Compte rendu
Commission
des affaires sociales
– Examen de la proposition de loi visant à lutter contre les déserts médicaux, d’initiative transpartisane (n° 966) (M. Guillaume Garot, rapporteur) 2
– Présences en réunion.................................45
Mercredi
26 mars 2025
Séance de 9 heures
Compte rendu n° 56
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Frédéric Valletoux,
président
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La réunion commence à neuf heures.
(Présidence de M. Frédéric Valletoux, président)
La commission examine la proposition de loi visant à lutter contre les déserts médicaux, d’initiative transpartisane (n° 966) (M. Guillaume Garot, rapporteur).
M. le président Frédéric Valletoux. Nous examinons aujourd’hui deux propositions de loi, en commençant par celle relative à la lutte contre les déserts médicaux, qui est inscrite à l’ordre du jour de la séance publique mardi 1er avril, dans le cadre des journées réservées aux textes transpartisans.
M. Guillaume Garot, rapporteur. Nous sommes nombreux, et depuis longtemps, à alerter sur l’urgence de la désertification médicale, qui crée une inégalité majeure. Certains de nos concitoyens n’ont plus de médecin. Ils sont en situation de détresse, après que leur médecin généraliste est parti à la retraite sans être remplacé. Ils mettent des semaines, voire des mois, à obtenir un rendez-vous chez un spécialiste.
Pour 8 millions de Françaises et de Français, la situation n’est plus supportable, faute de médecin traitant, voire de médecin tout court. Des départements entiers sont dépourvus de certains praticiens, comme les gynécologues. En bout de chaîne, les urgences craquent sous la pression de patients qui n’ont plus d’autre choix pour se soigner.
Dans un pays où le droit à la santé a valeur constitutionnelle, l’urgence grandit, parce que toutes les solutions expérimentées depuis tant d’années ne suffisent plus. Et force est de constater que nous avons laissé se créer, ici des concentrations de médecins, là des déserts.
Dans les Hautes-Alpes, le nombre de médecins généralistes par habitant est trois fois supérieur à celui de l’Eure-et-Loir. À Paris, le nombre d’ophtalmologues et de pédiatres par habitant est dix-sept fois supérieur à celui de la Creuse. À Paris, encore le nombre de dermatologues par habitant est vingt et une fois supérieur à celui de la Meuse. Surtout, ces inégalités entre les territoires, et donc entre les patients, se sont aggravées. Entre 2010 et 2023, le nombre de médecins par habitant a diminué de 15,7 % dans la Creuse, de 12,3 % dans l’Indre, de 13,3 % dans le Gers. Dans le même temps, ce nombre a augmenté de 27,9 % dans les Hautes-Alpes, de 22,6 % dans les Pyrénées-Atlantiques et de 21,5 % en Haute‑Savoie.
Que pouvons-nous faire ? Je m’exprime au nom du groupe de travail transpartisan créé en juillet 2022, qui a procédé à des dizaines d’auditions et a visité plus de vingt départements, dans le cadre d’un tour de France. Notre proposition de loi repose sur la conviction qu’il n’y a pas de remède miracle. Personne n’a de baguette magique. Nous avons besoin d’une combinaison de réponses.
Le constat n’est pas nouveau, notre démographie médicale est mal en point. Nous avons perdu 7 000 médecins généralistes libéraux en dix ans, alors que la population continue de croître et de vieillir. Si nous ne faisons rien, nous vivrons des moments très difficiles. À l’horizon 2032, près de 30 % des médecins généralistes en activité, soit plus de 33 000 praticiens, seront partis en retraite. C’est donc maintenant qu’il faut agir.
Il serait faux de dire que rien n’a été fait. Une politique très incitative a été développée depuis une vingtaine d’années et s’est même considérablement enrichie au cours des dix dernières années. Nous avons favorisé les structures d’exercice coordonné comme les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) ou les centres de santé. Nous avons voté des aides fiscales et sociales à l’installation des médecins, avec à la clé des chèques substantiels. Nous avons favorisé la poursuite d’activité des médecins en âge de prendre leur retraite. Nous avons mis fin au numerus clausus – c’était une excellente mesure, soutenue par tous. Nous avons financé des postes d’assistants médicaux et créé des guichets uniques.
Et pourtant, les inégalités d’accès aux médecins ne cessent de croître. Ce n’est pas moi ou le groupe transpartisan qui le dit, mais la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), qui dépend notamment du ministère de la santé. Dans une étude de décembre 2024, celle-ci établit que les inégalités d’accès aux médecins généralistes entre les 10 % de la population les mieux dotés et les 10 % de la population les moins bien dotés ont augmenté de 5 % entre 2022 et 2023. Elle démontre ainsi que les politiques d’incitation ne suffisent plus. C’est un échec collectif, dans lequel je prends ma part – j’ai participé à des gouvernements et à des majorités qui ont créé les politiques en vigueur.
La présente proposition de loi d’initiative transpartisane, cosignée par 256 d’entre nous, vise à actionner quatre leviers, à travers quatre articles. Elle peut nous rassembler.
À l’article 1er, nous proposons la régulation de l’installation des médecins. Beaucoup a été dit à ce sujet ; rappelons le principe. Dans les zones sous‑dotées, dont nous ne manquons pas, une autorisation préalable à l’installation ou à l’exercice des médecins serait délivrée par l’agence régionale de santé (ARS) de manière automatique. En revanche, dans les zones suffisamment dotées, la délivrance d’une telle autorisation serait subordonnée à l’arrêt d’activité d’un médecin. La liberté d’installation continuera ainsi de prévaloir. Le principe n’est pas remis en cause, mais simplement aménagé, encadré, au nom de l’intérêt général.
Certains ont parlé de coercition. Qu’ils soient rassurés : il ne s’agit pas d’affecter les médecins généralistes ou spécialistes de manière autoritaire. Nous proposons tout simplement un dispositif jumeau de celui appliqué depuis le 1er janvier pour les chirurgiens-dentistes, sans poser de difficultés. Nous éviterons ainsi la concentration de médecins là où ils ne sont pas utiles.
S’agissant du deuxième levier, l’article 2 vise à supprimer la majoration du tarif de consultation pour les patients dépourvus de médecin traitant. Cette mesure avait été prise pour faire du médecin traitant le pivot du système de santé – rôle que nous ne remettons pas en cause, tout au contraire. Toutefois, elle crée une double peine incompréhensible pour les 6 millions de Français ne parvenant pas à trouver un médecin traitant, dont 472 000 sont atteints de maladies chroniques.
L’article 3 vise à garantir dans chaque département, notamment dans les zones sous‑dotées, un cursus minimal de première année de formation médicale. L’Institut national de la statistique et des études économiques, dans un rapport de novembre 2024, a rappelé que 50 % des médecins généralistes formés en 2000 exerçaient en 2019, à moins de 85 kilomètres de leur commune de naissance et 50 % à moins de 43 kilomètres de leur université d’internat. En permettant aux jeunes issus du milieu rural de se former non loin du lieu où ils ont grandi, nous favoriserons leur installation dans les territoires dont ils sont originaires. Cela permettra aussi de casser l’inégalité sociale d’accès aux études de médecine. Beaucoup de jeunes, en effet, s’interdisent ces études longues, faute de pouvoir disposer du soutien financier de leur famille pendant plusieurs années. Qu’ils sachent que nous leur donnons leur chance, que nous serons à leurs côtés, pour qu’ils engagent leurs études universitaires de médecine près de chez eux. Nous répondrons ainsi à un impératif d’intérêt général et nous redonnerons de l’espoir à toute une génération.
L’article 4 vise à rétablir une permanence de soins ambulatoire pour les médecins installés en ville. Actuellement, près d’un médecin généraliste sur deux ne réalise jamais de permanence. Pour l’année 2022, à peine 25 % des médecins concentrent 82 % des honoraires de garde, ce qui révèle la suractivité et, parfois, l’épuisement de certains, qui se plaignent de la dureté croissante de leur situation.
Bien sûr, nous entendons la voix des opposants au présent texte. Mais nous entendons aussi chaque semaine, dans nos circonscriptions, la voix de ceux qui n’ont plus de médecins, qui sont angoissés, en détresse, et comptent sur nous pour trouver et appliquer des solutions.
Nous sommes au début du processus parlementaire ; nous pouvons améliorer le texte, l’enrichir par voie d’amendements – je formulerai plusieurs propositions ce matin. Nous sommes tous chargés de défendre l’intérêt général. Nous avons la responsabilité d’avancer, de garantir que le pacte républicain sera respecté, et de faire en sorte que nul ne se sente abandonné par la République, comme c’est trop souvent le cas. Notre santé ne doit plus dépendre de notre code postal.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Christophe Bentz (RN). La désertification médicale française a plusieurs origines. Il faut y apporter une réponse globale. Or votre texte ne propose que des réponses partielles, certaines positives, d’autres négatives.
La France traverse une situation critique. C’est un échec collectif, pour lequel vous avez votre part de responsabilité, vous l’avez vous-même reconnu. Cette proposition de loi comporte des avancées et des écueils.
Commençons par ces derniers. Vous évoquez, à propos de l’article 1er, une mesure de régulation. Je maintiens que c’est une forme de coercition. C’est une fausse bonne idée et ce n’est pas la solution adaptée. L’autorisation d’installation des médecins ne doit surtout pas être délivrée par les ARS, qui constituent le pire échelon, celui, par excellence, de la déconnexion.
