Compte rendu

Commission
des affaires sociales

 Examen, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements aux propositions de loi :

. d’abrogation de la retraite à 64 ans (n° 613) (M. Ugo Bernalicis, rapporteur) ;

. visant à régulariser les praticiens et pharmaciens à diplôme hors Union européenne (n° 432) (M. Damien Maudet, rapporteur) 2

 Examen de la proposition de loi visant à la création d’un centre hospitalier universitaire en Corse (n° 341) (M. Paul-André Colombani, rapporteur)              2

 Examen de la proposition de loi visant à optimiser la protection et l’accompagnement des parents d’enfants atteints de cancers, de maladies graves et de handicaps (n° 277) (M. Vincent Thiébaut, rapporteur)              12

 Examen de la proposition de loi sur le remboursement intégral des fauteuils roulants par l’Assurance maladie (n° 203) (M. Sébastien Peytavie, rapporteur)              37

 Information relative à la commission.......................51

– Présences en réunion.................................52

 


Mardi
26 novembre 2024

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 27

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de
M. Frédéric Valletoux,
président

 


  1 

La réunion commence à seize heures trente.

(Présidence de M. Frédéric Valletoux, président)

 

 

La commission des affaires sociales procède à l’examen, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements à la proposition de loi d’abrogation de la retraite à 64 ans (n° 438) (M. Ugo Bernalicis, rapporteur).

La commission a repoussé tous les amendements.

 

Puis elle procède à l’examen, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements à la proposition de loi visant à régulariser les praticiens et pharmaciens à diplôme hors Union européenne (n° 432) (M. Damien Maudet, rapporteur).

La commission a repoussé tous les amendements.

 

M. le président Frédéric Valletoux. Mes chers collègues, notre ordre du jour appelle l’examen de trois propositions de loi transpartisanes renvoyées à notre commission, qui seront examinées en séance publique à partir du mardi 3 décembre.

La commission examine ensuite la proposition de loi visant à la création d’un centre hospitalier universitaire en Corse (n° 341) (M. Paul-André Colombani, rapporteur)

M. Paul-André Colombani, rapporteur. Permettez-moi tout d’abord de vous remercier sincèrement, mes chers collègues, vous qui avez été si nombreux à me permettre d’inscrire ce texte à l’ordre du jour de la semaine de l’Assemblée.

En juin dernier, notre commission avait adopté à l’unanimité la première version de cette proposition de loi. Les aléas de la vie politique en ont malheureusement interrompu le parcours législatif ; je vous en présente une nouvelle version tenant compte des modifications que nous avions adoptées. Les Corses ont de grandes attentes en matière d’accès aux soins et suivent nos débats avec attention.

Le texte que je vous présente est tout à fait jacobin. Vous avez l’habitude d’entendre les élus corses demander de déroger au droit commun du fait des spécificités de leur territoire ; il nous est souvent répondu que cela contreviendrait au principe d’égalité. Avec ce texte, la demande est précisément inverse, puisqu’il vise une même obligation légale pour toutes les régions : l’existence d’au moins un centre hospitalier universitaire (CHU) sur leur territoire. La Corse, qui n’en dispose toujours pas, est la seule région à ne pas satisfaire à cette obligation. Trente et un CHU sont répartis sur l’ensemble du territoire national, auxquels s’ajouteront bientôt le CHU de Guyane et celui de Metz-Thionville. La Corse est la grande oubliée de cette répartition territoriale ; cette proposition de loi vise à réparer cette injustice, qui constitue une véritable rupture du principe d’égalité.

Cette situation d’exception sanitaire a de lourdes conséquences. De l’aveu de l’ensemble des acteurs auditionnés, l’absence de CHU est un frein indéniable à l’attractivité médicale de l’île. Dans un contexte de dégradation de la démographie médicale, le déficit en infrastructures médicales de qualité se traduit par un manque de spécialistes, qui s’accentuera nettement au cours des prochaines années. Il se traduit également par une difficulté à attirer des internes pour renouveler les générations : sur les quatre-vingt-dix agréments hospitaliers pour la formation d’internes dont la Corse dispose, elle n’en accueille qu’une dizaine, en raison de l’insuffisance de plateaux techniques, de perspectives de carrière moins avantageuses et de difficultés à faire venir des internes déjà installés ailleurs. La Corse est dépendante de son adossement à des CHU continentaux, notamment celui d’Aix-Marseille.

La crise sanitaire du covid-19 a tristement révélé les limites d’un tel fonctionnement et a souligné la nécessité de renforcer le système de santé de l’île, qui est caractérisé par des spécificités très défavorables, tant géographiques que sociales et démographiques : l’isolement de l’île, dont le relief complique fortement les déplacements intérieurs, s’accompagne d’une précarité très prégnante – et le mot est faible –, d’un vieillissement et d’une forte croissance de la population, ainsi que d’un phénomène de saisonnalité portant la population de l’île, lissée sur l’année, à 600 000 habitants d’après l’Institut national de la statistique et des études économique (Insee). L’été, celle-ci est décuplée, passant de 350 000 habitants à 3 millions, ce qui représente un extraordinaire défi en matière de prise en charge sanitaire.

L’incapacité du système de santé corse à répondre aux besoins de la population se traduit par deux phénomènes néfastes. Le premier est la multiplication des déplacements médicaux vers le continent pour y être soigné. Les chiffres sont vertigineux : entre 25 000 et 30 000 transferts médicaux ont lieu chaque année entre la Corse et le continent, soit un budget de 30 millions d’euros pour la sécurité sociale. Cela représente un résident sur huit ; presque toutes les familles sont touchées. Je vous laisse imaginer les conséquences humaines et financières dramatiques de ce système : des frais colossaux d’hébergement et de restauration, l’arrêt de l’activité professionnelle, le stress et la souffrance engendrés par ces déplacements.

Le second phénomène, qui en découle directement, est le grand nombre des renoncements aux soins, entraînant des pertes de chance pour les patients trop fragiles pour être déplacés. Et cela risque de s’accentuer avec le vieillissement de la population. Quelles solutions apporter ? Les carences de l’action étatique sont compensées depuis plus de quinze ans par des associations de bénévoles, Inseme et La Marie Do, qui font un travail remarquable pour venir en aide aux patients et à leurs familles. Cependant, comme l’a dit la présidente de La Marie Do, Mme Catherine Riera, la solidarité ne peut pas remplacer durablement la responsabilité politique et les pouvoirs publics doivent travailler à structurer le système de santé.

Reconnaissons tout de même que certaines lignes sont en train de bouger du côté des pouvoirs publics. Deux événements nous ramènent malheureusement à la nature précaire de ces avancées.

Tout d’abord, le Gouvernement avait annoncé que l’université de Corse pourrait proposer l’intégralité du premier cycle d’études de médecine en 2025, et que les étudiants corses seraient regroupés à l’université d’Aix-Marseille pour le second cycle. Cependant, les acteurs engagés sur ce dossier sont inquiets : le dossier présenté devant le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche pour confirmer le principe d’ouverture de ces deux années universitaires n’a toujours pas été validé, ce qui fait planer une menace sur l’ouverture de l’intégralité du premier cycle dès la rentrée 2025. Je profite de la parole qui m’est donnée pour interpeler le Gouvernement à ce sujet.

Ensuite, la décision du Gouvernement de surtaxer les billets d’avion est vécue comme une profonde injustice, qui accentue les problèmes que je viens de vous présenter. On ne peut pas dire aux Corses que non seulement ils ne bénéficient pas de moyens sanitaires identiques à ceux du continent, mais qu’en plus, ils seront pénalisés financièrement pour se déplacer.

Partir sur le continent pour se soigner ou soigner un proche n’est pas un choix, mais une contrainte. Accompagner sa femme, son père ou son enfant qui y suit une chimiothérapie entraîne des dépenses astronomiques en matière de transport, d’hébergement et de frais divers sur place. Après avoir appris qu’elles‑mêmes ou leur proche était malade, ces personnes doivent faire face à de grandes difficultés logistiques et administratives ; parfois, ils perdent leur emploi ou doivent fermer leur entreprise. Cette taxe supplémentaire sur leurs déplacements est vécue comme une violence inacceptable ; il est grand temps que cesse la triple peine.

Je salue néanmoins la volonté du Gouvernement de faire de la Corse un territoire hospitalo-universitaire, afin de déployer quelques filières d’hyperspécialités qui fonctionnent avec le renfort de médecins issus du continent, dans le cadre de temps partagés. Cela étant, ces filières hospitalo-universitaires sont fragiles, dépendant souvent d’un ou deux praticiens rattachés à d’autres CHU ; ces derniers sont par nature de passage et, s’ils s’en vont, tout menace de s’effondrer.

Les progrès récents reposent largement sur la bonne volonté politique, qui ne peut être considérée comme définitivement acquise compte tenu de l’instabilité actuelle. La création d’un CHU est un travail de longue haleine qui requiert de graver dans le marbre une trajectoire à laquelle nous devrons nous tenir sur la durée. L’objectif de cette proposition de loi est précisément de définir ce cadre, sans toutefois préempter sa future déclinaison territoriale. Sachez qu’il existe un terreau favorable en Corse, dans lequel ce projet pourrait s’épanouir. La collectivité de Corse a déjà créé, en effet, un comité de pilotage associant l’ensemble des acteurs de la santé de Corse pour bâtir un projet de création de CHU adapté à nos spécificités.

En juin dernier, nous avions adopté plusieurs amendements, à la fois pour ne pas empiéter sur les modalités de déploiement du CHU et pour reporter à 2030 l’échéance initialement fixée à 2027, afin d’envisager une temporalité ambitieuse, mais réaliste.

La création d’un CHU en Corse est une revendication historique, qui fait l’objet d’un large consensus. En adoptant ce texte, nous poserions un acte fondateur, un choc de confiance pour des familles corses depuis trop longtemps confrontées à l’inégalité d’accès aux soins. Nous doterions la Corse d’un outil moderne, à la hauteur des niveaux de compétences et d’attractivité prévalant sur le plan international. Nous offririons des perspectives d’excellence, en matière de recherche comme de formation, aux futurs médecins de Corse. Nous garantirions, enfin, aux Corses l’accès à un bien fondamental : la santé. C’est une question de justice et d’égalité.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Christophe Bentz (RN). Cette initiative législative essentielle répond à des besoins concrets de nos concitoyens insulaires. La double nature d’île et de montagne de la Corse impose des contraintes spécifiques. Les hôpitaux de Bastia et d’Ajaccio peinent à répondre aux besoins de la population, qui connaît un vieillissement rapide et un isolement géographique. Un CHU permettrait de structurer l’offre de soins, de renforcer les plateaux techniques et d’attirer des spécialistes sur l’île.

Actuellement, 20 % des soins sont réalisés sur le continent, ce qui représente 26 000 transferts médicaux par an, pour un coût de 30 millions d’euros, et entraîne des pertes de chance pour les malades. Certains diagnostics et traitements sont retardés, avec des conséquences parfois dramatiques.

Le développement des études médicales est au cœur de cette proposition de loi. Depuis 2004, la Corse forme avec succès des étudiants en première année de médecine, notamment dans les instituts universitaires de santé. J’avais proposé plusieurs amendements au texte relatif à l’accès aux soins, défendu par M. Yannick Neuder, qui visaient à installer de tels instituts dans tous les départements dépourvus de CHU.

La création d’un CHU en Corse renforcera cet élan en offrant des stages, des infrastructures modernes et des perspectives de carrières attractives, permettant à davantage de jeunes médecins de s’installer durablement sur l’île.

Enfin, cette proposition de loi repose sur une ambition réaliste : elle a vocation, non pas à créer un CHU couvrant toutes les spécialités, mais à répondre aux besoins essentiels de la population corse, en partenariat avec les CHU du continent. L’accès à des soins de qualité doit être garanti pour tous les Français, quel que soit leur lieu d’habitation.

Le groupe Rassemblement National votera ce texte.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Nous examinons une proposition de loi visant à créer un CHU en Corse. Sous la précédente législature, le parcours législatif de ce texte important pour la collectivité de Corse n’avait pu aller à son terme, la dissolution ayant empêché son examen en séance publique.

La Corse constitue une exception française : la ville d’Ajaccio est le seul chef-lieu de région, sur l’ensemble du territoire, où il n’existe pas de centre hospitalier régional universitaire (CHRU). La Guyane était également dépourvue d’un tel établissement, mais elle en sera dotée dès l’année prochaine.

Ce texte vise à résoudre non seulement le problème de la justice sanitaire, mais aussi celui de l’égalité d’accès aux soins. La population corse est en constante augmentation, tandis que la densité médicale ne permet pas d’absorber les besoins de santé des habitants, a fortiori lorsqu’ils requièrent des soins spécifiques. L’absence de CHRU en Corse occasionne de très nombreux déplacements de malades vers des établissements en métropole, notamment à Nice et à Marseille, qui connaissent, elles aussi, un afflux touristique estival important, ce qui accentue la pression sur leurs établissements hospitaliers. Cette situation est particulièrement difficile et incommode pour les malades : outre le coût financier du déplacement et la logistique associée, l’éloignement des proches est fréquent, alors même qu’un soutien moral est nécessaire en cas de problème de santé.

Il est par ailleurs nécessaire de renforcer la formation des médecins sur l’île, afin d’améliorer l’attractivité du territoire. La création d’un CHRU en Corse nécessitera la coordination des acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche, des acteurs de la santé, des acteurs locaux et de l’exécutif.

Parce qu’il est nécessaire de renforcer l’équilibre territorial en matière d’implantation de CHRU, le groupe Ensemble pour la République soutiendra cette proposition de loi.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Depuis deux siècles et demi, la Corse est privée par le pouvoir central de tout investissement en santé publique. C’est pourquoi le groupe La France insoumise votera cette proposition de loi, fort bienvenue.

Il y a cinquante ans, alors que Paris dressait déjà un premier bilan des vingt-huit CHU continentaux, on envoyait en Corse des blindés plutôt que des médecins ou du matériel médical : une politique du deux poids deux mesures qu’il s’agit de réorienter en rétablissant le principe d’égalité. L’accès aux soins demeure problématique et ce n’est pas fortuit : à la fin des années 1950, les premiers plans d’action régionaux prévoyaient une dimension sanitaire pour toutes les régions à l’exception de la Corse, qui était réduite à un plan de valorisation touristique et à un secteur agricole à faible valeur ajoutée. Au terme de plusieurs décennies d’inaction du pouvoir central, la situation est insupportable, en raison d’un effet de ciseau : les soins ne sont pas accessibles à la population, qui est en outre plus vulnérable qu’ailleurs.

L’offre en matière de santé publique est peu accessible : les médecins sont éloignés des populations et la Corse est le territoire comptant le moins de lits de réanimation. En conséquence, 30 000 Corses se rendent chaque année sur le continent pour s’assurer de la continuité de leur parcours médical. Parallèlement, la population corse est paupérisée – un quart de plus que dans l’Hexagone – et très dispersée puisque de nombreux Corses vivent dans des espaces peu denses, ce qui renforce les difficultés d’accès aux soins, alors même qu’elle est vieillissante. Près de 20 % des seniors vivant à leur domicile se disent en mauvaise ou en très mauvaise santé, ce pourcentage étant le plus élevé du pays.

La santé publique est clairement défaillante en Corse : la création d’un CHU est indispensable, afin de rassembler en un même lieu des praticiens qualifiés, un enseignement complet, une recherche de pointe et un plateau technique avancé.

Ce texte reflète une longue histoire d’exigences populaires, qui remonte à la Révolution : en mai 1789, la revendication numéro 31 des cahiers de doléances de Bastia demandait déjà plus de bureaux de santé en Corse. Voter ce texte permettra de satisfaire cette ancienne requête.

M. Elie Califer (SOC). Ce texte nous invite à faire œuvre de justice sanitaire. La Corse est confrontée à un grave déficit médical et hospitalier, avec seulement 258 médecins en activité régulière pour 100 000 habitants. Ce chiffre se situe bien en dessous de ceux de l’Île-de-France ou de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.

De plus, la Corse est la seule région à ne disposer ni d’un centre hospitalier régional ni d’un CHRU. Son offre en réanimation est également l’une des plus faibles du pays, avec seulement 8 lits pour 100 000 habitants. Parallèlement, la Corse cumule plusieurs facteurs de risque qui accentuent la nécessité d’une meilleure infrastructure médicale : sa population augmente de 3 millions d’individus entre mai et septembre en raison de l’activité touristique ; la démographie est très dynamique, marquée par une croissance de 12 % en dix ans, mais aussi par un vieillissement notable : 21 000 personnes âgées supplémentaires devraient être dénombrées d’ici à 2030 ; le taux de pauvreté y est plus élevé que la moyenne nationale, ce qui génère une demande accrue de soins. Le manque d’offre hospitalière a des conséquences directes, parmi lesquelles 30 000 déplacements annuels entre la Corse et l’Hexagone.

La création d’un CHU en Corse permettrait non seulement de renforcer l’offre de soins, grâce à un plateau technique de qualité, mais aussi de soutenir l’enseignement et la recherche en lien avec l’université. Lors des auditions, un intervenant a affirmé que l’absence de CHU en Corse était inexplicable ; il faut mettre fin à cette situation inégalitaire en matière d’offre de soins.

Pour toutes ces raisons, le groupe Socialistes et apparentés votera cette proposition de loi.

M. Philippe Juvin (DR). Mon collègue François-Xavier Ceccoli et moi-même soutenons cette proposition de loi visant à créer un CHU en Corse, pour une raison très simple : le problème médical majeur de l’île est sa démographie médicale. Les médecins sont peu nombreux et ils vieillissent : entre 2010 et 2024, la proportion de médecins de plus de 60 ans a augmenté de 105 % en Corse-du-Sud et de 163 % en Haute-Corse.

