Compte rendu
Commission
des affaires sociales
– Suite de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (n° 325) (M. Yannick Neuder, rapporteur général ; M. Guillaume Florquin, M. Louis Boyard, Mme Sandrine Rousseau et M. Jean-Carles Grelier, rapporteurs) 2
– Présences en réunion.................................49
Mercredi
23 octobre 2024
Séance de 15 heures
Compte rendu n° 11
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Frédéric Valletoux,
président
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La réunion commence à quinze heures.
(Présidence de M. Frédéric Valletoux, président)
La commission poursuit l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (n° 325) (M. Yannick Neuder, rapporteur général ; M. Guillaume Florquin, M. Louis Boyard, Mme Sandrine Rousseau et M. Jean-Carles Grelier, rapporteurs).
Après l’article 6 (suite)
Amendements identiques AS40 de M. Elie Califer et AS1120 de M. Damien Maudet
M. Elie Califer (SOC). Mon amendement vise à moduler le taux de cotisation à la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) en fonction de la survenance de pratiques pathogènes dans les entreprises. On sait en effet que le travail nocturne, découpé ou irrégulier a des conséquences de mieux en mieux documentées sur les individus, notamment sous forme de maladies cardiovasculaires. Les entreprises ont tendance à outrepasser le rythme naturel de repos, ce qui a des incidences sur les travailleurs. Or notre obsession est que ceux-ci parviennent en bonne santé à l’âge de 60 ans.
Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). L’amendement identique AS1120 tend à prendre en compte le taux de survenance de pratiques pathogènes dans le calcul des cotisations au titre des accidents du travail et maladies professionnelles. La part des salariés qui subissent des contraintes physiques dans le cadre de leur travail a augmenté de près de 4 points entre 2005 et 2016 chez les ouvriers qualifiés, passant de 57,2 % à 60,8 %. Selon la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), l’exposition à des risques professionnels va de pair avec un sentiment accru d’insoutenabilité du travail, 37 % des salariés ne se sentant pas capables de tenir dans leur travail jusqu’à la retraite.
La survenance de pratiques pathogènes dans le milieu professionnel doit être combattue par tous les moyens. Les entreprises qui exposent le plus les travailleurs aux risques professionnels doivent en assumer les conséquences. L’instauration d’une surcotisation au titre des accidents du travail et maladies professionnelles est l’un des multiples leviers que le législateur doit actionner afin de réduire l’exposition des travailleurs aux risques.
M. Yannick Neuder, rapporteur général. Ces amendements sont relativement satisfaits par la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail, qui cherche à diminuer fortement ces pratiques par l’action de deux leviers : une démarche de prévention primaire dans les entreprises, conformément aux conventions conclues par les organisations syndicales et patronales dans l’accord national interprofessionnel du 9 décembre 2020 ; l’identification et la prévention des risques par la formalisation d’un document unique d’évaluation des risques et de prévention, dont chaque entreprise doit se doter.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendement AS796 de M. Belkhir Belhaddad
M. Belkhir Belhaddad (EPR). La formidable réussite des jeux Olympiques a conforté la promotion de l’activité physique comme grande cause nationale de l’année. L’activité physique est une bonne chose pour la santé et le bien-être de nos concitoyens, mais aussi pour les finances publiques. En effet, le coût de la sédentarité est de l’ordre de 17 milliards chaque année – « la chaise tue », disait même le docteur François Carré. La prévention constitue donc un investissement important, et l’amendement vise à encourager les entreprises à investir dans le développement de la pratique physique et sportive, au moyen d’un dispositif expérimental de bonus sur leurs cotisations AT-MP.
M. le rapporteur général. Il me semble que votre intention – que je partage – est déjà satisfaite, au moins partiellement, puisque le coût des activités physiques et sportives proposées à l’ensemble des salariés est déjà exclu de l’assiette des contributions et cotisations sociales. Cela n’empêche pas les entreprises d’appliquer d’autres mesures de prévention, mais ce n’est pas l’objet de votre amendement.
Retrait ou avis défavorable.
M. Belkhir Belhaddad (EPR). Les activités physiques et sportives dans les entreprises sont un angle mort de nos politiques publiques, qu’il importe d’autant plus d’évoquer dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) que le budget du sport est réduit de près de 200 millions d’euros.
M. Thibault Bazin (DR). Cette baisse de 200 millions d’euros tient en très grande partie au fait que nous n’organiserons pas de sitôt des jeux Olympiques. D’autres dispositions sont prévues, notamment pour l’investissement dans les équipements. Nous avons déjà une politique volontariste et il faut certes aller plus loin, mais commençons par appliquer les dispositifs existants.
M. le rapporteur général. Je souscris à la nécessité d’inciter les salariés et les entreprises avec de telles politiques, mais tenons-nous en à notre travail de législateur : votre proposition nous donne une occasion d’évoquer le sujet dans notre commission, mais elle est déjà satisfaite.
L’amendement est retiré.
Amendement AS1121 de Mme Élise Leboucher
Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
Amendement AS286 de M. Jean-Pierre Taite
Mme Sylvie Bonnet (DR). Le pouvoir d’achat est l’une des préoccupations majeures des Français. La loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a instauré pour les salariés la prime de partage de la valeur, un complément de salaire à la discrétion des employeurs. Les travailleurs indépendants, quant à eux, ne bénéficieront que d’une baisse de leurs cotisations sociales, sans intéressement, ni participation, ni treizième mois. Leur permettre de se verser une fois par an, selon des modalités fixées par décret, une prime non fiscalisée mais plafonnée à 5 000 euros, calquée sur le modèle de celle qui est versée dans le cadre de l’intéressement, serait un excellent coup de pouce au pouvoir d’achat et un signal fort envoyé à cette catégorie socioprofessionnelle qui représente 12 % de la population.
M. le rapporteur général. Je partage votre souci de réduire l’écart entre revenus bruts et nets, dans un esprit de justice sociale, mais votre proposition, outre que son coût n’est pas estimé, concernerait un public très large et un vaste ensemble de prélèvements fiscaux et sociaux, de telle sorte qu’on n’en mesure pas l’impact financier.
Demande de retrait ou avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS788 de Mme Zahia Hamdane
Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). Il est impératif d’abroger les dispositions issues de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2018 qui ont transformé le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en réductions de cotisations sociales. Entre 2013 et 2017, le CICE a coûté à la collectivité près de 90 milliards d’euros, soit plus de 18 milliards par an, ce qui représente, chaque année, quatre fois les recettes de l’impôt sur la fortune ou quatorze fois le budget du centre hospitalier universitaire de Toulouse. Pourtant, 100 000 emplois seulement ont été créés, pour un coût unitaire de plus de 160 000 euros. Pour la seule année 2022, le coût de la pérennisation du CICE a atteint 26,4 milliards, soit six fois plus que les économies prévues par le gouvernement Barnier avec le gel de l’indexation des retraites. Cette gabegie budgétaire ne peut plus durer : il est temps de rediriger ces sommes vers des politiques réellement bénéfiques pour la population, plutôt que de continuer à subventionner des entreprises sans aucun résultat tangible. Ce retour à une gestion plus juste et plus efficace de nos finances publiques est indispensable.
M. le rapporteur général. Avis défavorable.
Je crains que la mesure que vous proposez n’aille au-delà de ce que vous aviez suggéré dans les amendements à l’article 6, ce qui serait un coup dur pour les entreprises et reviendrait à supprimer d’un coup le « bandeau maladie ».
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS809 de Mme Zahia Hamdane
Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). Les primes de partage de la valeur, censées être un complément exceptionnel, se substituent de plus en plus aux augmentations salariales classiques, privant ainsi la sécurité sociale de financements essentiels et menaçant l’équité du système. Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques, entre 15 % et 40 % des rémunérations versées sous forme de prime de pouvoir d’achat ou de prime de partage de la valeur ont remplacé les augmentations de salaire. Cela crée un déséquilibre croissant entre les entreprises et entre les salariés, tout en érodant la base contributive de notre système de cotisations sociales.
Il est urgent de revenir sur les élargissements récents des réductions de cotisations sociales à ces compléments de salaire, et de rétablir une juste contribution des entreprises et des salariés au financement de la sécurité sociale. Il est bien temps de garantir une solidarité équitable sans laisser les exonérations affaiblir notre modèle social et sa pérennité.
M. le rapporteur général. Nous avons eu, comme l’ensemble des groupes politiques, des contacts avec le cabinet de la ministre et avec Matignon en vue de la réécriture de l’article 6, qui pourrait prévoir d’intégrer les sommes versées au titre de cette prime dans l’assiette de calcul des allègements généraux de cotisations. On pourrait ainsi, sans la supprimer, soumettre la prime de partage de valeur aux cotisations, ce qui serait une position de compromis.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
M. Yannick Monnet (GDR). Sous prétexte que l’article 6 a été supprimé, on ne pourrait plus discuter de cette question avant la réécriture de celui-ci, qui ferait l’objet de discussions avec le ministère. C’est un peu facile ! Le débat sur les recettes doit avoir lieu en commission – ou alors il fallait maintenir l’article 6 pour permettre ce débat. Vous ne pouvez pas nous faire cette réponse à chaque fois. Cela pose un problème pour le travail de notre commission.
M. le rapporteur général. On me dit qu’à la suite de la suppression de l’article 6, chaque groupe politique a des contacts avec le ministère pour présenter ses éléments en vue d’une coconstruction. Le point soulevé par notre collègue pourrait donner lieu à une réécriture satisfaisante pour tout le monde, puisque la prime de partage valeur ne serait pas supprimée – et certains membres de notre commission sont très attachés à cette prime qui permet de reconnaître la valeur travail, la mobilisation et l’action –, tout en la soumettant à cotisations afin de ne pas dégrader nos comptes sociaux. Cela semble être un point d’équilibre pour essayer de construire ensemble dans le délai qui nous est imparti.
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Si chaque partie discute de son côté avec le ministère, ce ne sera pas « ensemble », comme l’aurait permis un débat sur l’article 6, sur lequel de nombreux amendements étaient déposés. C’est dommage, car l’enjeu est important.
M. Nicolas Turquois (Dem). La question est très technique et nous ne serions pas parvenus à trouver un point médian hier soir, chacun tenant à cranter sa proposition. Il apparaissait en tout cas, notamment dans l’argumentation du rapporteur, que le dispositif pouvait générer des effets de bord peu souhaitables, concernant notamment les trappes à bas salaires. Chacun doit faire remonter ses propositions, car certaines se ressemblent. Le format proposé me convient.
Mme Béatrice Bellay (SOC). Ce qui se ressemble et ce qui remonte, cela s’appelle des amendements ! Il est problématique qu’au moment où nous cherchons des recettes, les choses se discutent ailleurs qu’à l’Assemblée et devant nos concitoyens. Si une surprise, à laquelle nous nous attendons mais qui nous déplairait, intervenait, nous ne saurions pas quel aurait été le cap retenu, et ce que nous voyons jusqu’ici n’est pas pour nous rassurer, alors que la réécriture de l’article 6 devrait permettre une juste répartition de la richesse.
Et qu’on nous épargne la leçon sur la valeur travail ; nous la connaissons tous ! La France n’a jamais produit autant de richesses, mais elles sont mal réparties et la situation budgétaire mérite que l’on s’y arrête.
M. Jérôme Guedj (SOC). M. le rapporteur général a manifestement des informations dont nous ne disposons pas. Pour ma part, je n’ai eu aucun contact ni n’ai été approché par qui que ce soit en vue d’une réécriture de l’article 6. Hier, à l’issue de notre réunion, j’ai demandé comment nous y prendre pour ne pas arriver en séance publique avec la même configuration. De fait, nous serions Gros-Jean comme devant si la même coalition baroque associant Renaissance, Rassemblement National et Droite Républicaine shootait l’article 6 dès le début de l’examen du texte dans l’hémicycle. Il y a là un énorme problème de méthode : cette commission est le lieu où nous aurions dû nous « renifler » – pour reprendre cette expression qui a déplu hier –, prendre le pouls des uns et des autres entre la discussion en commission et la séance, comme cela se fait toujours. Mais l’éviction rapide de l’article 6 ne nous laisse plus cet espace de discussion.
Monsieur le rapporteur général, le ministre vous a-t-il dit qu’il allait contacter les groupes pour avoir une discussion avec chacun d’entre eux ? Je n’ai, pour ce qui me concerne, aucune nouvelle.
M. le rapporteur général. Madame Bellay, les recettes supplémentaires dont vous parlez, ce sont des taxes. Or la France est déjà championne d’Europe de la taxation. Sans entrer dans les détails, on pourrait aussi diminuer les dépenses.
La prime de partage de valeur – je ne veux, en le soulignant, donner de leçon à personne – est plutôt appréciée dans les entreprises et près de 50 % des salariés en bénéficient. Ce dispositif est donc plutôt intéressant et contribue au pouvoir d’achat de nos concitoyens. Avant de réduire ces mesures, mesurons-en donc l’impact. Qui plus est, depuis le 1er janvier de cette année, la prime de partage de valeur n’est exonérée que des cotisations sociales, alors qu’elle était précédemment exclue de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS). Elle est, par ailleurs, soumise à l’impôt. On ne peut donc pas dire qu’elle n’est pas taxée. S’il faut aller plus loin, débattons‑en.
Monsieur Guedj, je ne suis pas membre du cabinet de Mme Panosyan-Bouvet, auquel j’ai fait remonter les questions. Le collaborateur parlementaire de la ministre, que j’ai rencontré à l’occasion des questions au Gouvernement, m’a dit que le cabinet allait contacter ou avait contacté les différents groupes de notre commission : s’il nous écoute, je l’invite à nouveau à le faire pour que ce travail se fasse. Le cabinet de la ministre s’est engagé à ce que ce soit le cas et j’ose imaginer qu’il tiendra ses engagements.
M. le président Frédéric Valletoux. Pour conforter les démarches du rapporteur général, je passerai moi-même un message au cabinet de la ministre.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS614 de Mme Karine Lebon
M. Yannick Monnet (GDR). La droite dit que la France est le pays le plus taxé au monde, mais ce n’est pas honnête intellectuellement, car les pays ne sont pas tous les mêmes. Par exemple, la France est le seul pays de l’Union européenne à posséder l’arme nucléaire, qui coûte 25 millions d’euros par jour – j’ai découvert ce chiffre hier. Nous avons une sécurité sociale que les autres pays n’ont pas. Dire avec dogmatisme que la France est le pays le plus taxé, c’est travestir la réalité. Si nous payons des impôts, c’est parce que nous avons fait le choix de la solidarité et d’une meilleure répartition des richesses pour financer certaines structures. Dire que nous sommes des pros de la taxe est une réponse très politicienne. Vous ne nous avez pas habitués à cela, monsieur le rapporteur !
M. le rapporteur général. Pour en revenir à l’amendement, il faut en effet tenir compte des spécificités de l’ultramarin, notamment pour ce qui concerne les non-salariés agricoles. C’est l’objet de certains amendements, qui ont été réécrits pour parvenir à une meilleure rédaction légistique. Je tiens à dire aux élus, notamment à Mme Bellay, que nous avons bien entendu les spécificités liées au coût du travail et les mesures nécessaires en termes de santé, en particulier dans le domaine agricole.
Je demande donc plutôt le retrait de cet amendement, à défaut de quoi l’avis sera défavorable. L’essentiel est surtout que cette question soit réglée en séance.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS142 de M. Jérôme Guedj
M. Jérôme Guedj (SOC). Nous n’avons pas eu assez de temps pour parler du rapport Bozio-Wasmer, qui est une mine de pistes de travail. Sa recommandation 2, invitant à en finir avec la complexité des mécanismes d’assiette des cotisations sociales, cite le chiffre vertigineux de 3 042 cas d’assiettes différentes pour la rémunération de base, en raison de l’empilement des dispositifs. Nous proposons d’expertiser cette recommandation dans le cadre d’un rapport – que nous pourrions même demander à ces auteurs d’élaborer spécifiquement.
Pour la lisibilité de notre système de protection sociale, l’assiette des cotisations sociales pourrait être désormais unique et identique à celle, bien identifiée, des revenus d’activité de la CSG. Les éventuels mécanismes d’exonération s’appliqueraient au moyen de taux différenciés de CSG.
M. le rapporteur général. M. Bozio et M. Wasmer avouent eux-mêmes avoir découvert un système d’une complexité qu’ils ne mesuraient pas avant de s’y plonger. À ce titre, votre demande de rapport paraît justifiée pour essayer d’en améliorer la compréhension et la lisibilité. Toutefois, votre amendement, centré sur l’article 18 de la LFSS 2024, limite le champ aux travailleurs indépendants. Je suis très désireux qu’un tel rapport puisse éclairer la complexité soulevée par le rapport Bozio-Wasmer, mais mieux vaudrait élargir le champ.