La mesure coercitive que vous proposez impliquerait beaucoup d’effets pervers et aurait les conséquences inverses de celles que vous recherchez, parce qu’elle nuirait à l’attractivité de la profession de médecin.
Nous approuvons la suppression de la majoration des tarifs pour les millions de Français n’ayant pas de médecin traitant, prévue à l’article 2. Elle corrigera une injustice sociale.
La décentralisation de la formation prévue à l’article 3 est la bonne idée de cette proposition de loi. Il faut effectivement faire confiance aux territoires, notamment ruraux.
Nous sommes sceptiques concernant les permanences de soins prévues à l’article 4. Ces permanences existent déjà, même si elles ne sont que partiellement appliquées et votre dispositif est peut-être trop contraignant. Nous subordonnerons donc notre vote sur ce dispositif à l’adoption de nos amendements à cet article.
Mme Stéphanie Rist (EPR). Je sais que vous travaillez depuis longtemps sur cette proposition de loi. Notre groupe soutient évidemment son objectif, celui de lutter contre les déserts médicaux. Qui pourrait être contre ? Le problème concerne tous nos concitoyens, très inquiets devant les difficultés d’accès aux soins.
Notre groupe souhaite débattre du présent texte, afin d’expliquer pourquoi, selon nous, certains de ses articles aggraveront la situation au lieu de l’améliorer. Il ne faut pas supprimer la médecine de ville libérale ; or, selon nous, c’est ce que prévoit la présente proposition de loi.
Nous ne partageons pas votre postulat de départ, selon lequel les médecins seraient trop nombreux dans certaines zones de notre pays. Qu’en pensent les députés de Dijon, de Lyon, de Caen, de Limoges, où de nouvelles installations seraient dorénavant impossibles à moins d’un départ à la retraite ? Notre groupe considère qu’il n’y a pas suffisamment de médecins dans notre pays, qu’il faut en former beaucoup plus. Nous avons commencé à le faire, en supprimant le numerus clausus. Il faut continuer à libérer du temps médical en faisant appliquer les lois adoptées ici à l’unanimité, et en prenant d’autres mesures en ce sens, à travers la responsabilisation des différents acteurs.
Notre groupe ne soutiendra donc pas l’article 1er, mais veut en débattre, comme du reste de la proposition de loi.
Ma vision personnelle est très opposée à la vôtre. Au contraire de vous, je considère qu’il faut encourager la multiplication des installations en médecine de ville libérale, pour améliorer l’accès aux soins.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Je vous remercie pour cette excellente proposition de loi. Actuellement, dix-huit départements comptent autant que médecins que les quatre‑vingt‑trois autres. Le nombre de médecins par habitant varie presque de 1 à 10, y compris entre départements – il est de 1,65 ‰ dans l’Eure, mais quasiment de 9 ‰ à Paris.
Comment en sommes-nous arrivés là ? Jusqu’aux années 1980, la mobilisation pour limiter le nombre de praticiens a été importante, y compris de la part de l’Ordre des médecins. On évoquait à l’époque une pléthore médicale. Certaines corporations ont demandé l’instauration d’un numerus clausus.
Or nous avons rapidement constaté un manque croissant de médecins en certains lieux, lié au vieillissement des médecins généralistes, au démantèlement des services publics de proximité et à la réduction du temps de travail des médecins – qui est normale ; ces derniers ont raison de souhaiter travailler moins que les générations précédentes, pour s’occuper de leurs enfants et profiter de leur famille. Désormais, 30 % des jeunes médecins s’installent hors des aires d’attraction des villes, où réside pourtant 40 % de la population, sa partie la plus paupérisée, la plus âgée, celle qui a le plus besoin de soins.
L’inégalité d’accès aux soins augmente. L’écart d’accessibilité aux médecins s’est creusé de 5 % entre les 10 % de nos compatriotes les mieux dotés et les 10 % les moins bien dotés depuis 2022. Dans le même temps, l’écart d’accessibilité n’a pas cru pour les professions dont l’installation est régulée, notamment les infirmières, les kinésithérapeutes.
Que faire ? Certains évoquent des incitations financières. Mais nous avons déjà essayé les primes, les contrats d’aide à l’installation, les majorations d’honoraires, les contrats de solidarité territoriale – qui ont eu un succès record, avec seulement vingt-huit signataires –, les contrats de transition et de stabilisation et le pacte territoire santé. Rien de tout cela n’a produit d’effet notable, même si nous ne pouvons pas dire que rien n’a été fait – nous vous avons par exemple accompagné dans l’instauration de mesures telles que la délégation de certaines tâches aux infirmiers.
Parce que cette impuissance n’est pas une fatalité, nous proposons un nouvel instrument, la régulation. Tous les praticiens sont libres de s’installer dans n’importe quel territoire sous‑doté. Collègues macronistes, si, comme vous le prétendez, toute la France est un désert médical, la mesure ne contraindra pas les médecins. Votez donc le texte.
M. Joël Aviragnet (SOC). Combien de fois avons-nous entendu nos concitoyens se plaindre que l’absence de médecins les empêche de se soigner, ou qu’ils doivent attendre six mois pour obtenir un rendez-vous médical ? Il y a quatre ou cinq ans encore, l’attente ne durait que trois mois. Depuis plusieurs années, les déserts médicaux gagnent du terrain. Dans les territoires ruraux, c’est un véritable fléau. Conscients du problème, les députés se sont réunis dans un groupe transpartisan, à l’initiative de notre collègue Guillaume Garot. Après des dizaines d’auditions et près de trois ans de travail, ce groupe est parvenu à proposer un texte transpartisan pour répondre au cri d’alarme des Français. Quoi qu’en disent les lobbies de médecins, celui-ci va dans le bon sens. La régulation de l’installation rétablirait l’égal accès aux soins où que l’on habite en France. La suppression de la majoration des tarifs pour les patients qui n’ont pas de médecin traitant mettrait fin à la double peine qu’ils subissent – je crois me souvenir qu’un ministre de la santé s’était engagé à prendre cette mesure ; je suis surpris qu’elle ne soit toujours pas appliquée.
Comment tolérer que les habitants des déserts médicaux doivent payer plus cher ? S’ils n’ont pas de médecin traitant, ce n’est pas par choix. La garantie de formation dans chaque département en première année de médecine permettrait d’ancrer les jeunes médecins dans les territoires. C’est nécessaire pour les maintenir dans les zones les moins bien dotés en médecins. Enfin, le rétablissement de l’obligation de permanence des soins est une mesure d’équité ; sa nécessité est évidente.
Écoutons les Français, entendons leur détresse. Comment accepter qu’en France, certains renoncent à se soigner, faute de médecins près de chez eux ? Comment expliquer aux Françaises que dans leur département, il n’y a plus de gynécologue ? Cette situation scandaleuse entretient un légitime sentiment d’abandon, notamment dans les territoires ruraux. Les mesures d’incitation ont montré leur inefficacité. Il est temps d’essayer autre chose. Soyons courageux et répondons aux préoccupations des Français, en votant ce texte qui permettra d’améliorer l’accès aux soins et de lutter efficacement contre les déserts médicaux.
M. Thibault Bazin (DR). Nous manquons de plus en plus de médecins libéraux. L’ensemble des Français est touché, particulièrement les plus de 9 millions d’entre eux qui sont privés de médecin traitant.
Je comprends la lassitude de certains collègues, notamment au sein du groupe Droite Républicaine, au nom duquel je m’exprime et où le texte a suscité des débats. La question de la désertification médicale est régulièrement abordée, sans que nos concitoyens constatent d’amélioration dans leur vie quotidienne. Les actions déployées jusqu’à présent ne suffisent pas. Il est indéniable qu’un nombre insuffisant de médecins est installé dans la plupart des territoires.
Toutefois, le présent texte risque d’aggraver le problème qu’elle prétend traiter, en particulier avec l’article 1er, qui crée une autorisation d’installation pour les médecins, délivrée par les ARS. Les zonages posent question. Pour l’heure, il n’y en a pas pour les médecins non généralistes, ce qui rend le dispositif inopérant.
Surtout, combien d’internes en médecine générale seront découragés d’exercer à titre libéral et poussés vers le salariat par ce texte ? Seulement 12 % des étudiants en médecine choisissent actuellement l’exercice libéral, y compris pour les spécialités. L’immense majorité choisit l’exercice salarié, dans des hôpitaux ou des centres de soins non programmés, une tendance en augmentation, alors qu’un médecin salarié exerce moins souvent les fonctions de médecin traitant et suit moins de patients en moyenne qu’un médecin libéral. D’autres médecins n’exercent même plus.
Oui, il faut agir et prendre des mesures, mais les bonnes, qui ne soient pas contre-productives et ne poussent pas davantage d’étudiants à migrer vers l’exercice salarié. Notre responsabilité est grande.
L’article 4 repose également sur une fausse bonne idée. Pour un médecin libéral, il n’est pas anodin de prendre une garde médicale, notamment s’il doit garder un enfant en bas âge. En ajoutant cette contrainte aux médecins généralistes libéraux, vous risquez de conduire à une baisse du nombre d’installations de ces professionnels, alors qu’il faudrait les encourager.
Ainsi, en l’état, le texte nous semble problématique. Si sa rédaction n’évolue pas, vous n’obtiendrez pas le soutien unanime du groupe Droite Républicaine. Il faudrait plutôt renforcer l’attractivité de l’exercice libéral.
