger. Les exonérations de cotisations, qui se sont multipliées au fil des années pour atteindre 80 milliards cette année, n’ont pas d’effet positif avéré sur l’emploi et la compétitivité : dans les années 1990, au début des politiques d’exonération, le pays connaissait un excédent commercial, mais aujourd’hui, le déficit commercial est abyssal. Concentrées sur les salaires proches du Smic, elles ont poussé l’ensemble du salariat français vers ce niveau de rémunération, au détriment de l’augmentation salariale, moins intéressante financièrement pour les chefs d’entreprise. C’est un vrai problème, car cela représente un manque à gagner pour salariés, mais aussi pour la sécurité sociale.

De nombreux amendements tendent à proposer d’autres modèles : plutôt que de supprimer cet article, débattons-en et voyons comment le réécrire.

M. Nicolas Turquois (Dem). En tant qu’employeur, mon premier objectif est de trouver un employé compétent. Le coût du travail est un critère important, mais il n’arrive qu’en seconde position.

Le système actuel est une trappe à bas salaires ; il doit être réformé, notamment pour être plus progressif. L’augmentation régulière du Smic du fait de l’inflation a alimenté l’emballement de notre modèle : plus le chômage diminue, plus le montant des exonérations est faramineux ! Les pays qui créent de l’emploi récupèrent normalement plus de cotisations.

Si nous supprimons l’article, nous nous privons d’une réflexion sur la réforme du système, pourtant fondamentale pour le bien de notre économie et le financement de la sécurité sociale. Je suis donc partagé.

M. Thibault Bazin (DR). Le système d’allégement de charges présente d’indéniables effets de seuil. Mais faut-il l’améliorer à coût constant pour les finances publiques, ou accepter une augmentation du coût du travail ? Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) retient cette deuxième option, mais elle est incompatible avec notre ADN politique.

Monsieur Guedj, vous semblez surpris qu’on dépose des amendements pour corriger le PLFSS, mais nous ne prenons personne en traître : le Premier ministre lui-même a reconnu que le texte avait été préparé dans un temps très contraint et qu’il attendait des parlementaires – y compris ceux du socle commun – qu’ils l’améliorent ! Pour notre part, nous souhaitons à tout prix préserver les emplois dans notre pays.

Par ailleurs, nous sommes plusieurs à défendre un meilleur partage de la valeur. Or le système actuel s’articule mal avec les mesures que nous avions prises en faveur du pouvoir d’achat, comme la prime de partage de la valeur, qui n’est pas prise en compte. Soyons prudents et n’oublions pas que les ingrédients qui ont abouti à la crise des gilets jaunes sont toujours réunis : en multipliant les atteintes à ces dispositifs, on prend une lourde responsabilité.

Le dispositif est perfectible, prenons le temps de l’améliorer – tel est le sens des amendements de suppression.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Ah si, monsieur Bazin : quand on fait 5 % et qu’on finit à Matignon, on prend tout le monde en traître !

M. Thibault Bazin (DR). On a fait 10 % aux législatives !

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Toutes mes félicitations, mais l’aboutissement reste douteux ! Toujours est-il que nous voilà dans le même camp que Bercy : la situation est inédite.

Nous nous accordons tous sur le fait que les exonérations nous coûtent très cher. Pour y remédier, le plus pertinent me semble de s’interroger sur leur coût par emploi. Les économistes Clément Carbonnier, Bruno Palier et Michaël Zemmour ont montré que les exonérations générales de cotisations patronales s’élèvent à plusieurs dizaines de milliers d’euros par an et par emploi qu’elles auraient prétendument permis de créer ou de maintenir ; elles atteindraient 200 000 euros pour les emplois au-delà de 1,35 Smic dans les secteurs à forte intensité de main-d’œuvre. On ne peut pas dire que le système soit très performant !

Oui, il est possible, avec ces fonds, de créer plus d’emplois, de meilleure qualité, sans rogner sur la protection sociale, ce qui n’a jamais constitué un gain de pouvoir d’achat pour les ménages. La désocialisation des dépenses quotidiennes en matière de santé ou de vieillesse ne fait que pousser les gens vers le marché privé, ce qui leur coûte toujours plus cher.

Les exonérations coûtent cher, mais la désocialisation des dépenses plus encore : ces amendements de la droite ne feront que nous faire perdre encore plus d’argent, alors c’est non !

M. Olivier Fayssat (UDR). Je note que M. Guedj a fortuitement oublié l’UDR de la liste des formations qui soutiennent la suppression de l’article, mais je ne le prends pas personnellement...

La hausse des charges prévues dans cet article est à la fois un obstacle à la revalorisation des bas salaires et un frein pour la croissance. Nous soutenons donc sa suppression.

M. Philippe Vigier (Dem). Appartenir au socle commun n’empêche pas d’avoir parfois des opinions différentes, monsieur Guedj ! Vous connaissez ça, au NFP.

Nous respectons la position de nos collègues du socle commun, mais nous proposons un chemin différent, qui rejoint un peu celui du rapporteur général.

Le consensus économique nous dit que pour les salaires compris entre 2,5 et 3,5 Smic, les exonérations de charges ont un effet très faible. Nous préconisons donc plutôt de maintenir les exonérations pour les emplois jusqu’à 2,1 Smic, soit 3 700 euros bruts, où leur effet est maximal, et de les diminuer drastiquement au-delà. Cela permettrait de préserver les emplois dans les services à la personne – rarement payés plus de 3 700 euros bruts, vous me l’accorderez – tout en réalisant une économie de 8 milliards d’euros que l’on pourra réinjecter pour améliorer la compétitivité. D’un point de vue économique, cela nous paraît plus judicieux que de supprimer le dispositif.

Mme Stéphanie Rist (EPR). Le groupe Ensemble pour la République soutient résolument la trajectoire de réduction du déficit public voulue par le Premier ministre, mais l’emploi ne saurait être une variable d’ajustement. Nous avons certes besoin de réaliser des économies, mais nous avons également besoin de créer de la valeur. Or les 5 milliards d’économies prévues à cet article ne reposent que sur les entreprises.

Dans la ligne du rapport Bozio-Wasmer, nous souhaitons inciter à davantage de progression salariale mais à coût constant, à travers une meilleure répartition des charges – nous avons d’ailleurs déposé un amendement en ce sens. Nous sommes donc favorables à la suppression de l’article.

M. Yannick Monnet (GDR). On peut avoir des approches différentes ; ce qui me surprend, c’est de refuser d’en débattre.

Hier, le rapporteur général a argué qu’adopter nos amendements de l’article liminaire et des articles 1er et 2 nous priverait du débat : j’ai entendu son argument, et nous ne redéposerons donc pas ces amendements en séance.

Dans la même logique, je vous invite à ne pas supprimer l’article 6 : nous consentons actuellement 80 milliards d’exonérations sans aucune contrepartie – voyez l’exemple de Sanofi, qui a récupéré 2 milliards ! C’est un problème. Il faut que nous puissions débattre de ces choix économiques.

J’ai bien compris que vous étiez contre l’impôt, qui est pourtant le seul moyen de répartir la richesse, ce dont nous avons cruellement besoin aujourd’hui. Mais on parle là d’exonérations, c’est un peu différent ! Si vous refusez tant de débattre, c’est peut-être que vous voulez cacher des éléments aux parlementaires et à nos concitoyens.

M. le rapporteur général. Hier, j’ai surtout indiqué que la suppression de l’article liminaire et des articles 1er et 2 rendaient le dispositif inconstitutionnel.

Par ailleurs, nous allions, certes, nous priver d’un débat, mais il portait sur des dépenses et des recettes déjà réalisées, puisque l’article 1er concerne les tableaux d’équilibre et l’article 2 l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) rectificatif pour l’année 2024. Il n’en est pas de même avec cet article. Le rapport Bozio-Wasmer, cité par M. Guedj, comporte ainsi deux hypothèses, et celle du coût constant n’a pas été retenue dans le présent PLFSS.