M. Jérôme Guedj (SOC). Pour que l’amendement soit recevable, il a fallu ruser en le rattachant à une disposition d’un PLFSS. Le second alinéa précise cependant que l’analyse sera menée « plus largement ».
M. le président Frédéric Valletoux. Il serait intéressant que, sans pour autant ajouter cette question au PLFSS, notre commission se saisisse de ce projet de rapport plutôt que de le confier au Gouvernement. Je suis tout à fait favorable à ce que nous l’évoquions dès la prochaine réunion du bureau de la commission. Compte tenu de cet engagement, monsieur Guedj, peut-être pourriez-vous retirer votre amendement.
M. Laurent Panifous (LIOT). Je soutiens le souhait de M. Guedj de simplifier les assiettes de cotisation, sans être simpliste. Au moment où nous devons prendre des décisions pour faire évoluer le financement de notre modèle social, la clarté est nécessaire.
M. Nicolas Turquois (Dem). Face à tant d’assiettes – fiscales, sociales, CSG –, l’indépendant finit par ne plus être dans son assiette !
L’idée de rapprocher les assiettes est intéressante, mais l’alignement de l’assiette des cotisations sociales sur celle de la CSG entraînerait une baisse de rendement.
Mme Joëlle Mélin (RN). Ce travail sur les assiettes me semble indispensable. J’en profite pour souligner que la méthode de travail de notre commission depuis le début de l’examen du texte nous permet d’aller vraiment au fond et de ne pas faire les choses dans la précipitation, comme ce que nous avons pu connaître les années précédentes.
Mme Annie Vidal (EPR). Je ne suis pas favorable à l’amendement, mais l’idée de travailler sur l’assiette de la CSG est intéressante. Ce travail, que ce soit sous la forme d’une évaluation de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss) ou d’une mission de notre commission, devra être transpartisan.
M. Jean-Carles Grelier (Dem). Face à l’urgence de faire des économies et de trouver des recettes supplémentaires, il faut engager dès maintenant des réformes structurelles afin d’éviter que la situation budgétaire actuelle ne se reproduise.
M. le rapporteur général. Nous sommes d’accord sur le fond, et la question de la recevabilité de l’amendement ne fait pas obstacle à l’élargissement de l’assiette au-delà des indépendants.
Je soutiens la proposition de M. le président, mais il nous faudra bien choisir le calendrier car la réforme de l’assiette des cotisations sociales et de la CSG prendra effet à partir du 1er janvier 2025 pour les travailleurs indépendants et à partir du 1er janvier 2026 pour les non-salariés agricoles.
Avis favorable.
M. le président Frédéric Valletoux. Je vous propose de mettre ceinture et bretelles : votons l’amendement avant de mener, dans le cadre de notre commission ou de la Mecss, ce travail de réflexion.
La commission adopte l’amendement.
Article 7 : Rationalisation des exonérations de cotisations sociales pour les contrats d’apprentissage, les entreprises d’armement maritime, les jeunes entreprises innovantes et les jeunes entreprises de croissance
Amendements de suppression AS1435 de M. Bartolomé Lenoir et AS1475 de M. Gaëtan Dussausaye
M. Bartolomé Lenoir (UDR). L’apprentissage fonctionne bien et il est dangereux de s’y attaquer. Nous proposons donc la suppression de cet article.
L’apprentissage permet de maintenir les savoir-faire et de trouver des repreneurs. Dans des départements ruraux comme celui de la Creuse, qui sont en train de se désertifier, de très nombreuses petites entreprises ne trouvent pas de repreneurs et ont besoin d’apprentis.
M. Gaëtan Dussausaye (RN). L’apprentissage n’est pas un emploi comme les autres : son but n’est pas la création de richesses mais d’assurer une formation à notre jeunesse pour entrer dans la vie active et s’y installer durablement. Or nous faisons face à un important déficit d’apprentis, résultat de trente années de politiques de désindustrialisation. Les impératifs budgétaires ne doivent pas conduire à s’acharner sur cette voie. Ce n’est pas aux apprentis et aux jeunes de payer.
M. le rapporteur général. Certains d’entre vous ont regretté que nous n’ayons pu débattre de l’article 6 du fait de sa suppression. Je suis donc défavorable à la suppression de l’article 7 qui, outre l’apprentissage, concerne les exonérations pour les entreprises de transport maritime de passagers et pour les jeunes entreprises innovantes (JEI).
M. Jérôme Guedj (SOC). Pourquoi ne pas avoir suivi la même logique hier ? Je regrette votre avis favorable aux amendements de suppression de l’article 6.
Lors de son audition, Astrid Panosyan-Bouvet nous a dit chercher des mesures compensatoires pour éviter la pénalisation en termes de pouvoir d’achat et ma collègue Estelle Mercier défendra un amendement important. Nous sommes donc défavorables à la suppression de l’article 7.
La commission rejette les amendements.
Amendements identiques AS96 de Mme Estelle Mercier, AS287 de M. Jean-Pierre Taite, AS609 de M. Stéphane Viry et AS924 de Mme Zahia Hamdane
Mme Estelle Mercier (SOC). L’amendement vise à supprimer l’assujettissement de la rémunération des apprentis à la CSG et à la CRDS. Il n’y a certes pas de petites économies face au déficit abyssal des finances publiques, mais celles qui sont proposées dans cet article sont particulièrement mesquines et injustes.
Les apprentis gagnent entre 400 et 1 200 euros et cet assujettissement leur coûterait entre 50 et 100 euros alors qu’on continue à subventionner les employeurs à hauteur de 18 milliards.
Mme Sylvie Bonnet (DR). L’amendement AS287 est défendu.
M. Laurent Panifous (LIOT). J’ai cru comprendre que les ressources supplémentaires devaient être trouvées auprès des plus riches. Pourquoi vouloir en chercher également auprès de jeunes dont la rémunération est très faible et qui font l’effort de travailler et d’apprendre ? Ce serait injuste.
Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). Cette mesure reviendrait à taxer les apprentis, dont le salaire est déjà bien inférieur au Smic, et entraînerait une perte de 24 euros par mois pour un salaire moyen de 1 042 euros net. Le Gouvernement prétend économiser ainsi 300 millions. D’autres options plus équitables pourraient pourtant être envisagées : la suppression de l’aide unique versée aux grandes entreprises pour les contrats d’apprentissage rapporterait 554 millions ou la réforme du financement des contrats d’alternance, qui permettrait de récupérer jusqu’à 620 millions.
La vérité, c’est que le développement massif de l’apprentissage sert avant tout à gonfler artificiellement les chiffres de l’emploi, sans pour autant résoudre le problème de l’insertion des jeunes les plus éloignés du marché du travail.
M. le rapporteur général. Monsieur Guedj, j’assume mon avis sur les amendements de suppression de l’article 6, motivé par ma volonté de ne pas perdre de temps sur quelque chose qui est en train de bouger.
Je suis, moi aussi, interrogatif sur l’assujettissement des apprentis à la CSG et à la CRDS, mais je rappelle que la cible de l’article 7, ce sont les apprentis de l’enseignement supérieur dont la rémunération s’approche du Smic. Pour un apprenti gagnant environ 1 000 euros par mois, la CSG représente 11 euros – une somme qui peut sembler importante pour certains mais pas pour d’autres.
D’un côté, le PLFSS propose de taxer la rémunération des apprentis, de l’autre côté, le projet de loi de finances (PLF) prévoit de réduire l’aide aux entreprises de 6 000 à 4 500 euros. Je pense que cette dernière mesure présente un plus grand risque de faire baisser le nombre d’apprentis, outre que la cotisation sociale présente l’avantage d’ouvrir des droits et de mettre les jeunes dans la réalité du système de protection sociale.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). L’apprentissage est un dispositif très important car il permet aux étudiants de milieu populaire d’accéder aux études supérieures, mais il est mal utilisé car la représentation des catégories socioprofessionnelles dans l’apprentissage dans le supérieur est déséquilibrée. Il devrait être orienté davantage ver les étudiants en difficulté. Cela dit, ce n’est pas dans l’apprentissage qu’il faut chercher des recettes supplémentaires.
Monsieur le rapporteur général, une différence de 11 euros sur un salaire de 1 000 euros, c’est énorme pour des étudiants issus de milieux défavorisés, et cela les maintient sous le seuil de pauvreté.
M. Jérôme Guedj (SOC). L’étude d’impact, dont je salue la qualité, montre que la mesure ferait perdre 49 euros par mois à un apprenti rémunéré à 79 % du Smic, ce qui est un cas courant. Cette perte de pouvoir d’achat est significative alors que le rendement financier de la mesure serait de 360 millions. Une telle somme pourrait facilement être trouvée – des amendements au PLF l’ont démontré –, par exemple en taxant les distributions gratuites d’action. Astrid Panosyan-Bouvet nous a d’ailleurs fait part de la possibilité de compenser par une augmentation à la charge des employeurs.
Mme Stéphanie Rist (EPR). La politique de l’apprentissage menée ces dernières années a porté ses fruits en faisant passer le nombre d’apprentis de 300 000 à 850 000. Or cette mesure, imposée à des apprentis en difficulté sociale ou habitant des territoires ruraux connaissant des problèmes de logement et de transport, ne semble pas appropriée. Nous soutenons donc ces amendements.
Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). La politique de l’apprentissage a coûté 24,9 milliards en 2023, dépensés principalement pour arroser les grandes entreprises, sans effet réel sur le chômage des jeunes.
Il est injuste de faire cotiser les apprentis, alors que leur salaire est déjà très bas et qu’il existe d’autres solutions de recettes.
M. Nicolas Turquois (Dem). Je rappelle que, sans cotisations sociales, les périodes d’apprentissage n’ouvrent aucun droit à la retraite. J’ajoute que, pour une entreprise, l’accueil de jeunes en apprentissage est un moyen utile et moins coûteux de recruter. Imposer une part de cotisation au-delà de 50 % du Smic ne me choque pas, d’autant qu’une telle mesure ne concernerait pas les jeunes détenteurs d’un brevet d’études professionnelles ou d’un certificat d’aptitude professionnelle.
M. Philippe Vigier (Dem). La politique de l’apprentissage est certes coûteuse, mais elle fonctionne : je me souviens de l’époque où la France comptait 280 000 apprentis quand l’Allemagne en comptait 1 million.
Nous avons déposé deux amendements au PLF pour corriger un effet d’aubaine dont bénéficient les très grandes entreprises recevant l’aide de 6 000 euros alors qu’elles peuvent payer convenablement des salariés sans passer par l’apprentissage.
Nous voterons ces amendements, car taper 360 millions d’euros dans la poche des apprentis aurait un effet dévastateur.
Mme Joëlle Mélin (RN). L’apprentissage fait l’objet d’un retour mitigé de la part des entreprises qui parfois se plaignent de voir leurs apprentis s’en aller sitôt formés, mais face aux difficultés d’insertion des jeunes, il reste fondamental, surtout pour ceux qui n’ont ni diplôme ni travail. Nous voterons donc ces amendements.
M. le rapporteur général. M. Turquois l’a rappelé, les cotisations ouvrent des droits. Une mission « flash » s’était d’ailleurs penchée sur le problème des contrats de travaux d’utilité collective (TUC), qui ne prévoyaient pas de cotisations et qu’il fallait donc régulariser. J’entends cependant qu’aller prendre 300 millions d’euros dans la poche des jeunes n’est pas le meilleur message à envoyer.
Je précise que les 11 euros de CSG que j’évoquais concernent une rémunération de 1 000 euros alors que les 49 euros cités par M. Guedj s’appliquent à une rémunération de 1 400 euros.
Afin d’envoyer un message au ministère et de susciter un débat en séance, j’émets un avis favorable à ces amendements.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, les amendements AS930 de M. Damien Maudet et AS1449 de M. Bartolomé Lenoir tombent.
Amendement AS927 de M. Hadrien Clouet
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
Amendements AS611, AS612 et AS645 de M. Didier Le Gac
M. Didier Le Gac (EPR). La loi de 2016 pour l’économie bleue a introduit des exonérations de cotisations patronales pour sauver notre marine marchande. Elles constituent une composante essentielle de sa compétitivité face à une concurrence qui est mondiale.
La suppression de ces exonérations proposée par l’article 7 concernerait toutes les entreprises immatriculées au registre international français, qui emploient plus de 4 000 marins affiliés à l’Établissement national des invalides de la marine. Les compagnies maritimes seraient alors tentées d’employer davantage de marins étrangers, réduisant d’autant les opportunités d’emploi des jeunes actuellement en formation dans les écoles françaises.
Nous allons assister à la lente dégradation de notre marine marchande, dont nous avons pourtant besoin sachant que 90 % des marchandises dans le monde circulent par la mer. C’est vraiment une question de souveraineté.
Une telle mesure aurait un fort impact sur deux types de navires : les navires câbliers, dont la France détient un quart de la flotte mondiale, et les navires de maintenance des éoliennes en mer. Ces deux secteurs sont très concurrentiels et le premier est important pour notre souveraineté.
Pour toutes ces raisons, je vous conjure de maintenir les exonérations de cotisations patronales.
M. le rapporteur général. Je ne suis pas aussi connaisseur de ce secteur que vous, mais je me demande si la compétitivité des armateurs concernés repose essentiellement sur le coût du travail, vu que les rémunérations des membres d’équipage atteignent entre trois et quatre fois le Smic. Par ailleurs, je rappelle que ces entreprises bénéficient d’autres exonérations. Enfin, l’article 7 propose de restreindre les exonérations aux navires de transport de passagers, qui emploient des gens de mer moins qualifiés.
Mon avis pourrait évoluer, car ce sujet mérite plus qu’une discussion de trois minutes dans le cadre du PLFSS, mais, pour l’heure, je demande le retrait de vos amendements. À défaut, avis défavorable.
M. Didier Le Gac (EPR). Ce qui compte, ce sont les écarts salariaux entre les officiers français et les officiers étrangers embarqués à bord de nos navires.
La commission adopte successivement les amendements.
Amendements identiques AS621 de Mme Louise Morel et AS1504 de M. Paul Midy
Mme Louise Morel (Dem). En 2023, on dénombrait 4 500 JEI œuvrant dans des secteurs clés comme l’intelligence artificielle, la décarbonation de l’industrie, le quantique ou la santé. Ce statut, créé en 2004, présentait initialement deux avantages : l’exonération d’impôts sur les bénéfices, qui a été supprimée dans la loi de finances de 2024, et l’exonération des cotisations sociales patronales sur les salaires des employés affectés à la recherche et au développement, que le PLFSS 2025 prévoit de supprimer. Afin de ne pas vider ainsi le statut de JEI de sa substance, mon amendement vise à supprimer l’alinéa 12 de l’article 7.
M. Paul Midy (EPR). Les start-up ainsi que les TPE et PME innovantes sont le principal moteur de la création d’emplois et jouent un rôle crucial dans la transition écologique, la souveraineté technologique et la réindustrialisation – elles sont à l’origine de la moitié des créations d’usine.
L’alinéa 12 de l’article 7 prévoit la suppression de l’exonération des cotisations sociales patronales pour les JEI, ce qui aurait des conséquences délétères : dans les prochains mois, des centaines d’entre elles se retrouveraient sur le carreau et des milliers d’emplois seraient détruits. Ces entreprises produisent peu de chiffre d’affaires, ne sont pas rentables et ne disposent pas d’une grande trésorerie. Provoquer une hausse de 30 % du coût du travail sans qu’elles aient pu l’anticiper les mettrait à terre à coup sûr. Nous devons entendre l’inquiétude des acteurs de cet écosystème, qui s’est exprimée dans de nombreuses pétitions. En commission des finances ont été adoptés plusieurs amendements qui compensent le coût du maintien de ce dispositif.
M. le rapporteur général. Monsieur Midy, je vous remercie de m’avoir très tôt sensibilisé à la situation des JEI. Vice-président du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes délégué à l’enseignement supérieur, l’innovation et la recherche pendant sept ans, je n’ai eu de cesse de me battre pour dégager des volumes de financement importants pour la recherche et le développement. J’ai constaté à quel point il est difficile de maintenir dans les territoires la valeur créée par les jeunes entreprises innovantes, dont on espère qu’elles deviendront des licornes prospères. L’Isère accueille plusieurs entreprises ayant bénéficié de ce statut, comme Soitec. Quoi qu’il en soit, dans le cas présent, le remède figurant à l’alinéa 12, qui rapporterait certes 300 millions d’euros, serait pire que le mal. Il faut parfois investir pour récolter les fruits de son investissement plus tard ; vous m’en avez convaincu.
Avis favorable.