M. Jean-Claude Raux (EcoS). Je pourrais reprendre la rengaine assénée par certains médecins, tour à tour méprisante, sarcastique, menaçante ou dramatique, tant l’idée de régulation leur est insupportable. Ils agitent toujours le même chiffon rouge : notre proposition détournerait de l’exercice de la médecine et assécherait les bonnes volontés. Leur chantage est à peine voilé : ils menacent de déplaquer, de se déconventionner, voire de partir à l’étranger.
Ils nous accusent de ne rien comprendre, mais nous avons écouté, lors des dizaines d’auditions menées par notre groupe transpartisan, dans les permanences de nos circonscriptions, sans avoir besoin d’en rajouter, tant les exemples sont innombrables.
Nous savons qu’il n’existe pas de solution miracle, mais le désespoir des millions de patients qui n’ont plus de médecin nous impose d’explorer de nouvelles pistes. Devons‑nous laisser faire, comme c’est le cas depuis des décennies, et continuer à privilégier l’offre aux besoins de santé de la population ? Devons-nous dilapider encore plus d’argent, avec des pactoles d’installation, des avantages en nature, des exonérations fiscales et entretenir la concurrence entre les territoires, sans jamais régler le problème de désertification médicale ?
Ne rien faire reviendrait à laisser les inégalités territoriales se creuser davantage, à tolérer qu’à certains endroits, il ne soit plus possible de se soigner. Si le premier engagement des médecins est toujours de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé, et s’ils veulent apporter leur aide à leurs confrères de plus en plus seuls, de plus en plus épuisés, là où les déserts s’étendent, alors nous devons essayer une politique de régulation et rétablir la permanence des soins.
Si nous n’adoptons pas maintenant ces mesures dans leur version « light », bien peu coercitive, elles devront sans doute être imposées plus brutalement un jour. Les médecins n’ont pas besoin de contraintes, nous dit-on. Les Françaises et les Français, eux, ont besoin de médecins partout.
M. Philippe Vigier (Dem). Un ancien Président de la République disait que tout avait déjà été essayé contre le chômage. Avons-nous tout essayé contre la désertification médicale ? Non. C’est un échec collectif, malgré les nombreuses mesures prises depuis vingt ans. Outre les mesures financières, nous avons transformé le numerus clausus en numerus apertus, nous avons favorisé les délégations de taches et créé les infirmiers en pratique avancée (IPA). Il a fallu se battre à chaque étape. Nous avons même encouragé la formation de médecins à l’étranger – les étudiants du Centre-Val de Loire ont ainsi été encouragés à partir se former à Zagreb. Pourtant, les inégalités territoriales subsistent.
J’aborde ce débat avec beaucoup de modestie. Si nous n’ouvrons pas de nouvelle voie, où allons-nous ? Vous vous opposez à la régulation. Sachez qu’à l’heure actuelle les médecins ne choisissent pas leur spécialité médicale. L’orientation est déterminée par les épreuves classantes nationales – le concours de l’internat. Même la ville d’internat est souvent choisie par défaut.
La régulation proposée est très modeste. Elle ne changerait rien aux règles d’installation à Limoges, à Caen ou à Orléans, et dans 91 % du territoire français – les chiffres sont têtus. Ne rejetons pas sur l’ARS ou d’autres une responsabilité qui incombe au pouvoir politique.
La liberté sera maintenue. Dans les territoires bien dotés, où l’installation d’un médecin sera subordonnée à un départ à la retraite, la densité médicale ne diminuera pas. Il faut améliorer les choses, agir avec efficacité. Chers collègues du Rassemblement national, vous qui êtes friands de référendums, faites-en un à ce sujet, vous verrez quelle est la position des Français.
Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). La France traverse une crise aiguë de l’accès aux soins et manque de médecins libéraux. Cette crise, qui n’est pas nouvelle, touche désormais 87 % du territoire national, qui est classé comme zone sous‑dotée.
Les causes sont multiples et il n’existe pas de solution unique. Néanmoins, plusieurs réformes majeures ont été engagées ces dernières années. Encore faut-il attendre qu’elles produisent leurs effets. Le numerus clausus a été assoupli en 2018 ; l’actuel ministre de la santé souhaite le supprimer. L’accès direct à certains spécialistes a été étendu, grâce à la « loi Rist » de mai 2023 ; les professionnels de santé ont été incités à s’installer de manière durable dans les territoires grâce à la « loi Valletoux » de décembre 2023 ; le cumul emploi-retraite a été facilité pour les médecins dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 ; le métier d’infirmier doit être revalorisé grâce à la réforme en cours au Parlement ; un décret de juin 2018 a créé le statut de docteur junior pour les élèves de quatrième année d’internat en médecine générale – dès la rentrée 2026, nous pourrons ainsi compter sur 3 700 docteurs juniors supplémentaires chaque année.
Vous proposez de rompre avec la philosophie des réformes précédentes en prévoyant, à l’article 1er, que les ARS réguleront l’installation des médecins. Pourtant, selon moi, ce n’est pas en passant de l’incitation à la contrainte que nous résoudrons le cœur du problème : le manque de médecins de ville en exercice, qu’ils soient généralistes ou spécialistes, au niveau national.
La profession formule une proposition rapidement déployable, l’assistanat territorial, qui repose sur une idée simple : envoyer dans les zones sous-denses pour une à deux années des médecins spécialistes qui viennent d’être diplômés. Cela représenterait 2 000 à 3 000 médecins chaque année. Ce dispositif pourrait parfaitement s’articuler avec le statut de docteur junior.
Nous pouvons déployer des solutions rapides sans braquer toute une profession dont nous avons besoin. Les médecins libéraux risquent sinon de migrer vers le salariat et donc de suivre moins de patients. L’adoption de l’article 1er enverrait un message terrible à la profession. Nous n’ignorons pas l’urgence mais croyons que la meilleure voie est d’accompagner et de poursuivre les réformes engagées, dont nous savons qu’elles porteront leurs fruits rapidement.
M. Yannick Favennec-Bécot (LIOT). « Monsieur le député, trouvez-moi un médecin ! », « Aucun rendez-vous avec mon cardiologue n’est possible avant dix-huit mois. Vais-je devoir renoncer à me soigner ? ». Nous sommes nombreux à entendre de telles paroles dans nos circonscriptions. Alors que la Constitution garantit le droit à la protection de la santé pour chacun, un Français sur trois vit dans un désert médical. Ce n’est plus acceptable.
Les nombreuses politiques d’incitation à l’installation déployées depuis vingt ans sont nécessaires, mais insuffisantes. Les inégalités d’accès aux soins selon les territoires sont flagrantes et continuent de s’accroître. Face à l’urgence de la situation, nous pouvons en premier lieu favoriser une meilleure répartition des médecins sur le territoire, en orientant leur installation vers les zones où l’offre de soins est la moins dense.
Dans les zones où l’offre de soins est suffisante, nous proposons que l’ARS ne délivre d’autorisation d’installation pour un médecin qu’en cas de cessation d’activité d’un praticien de la même spécialité. Le principe de liberté d’installation continuerait de prévaloir. Simplement, il serait aménagé.
Nous proposons également de supprimer la majoration des tarifs pour les patients non pourvus d’un médecin traitant, qui constitue une double peine pour ceux qui vivent dans un désert médical.
Troisièmement, nous proposons que la première année d’étude en santé médicale soit assurée dans chaque département, pour préparer un meilleur ancrage territorial des médecins.
Enfin, nous proposons de rétablir l’obligation de permanence des soins. Le nombre de médecins qui participent à la permanence des soins ambulatoires diminue d’année en année, particulièrement dans les déserts médicaux. Le Conseil national de l’Ordre des médecins évoque même un désengagement des médecins libéraux.
Pour que cette proposition de loi transpartisane soit adoptée, nous devons faire preuve de courage politique, unir nos forces, faire la synthèse des intérêts en présence et dépasser les intérêts voire les égoïsmes catégoriels pour répondre aux attentes et même au désespoir de nos concitoyens.
M. Yannick Monnet (GDR). Merci, monsieur le rapporteur, de ne rien lâcher dans la lutte contre les déserts médicaux. Si nous faisons tous le même constat, j’observe que de nombreux intervenants se montrent critiques, mais que très peu avancent des propositions alternatives.
J’insiste pourtant sur la dimension transpartisane de ce texte : parmi ses signataires, on compte des députés favorables à la liberté d’installation, comme Philippe Vigier, et d’autres qui y sont plutôt opposés, comme moi. Nous ne partageons pas tout à fait la même conception de ce que devrait être l’organisation de la santé en France, mais cela ne nous a pas empêchés de nous retrouver sur un texte de compromis et d’avancer des solutions. Ces dispositions n’ont d’ailleurs rien de révolutionnaires, ne serait-ce qu’en raison du périmètre nécessairement restreint de toute proposition de loi. Soyez assurés que, si j’avais écrit le texte seul, vous auriez pu y trouver des mesures de coercition, mais ce n’est nullement le cas ici.
Six Français sur dix renoncent à se soigner. Dans ma circonscription rurale, 8 000 personnes de plus de 16 ans n’ont pas de médecin traitant. Je n’en connais pas une qui serait contre ce texte, tant la difficulté d’accès aux soins est réelle.
N’oublions pas que notre système de santé repose sur une logique de solidarité, notamment sur la sécurité sociale. Avoir un regard sur les installations et introduire un minimum de régulation pour garantir l’accès à la santé au plus grand nombre est bien le moins que l’on puisse faire. Stéphanie Rist estime que notre méthode n’est pas la bonne. Pardon de le dire, mais vous êtes au pouvoir depuis 2017 et le désert continue d’avancer. Nous avons au moins le mérite de faire une proposition susceptible d’y remédier.