Enfin, le budget de l’État a besoin des 4 milliards d’euros en jeu. La question que nous devons nous poser est de savoir si nous sommes capables de réduire d’autant les dépenses, mais sans toucher à la compétitivité des entreprises. Essayons de voir d’ici à la séance, tous groupes politiques confondus, s’il est possible de faire des propositions en ce sens. C’est dans cette perspective que j’ai émis un avis favorable.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 6 est supprimé et les amendements AS769 de M. Jiovanny William, AS1188 de M. Thibault Bazin, AS1391 de M. David Amiel, AS689, AS1572 et AS1190 de M. Thibault Bazin, AS447 de M. Laurent Panifous, AS530 de M. Yannick Monnet, AS839 de Mme MarieCharlotte Garin, AS519 de M. Yannick Monnet, AS917 de M. Damien Maudet, AS664 de M. Thibault Bazin, AS725 de Mme Sylvie Bonnet, AS916 de Mme Danielle Brulebois, AS1024 de M. Vincent Rolland, AS1250 de M. Nicolas Ray, AS246 de M. Thibault Bazin, AS862 de Mme Danielle Brulebois, AS888 de M. Bertrand Sorre, AS8 de M. Jérôme Guedj, AS794 de Mme Élise Leboucher, AS791 de M. Damien Maudet, AS792 de Mme Zahia Hamdane, AS793 de M. Hadrien Clouet, AS795 de M. Damien Maudet, AS801 de M. Hadrien Clouet, AS667 de M. Thibault Bazin, AS928 de Mme Danielle Brulebois, AS1034 de M. Vincent Rolland, AS1515 de M. Nicolas Ray, AS726 de Mme Sylvie Bonnet, AS1571 de M. Thibault Bazin, AS1260 et AS744 de M. Philippe Vigier, AS529 de M. Yannick Monnet, AS982 de M. Hendrik Davi, AS889 de M. Damien Maudet, AS81 de M. Jérôme Guedj, AS531 de M. Yannick Monnet, AS101 de M. Jérôme Guedj, AS551 de Mme Karine Lebon, AS1316 de Mme Annie Vidal, AS838 de Mme MarieCharlotte Garin, AS547 de Mme Karine Lebon, AS66 de M. Jérôme Guedj, AS532 de Mme Karine Lebon, AS7 de M. Jérôme Guedj, AS308 de M. Sacha Houlié, AS528 de M. Yannick Monnet, AS1116 de M. Laurent Panifous, AS1041 de M. Louis Boyard, AS1195 de M. Hadrien Clouet, AS244 de M. Thibault Bazin, AS856 de Mme Danielle Brulebois, AS880 de M. Bertrand Sorre, AS520 de Mme Karine Lebon, AS95 de M. Jérôme Guedj, AS891 de Mme Élise Leboucher, AS27 de M. Jérôme Guedj, AS309 de M. Sacha Houlié, AS1282 de M. Laurent Panifous, AS918 de Mme Élise Leboucher, AS1570 de M. Thibault Bazin, AS9 de M. Jérôme Guedj, AS915 de M. Hadrien Clouet, AS1203 de M. Thibault Bazin, AS1390 de M. Mathieu Lefèvre, AS297 de M. Max Mathiasin, AS343 de M. Philippe Naillet, AS657 de M. Thibault Bazin, AS1433 de M. Frantz Gumbs et AS1088 de M. Frédéric Maillot tombent.

Après l’article 6

Amendement AS102 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). Alors que nous sommes censés travailler dans une logique de coconstruction, les amendements de suppression qui viennent d’être adoptés nous empêchent de nous renifler mutuellement pour voir quel pourrait être le bon compromis. Ce n’est pas une bonne manière d’avancer.

Mon amendement vise à pointer ce qui peut sembler une aberration : pour calculer le montant des allégements généraux, on se réfère au niveau du Smic dans toutes les branches, mais les minima conventionnels sont inférieurs dans certaines d’entre elles, et cet écart n’incite pas à corriger la situation. Nous proposons donc de décliner des déclarations récentes, l’une formulée par Astrid Panosyan-Bouvet avant qu’elle ne devienne ministre du travail et l’autre par Olivier Dussopt à l’époque où il était ministre du travail, pour exercer une sorte de pression sur les branches concernées : les allégements n’y seront plus calculés en fonction du Smic, mais selon le niveau de leurs minima conventionnels, ce qui paraît logique.

M. le rapporteur général. Nous revenons au débat sur la conditionnalité des allégements généraux. Ce que vous proposez mérite probablement d’être étudié, mais on risque d’aboutir à une pénalisation des entreprises vertueuses qui subiraient les conséquences d’un défaut de négociation conventionnelle dont elles ne seraient pas responsables.

Avis défavorable.

M. Yannick Monnet (GDR). Je reviens sur la suppression de l’article 6. Vous nous avez dit grosso modo qu’il faudrait trouver, sous prétexte de compétitivité, 5 milliards d’euros d’économies sur les dépenses de santé. Vous faites porter cette charge sur les assurés sociaux, ce qui n’est pas un acte politique anodin.

M. Laurent Panifous (LIOT). Je soutiens l’amendement de Jérôme Guedj : il n’est pas acceptable que les minima conventionnels soient inférieurs au Smic. Cela conduit à un réel manque à gagner pour les salariés : nombre de primes, notamment celles à l’ancienneté, sont fondées non sur le salaire réel, mais sur le minimum conventionnel. Sans que ce soit la volonté des employeurs, que je soutiens de façon générale, cela constitue une perte de chance pour les salariés. Si on ne met pas la pression sur les branches, il n’y aura jamais de rattrapage rapide.

À titre de parenthèse, j’ai détesté la fronde sous Hollande, mais j’apprécie celle sous le gouvernement Barnier !

Mme Stéphanie Rist (EPR). Nous voterons cet amendement d’appel concernant les branches qui n’ont pas encore réussi à porter les salaires au niveau du Smic.

M. Thibault Bazin (DR). La question a été expertisée au sein de notre commission, dans le cadre d’un rapport : nous étions tous scandalisés que les grilles salariales n’aient pas évolué, et mon groupe se joindra donc au combat commun.

Si nous voulons vraiment que le travail soit fait, il ne doit pas être percuté par les effets de l’article 6 : le renchérissement des coûts à 1 Smic rendrait plus compliqué le dialogue social dans les secteurs en question. Nous souhaitons une approche globale. Il faut bien sûr mettre la pression et la nouvelle ministre devra assurer un suivi, mais la suppression de l’article 6 crée des conditions favorables à une évolution.

M. le rapporteur général. C’est tout de même un raccourci de dire que l’adoption des amendements précédents nécessitera de trouver 5 milliards d’euros de plus. Je redis qu’un effort de 60 milliards est globalement prévu, dont 40 milliards pour les dépenses et 20 milliards en matière de recettes.

Si j’ai initialement émis un avis défavorable au présent amendement, c’était surtout sur la base du rapport que vous avez vous-même remis, monsieur Guedj, avec Marc Ferracci. Vous y expliquiez qu’une telle mesure risquait d’être préjudiciable à la qualité des négociations de branche dans la mesure où elle inciterait les partenaires sociaux à privilégier la conclusion rapide d’un accord, même peu satisfaisant à certains égards, plutôt que la qualité de la négociation. Si tout le monde est favorable à la mesure, malgré le rapport de M. Guedj, je veux bien émettre un avis favorable, dans la perspective d’un travail plus global.

La commission adopte l’amendement.

Amendements AS786 de M. Damien Maudet, AS94 de Mme Océane Godard, AS1517 de M. Hendrik Davi, amendements identiques AS97 de M. Jérôme Guedj, AS517 de M. Yannick Monnet et AS682 de Mme Justine Gruet, amendement AS785 de Mme Élise Leboucher (discussion commune)

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). L’amendement AS786 vise à rétablir une règle essentielle qui avait été instaurée par Mme Veil dans le cadre de la loi de 1994 relative à la sécurité sociale, à savoir la compensation systématique et intégrale de chaque exonération de cotisations sociales. Lorsque vous réduisez des cotisations et donc le financement de la sécurité sociale, en l’absence de compensation, cela signifie de l’aide en moins pour nos concitoyens et nos concitoyennes sur le plan médical, social ou familial, tout cela pour faire, la plupart du temps, des cadeaux à des entreprises qui n’en ont pas forcément besoin. Par principe, si l’État décide des exonérations, il doit les compenser systématiquement à l’euro près.

Mme Océane Godard (SOC). Mon groupe propose que la création de tout nouveau dispositif d’exonération de cotisations sociales s’accompagne de la suppression de mesures existantes pour un montant équivalent. Par ailleurs, je rappelle que certaines exonérations de cotisations sociales n’ont pas prouvé leur efficacité en matière d’activité économique : il convient de ne pas les multiplier sans mesurer leur impact. Plus généralement, notre amendement permettra de dégager des ressources pour financer notre système de retraites et compenser l’abrogation des mesures de report de l’âge légal et d’accélération du calendrier de la hausse de la durée de cotisations.

M. Hendrik Davi (EcoS). Je persiste à dire que la suppression de l’article 6 prive de 5 milliards d’euros les patients, les hôpitaux et l’ensemble de notre système de santé. Vous expliquerez aux infirmières, aux aides-soignants et aux médecins qu’il faudra 5 milliards d’euros de dépenses en moins – bon courage !