Mme Joëlle Mélin (RN). Modifier le statut des JEI serait évidemment une erreur. Depuis les années 2000, différents dispositifs ont été créés à leur intention, puis annulés, réduisant leur visibilité en matière d’investissement. En outre, la période consacrée à la recherche et au développement n’étant pas la plus créatrice d’emplois, essayer de récupérer quelques miettes en supprimant cette exonération n’est pas pertinent, d’autant que d’autres sources d’économies existent. Nous sommes favorables à ces amendements.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’amendement AS932 de Mme Élise Leboucher tombe.
La commission adopte l’article 7 modifié.
Après l’article 7
Amendement AS444 de M. Laurent Panifous
M. Laurent Panifous (LIOT). Le présent amendement, déjà déposé l’année dernière, vise à instaurer, pour les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) non habilités à l’aide sociale pratiquant des tarifs d’hébergement libres, une redevance dont le produit serait reversé à la branche autonomie.
Un arrêté annuel précise le taux d’évolution du tarif d’hébergement de ces Ehpad pour les contrats en cours à la date de son entrée en vigueur ; les contrats passés postérieurement bénéficient de tarifs libres. En 2023, ce taux était de 5,14 %. Les tarifs d’hébergement des Ehpad habilités à l’aide sociale sont quant à eux encadrés par les conseils départementaux. En 2023, la variation était comprise entre 0 % et 3 % – elle a plus souvent été proche de 0 % que de 3 %. Il est donc plus difficile de gérer des structures habilitées, dont les tarifs sont encadrés, que des structures dont les tarifs sont libres.
Il ne s’agit pas de remettre en question le recours des gestionnaires privés aux tarifs libres, mais de créer une redevance solidaire, qui transiterait par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), au profit des établissements habilités, pénalisés depuis plusieurs années par l’inflation.
M. le rapporteur général. Une telle redevance entraînerait pour les Ehpad concernés une charge importante, qui serait immanquablement répercutée sur leurs tarifs. J’entends le principe de solidarité qui sous-tend cet amendement, mais je crains que son adoption ne soit néfaste pour les résidents dont le pouvoir d’achat est limité.
Demande de retrait, sinon avis défavorable.
Mme Annie Vidal (EPR). Je comprends, moi aussi, le principe qui sous-tend cet amendement et je pourrais presque y souscrire. Cependant, je crains que son adoption ne crée une distorsion inutile entre établissements. En revanche, je souhaiterais que tous les Ehpad, quel que soit leur statut, fournissent un effort en matière de solidarité et réservent un nombre défini de places aux résidents relevant de l’aide sociale.
M. Philippe Vigier (Dem). Cela ne me gênerait pas que ces établissements, qui ont choisi d’appliquer des tarifs d’hébergement libres, paient cette redevance. Je constate une grande disparité – jusqu’à 100 % – entre les tarifs pratiqués dans ma circonscription et ceux pratiqués juste à côté, en Île-de-France.
Quant à la proposition de Mme Vidal, elle ne ferait qu’aggraver la situation des 30 % d’Ehpad ayant des difficultés à boucler leur budget, alors même que le nombre de places nécessaires ne fera qu’augmenter en raison du vieillissement de la population.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Je suis favorable à cette redevance, qui permettrait d’inciter davantage les Ehpad aux tarifs d’hébergement libres à faire une demande d’habilitation. Il s’agit d’intervenir sur les modèles de fonctionnement, à la suite du scandale Orpea, qui n’était que la partie émergée d’un système général de lucrativité. Ces établissements répercuteraient peut-être sur leurs tarifs cette redevance, mais au moins cela serait-il justifié, contrairement aux autres coûts qu’ils répercutent déjà.
M. Yannick Monnet (GDR). Le problème des Ehpad doit être réglé différemment. Dans certains établissements habilités à l’aide sociale, le coût journalier de la prise en charge s’élève à 150 euros, alors qu’ils ne perçoivent que 147 euros ; dans d’autres, ils perçoivent 151 euros pour un coût de 160. Ce sont les finances de l’ensemble des Ehpad, notamment publics, qui s’effondrent. L’ampleur de la réforme nécessaire est bien plus vaste que la simple amélioration de la répartition des places relevant de l’aide sociale. Les Ehpad sont en train de mourir ; une proposition de loi sur le grand âge, digne de ce nom, est indispensable.
M. Pierre Marle (HOR). La redevance visée par cet amendement n’est peut-être pas la solution idéale. Avec 60 % d’établissements en difficulté financière, la situation des Ehpad publics pose un véritable défi et le problème me semble beaucoup plus global. Dans ma circonscription, un établissement accueillant quatre-vingt-cinq résidents présente un déficit de 1 million d’euros ; il est en discussion avec l’agence régionale de santé pour essayer de le résorber. Vendredi prochain, je me rends dans un autre établissement qui est en grande difficulté.
Mme Joëlle Mélin (RN). Ce qui est véritablement en jeu, c’est la financiarisation des Ehpad, que l’on ne parvient pas à empêcher. Il faut impérativement renforcer les Ehpad, petits et moyens, publics ou privés, si l’on ne veut pas qu’ils intègrent de grands groupes financiarisés, impliqués dans des scandales.
Je comprends l’objet de cet amendement, mais nous ne pouvons pas nous permettre de fragiliser les Ehpad ; nous y sommes donc défavorables. Il faut leur laisser la moindre bouffée d’oxygène, le moindre levier de réinvestissement, afin qu’ils ne deviennent pas les proies des fonds de pension.
M. Laurent Panifous (LIOT). Loin de moi l’idée de pénaliser les établissements, même les Ehpad privés à but lucratif appliquant les tarifs libres.
Le choix d’une habilitation partielle ou totale à l’aide sociale appartient au gestionnaire de l’établissement. Les tarifs sont totalement encadrés par le conseil départemental, dont le budget est contraint, et les évolutions tarifaires sont presque toujours inférieures à l’inflation. Les gestionnaires qui optent pour l’habilitation fournissent un effort considérable et méritent d’être soutenus.
La redevance que nous proposons repose sur le principe solidaire des vases communicants : les établissements capables d’affronter les difficultés résultant de l’inflation en faisant évoluer leurs tarifs contribueraient au financement des autres établissements, sachant que le montant serait fixé par décret. Une autre solution consisterait à obliger tous les établissements à proposer des places éligibles à l’aide sociale, mais mon but n’est pas d’obliger le secteur privé à obtenir une habilitation.
Mme Annie Vidal (EPR). Les problèmes des Ehpad sont nombreux et nous ne les résoudrons pas aujourd’hui. C’est tout le système de l’aide sociale à l’hébergement que nous devons revoir ; il ne fonctionne pas et mérite une réforme structurelle profonde.
M. le rapporteur général. J’entends Mme Mélin et M. Monnet, qui estiment que le système est suffisamment complexe. De plus, toute redevance se répercuterait mécaniquement sur les tarifs pratiqués. Enfin, il convient de ne pas encourager la financiarisation des Ehpad.
Le diable se nichant dans les détails, que devrait faire un Ehpad disposant d’une place habilitée à l’aide sociale inoccupée s’il recevait la demande d’un résident non éligible ? Devrait-il laisser cette place vacante, en attendant qu’un résident éligible se présente ?
En tout état de cause, un simple amendement ne saurait résoudre le problème du financement des Ehpad.
Demande de retrait, sinon avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS413 de Mme Christine Arrighi
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Sur les 2 100 000 voitures de société circulant en France, près de 1 200 000 sont des voitures de fonction qui bénéficient d’un traitement fiscal spécifique. Les dépenses engagées par l’employeur pour les trajets personnels du salarié effectués avec une voiture de fonction sont un avantage en nature inscrit sur la fiche de paie, soumis à l’impôt sur le revenu et aux cotisations sociales. La mise à disposition de voitures de fonction, à la place d’une rémunération classique, permet aux employeurs de réduire leur niveau de taxation. Les salariés bénéficiaires profitent également d’un avantage fiscal pour des voitures qui remplacent leur véhicule personnel.
Alors que 92 % des voitures de fonction sont thermiques ou hybrides, ce régime de taxation constitue de fait une subvention indirecte aux carburants fossiles. En 2023, le manque à gagner pour la sécurité sociale se chiffrait à 4 milliards d’euros. Cet amendement tend à ouvrir la voie à une révision du mode d’évaluation des avantages en nature sur les voitures de fonction, afin d’éteindre la niche brune et de réserver ce régime de taxation aux véhicules les moins émetteurs de dioxyde de carbone.
M. le rapporteur général. L’utilisation privée d’un véhicule mis à disposition à des fins professionnelles constitue un avantage en nature déjà soumis à cotisation et à contribution sociales. Cet amendement étant donc partiellement satisfait, demande de retrait ou avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS49 de M. Arnaud Simion
M. Arnaud Simion (SOC). Cet amendement vise à plafonner l’abattement de 1,75 % sur l’assiette de la CSG-CRDS au titre des frais professionnels à une seule fois le plafond annuel de la sécurité sociale plutôt que quatre. Cet abattement profitant mécaniquement aux revenus aisés, en abaisser le plafond le rendra plus juste. Cette piste de financement de la branche autonomie, suggérée dans le rapport Vachey, rapporterait 150 millions par an.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Amendement AS569 de M. Jean-Paul Mattei
M. Philippe Vigier (Dem). La plus-value immobilière est soumise à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux lors de la cession d’un bien immobilier ou d’un droit relatif à un immeuble. Le montant de l’impôt dû est égal à 19 % de la plus-value au titre de l’impôt sur le revenu et à 17,2 % au titre des prélèvements sociaux, soit 36,2 %. Une exonération s’applique après vingt-deux ans au titre de l’impôt sur le revenu et trente ans au titre des prélèvements sociaux. Par conséquent, certains propriétaires attendent de longues années avant de vendre leurs biens.
Cet amendement, dont le corollaire a été déposé sur le PLF 2025, vise à remplacer ces exonérations par un abattement équivalent à l’actualisation de la valeur d’acquisition du bien en fonction de l’inflation. Dans le même temps, il a pour objet l’application du prélèvement forfaitaire unique (PFU). Il en résulterait une plus grande équité de traitement et l’accélération de la mise en circulation des biens, au moment où la crise du logement est si forte.
M. le rapporteur général. Je n’y suis pas défavorable, mais il me semble préférable d’attendre de connaître le sort réservé à l’amendement déposé sur le PLF. Dans cette attente, je vous demande de retirer celui-ci et vous invite à le déposer en vue de l’examen du texte en séance publique.
M. Philippe Vigier (Dem). Je le retire, mais nous aurions pu montrer la voie à la commission des finances.
L’amendement est retiré.
Amendements AS112 et AS113 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)
M. Jérôme Guedj (SOC). Afin de rendre le financement de la protection sociale plus efficace et plus juste, je vous propose deux amendements quelque peu révolutionnaires, visant à instaurer une CSG progressive sur les revenus d’activité. En effet, contrairement à l’impôt sur le revenu, qui est progressif, le taux de CSG est proportionnel.
Ces amendements d’appel prévoient un rendement constant, le premier d’entre eux dégageant même 100 millions d’euros de recettes supplémentaires d’après notre étude d’impact. Ils présentent en outre l’avantage de corriger le défaut principiel du financement de la protection sociale. Nous devons introduire une notion de progressivité si nous voulons respecter l’article 13 de la Déclaration des Droits de l’Homme, qui énonce que la contribution de chacun aux charges communes se fait en raison de ses facultés, ainsi que la vision d’Ambroise Croizat, pour qui chacun doit contribuer selon ses moyens et bénéficier selon ses besoins.
Bien sûr, il y aura quelques gagnants et des perdants – très peu –, mais les seuils retenus dans ces amendements d’appel peuvent être débattus. Pendant la campagne des élections législatives, le parti présidentiel avait mis en ligne un simulateur pour déconsidérer cette mesure ; comme cet outil considérait que les taux étaient différenciés et non progressifs, ses résultats étaient aberrants et il a été retiré.
M. le rapporteur général. L’appréciation de la capacité contributive des redevables par le Conseil constitutionnel pourrait être un obstacle essentiel à l’application ces mesures. En outre, l’échéance que vous prévoyez est particulièrement courte.
Demande de retrait, sinon avis défavorable.
Pour autant, dans la période actuelle, c’est une petite piste s’agissant d’une contribution dont le produit s’élève à 153 milliards d’euros. En tout état de cause, une réflexion et une évaluation plus approfondies sont nécessaires. Je vous remercie, monsieur Guedj, pour cette proposition, que le président Valletoux souhaitera peut-être intégrer à nos travaux.
M. le président Frédéric Valletoux. Je souscris aux propositions du rapporteur général et je proposerai au bureau de la commission de s’en saisir.
M. Nicolas Turquois (Dem). Je suis totalement défavorable à ces amendements. La CSG n’a pas vocation à être progressive : lors de sa création, Michel Rocard avait précisément souhaité un taux universel, quel que soit le niveau des revenus. Certaines exemptions me semblent d’ailleurs discutables.
M. Jérôme Guedj (SOC). Pourquoi appliquer un taux progressif pour l’impôt sur le revenu, mais pas pour le financement de la protection sociale, dont les mesures ne sont pas toutes assurantielles ? Un taux proportionnel est logique dans le cadre d’un fonctionnement assurantiel, mais dès l’instant où des prestations non contributives sont financées, la progressivité a du sens, dans une logique de solidarité.
Je suis heureux d’entendre que le rapporteur général et le président sont prêts à lancer une réflexion sur le financement de la protection sociale. C’est le chantier prioritaire des prochaines années, qui s’étend au-delà de la progressivité de la CSG et porte sur l’assiette à partir de laquelle nous finançons la protection sociale, alors que de plus en plus de machines remplacent des travailleurs, diminuant d’autant la masse salariale.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques AS904 de M. Benjamin Lucas-Lundy et AS1538 de M. Hendrik Davi, amendements AS445 de M. Laurent Panifous et AS99 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)
M. Benjamin Lucas-Lundy (EcoS). Mon amendement vise à augmenter le taux de CSG sur les revenus du capital, permettant ainsi un rendement supplémentaire de 3 milliards d’euros pour les caisses de la sécurité sociale. Cette mesure de justice et d’équité permettrait de mieux financer la protection sociale sans peser davantage sur les revenus du travail. En effet, les revenus du capital sont moins soumis à contribution que ceux du travail, alors qu’ils augmentent bien plus vite.
M. Hendrik Davi (EcoS). Il faut trouver de nouvelles recettes, parce que nous avons besoin de dépenser plus pour les hôpitaux, les soignants, les familles et les retraites, en raison du vieillissement de la population. Cet amendement vise à augmenter le taux de la CSG sur les revenus du capital, qui n’a été augmenté que de 1 point en 2018, contre 1,7 point pour les revenus d’activité. Pourtant, les revenus du capital ont progressé relativement rapidement depuis, grâce à la politique très généreuse d’Emmanuel Macron. Les entreprises du CAC40 ont versé plus de 70 milliards d’euros de dividendes en 2022 et 2023, et dégagé près de 146 milliards de bénéfices en 2024 : cela laisse de la marge pour financer la sécurité sociale. L’adoption de cet amendement permettrait de récupérer 3 milliards supplémentaires.
Je préfère dépenser pour que les travailleurs puissent partir plus tôt à la retraite, que les familles monoparentales soient aidées ou que les salariés n’aient pas à payer l’augmentation de leur complémentaire santé, même si en contrepartie les plus riches doivent renoncer à leur yacht ou à leur cinquième villa sur la Côte d’Azur. J’assume ce choix politique.
M. Paul-André Colombani (LIOT). L’amendement AS445 vise à augmenter de 2 points le taux de CSG sur les revenus du capital, afin de dégager des ressources supplémentaires pour financer la branche autonomie de la sécurité sociale. Cette mesure dégagerait 2,6 milliards d’euros, alors que le rapport Libault évalue les besoins à 9,2 milliards.
Après la crise du covid et son impact sur les Ehpad, après l’abandon de la loi « grand âge » et l’absence de loi de programmation pluriannuelle, il est urgent de trouver de nouveaux moyens de financement. Mis à part l’affectation de 0,15 point supplémentaire de CSG en 2024, rien n’est prévu pour financer cette branche.
M. Jérôme Guedj (SOC). Cet amendement a également pour objet une hausse exceptionnelle de la taxation des revenus du capital – essentiellement les produits de placements et le patrimoine –, afin de dégager les ressources qui nous font défaut. Le rendement de cette augmentation de 1,4 point de la CSG est estimé à 1,5 milliard d’euros.