M. Olivier Fayssat (UDR). Nous sommes évidemment soucieux de régler le problème des déserts médicaux. En revanche, il est dans notre ADN de privilégier l’incitation plutôt que la contrainte. Nous sommes donc opposés à l’article 1er, qui vise à réguler l’installation des médecins, ainsi qu’à l’article 4, qui tend à leur imposer de participer à la permanence des soins.
Un médecin est avant tout un étudiant qui a consenti un investissement personnel important et qui s’est donné du mal pour réussir des études difficiles. Je ne suis pas certain qu’il soit réellement endetté vis-à-vis de la société au moment où il commence à exercer. On impose déjà beaucoup de contraintes aux jeunes médecins. N’en rajoutons pas.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux questions des autres députés.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je félicite le rapporteur pour sa constance et sa volonté de répondre au manque de médecins traitants : c’est là un vrai problème, qui concerne nombre de nos concitoyens.
Malheureusement, l’adoption de cette proposition de loi enverrait deux messages aux effets dévastateurs, d’abord aux étudiants en médecine, qui sont tous défavorables à cette mesure de contrainte, mais aussi aux Français, qui croiront à tort pouvoir trouver un médecin plus facilement. En réalité, ces dispositions seront contre-productives et aggraveront plutôt le problème en décourageant les médecins, qui préféreront pourvoir des postes vacants dans les hôpitaux des grandes villes que s’installer en médecine libérale.
Seuls 14 % des jeunes médecins s’installent en libéral dans l’année suivant l’obtention de leur diplôme. Voilà pourquoi nous manquons de médecins traitants. L’autorisation préalable à l’installation ne répond pas à l’enjeu, qui est plutôt d’encourager ces installations : plutôt que de contraindre les médecins, nous devrions améliorer l’attractivité de la médecine libérale et des zones sous‑dotées. Je défendrai ainsi des amendements visant à faire découvrir ces territoires aux étudiants et à favoriser concrètement leur installation en médecine de ville – car s’établir en libéral, c’est d’abord monter une entreprise, ce qui nécessite un accompagnement spécifique.
M. Hendrik Davi (EcoS). Indéniablement, la France manque globalement de médecins. Néanmoins, la répartition des médecins libéraux sur le territoire est très hétérogène. Il est donc légitime d’organiser un peu mieux leur installation, d’autant que, si les médecins ont une activité lucrative, c’est aussi parce qu’ils sont remboursés par la sécurité sociale.
Ce texte ne résoudra évidemment pas tous les problèmes : il nous faudra aussi augmenter le nombre d’enseignants-chercheurs dans les centres hospitaliers universitaires (CHU) – nous en avons perdu 1 000 depuis 1996 – et réformer l’organisation de la médecine de ville en encourageant le développement des centres de santé pour répondre aux demandes des jeunes médecins, qui sont nombreux à aspirer au salariat. Il permettra néanmoins de franchir une première étape pour assurer une meilleure régulation et lutter contre les déserts médicaux.
M. Xavier Breton (DR). Nous sommes tous confrontés à ces concitoyens en détresse qui s’adressent à nous parce qu’ils n’ont plus de médecin traitant. Les politiques que les collectivités territoriales – communes, intercommunalités, départements, régions – tentent de déployer pour lutter contre la baisse de la démographie médicale, quoique sympathiques, ne sont clairement pas efficaces : la situation se dégrade et continuera de le faire dans les années à venir. On peut s’obstiner à inciter les internes à venir vivre un an en zone rurale pour découvrir comme la campagne est belle, mais chacun sait désormais que cela ne fonctionne pas.
C’est pourquoi je me suis inscrit dans cette démarche transpartisane. Ma famille politique est attachée à la liberté d’installation des médecins, et ce texte ne prévoit nulle coercition : c’est bien d’une régulation, d’un aménagement de cette liberté qu’il s’agit. Chacun a fait un pas pour aboutir à ce compromis. Il serait dommage de manquer cette occasion d’agir et de renvoyer encore une fois toute décision aux calendes grecques.
Nous ne devons pas nous soucier uniquement des étudiants en médecine : nous devons aussi nous préoccuper de nos concitoyens, qui méritent des réponses enfin efficaces et pertinentes. Je soutiendrai donc ce texte.
Mme Justine Gruet (DR). Merci de mettre sur la table ce sujet essentiel. Il est vrai qu’au regard des difficultés d’accès aux soins observées sur l’ensemble du territoire, notre système de santé peut paraître défaillant.
Nous ne devrions toutefois pas faire reposer ce problème uniquement sur les médecins qui sortent de l’école : il faut mobiliser l’ensemble des généralistes et des spécialistes, en promouvant une forme de solidarité territoriale. Dans le Jura, nous avons créé un cabinet de soutien territorial au sein duquel interviennent, sous le statut de salarié et à raison d’un ou deux jours par mois, des retraités, des étudiants n’ayant pas encore soutenu leur thèse, des médecins remplaçants, ou encore des praticiens exerçant dans des zones qui ne sont pas sous‑dotées.
On oblige déjà les enseignants à travailler en région parisienne à la sortie de l’école. Résultat : le nombre de postes à pourvoir est supérieur au nombre de candidats et des professeurs tout juste diplômés se trouvent affectés dans des territoires où les classes sont plus difficiles à gérer qu’ailleurs. Si le nombre d’enseignants baisse, c’est aussi parce qu’on leur impose de commencer leur carrière ailleurs que là où ils vivent ou ont été formés. Par contraste, pouvoir bénéficier de l’expérience de confrères installés depuis trente ans pourrait aider les jeunes médecins à accepter de s’installer dans des territoires vers lesquels ils ne se seraient pas spontanément orientés.
Le terme « sous‑doté » n’est en outre pas tout à fait juste, puisque les manques concernent tout le pays.
Le texte me semble par ailleurs prématuré, dans la mesure où les docteurs juniors commenceront à exercer en novembre 2026. Mon département accueillera ainsi vingt‑six docteurs, répartis entre les trois circonscriptions. Il reviendra aux intercommunalités d’organiser leur accueil au mieux. Les médecins pourront également s’emparer de ces sujets à travers la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS). Je leur fais toute confiance pour agir en ce sens, car quand on s’engage dans cette discipline, c’est avant pour prendre soin des patients.
M. Nicolas Turquois (Dem). Je salue l’initiative du rapporteur, car je constate, dans mon département comme probablement dans le sien, combien il est compliqué d’avoir accès à un médecin. Je m’interroge cependant : si l’on interdit à un nouveau médecin de s’installer là où il le souhaite, par exemple sur la côte, décidera-t-il instinctivement de s’établir en Mayenne ou dans la Vienne ? Peut-être le fera-t-il s’il en est originaire. En ce sens, la territorialisation des études est une idée intéressante, car qui aurait intérêt à venir dans la petite ville de Loudun, si ce n’est quelqu’un ayant une attache avec ce territoire ?
Votre proposition pourrait jouer dans certains cas et elle a le mérite d’exister, mais il me semble qu’il faut avant tout s’interroger sur les lieux de formation ainsi que sur les postes vacants dans les hôpitaux, qui attirent forcément les nouveaux professionnels – car il est plus facile d’intégrer un service hospitalier que de s’installer en libéral, surtout pour des jeunes qui n’ont pas forcément cette culture. Nous pouvons néanmoins essayer les mesures que vous proposez, même si elles risquent de ne produire que des résultats modestes.
M. Nicolas Sansu (GDR). Je salue à mon tour l’initiative de Guillaume Garot, qui a été pionnier sur cette question et que j’ai rejoint dès le début.
Depuis des années, diverses actions ont été tentées pour tenter de régler ce problème récurrent, sans succès. Prenons deux exemples. Dans ma circonscription, un cabinet médical financé par des fonds publics – puisque c’est ainsi que les choses fonctionnent désormais – vient de convaincre un médecin exerçant 12 kilomètres plus loin de le rejoindre. En contrepartie, ce médecin touchera 50 000 euros, ce qui est proprement effarant. Dans la Nièvre voisine, à Nevers, pour désengorger les urgences, on fait venir en avion des médecins depuis Dijon. Dans quel monde vivons-nous ? Très clairement, les règles actuelles ne fonctionnent pas : nous connaissons tous des maisons de santé pluriprofessionnelles vides, nous avons tous assisté à des guerres entre maires pour trouver un médecin. Ce n’est pas acceptable.
La question de la régulation, qui n’est nullement une coercition, se pose précisément parce que ce qui a été tenté auparavant n’a pas permis d’endiguer les inégalités, qui continuent de se creuser. Ma ville comptait vingt-trois médecins libéraux il y a vingt‑cinq ans. Désormais, elle n’en compte plus que deux, auxquels s’ajoutent onze médecins répartis dans deux centres de santé : les jeunes privilégient l’exercice regroupé de la médecine et ne s’installent plus en libéral.
Cette proposition de loi a au moins le mérite de poser un acte fort pour nos concitoyens.
Mme Joëlle Mélin (RN). Si nous voulons nous en sortir – et il le faudra –, nous devons comprendre pourquoi et comment nous en sommes arrivés là. Le concept de maîtrise médicalisée des dépenses de soins ne date pas d’hier, puisqu’il apparaissait déjà dans la convention médicale signée en 1980. Depuis, au fil des lois, on a accumulé les fausses bonnes idées, au motif de cette fameuse maîtrise. C’est de nouveau le cas avec cette proposition de loi.