Notre amendement tend à instaurer un principe de compensation systématique et intégral de toute nouvelle exonération de cotisations sociales : il faudra supprimer, dans les mêmes proportions, un dispositif d’exonération existant, afin d’enrayer la mécanique actuelle. On entend une petite musique selon laquelle les exonérations seraient bonnes pour l’employeur, l’employé et l’économie, mais ce que l’employeur ne paie plus est en réalité à la charge du salarié, par le biais de sa complémentaire. On le constate : comme 1 milliard d’euros ne seront plus pris en charge par la sécurité sociale, nous a dit la ministre, les complémentaires, qui vont prendre le relais, ont déjà annoncé une hausse de 7 % de leurs tarifs. Et si une dépense n’est pas payée par les assurés dans le cadre des complémentaires, elle le sera par de la contribution sociale généralisée (CSG). Vous mentez aux salariés : les patrons profitent des exonérations et, à la fin, ce sont les salariés qui paient plus cher.

Notre amendement de repli vise à limiter l’aggravation de la situation grâce à un mécanisme de régulation relativement modeste.

M. Jérôme Guedj (SOC). Je vous propose également de sanctuariser le principe de la compensation de toute exonération de cotisations. Ceux qui sont arc-boutés sur la trajectoire des finances publiques ne nous donnent pas un début de commencement de solution pour répercuter la perte de 5 milliards d’euros de recettes dans le budget de la sécurité sociale qui résulte de la suppression de l’article 6. Or il faudrait être un peu cohérent. Les Mozart de la finance vont-ils simplement laisser filer le déficit de 5 milliards ? Quand nous proposons, de notre côté, de créer une recette nouvelle, nous vous disons ce qu’elle doit financer – les établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ou le maintien du ticket modérateur à son niveau actuel.

M. Yannick Monnet (GDR). Nos collègues refusent de discuter des exonérations car ils considèrent que ce serait attentatoire à la compétitivité. On connaît la politique menée depuis quelques années : la compétitivité devrait permettre aux entreprises de créer de l’emploi, sans quoi elle ne servirait pas à grand-chose. Mais savez-vous quelle a été l’évolution des créations nettes d’emploi depuis trois ans ? En 2021, 700 000 emplois ont été créés, puis 350 000 en 2022 et 250 000 en 2023. La création d’emploi s’est effondrée : votre politique de compétitivité est totalement inefficace, et en plus vous amputez la sécurité sociale de 5 milliards.

Mme Justine Gruet (DR). L’amendement AS682 est d’inspiration différente, puisqu’il repose sur la culture de l’évaluation et de la simplification. Nous devons diminuer les dépenses publiques, notamment sociales, grâce à une plus grande rationalité en matière de fonctionnement – l’argent public doit permettre de rendre le service pour lequel il est fléché –, et grâce à des efforts réalisés par tous – je pense notamment à une révision des contours de l’AME (aide médicale de l’État) en cas d’augmentation du ticket modérateur. Il faut trouver un subtil équilibre entre diminution des dépenses et augmentation des recettes pour envoyer le bon signal, à l’image de ce que fait la règle d’or des collectivités locales.

Si nous diminuons les dépenses en augmentant les recettes, nous arriverons plus facilement à un équilibre. C’est compliqué dans le cadre d’un budget subi, car construit dans un temps contraint, mais nous devons donner ce type de visibilité aussi bien pour notre système de financement de la sécurité sociale que pour le budget de l’État.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Vous êtes les Picsou de la sécurité sociale – vous avez réussi à piquer 5 milliards d’euros sans fixer le moindre objectif de politique publique. Vous souhaitez en réalité laisser cet argent dans les poches où il se trouve plutôt que de le placer sous un contrôle collectif, au profit de la mutualisation des risques. Nous voulons vous empêcher de recommencer en posant un principe de non-prolifération.

Un tel principe existe en matière de défense, mais nous en avons aussi besoin pour la sécurité sociale : vous inventez tous les ans de nouvelles exonérations, pour un coût de 90 milliards à l’heure actuelle. Vous vous demandez toujours comment saigner les gens de 1 ou 2 milliards supplémentaires, en déremboursant des médicaments, en diminuant les indemnités journalières ou en gelant les pensions de vieillesse. La prolifération des exonérations nous a conduits à une situation dans laquelle seulement 49 % des recettes de la sécurité sociale sont issues des cotisations, ce qui n’est pas une bonne chose parce que cela conduit à mobiliser des impôts injustes, comme la TVA et d’autres contributions qui ne sont pas réparties de façon équitable en fonction des capacités contributives.

Notre amendement AS785 vous demande, lorsque vous ferez un cadeau, c’est-à-dire une exonération de cotisations sociales pour un acteur économique, de revenir sur un autre cadeau. Ce ne sera plus Noël tous les jours : vous ne pourrez plus retirer 5 milliards d’euros à la sécurité sociale sur un coup de tête.

M. le rapporteur général. Votre raccourci est trop rapide : il s’agit de se laisser du temps pour voir ce que nous faisons des allégements généraux sans pénaliser les entreprises et sans casser l’emploi, mais en trouvant 5 milliards d’euros d’économies globales ! Quand vous souhaitez abroger la réforme des retraites, pour un coût de 16 milliards à l’horizon 2030, nous ne disons pas que vous cherchez économiser 3,5 milliards sur l’Ondam de l’hôpital en 2025. Ne jouons pas avec ce genre d’arguments qui polluent le débat.

Les exonérations concernant les heures supplémentaires sont non compensées à hauteur de 2 milliards depuis 2019 – M. Guedj l’a rappelé hier, me semble-t-il. En dehors de cette question, la non-compensation s’élève à 0,3 milliard.

Votre principe de compensation repose sur la suppression d’anciennes exonérations, mais on peut procéder autrement, par exemple par des recettes fiscales. Je ne dis pas qu’il n’est pas nécessaire de compenser, mais que votre amendement nous priverait d’autres solutions pour le faire. Par ailleurs, rien n’empêchera par la suite le législateur de revenir sur ce que vous prévoyez.

Avis défavorable.

M. Nicolas Turquois (Dem). S’agissant de l’article 6, il n’était pas question de renoncer à 5 milliards d’euros. Le rapporteur général a dit, compte tenu du débat, que nous pourrions peut-être construire quelque chose ensemble, et je compte sur cette promesse. Le système actuel suscite des trappes à bas salaires et des exonérations de cotisations exponentielles.

J’entends l’argument selon lequel il faudrait tout compenser, mais le premier combat à mener pour avoir plus de recettes et moins de dépenses concerne le chômage : plus il est faible, moins les dépenses sont élevées et plus les cotisations sont importantes. Il faut associer le combat contre le chômage à un système de réduction de charges qui n’ait pas les mêmes effets. On maintient les salariés dans des zones proches du Smic alors qu’il faudrait au contraire favoriser les évolutions salariales. Monsieur le rapporteur général, nous devons travailler d’ici à la séance sur la façon de trouver un équilibre entre l’objectif de compétitivité et les conséquences des exonérations de charges.

 

M. Thibault Bazin (DR). Nous avons tous intérêt à tenir un discours cohérent et responsable, de manière à éviter une lecture biaisée. Que M. Guedj, qui estime que nous ne proposons aucune piste, regarde tous nos amendements ; certains ne lui plairont peut-être pas, mais nous y formulons indéniablement des propositions qui permettent de récupérer des fonds.

Nous le disons franchement : nous préférons baisser des dépenses inefficaces et injustes qu’augmenter les taxes et impôts. Il y a 5,5 milliards d’euros d’indus pour la branche famille – ce n’est pas moi qui le dis, c’est la Cour des comptes –, 75 millions de cartes Vitale en circulation alors que nous ne sommes pas 75 millions d’ayants droit, 2,2 milliards à récupérer dans le secteur de l’autoentrepreneuriat du fait de fraudes. Quant à la branche vieillesse, dont les recettes représentent 272,5 milliards contre 232,8 milliards pour la branche maladie – mais vous ne parlez que des hôpitaux –, des pensions sont versées à l’étranger pour des personnes décédées depuis bien longtemps. La réforme de l’indemnisation du chômage, c’est 6 milliards ; le système unifié de prestations sociales que nous souhaitons, 2 milliards. Il faut aussi lutter contre le scandale des arrêts maladie frauduleux qu’on obtient en un clic sur internet. C’est une question de justice.

Bref, des idées, nous n’en manquons pas. C’est dans ces domaines que nous devons investir notre énergie, plutôt qu’à taxer encore et encore – apparemment la seule recette aux yeux de certains.

M. Philippe Vigier (Dem). Moins il y a de chômage, plus il y a de cotisations sociales qui rentrent et plus on s’approche de l’équilibre. Sur ce point, nous sommes tous d’accord, comme sur la nécessité de créer de la compétitivité.

Il est dommage que l’article 6 ait été supprimé, car nous formulions dans les amendements des propositions très précises et soigneusement calculées. Mon but est d’améliorer la productivité et les leviers offerts aux entreprises par l’intermédiaire des exonérations de charges, tout en faisant des économies afin de redéployer les montants ainsi récupérés.