Quel est l’intérêt de créer un CHU en Corse, quelles que soient les difficultés ? Si l’on s’en tient à de stricts ratios de population, la logique voudrait en effet qu’il n’y ait pas de CHU sur l’île. Mais en raison de l’insularité, lorsqu’un étudiant corse est formé en médecine sur le continent, il ne revient pas exercer en Corse : pour inverser ce processus, il faut créer un CHU pour former les médecins sur l’île.

En pratique, il faudra œuvrer à la fois immédiatement et progressivement : créer immédiatement le CHU, pour lever toute ambiguïté, et envoyer progressivement des équipes complètes, composées d’un professeur d’université et d’un chef de clinique, parce que c’est le binôme qui fait l’enseignement. Ce faisant, le CHU et les trois activités qui le composent, à savoir l’enseignement, les soins et la recherche, seront constitués, dotant la Corse d’un véritable pôle de compétitivité et de recherche.

C’est pourquoi le groupe Droite Républicaine soutient sans réserve la proposition de loi de M. Paul-André Colombani.

M. Hendrik Davi (EcoS). Cette proposition de loi vise à créer un CHU en Corse. Nous y sommes favorables, parce que l’égalité est l’un des piliers de notre République : l’égal accès à des soins de qualité pour toutes et tous était un principe fondateur de l’assurance maladie lors de sa création en 1945. Or 26 000 Corses sont contraints chaque année de se rendre sur le continent pour obtenir des soins, faute de spécialistes et de matériel médical dans l’île. La Corse est la seule région à ne pas disposer d’un CHU, alors que ses spécificités justifiant de la création d’un CHU sont nombreuses : une grande pauvreté, une population vieillissante, un afflux de touristes l’été qui porte la population à près d’un million d’habitants, l’insularité, des temps de trajet élevés dus au caractère montagnard de l’île et la présence de maladies émergentes.

L’absence de CHU entraîne des pertes de chance et constitue un motif de renoncement aux soins pour de nombreux patients. Des associations de bénévoles organisent l’hébergement des familles des patients déplacés sur le continent. La création d’un CHU en Corse est une vieille revendication des élus de l’île et correspond à une forte demande populaire.

Pourquoi n’existe-t-il pas de CHU en Corse ? Parce que sa création impliquerait de mobiliser d’importants moyens, pour recruter des professeurs des universités et des soignants, et pour investir dans du matériel médical. Or les derniers gouvernements n’ont pas affiché une telle volonté politique et ont refusé de débloquer les moyens nécessaires. Comme nous l’avons constaté à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, la majorité LR-RN-Renaissance refuse d’augmenter les cotisations sociales, notamment patronales, et de taxer les revenus du capital ou le patrimoine des milliardaires.

La création d’un CHU en 2030, comme le propose ce texte, permettrait de former de jeunes médecins directement sur l’île, les incitant à s’y installer durablement. L’université de Corse dispense déjà les enseignements du premier cycle de médecine ; en outre, une unité consacrée aux virus émergents a été ouverte et certaines spécialités enseignées sont déjà à la pointe des techniques.

Parce qu’il faut aller plus loin, le groupe Écologiste et Social soutiendra avec force cette proposition de loi.

M. Philippe Vigier (Dem). Une fois n’est pas coutume, je souscris totalement aux propos tenus par Philippe Juvin.

Plus de vingt ans ont été nécessaires pour qu’un CHU soit créé à Orléans ; c’est chose faite depuis 2021. Une double mission de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection de l’éducation, du sport et de la recherche a été nécessaire, ainsi que la volonté de fer du Premier ministre Jean Castex. Nous serons présents pour accompagner les élus corses : il faut aller vite, sans attendre 2030 et ne rien lâcher.

L’été, la Corse n’accueille pas un, mais trois millions de personnes. J’établis un parallèle avec La Réunion, où les évacuations sanitaires depuis Mayotte sont très nombreuses. Par ailleurs je suis heureux d’apprendre que la Guyane accueillera un CHU à compter du 1er janvier 2025.

Avec un CHU en Corse, de jeunes médecins pourront vivre et travailler au pays. De plus, la création d’une filière de recherche est indispensable. La Corse fait partie des territoires ultramarins : il n’est pas acceptable qu’elle ne dispose pas d’une capacité de prise en charge identique à celle de l’Hexagone. Cette dernière n’est cependant pas parfaite, puisque la région Centre-Val de Loire ne comptait qu’un seul CHU pour 2,8 millions d’habitants il y a encore quelques mois.

La création d’un CHU en Corse fait l’objet d’un partenariat entre l’université de Corte et la collectivité de Corse, ce qui témoigne du soutien de l’ensemble de la population.

Parce que cette exigence doit être rapidement concrétisée, le groupe Les Démocrates votera ce texte.

M. Laurent Marcangeli (HOR). Je me réjouis des différentes prises de parole, qui annoncent une probable unanimité.

Trente-trois CHU sont répartis sur l’ensemble du territoire national, mais il n’y en a aucun en Corse, région métropolitaine qui fait face à des défis spécifiques à l’insularité : les distances, les temps de déplacement pour accéder à des services de santé spécialisés et la fatigue qu’ils entraînent. Nous sommes nombreux à considérer que les Corses doivent bénéficier d’un traitement égalitaire.

La création d’un CHU en Corse permettra à celle-ci de bénéficier des mêmes avantages que les autres régions en matière de soins spécialisés, de formation et de recherche, réduisant ainsi les inégalités sanitaires territoriales qui nous posent tant de problèmes.

La situation hospitalière en Corse est préoccupante. Dès 2017, la Cour des comptes soulignait les graves difficultés financières des hôpitaux d’Ajaccio et de Bastia, malgré de fréquentes aides exceptionnelles. Contrairement à ce qui a été dit, nous n’avons pas été abandonnés : ainsi, en tant que maire d’Ajaccio, j’ai inauguré un hôpital neuf, entièrement financé par l’État. Cependant, nous devons mieux faire.

La création d’un CHU entraînerait une meilleure gestion financière opérationnelle des établissements de santé de l’île, grâce à des financements spécifiques et des partenariats académiques. L’égalité d’accès aux soins est un principe fondamental ; la Corse, malgré ses particularités, mérite de bénéficier des mêmes investissements et des mêmes infrastructures que les autres régions. C’est pourquoi le groupe Horizons & Indépendants votera ce texte.

M. Stéphane Viry (LIOT). Il y a six mois, le groupe Libertés, Indépendants, Outremer et Territoires avait présenté une proposition de loi visant à créer un CHU en Corse, largement adoptée par notre commission, mais dont la concrétisation avait été empêchée par la dissolution. Nous déplorons le temps perdu, qui ne fait que retarder une décision attendue, répondant à une revendication ancienne ayant fait l’objet de plusieurs délibérations unanimes de l’Assemblée de Corse. Un groupe de travail s’est constitué, réunissant médecins, élus, professeurs ; sur le terrain, tout le monde est prêt à accueillir le CHU.

Passer par la loi pour créer un CHU peut sembler baroque et surprenant, mais ce choix s’impose à nous comme il s’est imposé à Paul-André Colombani. Comment expliquer l’anomalie faisant de la Corse la seule région dépourvue de CHU et de CHRU ? Tout plaide pour cette création, qui représente un enjeu d’attractivité dans un territoire marqué par la désertification médicale, alors même que les besoins de la population sont croissants ; la population vieillissante et le tourisme sont des raisons supplémentaires. Il s’agit avant tout de garantir un égal accès aux soins à une population souvent contrainte de se rendre sur le continent pour être soignée, ce qui entraîne des coûts très élevés.

Pour conclure, je voudrais saluer le long combat mené par les députés corses du groupe LIOT, qui ont su rallier de nombreux soutiens transpartisans. Je souhaite que cette proposition de loi soit adoptée et aille enfin à son terme.

Mme Karine Lebon (GDR). Cette proposition de loi vise à réparer une injustice, puisque la Corse demeure la seule région de France à ne pas être dotée d’un CHU, alors même qu’elle remplit tous les critères nécessaires. Elle avait été examinée en commission en juin dernier, mais son parcours législatif a été interrompu par la dissolution. Le texte présenté aujourd’hui intègre les amendements alors adoptés par la commission, mais nous avons perdu un temps précieux.

La situation extrêmement dégradée en matière d’accès aux soins justifie pleinement l’ouverture d’un CHU, qui permettra notamment de corriger la démographie médicale de l’île. En tant qu’élue d’un territoire d’outre-mer, je connais les problèmes des habitants de l’île, en particulier en matière d’éloignement. Au coût des évacuations sanitaires s’ajoutent des pertes de chance inadmissibles. Plus de 30 000 déplacements sont effectués chaque année entre la Corse et le continent.

Le consensus autour de cette proposition de loi va sans doute au-delà de la volonté de corriger une inégalité de traitement entre l’île et le reste du territoire. Ce texte prend appui sur l’exception corse pour consacrer une obligation légale de faire de chaque région le siège d’au moins un CHU. Pour répondre à l’impératif d’égalité d’accès aux soins pour toutes et tous sur l’ensemble du territoire, en particulier pour les personnes les plus vulnérables, les députés du groupe de la Gauche Démocrate et Républicaine voteront cette proposition de loi.

 

 

Article 1er : Principe d’au moins un centre hospitalier universitaire par région

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS5 de M. Pierre-André Colombani.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

 

Article 2 : Mise en œuvre du centre hospitalier universitaire de Corse d’ici 2030

Amendements AS3 et AS4 de M. Philippe Juvin

M. Philippe Juvin (DR). Ces amendements visent à apporter des précisions sur l’universitarisation progressive de l’établissement, en complément des propos du rapporteur.

Il faut dix à quinze ans pour faire un professeur d’université et dix à douze pour un chef de clinique. La progressivité de l’affectation du personnel du CHU doit figurer dans la loi, faute de quoi les doyens d’université risquent de refuser de céder des postes de chefs de clinique et de professeurs d’université-praticiens hospitaliers (PU‑PH) au bénéfice de ce nouveau CHU. Il serait judicieux de prendre exemple sur la façon dont ont été constituées les équipes du CHU du Havre : les chefs de cliniques et les PU‑PH y ont été affectés service par service.

M. le rapporteur. Ces deux amendements sont partiellement satisfaits, puisqu’on ne peut faire autrement que progressivement. La proposition de loi vise désormais une échéance en 2030 et prévoit qu’un décret établira le calendrier des différentes étapes de création.

J’entends la crainte des doyens d’université, mais ce problème ne peut être réglé au détriment de la Corse. Nous augmenterons le nombre de postes si c’est nécessaire. En tout état de cause, nous devrons coconstruire, comme nous l’avons fait pour les filières vasculaires : le professeur Collart, du CHU d’Aix-Marseille, consacre une partie de son temps aux hôpitaux de Bastia et d’Ajaccio, contribuant au développement de ces filières. Il y a quelques mois, une thèse a démontré que cette pratique avait contribué à diminuer le nombre de renoncements aux soins.

Demande de retrait, sinon avis défavorable.

M. Philippe Juvin (DR). Il serait erroné de penser que la nomination de professeurs de médecine suffise à créer un CHU. Ce sont des équipes qu’il faut installer, sous peine de rencontrer de grandes difficultés.

J’ai néanmoins entendu votre argument, monsieur le rapporteur, et je retire les deux amendements.

Les amendements AS3 et AS4 sont retirés.

La commission adopte l’article 2 non modifié.

 

Après l’article 2

Amendement AS1 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). L’amendement a pour objet de demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport présentant l’ensemble des moyens matériels, humains et financiers alloués aux différents CHU de France, notamment au nouveau CHU de Corse. L’objectif est de s’assurer que les missions dévolues à ce nouveau centre bénéficient des moyens indispensables à leur conduite.

M. le rapporteur. L’amendement a déjà été présenté en juin : j’y suis défavorable car son champ sort du cadre de la proposition de loi. Je souhaiterais que la commission adopte le même texte que celui voté cet été.

L’amendement est retiré.

Amendement AS2 de M. Philippe Juvin

M. François-Xavier Ceccoli (DR). Nous souhaitons veiller à ne pas déshabiller Pierre pour habiller Paul : les moyens humains alloués au futur CHU ne devront pas être ponctionnés sur ceux des hôpitaux continentaux.

L’amendement vise à demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport étudiant la possibilité d’affecter des effectifs hospitaliers universitaires au CHU de Corse sans les retirer des CHU existants.

M. le rapporteur. Il n’est bien entendu pas question de déshabiller Pierre pour habiller Paul. La méthode de la coconstruction et du partage, déjà éprouvée dans différentes filières, doit prévaloir. Nous souhaitons augmenter le nombre de filières dans les années à venir.

L’avis est défavorable.

L’amendement est retiré.

 

Article 3 : Gage financier

La commission adopte l’article 3 non modifié.

 

M. François-Xavier Ceccoli (DR). Je souhaiterais ajouter deux éléments avant le vote sur l’ensemble. Pendant la crise du covid, le Gouvernement a dû affréter un bateau militaire pour évacuer des malades car l’île ne comptait qu’une trentaine de lits de réanimation. Or il est plus difficile d’évacuer des personnes depuis une île que depuis un département continental.

Par ailleurs, la Corse ne dispose d’aucun scanner de tomographie par émission de positons (PET-scan) : pour passer ce simple examen, il faut prendre l’avion, donc engager des coûts et subir de la fatigue.

La commission adopte à l’unanimité l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

M. le rapporteur. Je vous remercie pour votre soutien unanime, qui m’a beaucoup simplifié la tâche. Je vous donne rendez-vous mardi prochain pour l’examen du texte en séance publique. La création d’un CHU est très attendue en Corse.

 

La commission examine ensuite la proposition de loi visant à optimiser la protection et l’accompagnement des parents d’enfants atteints de cancers, de maladies graves et de handicaps (n° 277) (M. Vincent Thiébaut, rapporteur).

 

M. Vincent Thiébaut, rapporteur. Je vous remercie de m’accueillir dans votre commission pour y présenter cette proposition de loi visant à optimiser la protection et l’accompagnement des parents d’enfants atteints de cancers, de maladies graves et de handicaps.

En France, entre 1,5 million et 4 millions d’enfants âgés de 0 à 20 ans sont atteints d’une maladie chronique et 2 500 enfants sont diagnostiqués porteurs d’un cancer. En outre, environ 560 000 enfants sont en situation de handicap.

Chacun peut l’imaginer, la détection d’une maladie grave ou d’un handicap chez un enfant constitue un bouleversement intime et immense dans la vie des enfants et des familles concernés. À la détresse et à l’inquiétude s’ajoutent de nombreux changements pratiques qui chamboulent la vie quotidienne. Pour les familles, c’est souvent la double peine : aux préoccupations directement liées à la maladie ou au handicap s’ajoutent des difficultés financières et administratives qui peuvent prendre une ampleur considérable, en particulier pour les familles les moins aisées.

La réduction ou la cessation brutale de l’activité professionnelle de l’un des deux parents, sinon des deux, les frais supplémentaires liés à la prise en charge de l’enfant et les cas fréquents de séparation occasionnent des pertes importantes de revenus dans les foyers. Nombreuses sont les familles qui sont confrontées à des problèmes financiers, notamment pour se loger et acquitter un loyer ou un crédit immobilier.

Depuis 2017, le législateur est intervenu pour améliorer le quotidien des familles concernées, témoignant de sa forte mobilisation sur le sujet. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans le prolongement de ce travail parlementaire et particulièrement dans la continuité du texte de loi voté à l’initiative de Paul Christophe en juillet 2023, lequel comporte des avancées majeures, au premier rang desquelles figure une meilleure protection des parents bénéficiant d’un congé de présence parentale contre le licenciement.

Les évolutions législatives de ces dernières années sont saluées par le monde associatif et les familles, mais de nombreuses difficultés demeurent. Certains textes sont insuffisamment appliqués, par défaut d’organisation ou de manque de moyens. Au-delà de la trop faible application des textes de loi, des failles existent encore dans le droit, auxquelles cette proposition de loi entend justement remédier.

La proposition de loi est le fruit d’une réflexion engagée il y a plus d’un an par notre ancienne collègue Charlotte Goetschy-Bolognese, députée suppléante de M. Olivier Becht, avec l’association Eva pour la vie et la Fédération Grandir sans cancer, qui rassemblent près de cent associations ainsi que de nombreux médecins et professionnels spécialisés dans l’ensemble du territoire. Permettez-moi de saluer leur travail. Elle est cosignée par plus de cent quarante députés, que je salue également : ils appartiennent à différents groupes parlementaires, preuve de l’engagement de chacun d’entre nous sur ce sujet largement transpartisan. Je veux également remercier l’ensemble des personnes que nous avons auditionnées, dans des délais contraints, qui ont nourri ma réflexion pour améliorer le texte.

La proposition de loi comporte dix articles qui visent à répondre aux difficultés du quotidien rencontrées par les familles d’enfants malades ou en situation de handicap.

Les trois premiers articles visent tout particulièrement à remédier aux problèmes de logement et d’hébergement auxquels sont encore trop souvent confrontées les familles, en particulier les plus modestes d’entre elles.

L’article 1er consacre le droit au logement des familles « éprouvant des difficultés particulières pour se loger en raison de l’état de santé d’un enfant à charge atteint d’une affection grave ». Il modifie à cette fin l’article 1er d’une loi emblématique du droit au logement, la « loi Besson » du 31 mai 1990, et il étend le droit à une aide de la collectivité pour accéder à un logement décent aux familles de parents d’enfants atteints d’une maladie grave. Les collectivités, en particulier les départements, pourront ainsi se fonder sur cette nouvelle base légale pour déployer divers dispositifs d’aides comme le fonds de solidarité pour le logement.