Le cœur du problème, en réalité, c’est l’attractivité : les études ne sont plus du tout attractives. Comment choisir ce métier passionnant si c’est pour errer deux années en parcours d’accès spécifique santé (Pass) ou en licence accès santé (LAS), ne voir les malades qu’à partir de la troisième ou quatrième année, et se voir imposer une dixième année d’étude ? Comment accepter de devenir une variable d’ajustement environnementale en s’installant dans des déserts qui ne manquent pas seulement de médecins, mais aussi de services publics et d’emplois – comme en témoigne la fermeture de deux cents officines chaque année, alors que les pharmaciens bénéficient pourtant d’un numerus clausus d’installation qui leur garantit un certain chiffre d’affaires ? Et ce ne sont pas les propositions du professeur Vallancien, le pape de la pensée technocratique, qui veut transformer les médecins en manageurs d’un système financiarisé plutôt que de les former, qui amélioreront la situation.
Soyons prudents : l’article 1er pose de gros problèmes. N’ajoutons pas une nouvelle fausse bonne idée à des difficultés bien réelles.
Mme Marie-José Allemand (SOC). Le département des Hautes-Alpes a été cité plusieurs fois en exemple. Il est vrai que, dans le secteur du Champsaur-Valgaudemar, pourtant isolé, la volonté d’un médecin généraliste, le docteur Zecconi, a permis de créer trois maisons de santé et de faire venir de jeunes médecins qui se sont installés durablement. Dans le sud du département, toutefois, les communes en sont réduites à chercher des solutions pour permettre aux habitants de se soigner, comme à Orpierre, où des navettes leur sont proposées pour se rendre à Aix-en-Provence ou Marseille. Les disparités sont donc fortes. J’espère que ce texte permettra de les combler.
L’article 3, qui prévoit de permettre aux jeunes de se former dans leur département, est aussi très important pour faciliter le passage du lycée à la faculté de médecine, qui fonctionne de façon totalement différente. Nous pouvons d’ailleurs compter, dans les Hautes-Alpes, sur des professeurs qui s’impliquent bénévolement dans les lycées pour accompagner les élèves.
Mme Murielle Lepvraud (LFI-NFP). Le texte répond également à une demande de nombreux élus locaux, qui nous ont alertés sur la situation désastreuse à laquelle ils sont confrontés, notamment en zone rurale. Rappelez-vous : une maire avait même interdit à ses administrés de tomber malades. Dans mon département des Côtes-d’Armor, plus de cinquante maires ont pris des arrêtés enjoignant à l’État d’agir urgemment pour faciliter l’accès aux soins. Vingt-neuf d’entre eux ont été assignés devant le tribunal administratif par la préfecture, qui veut faire suspendre ces arrêtés. La décision sera rendue demain.
Ce texte d’intérêt général nous permettrait de répondre non seulement aux attentes de la population, mais aussi à celle des élus locaux, qui nous demandent d’agir très rapidement.
Mme Delphine Batho (EcoS). J’ai reçu le message suivant :
« Madame la députée,
« Je prends ce sujet qui me tient à cœur : la limitation de la liberté d’installation des praticiens, sujet que vous soutenez avec M. Garot et tous les autres députés, ceci à un moment où ma spécialité médicale, la gastro-entérologie, se casse la figure dans notre région Poitou-Charentes. Dans les Deux-Sèvres, en 2016, quatorze gastro-entérologues ; à l’automne 2025, ils ne seront plus que 6,4. J’ai cru voir ou entendre qu’une partie de la loi était passée pour les dentistes en 2025. Qu’en est-il pour les médecins généralistes et spécialistes ? Depuis deux ans, nous ne faisons plus correctement le dépistage du cancer du côlon dans les Deux-Sèvres, faute de moyens, et demandons à nos patients d’aller en Charente-Maritime ou en Gironde. Il y aura probablement des pertes de chance pour les patients. Le Conseil de l’Ordre est-il toujours opposé à cette loi ?
« Merci pour vos réponses et pour votre aide, car au moment où je pars à la retraite, j’aimerais informer correctement mes patients et la population sur notre avenir sanitaire. »
Ce message témoigne d’une réalité qu’il faut aussi prendre en compte : la souffrance des médecins qui restent, et qui attendent du renfort. La situation sur le terrain n’est plus celle que certains d’entre vous ont décrite et qui prévalait encore il y a cinq ou dix ans. Dans les Deux-Sèvres, 29 579 patients n’ont pas de médecin traitant. Ce sont autant de pertes de chance, de cas qui doivent être traités à l’hôpital parce qu’ils n’ont pas été pris en charge en médecine de ville – ou de campagne, en l’occurrence. Combien ces situations coûtent-elles à la sécurité sociale ?
Je perçois un décalage entre la situation sur le terrain et les discours que certains tiennent dans cette commission.
M. Michel Lauzzana (EPR). Je ne reviendrai pas sur le constat, que nous partageons tous. Certains ici estiment que, puisque nos actions passées n’ont pas encore porté leurs fruits, il faudrait absolument tenter quelque chose de nouveau.
Mais qu’en est-il des effets pervers qui, à coup sûr, aggraveront la situation ? Les étudiants en médecine vous ont fait part de leur rejet, dont l’ampleur montre bien qu’ils trouveront des stratégies pour ne pas avoir à s’installer là où ils ne le souhaiteront pas. Ils pourront suivre des formations complémentaires, ou encore s’orienter vers la médecine salariée, ce dont il résultera nécessairement une perte de temps médical, puisque les médecins libéraux travaillent au moins 50 heures par semaine, contre 35 heures pour les médecins salariés.
Nous savons aussi que la désertification médicale en ville concerne encore davantage les spécialités que la médecine générale. Or, comme Thibault Bazin l’a souligné, ces dernières ne font l’objet d’aucun zonage. Vous allez pousser au départ des généralistes, qui adopteront des stratégies d’évitement et préféreront devenir salariés et exercer en entreprise ou à l’hôpital. Certes, les médecins salariés manquent également, mais, pour beaucoup, le professionnel de premier recours est bien le généraliste dans les campagnes.
Enfin, comment comptez-vous répondre aux demandes des maires des grandes villes, comme Toulouse, qui subissent eux aussi la désertification médicale ? Les jeunes privilégieront certainement ces agglomérations, qui ont également besoin de médecins, au détriment des campagnes.
Mme Béatrice Bellay (SOC). Dans les pays des océans, dits d’outre-mer, on mesure depuis bien longtemps la perte de chance liée au manque d’accès aux soins : le risque n’y est pas d’être mal soigné, mais de mourir. Lorsqu’il faut rapatrier un malade par avion sur 8 000 kilomètres parce qu’on n’a pas su le soigner à l’hôpital ou en cabinet en raison de son isolement ou de son âge – la Martinique sera dans dix ans le plus vieux département de France, avec toutes les pathologies que cela implique –, la question des déserts médicaux se pose avec d’autant plus d’acuité.
Toutes les solutions ont certes leurs imperfections, mais cela ne signifie pas qu’il ne faille rien faire. J’ai échangé récemment avec M. Nayaradou, étudiant en médecine, qui se réjouissait de ce que, depuis 2023, il soit possible d’effectuer un cycle complet d’études de médecine aux Antilles. Il estimait néanmoins qu’il faudrait également prévoir des aides à l’installation. Juste avant lui, j’ai rencontré de jeunes médecins qui, ayant bénéficié de telles aides, reconnaissaient qu’il serait peut-être nécessaire de forcer un peu les choses, sans quoi ils choisiraient effectivement les endroits les plus attractifs pour eux, alors qu’ils devaient bien à la société de s’installer là où les besoins sont les plus grands.
Je soutiens ce texte transpartisan, que j’apprécierai avec un regard particulier pour les pays des océans, dont la situation doit être examinée avec encore plus attention que celle des campagnes, qui sont pourtant déjà en grande difficulté.
M. Arnaud Simion (SOC). Nous avons beaucoup parlé des collectivités, mais peut‑être pas suffisamment évoqué la concurrence quelquefois féroce qu’elles se livrent pour accueillir des professionnels de santé – ici une place en crèche, là un logement ou une MSP. Les inégalités existantes les incitent, dans un moment de raréfaction des budgets, à mobiliser des moyens financiers pour régler des problèmes qui ne relèvent pas de leur compétence.
Il faut donc voter cette proposition de loi.
M. le rapporteur. Je me réjouis de la qualité de nos échanges et des arguments avancés.
Nous présentons un texte de compromis entre différentes sensibilités politiques qui n’ont pas l’habitude de travailler ensemble, un texte qui peut nous rassembler pour avancer, pour offrir des perspectives, pour redonner espoir à des millions de Français qui se sentent abandonnés. Il est de notre responsabilité d’ouvrir un chemin. Ce que nous proposons est le fruit d’un travail de deux années et demie, au cours duquel nos convictions se sont rapprochées.