Vous applaudissez le fait que l’on se prive de 5 milliards d’euros. La suppression de la réforme de l’assurance chômage entre les deux tours des législatives n’était pas la meilleure des initiatives – rappelons qu’en Allemagne, il faut douze mois de travail pour prétendre à l’indemnisation. J’espère que vous aurez la même exigence quand nous examinerons les crédits de France Travail. Quand le taux de chômage tombe à 7,2 %, c’est que les chômeurs sont très éloignés de l’emploi et qu’il leur faut un accompagnement individuel ; mais vous verrez qu’on mettra moins et qu’il en résultera une augmentation du nombre de chômeurs.

Je vous donne rendez-vous pour que nous débattions de tout cela de manière approfondie. Mais si les choses se passent de la même façon dans l’hémicycle, le débat sera tronqué. Je vous mets en garde. Chacun prendra ses responsabilités.

M. Yannick Monnet (GDR). Thibault Bazin a bien énoncé les termes du débat : il y a un vrai désaccord entre ceux qui pensent que l’on peut encore restreindre les dépenses de santé et ceux qui comme nous, estiment que l’on est à l’os dans ce domaine. Vous préférez renoncer à 5 milliards d’euros d’exonérations – sur 80 ! – plutôt que vous préoccuper des vrais besoins de la population. Ce qui nous oppose, c’est la théorie du ruissellement défendue par le Président de la République depuis le début de son premier mandat : pour nous, elle ne fonctionne pas, surtout en matière de santé. On n’a cessé de réduire les dépenses de santé et les gens n’ont jamais eu autant de mal à se soigner. Ce que nous voulons, c’est sanctuariser des moyens dans ce domaine.

Quant aux recettes, monsieur le rapporteur général, nous n’avons cessé d’en proposer de nouvelles depuis le début de la discussion. Un amendement en particulier aurait permis de financer la suppression de la réforme des retraites. Ne nous faites donc pas ce procès. Dans ce débat, la gauche se montre responsable s’agissant des finances publiques.

M. Stéphane Viry (LIOT). Nous sommes ici au cœur d’un modèle qui, depuis plusieurs années, conduit à réduire le champ de la protection sociale des Français au nom de la compétitivité de nos entreprises et de notre économie. Le PLFSS doit-il être un outil d’ajustement de notre compétitivité ou un moyen de protéger les Français en donnant les moyens de répondre à leurs besoins ?

De ce point de vue, les amendements en discussion sont éminemment politiques. Ils nous placent face au choix que nous éludons les uns et les autres depuis des années. J’en remercie leurs auteurs – qui viennent de tous les bords politiques, ce qui confirme que nous sommes au bout d’un système.

La loi Veil de 1994 a tenté de sanctuariser la protection sociale des Français. On ne dépense pas l’argent que l’on n’a pas, on ne tape pas dans les réserves, on n’ampute pas des recettes : l’argent de la protection sociale doit servir à répondre aux besoins sanitaires et médico-sociaux des Français.

Nous n’aurons pas de bonne solution ce soir. M. le rapporteur général nous invite à revoir la copie ; les auteurs des amendements veulent faire sauter le machin. Je suis très embarrassé pour voter. En tout cas, je le répète, le système de financement est en bout de course et il est grand temps de faire autrement si nous voulons répondre aux besoins de sécurité sanitaire et médicale des Français. Je suis enclin à accorder le bénéfice du doute aux amendements, pour faire bouger les lignes, même si je comprends la position du rapporteur général.

Mme Stéphanie Rist (EPR). En effet, nous sommes au bout d’un système ; en témoigne la dette sociale à gérer dans les années qui viennent. Toutefois, dans ce modèle fondé sur l’emploi, les exonérations ne sont pas des cadeaux pour les entreprises, mais permettent d’améliorer le taux d’emploi, qui assure notre protection par l’intermédiaire des cotisations.

Monsieur Monnet, vous ne pouvez pas dire que nous avons réduit les dépenses de santé alors qu’elles ont augmenté de 56 milliards d’euros – sur un budget de 256 milliards. Nous n’avons pas le même point de vue : vous voulez arrêter l’activité des entreprises, nous souhaitons les aider à créer de l’emploi pour créer de la richesse et renforcer ainsi la protection.

M. Hendrik Davi (EcoS). Les cotisations sont un salaire différé, payé par les salariés et par les patrons, mis en commun dans des caisses pour gérer les risques. C’est ainsi que le système a été pensé après la guerre. Il ne s’agit donc pas vraiment de notre argent ni de celui de l’État. Ainsi, ne pas compenser, c’est rompre un contrat moral avec les salariés et les patrons qui ont cotisé. Voilà pourquoi il est essentiel d’inscrire le principe de la compensation dans la loi.

Monsieur le rapporteur général, je n’ai pas compris votre argument technique à ce sujet.

Nous voulons discuter des recettes, raison pour laquelle nous souhaitions examiner l’article 6. J’avais déposé un amendement qui tendait à lisser les exonérations de cotisations sociales pour éviter les paliers. On sait – même nos collègues du groupe Les Démocrates le reconnaissent – qu’elles n’ont pas d’effets positifs concernant les très hauts salaires : quand on recrute un ingénieur très qualifié, c’est qu’on a besoin de cette qualification et on ne se préoccupe pas de l’exonération. Cet amendement aurait permis de récupérer 13 milliards d’euros.

Je veux bien discuter aussi des dépenses. Il est vrai qu’on est à l’os dans certains domaines ; mais d’autres, non justifiées, peuvent être revues. Les prix de certains médicaments sont inadmissibles, totalement décorrélés de la recherche et développement. Les psychiatres nous alertent au sujet d’un nouveau marché : les cliniques psychiatriques privées. Dans notre modèle mixte, certains acteurs privés font beaucoup de profit.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). « Voulez-vous que le visage de la France passe de celui de Simone Veil à celui de Marine Le Pen ? », demandait Gabriel Attal. C’est un peu le résultat du vote dans lequel vous venez de joindre vos voix à celles du Rassemblement national.

Votre politique de l’offre a un bilan : elle a échoué. Réduire les dépenses à tout-va, augmenter le montant du ticket modérateur, faire des économies sur les retraités et sur le secteur de la petite enfance sont des erreurs. Dans ces domaines, les investissements stimulent l’économie, ce qui crée des emplois et fait rentrer des cotisations. Vous êtes incapables de le comprendre.

Il y a moins d’un an, on parlait de déconsommation ! Les revenus de la majorité des Français, vu l’inflation, ne leur permettent pas de faire les achats qui stimuleraient l’économie. À poursuivre les économies sur le peuple, c’est toute l’économie que vous êtes en train de faire chuter. Vos cadeaux, les grandes entreprises ne les investissent pas dans l’économie réelle.

Des élections législatives ont eu lieu – je sais que vous n’aimez pas les élections, mais nous sommes encore en démocratie – et ce qui en est ressorti était la nécessité d’une politique de la consommation populaire pour relancer l’économie. Les gens ont voté pour mettre fin à votre politique du ruissellement, qui ne fonctionne pas.

M. Michel Lauzzana (EPR). Le principe de compensation défendu dans les amendements supposerait une étanchéité entre le budget de l’État et celui de la sécurité sociale qui n’existe plus depuis longtemps. Si l’État n’équilibrait pas les comptes du régime de retraite – responsable de 44 % du déficit –, ce serait une catastrophe. Pourquoi ce fonctionnement serait-il à sens unique ?

Nous voulons stimuler l’emploi et les petites entreprises – M. Boyard fait erreur en parlant des grandes entreprises : 90 % des entreprises françaises sont des PME. Et c’est ce que nous avons fait depuis 2017, pour davantage de cotisations sociales.

Mme Joëlle Mélin (RN). Le rapport d’information de MM. Guedj et Ferracci sur le contrôle de l’efficacité des exonérations de cotisations sociales le disait parfaitement, même si notre interprétation diffère : les allégements sur les salaires les plus faibles créent de véritables trappes à bas salaires dont ni l’employeur, qui veut profiter du maximum d’exonérations, ni le salarié, qui ne veut pas perdre des avantages connexes comme la prime d’activité, n’ont intérêt à sortir. Le problème est qu’en exonérant au maximum, on ne crée pas pour autant d’emplois. Et encore faut-il que les emplois créés, notamment dans les domaines en tension, soient occupés.

Malgré le nombre de demandeurs d’emploi, beaucoup d’employeurs doivent ainsi réduire leur activité ou y mettre fin. D’où – je vais faire hurler à gauche – l’appel à l’immigration. Il faut être très prudent : beaucoup de Français attendent de pouvoir travailler dans de bonnes conditions, en touchant un salaire digne en reconnaissance de leur peine, de leur savoir et de leur expérience ; mais la mauvaise utilisation des exonérations crée des situations bloquées.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). En effet, monsieur Lauzzana, il existe une porosité entre les recettes comme entre les dépenses de l’État et de la sécurité sociale. Mais la charge pèse davantage d’un côté que de l’autre, notamment depuis qu’en 2020 la dette covid a été transférée à la sécurité sociale alors qu’elle relevait de l’État, qui l’avait intégralement décidée et gérée. Ces 136 milliards ont considérablement aggravé le déséquilibre. La sécu supporte des dépenses à la place de l’État.