L’article 2 ouvre une voie de recours aux proches d’enfants malades éprouvant des difficultés à rembourser un emprunt immobilier ou un crédit à la consommation. Il prévoit que les bénéficiaires de l’allocation journalière de présence parentale (AJPP) peuvent demander au juge la suspension de leur obligation de remboursement de crédit, conformément à la procédure prévue à l’article L. 314-20 du code de la consommation. On estime à environ 5 000 le nombre de crédits entrant potentiellement dans le champ de cet article, soit une proportion mineure de l’ensemble des crédits détenus par les ménages en France. La disposition aurait un impact négligeable sur le marché du crédit, les créanciers et le système judiciaire, tout en allégeant significativement les charges financières des familles concernées.

L’article 3 concerne moins le logement que l’hébergement des proches à proximité des lieux d’hospitalisation et de soins de l’enfant. Nous savons que, si plusieurs solutions d’hébergement existent à ce jour comme les maisons des parents, les foyers d’accueil, les chambres « parent-enfant », celles-ci sont très souvent saturées et coûteuses. Or la présence des parents aux côtés de l’enfant hospitalisé est un droit et elle joue un rôle fondamental dans son bien-être psychologique et le vécu de son parcours de soins. L’article propose ainsi d’ouvrir le dispositif d’hébergement non médicalisé, expérimenté depuis 2017 et généralisé depuis 2021, aux parents d’enfants atteints d’une affection grave. À ce jour, il bénéficie aux patients et à leurs accompagnants, mais, lorsque l’enfant est hospitalisé, le parent n’a pas de droit particulier de séjour dans ces hôtels hospitaliers. L’adoption de cet article constituerait une avancée majeure. J’ai déposé un amendement visant à lier la durée d’hébergement du ou des parents à celle de l’hospitalisation de l’enfant.

L’article 4 instaure une expérimentation d’accélération des délais de traitement des demandes de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH), laquelle bénéficie actuellement à 464 000 enfants et jeunes en situation de handicap. Cette allocation est versée par les caisses d’allocations familiales (CAF) sur le fondement d’une décision rendue par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH), qui évalue le niveau d’incapacité de l’enfant ainsi que les dépenses mensuelles liées au handicap. Les délais de traitement des demandes peuvent se révéler excessivement longs, malgré l’urgence dans laquelle sont placées les familles concernées. Le délai moyen de traitement de l’AEEH était de 4,2 mois au deuxième trimestre de 2024. Ce chiffre masque de très importantes disparités selon les départements : le délai moyen s’établissait ainsi à 6,2 mois en Haute-Garonne, à 7,7 mois dans le Rhône, à 11 mois en Martinique et à 13 mois à Mayotte. Ces délais pénalisent les familles, créent des risques de précarisation, alourdissent la charge administrative des familles et fragilisent le principe d’égalité de traitement entre les citoyens. C’est pourquoi l’article 4 crée une expérimentation visant à accélérer ces procédures.

L’article 5 modifie les règles de renouvellement de l’AJPP. Il s’agit d’ouvrir la possibilité d’aller jusqu’à quatorze mois pour le renouvellement de la demande d’AJPP, contre six à douze mois actuellement. Cette évolution dispensera les parents qui sont dans l’obligation de s’arrêter entièrement pour s’occuper de leur enfant de renouveler leur demande pour seulement deux mois. Il s’agit d’une mesure de simplification utile pour les familles, qui fait consensus chez l’ensemble des acteurs que nous avons auditionnés.

L’article 6 ouvre la possibilité de partager l’AJPP entre les deux parents en cas de garde alternée, par dérogation à la règle de l’allocataire unique. Actuellement, si les parents en couple peuvent bénéficier simultanément ou alternativement de l’AJPP, à condition de ne pas aller au-delà du quota de vingt-deux jours par mois prévu par le droit, tel n’est pas le cas des parents séparés ou divorcés. Dans cette hypothèse, le parent qui n’est pas l’allocataire unique peut se retrouver dans l’obligation de poser des congés sans solde. Cette application du droit fragilise financièrement le parent concerné et n’encourage pas une répartition équilibrée de la prise en charge de l’enfant entre les deux membres du couple. C’est pourquoi l’article 6 propose de modifier le droit applicable pour autoriser le partage de l’AJPP au prorata du temps de garde.

L’article 7 fait bénéficier les parents d’un enfant atteint d’une affection grave d’une exonération de taxe foncière sous conditions de ressources. Cette mesure est justifiée, car les parents d’enfants gravement malades peuvent être durement touchés sur le plan financier par les conséquences de la maladie de leur enfant. Je sais que cet article suscite des inquiétudes pour les ressources des collectivités ; nous y reviendrons donc à l’occasion de la discussion des amendements.

L’article 8 instaure la gratuité du stationnement à l’hôpital public pour les personnes ayant à charge un enfant atteint d’une affection grave. Certains établissements accordent déjà cette gratuité, mais ce n’est pas le cas pour tous, notamment lorsque la gestion des parkings a été concédée à des opérateurs économiques privés. Or le nombre de déplacements requis et leur durée – parfois de plusieurs jours en cas d’hospitalisation – peuvent entraîner des coûts cumulés de stationnement particulièrement élevés. Pour cette raison, l’article 8 améliorera nettement le quotidien des familles concernées.

L’article 9 vise à ce que les prescriptions entrant dans un protocole de soins pour les enfants atteints d’une grave affection n’occasionnent aucun reste à charge pour leurs parents. Je défendrai un amendement qui clarifie l’objet de cet article. Je ne souhaite pas inclure les dépassements d’honoraires, mais je veux garantir l’équité de traitement entre les enfants malades. Certains soins, notamment ceux assurés par les psychomotriciens et les ergothérapeutes, n’engendrent pas de dépenses pour les familles lorsqu’ils sont dispensés à l’hôpital, alors qu’ils sont payants dans le cadre de la médecine de ville. Il me paraît également souhaitable d’assurer un remboursement intégral des séances de l’enfant gravement malade avec un psychologue, au-delà de la limite actuelle, fixée à douze séances annuelles.

Enfin, l’article 10 vise à compenser les pertes de recettes et les nouvelles charges que les dispositions de la proposition de loi engendreront pour l’État, les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Karine Lebon (GDR). Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour votre travail sur cette proposition de loi que j’ai cosignée. Je tiens également à remercier l’association Eva pour la vie et la Fédération Grandir sans cancer pour leur engagement sans faille auprès des enfants malades et de leurs parents.

Dans l’exposé des motifs du texte, vous employez l’expression « double peine » car à l’immense peine ressentie lors de l’annonce de la maladie ou du diagnostic de handicap d’un enfant s’ajoute un sentiment d’impuissance face aux difficultés financières, aux lourdeurs administratives et parfois à un certain manque d’empathie des administrations ou du milieu professionnel. Loin de moi l’idée de minimiser cette double peine et de hiérarchiser la souffrance des enfants et des parents, mais en tant que députée réunionnaise, je me dois de vous alerter sur la triple peine vécue par les enfants malades ultramarins et leurs parents.

Lorsque les ressources et les infrastructures régionales de santé sont insuffisantes, les enfants atteints de maladie grave ou de handicap complexe doivent se rendre dans l’Hexagone. Ainsi, les inégalités territoriales d’accès aux soins provoquent une véritable rupture pour l’enfant malade et ses parents, contraints de quitter leurs proches et leur environnement familier sans retour possible avant la fin du traitement. Lorsque la famille est composée de plusieurs enfants, l’un des deux parents reste avec les frères et sœurs, continue de travailler et s’occupe seul des enfants présents ; dans l’Hexagone, il faut trouver un hébergement proche de l’établissement de santé et peu coûteux, s’équiper de vêtements chauds et se nourrir sans trop dépenser. Selon le ministère des outre-mer, 400 familles ultramarines seraient confrontées à une telle situation chaque année.

Les parents d’enfants malades ou porteurs de handicap ont pourtant besoin de sérénité et de soutien pour accompagner leur enfant au mieux et garantir toutes ses chances de guérison ou de stabilisation. Toutes les avancées en matière d’accompagnement des enfants malades et porteurs de handicap et de leurs parents sont bonnes à prendre. En 2023, j’avais travaillé avec mon collègue Max Mathiasin sur le décret relatif à la prise en charge intégrale des billets d’avion de l’ensemble des membres de la famille d’un enfant malade. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est essentielle et nous n’en ferons jamais assez pour ces enfants et leur famille. En être conscient, c’est respecter leur courage et leur combat et refuser d’oublier celles et ceux partis beaucoup trop tôt.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Nous examinons une proposition de loi qui porte sur le sujet douloureux de l’accompagnement des familles d’enfants victimes d’une maladie grave, que le texte vise à améliorer. En France, entre 1,5 million et 4 millions d’enfants âgés de 0 à 20 ans souffrent d’une maladie chronique. Notre pays doit faire davantage, notamment pour développer des traitements pédiatriques spécifiques pour lutter contre les tumeurs du tronc cérébral, actuellement incurables.

L’accompagnement de la maladie de l’enfant doit composer avec la délicate conciliation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle. Ces maladies nécessitent une prise en charge de plusieurs mois voire années et engendrent des besoins de soins médicaux, d’éducation et d’adaptation. L’objectif du texte est louable : simplifier, soulager et soutenir les parents d’enfants malades. Néanmoins, les freins administratifs et les arguments financiers sont insupportables pour les parents. C’est pourquoi les députés du Rassemblement national souhaitent apporter, par voie d’amendement, des réponses à ces difficultés. Nous proposons notamment de mieux faire connaître l’AJPP, d’instaurer la gratuité des parkings pour les parents aux côtés de leur enfant à l’hôpital et d’inclure leurs frais de déplacement dans les frais réels déductibles.

Cosignée par plus de cent quarante députés de divers horizons, la proposition de loi est le fruit d’un large travail en commun, lequel aurait gagné à inclure les députés de tous les bancs. Il est dommage que l’universalité de la cause n’ait pas transcendé tous les clivages : sans sectarisme et mus par un sens profond de l’intérêt commun, nous soutiendrons la majorité des mesures du texte.

M. Michel Lauzzana (EPR). L’annonce d’une maladie grave ou d’un accident bouleverse chaque année la vie de milliers d’enfants, mais aussi celle de leurs parents et de leurs proches. Depuis 2017, le Parlement s’est mobilisé de manière transpartisane pour améliorer la prise en charge des cancers et des maladies graves de l’enfant et pour renforcer l’accompagnement des familles, notamment par la réforme du congé de présence parentale (CPP) et de l’AJPP. Malgré ces avancées essentielles, il reste beaucoup à accomplir. Dans ce contexte, le groupe Ensemble pour la République salue votre engagement, monsieur le rapporteur.

La proposition de loi que vous nous présentez comporte des mesures demandées depuis des années par les associations de parents. L’article 5, par exemple, vise à adapter la durée de versement de l’AJPP à celle prévisible du traitement d’un enfant atteint d’une affection grave.

Nous formulons néanmoins quelques réserves sur la rédaction de certains articles à la lumière des auditions auxquelles nous avons assisté ; s’agissant de l’expérimentation, prévue à l’article 4 et relative à l’obtention de l’AEEH, il me semble plus important de travailler à la réduction des inégalités de traitement entre les différentes maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). L’objectif doit être de garantir que le traitement d’un dossier complet, incluant évidemment l’AEEH, ne dure nulle part en France plus de quatre mois. Concernant l’article 6, nous souhaitons engager une réflexion globale sur les modalités de service de toutes les prestations sociales versées aux parents séparés ou divorcés en cas de garde alternée : j’ai déposé un amendement visant à demander un rapport engageant ce travail, mais il a été déclaré irrecevable pour une raison que je ne m’explique pas.

Notre groupe restera très attentif aux amendements de réécriture et se tiendra à vos côtés pour faciliter le quotidien des familles d’enfants malades.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Cette proposition de loi a le mérite de vouloir parfaire le système d’aide et de solidarité envers les familles qui doivent rester au chevet de leur enfant tombé gravement malade ou atteint d’un handicap. L’accompagnement de leur enfant fait perdre aux parents leur revenu. Nous serons bien entendu favorables à toute amélioration de leurs droits : celui de garder un logement, d’arrêter de travailler et d’accéder à des revenus de remplacement.

Les ambitions du texte sont néanmoins très faibles. Où sont passés les droits supplémentaires contenus dans la proposition similaire, déposée en 2023 par le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires ? Je pense notamment à l’absence de discrimination à l’embauche, au bénéfice immédiat des allocations, à la création et à la coordination par les agences régionales de santé (ARS) d’une maison de parents à côté de chaque établissement de santé.

Vous vous cachez derrière votre petit doigt, mais nous vous voyons. Vous nous présentez un texte bien de droite. Tout est prévu pour les familles déjà propriétaires de leur logement qui affrontent des situations compliquées, mais rien n’est fait pour les familles les plus précaires, celles qui sont le plus touchées par les difficultés financières, et les familles sans abri. Ainsi, vous exonérez de taxe foncière les foyers propriétaires alors que les collectivités territoriales sont déjà exsangues et subissent de plein fouet l’austérité du gouvernement Barnier, que vous continuez à sauver. La proposition de loi est bien de droite et manque cruellement d’ambition : à quand la création d’un statut unique du parent accompagnant, liant les droits aux congés à ceux de l’AJPP ? Voilà la mesure que nous attendions ! Nous regrettons que la réflexion n’ait pas été menée à son terme.

M. Sébastien Saint-Pasteur (SOC). Je m’associe aux remerciements adressés aux associations citées mais également à celles, très nombreuses, qui ne l’ont pas été : elles œuvrent quotidiennement pour informer, épauler, aider et conseiller les familles touchées.

Lorsqu’une famille apprend que l’un de ses enfants est atteint d’un cancer, d’un sarcome ou d’une maladie grave, le monde s’écroule et des vies sont percutées de plein fouet. S’ouvre à elles un nouveau monde, bardé d’acronymes et jonché de démarches, d’incertitudes et d’attentes. Les parents doivent souvent arrêter de travailler, trouver un hébergement ou subir de longs temps de transports.

Le texte n’est pas parfait et il ne va probablement pas assez loin, mais il traite des vrais enjeux. Il appartient aux députés que nous sommes de l’amender pour l’améliorer car les familles concernées le méritent. Tel est le sens de l’action du groupe Socialistes et apparentés. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour votre écoute mais nous conserverons notre esprit critique. Je regrette que notre amendement à l’article 4 visant à accélérer l’ouverture des droits et à la rendre effective et conforme à la réalité des besoins ait été déclaré, de manière discutable, irrecevable sur le fondement de l’article 40 de la Constitution : son adoption aurait pourtant permis au texte d’avoir un impact réel sur la vie des familles. Nous souhaitons que l’amendement du rapporteur aille plus loin et nous avancerons des propositions en ce sens.

À notre échelle, modeste par rapport à la gravité des situations, nous suivrons une boussole qui n’indiquera qu’un seul cap, celui de l’allégement de la charge des familles.

Mme Sylvie Bonnet (DR). Chacun imagine le bouleversement que représente pour les parents et la famille dans son ensemble la survenue d’une maladie ou d’un handicap frappant un enfant. L’enfant malade exige une attention accrue, tandis que les autres enfants de la fratrie ont besoin de stabilité et de la disponibilité de leurs parents. Ces derniers doivent assumer une multitude de rôles : parents, soignants, chauffeurs, accompagnateurs, experts administratifs, instituteurs. Face à cette crise qui bouleverse l’intimité, de nombreux parents sont contraints de réduire leur temps de travail ou d’interrompre leur activité professionnelle pour s’occuper à plein temps de leur enfant ; d’autres continuent de travailler, souvent par nécessité de garantir un revenu à leur famille bien plus que par choix.

Le 15 novembre 2021, le Parlement a adopté une proposition de loi visant à améliorer les conditions de présence parentale auprès d’un enfant dont la pathologie exige un accompagnement soutenu. La réforme du CPP et de l’AJPP inscrite dans la loi a facilité le quotidien des familles : les parents peuvent désormais interrompre leur activité professionnelle et bénéficier d’une compensation de la perte de revenu associée. Si ce texte a constitué une indéniable avancée, beaucoup restait à faire pour mieux soutenir les familles, plongées dans un véritable parcours du combattant.

C’est dans la continuité de ce texte que notre ancien collègue Paul Christophe a fait adopter la loi du 19 juillet 2023 visant à renforcer la protection des familles d’enfants atteints d’une maladie ou d’un handicap ou victimes d’un accident d’une particulière gravité. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à apporter des réponses concrètes aux familles dont l’enfant est victime d’une maladie grave, reconnue comme affection longue durée, ou d’un accident de la vie, afin de renforcer leur protection.

Ces dispositions sont certes coûteuses pour les finances publiques, mais il appartient à l’État de renforcer la législation en matière de soutien aux milliers de parents concernés chaque année en France. La détresse de ces familles nous oblige et la solidarité nationale doit prendre toute sa part dans leur accompagnement. L’action des structures associatives est remarquable et indispensable, mais celles-ci n’ont pas la puissance suffisante ni les moyens de se substituer à l’État.

Les députés du groupe Droite Républicaine ont toujours soutenu les mesures de solidarité destinées aux familles confrontées à la maladie ou au handicap : notre groupe votera donc en faveur de l’adoption du texte.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Les difficultés rencontrées par les familles d’enfants gravement malades sont nombreuses : les charges financières, la complexité des démarches administratives et la longueur excessive des délais pour obtenir des aides sont des préoccupations qui s’ajoutent à une situation qui déstabilise émotionnellement les enfants et les familles lorsque survient la maladie.

La proposition de loi transpartisane que nous examinons apporte des réponses aux problèmes rencontrés par ces familles ; ainsi, des expérimentations seront déployées pour accélérer l’obtention des aides, elles-mêmes visant à garantir le maintien dans le logement, la nullité du reste à charge pour les soins des enfants atteints d’une maladie grave et le soutien à l’hébergement des parents hospitalisés.

Plusieurs amendements de mes collègues du Nouveau Front populaire enrichissent le texte : opposition aux expulsions locatives, extension des dispositifs et des expérimentations aux territoires ultramarins et prolongation de la durée des congés après l’annonce d’un handicap ou d’une pathologie chronique chez un enfant.