Compte tenu de la suppression de l’article 6, qui permettait de disposer de 5 milliards d’euros de ressources supplémentaires, et de la probable modulation du gel injuste des pensions de retraite, il est nécessaire de trouver entre 5 et 7 milliards de recettes. Cet amendement avait pour but de consolider le budget de la sécurité sociale, mais il peut également servir à compenser les conséquences de vos décisions. En tout état de cause, il vous faudra trouver des recettes supplémentaires, sinon vous serez contraints de ponctionner l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), notamment sa branche hospitalière, ce qui n’est pas envisageable, vous en conviendrez.
M. le rapporteur général. Monsieur Guedj, acceptez que l’on puisse parfois chercher à réduire les dépenses plutôt qu’à augmenter systématiquement les recettes – pas nécessairement au sein du PLFSS, dont l’examen est un exercice très normé, mais dans le cadre d’un équilibre global. Puissions-nous, en France, avoir des discussions qui ne soient pas systématiquement orientées vers la hausse des taxes, au profit de la diminution des dépenses publiques ! Dans les 1 600 milliards d’euros qu’elles représentent, il y a certainement des secteurs qui s’y prêtent mieux qu’un projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Monsieur Davi, les prélèvements obligatoires sur le capital représentent, en France, 10,5 % du PIB, contre une moyenne de 8,8 % dans la zone euro et de 8,5 % dans l’Union européenne, où la France occupe – c’est assez rare pour être signalé – le troisième rang, assez loin de l’Allemagne, où ce taux est de 7,7 %. Votre amendement est donc satisfait.
Monsieur Colombani, je ne me satisfais pas plus que vous de la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale si elle n’est pas financée. Je vous mets toutefois en garde contre les effets de la solution que vous proposez. L’assiette des produits de placement inclut les plans d’épargne logement, l’assurance vie, les plans d’épargne populaire et les intérêts des livrets d’épargne. Taxer les économies épargnées par les Français qui travaillent et se montrent économes ainsi que bon gestionnaires de leurs revenus serait un très mauvais signal.
Demande de retrait ou avis défavorable.
M. Yannick Monnet (GDR). Nous soutenons les amendements. Nous sommes très perturbés par les injonctions paradoxales du Gouvernement et de la majorité. On nous dit d’un côté qu’il n’y a plus d’argent et qu’il est impossible d’augmenter les recettes et, de l’autre, on maintient, voire on accentue les exonérations. Votre stratégie est incompréhensible.
Avez-vous dressé le bilan de ce que coûtent les amendements que vous défendez et du refus de mobiliser des ressources pourtant significatives ? C’est incompréhensible ! Je ne suis pas surpris de la situation financière dans laquelle nous sommes. À vous entendre, je sais où est l’irresponsabilité.
M. Hendrik Davi (EcoS). Sur la taxation du capital comme sur le reste, les comparaisons entre les pays sont toujours relativement hasardeuses. Quoi qu’il en soit, nous sommes les députés de la nation française. Comme tels, nous exerçons sa souveraineté. Nous devons collectivement réfléchir au modèle de société que nous voulons.
Que d’autres pays fassent des choix distincts des nôtres n’implique pas que nous devions nous aligner sur les leurs. En matière de logement étudiant, l’allocation autonomie que nous proposons est inspirée par ce que fait le Danemark. Rien n’interdit de s’inspirer de ce qui se passe ailleurs.
Dans le cas d’espèce, nous avons des besoins en France, s’agissant notamment du financement de l’hôpital, de la branche vieillesse et de la branche famille. Il faut absolument trouver des recettes. Celles que nous proposons n’empêcheront pas de vivre ceux qui seront mis à contribution, la plupart d’entre eux vivant très bien.
Un problème dont nous devrons discuter demeure : la plupart des gens qui ont des villas sur la Côte d’Azur sont des oligarques russes, qui ne cotisent pas à la sécurité sociale. J’estime d’ailleurs que le président Macron n’est pas assez allé chercher l’argent des oligarques russes.
M. Michel Lauzzana (EPR). Il arrive un moment où trop de fiscalité tue la fiscalité. En 2018, nous avons réduit l’imposition ; l’année suivante, les recettes fiscales ont augmenté. Si l’on taxe trop, le rendement de l’impôt diminue, en France comme ailleurs. Je ne suis pas opposé à l’idée de taxer les plus riches, mais il faut maintenir un équilibre, faute de quoi on tue l’économie, que nous avions relancée et dont dépendent les recettes fiscales.
M. Paul-André Colombani (LIOT). Le constat ne fait pas débat : le solde de la branche autonomie deviendra négatif en 2025 et se dégradera jusqu’en 2028. Il faut donc trouver des solutions. N’étant pas le premier signataire de l’amendement AS445, j’ai des réticences à le retirer, sauf si M. le rapporteur général m’indique un chemin pour atteindre le cœur de cible d’ici à l’examen du texte en séance publique.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Il s’agit d’augmenter un taux de 2 points, rien de plus. Nous sommes le troisième pays en nombre de millionnaires, et celui où leur effectif a le plus progressé en sept ans de mandat d’Emmanuel Macron.
M. Lauzzana a décrit ce que les économistes appellent la courbe de Laffer, selon laquelle augmenter le taux d’imposition réduit les recettes. Sa véracité n’a jamais été établie par les travaux empiriques des économistes. En revanche, lorsque vous diminuez les remboursements de visites médicales et augmentez le nombre d’indemnités journalières non remboursées ainsi que les cotisations sur les bas salaires, vous le faites de façon pérenne, sans vous inquiéter des conséquences sociales qui peuvent en résulter sur des gens qui ne partiront certes pas en Suisse, mais qui peuvent bien manger un repas de moins.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Mes chers collègues macronistes, je respecte ce que vous dites, en répétant qu’il ne faut pas plus de fiscalité. Le problème, c’est que cela fait sept ans que vous le dites, et même plus longtemps puisque Macron était ministre de l’économie avant d’être Président de la République. La situation dans laquelle nous sommes, vous ne pouvez pas dire qu’elle arrive comme par magie, que vous n’avez aucune responsabilité dans l’existence d’immenses trous dans les caisses.
Ce que nous essayons de vous dire, c’est que vous prenez le problème par le mauvais bout. Alors même que nous avons des trous dans les caisses, vous nous expliquez qu’il faut moins de recettes, en disant que cela stimulera l’économie. Mais la réalité, les faits, le présent démontrent que cela est faux.
Ce que nous vous expliquons, du côté du Nouveau Front Populaire, c’est que la hausse du ticket modérateur et l’amoindrissement du remboursement des indemnités journalières frappent des dispositifs que vous appelez grossièrement des dépenses. Ce faisant, vous diminuez le pouvoir d’achat des Français, qui consomment donc moins. Cela induit un ralentissement économique en raison duquel nous avons moins dans les caisses.
Le problème, c’est que le présent vous donne tort. Nous vous demandons de réviser votre logique. Ce que vous dites, vous le dites depuis sept ans. Il est temps de passer à une autre logique, au moins pour essayer.
M. Philippe Vigier (Dem). Il est tellement facile de dire « Nous allons alourdir brutalement la fiscalité » ! J’ai en mémoire l’année 2016, lorsque nous avons décidé d’augmenter l’impôt sur les sociétés de 33,3 % à 36,6 % sans que M. Fabius ne s’y oppose. Le rendement de l’impôt a baissé. Manifestement, les entreprises, comme les particuliers, adaptent leur comportement.
Certes, il y a des trappes dans lesquelles certains se vautrent pour échapper à la fiscalité de droit commun. Il n’en reste pas moins que, si nous envoyons un signal d’alourdissement considérable de la CSG, notamment de celle pesant sur le capital, l’effet sera contre-productif. Je donne rendez-vous à quiconque en doute.
M. Jérôme Guedj (SOC). Monsieur le rapporteur général, vous dites qu’il faut privilégier les baisses de dépenses, à tout le moins faire des économies sur leur augmentation. C’est ce que fait le présent PLFSS, qui ralentit la hausse des dépenses sociales à hauteur de 15 milliards d’euros, dont 4 milliards grâce à la désindexation des pensions et environ 5 milliards grâce à la fixation de l’Ondam à 2,8 %.
Le problème, c’est que vous touchez à l’os, d’autant que Laurent Saint-Martin nous a annoncé une bombinette que personne n’a encore évoquée : le Ségur de la santé, dont le montant correspond à peu près à la totalité du déficit de la branche maladie, n’est pas financé. La seule question qui vaille est celle-ci : quelles sont les recettes ?
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Que nous voulons toujours alourdir la fiscalité et passons notre temps à parler uniquement de recettes est difficile à entendre. Vous semblez ne pas avoir conscience que vous avez réussi à aligner sur nos positions Pierre Moscovici, qui dit que nous n’avons plus les moyens de baisser les impôts sans compenser comme cela a été fait depuis 2017, et François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, qui dit qu’il faut faire un effort exceptionnel sur les grandes entreprises et les plus hauts patrimoines.
Vous avez même aligné sur nos positions Emmanuel Macron qui, en avril 2024, expliquait au Figaro que nous avons un problème de moindres recettes. Celui-là même qui a multiplié par deux les exonérations de cotisations sociales dit désormais qu’il y a un problème de recettes !
Vous semblez ne pas avoir conscience qu’il finira par rester deux, trois, quatre, cinq ou six personnes dans cette commission, voire dans le pays, ne comprenant pas que l’on ne peut pas financer notre protection sociale si ses recettes n’augmentent pas. Que les Français paient au prix de leur santé le besoin de financement de la sécurité sociale n’est pas entendable.
M. le rapporteur général. Monsieur Davi, nous sommes tous d’accord sur la nécessité de parvenir à taxer les oligarques russes. Le problème que pose votre amendement, c’est qu’en se contentant d’augmenter la CSG sur les revenus du capital, il cible tous les Français. La plupart de nos compatriotes sont des gens qui travaillent dur chaque jour, parfois pour un revenu à peine supérieur aux minima sociaux, et qui ont parfois du mal à placer un peu d’argent dans un PEL ou dans un livret. Vous proposez de taxer ces revenus du travail, gagnés par des gens qui ont des journées compliquées.
Taxer les ultra-riches et les oligarques russes, oui ; taxer les Français qui travaillent et qui en bavent chaque jour pour ouvrir un PEL ou un livret A, non. Par ailleurs, il n’est pas absurde de réduire les dépenses pour éviter de taxer toujours les mêmes, ceux qui travaillent et ont le sentiment de n’avoir droit à rien. Votre amendement taxe peut être les ultra-riches, mais il taxe surtout ceux qui travaillent dur chaque jour.
Monsieur Colombani, j’ai conscience qu’il vous est difficile de retirer l’amendement. J’aimerais pouvoir vous annoncer, ce qui ferait très plaisir à Mme Annie Vidal et à M. Guedj, l’examen d’une loi « grand âge » ; malheureusement, rien de tel n’est prévu d’ici l’examen du présent texte en séance publique la semaine prochaine.
La commission rejette successivement les amendements.
Les travaux sont suspendus de dix-sept heures quinze à dix-sept heures trente.
Amendement AS122 de M. Jérôme Guedj
M. Joël Aviragnet (SOC). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
Amendements AS545 de M. Yannick Monnet, AS91 de Mme Océane Godard et AS1022 Mme Zahia Hamdane (discussion commune)
M. Yannick Monnet (GDR). Mon amendement permettra d’aider le Président de la République à respecter ses engagements. En 2014, Emmanuel Macron indiquait vouloir « trouver une vraie solution pour supprimer les retraites chapeaux », critiquant « des montants incompréhensibles et aujourd’hui indéfendables ». Notre amendement, certes un peu moins révolutionnaire que les propos du Président de la République, vise à abaisser le seuil de taxation à 21 % des retraites chapeaux de 24 000 à 10 000 euros par mois.
Mme Océane Godard (SOC). Nous proposons d’abaisser le seuil de taxation à 21 % des retraites chapeaux de 24 000 à 12 000 euros par mois. Notre amendement est cohérent avec ceux du groupe Socialistes et apparentés visant à permettre un juste rééquilibrage en faveur du financement de notre système de retraites.
Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). Instaurer dès 10 000 euros par mois une taxe de 21 % sur les retraites chapeaux est une mesure essentielle pour renforcer l’équité fiscale et accroître les ressources permettant de financer le système de sécurité sociale. Les retraites chapeaux sont soumises à une taxation très faible en dépit de leur impact disproportionné sur les inégalités économiques.
La taxation que nous proposons vise à rendre le système fiscal plus progressif. Elle permettra également d’alléger la charge fiscale pesant sur d’autres formes de revenus tout en mobilisant des ressources supplémentaires pour le financement des prestations sociales. Il est temps d’agir pour garantir une juste contribution de ceux qui bénéficient de retraites élevées afin de soutenir notre modèle social et de garantir la solidarité entre tous.
M. le rapporteur général. Avis défavorable.
Si je souscris au principe d’une taxation des retraites chapeaux, je tiens à ce que nous adoptions des dispositions conformes à la Constitution. En 2015, le Conseil constitutionnel a censuré une disposition prévoyant de taxer à 45 % les retraites chapeaux excédant huit fois le plafond annuel de la sécurité sociale défini à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale. Une disposition prévoyant une taxation à 21 % des revenus supérieurs à 24 000 euros par mois a été censurée en 2012.
La commission adopte l’amendement AS545.
En conséquence, les amendements AS91 et AS1022 tombent.
Amendements identiques AS90 Mme Océane Godard, AS534 Mme Karine Lebon et AS606 de Mme Sandrine Rousseau
Mme Océane Godard (SOC). Nous proposons d’augmenter la taxation des retraites chapeaux les plus substantielles, supérieures à 24 000 euros, de 21 % à 30 %. Une telle augmentation est certes significative, mais elle reste largement supportable pour les bénéficiaires de retraites chapeaux, dont les montants parfois astronomiques ont largement choqué l’opinion publique et parfois même une bonne part des responsables politiques, jusques et y compris à droite.
Lorsque le PDG d’Airbus est parti à la retraite avec une rente de 1,3 million d’euros par an, Bruno Le Maire, qui était alors ministre de l’économie et des finances, a promis de les plafonner. Son prédécesseur à Bercy, M. Macron, s’était dit choqué par leurs montants. Il convient de faire contribuer ces retraites exorbitantes à l’effort collectif, dans un contexte où nous en avons bien besoin.
M. Yannick Monnet (GDR). Après le bel effort de solidarité que constitue l’adoption de l’amendement AS545, je vous invite à aller un peu plus loin avec l’amendement AS534, en augmentant de 21 % à 30 % le taux de taxation des retraites chapeaux supérieures à 24 000 euros.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Ces retraites tout à fait indues, énormes, incroyables, réservées à une toute petite élite des très grandes entreprises, méritent absolument la taxation.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission adopte les amendements.
Amendements identiques AS98 de M. Jérôme Guedj et AS535 M. Yannick Monnet
M. Joël Aviragnet (SOC). Par notre amendement AS98, il s’agit de revenir sur l’allégement de la fiscalité sur les actions gratuites adopté par la majorité lors de l’examen du PLFSS 2019. Cette disposition n’est pas justifiée socialement, dans la mesure où elle permet l’attribution gratuite d’actions essentiellement à des salariés bien rémunérés et à des dirigeants de grands groupes, qui doivent, par solidarité, contribuer plus que les autres au financement de notre sécu. Il s’agit d’une mesure de redressement budgétaire qui s’inscrit plus largement dans nos amendements visant à financer le système des retraites, afin de compenser l’abrogation des mesures de report de l’âge légal de départ en retraite et d’accélération prévues par la réforme des retraites adoptée en avril 2023 par le truchement du 49.3.
M. Yannick Monnet (GDR). Nous avons eu précédemment, l’occasion de livrer nos critiques de la logique de l’actionnariat salarié. La Dares estime la perte qu’elle induit pour la sécurité sociale en 2022 à 507 millions d’euros net, en raison des exonérations sur les stock‑options et des attributions gratuites d’actions. À défaut de les abroger, notre amendement propose de porter la contribution patronale sur les actions gratuites de 20 % à 30 %.
M. le rapporteur général. La Caisse nationale des allocations familiales bénéficie d’ores et déjà de plusieurs contributions, notamment d’une contribution due par les employeurs sur les attributions de stock-options, dont le taux peut atteindre 30 %. Le taux applicable aux cessions d’actions gratuites est de 20 % ou de 10 % dans certaines conditions. Comme l’indique le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, cette dernière ressource est dynamique. Son produit a augmenté de 14,3 % en 2023 après avoir augmenté de 2,5 % en 2022, et devrait progresser de 4,9 % en 2024 pour atteindre 1,1 milliard d’euros.
Demande de retrait ou avis défavorable.