M. le rapporteur général. Monsieur Monnet, notre désaccord est fondamental. Vous proposez des recettes supplémentaires, mais il s’agit de taxes supplémentaires. Pour ma part, je suggère moins de dépenses.

Monsieur Davi, nous déplorons tous, comme vous, l’absence de compensation. Il existe d’autres modes de compensation que les crédits budgétaires – des recettes fiscales, par exemple. Par ailleurs, vous proposez une compensation mécanique, par un seul levier : la suppression d’une exonération, alors que celle-ci peut avoir des effets positifs qu’il faut évaluer. Je ne conteste donc pas le principe de l’amendement, mais il pourrait être mieux rédigé. Voilà pourquoi je vous propose de le retravailler en vue de la séance publique.

La commission adopte l’amendement AC786.

En conséquence, les autres amendements tombent.

Amendement AS111 de M. Jérôme Guedj

M. Jérôme Guedj (SOC). Cet amendement s’appuie non sur de la littérature gauchiste, mais sur le rapport de la Cour des comptes de mai 2024 relatif aux niches sociales des compléments de salaire. Ce type de rémunérations, qui bénéficient d’un traitement social dérogatoire, ont été récemment renforcées et on a tendance depuis 2018 à les substituer au salaire de base dans le but de se soustraire aux cotisations sociales, ce qui a réduit les recettes de la sécurité sociale et donc aggravé ses déficits. S’agissant des attributions gratuites d’actions et des stock-options, le montant auquel l’exonération s’applique est d’environ 4,7 milliards d’euros, ce qui prive la sécurité sociale d’environ 800 millions de recettes.

Vous ne pouvez pas m’objecter l’atteinte au pouvoir d’achat : je parle de personnes qui vont acheter un seul yacht au lieu de deux ! Je n’ai rien contre les riches, mais c’est de ce niveau de rémunération qu’il s’agit. Comment pouvez-vous ricaner quand je propose de dégager 800 millions d’euros de recettes ? Il suffit pour cela d’aligner les plafonds d’exemption des compléments de salaire de partage de la valeur sur ceux applicables à la prime de partage de la valeur, soit 6 000 euros par an et par bénéficiaire.

M. le rapporteur général. Nous sommes en pleine réflexion sur l’article 6 et nous ne savons pas quel en sera le résultat. Dans ces conditions, est-il opportun d’introduire des leviers dont nous ne mesurons pas la portée ? Ne dissuadons pas les entreprises de recourir à ces instruments de partage de la valeur, qui incluent la participation et l’intéressement. Je ne dis pas que l’idée n’est pas bonne, mais qu’il faudra tenir compte de ce à quoi aboutit la réécriture de l’article 6.

Je vous suggère donc le retrait, à défaut de quoi mon avis sera défavorable.

M. Hendrik Davi (EcoS). Moi, j’ai un petit problème avec les riches et je l’assume. J’ai même publié récemment dans Le Monde – un journal d’extrême gauche ! – une tribune montrant que l’austérité pour les riches, c’est bon pour la planète et pour le climat. L’empreinte écologique est parfaitement corrélée au niveau de revenu et décroche pour les plus hauts revenus – forcément, se balader en jet privé a un impact écologique problématique.

Les dividendes versés par les entreprises françaises atteignent des montants records : 70 milliards d’euros en 2022, 73 milliards en 2023 ; ils sont les plus élevés d’Europe au deuxième trimestre 2024. Comment ne pas remettre en question cette accumulation du capital et tenter de faire en sorte qu’elle contribue à notre système de santé et à l’ensemble de la gestion des risques ? Cet amendement va dans le bon sens.

Vous parlez beaucoup du coût du travail, mais quand on baisse les salaires, en réduisant soit le montant du salaire versé soit celui des cotisations – qui sont du salaire différé –, on est peut-être compétitifs, mais, surtout, on dégage beaucoup plus de plus-values. Chez Stellantis, les marges étaient de 5 % dans les années 2000 ; maintenant, dans toutes les grandes entreprises, on demande 20 % pour satisfaire les actionnaires. C’est une manne qui manque à notre sécurité sociale et à notre système de santé ; il est normal d’aller la récupérer.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous voterons l’amendement avec enthousiasme. Monsieur le rapporteur général, vous dites ne pas savoir ce que va devenir l’article 6 : voici un point de chute et un parachute ! Vous gagnerez ainsi du temps, puisque M. Barnier est très long à communiquer articles et documents, et de l’argent pour la sécurité sociale. C’est l’occasion de revenir sur la forfaiture que fut le vote sur l’article 6.

Il ne s’agit que de plafonner différentes formes de compléments de salaire, non de réduire le revenu de quiconque – ce que l’on pourrait par ailleurs assumer de faire à partir d’un certain niveau, pour une désinflation compétitive des riches. La proposition est très mesurée : au-delà d’un certain montant, on paye des cotisations. C’est quand même dingue de se demander si des gens qui touchent 6 000 euros de complément de salaire doivent contribuer un peu à la sécurité sociale !

M. Jérôme Guedj (SOC). Monsieur le rapporteur général, une question méthodologique : où et quand réécrirons-nous l’article 6 pour éviter qu’il ne soit également supprimé en séance sans discussion ? Je pensais naïvement que les quelque soixante-dix amendements qui y avaient été déposés allaient nous permettre, en nous reniflant les uns les autres, de trouver des points de convergence.

L’article 6 concerne les allégements généraux ; nous vous proposons ici des amendements relatifs à l’une des 141 exonérations ciblées – relisez les 447 pages de l’annexe 2 du projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale, plus particulièrement la fiche n° 65. Les distributions d’actions gratuites ou les stock-options servent à contourner les versements de cotisations sociales, d’autant que les taxes compensatoires initialement prévues se sont émoussées. Pour une entreprise, il est donc plus intéressant de rémunérer ses collaborateurs sous cette forme que sous celle d’un salaire, soumis à cotisations. Le problème, c’est que cela représente un énorme manque à gagner pour la sécurité sociale.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). C’est bien en commission, en public, que l’on réécrit les articles et que l’on se renifle, suivant l’expression de Jérôme Guedj ! Sinon, où et quand allons-nous le faire ? Dans le huis clos d’un bureau ? Alors même que vous sembliez plutôt d’accord avec l’amendement AS111, monsieur le rapporteur général, vous nous renvoyez à une commission des ténèbres. L’article 6 n’est pas n’importe quel article. Nous vivons déjà une période assez baroque d’un point de vue démocratique. Non seulement nous sommes sous la menace permanente d’un 49.3, non seulement ceux qui arrivent en tête aux élections n’obtiennent pas Matignon, mais ce n’est même plus en commission que l’on réécrit les annonces majeures du Premier ministre !

M. Thibault Bazin (DR). Il faut reconnaître à M. Guedj cohérence et constance dans la défense de son projet de ressources supplémentaires. Évitons tout de même de ne citer qu’une partie des propos du Premier ministre. Sa ligne est claire : un tiers de hausse de la fiscalité, deux tiers de baisse des dépenses publiques. Mais il a aussi dit que le Gouvernement avait eu peu de temps pour préparer le projet de loi de finances et le PLFSS, qu’ils étaient perfectibles et qu’il confiait au Parlement le soin de les amender. Nous essayons d’y arriver. S’il est nécessaire de corriger le système d’allégement des charges, faut-il le faire à coût constant ? Certains souhaitent récupérer ces 5 milliards d’euros ; ce n’est pas mon cas. Je vous ai fait une liste exhaustive des dépenses indues, relatives à la fraude notamment, en me fondant sur les chiffres de plusieurs rapports, dont ceux de la Cour des comptes. Ces injustices choquent bon nombre de nos concitoyens et nous sommes aussi là pour répondre à l’attente des Français.

Mme Annie Vidal (EPR). Vous remettez en cause, chers collègues, la suppression de l’article 6. Mais voter des amendements est aussi le rôle de la commission ! Chacun fera des propositions en responsabilité d’ici à l’examen en séance pour trouver des recettes supplémentaires ou diminuer les dépenses.

M. Christophe Bentz (RN). Nous avions plutôt l’intention de nous abstenir sur cet amendement, d’autant que le champ lexical de nos collègues de l’extrême gauche pique un peu les oreilles : il s’agirait de taxer les riches pour taxer les riches. Mais, au nom de la justice sociale, nous sommes favorables à l’abaissement des plafonds d’exemption pour les compléments de salaire compléments de salaire de partage de la valeur en entreprise : nous voterons donc cet amendement de bon sens. Nous vous avions alertés sur le fait que la prime de partage de la valeur ne serait jamais du salaire en tant que tel. L’extrême gauche répète que nous avons voté contre le Smic à 1 500 euros. Vous, lors de notre première niche, vous avez voté contre notre augmentation de 10 % exonérée de charges patronales pour tous les chefs d’entreprise qui acceptaient d’augmenter leurs salariés, ce qui revenait à un Smic à 1 500 euros.