Nous devons également penser aux familles monoparentales, qui comptent plus souvent un enfant malade ou handicapé. Nous devons également nous interroger sur le système de santé que nous souhaitons promouvoir : la précarisation et l’affaiblissement de l’offre de soins ont des conséquences très concrètes pour ces enfants et leurs proches. Certains territoires manquent cruellement de structures de soins, de médecins et de pharmacies, obligeant les familles à parcourir de nombreux kilomètres pour faire soigner leurs enfants. Cette situation est le résultat de choix politiques et budgétaires. Nombre d’entre vous se sont ainsi opposés à plusieurs reprises à des propositions visant à rembourser les frais de déplacement des parents des enfants ultramarins devant être hospitalisés dans l’Hexagone.

Enfin, nous devons également nous pencher sur la prévention et insister sur l’importance de la santé environnementale. En Bretagne, à La Rochelle ou dans les territoires d’outre‑mer, les scientifiques nous alertent sur les liens entre les maladies pédiatriques graves et l’exposition à certaines substances, notamment les pesticides. Il est crucial d’accroître massivement les moyens alloués à la recherche et de réduire drastiquement l’exposition aux pesticides, aux substances polyfluoroalkylées ou perfluoroalkylées et aux autres perturbateurs endocriniens, qui menacent la santé de nos enfants et celle des générations futures.

Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Notre collègue Vincent Thiébaut illustre par son engagement toute la noblesse de l’action publique. La proposition de loi transpartisane qu’il présente, élaborée de concert avec des associations, traduit notre ambition partagée de renforcer la solidarité nationale vis-à-vis des familles qui doivent faire face à la maladie ou au handicap d’un enfant. Elle répond aux besoins concrets et vitaux, exprimés par des familles qui, chaque jour, font face à l’angoisse d’un diagnostic, au poids des démarches administratives et à l’ombre de la précarité financière.

Lorsqu’une famille est frappée par la maladie d’un enfant, elle ne doit pas être accablée par des contraintes administratives ou financières. En votant cette loi, nous disons aux parents qu’ils ne sont pas seuls et que la République est à leur côté et qu’elle sera toujours là pour protéger et accompagner ceux qui en ont le plus besoin. Les mesures prévues comme la suspension des crédits, l’accès facilité à des hébergements proches des centres de soins, la gratuité des parkings hospitaliers et la réduction des délais pour l’obtention d’allocations spécifiques sont autant de gestes de respect, de dignité et de solidarité envers ces familles.

Voter pour cette proposition de loi, c’est honorer ces familles, ces parents et ces enfants ; c’est affirmer que la gravité d’une maladie ou d’un handicap ne doit jamais être une double peine et c’est enfin porter un message d’espoir et de courage.

M. Stéphane Viry (LIOT). Pour les enfants atteints d’une maladie grave, d’un handicap ou victimes d’un accident, la présence des parents est indispensable. Elle est très exigeante et s’accompagne de contraintes matérielles et financières, mais l’effort de solidarité nationale est aujourd’hui insuffisant, malgré les améliorations apportées par deux lois de notre ancien collègue Paul Christophe. La présente proposition de loi améliore l’AJPP et l’AEEH, ce qui est nécessaire.

Notre groupe appelle à améliorer la communication sur les dispositifs existants, à assouplir les procédures et à renforcer les procédures dérogatoires d’urgence, qui sont trop rarement mises en œuvre. Nous souhaitons également attirer l’attention sur les familles vivant en outre-mer et en Corse qui, souvent, doivent se rendre sur le continent et sont donc amenées à cesser leurs activités, ce qui occasionne des frais supplémentaires très importants. Nous avions fait adopter une proposition de loi sur la continuité territoriale prévoyant notamment l’autorisation de cumuler plusieurs dispositifs, mais un dispositif ad hoc pourrait être créé à destination de ces familles.

Nous soutenons bien entendu ce texte, avec quelques réserves, exprimées par d’autres, sur l’exonération de taxe foncière.

Nous appelons à une réflexion plus globale sur le statut de l’aidant, qui doit disposer d’une véritable protection afin d’éviter d’avoir à modifier au cas par cas à la marge les dispositifs existants. Il est temps de mettre la question de l’aidance au cœur de notre décision politique.

Je conclus en soulignant que, dans un grand nombre de cas, la présence des parents est nécessaire à cause d’un défaut de prise en charge médicale ou d’accompagnement directement lié aux carences de notre système de santé et d’accompagnement.

Mme Sophie Mette (Dem). Nous vous remercions pour cette démarche transpartisane.

Les enfants de moins de 12 ans ne représentent que 5 % des dépenses d’assurance maladie alors qu’ils constituent 14 % de la population française et que, selon la Cour des comptes, leur état de santé est cruellement marqué par les inégalités sociales. Il faut donc des dispositifs justes pour ne pas ajouter au malheur des familles.

Cette proposition de loi contient plusieurs mesures de bon sens : extension du droit au logement aux familles dont un enfant est gravement malade, hébergement à proximité de l’hôpital ou encore simplification du renouvellement de l’AJPP. La proposition de loi permet ainsi de soutenir utilement les parents d’enfants gravement malades, trop souvent confrontés à des difficultés administratives et à des baisses subites de revenus. Une meilleure protection des parents est à même de renforcer la qualité de l’accompagnement dont les enfants atteints d’une grave maladie ont tant besoin. Nous soutiendrons donc ce texte.

M. le rapporteur. Je vous remercie tous pour votre soutien et pour vos propos.

Le travail en commission n’a pas permis de régler le problème du transport des parents devant se rapprocher de leur enfant hospitalisé, qui est particulièrement aigu pour ceux qui vivent en outre-mer et en Corse, d’autant que les prix varient très fortement en fonction de la saison. Je vous propose d’y travailler avant l’examen en séance.

Le statut des parents doit faire l’objet d’une réflexion, qui pourrait être menée au sein de la commission des affaires sociales.

Madame Amiot, cette loi n’est pas une « loi de droite ». En toute amitié, je me permets de vous excuser auprès de l’association Eva pour la vie et la Fédération Grandir sans cancer, avec lesquelles nous avons travaillé sur cette proposition de loi. Je dirai avec un brin d’humour que vos propos m’ont rappelé France Gall : « Résiste. Prouve que tu existes ».

 

Article 1er : Étendre l’aide de la collectivité pour accéder à un logement décent aux personnes ayant la charge d’un enfant atteint d’une affection grave

Amendement AS38 de M. Vincent Thiébaut

M. le rapporteur. En préalable, je souhaite m’excuser auprès des députés ayant déposé des amendements dont je proposerai le rejet. Nous avons en effet travaillé afin d’équilibrer le texte d’un point de vue juridique et légistique et ces rejets sont parfois nécessaires.

Cet amendement propose une rédaction plus conforme à l’esprit de l’article 1er de la loi Besson avec une mention élargie aux « enfants atteints d’une maladie, d’un handicap ou victimes d’un accident d’une particulière gravité ». Cet article consacre en effet un droit au logement de portée universelle.

Il ne serait pas opportun d’entrer ici dans le détail des affections graves pouvant toucher un enfant. Je proposerai de renvoyer précisément à une liste d’affections aux articles 3, 7 et 9 de la proposition de loi car ces articles nécessitent davantage un renvoi à une liste précise pour leur mise en œuvre.

La formulation proposée est celle de l’article L. 544-1 du code la sécurité sociale concernant l’AJPP.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement AS9 de Mme Ségolène Amiot tombe.

Amendement AS10 de Mme Karen Erodi

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). L’amendement vise à inclure les affections intestines graves ou congénitales des tubes digestifs à la liste des affections graves prises en compte dans cette proposition de loi.

Les affections des tubes digestifs ont des conséquences graves sur l’état de santé et la qualité de vie des enfants. Celles-ci affectent toutes les parties du tube digestif et sont variées : atrophie de l’œsophage, malformations anorectales ou de la paroi abdominale, maladie de Hirschsprung... Elles ont en commun de nécessiter un recours à une intervention chirurgicale pour éviter des complications aux effets graves. Des problèmes peuvent se manifester après l’intervention chirurgicale. Ainsi, une personne dont l’atrophie de l’œsophage – un problème qui concerne chaque année de 150 à 200 enfants – aura été traitée sera tout de même exposée à des problèmes et complications respiratoires et digestives durant l’enfance et à l’âge adulte.

M. le rapporteur. Votre amendement est satisfait par l’adoption de l’amendement précédent qui élargit la rédaction de l’article pour inclure l’ensemble des maladies graves pouvant toucher l’enfant, ainsi que les maladies nouvelles pouvant apparaître. En outre, le niveau de précision de votre amendement n’est pas adapté à la portée globale de l’article 1er de la loi Besson, qui consacre un droit universel au logement.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 1er modifié.

 

 

Article 1er bis (nouveau) : Interdiction du non-renouvellement du bail d’un locataire ayant à charge un enfant atteint d’une affection grave

Amendement AS11 de Mme Ségolène Amiot

Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Par cet amendement, nous souhaitons protéger les parents d’enfants gravement malades de toute forme d’expulsion locative, y compris lorsqu’un bailleur souhaite réintégrer le logement. Un tel dispositif existe déjà afin de protéger les personnes âgées à faibles revenus.

En 2017, Emmanuel Macron promettait d’endiguer le phénomène du sans-abrisme d’ici à la fin de la première année de son premier mandat. Force est de constater que c’est un échec patent : le nombre de personnes sans abri est estimé à 330 000. Selon le baromètre de l’Unicef et la Fédération des acteurs de la solidarité) publié en août, plus de 2 000 enfants vivent dans la rue.

Ce texte propose de faire bénéficier les parents d’enfants gravement malades du droit prioritaire au logement et à l’hébergement en les mentionnant à l’article 1er de la loi Besson. Elles peuvent ainsi espérer un accès facilité à l’hébergement temporaire proche des établissements de santé ou bénéficier d’une aide financière du fonds départemental de solidarité pour le logement. Cette mention doit aussi théoriquement faciliter l’accès à l’hébergement d’urgence, mais celui-ci manquant cruellement de places, cela restera un vœu pieux. Ce n’est de toute manière pas une situation enviable, d’autant moins pour une famille et des enfants traversant l’épreuve de la maladie.

La meilleure des voies pour préserver les conditions matérielles d’existence de ces enfants et de ces familles est d’empêcher qu’ils soient privés de leur logement. Or cette proposition de loi comporte un angle mort pour les ménages locataires, puisqu’elle ne permet que la suspension des crédits et l’exonération de taxes, ce qui ne concerne que les ménages propriétaires de leur logement.

Les locataires du parc privé, qui représentent 24,7 % des ménages selon l’Institut national de la statistique et des études économique (Insee), doivent être mieux protégés d’une expulsion locative. Nous proposons donc, sur le modèle du dispositif pour les personnes âgées à faibles revenus, d’empêcher tout congé décidé unilatéralement par le bailleur pour les parents d’enfants gravement malades.

M. le rapporteur. Votre amendement est satisfait par la loi du 19 juillet 2023 qui, dans son article 6, interdit aux bailleurs de refuser le renouvellement d’un bail à des locataires bénéficiant de l’AJPP et dont les revenus sont faibles, en particulier si aucun autre logement ne correspond aux besoins et aux possibilités de la famille dans le même secteur géographique.

Par ailleurs, le dispositif que vous proposez ne prévoit pas de condition de ressources, ce qui ne me semble pas justifié.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

 

 

Article 2 : Suspension du remboursement d’un crédit pour les bénéficiaires de l’allocation journalière de présence parentale

Amendement AS39 de M. Vincent Thiébaut

M. le rapporteur. Les auditions techniques que j’ai menées ont montré que l’alinéa 4 limite et contraint excessivement l’office du juge puisque le législateur y prévoit, en lieu et place de l’examen et de l’ordonnance du juge, une suspension du crédit un mois après le dépôt d’une demande.

Les modalités de cette suspension dérogatoire ne sont pas aussi bien définies et adaptées aux situations particulières des familles que le ferait le juge, ce qui pourrait paradoxalement mettre en difficulté les familles face à leur créancier. Les familles devraient négocier les modalités de la suspension sans ordonnance du juge dans les limites fixées par le législateur.

Le juge, qui apprécie au cas par cas la situation financière et personnelle des demandeurs, est le meilleur garant de la protection des intérêts des familles confrontées à la maladie de leur enfant. Il a toute latitude pour moduler le délai de grâce, les modalités de paiement du capital, des intérêts et de l’assurance de crédit. Il peut également décider que le prêt ne porte pas intérêt durant le délai de grâce.

L’alinéa 4 instaure aussi une procédure dérogatoire au droit commun qui pourrait complexifier les démarches des parents.

Les difficultés rencontrées par les familles pour rembourser un crédit immobilier sont bien réelles. L’alinéa 2 répond pleinement à cet enjeu, en consacrant dans la loi le droit des parents d’enfants malades ou en situation de handicap à recourir à une procédure de suspension de leur obligation de remboursement de crédits devant le juge.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement AS5 de M. Sébastien Saint-Pasteur tombe.

 

La commission adopte l’article 2 modifié.

 

Après l’article 2

Amendement AS13 de Mme Ségolène Amiot

Mme Karen Erodi (LFI-NFP). L’amendement vise à renforcer la lutte contre les discriminations, tant à l’embauche que dans l’emploi, dont les parents d’enfants gravement malades pourraient être victimes, en complément de la lutte contre ces mêmes discriminations lorsqu’elles sont liées au genre ou à l’état de santé.

Selon une enquête de l’Insee récemment parue et fondée sur des données de 2021, 11,3 % des femmes en emploi considèrent subir des traitements inégalitaires dont 30 % les attribuent au sexisme. Ce sont donc 4,1 % des femmes en emploi qui déclarent avoir subi de telles inégalités de traitement sur des bases discriminatoires. La situation familiale a sans conteste une influence en la matière : 15,2 % des femmes à la tête d’une famille monoparentale sont concernées tandis que cette proportion tombe à 11,2 % pour les femmes vivant seules sans enfant. En outre, 23,4 % des personnes en emploi qui s’estiment en mauvais ou très mauvais état de santé déclarent avoir subi des traitements inégalitaires. La Défenseure des droits observait l’an dernier que 13 % des personnes atteintes de maladie chronique étaient confrontées à une discrimination ou à un harcèlement discriminatoire.

La maladie d’un enfant est une épreuve suffisamment difficile, à laquelle il faut ajouter les complications d’ordre financier, social ou psychologique pour ne pas qu’elle soit rendue plus pénible par l’accès empêché à l’emploi, la dégradation des conditions de travail ou la perte de son revenu professionnel.

L’exigence à l’égard des employeurs en la matière doit être renforcée. Cette proposition fut formulée lors de la XVIe législature par le groupe LIOT dans sa proposition de loi n° 832 visant à optimiser la protection et l’accompagnement des parents d’enfants atteints de maladies graves. Elle n’a malheureusement pas été conservée par le groupe Horizons dans la présente proposition de loi.

Pour toutes ces raisons, nous proposons d’instaurer un principe de non-discrimination, dans l’embauche et en emploi, en raison de l’état de santé d’un enfant

M. le rapporteur. Cet amendement, par sa portée, me semble assez éloigné de la proposition de loi. En outre, il me semble déjà satisfait par l’article L. 1132-1 du code du travail, qui interdit toute discrimination, directe ou indirecte, en raison de la situation familiale ou personnelle, et par l’article L. 1225-4-4, créé par la loi du 19 juillet 2023, qui interdit toute rupture du contrat de travail d’un salarié pendant un congé de présence parentale.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Le code du travail interdit certes toutes formes de discrimination, mais les termes sont suffisamment vagues pour que des discriminations soient pratiquées. Par ailleurs, il pose le principe de l’interdiction du licenciement, mais notre amendement porte sur les discriminations à l’embauche, à l’occasion de laquelle le candidat peut être interrogé sur son statut familial ou sur l’état de santé de ses enfants

M. le rapporteur. La question est d’abord celle de l’application des dispositions actuelles du code du travail. Il faut également se poser la question de la discrimination d’un employé aidant un parent ou une compagne.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS14 de Mme Karen Erodi

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). La durée actuelle du congé accordé aux parents d’un enfant atteint d’un handicap ou d’une pathologie chronique est limitée à cinq jours, sauf exception prévue par une entreprise ou dans le cadre d’une convention collective. La durée légale nous semble insuffisante pour gérer le choc, s’organiser et avoir les discussions nécessaires avec les proches. Nous proposons donc d’étendre cette durée à vingt-deux jours ouvrables, soit un mois.

M. le rapporteur. Une telle demande n’a pas été remontée par les associations.

La durée de ce congé a déjà été portée de deux à cinq jours par la « loi Christophe » de 2023. En outre, la durée proposée n’est pas cohérente avec la durée des congés prévus pour d’autres motifs : elle est de douze jours pour le décès d’un enfant et de trois jours pour le décès d’un membre de la famille. J’ajoute que l’AJPP permet aux parents de bénéficier d’une aide pour chaque jour de congé dans la limite de vingt-deux jours.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). On peut trouver sans difficulté des associations qui soutiennent notre proposition.

Le rôle du législateur est de prendre l’initiative pour le progrès social et de voter des mesures que nos compatriotes n’ont même pas encore imaginées.

M. Thibault Bazin (DR). Le progrès social demande des moyens. J’ai peur que la mesure que vous proposez ne soit pas suivie d’effets.

Cette proposition de loi comporte déjà des avancées. Elle fait un premier pas qui est déjà un véritable progrès. En rêvant de faire plus, le risque est de ne rien faire.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Nous proposons de porter la durée maximale des congés du proche aidant à douze mois sur l’ensemble de la carrière, contre trois mois actuellement. Je vous invite donc à voter l’amendement AS27.

M. Michel Lauzzana (EPR). Les possibilités de progrès social sont infinies. J’ajoute que la durée proposée me semble disproportionnée par rapport au congé pour décès par exemple.