M. Thibault Bazin (DR). Des solutions au problème de financement de la sécurité sociale qui toucheraient uniquement les grandes fortunes, pourquoi ne pas les regarder ? Or la cession d’actions gratuites, qui peut s’inscrire dans le cadre d’un abondement du plan d’épargne entreprise (PEE) ou compenser une décote, ne concerne pas exclusivement les grandes fortunes.
Nous avons dans nos territoires des PME qui procèdent à des cessions d’actions gratuites. J’ai rencontré des travailleurs aux revenus modestes qui en sont très heureux. En acquérant des actions de leur entreprise, ils bénéficient d’une forme de partage de la valeur et sont davantage intéressés à sa réussite. Il est faux de dire que les amendements dont nous débattons ciblent uniquement les grandes fortunes. Ils touchent aussi des travailleurs de la classe moyenne.
M. Jérôme Guedj (SOC). Je veux bien débattre de l’effet de la mesure que nous proposons avec M. Bazin, en excipant notamment du rapport de la Cour des comptes intitulé « Les niches sociales des compléments de salaire : un nécessaire rapprochement du droit commun », publié en mai dernier, recommandant son adoption et évaluant son rendement à 400 millions d’euros – ce chiffre est à mettre en perspective avec ceux évoqués lors de l’examen d’autres amendements. Cela permettra de prolonger le débat sur les distributions gratuites d’actions que nous avons eu hier.
Tendanciellement, le taux de la taxation compensatoire de la distribution d’actions gratuites a baissé. Si cette niche sociale est dynamique, c’est parce que la masse concernée est dynamique, cela parce que la fiscalité des cotisations sociales est plus favorable que la fiscalité de droit commun. Pourquoi acceptez-vous la multiplication de droits dérogatoires en lieu et place de l’application du droit commun ?
S’agissant de l’objection de M. Bazin, je démontrerai en séance publique que notre mesure concerne significativement les grandes fortunes. Je ne connais pas beaucoup de salariés de PME rémunérés par des distributions gratuites d’actions, tout simplement parce qu’il n’y a pas d’actions.
M. René Lioret (RN). Il y a des PME qui distribuent des actions à leurs salariés. Il s’agit de sociétés qui ne sont pas cotées en bourse mais ont néanmoins un système d’actions. Leur valeur est évaluée à dire d’expert, sur la base de la bonne santé de la société et non au hasard des fluctuations boursières. Il serait bon de distinguer l’actionnariat de l’entreprise cotée en Bourse dont les actions sont distribuées aux cadres dirigeants de l’actionnariat salarié des PME dont presque 100 % des salariés bénéficient, et qui est pour ces entreprises une façon de fidéliser leurs collaborateurs.
La commission rejette les amendements.
Amendement AS85 de Mme Océane Godard
Mme Océane Godard (SOC). L’amendement vise à revenir sur deux mesures, en rétablissant le taux de forfait social normal à 20 % pour les versements réalisés sur des plans d’épargne retraite (PER), et en réintroduisant la contribution sociale à la charge des employeurs de moins de 250 salariés au titre de l’intéressement et de la participation. Ces mesures, que nous estimons nécessaires au financement de notre système de retraites, permettent une répartition plus équilibrée des contributions de chacun.
Il n’est pas normal de faire peser l’équilibre de notre système uniquement sur le report de l’âge légal de départ en retraite et sur l’augmentation de la durée de cotisation. Il est tout à fait envisageable de proposer un financement de notre système de retraite reposant sur une répartition plus équilibrée de l’effort.
M. le rapporteur général. Avis défavorable.
M. Thibault Bazin (DR). Qui bénéficie des PER ? Je peux citer de nombreux exemples de travailleurs aux revenus modestes qui ont bénéficié de versements substantiels grâce à des abondements de leurs entreprises. De surcroît, certains versements sont plafonnés. Quant à l’intéressement et à la participation, ils offrent un treizième mois, voire un quatorzième, qui est très apprécié, tout en étant aussi soumis à des plafonnements. Une fois encore, la cible n’est pas limitée aux grandes fortunes. Cet amendement pénalisera le pouvoir d’achat de gens qui sont des travailleurs.
M. Jérôme Guedj (SOC). J’aimerais tordre le cou à l’argument de Thibault Bazin, qui nous demande systématiquement qui est concerné par les taux dérogatoires au droit commun, grâce à un raisonnement par l’absurde : avec un tel raisonnement, il faudrait baisser le taux des prélèvements de droit commun sur les salaires, au motif que tous les salariés en perçoivent un. Ce que nous proposons, c’est d’aligner sur le droit commun la taxation des revenus que la Cour des comptes appelle « compléments de salaire », dont la forme est analogue à celle d’un salaire, à tel point que leur taxation fait l’objet de mécanismes de contournement dans le cadre d’une forme d’optimisation fiscale, laquelle explique l’augmentation de l’assiette.
Plutôt qu’augmenter les salaires, la préférence est allée au versement de compléments de salaire – la prime Macron en est un exemple emblématique. Nous considérons que le salaire doit s’inscrire dans le droit commun. Si tel n’est pas le cas, il doit être soumis à un taux de cotisation et de contribution comparable à celui applicable au salaire. Nous appliquons le principe d’égalité.
M. Philippe Vigier (Dem). L’amendement aurait pour effet de briser un système incitatif que nous avons eu beaucoup de difficultés à faire monter en puissance. Il faut se souvenir d’où nous sommes partis. Nous avons acquis un rythme de croisière très intéressant. Ne cassez pas cela ! Les salariés en seront pénalisés.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Puisque vous parlez des petits salaires, il se trouve que j’ai été bénéficiaire, il y a deux ans, d’un dispositif d’intéressement et de participation, qui rapportait 45 euros par an. Je vous assure que ce n’est pas un surcroît de pouvoir d’achat, d’autant que la somme est bloquée sur un PEE et que vous ne pouvez pas y toucher pendant cinq ans, à moins d’acheter une maison, ce que vous ne faites pas tous les matins, ou de faire un troisième enfant, ce qui suppose d’en avoir déjà deux.
Si l’on m’avait demandé mon avis et si l’on demandait à chaque salarié s’il préfère un intéressement ou une participation, que son montant soit de 45 ou 2 000 euros, versé une fois par an et bloqué pendant cinq ans, ou un salaire du même montant réparti sur l’année, je vous garantis qu’il choisira toujours un surcroît de salaire.
M. Yannick Monnet (GDR). Vous dites que les salariés seront pénalisés, mais vous ne semblez pas considérer comme un problème que six salariés sur dix renoncent à des soins faute de moyens pour le budget de la sécurité sociale. J’entends certains collègues dire que c’est une question de médecins mais si l’on renonce aux soins faute de pouvoir payer les dépassements d’honoraires, c’est parce que la sécurité sociale manque de moyens.
Ce qui pénalise les salariés, ce ne sont pas nos mesures, mais bien l’insuffisance des financements de la sécu à l’aune de leurs besoins de santé. Voilà la question ! N’isolez pas les débats les uns des autres ! Nous voulons une sécurité sociale qui a les moyens de couvrir tous les salariés ; c’est là l’enjeu du présent PLFSS. Dans les arguments que vous opposez à nos mesures, le compte n’y est pas.
M. François Gernigon (HOR). Il ne faut pas confondre intéressement, participation et salaire. L’intéressement et la participation dépendent du résultat de l’entreprise et ont une fonction incitative. Ils s’inscrivent dans le cadre du partage de la valeur. Il faut conserver ces mesures incitatives. Il y a plusieurs années, elles ne faisaient pas même l’objet d’une fiscalisation. L’introduction du forfait social à un taux de 20 % a eu pour effet de réduire le nombre de contrats d’intéressement. Si l’on veut préserver le partage de la valeur, il ne faut pas toucher à l’intéressement et à la participation.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS110 de M. Jérôme Guedj
M. Jérôme Guedj (SOC). Je reviens encore une fois sur les fameux compléments de salaire. Selon la Cour de comptes, ils représentent 87 milliards d’euros et sont soumis à des cotisations sociales dont les taux sont inférieurs au droit commun, en particulier en ce qui concerne les cotisations patronales.
Ainsi, alors que le taux normal du forfait social est de 20 %, il est de seulement 16 % pour les versements sur un plan d’épargne retraite d’entreprise collectif, de 10 % pour l’abondement de PEE et de 8 % pour la contribution des employeurs privés et publics au financement de la prévoyance complémentaire.
Si l’on harmonise ces taux à 20 %, cela représente un rendement de 1 milliard d’euros pour la sécurité sociale.
M. Vigier a estimé que les taux différenciés avaient pour objectif d’encourager à pratiquer ce type de compléments de salaire. Si les taux ne sont plus incitatifs, les compléments de rémunération prendront la forme d’une augmentation de salaire.
M. le rapporteur général. Avis défavorable.
Majorer le taux du forfait social pénaliserait le partage de la valeur au sein des entreprises. Or ces compléments de salaire contribuent de manière non négligeable à l’amélioration du pouvoir d’achat des salariés.
M. Thibault Bazin (DR). Quand une entreprise a de meilleurs résultats et qu’elle souhaite en faire profiter ses salariés, augmenter les salaires peut parfois la placer dans une situation risquée à long terme, susceptible de menacer les emplois. C’est une réalité économique. On ne peut pas considérer qu’un intéressement peut indifféremment être transformé en salaire. C’est la limite de votre raisonnement.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques AS51 de M. Arnaud Simion, AS580 de Mme Karine Lebon et AS1155 de Mme Élise Leboucher
M. Arnaud Simion (SOC). Nous nous échinons à vous aider à trouver de nouvelles recettes, notamment pour la branche autonomie.
Ainsi, ces amendements visent à relever le financement de la contribution de solidarité pour l’autonomie (CSA) de 0,3 % à 0,6 %, afin d’apporter 3 milliards d’euros de plus par an à cette branche.
La création de la branche autonomie ne s’est pas accompagnée de financements suffisants pour faire face aux besoins identifiés dans le rapport Libault de mars 2019 – soit 6 milliards d’euros supplémentaires par an à partir de 2024 et 9 milliards à partir de 2030.
M. Yannick Monnet (GDR). On comptait 4,1 millions de personnes âgées de 75 à 84 ans en 2020 ; elles seront 6 millions en 2030. La France comptera alors entre 160 000 et 320 000 seniors dépendants de plus en 2030 par rapport à 2023. Un rapport du Conseil économique, social et environnemental publié en 2023 indiquait qu’à politique publique inchangée, l’augmentation du nombre de bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie conduirait à une hausse de 30 % de dépenses liées à cette prestation entre 2020 et 2040.
La LFSS 2024 a limité à 2,1 milliards d’euros les dépenses de la branche autonomie et ce PLFSS ne comprend aucune mesure nouvelle pour prendre en charge de la perte d’autonomie. Avec l’amendement AS580, il est donc urgent de prévoir de nouvelles recettes pour cette branche.
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Je défends l’amendement AS1155.
Depuis 2018, on annonce vouloir financer la branche autonomie de façon pérenne, mais rien de concret n’a été fait.
La prise en charge de la perte d’autonomie n’est évidemment pas à la hauteur des besoins, comme en témoignent les difficultés que rencontrent les Ehpad. Ils sont 85 % à être en déficit, ce qui pèse sur leur capacité de recrutement et a des conséquences pour leurs salariés. Ceux que j’ai récemment reçus dans ma permanence m’ont indiqué qu’une semaine seulement après les vacances d’été ces dernières étaient oubliées, tant les conditions de travail sont difficiles.
M. le rapporteur général. Depuis le début de 2024, 0,15 point de CSG supplémentaire est affecté au financement de la branche autonomie. Ce n’est certes pas suffisant et M. Monnet a raison de souligner qu’il est urgent de financer cette dernière.
Mais il faut aussi être prudent. Nous avons supprimé l’article 6 et ne savons donc pas quel sera le niveau des allégements généraux sur les prélèvements sociaux patronaux. Il faut donc vérifier au préalable si les entreprises seront capables de supporter une réduction de leurs allégements de charges et le relèvement de la CSA proposé par les amendements.
C’est grâce au travail que l’on arrivera à améliorer les comptes sociaux, et certainement pas par la décroissance et les suppressions d’emplois.
Demande de retrait.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). L’autonomie fait partie des libertés individuelles fondamentales.
Or cela fait maintenant vingt ans que les salariés consacrent une journée de travail par an au financement de l’autonomie – un jour sur les 218 qui sont travaillés dans l’année, soit 0,5 % de la valeur ajoutée des salariés alors que les employeurs s’acquittent seulement de 0,3 %. C’est très injuste et ces amendements ont simplement pour objet d’égaliser les contributions du capital et du travail.
M. Hendrik Davi (EcoS). On ne peut pas à la fois se féliciter de la suppression de l’article 6 et en tirer prétexte pour limiter les possibilités de discussion du texte, au motif que l’on ignore désormais le niveau des allégements de cotisations patronales.
Il est important d’augmenter le taux de la CSA pour financer la branche autonomie. Passer de 0,3 % à 0,6 % ne mettra pas les entreprises en difficulté.
M. Jérôme Guedj (SOC). Ces amendements posent la question du financement de la branche autonomie. Je suis au regret de dire que la part de CSG qui lui a été affectée en 2024 a été pour l’essentiel absorbée par les mesures de revalorisation salariale prises notamment dans le cadre du Ségur de la santé, au détriment d’autres objectifs comme l’amélioration du ratio d’encadrement dans les Ehpad.
Notre commission aurait dû être saisie du projet de loi de programmation sur le grand âge et l’autonomie avant le 31 décembre de cette année. Annie Vidal a d’ailleurs courageusement interpellé le Premier ministre à ce sujet lors des questions au Gouvernement. Tant que nous n’aurons pas abordé de manière globale la question des besoins liés à la perte d’autonomie et celle de leur financement, on continuera à avoir de très grandes difficultés dans les Ehpad et les services à domicile.
M. le rapporteur général. Je ne m’oppose pas au débat. J’ai seulement précisé qu’il serait préférable de discuter de votre proposition d’augmentation de la CSA lorsque l’on connaîtrait le volume et l’assiette des allégements généraux de cotisations patronales, afin de pouvoir mesurer le caractère soutenable des amendements pour les entreprises.
La commission rejette les amendements.
Amendement AS53 de M. Arnaud Simion
M. Arnaud Simion (SOC). Cet amendement vise à assujettir à la CSA des revenus qui en sont actuellement exonérés, ainsi que les revenus des travailleurs indépendants. Ces propositions figurent dans le rapport Vachey que j’ai mentionné précédemment.
Cela permettra d’assujettir les sommes versées au salarié au titre de l’intéressement, de la participation, de la participation de l’employeur aux plans d’épargne et du financement des prestations de protection sociale complémentaire.
Cela représenterait 600 millions d’euros de recettes supplémentaires, dont 240 millions au titre des salariés et 360 millions au titre des travailleurs indépendants.
M. le rapporteur général. Votre proposition conduirait à relever le taux des contributions dues par les travailleurs indépendants, alors même que l’assiette des prélèvements sociaux fait actuellement l’objet d’une importante réforme dont il importera d’évaluer tous les effets.
Demande de retrait.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS50 de M. Arnaud Simion
M. Arnaud Simion (SOC). L’amendement propose de créer une contribution de solidarité des actionnaires assise sur les dividendes distribués. Son produit serait affecté à la branche autonomie.
Il importe de mettre à contribution le capital dans une perspective d’élargissement du financement de la protection sociale.
Cette mesure rapporterait 2 milliards d’euros à la branche autonomie.
M. le rapporteur général. Les dividendes sont soumis au PFU, avec un taux de 17,2 % pour la protection sociale. Ces revenus contribuent donc déjà au financement de la sécurité sociale.
Demande de retrait.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS86 de Mme Océane Godard
Mme Océane Godard (SOC). Imaginez que vous ayez touché 2 millions d’euros par jour entre le jour de votre naissance et votre cinquantième anniversaire : eh bien vous auriez alors à peine le quart de la fortune de Bernard Arnault. Je ne prends pas cet exemple pour fustiger les ultra‑riches, mais pour poser la question de la redistribution.
Cet amendement propose de créer une contribution de solidarité de 2 % sur la fortune des milliardaires français. Cela permettrait de récupérer 12 milliards d’euros et de combler le déficit du régime des retraites.
M. le rapporteur général. On peut comprendre votre souhait de créer une telle contribution et je partage la philosophie selon laquelle les ultra‑riches peuvent contribuer davantage. Mais est-ce réalisable ?
Tout d’abord, une telle mesure pourrait conduire au départ d’un certain nombre de capitaux et d’entreprises vers des pays où la fiscalité est moindre.