M. Philippe Vigier (Dem). Monsieur Bazin, il y avait une petite imperfection dans la perfection de votre démonstration : les 5 milliards d’euros ! Vous revenez, avec la régularité d’un métronome, sur la fraude sociale et la fraude fiscale. En l’absence de toute étude d’impact à ce sujet, j’imagine que c’est donc vous qui allez ouvrir le chemin.

M. Yannick Monnet (GDR). Monsieur Bentz, ce n’était pas une augmentation de salaire que vous proposiez, mais un transfert : vous transformiez du brut en net. Plutôt que de faire cotiser l’employeur, vous donniez aux salariés. Cela réduisait et leurs cotisations et les bénéfices de la sécurité sociale. C’était un leurre.

On nous reproche de revenir sur l’article 6. C’est parce que nous sommes convaincus qu’il faut de nouvelles recettes pour faire face aux besoins actuels et à venir en matière de santé. Comment trouverons-nous sans cela des moyens pour l’hôpital ou pour les Ehpad dont 80 % sont déficitaires ? Si vous pensez que l’on peut y parvenir seulement en compressant les dépenses, je vous donne rendez-vous l’année prochaine et nous verrons quelle sera alors la situation sociale. Toutes les études montrent que nous n’y parviendrons pas sans une augmentation des recettes !

M. Damien Maudet (LFI-NFP). À chaque fois que nous avons proposé des cotisations exceptionnelles sur les dividendes pour prendre aux plus riches et donner aux plus précaires et renflouer les caisses de la sécurité sociale, le Rassemblement National a refusé. Votre unique solution, ce n’est pas d’aller taper dans les poches de ceux qui atteignent des records absolus de dividendes, mais dans les ressources de la sécurité sociale. Il n’y a aucune envie chez vous de redistribuer les richesses.

M. Emmanuel Taché de La Pagerie (RN). Je savoure la malhonnêteté de la gauche et de l’extrême gauche. Bien que des textes visant à taxer les ultrariches vous aient été proposés sous la précédente législature, vous n’avez rien fait. Mais ce soir nous parlons d’un amendement de M. Guedj, votre allié, auquel nous nous associons. Faites preuve d’un minimum d’honnêteté intellectuelle ! Il s’agit de l’intérêt de l’entreprise et des salariés. Vous racontez ce soir l’inverse de ce que vous avez dit sous la précédente législature.

M. le rapporteur général. M. Bentz a bien précisé qu’il s’agissait de partage de la valeur. Votre exemple, monsieur Guedj, était peut-être un peu caricatural. Il me semble que nous sommes tous favorables à la taxation de l’ultrarichesse. Personne ne va pas s’émouvoir que quelqu’un ne puisse s’acheter que deux yachts au lieu de trois. Néanmoins, dans près de 35 % des cas, les montants versés au titre de la participation des bénéfices le sont à des salariés d’entreprises de moins de 250 salariés. Il est tout à fait légitime de se demander s’il faut payer des cotisations sur une prime annuelle de plus de 6 000 euros. Mais ces primes sont une façon de revaloriser du mérite, du travail. Il faut être prudent. L’amendement AS111, en tapant sur des PME, risque d’avoir l’effet inverse à celui souhaité. On risque de désinciter des gens qui ont beaucoup travaillé et qui ont une prime sur leur résultat.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Quant à savoir où nous allons réécrire l’article 6, ce sera où vous le voudrez... Nous sommes dans une configuration inédite, sans groupe majoritaire pour mener cette réécriture. Tous les groupes parlementaires sont en lien avec les ministres, leurs cabinets et Matignon pour travailler dessus.

Monsieur Boyard, c’est surtout mon rapport qui vient des ténèbres, rédigé pour l’essentiel la nuit pour qu’il puisse vous être transmis dimanche à vingt-trois heures vingt‑trois !

Mme Béatrice Bellay (SOC). Malgré l’heure, nous sommes tous assez lucides sur l’état de notre pays et sur la difficulté que nous avons à répartir les richesses. Nous devons tenir un dialogue de vérité. On parle de gens qui n’auront pas assez d’une vie pour dépenser tout ce qu’ils possèdent alors que notre système social est en difficulté. Vous nous avez demandé de trouver des niches ; nous les trouvons ; et nous avons droit à une leçon sur ces pauvres riches qui travaillent beaucoup. Soyons raisonnables. Vous ne pourrez pas nous faire croire longtemps que le ruissellement fonctionne.

M. Jérôme Guedj (SOC). Les très riches sont, pour partie, concernés par mon amendement, parce que le début renvoie spécifiquement aux distributions gratuites d’actions, mais la suite renvoie, comme le faisait remarquer M. le rapporteur général, à d’autres modes de compléments de salaire que sont la participation, la réserve spéciale de participation et le plan d’épargne en entreprise. Si l’on sait que ce sont les 11 % des salaires les plus élevés qui accaparent environ 27 % de la participation et de l’intéressement et que le partage de la valeur est inégal, ces dispositifs intéressent aussi les classes moyennes. Il reste nécessaire d’élargir l’assiette des cotisations et de dégager des ressources sans affecter considérablement le pouvoir d’achat.

Mon amendement pourrait permettre d’ouvrir une discussion sur les compléments de salaire et de trouver le consensus que n’a pas rencontré l’article 6. D’après le rapport de la Cour des comptes de mai dernier, 25 milliards d’euros de compléments de salaire sont exemptés de toute cotisation sociale. N’oublions pas non plus que 12 milliards d’euros du Ségur de la santé ne sont pas financés, alors qu’ils auraient pu l’être grâce à une telle mesure.

M. le rapporteur général. Je vous remercie d’avoir reconnu que l’amendement comprenait plusieurs mesures. Les discussions montrent que la première partie, qui s’adresse aux ultrariches, ne pose pas de problème. En revanche, les dispositifs de partage de la valeur concernent 46 % des salariés. Il faudrait réécrire votre amendement pour ne viser que la catégorie qui nous semble pertinente à tous, sans quoi votre mesure n’incite pas au travail et n’est pas favorable au pouvoir d’achat.

M. Jérôme Guedj (SOC). Je m’engage à déposer trois amendements différents en séance. Toutefois, pour marquer la volonté de la commission, je vous propose de voter celui‑ci, d’autant que son adoption n’aura aucune incidence sur le texte.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques AS41 de M. Élie Califer et AS1117 de M. Hadrien Clouet

M. Élie Califer (SOC). En attendant la réécriture de l’article 6, l’amendement AS41 vise à faire davantage contribuer les entreprises de plus de cinquante salariés dont la proportion d’arrêts maladie pour burn-out est supérieure à un certain seuil.

Selon une étude d’OpinionWay réalisée en mai 2021, le nombre de burn-out a explosé avec la crise du coronavirus et continue de le faire. Le stress et l’épuisement au travail concernent plus de la moitié des moins de 30 ans.

C’est pourquoi nous proposons d’améliorer la prise en charge des troubles de santé mentale au travail en reconnaissant le burn-out comme maladie professionnelle ; en réarmant la médecine du travail et en recréant des postes de psychologues du travail ; en améliorant la prévention et la prise en charge des risques psycho-sociaux ; en développant les études sur la relation entre les organisations du travail et les effets sur la santé mentale. De cette façon, les salariés pourront arriver à 64 ans en pleine forme !

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). La santé mentale des salariés français est très dégradée : 30 % sont affectés par un burn-out ; 42 % se disent en situation de détresse psychologique ; pour 80 % d’entre eux, cette détresse est liée à l’environnement de travail. Pourtant, seules 39 % des entreprises libèrent du temps pour des actions de sensibilisation à la prévention des risques psycho-sociaux et moins de 40 % disposent d’acteurs ayant un rôle spécifiquement dédié à la santé mentale.

Je vous épargne le paragraphe sur votre contribution à la disparition des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et au détricotage de la médecine et l’inspection du travail. Je vous épargne aussi mon laïus sur la situation de la psychiatrie, que vous n’arrangez pas dans ce PLFSS. L’organisation du travail fait souffrir et les entreprises qui n’engagent aucune action pour y remédier sont responsables de cette situation, qui pèse sur les comptes de la sécurité sociale. En 2021, 22 % des travailleurs de moins de 30 ans consommaient des somnifères ou des antidépresseurs, soit 13 % de plus qu’en 2014. Le nombre de syndromes d’épuisement professionnel a doublé entre 2020 et 2022.

La facture est d’autant plus lourde que les accidents du travail et les maladies professionnelles sont sous-déclarés, ce qui permet aux employeurs maltraitants d’échapper à leurs obligations et de transférer les coûts de la prise en charge vers la branche maladie. C’est pourquoi nous proposons par l’amendement AS1117 de créer un malus afin que les entreprises concernées contribuent au financement de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT MP).