M. François Gernigon (HOR). Cette proposition de loi ne se contente pas de petits pas. Il est facile de la critiquer. Si vous estimez qu’elle ne va pas assez loin, déposez donc une autre proposition de loi.

M. Yannick Monnet (GDR). Il ne s’agit pas de critiquer la proposition de loi, mais de l’améliorer. On ne peut pas comparer un décès avec l’annonce d’une maladie grave pour un enfant, car celle-ci demande de réorganiser le foyer, ce qui demande du temps.

M. le rapporteur. Je comprends d’autant mieux votre intention que j’ai personnellement vécu une telle situation, mais évitons de multiplier les dispositifs pour ne pas créer de problèmes de lisibilité, notamment pour les employeurs. L’AJPP répond déjà à ces besoins.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS29 de Mme Christine Loir

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement répond au besoin impératif d’acquérir un véhicule adapté lorsqu’un enfant à charge est atteint d’une affection grave ou d’un handicap. Ces véhicules sont coûteux en raison de leurs aménagements spécifiques – rampes, bras de chargement, commandes électroniques – et représentent une charge financière insoutenable pour les familles modestes. Les aides existantes sont insuffisantes : elles ne couvrent pas l’intégralité du coût de ces aménagements.

Nous proposons donc un crédit d’impôt afin d’alléger ce fardeau financier et de garantir des conditions dignes de soins et de mobilité pour ces familles.

M. le rapporteur. Le dispositif que vous proposez pose plusieurs problèmes.

Il me paraît excessivement général. En effet, vous ne ciblez pas le type de véhicule qui peut être financé, ce qui pourrait créer un effet d’aubaine.

Le crédit d’impôt est une réduction d’impôt et ne bénéficierait donc qu’aux foyers qui payent déjà l’impôt sur le revenu. Cela me semble contradictoire avec vos intentions puisque les foyers les plus modestes ne sont pas, le plus souvent, redevables de cet impôt.

Je ne suis pas favorable à la multiplication des crédits d’impôt, qui constituent des pertes de recettes non évaluées.

Enfin, il existe déjà des dispositifs prévus par les départements dans le cadre de leur politique du handicap. Tous n’ont pas la même politique, mais je sais que la collectivité européenne d’Alsace propose de nombreuses aides pour faire face au handicap, notamment pour financer l’aménagement du foyer ou l’acquisition d’un véhicule.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Nous voterons contre cet amendement. Les crédits d’impôt représentent déjà un manque à gagner de plus de 60 milliards d’euros par an pour l’État.

Pour aider les familles à acheter les véhicules adaptés, qui sont coûteux, il vaudrait mieux passer par une aide directe. Nous soutiendrions ainsi les familles qui en ont le plus besoin et ne paient pas d’impôts.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 3 : Faciliter l’accès à un hébergement temporaire non médicalisé aux parents d’enfants atteints d’une affection grave

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS42 et AS40 de M. Vincent Thiébaut.

Amendement AS41 de M. Vincent Thiébaut

M. le rapporteur. L’hébergement temporaire non médicalisé, généralisé en 2021 et plus connu sous le nom d’hôtel hospitalier, ne concerne actuellement les enfants malades et leurs accompagnants que lorsque l’enfant n’est pas hospitalisé. Or, les solutions pour permettre aux parents de rester la nuit à proximité de l’hôpital au moment des soins ou de l’hospitalisation de leur enfant manquent.

Les hôtels hospitaliers constituent une solution intéressante pour alléger la charge financière des familles et permettre aux parents d’accompagner leur enfant dans de bonnes conditions. L’article 3 prévoit donc d’ouvrir le bénéfice de ces hôtels aux parents d’un enfant malade pendant la durée de son hospitalisation.

Le présent amendement vise à préciser que la durée de l’hébergement des parents est fixée en fonction de celle de l’hospitalisation de l’enfant. Précisons que ce dispositif d’hébergement temporaire est distinct de l’aide au logement dont l’article 1er prévoit l’extension.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 3 modifié.

 

Après l’article 3

Amendement AS15 de Mme Ségolène Amiot

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Il faut encourager les ARS à recenser l’offre d’hébergement temporaire à proximité des centres de soins et à piloter son développement, suivant d’ailleurs une proposition formulée l’an dernier par le groupe Libertés, Indépendants, Outremer et Territoires.

Les parents concernés ne doivent pas avoir à s’inquiéter de trouver un logement à proximité des centres hospitaliers où ils devront se rendre.

M. le rapporteur. Cette mesure est de niveau réglementaire. En outre, les ARS sont déjà amenés à se prononcer sur l’ouverture de places en hôtel hospitalier, conformément au décret du 25 août 2021 relatif à la mise en œuvre de la prestation d’hébergement temporaire non médicalisé. Elles pilotent ainsi l’offre en la matière.

Toutefois, puisque, à l’article 3, nous ouvrons les hôtels hospitaliers à de nouveaux bénéficiaires, j’émets un avis de sagesse.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 4 : Expérimentation pour prévoir une règle de silence vaut acceptation pour l’attribution de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé

Amendement AS32 de M. Vincent Thiébaut et sous-amendement AS49 de M. Michel Lauzzana

M. le rapporteur. Nous nous sommes longuement interrogés sur l’article 4, qui concerne les délais d’obtention de l’AEEH – je remercie d’ailleurs M. Saint-Pasteur pour nos échanges à ce sujet.

Actuellement, le délai de traitement des demandes d’AEEH atteint parfois plus de neuf mois dans certains départements, ce qui constitue une double peine pour les familles concernées. Il nous faut remédier au problème, sans alourdir des procédures déjà complexes.

Nous proposons donc à l’article 4 une expérimentation d’une durée d’un an, que le présent amendement vise à remanier, en restreignant notamment son champ à dix départements, dont un en outre-mer.

L’expérimentation permettrait à ceux qui n’ont pas obtenu de réponse de la CDAPH dans un délai de deux mois suivant le dépôt d’une demande d’AEEH de recevoir automatiquement une avance du montant de base de cette allocation, de 150 euros mensuels.

Cette expérimentation nécessite le partage d’informations entre les MDPH et les CAF, dont les conditions pourraient être précisées par décret.

Actuellement, près de 400 000 enfants bénéficient de l’AEEH. Pour garantir l’universalité de cette allocation, nous devons réduire les délais d’examen des demandes à moins de deux mois. Certains départements y parviennent.

M. Michel Lauzzana (EPR). Les délais de réponse des MDPH sont très variables. Il faut donc fixer une limite, mais raisonnable. Mon sous-amendement vise à porter à quatre mois le délai à partir duquel, faute de réponse de la MDPH, une avance d’AEEH serait versée.

En effet, les administrations considèrent que s’il leur serait possible d’instruire les demandes d’AEHH de base en deux mois, il serait irréaliste de leur demander de décider de l’attribution d’un complément d’AEEH dans ce délai – l’instruction des demandes de complément prend plus de temps, car elle implique de personnaliser la démarche, pour coller au mieux aux besoins de l’enfant.

M. le rapporteur. L’avance versée deux mois après le dépôt de la demande faute de réponse des MDPH ne bloquerait pas l’instruction de la demande de complément d’AEEH. Les familles ne doivent pas être privées d’accompagnement pendant quatre mois. Nous avons choisi ce délai de deux mois parce que certains départements arrivent à le respecter.

Demande de retrait ou avis défavorable au sous‑amendement.

Certains jugeront notre proposition insuffisante, d’autres excessive. En tout cas, nous ne prétendons pas décider à la place des MDPH du versement de l’AEEH de base ou de son complément.

M. Sébastien Saint-Pasteur (SOC). La loi prévoit déjà que les MDPH doivent se prononcer dans un délai de quatre mois.

L’expérimentation prévue à cet article concernera toutes les demandes d’AEEH, y compris celles liées à la prise en charge de troubles dys par un ergothérapeute, par exemple. Ce n’est pas très opérant. En outre, l’objet initial de cette proposition était circonscrit aux cas les plus sévères, les plus complexes, qui nécessitent une hospitalisation et mettent les familles concernées en grande difficulté.

J’avais déposé un amendement, afin que dans ces cas-là, certains centres hospitaliers puissent demander directement aux CAF – puisque ce sont les CAF qui paient, et non les départements – le versement d’un panier d’allocations comprenant l’AEEH. Les aides pourraient ainsi parvenir aux familles à peine un mois après le dépôt de la demande. Puisque l’AEEH ne peut être cumulée avec l’AJPP, cet amendement n’aurait créé aucune dépense nouvelle. Pourtant, il a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution.

Nous devons trouver une solution efficace pour les familles dont le monde est chamboulé par l’annonce d’un cancer. Vous choisissez ici une expérimentation minimaliste et peu opérante. En vue de l’examen du texte en séance, je retravaillerai pour ma part mon amendement, car il permettrait d’apporter la réponse efficace et rapide que les familles demandent.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Dans sa rédaction actuelle, l’article 4 prévoit que l’absence de réponse pendant deux mois à compter de la demande d’AEEH vaut acceptation de cette demande. Or l’amendement tend à remplacer ce bénéfice par une simple avance. À l’issue de l’instruction, si l’AEEH est finalement refusée, les familles devraient ainsi rembourser les versements indus. Cela pourrait les mettre en difficulté.

M. Thibault Bazin (DR). Monsieur le rapporteur, tout le monde partage votre intention. Il faut aider les familles au plus vite et trouver des solutions en cas d’absence de réponse de la MDPH. Comme Mme Amiot, je m’inquiète toutefois que ce projet ne se retourne contre les familles qui devraient rembourser l’avance.

Monsieur Saint-Pasteur, je m’oppose à votre projet de réduire le délai à un mois. Une demande déposée le 15 juillet ne peut être traitée le 15 août ; pas plus qu’une demande déposée le 15 décembre ne peut l’être pour le 15 janvier. L’amendement en discussion n’est pas minimaliste, mais réaliste.

M. Michel Lauzzana (EPR). L’article 4 prévoit que, dans le cadre de l’expérimentation, un silence de deux mois de la MDPH vaudrait acceptation de la demande d’AEEH. Certes, les délais de traitement des demandes sont très variables d’un département à l’autre et nous devons obliger les départements les moins rapides à s’amender, mais il faut proposer un délai plus raisonnable, de quatre mois.

M. le rapporteur. Dans sa rédaction actuelle, l’article 4 prévoit que l’absence de réponse dans un délai de deux mois vaut acceptation de la demande – plutôt que de simplement donner droit à une avance, comme le prévoit mon amendement.

Même si la rédaction actuelle semble plus généreuse, elle est plus insécurisante pour les familles car l’aide qu’elle permettrait d’accorder pourrait être révisée. Les familles devraient alors rembourser les montants perçus.

Je préfère donc la solution minimaliste prévue dans mon amendement, celle d’une simple avance de l’AEEH de base. D’autant que le délai de réponse pour les demandes d’AJPP est beaucoup plus bref que celui pour les demandes d’AEEH.

Quoi qu’il en soit, l’idéal serait que les MDPH répondent rapidement aux demandes d’AEEH, dans un délai de deux à trois mois, comme nous le demandons depuis des années.

Monsieur Saint-Pasteur, votre amendement ne visait que les enfants hospitalisés ; or, conformément à son titre, cette proposition de loi doit viser tous les « enfants atteints de cancers, de maladies graves et de handicaps ». Cela étant, je comprends votre position et il faudra peut-être travailler sur des amendements pour compléter cet article en séance publique.

La commission rejette le sous-amendement puis adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements AS1 de M. Frédéric Maillot et AS2 de M. Jiovanny William tombent.

 

Amendement AS46 de M. Vincent Thiébaut

M. le rapporteur. Dans sa rédaction actuelle, l’article 4 prévoit qu’un rapport d’évaluation soit rendu six mois après la fin de l’expérimentation. Ce rapport devrait plutôt être remis un mois avant le terme de l’expérimentation, soit onze mois après son début, car à cette date, il sera déjà possible de dresser un bilan.

La commission adopte l’amendement.

 

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS33 et AS34 de M. Vincent Thiébaut.

 

Elle adopte ensuite l’article 4 modifié.

 

Après l’article 4

Amendement AS27 de Mme Christine Loir

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement est défendu.

M. le rapporteur. Même s’il faut poser la question d’une extension de la durée du congé pour aidant, ce n’est pas l’objet de cette proposition de loi.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 5 : Renouvellement de la demande de l’allocation journalière de présence parentale

Amendement AS6 de M. Sébastien Saint-Pasteur

M. Sébastien Saint-Pasteur (SOC). Il s’agit de ne pas supprimer la durée prévisible minimale d’ouverture de l’AJPP, actuellement fixée à six mois, d’autant que l’article 5 vise par ailleurs à étendre la durée de versement de cette aide. Nous proposons de maintenir ce plancher car il sécurise les familles.

M. le rapporteur. Cet amendement est pertinent. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 5 modifié.

 

 

Après l’article 5

Amendement AS28 de Mme Christine Loir

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Alors que l’AJPP apporte une aide essentielle aux familles d’enfants gravement malades ou handicapés, elle est sous-utilisée. Seulement 9 500 familles en ont bénéficié cette année, alors que les besoins sont bien plus importants.

En 2020, dans son rapport sur la proposition de loi visant à améliorer les conditions de présence parentale auprès d’un enfant dont la pathologie nécessite un accompagnement soutenu, Paul Christophe avait déjà souligné que l’information concernant l’AJPP était inégalement diffusée selon les départements. De nombreuses familles ignorent son existence ou renoncent à engager les démarches administratives complexes nécessaires pour l’obtenir.

Nous proposons donc de lancer une campagne nationale d’information et de mener une analyse approfondie des freins à l’accès à l’AJPP. Tous les parents concernés doivent bénéficier de ce soutien financier indispensable pour assumer leur rôle auprès de leur enfant.

M. le rapporteur. Une campagne nationale ne me semble pas appropriée, car c’est un outil coûteux et qui ne permet pas de s’inscrire dans le temps long. En outre, l’allocation ne concerne pas tout le monde. Il faut plutôt cibler les hôpitaux et le tissu associatif local.

Par ailleurs, le recours à l’AJPP est en nette augmentation ces dernières années, ce qui témoigne d’une meilleure connaissance du dispositif. Selon les chiffres de la Caisse nationale des allocations familiales, en décembre 2023, l’AJPP comptait 18 250 bénéficiaires. Ce nombre a augmenté de 70 % entre 2013 et 2021 et la dynamique se poursuit.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 6 : Adaptation de l’allocation journalière de présence parentale pour les parents en garde alternée

La commission adopte successivement les amendements de coordination AS37, AS35 et AS36 de M. Vincent Thiébaut.

M. Michel Lauzzana (EPR). L’article 6 permettra une répartition plus juste de l’AJPP entre des parents séparés.

Mais pourquoi ne traiter la question que pour l’AJPP ? Pour simplifier ces démarches, il nous faudrait disposer d’une vision globale des différentes allocations disponibles, qui reposent souvent sur des pièces justificatives, des critères et des mécanismes différents. Je n’ai pas compris pourquoi ma demande de rapport en la matière a été déclarée irrecevable.

M. le président Frédéric Valletoux. Votre amendement a été écarté au titre de l’article 45 de la Constitution. Il aurait constitué un cavalier législatif.

La commission adopte l’article 6 modifié.

Article 7 : Exonération de la taxe foncière pour les parents ayant à charge un enfant atteint d’une affection grave

Amendements de suppression AS7 de M. Sébastien Saint-Pasteur et AS20 de Mme Ségolène Amiot

M. Sébastien Saint-Pasteur (SOC). Cet article prévoit une exonération de taxes foncières pour les parents d’enfants atteints d’une affection grave. Nous demandons sa suppression car, outre qu’une telle exonération pèserait sur les finances publiques, elle ne concernerait que les familles propriétaires d’un bien immobilier. Par contraste, pour l’AEEH, qui est ouvert à toutes les familles, nous avons été peu généreux.

Même si l’intention est louable, cet article n’est donc ni juste ni cohérent. D’autres solutions seraient possibles pour soutenir financièrement les familles, telles que le cumul de l’AEEH et de l’AJPP.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Plutôt que de diminuer les recettes publiques, il faut les augmenter, afin que la puissance publique finance des activités socialement utiles, telles que le soutien aux familles touchées par la maladie ou devant soutenir un enfant en situation de handicap.

En outre l’exonération prévue pénaliserait les communes, puisque la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) est un impôt local et que l’État compense très mal les exonérations de cette taxe. Depuis la suppression de la taxe d’habitation en 2020, la TFPB est la seule ressource fiscale directe des communes. Les collectivités territoriales sont exsangues et subissent de plein fouet l’austérité imposée par le Gouvernement et le prétendu socle commun mené par M. Barnier.

Enfin, les ménages qui ne sont pas propriétaires de leur résidence principale – soit 40 % de l’ensemble des ménages – ne pourraient pas bénéficier de cette exonération. Ils seraient ainsi moins bien lotis que les autres.

M. le rapporteur. Lors de mon travail sur ce texte avec Mme Goetschy-Bolognese, je me suis engagé à défendre cet article. Toutefois, je suis sensible aux arguments exposés. En outre, quand des contribuables connaissent une baisse de revenus brutale, les collectivités peuvent déjà les exonérer de taxe foncière.

Avis de sagesse.

M. Michel Lauzzana (EPR). Les enfants peuvent guérir, faire des rechutes. Ces évolutions doivent pouvoir être prises en compte. Or, actuellement, ce dispositif fiscal n’est pas assez bien défini pour le permettre.

M. Thibault Bazin (DR). L’exonération de taxe d’habitation pour les ménages hébergeant un ascendant infirme était soumise à une limite de revenu fiscal de référence. Ce dispositif avait l’avantage de concerner tant les locataires que les propriétaires et de cibler les plus modestes, contrairement à une exonération de taxe foncière.