Certains d’entre vous demandent qui serait concerné par la régulation de l’installation, mettant notamment en avant l’exercice libéral de la médecine. Vous avez raison, puisque le texte porte non seulement sur les généralistes, mais aussi sur les autres spécialistes en ville. D’autres craignent qu’en donnant le sentiment de compliquer l’installation en médecine libérale, on entraîne des déportements vers le salariat. J’ai donc déposé un amendement afin de préciser que la régulation, dans les territoires considérés, concernera également les médecins salariés exerçant en centre de santé. Vous n’aurez ainsi plus à vous inquiéter de ce que certains ont appelé une stigmatisation des médecins libéraux. Nous continuons de chercher le compromis et les voies du dialogue, comme nous l’avons toujours fait.
Les praticiens concernés seront donc non seulement les médecins libéraux, généralistes comme spécialistes, mais aussi les médecins salariés, généralistes comme spécialistes, conventionnés ou non. C’est bien l’approche territoriale qui prévaudra.
En l’état actuel du droit, seul 13 % du territoire national sera concerné : pour 87 % du pays, situés en zone d’intervention prioritaire (ZIP) ou en zone d’action complémentaire (ZAC), rien ne changera. Certains estiment, à raison, qu’il faudra remettre sur le métier la question du zonage national, pour disposer d’une photographie aussi fidèle et dynamique que possible, afin de pouvoir anticiper les futurs départs à trois ou cinq ans. Nous y sommes prêts et nous ferons des propositions pour rendre cet outil de pilotage aussi fin et efficace que possible.
Enfin, à entendre certains, la régulation ne serait pas efficace. Pardon, chers collègues, mais elle l’est. Pourquoi fonctionnerait-elle pour toutes les professions de santé, sauf pour les médecins ? Les pharmaciens obéissent à des règles d’installation.
Mme Stéphanie Rist (EPR). Et les pharmacies ferment !
M. le rapporteur. Il y a des officines partout en France : aucun département, aucun territoire n’en est dépourvu. La même démonstration vaut pour les infirmières et pour les masseurs-kinésithérapeutes. D’après une note de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé publiée en 2022, que je vous invite à consulter, « Le “zonage infirmier”, introduit depuis 2012, a permis d’améliorer la répartition territoriale des infirmières libérales. Son impact est particulièrement marqué dans les territoires surdotés. » Un dispositif de régulation similaire s’applique aux chirurgiens-dentistes, sans que cela pose de difficulté.
Je vous renvoie à la récente étude conduite par un chercheur associé à l’université de Lille, qui, tentant d’évaluer la portée de notre proposition, a conclu qu’elle concernerait chaque année environ 400 généralistes qui ne pourront plus s’installer dans les 13 % du territoire déjà suffisamment dotés. Un médecin suivant en moyenne 1 700 patients par an, ce seraient ainsi 600 000 personnes habitant dans les 87 % restant qui pourraient retrouver un médecin tous les ans. Voilà qui devrait nous interpeller, nous qui sommes réunis pour trouver des réponses ensemble, dans cet esprit de dialogue et de compromis qui nous a permis d’avancer et dont nous espérons que vous le partagerez tous.
Article 1er : Instauration d’une régulation de l’installation pour les médecins dans les zones surdotées
Amendements de suppression AS3 de M. Paul-André Colombani, AS8 de M. Thibault Bazin, AS25 de M. Thierry Frappé, AS53 de M. Isaac-Sibille, AS68 de M. Jean-François Rousset, AS74 de Mme Stéphanie Rist et AS82 de M. Frédéric Valletoux
M. Paul-André Colombani (LIOT). Je partage le constat qui a été fait. Diverses choses, trop nombreuses pour être résumées en quelques minutes, ont été tentées. Personne, malheureusement, n’a de baguette magique. En revanche, il est certain que cet article est une fausse bonne idée, pour de multiples raisons.
D’abord, il nuira à l’attractivité de l’exercice libéral, donc aux nouvelles installations. Ensuite, puisque les médecins manquent partout, il sera facile de contourner cette mesure en optant pour l’hôpital, la médecine scolaire, la médecine du travail, voire la médecine esthétique ou, pire, le secteur 3. Des effets de bord bien réels se feraient donc ressentir si ces dispositions devaient s’appliquer.
Les précédents ne sont pas non plus encourageants : l’Allemagne, qui a instauré une mesure comparable, en revient. Le numerus clausus imposé aux infirmières a en partie résolu le problème dans les zones surdotées, mais pas ailleurs.
Il faudra enfin aller expliquer, dans chaque circonscription, quelles sont les zones où aucun nouveau médecin ne pourra s’installer, ce qui sera loin d’être aisé. On atteint ici les limites de la démagogie des quelque 250 signataires de cette proposition de loi.
M. Thibault Bazin, rapporteur général. Vous n’avez pas répondu à ma question sur les spécialités non soumises à un zonage. Comment votre dispositif pourrait-il s’y appliquer ?
Puisqu’on nous a accusés de ne pas formuler de propositions, je précise que j’ai déposé des amendements qui ont été jugés irrecevables, notamment en vue de créer des assistants territoriaux, qui auraient été efficaces très rapidement, ou encore d’intégrer des modules préparatoires au concours de première année de médecine dans les cursus de première et de terminale pour les départements en difficulté – même si je reconnais qu’il s’agit là d’une mesure de plus long terme.
Votre amendement AS84 mêle installation et salariat, ce qui pose un problème légistique. D’une part, le code de la santé publique renvoie les modalités d’installation au domaine réglementaire. D’autre part, peut-on parler d’installation pour un médecin exerçant à titre salarié ? Ce point mériterait de faire l’objet d’une expertise.
Nous devrions avant tout nous demander comment faire en sorte que davantage d’étudiants fassent le choix de l’installation. Cet article le permettra-t-il ? Voulons-nous augmenter le flux, ou le répartir différemment ? Dans un contexte de pénurie, avec tant de postes à pourvoir, ne risquons-nous pas de réduire encore le nombre d’installations, sans que cela soit compensé par une meilleure répartition des praticiens en faveur des 87 % de déserts médicaux ?
M. Thierry Frappé (RN). L’adoption de l’article 1er risquerait de décourager les vocations médicales et d’aggraver la crise des ressources humaines dans le domaine de la santé.
L’installation des professionnels de santé repose sur des choix personnels et familiaux légitimes, liés à la qualité de vie, aux conditions de travail et aux opportunités professionnelles. Imposer des contraintes géographiques pourrait rendre l’exercice libéral moins attractif et détourner les futurs médecins vers d’autres modes d’exercice ou d’autres pays. La coercition ne permet pas de traiter les véritables causes de la désertification médicale telles que la diminution de l’attractivité du métier, la dégradation des conditions de travail, l’absence d’infrastructures adaptées et la lourdeur administrative. Il serait plus opportun d’inciter les médecins à exercer dans les zones sous‑dotées en améliorant leurs conditions d’installation, en renforçant l’exercice coordonné et en simplifiant les démarches administratives.
L’article 1er pourrait également créer des disparités et susciter des frustrations au sein du corps médical. Alors que les professions de santé nécessitent une formation longue et exigeante, il serait injuste d’imposer aux seuls médecins des obligations d’installation sans tenir compte des difficultés que cela provoquerait, tant pour eux que pour leurs patients. Je le répète, il faut préférer aux mesures coercitives des politiques incitatives fondées sur l’accompagnement, la valorisation des territoires en tension et l’amélioration des conditions d’exercice.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Croyez-vous sincèrement qu’en empêchant des médecins, généralistes ou spécialistes, de s’installer sur 13 % du territoire, vous les inciterez à exercer en libéral sur les 87 % restants ? Pour contourner cette contrainte d’installation, ils se tourneront plutôt vers l’hôpital, où des milliers de postes ne sont pas pourvus.
M. Jean-François Rousset (EPR). Après des années de régulation des entrées en études de médecine, allons-nous voir venir des années de régulation des sorties ?
Ce texte fera des dégâts et des déçus.
Des déçus, d’abord, parce que de multiples exemples étrangers montrent que la régulation de la pénurie ne fonctionne pas. Au Royaume-Uni, un rapport de 2017 l’a qualifiée d’« échec désastreux », tandis que les mesures allant dans ce sens en Suisse et au Québec n’ont pas fonctionné. Aux Pays-Bas, cette politique a même été abandonnée en 1992. Du reste, ce texte vise à créer une véritable usine à gaz, à l’heure où tout le monde aspire à la simplification.
Des dégâts, aussi, pour nos jeunes étudiants, qui ont déjà du mal à s’installer en médecine générale : ils iront donc ailleurs. Ceux qui envisagent de s’engager dans des études de médecine risquent d’en être dissuadés : ainsi, depuis que l’installation des pharmaciens est régulée, les étudiants sont moins nombreux dans les facultés de pharmacie. Quant aux médecins déjà installés, ils se verront stigmatisés, bien qu’ils ne soient en rien responsables de la situation actuelle. Alors que 6 400 candidats ont été reçus au concours en 1981, le nombre de places offertes n’était plus que de 3 500 en 1995, avant de remonter pour atteindre 7 500 en 2012. Personne, à l’époque, n’a souhaité relever le numerus clausus, alors que les données démographiques étaient déjà connues.