M. le rapporteur général. Vos amendements sont très intéressants. Il me semble néanmoins qu’ils sont en partie satisfaits, puisque la réforme de la tarification des accidents du travail a donné une plus large place à l’individualisation des cotisations. Ainsi, les établissements dont l’effectif est compris entre 20 et 149 salariés voient s’accroître leurs cotisations en fonction de leur sinistralité réelle.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable. J’écouterai toutefois les débats avec attention, pour être sûr d’avoir bien compris votre proposition.

M. Hendrik Davi (EcoS). Nous allons voter cet amendement. Parallèlement au principe du pollueur-payeur, on pourrait en effet imaginer celui du mal employeur-payeur. En discutant avec les médecins comme avec les salariés, en lisant les sociologues aussi, on constate une épidémie de mal-être au travail, due à plusieurs facteurs : management toxique, intensification du travail, rotation dans les équipes... Vous cherchez à éliminer certaines dépenses de la sécurité sociale : réfléchissez donc au manque à gagner causé par les arrêts de travail, à l’origine de situations souvent très compliquées pour les équipes sur place qui doivent travailler en sous-effectif – tant qu’elles le peuvent. C’est vrai dans les services publics, mais aussi dans les entreprises privées. Responsabiliser les entreprises et leur faire changer leurs méthodes de management serait positif.

M. le rapporteur général. D’après la Caisse nationale de l’assurance maladie, des contrôles ciblés sont réalisés dans des entreprises où l’absentéisme est élevé. Vous n’avez pas démontré que le dispositif proposé améliorerait la situation. Cela étant, comme vous, je m’élève contre le mauvais management qui entraîne davantage d’absentéisme. Un plan de prévention des accidents du travail graves et mortels a été établi et la convention d’objectifs et de gestion se voit doter de 150 millions d’euros supplémentaires.

Je maintiens mon avis et vous invite à retirer vos amendements ; à défaut, l’avis sera défavorable. Néanmoins, si, en vue de l’examen en séance, vous revoyez le dispositif, qui vise à prévenir le mal-être au travail, je suis prêt à changer d’avis.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques AS39 de M. Elie Califer, AS537 de Mme Karine Lebon et AS841 de Mme Marie-Charlotte Garin

M. Elie Califer (SOC). Ces amendements, qui reprennent une proposition du rapport de la commission d’enquête relative aux maladies et pathologies professionnelles dans l’industrie, tendent à instaurer un malus pour les entreprises en cas d’accident du travail ; ils ne sont pas satisfaits.

M. Yannick Monnet (GDR). Monsieur le rapporteur général, vous n’êtes pas certain que le dispositif proposé améliorerait les choses ; nous non plus. Nous proposons d’instaurer un malus car c’est le seul moyen de sensibiliser l’employeur quand les conditions de travail se sont considérablement dégradées.

Par ailleurs, la commission chargée de l’évaluation de la sous-déclaration des AT‑MP, qui s’est tenue au premier semestre 2024, a évalué le montant de la sous-déclaration entre 2 et 3,7 milliards d’euros. En 2021, elle était estimée entre 1,2 et 2 milliards d’euros. C’est un vrai sujet. À défaut de trouver un dispositif plus efficace, nous pouvons instaurer un malus, objet de l’amendement AS537.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Tous les soignants connaissent cet enjeu : ils constatent les cas d’épuisement professionnel et de burn-out. Après le covid, ils en ont davantage pris la mesure, vu le nombre de personnes dont les conditions de travail ont changé. Certaines méthodes de management et certaines organisations de travail posent problème.

L’amendement AS841 vise à mieux évaluer et prévenir les risques de burn-out, en créant un malus – une augmentation du taux de cotisations AT-MP – pour les employeurs qui n’auraient pas pris les mesures nécessaires pour éliminer les risques. Plutôt que d’attaquer les prescripteurs d’arrêts maladie, comme nous l’avons fait lors de l’examen des précédents PLFSS, nous devons travailler sur les causes de ces maladies ; il s’agit là d’un levier.

M. Yannick Neuder (DR). Monsieur Califer, dans l’exposé sommaire de votre amendement, vous reprenez une préconisation faite en 2018 par Didier Migaud, alors premier président de la Cour des comptes, lors de son audition par la commission des affaires sociales. Dans celui de Mme Garin sont cités les chiffres alarmants publiés en 2015 par l’Institut de veille sanitaire, qui évaluait à 500 000 le nombre de salariés en souffrance psychologique liée au travail. Ensuite, est mentionné le rapport d’information de Gérard Sebaoun et Yves Censi relatif au syndrome d’épuisement professionnel, publié en 2017.

Je ne conteste pas ces éléments mais les mécanismes de majoration des cotisations AT-MP en fonction de la sinistralité ont depuis été renforcés, avec l’entrée en vigueur le 1er janvier 2024 d’un dispositif qui majore, dans la limite de 10 %, le taux de cotisation des entreprises de dix à dix-neuf salariés ayant des accidents du travail récurrents. À l’inverse, les entreprises de même taille ayant une démarche positive en matière de prévention seront récompensées par une réduction forfaitaire des cotisations de 10 %.

Avant de légiférer, évaluons ce nouveau dispositif. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Thibault Bazin (DR). Nous avons encore d’énormes progrès à accomplir, notamment en matière d’accidents graves et mortels. Notre taux d’accidents du travail est l’un des plus élevés d’Europe même s’il varie en fonction des secteurs – il est plus important dans celui du travail temporaire, ce qui pose la question de la protection de la jeune génération, qui souhaite davantage recourir à l’intérim. Il existe, certes, des campagnes de prévention.

Au niveau global, la sinistralité a diminué. Nous ne devons pas confondre les arrêts maladie avec les accidents du travail : tous les arrêts maladie ne sont pas liés au travail et les accidents du travail n’expliquent pas le doublement des arrêts maladie.

Il est faux de dire que personne ne s’intéresse à cette question. Je visite des entreprises depuis une quinzaine d’années et je vois qu’on s’y efforce de plus en plus d’éviter les accidents du travail. Les employeurs publics ont évolué également : ils appliquent le document unique d’évaluation des risques professionnels. Nous devons continuer à faire des progrès mais je ne suis pas convaincu par le dispositif du malus.

Dans certains secteurs, on a découvert au fil du temps des maladies professionnelles que les employeurs ignoraient il y a quarante ans – je pense au terrible drame des maladies liées à l’amiante. Nous devons également prendre en compte les évolutions de la science en la matière.

Mme Stéphanie Rist (EPR). Il va falloir mieux prendre en compte la santé mentale, notamment au travail, compte tenu du nombre de burn-out et de maladies équivalentes. Or ce nombre est supérieur chez nous à ce qu’il est dans d’autres pays.

Mais le coût du travail aussi est supérieur chez nous. À mon sens, ni l’instauration d’un malus ni l’augmentation des cotisations ne régleront le problème. La réforme des retraites prévoit des mesures relatives à la pénibilité et à la prise en charge de la santé mentale qu’il est nécessaire d’appliquer.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). S’agissant de l’amiante, je souhaite appeler l’attention de notre commission sur les bâtiments publics. L’an dernier, une enquête a révélé que de nombreux bâtiments publics – notamment des écoles –, construits il y a quarante ou cinquante ans, s’effondraient. Dans ma circonscription – mais également ailleurs –, certaines collectivités n’ont pas les moyens d’assurer la reconstruction totale du bâtiment ou d’effectuer des travaux. En gros, elles mettent la poussière sous le tapis.

Au sein du groupe d’études sur l’amiante, nous avons travaillé avec Thibault Bazin sur la question de la présence d’amiante dans les bâtiments publics dont notre commission doit se saisir. Combien d’administrations de l’État se verraient imposer un malus ?

M. Hendrik Davi (EcoS). Il ne s’agit pas d’une mesure magique qui réglera le problème. Pour y parvenir, il faudrait renforcer les droits des salariés. Les CHSCT jouaient leur rôle en matière de prévention. Si les syndicats et les salariés ne s’organisent pas en vue d’évaluer les conditions de travail, il y aura des arrêts de travail.

Néanmoins, je suis favorable à cet amendement. Les entreprises qui ne se montrent pas responsables augmentent les dépenses de sécurité sociale du fait des arrêts de travail et des maladies professionnelles. Le malus permettrait de dégager des recettes qui pallieraient ces dépenses supplémentaires. C’est le principe du mauvais employeur-payeur.

Mme Joëlle Mélin (RN). Une maladie est une maladie professionnelle si une relation directe et certaine avec l’activité professionnelle est établie, ce qui est difficile dans le cas des maladies psychiques ou psychocomportementales, telles le burn-out – même si le critère de l’exclusivité a disparu.