Pour autant, pensons à ceux qui doivent s’arrêter de travailler pour prendre soin de leur enfant malade, alors qu’ils doivent rembourser un emprunt immobilier. Si les assurances couvrent la perte d’emploi, elles ne couvrent pas nécessairement la perte de revenus liée à la maladie d’un enfant. Ce point devrait être travaillé.

M. Stéphane Viry (LIOT). Même si je suis cosignataire de cette proposition de loi, force est de constater que cette exonération exclut de la solidarité nationale les non‑propriétaires. En outre, il faudrait plafonner le dispositif, car certains foyers ont les moyens d’assumer financièrement ces drames. Il faudrait réécrire cet article avant son examen en séance publique.

M. le rapporteur. Des exonérations plafonnées de taxe foncière ou des étalements de son versement sont déjà possibles, en cas de baisse de revenus. À vrai dire, je suis favorable à la suppression de l’article.

Monsieur Bazin, grâce à l’article 2, nous permettrons déjà aux bénéficiaires de l’AJPP de demander au juge la révision des modalités de remboursement de leur crédit à la consommation ou de leur crédit immobilier. Ces crédits constituent parfois une charge trop lourde, quand l’un des parents a dû arrêter son activité professionnelle à cause de la maladie ou du handicap de son enfant.

Sachez en outre que le Comité consultatif du secteur financier a été saisi. Le travail mené par les établissements bancaires et les sociétés financières devrait aboutir au mois de juillet, pour mieux couvrir les pertes de revenus liés à la maladie ou au handicap d’un enfant. Certes, la nouvelle clause ne s’appliquerait pas aux contrats d’assurance déjà signés, mais les signataires de ces contrats pourront bénéficier de l’article 2 du présent texte.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 7 est supprimé et les amendements AS44 de M. Vincent Thiébaut et AS26 de Mme Christine Loir tombent.

 

Article 8 : Gratuité du stationnement dans les établissements de santé pour les parents ayant à charge un enfant atteint d’une affection grave

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS45 et AS43 de M. Vincent Thiébaut.

Puis elle adopte l’article 8 modifié.

 

Article 9 : Prévoir un « reste à charge zéro » pour les prescriptions établies par un professionnel de santé dans le cadre du protocole de soins pour les enfants atteints d’une affection grave

Amendement AS47 de M. Vincent Thiébaut

M. le rapporteur. Cet amendement, qui fait l’objet d’un retour plutôt favorable de la part du Gouvernement, vise à résoudre le problème des restes à charge résultant, d’une part, de l’accompagnement psychologique des enfants gravement malades – dont la prise en charge est limitée à douze séances annuelles, soit une par mois, ce qui est inadapté à leurs besoins – et, d’autre part, de la prise en charge inégale des enfants gravement malades par les auxiliaires médicaux, notamment les ergothérapeutes et les psychomotriciens, selon que les prestations sont dispensées en milieu hospitalier, où elles sont totalement prises en charge, ou en ville, où elles ne le sont pas. Il s’agit de remédier aux inégalités qui peuvent se produire entre les parcours de soins des enfants selon que leur famille vit ou non à proximité d’un centre hospitalier, sans pour autant financer des dépassements d’honoraires.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Plutôt que de réécrire l’article, mieux vaudrait en rester à la formulation initiale de la proposition de loi, qui était mieux-disante, en y ajoutant l’accompagnement psychologique et la prise en charge des soins d’ergothérapie et de psychomotricité.

M. le rapporteur. L’écriture initiale du texte avait une portée universelle et ouvrait notamment un doute quant à la prise en charge des dépassements d’honoraires, qui n’est pas l’objectif que nous poursuivons d’autant plus que le code de la sécurité sociale prévoit un reste à charge zéro pour toutes les prestations conventionnées.

Les associations nous ont signalé que, lorsqu’elles font appel à des prestataires, généralement des auxiliaires médicaux qui relèvent du paramédical et ne sont pas nécessairement conventionnés, leurs honoraires ne sont pas toujours pris en charge par la sécurité sociale : quand la prestation est réalisée en centre hospitalier, elle l’est totalement, mais elle ne l’est pas quand elle est réalisée ailleurs. Cette inégalité pose de nombreux problèmes aux familles, en particulier lorsqu’elles ne vivent pas à proximité d’un centre hospitalier ou si l’enfant n’est pas hospitalisé. Il s’agit donc de clarifier l’intention du législateur. Il s’agit aussi de remédier à une lacune du texte pour ce qui concerne les consultations de psychologue, en supprimant la limite de douze séances, car ce n’est pas suffisant pour l’accompagnement d’un enfant en situation de handicap ou atteint d’un cancer.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 9 est ainsi rédigé et les amendements AS23 de Mme Karen Erodi et AS22 de Mme Ségolène Amiot tombent.

 

Article 9 bis (nouveau) : Rapport d’évaluation de l’application de la présente loi et des dépenses restant à la charge des familles d’enfants atteints d’une maladie, d’un handicap ou victimes d’un accident d’une particulière gravité

Amendement AS8 de Mme Sophie Delorme Duret

Mme Sophie Delorme Duret (EPR). Cet amendement d’appel vise à évaluer le champ d’application de la proposition de loi pour déterminer les personnes et les situations concrètes éventuellement non couvertes par ses dispositions. La proposition de loi comportant des avancées majeures qui facilitent la vie des parents concernés, elle doit également prendre en compte la situation de toutes les autres personnes dépositaires de l’autorité parentale, notamment dans le cas du décès d’un seul ou des deux parents.

M. le rapporteur. Le travail d’évaluation de la loi, mené par les commissions, ne porte que sur les mesures qu’elle prévoit. Le rapport que vous proposez permettrait de mettre en évidence les manques observés dans la loi. En tout état de cause, si l’amendement devait être adopté, une correction rédactionnelle s’imposerait, notamment pour ce qui concerne la notion impropre d’évaluation du champ d’application d’une loi.

Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 9

Amendement AS12 de Mme Karen Erodi

Mme Karen Erodi (LFI-NFP). L’amendement vise à la remise par le Gouvernement d’un rapport destiné à évaluer l’opportunité de créer un statut unique de parent d’enfant atteint de cancer, de maladie grave ou de handicap. L’obtention d’un tel statut, liant droits à congé et à AJPP, sur le modèle du congé de maternité, simplifierait grandement les démarches que ces parents doivent effectuer. Plus généralement, c’est l’automatisation du versement des prestations sociales qui doit être sérieusement considérée.

Outre la peine de leurs enfants, les parents d’enfants atteints de cancers, de maladies graves ou de handicaps doivent les accompagner dans leur parcours médical et sont confrontés, à des interruptions d’activité professionnelle qui les privent de revenus. Les droits de ces parents ont progressé au cours des dernières années et les congés parentaux ont été renforcés, mais les associations déplorent un manque d’harmonisation du système.

Plusieurs enquêtes des associations du secteur ont ainsi fait apparaître que le versement de l’AJPP est souvent différé du fait des délais de réponses des CAF aux demandes. Ainsi, les premiers versements n’interviennent pas avant un délai de trois mois, parfois cinq. On observe aussi des disparités importantes selon les départements de résidence.

Le rapport viserait en premier lieu à évaluer ce que serait la progression d’une protection financière juste et suffisante pour ces familles, délivrée dans des délais raisonnables et garantissant leurs conditions d’existence. Il aurait pour ambition principale d’évaluer l’opportunité de corréler l’AJPP au déclenchement d’un CPP, afin de rendre plus aisées les démarches des familles confrontées à l’épreuve de la dégradation de l’état de santé de leur enfant.

M. le rapporteur. Je ne pense pas qu’un statut unique soit la réponse aux problèmes que rencontrent les familles – du moins cela ne nous a-t-il pas été signalé. Il convient d’apporter des solutions point par point, comme cette proposition de loi s’y applique à propos notamment du logement, de l’hébergement, du remboursement des crédits immobiliers, de l’AJPP, de l’AEEH ou du stationnement. La multiplication des statuts dérogatoires comporte peut-être aussi un risque de complexification paradoxale des procédures.

Il me semble par ailleurs qu’il reviendrait plutôt aux parlementaires qu’au Gouvernement d’élaborer ce rapport ; avec les associations et les administrations.

Je demande donc le retrait de l’amendement. À défaut, avis défavorable.

M. Michel Lauzzana (EPR). De nombreuses associations nous disent que, compte tenu du nombre de dispositifs qui existent, un statut unique ne fera pas avancer les choses. Mieux vaut favoriser une meilleure connaissance par les patients des dispositifs existants dans les hôpitaux et autres lieux de soins. Depuis 2017, nous avons déjà voté trois lois améliorant la situation des enfants handicapés ou atteints de maladies graves telles que les cancers, et celle-ci sera la quatrième. Le panel des dispositifs est large et, même s’il y a toujours des trous dans la raquette, un statut spécifique est peut-être superfétatoire. Il est, au contraire, primordial d’améliorer l’information des patients.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS24 de Mme Ségolène Amiot

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). L’amendement vise à la remise d’un rapport sur la prise en charge intégrale des frais indirects supportés par les parents d’enfants atteints de cancers, de maladies graves ou de handicaps. Chaque année, en effet, 2 500 enfants sont diagnostiqués atteints d’un cancer et leurs parents doivent faire face à des frais qui ne sont pas couverts par l’aide d’État. Ainsi, selon une étude de l’Institut national du cancer, les familles de ces enfants dépensent en moyenne 200 euros par mois en frais de transport pour les allers‑retours vers les lieux de traitement, 150 euros en frais de garde des frères et sœurs et 200 euros en frais liés au soutien, notamment psychologique, du reste de la famille. Il conviendrait donc d’envisager l’accompagnement des familles dans sa globalité.

M. le rapporteur. Vous soulevez à juste titre plusieurs problèmes auxquels sont confrontées les familles, mais l’article 40 de la Constitution ne m’a pas permis de trouver une solution. Il me semble toutefois que le rapport dont nous venons d’adopter le principe comblera aussi cette lacune de la proposition de loi, et qu’il est inutile de prévoir un autre rapport sur ces points.

Je demande donc le retrait de l’amendement. À défaut, avis défavorable. Peut-être aussi ce que vous proposez pourrait-il faire l’objet, en séance, d’un sous-amendement précisant la teneur dudit rapport.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Je retire donc l’amendement pour le retravailler en ce sens en vue de la séance publique, afin que cette dimension soit prise en compte dans le rapport.

L’amendement est retiré.

 

Article 10 : Compensation financière

La commission adopte l’article 10 sans modification.

 

Titre

Amendement AS48 de M. Vincent Thiébaut

M. le rapporteur. L’amendement est rédactionnel : le mot « améliorer » me semble préférable à celui d’« optimiser ».

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

M. le rapporteur. Même s’il reste des points à travailler, je me réjouis de l’adoption de cette proposition de loi, avec une pensée pour Stéphane Vedrenne et Wilfried Briand, ainsi que pour les autres membres des associations qui se sont investis pour elle et vous ont certainement inondés de mails ces dernières semaines et ces derniers mois – je ne suis que l’humble vecteur de leur travail et de leur combat. Je pense aussi à Charlotte Goetschy-Bolognese, qui a pris l’initiative de cette proposition. Merci pour eux.

Enfin, la commission examine la proposition de loi sur le remboursement intégral des fauteuils roulants par l’assurance maladie (n° 203) (M. Sébastien Peytavie, rapporteur).

 

M. Sébastien Peytavie, rapporteur. Ce soir, j’aurais dû être fier, pour toutes les personnes en fauteuil roulant, de vous présenter cette proposition de loi transpartisane cosignée par plus de deux cents députés. J’aurais dû être fier que notre assemblée franchisse une étape cruciale pour garantir effectivement le droit à l’autonomie pour les personnes handicapées. Or c’est entre la colère et l’incertitude que je prends la parole en tant que rapporteur. Voilà maintenant plus d’un an et demi, en effet, que nous attendons que le Gouvernement présente la réforme pour le remboursement intégral des fauteuils roulants annoncée lors de la Conférence nationale du handicap, en avril 2023, par le Président de la République.

Après les multiples alertes lancées par les associations à propos d’une réforme qui menaçait d’exclure les fauteuils roulants les plus spécifiques, après le lancement, en janvier dernier, de ma pétition qui a récolté quasiment 70 000 signatures, après l’arrêt des négociations en juillet puis, tout simplement, après le silence total, les négociations n’ont repris que vendredi dernier, quelques jours avant l’examen de cette proposition de loi par notre assemblée. Le cabinet de la ministre, Charlotte Parmentier-Lecocq, a alors annoncé qu’un décret serait publié dans les prochains jours, avant l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) à l’Assemblée.

Nous pourrions nous réjouir que cela arrive enfin, alors que la nomenclature n’a pas été révisée depuis vingt ans et que des milliers de personnes sont actuellement dans une détresse profonde faute de pouvoir accéder, à cause d’une prise en charge miséreuse, à un fauteuil roulant adapté. Nous pourrions nous réjouir si ce projet de décret n’avait pas été bâclé, alors que les revendications des parties prenantes restent sans réponse. Nous pourrions nous réjouir s’il n’y avait pas de doutes quant à une telle précipitation de la part d’un gouvernement au bord de la censure. En fait, le remboursement intégral de tous les fauteuils roulants, y compris des plus spécifiques, ne sera toujours pas une réalité avec ce projet de décret.

Pour comprendre les enjeux, nous devons déjà comprendre le véritable parcours du combattant que subissent les personnes utilisatrices de fauteuils roulants. Depuis 2005, la sécurité sociale ne prend en charge que très partiellement les coûts d’acquisition de ces fauteuils, ce qui se traduit par un reste à charge à charge important. Si les fauteuils roulants les plus basiques, qui concernent 80 % des usagers, sont intégralement pris en charge, c’est loin d’être le cas pour les fauteuils manuels et électriques sur modularité spécifique et adaptés aux pathologies et usages des personnes concernées. Un fauteuil manuel configurable peut ainsi coûter entre 4 000 et 12 000 euros, et un fauteuil électrique évolutif jusqu’à 40 000. Plus une personne a des besoins spécifiques, plus son reste à charge sera conséquent, alors que la nomenclature n’a pas été révisée depuis plus de vingt ans.

Si les mutuelles, la prestation de compensation du handicap (PCH) et les fonds départementaux de compensation du handicap peuvent prendre en charge une partie des coûts, la multiplication des acteurs et la complexité des procédures peuvent se traduire par un délai minimum d’un an pour financer son fauteuil roulant. Certaines personnes doivent ainsi recourir à un crédit ou lancer une cagnotte pour financer l’achat d’un fauteuil roulant adapté à leurs besoins. D’autres sont contraintes d’y renoncer, au risque d’aggraver leur état de santé. Cette situation est inacceptable et profondément indigne, alors que plus d’un quart des personnes handicapées vivent sous le seuil de pauvreté et plus de la moitié dans un ménage modeste.

La proposition de loi que je vous présente aujourd’hui répond à l’entêtement, renouvelé la semaine dernière, avec lequel le Gouvernement veut instaurer un prix limite de vente aux fauteuils roulants. Un montant plafond serait potentiellement fixé à 3 000 euros pour un fauteuil manuel et à 33 000 euros pour un fauteuil électrique. Comprenons la gravité de cette position : tout fauteuil et toute fonctionnalité dépassant d’un centime ce prix limite de vente seraient automatiquement exclus de toute prise en charge. Le prix limite de vente est un mécanisme inadapté aux spécificités du fauteuil roulant – il est injuste, inefficace et dangereux.

Injuste, d’abord, car il empêcherait de nombreuses personnes handicapées de disposer d’un fauteuil adapté à leurs besoins. Les fauteuils roulants sont des dispositifs médicaux hautement personnalisés, qui connaissent des variations considérables selon les besoins des patients, en termes tant de morphologie que de niveaux de mobilité ou de besoins liés aux usages de vie, comme la personnalisation des fauteuils afin de permettre aux usagers – en particulier les enfants et adolescents – de se les approprier. Pour une personne tétraplégique, disposer d’un fauteuil léger en carbone, qui coûte plus de 10 000 euros, plutôt que d’un fauteuil plus basique n’est pas un une question de confort : c’est une nécessité pour se déplacer.

Inefficace, ensuite, car il repose sur l’idée fictive selon laquelle les fabricants et les industriels aligneraient spontanément les prix pratiqués sur le montant plafond. Le Gouvernement a également sorti de son chapeau l’inscription par nom de marque des fauteuils spécifiques, procédure complexe et coûteuse qui exclura les petites et moyennes entreprises. Ainsi, pour le dernier produit fabriqué par le groupe Invacare, qui est un grand groupe, l’inscription par le biais de cette procédure a pris sept ans, pour un coût de 100 000 euros. L’inscription par nom de marque se heurterait en outre à un plafond, exigeant des fabricants qu’ils divisent leur prix par deux pour certains fauteuils spécifiques. Cette proposition hors-sol pénaliserait d’abord les usagers.

Dangereux, enfin, car il favoriserait l’augmentation du nombre d’usagers détenteurs de fauteuils inadaptés à leur handicap, avec les conséquences sanitaires que l’on sait : douleurs, apparition et développement d’escarres, problèmes digestifs ou pulmonaires. Contraindre les personnes handicapées à utiliser un fauteuil low cost revient à accepter que leur état de santé se dégrade et que leur insertion soit rendue plus difficile, au mépris des promesses d’inclusion martelées pendant les jeux Olympiques et Paralympiques.

C’est dans ce contexte et pour donner une traduction concrète à l’engagement pris lors de la dernière Conférence nationale du handicap que la présente proposition de loi a été déposée.