Notre choix est bien différent : c’est celui de la confiance et du pragmatisme. S’il n’y a pas assez de médecins, alors il faut en former davantage. Voilà pourquoi nous avons supprimé le numerus clausus, en 2018, créé la fonction d’assistant médical et autorisé l’accès direct aux kinésithérapeutes, pharmaciens, orthophonistes et sages-femmes. Nous avons aussi proposé des partages de compétences, notamment dans la proposition de loi sur la profession d’infirmier, dans le cadre d’un exercice coordonné où le médecin généraliste a toute sa place. Nous avons favorisé les structures de soins coordonnés telles que les CPTS. Grâce à la création de la dernière année de spécialité en médecine générale, des docteurs juniors iront, dès la rentrée 2026, dans tous les territoires : ils seront 3 700 l’année prochaine, dont trente‑quatre dans le Cantal, trente-quatre en Ardèche et quarante-cinq en Mayenne. Leur nombre augmentera progressivement, puisque les étudiants en médecine sont de plus en plus nombreux : 12 000 ont été admis en deuxième année en 2024, tandis que 16 000 lauréats sont attendus en 2027.
Ces mesures de bon sens sont progressivement mises en œuvre. La Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) constate d’ailleurs que 25 % des patients qui n’avaient pas de médecin traitant il y a trois ans en sont maintenant pourvus. Nous nous concentrerons désormais sur la formation et le développement de ces mesures. Comme l’a dit un homme politique célèbre, il faut laisser du temps au temps !
Mme Stéphanie Rist (EPR). J’aimerais expliquer mon opposition à cet article 1er en relevant les problèmes pratiques que poserait sa mise en œuvre. Je note qu’il ne concerne que les généralistes, puisqu’il n’y a pas de zonage pour les spécialistes.
Vous nous dites de ne pas nous inquiéter, car 91 % du territoire ne sera pas concerné. Effectivement, 97 % de la région Centre-Val de Loire appartient à une ZIP ou à une ZAC : les médecins sont tranquilles, puisqu’ils pourront s’installer partout. En revanche, l’Aquitaine ne sera couverte qu’à 50 % ou 70 % par ces zones redéfinies : vous pourrez donc prélever des médecins dans au moins 30 % du territoire.
Si je ne me trompe pas, vous estimez qu’environ 400 médecins pourraient être ainsi redistribués.
M. le rapporteur. Par an !
Mme Stéphanie Rist (EPR). Or, 400 médecins pour 91 % du territoire, c’est 400 médecins pour 32 760 communes. Il va donc falloir faire des choix.
Par ailleurs, comment réagiront les étudiants en médecine ? Mettons-nous à la place de celui qui aurait étudié à Nice, Bordeaux ou Lyon, et qui voudrait rester dans cette ville. Pour y exercer comme généraliste, il devra demander une autorisation à l’ARS, qui la lui refusera, à moins qu’un médecin parte à la retraite. Il encouragera donc un médecin déjà installé à prendre sa retraite plus tôt et à lui vendre sa clientèle : il en résultera une diminution du temps médical.
Une autre solution, pour ce jeune médecin désireux d’exercer dans la ville où il a étudié, sera de travailler à l’hôpital. En dépit de votre amendement AS84, qui vise à étendre le champ d’application de l’article aux médecins exerçant à titre salarié, comment pourrez‑vous l’empêcher de prendre un poste à l’hôpital de Nice, dans un centre de santé ou dans une clinique privée ? Là encore, vous allez plutôt diminuer le temps médical disponible, qui est moindre dans ces structures collectives que dans le cadre d’un exercice libéral.
Une troisième possibilité sera de choisir une autre spécialité. Ainsi, certains étudiants en deuxième ou troisième année d’internat arrêtent leur cursus pour s’installer où ils le veulent en tant que micronutritionnistes ou phytothérapeutes. C’est contre cette tendance que nous devons nous battre.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous avons déjà débattu de ce sujet majeur, qui a trait à l’accès aux soins, en juin 2023. Nous avions repoussé, en séance publique, l’instauration d’une régulation, qui apparaissait déjà comme une fausse solution.
Nous pourrions tous citer, comme Mme Batho, des témoignages de patients désespérés, qui ont du mal à accéder aux soins. On leur fait croire qu’une régulation de l’installation des médecins permettrait d’améliorer leur situation ; or cette proposition n’est malheureusement qu’une chimère.
Pour améliorer l’accès aux soins, il faut d’abord former davantage de médecins. C’est incontournable. Là encore, essayons d’être nuancés : alors que M. Monnet prétend que rien n’a été fait ces dernières années...
M. Yannick Monnet (GDR). Ce n’est pas ce que j’ai dit ! J’ai simplement constaté que le désert avance !
M. le président Frédéric Valletoux. Certes, mais nous avons agi. Entre 2005 et 2017, le numerus clausus était bloqué autour de 7 000 étudiants par an : ni la droite ni la gauche n’ont fait en sorte d’améliorer la situation. Aujourd’hui, 12 000 étudiants peuvent accéder en deuxième année de médecine, et ce nombre augmente à chaque rentrée. Cependant, on met dix ans pour former un généraliste, et quinze ans pour un spécialiste.
Le deuxième enjeu est de donner envie d’exercer dans tous les territoires. Or les jeunes médecins nous disent qu’ils ne veulent pas de la régulation – ce que je regrette, car, pour ma part, ce dispositif ne m’effraie pas. D’ailleurs, seuls 10 % à 12 % des jeunes s’installent en libéral. Ils ont déjà du mal à accepter les contraintes du métier de généraliste, dont ils se détournent : ce n’est donc pas en ajoutant une difficulté supplémentaire que nous le rendrons plus attractif. On ne peut pas faire le bonheur des gens contre eux. Alors que les pharmaciens étaient volontaires pour une régulation, le tissu des officines se casse la gueule – nous en reparlerons dans quelques années. Ainsi, je doute de l’efficacité d’un dispositif qui emmènerait les gens là où ils n’ont pas envie d’aller. Pour le reste, je me fiche des interventions des lobbys et des opinions des uns et des autres.
Étant très pessimiste quant à la portée de ce dispositif, je propose moi aussi sa suppression.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Vous dites que seuls 14 % des jeunes médecins s’installent en libéral : cela montre bien que le système ne fonctionne pas.
En outre, les médecins exercent une mission de service public et doivent donc respecter les valeurs qui vont avec : il est absolument indispensable qu’ils puissent accueillir tout le monde et répartir les soins dispensés sur l’ensemble du territoire. C’est ce que permet précisément la proposition de loi de M. Garot, qui me paraît à ce titre intéressante. La répartition équitable du service public de santé doit passer avant les préoccupations des jeunes médecins. Le principe supérieur que nous devons tous suivre, dans notre assemblée, est la préservation de la santé des Français.
Mme Murielle Lepvraud (LFI-NFP). Les auteurs des amendements de suppression ont mis en avant le manque d’attractivité du métier. Or cette proposition de loi vise précisément à améliorer les conditions de travail des médecins, en répartissant leur présence, et donc leur charge de travail, de manière plus harmonieuse sur le territoire. Nous voulons éviter que des médecins soient surchargés de travail tandis que des patients soient laissés à l’abandon. Du reste, l’exercice collectif et salarié de la profession de médecin permet également une amélioration des conditions de travail, puisque l’appartenance à un centre de santé monodisciplinaire diminue en moyenne de cinq heures par semaine le temps de travail d’un médecin.
Alors que les médecins choisissent leur installation depuis de nombreuses années, 87 % du territoire peut être qualifié de désert médical. La profession n’est donc pas parvenue à assurer par elle-même un maillage équitable du territoire. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons légiférer. Il est hors de question de supprimer l’article 1er, l’instauration d’une régulation étant au cœur de notre proposition de loi.
M. Christophe Bentz (RN). Cette proposition de loi dénote en réalité une conception très socialiste du système de santé : que l’on soit deux, dix ou cinquante à vouloir du gâteau, vous vous échinez à le diviser, encore et encore. Or, dans le socialisme, tout le monde est perdant. Au sein du désert médical français, il y a quelques zones à peu près dotées, ou tout juste dotées, et beaucoup de zones sous‑dotées. La coercition que vous proposez ne fera donc, au mieux, que déplacer des médecins des zones à peu près dotées vers des zones sous‑dotées. Autrement dit, vous allez créer de nouveaux déserts médicaux.
M. Arnaud Simion (SOC). Cette proposition de loi est transpartisane, et non socialiste, même si cela ne me déplairait pas.
Les mesures incitatives ne sont pas déterminantes dans le choix d’installation d’un médecin. Ainsi, la Cour des comptes souligne, dans son rapport public thématique de mai 2024 consacré à l’organisation territoriale des soins de premier recours, que les incitations financières à l’installation ne jouent que marginalement dans le choix du lieu d’exercice ; à l’inverse, les facteurs personnels et les conditions d’exercice, notamment la possibilité de maîtriser sa charge de travail et surtout de ne pas être isolé professionnellement, apparaissent déterminants, pour ne pas dire essentiels.
Par ailleurs, la régulation fonctionne. Ainsi, la profession de pharmacien, régulée de manière stricte et ancienne, se caractérise par un maillage territorial dense et équitable. La France compte trente officines pour 100 000 habitants, contre vingt-huit, en moyenne, dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques. L’immense majorité de la population française a accès à une officine en moins de 15 minutes de trajet routier, et plus du tiers des officines sont situées dans des communes de moins de 5 000 habitants.
La régulation à l’installation a également fait ses preuves à l’étranger. Ainsi, depuis la réunification, l’Allemagne régule le conventionnement des médecins par le biais d’associations de professionnels, qui ne délivrent pas de nouvelle autorisation d’installation si le quota de médecins défini pour la zone dépasse 110 %. En 2018, une étude de la sécurité sociale allemande estimait que 99,8 % de la population du pays avait accès à un médecin généraliste en moins de 10 minutes en voiture, et que 99 % des Allemands pouvaient atteindre un spécialiste en moins de 30 minutes.