Les employeurs sont peut-être mal intentionnés ou de mauvais gérants, il n’en demeure pas moins que vous oubliez un facteur majeur : l’usage des écrans. Grâce aux IRM fonctionnelles, il est prouvé que l’usage des écrans ou du téléphone pose d’énormes problèmes. Du reste, ils sont également utilisés dans la vie quotidienne, ce qui conduit à un épuisement intellectuel. Quand on reçoit un texto, cinquante-six secondes sont nécessaires pour revenir à ce qu’on faisait précédemment ; si l’on envoie des messages toutes les minutes, on est en permanence déboussolé. Il pourrait incomber aux employeurs de limiter l’usage des écrans, comme pour les enfants.

Le malus est une mesure radicale.

La commission rejette les amendements.

Amendements AS807 de M. Damien Maudet et AS105 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Comme vous avez supprimé l’article 6, nous devons trouver 5 milliards d’euros de recettes. Nous proposons de soumettre à cotisation les revenus tirés de l’intéressement, de la participation et des plus-values de levée-vente d’actions afin qu’ils ne soient pas plus intéressants que les salaires. D’après l’Institut national de la statistique et des études économiques, la perte de recettes pour la sécurité sociale est estimée à 2,1 milliards d’euros pour l’année 2024.

Vous assénez qu’il faut soutenir l’emploi mais nous avons besoin de cotisations, donc de salaires.

Je n’ai de cesse de poser la question mais je n’obtiens pas de réponse : où allons‑nous avec ce PLFSS ? Comment parviendrons-nous à établir une programmation pluriannuelle de la sécurité sociale ? Qui du capital ou du travail doit payer ? Ce n’est pas aux travailleuses et aux travailleurs, nombreux à être en situation précaire et qui gagnent à peine de quoi se loger et se nourrir, de payer. Si vous taxiez le capital, vous dégageriez 11,8 milliards de recettes. C’est une proposition raisonnable et constructive.

M. Élie Califer (SOC). L’amendement AS105 est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS106 de M. Jérôme Guedj, amendements identiques AS539 de Mme Karine Lebon et AS804 de Mme Élise Leboucher (discussion commune)

M. Élie Califer (SOC). L’amendement AS106 est défendu.

M. Yannick Monnet (GDR). Depuis 2017, différentes mesures législatives ont assoupli le dispositif relatif aux revenus d’intéressement. Selon la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), l’intéressement s’est depuis lors élargi à d’autres bénéficiaires et le montant perçu a augmenté. Comme l’ensemble des dispositifs de contournement du salaire, il soulève quelques problèmes, identifiés notamment dans le rapport d’information de Mme Sas et M. Margueritte. Ils ont ainsi constaté des effets d’aubaine, qui se traduisent par une substitution des primes aux augmentations de salaires. Ce rapport souligne également que, d’après certaines études, la répartition des primes de participation et d’intéressement comme l’accès à l’épargne salariale est plus inégalitaire que celle des salaires. Les montants versés sont également inégalitaires.

Enfin, la Dares avait évalué à 844 millions d’euros net les pertes de recettes induites par le régime social de l’intéressement pour 2022, montant non négligeable et en constante augmentation. C’est encore une bonne raison d’y mettre fin.

Il est essentiel que le salaire prévale sur la prime. C’est pourquoi nous proposons par l’amendement AS539 de soumettre les revenus d’intéressement à l’assiette des cotisations de sécurité sociale.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). La grande partie des sommes reçues au titre de l’intéressement est exonérée de cotisations ; on ne contribue pas à la couverture des risques maladie, vieillesse et chômage.

L’intéressement est avant tout versé par les grandes entreprises : plus une entreprise est grande, plus la probabilité qu’il y ait un plan d’intéressement est élevée – c’est le cas dans les entreprises de plus de 1 000 salariés. Les cadres et les salariés aux revenus élevés sont davantage concernés par l’intéressement que les ouvriers, les techniciens ou les employés. Bref, plus l’entreprise est importante, la position hiérarchique du salarié et ses revenus élevés, plus la probabilité qu’il bénéficie d’un accord d’intéressement est forte.

Par ailleurs, ce sont avant tout les entreprises des secteurs de la finance et de l’assurance, où les profits sont les plus élevés, qui proposent la plus vaste couverture en matière d’intéressement. À l’inverse, les entreprises de l’hôtellerie, de la restauration, de l’action sociale, qui ont les taux de marges les plus faibles, sont les moins couvertes par des accords d’intéressement.

J’en conclus que cette exonération de cotisations sociales profite à certaines entreprises, celles qui se portent bien, au détriment d’autres qui vont moins bien. Or c’est à ces dernières que revient la charge de contribuer à la sécurité sociale, tandis que les autres ont trouvé le moyen de ne pas y participer. Ces cadeaux des petits patrons faits aux grands sont injustes et injustifiés. Tel est l’objet de l’amendement AS804.

M. le rapporteur général. Par effet de substitution, la participation et l’intéressement représentent 15 % à 40 % des augmentations de rémunération, ce qui est significatif sans être pour autant écrasant. Par ailleurs, 46 % des salariés du privé en bénéficient. Votre mesure altérerait leur pouvoir d’achat.

Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (DR). La présentation qui a été faite de l’intéressement, auquel nous sommes très attachés, est tronquée. Si ce dispositif est exonéré de certaines cotisations sociales, il est quand même assujetti à la CSG et à la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS). Par ailleurs, le salarié est imposé sur son revenu. L’intéressement n’est pas non plus versé chaque année.

Mais il concerne tous les salariés de l’entreprise, notamment ceux qui ont de faibles revenus. C’est un dispositif gagnant-gagnant. Si l’on est attaché au partage de la valeur et au pouvoir d’achat, on ne peut que le soutenir. Si nous devions adopter ces amendements, cela aurait des conséquences sur le pouvoir d’achat et cela rendrait le travail moins attractif.

M. René Lioret (RN). J’ai travaillé quarante-quatre ans dans des entreprises qui ont toujours versé de la participation et de l’intéressement. La participation est proportionnelle au salaire et si lors de son versement elle est exonérée de CSG et de CRDS, tel n’est pas le cas lors de sa liquidation – environ 18 % de son montant est versé au titre de la CSG et de la CRDS.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS540 de Mme Karine Lebon

M. Yannick Monnet (GDR). Si l’on soumettait l’intéressement à cotisation, il serait moins intéressant : c’est sûr. C’est le principe même de la cotisation : elle alimente les caisses de la sécurité sociale.

Cet amendement vise à soumettre à l’assiette des cotisations les rachats d’actions. Aujourd’hui, 600 000 salariés ont bénéficié d’une opération d’actionnariat, soit 4,3 % de l’ensemble des salariés. Parmi eux, 460 000 salariés ont bénéficié d’une attribution gratuite d’actions, de stock-options ou de bons de souscription. Ces dispositifs sont exonérés de différentes cotisations. Selon la Dares, les stock-options et les attributions gratuites représentent 507 millions d’euros nets de perte de recettes pour la sécurité sociale en 2022, chiffre en constante augmentation depuis 2018.

Nous souhaitons que cet argent vienne renflouer les caisses de la sécurité sociale.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS52 de M. Arnaud Simion.

M. Élie Califer (SOC). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

 

 

 

La réunion s’achève à minuit.


Présences en réunion

Présents.  Mme Marie-José Allemand, Mme Ségolène Amiot, M. Joël Aviragnet, M. Thibault Bazin, Mme Béatrice Bellay, Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, M. Christophe Bentz, M. Théo Bernhardt, Mme Sylvie Bonnet, M. Louis Boyard, M. Elie Califer, M. Hadrien Clouet, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, M. Paul-André Colombani, Mme Josiane Corneloup, M. Hendrik Davi, Mme Sandra Delannoy, M. Fabien Di Filippo, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Gaëtan Dussausaye, Mme Karen Erodi, M. Olivier Fayssat, M. Guillaume Florquin, M. Thierry Frappé, M. François Gernigon, Mme Océane Godard, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Zahia Hamdane, M. Michel Lauzzana, M. Didier Le Gac, Mme Élise Leboucher, Mme Katiana Levavasseur, M. René Lioret, Mme Brigitte Liso, M. Benjamin Lucas-Lundy, M. Damien Maudet, Mme Joëlle Mélin, M. Thomas Ménagé, M. Yannick Monnet, M. Yannick Neuder, M. Laurent Panifous, M. Sébastien Peytavie, Mme Angélique Ranc, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Stéphanie Rist, M. Jean-François Rousset, Mme Sandrine Runel, M. Arnaud Simion, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier, M. Stéphane Viry

Excusés.   Mme Anchya Bamana, Mme Karine Lebon

Assistaient également à la réunion.  M. Belkhir Belhaddad, M. Jean-René Cazeneuve, Mme Sophie Delorme, Mme Joséphine Missoffe, M. Christophe Mongardien, M. Charles Rodwell