Son premier article comprend trois volets. En premier lieu, il prévoit le remboursement intégral des fauteuils roulants par l’assurance maladie pour ce qui concerne les besoins médicaux, sans préjudice des aides que peuvent verser les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et la prise en charge susceptible de relever des complémentaires santé. En deuxième lieu, il organise la révision, tous les dix-huit mois, de la liste des produits et prestations remboursables, sur laquelle sont inscrits les différents modèles de véhicules, afin de mieux prendre en compte les besoins des usagers, les évolutions technologiques, les frais d’entretien et la réparation, ainsi que l’accès au matériel destiné à la pratique du handisport. En troisième lieu, il rétablit l’observatoire du marché et des prix des aides techniques, en sommeil depuis 2014. Désormais doté d’une existence légale, celui-ci serait chargé de renforcer l’information des usagers sur les prix de vente de fauteuils, d’évaluer le niveau de remboursement souhaitable et de contribuer à la recherche sur la remise en état des véhicules.

Le deuxième article pose dans la loi le principe d’un remboursement intégral par l’assurance maladie de la consultation pluridisciplinaire faisant intervenir un médecin et un kinésithérapeute ou un ergothérapeute. Servant de cadre à la préconisation et à l’adaptation d’un fauteuil roulant aux besoins du patient, cette consultation serait organisée, non pas en fonction du matériel considéré, mais plutôt de la nature du handicap de la personne et de ses habitudes de vie.

Les alertes lancées par le Comité des droits des personnes handicapées des Nations unies à propos des insuffisances et du paternalisme des politiques françaises en matière de handicap nous obligent. Les associations, les fabricants et les distributeurs sont unanimes : la réforme actuelle reste excluante et il manque encore 150 millions d’euros pour pouvoir prétendre à un remboursement réellement intégral. Cette proposition de loi ne vise pas à se substituer à la réforme en cours, mais à lui donner un cap indispensable : le plein accès à du matériel adapté pour chaque personne nécessitant un fauteuil roulant.

Dans la version actuelle de la réforme, le prix limite de vente exclut du remboursement les fauteuils les plus spécifiques. Face à ce problème, deux solutions se présentent : soit nous ajoutons les 150 millions d’euros nécessaires pour pouvoir prétendre à une réelle prise en charge intégrale par l’assurance maladie, soit nous garantissons une prise en charge de l’intégralité des modèles de fauteuils roulants, quitte à ce que les mutuelles et la PCH complètent les financements.

La mission de notre assemblée est d’écrire la norme, et la rencontre avec le handicap vient interroger et bouleverser celle-ci. Penser le handicap, c’est penser la marge. Si le projet de décret peut apporter une solution adaptée aux besoins de 95 % des utilisateurs de fauteuils roulants, notre ambition doit être d’aboutir à une loi qui ne poussera pas celles et ceux dont les besoins sont les plus singuliers à renoncer à leurs droits.

L’agenda politique du Gouvernement ou les maximes budgétaires ne peuvent entraver les droits des personnes handicapées. Leur droit à l’autonomie, à la mobilité, à la santé, à la pleine participation dans notre société et à l’épanouissement ne peut se monnayer. Les fauteuils roulants, qu’ils soient manuels ou électriques, constituent des extensions du corps des personnes handicapées motrices. Disposer d’un matériel parfaitement adapté à leurs besoins n’est pas un luxe : c’est une nécessité pour elles ; c’est la condition de leur bonne insertion dans la société, à tout point de vue. Oui, certains dispositifs ont un coût élevé, mais la dignité de celles et ceux qui s’en servent au quotidien n’a pas de prix.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Guillaume Florquin (RN). Cette proposition de loi visant à garantir le remboursement intégral des fauteuils roulants par l’assurance maladie soulève la question cruciale de la dignité et de l’autonomie des personnes en situation de handicap. En tant que rapporteur pour la branche autonomie sur le PLFSS 2025, je souscris à l’exigence de justice sociale qui doit guider nos décisions. Avec, selon l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé, plus d’un million d’usagers de fauteuils roulants non temporaires en 2019, cette proposition de loi prend tout son sens.

Cependant, bien qu’animée par des intentions louables, elle mérite une analyse rigoureuse pour nous assurer qu’elle réponde effectivement aux enjeux. À cet égard, plusieurs points peuvent nous interpeller. Tout d’abord, la proposition repose sur une refonte complète de la prise en charge par l’assurance maladie, avec un coût pouvant atteindre 50 000 euros pour certains fauteuils et des options comme le handisport. Le texte entraînera donc une augmentation des dépenses publiques. En période de crise et d’endettement, une telle augmentation de la charge pour l’assurance maladie doit être soigneusement mesurée, afin de répondre à son objectif. Quant aux délais de mise en œuvre envisagée pour cette réforme, il est essentiel que les citoyens concernés puissent bénéficier rapidement des améliorations prévues.

La création d’un observatoire du marché et une révision fréquente des tarifs soulèvent également des questions. N’est-ce pas un énième comité Théodule, et quels moyens seront mis à sa disposition pour garantir qu’il remplisse efficacement sa mission ? Comment cet observatoire parviendra-t-il à éviter que les fabricants de fauteuils n’augmentent artificiellement leurs prix ou ne baissent la qualité des équipements fournis ? La vigilance sera de mise pour éviter toute forme de dérive.

Enfin, l’autonomie ne se limite pas à un fauteuil, mais elle nécessite un accompagnement global. Le débat doit dépasser les clivages politiques. Travaillons ensemble pour garantir une vie digne à chaque citoyen en situation de handicap.

M. Jean-François Rousset (EPR). Le remboursement des fauteuils roulants par l’assurance maladie est une avancée attendue et nécessaire. Au-delà de la santé, il s’agit d’un enjeu de dignité, d’autonomie et de citoyenneté pour les personnes en situation de handicap. Depuis la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances et la ratification de la convention des Nations unies en 2009, des progrès significatifs ont été réalisés. Cependant, il demeure inacceptable que certaines personnes doivent assumer des restes à charge atteignant parfois plusieurs dizaines de milliers d’euros pour accéder à un fauteuil roulant adapté.

Cette proposition de loi s’inscrit dans la continuité de l’engagement pris par le Président de la République lors de la Conférence nationale du handicap d’avril 2023. Elle complète aussi les efforts engagés depuis 2017 pour améliorer le pouvoir d’achat des personnes en situation de handicap en luttant contre les inégalités d’accès aux équipements essentiels.

Néanmoins, un point de vigilance demeure : l’absence de prix limite de vente dans ce texte induit le risque que sans encadrement des prix, les fabricants augmentent leurs tarifs, alourdissant mécaniquement le coût pour la solidarité nationale sans pour autant réduire significativement le reste à charge pour les bénéficiaires. Notre groupe tient également à rappeler que, si l’observatoire des prix proposé existe déjà depuis 2007, il ne s’est pas réuni depuis 2014, ce qui soulève des doutes quant à son efficacité.

Malgré ces réserves, le groupe Ensemble pour la République soutient cette proposition de loi, qui est une étape cruciale pour pousser à une mise en œuvre rapide des engagements gouvernementaux et permettre à chacun de vivre dans la dignité et l’autonomie.

Mme Anaïs Belouassa-Cherifi (LFI-NFP). Je remercie notre collègue Sébastien Peytavie pour son travail consciencieux, qui va dans le bon sens : celui du respect des droits fondamentaux. En février prochain, nous fêterons les vingt ans de la loi de 2005 et il est urgent que les choses changent.

Cette proposition inscrite dans le programme du Nouveau Front populaire est une étape vers l’autonomie, alors que le droit à se déplacer librement est encore dénié aux millions de nos concitoyens qui se déplacent en fauteuil. L’enjeu est l’accès à une mobilité émancipée de toute contrainte économique. L’achat d’un fauteuil, actuellement si mal remboursé par l’assurance maladie, pèse très lourd sur les personnes en situation de handicap et les seniors en perte d’autonomie. En sept ans de mandat, Emmanuel Macron aurait pu avoir le temps de se pencher sur ces injustices qui font du handicap la première source de discrimination dans notre pays, mais il a choisi de ne pas le faire et tente de sauver la mise avec une réforme annoncée en catastrophe, sans avoir vraiment travaillé sur le sujet et sur les enjeux du dossier. Il en ressort un prix maximal de vente donnant droit à la prise en charge, qui concentrera cette dernière sur des fauteuils low cost et inadaptés, comme si le fait de se procurer un fauteuil adapté était un luxe, alors que c’est la réponse à des besoins qui ne doivent pas être négligés, sous peine de créer et d’accentuer des douleurs chez les personnes qui ont besoin de fauteuils roulants.

Les mesures proposées par M. Peytavie sont positives, notamment pour garantir à chacun un fauteuil au plus près de ses besoins. La mise en place d’un observatoire des prix permettra de documenter les pratiques de tarifs abusifs et de les combattre, afin de faire coïncider les prix pratiqués par les commerçants et distributeurs, le montant remboursé par l’assurance maladie et le coût du fabricant.

Nous voterons cette proposition de loi qui va dans le bon sens, celui du progrès social, et qui luttera pour toutes les personnes victimes d’une ségrégation spatiale que nous ne pouvons plus tolérer.

M. Elie Califer (SOC). Je tiens à remercier le rapporteur pour ce texte qui vise à rembourser intégralement l’achat d’un fauteuil roulant pour les personnes en situation de handicap. Je formule d’avance le souhait qu’il soit adopté à l’unanimité.

Notre groupe a reçu votre proposition de loi avec un grand enthousiasme car elle s’inscrit clairement dans sa philosophie. Le territoire où je suis élu, la Guadeloupe, connaît de grandes difficultés en la matière du fait du vieillissement de sa population, soulignées dans un rapport de la Cour des comptes de septembre 2023. Malheureusement, au handicap physique s’ajoutent trop souvent un handicap financier et administratif ainsi qu’une détresse psychologique. Cela n’est pas supportable dans notre République.

Lors de la sixième Conférence nationale du handicap, le Président de la République a déclaré que les fauteuils roulants seraient intégralement remboursés dès 2024. Le présent texte apporte une juste réponse à l’engagement présidentiel. Il devra tenir compte des prescriptions des neurologues et des ergothérapeutes, hors de tout prix limite de vente (PLV). Les personnes en situation de handicap ont droit à la mobilité, à la citoyenneté et à la dignité. Pour toutes ces raisons, nous soutiendrons ce texte.

Mme Sylvie Bonnet (DR). Lors d’une visite d’une entreprise de ma circonscription spécialisée dans la vente et la location de matériel médical, son dirigeant m’a fait part de ses vives inquiétudes concernant les conditions de prise en charge des fauteuils roulants. En effet, alors que le remboursement intégral avait été promis lors de la Sixième Conférence nationale du handicap, l’annonce de la fixation d’un prix limite de vente a réduit les espoirs, le dépassement de ce plafond entraînant la suppression totale de la prise en charge. Les patients ne pourraient plus commander un matériel parfaitement adapté et devraient se contenter de fauteuils standardisés.

Par ailleurs, la marge commerciale des distributeurs ne dépassant pas 15 %, ces derniers ne pourraient plus amortir les adaptations ni le prêt de matériels d’essai ou de démonstration. Les entreprises ne pourraient plus garantir le financement des astreintes actuelles, qui permettent aux personnes en situation de handicap, à domicile ou en structure, d’être dépannées en urgence. Les personnes en situation de handicap doivent avoir accès aux équipements dont elles ont besoin sans devoir renoncer à du matériel performant et adapté. Les fabricants et vendeurs adaptateurs de matériel médical doivent pouvoir continuer à les accompagner dans des conditions économiquement satisfaisantes.

Nous voterons donc pour cette proposition de loi, qui va dans le bon sens et répond aux attentes légitimes de nos concitoyens.

Mme Marie-Charlotte Garin (EcoS). Savez-vous combien coûte la mobilité pour une personne en situation de handicap ? Le prix d’un fauteuil roulant électrique peut aller jusqu’à 10 000 euros, alors que les remboursements actuels n’en couvrent qu’une fraction. La personne qui en a besoin se retrouve donc face à un choix impossible : l’autonomie ou l’endettement. Ce n’est pas acceptable.

La mobilité n’est pas un luxe : c’est un droit fondamental. Or trop de personnes vivent isolées ou privées de leur liberté, faute de moyens. En proposant le remboursement intégral des fauteuils roulants, la proposition de loi répond donc à une véritable urgence et corrige une injustice flagrante. C’est la société qui, en refusant de proposer l’accessibilité à tous, crée le handicap. La République doit protéger tous ses citoyens en leur garantissant la mobilité.

Où sont passées les belles valeurs que nous prônions fièrement pendant les jeux Paralympiques ? L’inclusion s’efface-t-elle dès qu’il s’agit d’y mettre les moyens ? Le Gouvernement est aux abonnés absents depuis les annonces en grande pompe du Président de la République en avril 2023. Aujourd’hui, parce que les parlementaires jouent leur rôle, la ministre Charlotte Parmentier-Lecocq annonce en toute hâte un décret, s’asseyant sur les demandes des associations, sur le travail transpartisan et sur les 70 000 personnes ayant signé la pétition soutenant le travail de Sébastien Peytavie.

Je vous demande donc de voter ce texte parce qu’il répond à un besoin concret, immédiat, et parce qu’il défend un projet de société que nous pouvons tous faire nôtre : celui de l’inclusion et de la dignité

M. Nicolas Turquois (Dem). Se déplacer comme bon nous semble est sûrement l’une des libertés les plus fondamentales qui soient. Toutefois, pour les personnes en situation de handicap, celle-ci est souvent et parfois lourdement entravée, pour des raisons matérielles. Le reste à charge est certes nul pour 50 % des usagers – après des démarches administratives dignes d’un parcours du combattant – mais, pour d’autres, il peut atteindre 5 000 à 6 000 euros : c’est inadmissible. En avril 2023, le Président de la République avait annoncé le remboursement intégral des fauteuils roulants pour mettre fin à cette injustice. Le groupe Les Démocrates constate cependant que cette décision n’est toujours pas appliquée.

Sans méconnaître les difficultés techniques et financières, nous soutenons pleinement la présente initiative parlementaire. L’observatoire des prix nous semble un très bon outil pour évaluer les fourchettes de prix de la plupart des fauteuils et équipements spécifiques. L’évaluation nous semble une bonne méthode pour assurer un dialogue constructif avec les fabricants et éviter l’envolée des prix.

Notre groupe applaudit des deux mains votre proposition de loi, monsieur le rapporteur, et souhaite son adoption très rapide.

M. François Gernigon (HOR). Chaque jour, des milliers de nos concitoyens en fauteuil roulant se heurtent à une réalité insupportable : devoir choisir entre s’endetter pour un fauteuil adapté ou renoncer à une partie de leur autonomie. Derrière ces choix impossibles se cachent des vies entravées, des projets suspendus et parfois une profonde solitude.

Cette réforme, aussi ambitieuse soit-elle, comporte des défis techniques. La suppression du PLV doit s’accompagner de garde-fous solides pour éviter un effet inflationniste. La ministre chargée des personnes en situation de handicap, Charlotte Parmentier-Lecocq, a du reste souligné la nécessité d’encadrer les négociations avec les fabricants et les distributeurs. Mon groupe appuie pleinement cette approche équilibrée, entre ambition sociale et responsabilité économique.

Je veux vous rassurer, monsieur le rapporteur : le cabinet de Mme la ministre m’a assuré qu’il ne sera pas signé de décret, contrairement à ce qui a été annoncé dans la presse. Nous devons néanmoins rester vigilants. La création d’un observatoire des prix est bienvenue mais n’est pas suffisante. Il faudra veiller à ce que les négociations avec les fabricants aboutissent à des tarifs justes, garantissant un accès équitable au fauteuil adapté, sans alourdir les finances publiques ni augmenter les rentes de quelques-uns. Nous serons également attentifs à ce que cette réforme s’accompagne d’une véritable simplification des démarches administratives.

Enfin, nous saluons le fait d’intégrer les fauteuils reconditionnés dans les critères de remboursement. En 2024, l’Agence de la transition écologique estimait à 600 000 par an le nombre de fauteuils jetés. Une telle mesure permettrait de limiter le gaspillage, s’inscrivant ainsi dans une logique à la fois économique et écologique. Nous voterons en faveur de ce texte.

M. Laurent Panifous (LIOT). Alors que notre pays est censé garantir la participation à la société et à la citoyenneté de toutes les personnes en situation de handicap, la réalité est souvent tout autre. Les aides techniques sont vitales : sans fauteuil adapté, elles s’exposent à des douleurs, voire à une aggravation de leur pathologie, mais aussi à l’isolement social et à une insertion professionnelle compromise. Le reste à charge peut aller jusqu’à plusieurs milliers d’euros, avec souvent pour conséquence un renoncement à l’acquisition d’un fauteuil adapté. Les conditions actuelles de prise en charge imposent un véritable parcours du combattant pour trouver des financements complémentaires, au détriment des plus précaires.

L’annonce du président Macron en 2023 a été porteuse d’un espoir qu’il ne faut pas décevoir. Je veux saluer la persévérance du rapporteur Sébastien Peytavie pour que cette promesse ne soit pas vaine. Toutefois, l’élaboration de la réforme inquiète. L’introduction d’un PLV introduit un risque important, celui d’exclure certains fauteuils de tout remboursement : cela constituerait un véritable recul.

Notre groupe soutient ce texte pour une prise en charge intégrale des fauteuils par un seul interlocuteur : la sécurité sociale. Son adoption ne doit cependant pas avoir pour effet de suspendre ou d’arrêter les négociations en cours. Le Gouvernement doit s’engager à infléchir et non à stopper sa réforme. Il nous paraît indispensable de rassurer les associations engagées dans ce travail et d’aboutir rapidement à la mise en œuvre effective du remboursement intégral de tous les fauteuils.

M. Yannick Monnet (GDR). Au nom de l’ensemble des députés du groupe GDR, je tiens à remercier le député Sébastien Peytavie pour son travail, qui permettra à des milliers de personnes généralement invisibilisées d’être mieux accompagnées dans leur quotidien.