Ensuite, l’assiette de cette contribution est beaucoup trop étroite pour garantir la nécessaire pérennité des ressources de la sécurité sociale.
Demande de retrait.
M. François Gernigon (HOR). Je suis d’accord avec le rapporteur général sur le plan philosophique, mais il faut peut-être regarder un peu plus loin.
Quand on parle de la fortune de Bernard Arnault, on doit aussi considérer qu’il emploie 170 000 salariés en France et que ces derniers font partie des 20 % les mieux rémunérés. On ne peut pas dire que cette fortune a été acquise sur leur dos.
Le dividende par action versé par LVMH a certes progressé de 20 % entre 2021 et 2022, passant de 10 à 12 euros. Mais son rendement par rapport au prix de l’action est de 1,5 %, soit deux fois moins que la rémunération du livret A. Je ne vois donc pas où est le problème.
Si l’on pousse les fortunes à s’exiler, cela conduira à supprimer des milliers d’emplois et à moins de production de richesses, de consommation et de recettes de TVA.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS1539 de M. Hendrik Davi
M. Hendrik Davi (EcoS). Le système de santé est en très grande difficulté. Il manque 18 milliards d’euros dans les caisses et il n’est pas possible de nier la fermeture de services d’urgence, la colère des infirmières, la paupérisation des retraités ou l’étendue des déserts médicaux.
Au Royaume‑Uni, on a refusé pendant des années de regarder en face l’effondrement du système de santé en raison d’investissements insuffisants. Les Britanniques s’en mordent désormais les doigts.
Cet amendement propose donc de créer une contribution de solidarité sur la fortune des milliardaires, dont le produit serait affecté en priorité aux cinq branches de la sécurité sociale.
Selon Oxfam, 2 % seulement de la fortune des milliardaires – qui a augmenté de plus de 200 milliards d’euros, soit une hausse de près de 60 % – suffiraient à financer le déficit attendu des retraites. Le patrimoine cumulé des 147 milliardaires français s’élève à près de 1 000 milliards en 2024 : cela fait pas mal de yachts et de villas et ils peuvent nous aider, et aider les infirmières en colère.
L’amendement permettrait de collecter entre 2 et 5 milliards d’euros pour la sécurité sociale.
Contre l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement.
Contre l’avis du rapporteur général, la commission adopte ensuite les amendements identiques AS89 de Mme Océane Godard et AS600 de Mme Sandrine Rousseau.
Amendements AS100 de Mme Mélanie Thomin et AS476 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)
Mme Mélanie Thomin (SOC). Cet amendement propose de créer une taxe sur les superprofits des grandes entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 750 millions d’euros.
Nous nous interrogeons sur la financiarisation croissante du secteur de la santé. Le groupe Eurofins – dont le siège est au Luxembourg et dont le chiffre d’affaires s’est élevé à 6,5 milliards d’euros en 2023 – comprend une branche consacrée à la biologie médicale. Cette dernière est le seul prestataire disponible dans certaines zones rurales, dont ma circonscription, pour des patients devenus des clients – ce qui ne constitue pas la garantie d’un service de qualité en raison d’une volonté d’optimisation des coûts et de maximisation des gains.
Les employés d’Eurofins eux-mêmes dénoncent leurs conditions de travail : les négociations salariales sont factices, ils n’obtiennent pas de revalorisations salariales, certains sites sont insalubres et les bénéfices sont captés par les actionnaires.
Nous souhaitons que les ressources issues de ce prélèvement financent l’augmentation des moyens dans les secteurs sanitaire, médico-social et social ainsi que la sécurité sociale et le système de retraite.
M. le rapporteur général. La situation que vous avez décrite est inadmissible. Nous dénonçons tous cette financiarisation des laboratoires, qui donnera lieu à un certain nombre d’amendements. Il faut en effet s’assurer de rétribuer de manière juste les laboratoires installés dans les territoires, afin d’éviter une financiarisation du secteur – fléau qui touche désormais aussi la radiologie.
S’agissant de votre amendement, je répète que taxer davantage présente le risque de voir les sièges sociaux être déplacés dans d’autres pays – ce qui est déjà le cas dans l’exemple que vous citiez. On ne peut pas garantir la pérennité du financement de la sécurité sociale si l’on ne s’assure pas de la stabilité de l’assiette du prélèvement.
Demande de retrait.
M. Philippe Vigier (Dem). Le phénomène de financiarisation n’est pas nouveau et il s’aggrave. Il conduira inexorablement à des fermetures dans les territoires ruraux, donc à une diminution de l’offre. C’est vrai pour les radiologues, mais aussi pour les pharmacies et la biologie médicale.
Alors que ce PLFSS prévoit de faire 360 millions d’euros d’économies dans le secteur de la biologie médicale, votre amendement contribuerait à aggraver les problèmes.
Il faut mener un véritable travail de fond, notamment en s’intéressant aux actions de préférence. Cela doit avoir lieu dans un cadre transpartisan, car l’offre de soins est une question qui dépasse les clivages politiques.
La commission adopte l’amendement AS100.
En conséquence, l’amendement AS476 tombe.
Amendement AS1010 de Mme Zahia Hamdane
Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). Face à l’injustice flagrante que constitue le gel des pensions, il est impératif d’instaurer une cotisation exceptionnelle sur les superprofits pour garantir le financement des retraites. Le Gouvernement prévoit de réaliser 3,6 milliards d’euros d’économies sur le dos des retraités, alors même que ces derniers sont déjà durement frappés par la précarité. En 2024, d’après l’association Petits Frères des pauvres, 2 millions de personnes âgées vivent sous le seuil de pauvreté.
Cet amendement énonce une alternative claire : plutôt que de ponctionner ceux qui ont déjà du mal à joindre les deux bouts, il est temps de mettre à contribution ceux qui se sont enrichis grâce à la crise. Une taxe sur les superprofits est non seulement une mesure de justice sociale, mais elle permettrait aussi de protéger nos aînés – qui, eux, n’ont certainement pas vu leurs revenus exploser en 2023.
Le choix est simple : faire payer les plus riches ou continuer à appauvrir les retraités. Nous optons pour la solidarité et la justice sociale.
M. le rapporteur général. Avis défavorable.
M. Philippe Vigier (Dem). Cet amendement propose une contribution assise sur le chiffre d’affaires, alors qu’il faudrait viser les bénéfices. C’est un non-sens absolu. Continuez ainsi et vous verrez les conséquences pour les groupes agroalimentaires et les grandes coopératives, car cela favorisera la grande distribution.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS931 de Mme Élise Leboucher
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Il s’agit de créer une taxe sur les superprofits des plus gros laboratoires pharmaceutiques.
Le covid aurait dû marquer un tournant dans les rapports avec l’industrie pharmaceutique. Emmanuel Macron parlait à l’époque de faire du vaccin un « bien public mondial ». Sanofi était prêt à brader son vaccin aux Américains, mais il n’a jamais réussi à en trouver un. On a alors assisté au plus gros gavage de l’histoire, avec quarante nouveaux milliardaires dans ce secteur, des prix qui ont explosé et des aides publiques qui sont encore versées sans condition. Sanofi distribue 4 milliards d’euros de dividendes chaque année et, en plus, va se débarrasser de sa filiale qui fabrique le Doliprane.
Pire encore, la taxe sur les superprofits qui avait été envisagée à l’échelle européenne ne touchait pas l’industrie pharmaceutique.
Nous proposons donc une mesure de justice fiscale et sociale qui permette de rééquilibrer les choses.
M. le rapporteur général. Avis défavorable. Il faut asseoir le financement de la sécurité sociale sur une assiette qui n’est pas volatile.
S’agissant de Sanofi, vous connaissez ma position personnelle. Quand un industriel a bénéficié du crédit d’impôt recherche et autres avantages pour installer de nouvelles usines, l’État doit utiliser tous les moyens à sa disposition – notamment en activant les mesures autorisées par le code monétaire et financier qui permettent de bloquer la vente d’une filiale. C’est une question de souveraineté.
On voudrait nous faire croire que seuls les Français prennent du Doliprane, mais le groupe Seqens installe dans ma circonscription une usine qui assurera à terme 60 % des besoins de paracétamol en Europe. Arrêtons la désinformation !
M. Michel Lauzzana (EPR). Taxer le chiffre d’affaires est une hérésie. Certaines entreprises de l’industrie pharmaceutique ont un chiffre d’affaires élevé mais font très peu de bénéfices.
Cette histoire de Doliprane est un enfumage. Le Gouvernement a fait ce qu’il fallait en finançant une usine de Seqens qui produira le principe actif du paracétamol, ce qui est le plus important. Sanofi se contente d’empaqueter.
Votre amendement va en revanche affecter Upsa, entreprise française qui a agrandi ses chaînes de production, ce qui a permis de ne pas manquer de paracétamol pendant la crise sanitaire. En confondant ces entreprises les unes avec les autres, vous allez tuer celles qui travaillent sur le sol français en y faisant très peu de bénéfices – Upsa perd même de l’argent en commercialisant du paracétamol pédiatrique sur le marché français. Les effets d’une telle mesure seront délétères.
M. Yannick Monnet (GDR). Sanofi a perçu 125 millions d’euros par an au titre du crédit d’impôt recherche depuis dix ans – tout en refusant désormais de mener des recherches. Il faut arrêter de croire que l’on est en train d’asphyxier cette entreprise.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1540 de M. Hendrik Davi
M. Hendrik Davi (EcoS). Cet amendement propose de mettre en place une contribution exceptionnelle sur les superprofits réalisés par les entreprises pétrolières, afin de renforcer les ressources de la sécurité sociale.
Les bénéfices de ces entreprises continuent de croître de manière spectaculaire. Par exemple, TotalEnergies a enregistré un résultat record de 19,8 milliards d’euros en 2023. On sait que l’industrie pétrolière pratique l’optimisation fiscale pour réduire ses impôts, mais la manne potentielle de la contribution que nous proposons reste non négligeable.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
Amendements AS541 de Mme Karine Lebon, AS602 de Mme Sandrine Rousseau et AS88 de Mme Océane Godard (discussion commune)
M. Yannick Monnet (GDR). Depuis plusieurs années, les gouvernements successifs œuvrent pour rendre la capitalisation plus attractive.
La loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi « Pacte », a largement impulsé cette dynamique en créant des organismes de retraite professionnelle supplémentaire – c’est-à-dire des fonds de pension à la française – et en procédant à des assouplissements réglementaires.
L’étape suivante a consisté à simplifier au maximum les produits d’épargne retraite en les regroupant dans un seul dispositif, le plan épargne retraite individuel ou collectif. Les produits proposés par des banques, des assurances ou des mutuelles sont gérés par celles-ci ou confiés à des gestionnaires d’actifs.
Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, le montant total de ces actifs dépasse désormais les 250 milliards d’euros, contre 205 milliards en 2015. Ces dispositifs font la part belle à la capitalisation individuelle, inégalitaire, au détriment de notre système par répartition, solidaire.
C’est pourquoi nous proposons par l’amendement AS541 une contribution exceptionnelle de 15 % sur les fonds de pension.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). On pourrait très bien s’appuyer sur la retraite par capitalisation pour sauver celle par répartition. Cela permettrait de décourager le recours à l’une tout en finançant l’autre.
M. Jérôme Guedj (SOC). L’amendement AS88 est défendu.
M. le rapporteur général. Avis défavorable.
M. Thibault Bazin (DR). Je partage l’avis du rapporteur général. Certains fonds de pension travaillent pour nos caisses de retraite – y compris celles des fonctionnaires – et nos assurances. Ils sont abondés par des cotisations qui appartiennent aux Français : vous les pénalisez par répercussion en taxant ces fonds. Les conséquences pourraient être terribles, y compris en termes de souveraineté.
M. Yannick Monnet (GDR). J’ai bien compris que vous ne vouliez rien changer, monsieur Bazin.
La retraite par répartition peut être déficitaire mais elle ne peut pas faire faillite, parce qu’il y aura toujours des cotisants pour l’alimenter. C’est le contraire pour la retraite par capitalisation : aux États-Unis, en cas de faillite, les gens perdent tout d’un seul coup. Notre priorité n’est pas de faire un mix mais de nous battre pour garder la retraite par répartition. Il faut donc taxer la capitalisation pour continuer à alimenter notre système.
M. Philippe Vigier (Dem). Nous sommes très attachés à la retraite par répartition, comme le démontre la réforme que nous avons votée afin de tenir compte de la baisse du nombre d’actifs. Par ailleurs, les fonctionnaires sont très contents de la Préfon – allez leur dire que vous voulez la supprimer ! Enfin, fonds de pension, ce n’est pas un gros mot : si les fonds de pension étaient un peu plus solides en France, les Américains ne pourraient sans doute pas s’emparer du gâteau du Doliprane.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Les frais de gestion de la sécurité sociale s’élèvent à 1 %, contre 1,5 % à 2 % pour les fonds de gestion collective : à chaque fois qu’on privatise ou qu’on financiarise, on jette de l’argent par les fenêtres.
M. Hendrik Davi (EcoS). Je trouve très bien de dire à nos compatriotes qu’il faut se tenir à l’écart des fonds de pension. Lors de la crise des subprimes, en 2008, ils ont en effet perdu 5,4 trillions de dollars. Les marchés financiers sont très volatils et peuvent s’effondrer du jour au lendemain. Vous irez ensuite expliquer aux retraités que vous aurez poussés à investir dans des fonds de pension qu’ils n’ont plus de retraite ! Personne ne peut dire s’il y aura une crise financière dans les deux ou trois prochaines années. C’est pour cela que vous souhaitez tout de même conserver la retraite par répartition.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS1000 de M. Damien Maudet
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Il s’agit d’instaurer une contribution exceptionnelle de 10 % sur les fonds de pension pour financer la branche autonomie. Les aides à domicile font partie des secteurs en tension en raison d’une rémunération trop faible – 683 euros par mois en moyenne selon une étude de 2020. Leur pouvoir d’achat a même baissé de 0,7 % en euros constants, contre 0,2 % pour les autres salariés, entre 2019 et 2022.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
Amendement AS48 de M. Arnaud Simion
M. Jérôme Guedj (SOC). Il s’agit de créer une taxe de 1 % sur les revenus des capitaux mobiliers pour financer la branche autonomie. Cette piste aurait dû être évoquée dans la loi de programmation sur le grand âge.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
Amendement AS1152 de M. Damien Maudet
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Nous proposons d’instaurer une contribution sur les successions et les donations fléchée vers la CNSA. Son taux, fixé à 0,1 % de l’actif net taxable, s’appliquerait à toute succession ou toute donation supérieure à 120 000 euros.
M. le rapporteur général. Pour être clair, vous souhaitez majorer l’impôt sur la mort. La France est en tête de liste des membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques pour la taxation de l’héritage. Il faut arrêter de vouloir taxer les successions et les donations, qui permettent d’aider les plus jeunes à mettre le pied à l’étrier.
Avis très défavorable.
M. Thibault Bazin (DR). Cette taxe pénaliserait ceux qui, même avec des revenus modestes, pratiquent la solidarité intergénérationnelle en transmettant à leurs enfants. Or la transmission est déjà lourdement taxée dans notre pays : il ne faut pas aller au-delà. C’est une question de justice sociale.
M. Damien Maudet (LFI-NFP). À chaque fois qu’on parle d’héritage, il y a des gens de droite pour raconter n’importe quoi. Cet amendement ne touchera pas les plus modestes puisqu’il ne vise que les héritages de plus de 120 000 euros. Or, dans 87 % des cas, l’héritage est inférieur à 100 000 euros. Arrêtez de créer une solidarité de classe entre les petits héritiers et les gros, qu’il faut faire contribuer.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS603 de Mme Sandrine Rousseau
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Il s’agit également de créer une contribution sur les successions et les donations. L’accumulation de patrimoine depuis la Seconde Guerre mondiale est historique, la différence entre les 10 % les plus pauvres et les 10 % les plus riches étant d’un facteur 162. Certes, le patrimoine est déjà taxé mais il existe de nombreuses façons d’échapper à l’impôt sur les successions.
M. le rapporteur général. Avis défavorable.
M. Michel Lauzzana (EPR). Les inégalités sont en réalité moindres grâce au caractère très redistributif du système français. Après redistribution, l’écart entre les 10 % les plus pauvres et les 10 % les plus riches n’est plus que de 1 à 8.
M. Thibault Bazin (DR). Votre amendement indique que vous souhaitez taxer les successions et les donations dès le premier euro : cela va donc au-delà des 10 % les plus riches. Cette contribution concernera tous les Français, même des personnes héritant de sommes modestes.
M. Philippe Vigier (Dem). Il est parfaitement injuste qu’une donation de 10 000 euros de parents à leur enfant soit taxée dès le premier euro. Nous ne vous suivrons pas sur ce point.
Mme Joëlle Mélin (RN). Il est incompréhensible de taxer au premier euro les petites donations, qui servent souvent à aider les jeunes à se lancer dans la vie. À trop vouloir taxer, vous finirez par provoquer une rébellion.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). La redistribution permet de réduire les inégalités de revenus – encore heureux ! Un écart de 1 à 8 peut sembler acceptable si l’on raisonne par décile mais, en réalité, la concentration de la fortune dans ce pays est très importante, les 0,1 % les plus riches touchant 180 fois l’héritage médian.
La contribution proposée porterait sur l’actif net taxable. Or une grande partie des donations et successions ne sont pas imposées et n’entreraient donc pas dans le champ de cette disposition.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). L’écart est de 1 à 8 pour les revenus mais de 1 à 162 sur le stock de patrimoine : c’est là qu’il faut gratter pour réduire les inégalités accumulées au cours des générations. Ne confondons pas tout.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS446 de M. Laurent Panifous
M. Paul-André Colombani (LIOT). Nous pensons tous qu’il faut plus de moyens pour financer l’autonomie. C’est pourquoi nous proposons de créer une nouvelle taxe sur les successions. Nous ne fixons pas à ce stade de barème, de taux ou d’assiette, l’objectif étant d’entamer la réflexion sur les inégalités en matière de transmission.
M. le rapporteur général. Même si je partage votre volonté de trouver des financements pour la cinquième branche, taxer les donations et les successions ne correspond pas aux souhaits de nombre d’entre nous.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1119 de Mme Zahia Hamdane
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Il s’agit d’instaurer une contribution sur les entreprises présentant un taux de licenciement pour inaptitude anormalement élevé. Celui-ci étant lié aux conditions de travail, il est normal de faire contribuer l’entreprise qui en est responsable.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
Amendements AS1253 et AS1254 de Mme Sandrine Rousseau (discussion commune)
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). L’index de l’égalité professionnelle n’a aucune valeur contraignante : on constate les inégalités mais il n’y a pas d’incitation à les réduire. Les deux amendements visent à imposer aux entreprises une taxe sur les différences salariales afin de financer des mécanismes de compensation pour les personnes pensionnées.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS592 de M. Pierre Cordier
M. Thibault Bazin (DR). Il est possible de percevoir une retraite française tout en résidant à l’étranger, sous réserve de fournir chaque année un certificat de vie. Ce certificat est établi, selon les pays, par un notaire ou par une autorité locale. Dans certains pays, comme le Congo ou la Chine, le certificat doit obligatoirement être établi par le consulat français. Par souci de cohérence et pour éviter les fraudes, l’amendement vise à étendre cette obligation à tous les pays, les consulats convoquant chaque année les bénéficiaires de pensions de retraite.
Il est également proposé que les pensions des retraités domiciliés fiscalement hors de France soient soumises à la CSG, à la CRDS et à la CSA afin que chacun participe à l’effort national de redressement des finances publiques. C’est une question de justice sociale.
M. le rapporteur général. Il n’est pas certain que cet amendement soit conforme à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne en matière de règles d’affiliation pour les contributions affectées à la sécurité sociale. Je devrais vous demander de le retirer pour améliorer sa solidité juridique mais je vais attendre la fin du débat pour donner mon avis définitif.
M. Philippe Vigier (Dem). Je suis favorable à ce que l’on poursuive dans cette voie. Il me paraît important d’envoyer un signal très fort en exigeant un certificat de vie.
Mme Joëlle Mélin (RN). Concernant le certificat de vie, cela tombe sous le sens.
Monsieur Bazin, pouvez-vous nous indiquer si les retraités vivant à l’étranger bénéficient de la sécurité sociale ? Selon un arrêt de la cour d’appel de Versailles, les personnes vivant à l’étranger qui ne bénéficient pas de la sécurité sociale sont exemptées de CSG.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). L’amendement a pour objet la délivrance du certificat de vie par les consulats français. Comment faites-vous dans les pays dépourvus de consulat ?
M. Thibault Bazin (DR). Lors des auditions menées dans le cadre de la réforme des retraites, certains organismes nous avaient indiqué qu’ils rencontraient des problèmes de faux certificats mais que la loi ne leur donnait pas d’outils pour effectuer des contrôles.
Lorsque les pensions sont versées sur un compte bancaire dans l’Union européenne, l’organisme bancaire s’assure chaque année que la personne est toujours en vie. Le problème se pose hors Union européenne car les comptes ne sont alors pas vérifiés.
S’agissant de l’assujettissement à la sécurité sociale, il faudra regarder dans le détail. Je ne retire pas cet amendement mais je compte sur la navette pour en améliorer la rédaction.
M. le rapporteur général. Madame Mélin, je n’ai pas tout à fait compris votre demande. Les deux cas existent : un retraité ne vivant pas en France peut être rattaché à la sécurité sociale ou ne pas l’être.
En dépit de la fragilité juridique de l’amendement, j’émets un avis favorable, quitte à l’affiner en séance, car c’est un sujet important pour les Français, qui l’assimilent à la lutte contre la fraude.
La commission adopte l’amendement.
Puis, suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement AS604 de Mme Sandrine Rousseau.
Amendement AS78 de M. Jérôme Guedj
M. Jérôme Guedj (SOC). Il s’agit d’appliquer le forfait social à la prime de partage de la valeur, au taux de 20 %.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
Article 8 : Transferts financiers au sein des administrations de sécurité sociale
Amendements de suppression AS906 de M. Benjamin Lucas-Lundy et AS1456 de Mme Hanane Mansouri
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Nous proposons par l’amendement AS906 de supprimer l’article 8 car il vient réduire la part du produit de la taxe visée à l’article 231 du code général des impôts pour les branches vieillesse et famille.
Mme Hanane Mansouri (UDR). L’excédent de la branche famille sera prélevé pour équilibrer les branches maladie et retraite. La branche maladie doit s’équilibrer d’elle-même : il n’y a aucune raison que l’impôt des contribuables finance des régimes qui sont structurellement déséquilibrés.
M. le rapporteur général. L’amendement se justifie en partie car l’article 8 tire les conséquences de la réforme des allégements de charges patronales prévue à l’article 6, que nous avons supprimé. Toutefois, l’article 8 vise également à améliorer la trésorerie de la Caisse nationale d’assurance vieillesse en lui affectant les réserves des régimes de la SNCF et de la RATP ainsi que les excédents du Fonds de solidarité vieillesse, et à améliorer le solde de la branche retraite en lui affectant 68 millions d’euros provenant des gains tirés de la réforme des retraites sur le régime de la fonction publique. Supprimer l’article 8 ferait donc perdre des recettes.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Puis elle adopte l’article 8 non modifié.
Après l’article 8
Amendement AS712 de M. Sébastien Peytavie.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
Article 9 : Clarifier les modalités d’appel et de calcul des clauses de sauvegarde M et Z
Amendement AS1261 de M. Thierry Frappé
Mme Joëlle Mélin (RN). Les médicaments génériques, hybrides et biosimilaires, qui permettent d’économiser plus de 2 milliards d’euros par an, ne contribuent pas à la croissance du marché pharmaceutique.
En faisant peser sur ces médicaments un poids déraisonnable, la clause de sauvegarde menace la pérennité d’approvisionnement pour les patients français et, plus généralement, tout le secteur du générique. L’exemption de la clause de sauvegarde constitue une urgence économique, fiscale et industrielle pour les laboratoires qui commercialisent ces médicaments matures. Il convient de l’adopter pour ne pas mettre en cause notre indépendance sanitaire.
M. le rapporteur général. Si je suis favorable à un plafonnement du montant de la contribution due au titre de ces médicaments, je ne souhaite pas pour autant les exclure de la clause de sauvegarde.
Si on taxe trop ou si, au contraire, on ne taxe pas suffisamment les médicaments génériques, dans le cadre de la clause de sauvegarde, la filière serait menacée.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS662 de M. Michel Lauzzana
M. Michel Lauzzana (EPR). L’amendement vise à intégrer un critère territorial dans la clause de sauvegarde, qui ne contribue pas à garantir notre souveraineté en matière de médicaments. L’entreprise Upsa produit 100 % de ses médicaments en France sans pour autant bénéficier d’un barème plus avantageux. Pour garantir notre souveraineté, favorisons la fabrication de médicaments sur notre territoire.
Il est donc proposé de modifier le barème en fonction du lieu de production des médicaments. Je rappelle qu’Upsa finance l’usine Seqens dont parlait le rapporteur général.
M. le rapporteur général. Je souscris à la logique de ce très bon amendement. L’usine Seqens produit les principes actifs des médicaments pour deux clients essentiels, Sanofi et Upsa. Pour rappel, 120 millions d’euros – dont 40 millions d’aides de l’État – sont investis pour relocaliser la fabrication du principe actif du paracétamol en France, afin d’atteindre l’objectif de souveraineté en matière sanitaire.
Néanmoins, votre dispositif risque de pénaliser trop fortement les producteurs de médicaments génériques dont la production est délocalisée. Le mécanisme de la clause de sauvegarde doit inciter les producteurs à relocaliser, sans toutefois menacer à court terme le modèle économique des médicaments génériques. Je suis donc défavorable à votre amendement.
Je déposerai en séance publique un amendement, que nous pourrons travailler ensemble, qui visera à rendre obligatoire la prise en compte par le Comité économique des produits de santé (Ceps) du critère du lieu de production dans la détermination du prix, afin de renforcer notre souveraineté.
M. Michel Lauzzana (EPR). Je souhaite que d’ici à la séance, nous travaillions sur la question de la souveraineté, que nous avons longuement évoquée durant la crise sanitaire. Nous avons des producteurs sur notre territoire.
Cet amendement ne pénaliserait pas les producteurs de génériques, qui sont défavorisés par la clause de sauvegarde par rapport aux laboratoires, notamment américains, qui produisent des médicaments nouveaux ou innovants dont le prix est beaucoup plus élevé. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Les Entreprises du médicament est opposé à ce critère territorial.
M. le rapporteur général. Vous proposez de répartir 20 % du 1,6 milliard d’euros de contribution selon un barème qui tient compte du lieu de production. D’après les simulations dont je dispose, cela revient à répartir 320 millions d’effort entre les entreprises, dont 128 millions seraient payés par les entreprises qui produisent moins de 20 % de leurs médicaments sur le sol européen.
Ainsi, le barème proposé risquerait d’organiser un transfert de charge à hauteur de 128 millions d’euros des entreprises qui produisent des médicaments innovants vers les entreprises qui produisent des médicaments génériques. Nous risquons donc de déstabiliser le secteur du générique, qui ne dispose pas des mêmes marges que les autres secteurs du médicament. J’ai déposé un amendement visant à plafonner le montant de la contribution due par les entreprises produisant des génériques, car le déplafonnement met en péril leur viabilité économique.
Je le redis, nous pourrons regarder ensemble ce qu’il en est d’ici à la séance.
M. Michel Lauzzana (EPR). Dans ce cas, je retire mon amendement. Nous devons aussi reparler du Ceps qui n’applique pas le critère du lieu de production.
L’amendement est retiré.
Amendement AS362 de Mme Sylvie Bonnet
Mme Josiane Corneloup (DR). Compte tenu de la situation financière de la France, le développement des médicaments biosimilaires, moins chers mais tout aussi sérieux et efficaces, est indispensable. Ils pourraient permettre d’économiser 7 milliards d’euros à l’horizon 2030.
Leur essor permettrait également d’assurer une plus grande disponibilité des produits en diversifiant l’offre de médicaments biologiques existante. Ces produits répondent à deux des priorités du législateur : lutter contre la pénurie de médicaments, dont les conséquences sont très néfastes, et trouver des économies pour les finances publiques.
Il est donc nécessaire de diminuer la pression induite par la clause de sauvegarde.
M. le rapporteur général. En effet, la prescription de médicaments biosimilaires, tout comme celle des médicaments génériques, est vertueuse pour les finances de la sécurité sociale. Néanmoins, la clause de sauvegarde, qui est un mécanisme de régulation macroéconomique, n’est pas un levier pertinent pour atteindre cet objectif. Pour encourager la prescription de biosimilaires, je suis plutôt favorable à l’assouplissement du régime de substitution des médicaments biologiques par les biosimilaires. Depuis la LFSS 2022, cette substitution est automatique, mais après autorisation de la Haute Autorité de santé (HAS), qui publie une liste des biosimilaires substituables.
La mise à jour de cette liste, qu’il conviendrait de faire afin de renforcer le taux de pénétration des biosimilaires, ne relève pas du champ des LFSS. Il revient à la HAS d’actualiser et d’élargir la liste, ce qui permettrait d’augmenter le nombre de prescriptions de biosimilaires qui est notre objectif commun. Nous allons réfléchir au meilleur moyen d’agir en ce sens.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Mme Josiane Corneloup (DR). On se demande pourquoi la substitution des médicaments par les biosimilaires est très limitée alors que c’est une importante source d’économie. Il serait judicieux d’actualiser la liste.
M. Thibault Bazin (DR). La clause de sauvegarde est un mécanisme complexe qui a un certain coût. On pourrait simplifier le dispositif dès 2025 en supprimant le décalage d’un an entre le paiement des médicaments et le recouvrement des contributions, ce qui d’après mes calculs économiserait 500 millions d’euros en trésorerie.
M. le rapporteur général. Nous avons essayé de rédiger un amendement qui permettrait d’anticiper le versement des 10 milliards d’euros que l’industrie pharmaceutique provisionne pour financer la clause de sauvegarde. C’est une idée intéressante, qui permettrait de dégager 500 millions d’économies, mais pour laquelle nous n’avons pas encore de traduction juridique – nous n’avons eu que quelques jours pour examiner le PLFSS.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1580 de M. Yannick Neuder
M. le rapporteur général. En réaction à l’affaire de la vente de l’usine fabriquant le Doliprane, cet amendement vise à soumettre systématiquement le transfert de spécialités à des entreprises étrangères à la procédure relative aux investissements étrangers en France du code monétaire et financier, dans le cas où l’intérêt sanitaire commande de conserver la production en France. Il s’agit de s’opposer à des ventes qui menaceraient notre souveraineté sanitaire.
M. Thibault Bazin (DR). Je suis favorable à cet amendement. La cause de la souveraineté sanitaire doit tous nous rassembler. Les outils doivent évoluer.
La commission adopte l’amendement.
Amendements identiques AS588 de M. Yannick Monnet et AS961 de Mme Élise Leboucher
M. Yannick Monnet (GDR). Le mode de calcul du montant M a été modifié : il est désormais déterminé en fonction des montants remboursés par l’assurance maladie et non plus au prorata du chiffre d’affaires de l’entreprise.
L’article 9 prévoit que « le montant de la contribution due par chaque entreprise redevable [...]...] ne peut excéder 12 % du montant total remboursé par l’assurance maladie au titre des médicaments que cette entreprise exploite, importe ou distribue ». Or le plafonnement de la contribution due par les entreprises du médicament ne permettra pas de corriger les défaillances du système actuel. C’est pourquoi nous proposons de le supprimer.
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Un rapport de la Cour des comptes de 2017 soulignait que les objectifs des entreprises « se sont déplacés de la mise en avant d’un retour sur leurs dépenses investies en recherche et développement vers des demandes de prix établies en fonction de la capacité à payer des acheteurs publics ». Sans une plus forte régulation, on ne parviendra pas à encadrer les prix. Les entreprises cherchent absolument le profit en ne tenant compte que de notre capacité à payer.
Il faut supprimer le plafonnement qui pourrait avoir pour conséquence d’inciter les entreprises à maintenir des prix élevés, alors même que la recherche publique a contribué à l’élaboration des médicaments. Tel est l’objet de l’amendement AS961.
M. le rapporteur général. Avis défavorable, bien que nous souhaitions tous éviter l’envol des gains de l’industrie du médicament.
Selon le Ceps, aucune industrie ne verse une contribution supérieure à 10 % des montants remboursés par l’assurance maladie : la suppression du plafonnement à 12 % n’entraînerait pas une baisse du prix des médicaments. Par ailleurs, le plafonnement de la clause de sauvegarde permet de garantir la constitutionnalité du dispositif dans la mesure où, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, ce mécanisme ne doit pas dépasser les capacités contributives des entreprises redevables. Or je doute que vous souhaitiez rendre ce mécanisme inconstitutionnel.
M. Thibault Bazin (DR). Nous devons à la fois maîtriser les dépenses de médicaments et assurer l’attractivité de la France en matière de production de médicaments. Nous devons respecter la trajectoire de maîtrise des dépenses, fruit d’une concertation, qui prend en compte les spécificités des produits innovants, car les industriels ont besoin de visibilité. C’est ainsi que nous resterons attractifs. En la modifiant, nous serions incohérents : nous souhaitons rétablir notre souveraineté sanitaire.