En avril 2023, le Président de la République annonçait que les fauteuils roulants, dont les prix sont exorbitants, seraient intégralement remboursés dès 2024, cette mesure répondant à un impératif de justice sociale. Un an plus tard, le gouvernement Attal avait assuré que cet engagement serait tenu avant fin 2024. Or le dispositif envisagé par le Gouvernement est, à bien des égards, malvenu. La prise en charge plafonnée selon un prix de vente maximal obligeant les bénéficiaires à régler un reste à charge particulièrement élevé, sauf à consentir à des équipements moins adaptés, nous éloigne radicalement de l’idée de justice sociale. Certaines personnes ont besoin de plus d’options que d’autres du fait de leur pathologie ou de leur handicap. Alors qu’elles sont souvent victimes de précarité, les empêcher d’accéder au dispositif dont elles ont besoin reviendrait à les abandonner.

Le député Sébastien Peytavie propose de remédier à ces incohérences en créant les outils nécessaires à une véritable prise en charge intégrale des fauteuils roulants. Grâce à un plafonnement et à une révision régulière de la nomenclature, le remboursement permettra d’adapter réellement ce dispositif médical aux besoins du bénéficiaire. J’ai évidemment une pensée pour nos compatriotes ultramarins, dont les fauteuils roulants subissent une usure accélérée en raison de conditions climatiques particulières : ils pourront enfin remplacer leur dispositif médical à une fréquence décente.

En raison de leur attachement au « 100 % sécu », les députés du groupe GDR remercient le député Peytavie pour cette proposition de loi plus que bienvenue et voteront bien évidemment en sa faveur.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des autres députés.

M. Thibault Bazin (DR). Je remercie le rapporteur de défendre cette cause. Nous devons être tous unis pour que chaque personne ayant besoin d’un fauteuil roulant bénéficie d’un accompagnement pour l’obtenir. C’est une question non seulement de bien-être mais également d’autonomie et de santé.

Cela étant, je suis un peu ennuyé. Nous pouvons voter votre proposition de loi, dont nous soutenons l’esprit, mais quelles suites lui seront-elles accordées ? Nous devons traduire la promesse du Président de la République de 2023 en moyens. Or la commission mixte paritaire chargée d’examiner les dispositions restant en discussion du PLFSS, qui se réunira demain, vise à maîtriser les dépenses concernant les dispositifs médicaux. Il faut mettre tout cela en cohérence parce que cela représente des sommes importantes. Rien ne serait pire que de voter une proposition de loi qui ne serait pas suivie d’effet. Il faut donc trouver une solution avec le Gouvernement. Avez-vous eu un échange personnel avec la ministre sur ce sujet ?

M. le rapporteur. La question du coût pour la société fait débat. Dans la première proposition du Gouvernement, le compte n’y était pas car il ne permettait pas de financer des fauteuils adaptés. J’avais alors alerté les ministres Aurore Bergé, Aurélien Rousseau et Fadila Khattabi en leur expliquant qu’un prix limite de vente fixé à 2 600 euros exclurait un certain nombre de fauteuils de tout remboursement. En dépit du recours à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, 100 millions d’euros supplémentaires avaient été prévus pour la prise en charge des fauteuils.

Nous en sommes à 400 millions d’euros alors que les fabricants auditionnés nous ont indiqué que leurs ventes s’élevaient à 550 millions : il manque donc 150 millions. L’instauration d’un PLV ne permettra pas de combler cet écart, même si cela peut faire baisser les prix d’achat et les frais de location de certains fauteuils. En outre, le PLV fait courir un double risque : soit il faudra fabriquer des fauteuils moins chers et donc de moindre qualité, soit certains fauteuils ne seront plus remboursés.

La suppression du PLV n’a pas pour objet de laisser déraper les prix. Cela fait vingt ans qu’un fauteuil basique est remboursé 580 euros et que les fabricants, qui se sont adaptés, produisent des fauteuils à 580 euros. Ils savent que, s’ils dépassaient ce montant, les fauteuils ne seraient plus remboursés, ou pas entièrement, et ne pourraient plus être achetés. Il est donc possible de déterminer une base de remboursement sans qu’il soit nécessaire de fixer un prix limite de vente, qui aurait pour conséquence d’exclure les options. En effet, celles-ci coûtent cher : pour un fauteuil manuel avec un châssis basique qui coûte de 4 000 à 5000 euros, il faut compter 500 à 600 euros pour un garde-boue en carbone, 300 euros pour une roulette antibascule, 400 euros pour un cadre plus étroit. Le prix du fauteuil peut aisément doubler, dépassant ainsi la limite fixée et réduisant le remboursement à néant, ce qui obligerait à financer non pas un reste à charge mais l’intégralité du fauteuil.

Il a été très compliqué de travailler avec la direction de la sécurité sociale, qui, à l’occasion de nos différentes rencontres, n’a jamais voulu répondre à certaines questions. Lors de la réunion de vendredi après-midi, ses représentants ont présenté leurs propositions sans donner le moindre chiffre, se contentant d’indiquer quels fauteuils et quelles options seraient remboursés. Ils ont par ailleurs annoncé que c’était la dernière réunion avant la parution d’un décret – je sais que la ministre conteste ce point mais ils l’ont répété à plusieurs reprises. Ils ont justifié cette précipitation par le retour du PLFSS à l’Assemblée, dont l’examen ne permettrait plus de garantir le maintien des sommes annoncées. Or on sait très bien que le PLFSS arrivera en séance avant le présent texte.

Je peux entendre que nous ne pourrons pas ajouter 150 millions d’euros. C’est une question de choix : soit on décide de le faire et il n’y aura qu’un seul financeur, soit on ne le peut pas et la suppression du PLV permettra aux mutuelles et à la PCH de financer les sommes manquantes. La fixation d’un PLV empêcherait en revanche tout autre organisme de participer au financement, et tout dépassement de la limite obligerait à repartir à zéro pour trouver un financement.

Depuis un an et demi, je propose des solutions à la direction de la sécurité sociale sans parvenir à trouver un terrain d’entente. Aujourd’hui, nous avons l’opportunité d’envoyer un signal fort au Gouvernement pour l’inciter à tenir compte de ces considérations dans le futur décret. Le montant de 2 600 euros qui a été retenu correspond au prix médian d’un fauteuil. Or, il faut s’adapter au plus particulier.

La réforme annoncée par le Président est censée apporter une solution à ceux qui ont besoin des fauteuils les plus onéreux, qui se trouvent être aussi ceux qui ont le moins de revenus. Si l’on applique le décret prévu par le Gouvernement, ces personnes se retrouveraient exclues. Certes, cela ne représente que 5 % des personnes concernées, mais il se trouve qu’il s’agit des personnes les plus vulnérables. Voilà pourquoi ce texte est nécessaire.

 

Article 1er : Prévoir la prise en charge intégrale par l’assurance maladie des véhicules pour handicapés physiques

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS15, AS18, AS16 et AS17 de M. Sébastien Peytavie.

Amendement AS24 de M. Sébastien Peytavie

M. le rapporteur. Il s’agit de compléter le dispositif de remboursement intégral des fauteuils roulants par l’assurance maladie en prévoyant l’application du mécanisme de tiers payant afin que les personnes handicapées soient dispensées de l’avance de frais, qui peut atteindre des montants très élevés.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement l’amendement de coordination AS14 ainsi que les amendements rédactionnels AS19 et AS20 de M. Sébastien Peytavie.

Amendement AS12 de M. Guillaume Florquin

M. Guillaume Florquin (RN). Je défendrai en même temps l’amendement AS13 portant article additionnel après l’article 1er.

L’amendement AS12 vise à prendre explicitement en compte le critère de l’autonomie des personnes en situation de handicap dans la détermination des catégories de fauteuils roulants éligibles à une prise en charge renforcée. Un fauteuil roulant n’est pas simplement un outil de mobilité : c’est un moyen d’accéder à l’emploi, à l’éducation et à la vie sociale. Des équipements d’entrée de gamme, bien qu’économiques, peuvent gravement limiter cette autonomie, enfermant les usagers dans des situations de dépendance. Nous devons donc agir pour garantir aux usagers des fauteuils roulants des solutions adaptées à leurs besoins.

L’amendement AS13 vise à demander au Gouvernement un rapport consacré à ce sujet. Il constituerait un outil crucial pour approfondir la réflexion sur l’impact des différents modèles de fauteuil sur l’autonomie des usagers.

Ces deux amendements traduisent une ambition commune : replacer l’humain au centre de nos décisions. Je vous invite à soutenir ces amendements, qui s’inscrivent dans une démarche de progrès et de justice sociale.

M. le rapporteur. La liste des prestations et produits remboursables (LPPR) par l’assurance maladie prévoit déjà la prise en compte de l’incapacité des personnes dans la détermination des catégories de véhicules pour personnes handicapées.

Le recours à un médecin et à un ergothérapeute vise à s’assurer de l’autonomie de la personne d’un point de vue médical mais aussi à déterminer les adaptations nécessaires à son mode de vie – résidence en institution ou à domicile, en ville ou à la campagne, personne exerçant un métier ou non.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS23 de M. Sébastien Peytavie

M. le rapporteur. Le présent amendement apporte des clarifications rédactionnelles au dispositif dressant la liste des missions de l’observatoire du marché et des prix des aides techniques. Celui-ci devra recenser l’offre et la disponibilité des aides techniques sur le territoire, informer sur la formation des prix et suivre leur évolution ; cartographier les acteurs et les structures intervenant dans l’évaluation des besoins et l’accompagnement des personnes utilisatrices de fauteuils roulants ; contribuer au développement de la recherche sur les aides techniques et dresser l’état des lieux des innovations technologiques en la matière ; évaluer les perspectives de développement des dispositifs de remise en bon état d’usage des aides techniques et proposer des évolutions relatives à la définition des normes de qualité.

L’amendement AS7 de M. William vise à prévoir que l’observatoire devra tenir compte des spécificités des territoires ultramarins. Je partage sa préoccupation mais il se trouve que le dispositif se serait mal inséré dans le texte. Je propose donc de retravailler l’amendement dans la perspective de l’examen en séance publique, en prenant pour base la nouvelle rédaction que je propose.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement AS7 de M. Jiovanny William tombe.

Amendement AS10 de Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

Mme Anaïs Belouassa-Cherifi (LFI-NFP). Il s’agit d’établir des sanctions à l’encontre des entreprises qui ne respecteraient pas la règle de transmission des prix à l’observatoire. Pour être efficace, il doit être doté d’un pouvoir de contrôle sur place et sur pièces ainsi que d’un pouvoir de sanction.

M. le rapporteur. Nous sommes tous d’accord sur la nécessité d’assurer la transparence des prix des fauteuils roulants et de limiter l’inflation qui pourrait résulter de l’augmentation des marges des distributeurs et des fabricants.

Toutefois, l’observatoire a pour missions principales le recensement de l’offre des aides techniques et la surveillance de l’évolution des prix dans une perspective de plus grande transparence dans ces domaines. Il ne me paraît pas nécessaire de le doter d’un pouvoir de contrôle sur pièces et sur place ainsi que d’un pouvoir de sanction, alors même que la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) n’en dispose pas.

Les prix de vente des fauteuils roulants doivent déjà être déclarés au Comité économique des produits de santé en application du code de la sécurité sociale, sous peine d’une pénalité financière pouvant atteindre 5 % du chiffre d’affaires. Doivent notamment être déclarés les volumes de vente annuels des produits ; la distribution par décile des prix de vente ; les remises commerciales ou taxes en vigueur déduites ; la part des ventes annuelles que représente chaque dénomination ou référence commerciale. Je vous invite plutôt à renforcer les pénalités financières qui sont prévues par les textes.

Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 1er modifié.

Après l’article 1er

Amendements AS2, AS4 et AS5 de Mme Christine Loir

Mme Christine Loir (RN). L’amendement AS2 vise à limiter à deux mois le délai de remboursement par la sécurité sociale. Les deux autres amendements ont pour objet des demandes de rapport.

M. le rapporteur. Votre amendement porte sur l’ensemble des produits et prestations figurant sur la LPPR, ce qui excède largement le périmètre de la proposition de loi, qui ne concerne que les fauteuils roulants. Les délais pour accéder aux aides sont surtout imputables au traitement des dossiers par les MDPH et les complémentaires santé, le délai moyen en 2017 étant de six mois pour les demandes de PCH et de quatre mois pour les aides du fonds départemental de compensation du handicap.

Avis défavorable, ainsi qu’aux demandes de rapport.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS9 de Mme Élise Leboucher

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Il s’agit d’une demande de rapport sur l’extension de la prise en charge intégrale aux aides techniques et aux prestations de service et d’adaptation. Cela représente en moyenne, par an et par personne, 1 557 euros de reste à charge. Celui-ci, en hausse constante, menace le principe de solidarité nationale. Nous proposons de rechercher des pistes de financement en excluant tout déremboursement de produits utiles aux assurés.

M. le rapporteur. Le remboursement intégral à terme de toutes les aides techniques inscrites sur la LPPR au bénéfice des personnes handicapées nécessiterait une réforme d’ampleur et des crédits budgétaires bien plus élevés. Les MDPH, l’Agefiph (Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées), la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie) et les complémentaires santé jouent un rôle essentiel dans la prise en charge des dépenses. Il ne me paraît pas raisonnable de faire reposer celle-ci sur la seule assurance maladie. L’urgence de la situation commande d’agir immédiatement – c’est l’objet de la proposition de loi – mais je ne suis pas opposé à l’idée que l’on réfléchisse aux solutions permettant d’aller plus loin. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Après l’article 1er

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement AS13 de M. Guillaume Florquin.

 

 

Article 1er bis (nouveau) : Rapport sur l’extension de la prise en charge intégrale par l’assurance maladie de tous les actes médicaux, produits et prestations de services et d’adaptation associées à destination des personnes handicapées

Amendement AS11 de Mme Élise Leboucher

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Il s’agit de mettre en lumière l’insuffisante accessibilité des lieux accueillant du public. En 2024, le droit de se déplacer en autonomie n’est toujours pas assuré pour 1 million de nos concitoyens. Les Nations unies avaient souligné en 2021 que la France n’avait pas intégré l’approche du handicap fondé sur les droits de l’homme et faisait des personnes handicapées des objets de soins plutôt que des sujets de droits. Il est temps de sortir des plans de communication des jeux Olympiques et Paralympiques et d’agir concrètement. C’est pourquoi nous demandons un rapport étudiant le financement d’un grand plan de mise en accessibilité des lieux publics.

M. le rapporteur. Nous sommes tous d’accord pour dénoncer les carences en matière d’accessibilité dans notre société. Nous avons décidé la création, il y a quelques semaines, d’une mission d’évaluation de la loi de 2005 qui permettra d’aborder cette question de manière beaucoup plus large, sous l’angle précisément de la charte des Nations unies.

Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

 

Article 2 : Prévoir la prise en charge intégrale par l’assurance maladie de la consultation pluridisciplinaire servant de cadre à la préconisation et à l’adaptation aux besoins du patient d’un véhicule pour handicapés physiques

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS22 et AS21 de M. Sébastien Peytavie, rapporteur.

 

Puis elle adopte l’article 2 modifié.

 

Article 3 : Gage de recevabilité financière

La commission adopte l’article 3 non modifié.

Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

M. Yannick Neuder, rapporteur général. Je souhaite que le vote de ce texte, qui concerne 1 million de Français, accroisse la pression sur le Premier ministre et permettent de trouver rapidement des voies de négociation. L’objectif est d’éviter que des personnes obligées d’utiliser un fauteuil aient recours à des prêts ou à des missions caritatives, comme il nous arrive d’en organiser dans nos circonscriptions, pour pouvoir bénéficier de leur droit à la mobilité. Je félicite donc le rapporteur pour l’adoption de cette proposition de loi.

M. le rapporteur. Nous avons vécu un moment fort avec les jeux Olympiques et Paralympiques, beaucoup de personnes handicapées ayant pu parcourir la ville de manière un peu plus simple et avoir accès à certaines installations, ce qui n’était pas toujours le cas jusque-là.

L’adoption de la proposition de loi enverra un message fort à toutes les personnes handicapées, qui ne se sentent pas toujours reconnue ; j’espère que le Gouvernement et la sécurité sociale entendront ce message. Mon texte vise à proposer une alternative au prix limite de vente afin de garantir les prix et d’éviter tout débordement, sans pour autant exclure les personnes les plus fragiles, même si cela ne concerne que quelques cas.

 

La réunion s’achève à vingt heures dix.

 


Information relative à la commission

La commission a désigné M. Sébastien Delogu et Mme Nathalie ColinOesterle rapporteurs d’application de la loi n° 20211018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail.


Présences en réunion

Présents.  Mme Ségolène Amiot, Mme Anchya Bamana, M. Thibault Bazin, Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, M. Christophe Bentz, M. Ugo Bernalicis, M. Théo Bernhardt, Mme Sylvie Bonnet, M. Elie Califer, M. Hadrien Clouet, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, M. Paul-André Colombani, M. Hendrik Davi, Mme Sandra Delannoy, M. Sébastien Delogu, Mme Sophie Delorme Duret, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Karen Erodi, M. Guillaume Florquin, M. Thierry Frappé, Mme Marie-Charlotte Garin, M. François Gernigon, Mme Zahia Hamdane, M. Philippe Juvin, M. Michel Lauzzana, M. Didier Le Gac, Mme Karine Lebon, Mme Élise Leboucher, Mme Katiana Levavasseur, M. René Lioret, Mme Christine Loir, Mme Hanane Mansouri, Mme Sophie Mette, Mme Joséphine Missoffe, M. Christophe Mongardien, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, M. Yannick Neuder, M. Laurent Panifous, M. Sébastien Peytavie, Mme Angélique Ranc, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, M. Sébastien Saint-Pasteur, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, M. Vincent Thiébaut, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier, M. Stéphane Viry

Excusée.  Mme Béatrice Bellay

Assistaient également à la réunion.  M. François-Xavier Ceccoli, M. Laurent Marcangeli