M. Nicolas Turquois (Dem). J’ai l’impression que tous les ans, nous débattons des mêmes questions – médicaments innovants et génériques, délocalisation de la production, pénurie de médicaments. J’aurais pu déposer certains amendements examinés car je les ai également reçus.
Monsieur le président, ne pourrions-nous pas lancer une mission pour réfléchir au mécanisme complexe de la clause de sauvegarde, qui soulève à la fois des enjeux budgétaires pour la sécurité sociale et des enjeux de production ?
Mme Stéphanie Rist (EPR). Je suis d’accord pour qu’on continue à travailler sur les médicaments. Néanmoins, un gros travail avec les acteurs, qui a duré plus d’un an, a été accompli sur la clause de sauvegarde ; elle a été modifiée dans la LFSS 2024.
M. Yannick Monnet (GDR). Ne perdons pas de vue que, depuis 2022, nous ne décidons de rien s’agissant du PLFSS, du fait de l’utilisation du 49.3. Si cette année nous allons jusqu’au vote du texte, je suis convaincu que l’année prochaine, les débats seront totalement différents car on aura réussi à faire bouger des choses.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous pourrions en effet envisager une mission relative à la clause de sauvegarde, dont les modifications successives peuvent avoir des effets négatifs sur les acteurs et la pérennité de l’investissement. Elle s’ajouterait à la longue liste de travaux envisagés dont nous devrons reparler une fois l’examen du PLFSS achevé.
M. Jean-Carles Grelier (Dem). Avant la dissolution, la Mecss avait confié à Mme Mélin et moi-même une mission d’évaluation de la politique française du médicament. Cette mission essentielle, qui permettrait de bien comprendre la filière du médicament en vue de garantir son équilibre, pourrait être recréée.
M. Nicolas Turquois (Dem). La clause s’impose à tous les acteurs, bien qu’ils se comportent de manière différente.
M. le rapporteur général. Monsieur Bazin, la détermination du prix du médicament est un vrai sujet. Nous sommes soumis à des injonctions paradoxales. Le prix des médicaments ainsi que le mode de calcul de la clause de sauvegarde sont définis dans le respect du cadre budgétaire fixé par le PLFSS. Or la contrainte qui pèse toujours sur les mêmes acteurs, la biologie et le médicament, ne rend pas pour autant les prix compétitifs. La clause de sauvegarde, qui conditionne l’équilibre économique du secteur, ne permet pas de développer les filières ou de relocaliser. Le coup de rabot sur le prix des médicaments ne permet pas de garantir la rentabilité du secteur, si l’on prend en compte la production du principe actif, son conditionnement, sa commercialisation et la vente à l’officine.
Monsieur Turquois, nous disposons d’études très nourries sur le sujet, entre le rapport très complet de la commission d’enquête du Sénat de 2023 sur la pénurie de médicaments et les choix de l’industrie pharmaceutique de Mmes Cohen et de La Provôté, et la mission d’Élisabeth Borne sur la régulation des produits de santé.
La commission rejette les amendements.
Amendements identiques AS1581 de M. Yannick Neuder et AS361 de Mme Sylvie Bonnet
M. le rapporteur général. Je propose de reconduire le plafonnement de la clause de sauvegarde due au titre des médicaments génériques à 2 % du montant des dépenses remboursées. En l’absence de cette mesure dans le PLFSS, le secteur du générique serait soumis à une contribution plus importante qui le déstabiliserait. En effet, ce secteur ne réalise pas les mêmes gains de productivité que celui des médicaments non génériques. Nous sortons d’une période difficile : au mois de mai, Biogaran, qui représente 30 à 40 % de la production de génériques français, a failli être vendu.
Cette mesure vise à garantir que les génériques continuent à être produits en France. Du reste, si tel n’était plus le cas, on arrêterait de prescrire des génériques, ce qui augmenterait les dépenses d’assurance maladie.
Mme Josiane Corneloup (DR). Je défends l’amendement AS361. L’arrêt de la commercialisation des génériques est un risque majeur puisque le secteur n’est plus du tout rentable. En l’absence d’un plafonnement, sa rentabilité s’établirait à – 2,4 %, ce qui entraînerait des ruptures de stock et une aggravation de la pénurie de médicaments.
M. Jérôme Guedj (SOC). Je n’ai pas pu soutenir un amendement qui allait plus loin : il visait à exclure les génériques et les biosimilaires du mécanisme de la clause de sauvegarde – je le redéposerai en vue de la séance. Cessons d’être hypocrites : on ne peut soutenir que les génériques et les biosimilaires sont un des vecteurs d’économies pour la branche maladie tout en les pénalisant par la clause de sauvegarde, même plafonnée à 2 %.
Lors de son audition, Marguerite Cazeneuve, la directrice de la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam), a donné l’exemple de deux biosimilaires, deux nouveaux traitements de la dégénérescence maculaire liée à l’âge, qui permettront à l’assurance d’économiser 760 millions d’euros.
Nous voterons la reconduction du plafonnement à 2 %. Cela étant, si nous voulons envoyer un message de soutien au secteur du biosimilaire, allons plus loin et interrogeons‑nous sur leur sortie du mécanisme de la clause de sauvegarde.
Mme Joëlle Mélin (RN). Je tiens à vous rassurer, monsieur Guedj : nous avons défendu un amendement qui faisait exactement cette proposition.
Il est fatigant que, pour des raisons idéologiques, le médicament soit la variable d’ajustement permanente pour réaliser d’éventuelles économies. Si on préoccupe des effets secondaires que peut provoquer un médicament, tel n’est pas le cas s’agissant des fausses bonnes idées politiques.
La rentabilité des génériques atteint à peine deux points grâce à la clause de sauvegarde. Un problème d’approvisionnement ou une pandémie pourrait mettre fin au système. Dans ce contexte, on peut se demander s’il est intéressant de continuer à produire des génériques.
Mme Stéphanie Rist (EPR). Il est nécessaire de prescrire des biosimilaires et des génériques ou de donner aux pharmaciens la possibilité de les substituer aux médicaments non génériques prescrits. L’exclusion des génériques et des biosimilaires de la clause de sauvegarde n’entraînera pas d’économies, dans la mesure où les médecins continueront à prescrire des médicaments n’appartenant pas à ces catégories.
M. le rapporteur général. Monsieur Guedj, attention à ne pas confondre les biosimilaires avec les génériques. S’agissant des biosimilaires, il faut surtout encourager la prescription et la substitution automatique : c’est ce qui permettra de réaliser des économies.
Madame Corneloup, vous avez raison, au-delà d’un certain plafond, les entreprises de génériques produisent à perte. Soyons vigilants : ces industriels pourraient être tentés d’arrêter cette activité et nous perdrions toute souveraineté en la matière.
Monsieur Guedj, si nous excluons les génériques de la clause de sauvegarde, il reviendra à d’autres entreprises, notamment celles qui produisent des médicaments innovants, de compenser cette perte de recettes. C’est pourquoi je propose une mesure intermédiaire qui permet de garantir l’équilibre du modèle économique du générique. Si nous allons au-delà du plafonnement de 2 %, la rentabilité des entreprises, qui ne sont déjà pas largement bénéficiaires, deviendra négative ; elles seront contraintes de céder leur activité.
La commission adopte les amendements.
Amendement AS962 de Mme Zahia Hamdane
Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). Nous nous opposons fermement à la suppression de la majoration forfaitaire applicable aux entreprises pharmaceutiques qui ne respectent pas leurs obligations déclaratives. Les laboratoires doivent déclarer leur chiffre d’affaires avant le 1er avril de l’année suivante. Le Ceps compare ensuite ces déclarations à ses propres données et informe les entreprises des différences constatées.
Le PLFSS décale la date de communication de quinze jours. Par conséquent, si les entreprises transmettent leurs données en retard, la notification par l’Urssaf est décalée d’autant.
Par ailleurs, l’article prévoit de supprimer la majoration forfaitaire de la contribution due par les laboratoires en cas de retard, comprise entre 2 000 à 100 000 euros en fonction du chiffre d’affaires de l’entreprise. Est-ce une façon pour le Gouvernement de récompenser les laboratoires qui ne respectent pas leurs obligations ? En supprimant cette pénalité, on envoie un signal inquiétant : les laboratoires pharmaceutiques les moins transparents, ceux qui compliquent le travail de l’Urssaf et du Ceps, seraient désormais exonérés de toute sanction financière. Cette mesure s’apparente à un nouveau cadeau fait aux grandes entreprises pharmaceutiques qui bénéficieraient d’une indulgence injustifiée malgré leurs manquements déclaratifs. Cette politique affaiblit les contrôles sur des acteurs aussi puissants que les laboratoires pharmaceutiques, au détriment de la transparence et de la maîtrise des dépenses de médicaments.
M. le rapporteur général. Votre amendement est sans objet car la LFSS 2024 a réformé le mode de calcul de la clause de sauvegarde, qui ne se fonde plus sur le chiffre d’affaires des entreprises mais sur les montants remboursés par l’assurance maladie. Il revient désormais à la Cnam de procéder à ces contrôles. Il ne s’agit pas de faire des cadeaux aux laboratoires.
Avis défavorable.
L’amendement est retiré.
Amendement AS1486 de Mme Nathalie Colin-Oesterlé
Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). L’amendement vise à fixer le montant Z, c’est-à-dire la clause de sauvegarde relative aux dépenses des produits et prestations pris en charge en sus des tarifs d’hospitalisation, pour deux ans consécutifs, en vue de renforcer l’attractivité et de pérenniser le modèle économique des industriels.
M. le rapporteur général. Vous n’avez pas pu défendre votre amendement visant à fixer le montant M pour deux années consécutives, auquel j’aurais donné un avis favorable – je vous invite à le redéposer en vue de la séance.
En revanche, je donne un avis défavorable au présent amendement, même s’il procède de la même logique. En effet, les entreprises du secteur des dispositifs médicaux, qui voient d’importantes transformations sous l’effet des progrès technologiques, n’ont jamais versé de contribution au titre de la clause de sauvegarde. La fixation d’un montant, qui va dans le sens de la pluriannualité, est intéressante mais prématurée.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS960 de M. Damien Maudet
Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
Puis, suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement AS957 de Mme Zahia Hamdane.
Amendement AS185 de M. Philippe Juvin
Mme Josiane Corneloup (DR). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
Amendement AS559 de M. Philippe Vigier
M. Jean-Carles Grelier (Dem). On ne fera jamais pleurer dans les chaumières en parlant de la situation des laboratoires pharmaceutiques. Cela étant, lors de chaque exercice budgétaire depuis quatorze ans, on impose à la filière du médicament entre 1 et 2,5 milliards d’euros d’économies, effort qui est devenu un élément structurant du PLFSS et qui n’a jamais été demandé, dans cette proportion, à aucune autre filière industrielle. Les conséquences sont claires : freinage de l’innovation thérapeutique, difficultés d’approvisionnement, perte de souveraineté.
La clause de sauvegarde, dont le montant n’est jamais prévisible pour les industriels, est devenue très pénalisante. Pour le seul exercice 2025, si le PLFSS était voté en l’état, la filière du médicament devrait contribuer à hauteur de plus de 3 milliards d’euros aux économies, si l’on additionne les 1,6 milliard d’euros de contribution au titre de la clause de sauvegarde, les réductions de prix et les remises. Un jour ou l’autre la santé publique paiera le prix fort de ces mesures.
M. le rapporteur général. Avis défavorable, pour la raison inverse de celle que j’opposais tout à l’heure à M. Maudet, c’est-à-dire que l’absence de plafond rendait sa proposition inconstitutionnelle.
J’entends que les entreprises ont besoin de prévisibilité et de justice fiscale. C’est pour cette raison que j’aurais émis un avis favorable à l’amendement de Mme Colin-Oesterlé visant à fixer le montant M pour deux années consécutives. Mais plafonner la contribution M empêcherait de dégager de potentielles recettes au cas où le secteur serait florissant. Je ne suis pas sûr que vous soyez favorable au bouclier fiscal que votre amendement aurait pour effet d’instaurer.
Mme Josiane Corneloup (DR). Les coups de rabot successifs sur la filière du médicament, qui représentent des milliards d’euros, mettent en difficulté toute la filière, notamment en créant des ruptures. Plus personne n’a de marge : les grossistes-répartiteurs ont créé des filiales ou des sociétés sœurs qui jouent le rôle de dépositaires, en dehors du service médical rendu. Les pharmacies sont en grande difficulté car ces ruptures leur font perdre beaucoup de temps. Une pharmacie ferme chaque jour ; au total, plus de 2 000 pharmacies ont fermé, alors que c’est le seul lieu où l’on peut obtenir un conseil médical à toute heure de la journée.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1211de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). L’Union européenne a procédé à des préréservations, notamment pour des vaccins contre la covid-19, à des prix qui n’ont pas été décidés à un niveau national. Afin de sécuriser juridiquement le recouvrement de la clause de sauvegarde, l’amendement vise à exclure les volumes de médicaments indiqués contre la covid-19 acquis en France au titre de ces accords de préréservation européens de l’assiette de calcul de la contribution.
M. le rapporteur général. L’inclusion de ces dépenses dans le calcul de la clause de sauvegarde a été prévu progressivement par plusieurs LFSS. Si celle pour 2023 a explicitement prévu que ces achats entrent dans le calcul de la clause de sauvegarde, celle pour 2024 a exclu spécifiquement les spécialités importées dans le cadre de la lutte contre la covid, en précisant que cette dérogation ne valait que pour l’année 2024. Seuls ces vaccins ont donc été exclus, et je ne suis pas favorable à une remise en cause du principe initial et à la poursuite de l’exonération pour les exercices 2025 et 2026. Il faudrait néanmoins que nous reparlions de cette mesure, dont je ne mesure pas tout l’impact.
Avis défavorable.
M. Thibault Bazin (DR). Alors que nous voulons maîtriser les dépenses, les États membres, qui n’ont pas la main sur les prix, ont fait les préréservations à un prix unique à l’échelle européenne, ce qui peut avoir des conséquences. Je retire l’amendement, mais je voudrais que cette situation soit expertisée – les rapports qui ont préparé le PLFSS ont fait apparaître, par exemple, que le prix du Paxlovid avait énormément augmenté.
M. le rapporteur général. L’exclusion des vaccins de la clause de sauvegarde était une mesure exceptionnelle en 2024. Il ne me semble pas qu’il y ait intérêt à la maintenir pour les exercices 2025 et 2026, d’où mon avis défavorable. Compte tenu, toutefois, du retrait de l’amendement, nous allons nous efforcer de vous fournir davantage de chiffres. Je vous invite donc à déposer cet amendement pour la séance : nous verrons, en fonction de ces chiffres, s’il y a lieu d’apporter des modifications, même si je pense que ce ne sera pas le cas.
L’amendement est retiré.
La réunion s’achève à vingt heures.
Présents. – Mme Ségolène Amiot, M. Joël Aviragnet, M. Thibault Bazin, Mme Béatrice Bellay, Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, M. Christophe Bentz, M. Théo Bernhardt, Mme Sylvie Bonnet, M. Louis Boyard, M. Elie Califer, M. Hadrien Clouet, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, M. Paul-André Colombani, Mme Josiane Corneloup, M. Hendrik Davi, Mme Sandra Delannoy, Mme Sophie Delorme, M. Fabien Di Filippo, M. Gaëtan Dussausaye, Mme Karen Erodi, M. Olivier Fayssat, M. Guillaume Florquin, M. Thierry Frappé, M. François Gernigon, Mme Océane Godard, M. Jean-Carles Grelier, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Zahia Hamdane, Mme Florence Herouin-Léautey, M. Michel Lauzzana, M. Didier Le Gac, Mme Christine Le Nabour, Mme Katiana Levavasseur, M. René Lioret, Mme Brigitte Liso, Mme Christine Loir, M. Benjamin Lucas-Lundy, Mme Hanane Mansouri, M. Pierre Marle, M. Damien Maudet, Mme Joëlle Mélin, Mme Joséphine Missoffe, M. Christophe Mongardien, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, M. Yannick Neuder, M. Laurent Panifous, M. Sébastien Peytavie, Mme Lisette Pollet, Mme Angélique Ranc, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Stéphanie Rist, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, Mme Sandrine Runel, M. Arnaud Simion, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier
Excusée. – Mme Karine Lebon
Assistaient également à la réunion. – M. Belkhir Belhaddad, M. Bartolomé Lenoir, Mme Estelle Mercier, M. Paul Midy, Mme Louise Morel, Mme Mélanie Thomin