M. Yannick Monnet (GDR). On parle beaucoup de ce que veulent les médecins, mais jamais de ce que veulent les patients. Or ces derniers ont besoin d’être soignés. Vos amendements de suppression dénotent une position très idéologique : vous refusez toute discussion sur la question de la régulation. À aucun moment le rapporteur n’a prétendu que la proposition de loi transpartisane était une solution miracle, qui allait tout régler. Nous pensons cependant qu’elle va améliorer les choses.
Que vous ayez des exigences, je trouve cela très bien. Même si tous les dysfonctionnements que vous mettez en avant existent déjà en l’absence de régulation, rien ne vous empêche de faire usage de votre droit d’amendement pour rentrer dans le débat. Puisque le rapporteur se montre ouvert, vous pourriez même être entendus ! Refuser le débat sur la régulation, c’est, en quelque sorte, accepter les déséquilibres.
J’ai écouté les arguments du Rassemblement national. Non, il n’y a pas que des territoires moyennement dotés et des territoires sous‑dotés : il y a aussi des territoires très bien dotés en médecins libéraux. Vous pouvez obtenir un rendez-vous chez un angiologue en dix jours à Paris, quand il faut compter six mois à Moulins.
Vous essayez de faire peur aux médecins, mais cette proposition de loi n’a rien de coercitif. Une mesure coercitive serait, par exemple, d’interdire aux médecins d’être élus députés, parce qu’il faut conserver du temps médical. (Applaudissements.)
M. Philippe Vigier (Dem). Je constate que la défense de ces amendements de suppression mobilise un ancien ministre, le rapporteur général et le président de la commission. Tout le monde y va de son couplet pour barrer la route à cette modeste proposition de loi.
Nous n’avons absolument pas l’intention de tout régler. Contrairement au personnage interprété par Alain Delon dans le magnifique film Le Guépard, nous ne voulons pas que « tout change pour que rien ne change ».
Personne ne parle du burn-out des médecins qui reçoivent cinquante patients par jour. Ils suivent nos débats ce matin, et certains m’envoient des SMS pour me remercier de penser à eux.
Personne ne parle non plus des toubibs de 70, 75 ou 80 ans qui assurent des remplacements et sans qui tout le système s’effondrerait. Nos collègues de gauche apprécieront certainement ce cumul emploi-retraite !
L’article 1er n’empêcherait que 500 ou 600 installations de médecins dans les zones surdotées. En séance, je pourrai essayer de prendre, sur Doctolib, un rendez-vous chez un dermatologue à Biarritz... Essayons, tous ensemble, de faire un petit effort !
L’exercice de la médecine généraliste n’est plus attractif. Lorsque seuls 14 % des jeunes médecins s’installent en libéral, c’est que le système ne fonctionne plus.
Enfin, puisque vous êtes, comme moi, très attachés à la liberté, j’espère que vous allez déréglementer entièrement l’installation des pharmaciens, des infirmiers, des kinés et des dentistes. On ne peut pas dire qu’une vérité en deçà des Pyrénées est une erreur au-delà !
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Nous pouvons tous nous retrouver sur la nécessité d’une meilleure répartition des médecins. Le débat porte sur le moyen d’y parvenir.
La médecine, en France, est exercée dans deux cadres : un cadre administré, géré par un ministre, qui est le système hospitalier, et un cadre libéral. Or le système hospitalier, administré, ne se distingue pas par une meilleure répartition des médecins entre les CHU et les petits hôpitaux : les zones désertifiées sont les mêmes. Là où il y a moins de médecins libéraux, il y a aussi moins de médecins à l’hôpital. Au lieu de vouloir réguler le système libéral, commençons donc par mieux administrer ce qui est de notre ressort et qui souffre des mêmes maux !
L’adoption de l’article 1er enverrait deux messages absolument délétères : elle ferait croire à nos concitoyens que les choses vont s’améliorer, alors qu’il n’y aura pas une installation de médecin libéral de plus dans les territoires sous‑dotés, et elle déstabiliserait les étudiants en médecine, opposés à cette mesure.
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Il faut aborder la situation avec beaucoup d’humilité, comme le fait ce texte. À aucun moment nous n’avons prétendu tout résoudre grâce à l’article 1er. Notre proposition de loi initiale était d’ailleurs beaucoup plus longue, mais la situation dans laquelle se trouve notre assemblée nous a contraints à la réduire à ces quatre articles.
Le nombre de médecins ayant déposé un amendement de suppression de l’article 1er est assez terrifiant. Dans les territoires, en revanche, de nombreuses associations d’usagers et d’élus se constituent pour réclamer des solutions.
Quand 400, 500 ou 600 médecins généralistes obtiennent leur diplôme, on veut évidemment qu’ils soient répartis au mieux dans l’ensemble du pays. Ce n’est pas en les laissant s’installer dans les 13 % du territoire les mieux dotés que la situation pourra s’arranger ! De même, dire que l’article 1er transformera les zones les mieux dotées en déserts médicaux n’a aucun sens.
Avec humilité et raison, nous devons donc avancer pas à pas pour trouver des solutions. La première des solutions serait effectivement d’avoir plus de médecins, mais nous savons très bien que cela nécessitera du temps. Dans cette attente, nous proposons une mesure visant à répartir au mieux les médecins qui s’installent dans les zones sous‑dotées.
Mme Béatrice Bellay (SOC). Je suis assez étonnée, presque amusée, mais surtout agacée. Même si nous parlons ici de personnes, il faut tenir compte d’une réalité mathématique, qui est très simple : si les jeunes médecins ne sont que 11 % à s’installer en libéral, comme le soulignent les opposants à cet article eux-mêmes, c’est bien que la libéralisation ne fonctionne pas. Si vous avez de meilleures propositions que cette modeste expérimentation, qui permettraient d’atteindre peut-être un taux de 12 %, 13 % ou 14 % d’installations en libéral, alors amendez le texte !
Le débat doit être compréhensible pour nos concitoyens qui suivent nos travaux. Ils ne manqueront pas de s’étonner que des députés médecins se plaignent, à la télévision, de devoir exercer encore à cause des déserts médicaux, alors qu’ils s’opposent ce matin à une expérimentation visant à permettre l’installation de jeunes médecins, auxquels ils pourraient d’ailleurs probablement apprendre le métier.
Mme Stéphanie Rist (EPR). Monsieur Vigier, vous avez parlé des dermatologues, mais l’article 1er ne concerne que les généralistes, puisqu’aucun zonage n’est prévu pour les spécialistes.
Vous plaidez pour une dérégulation de l’installation des pharmaciens, mais les officines ferment, en dépit du mécanisme existant, pour des raisons démographiques. On aura beau instaurer tous les systèmes de régulation possibles, on ne peut pas réguler une pénurie !
À plusieurs reprises, les députés médecins ont été la cible d’attaques que j’ai prises personnellement. M. Monnet, par exemple, a prétendu que nous n’aurions rien fait et que nous aurions même aggravé la situation. Je ne suis pourtant pas sûre que beaucoup d’entre vous aient reçu des menaces de mort en raison de textes qu’ils ont défendus dans notre assemblée. Pour ma part, j’en ai reçu – je ne prétends pas être la seule –, car j’ai soutenu des lois que les médecins refusent, ce qui explique d’ailleurs pourquoi les décrets et arrêtés d’application n’ont pas encore été publiés. Aidez-nous plutôt à faire sortir ces textes, qui pourraient améliorer la situation !
Ce débat est important. Je respecte les positions des uns et des autres, et je considère qu’il est assez normal que la gauche veuille étatiser l’affectation des médecins – car la régulation prônée est une forme d’étatisation (Protestations) –, même si je ne partage pas cette vision des choses. Je conviens qu’un taux d’installation en libéral de 11 % n’est pas suffisant : j’estime donc, pour ma part, qu’il faut prendre des mesures pour le faire augmenter, notamment en faisant converger les modes de rémunération.
Mme Chantal Jourdan (SOC). Certains arguments qui nous sont opposés en soutien aux amendements de suppression méconnaissent une évolution de la pratique de la médecine. Contrairement à ce qui se faisait il y a quarante ou cinquante ans, les médecins travaillent en lien avec de nombreux professionnels paramédicaux, dans le cadre d’un exercice coordonné de plus en plus valorisé. Ainsi, nos concitoyens ont besoin non seulement d’un médecin, mais également de professionnels de santé qui travaillent autour de lui. Tout à l’heure, ma collègue Marie-José Allemand a évoqué une dynamique à l’œuvre dans sa circonscription : de telles initiatives, telles que les créations de CPTS, doivent absolument être mises en avant.
L’expérimentation proposée par ce texte est loin d’être coercitive : elle donne aux médecins des possibilités d’installation extrêmement larges. Il faudra bien entendu valoriser les initiatives visant à rendre attractif l’exercice de la médecine dans certains territoires. Tout l’enjeu est de répondre au cri de nos concitoyens, qui ont vraiment besoin de médecins et de professionnels de santé près de chez eux.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Je déplore qu’un grand brouhaha, principalement suscité par des députés médecins, empêche les orateurs de parler. Tous les opposants à cette proposition de loi sont des médecins, mais tous les médecins ne s’opposent pas à ce texte.
Par ailleurs, je suis un peu choqué d’entendre utiliser le terme de « clientèle », et non de « patientèle », même s’il est plus simple, en Macronie, d’ouvrir un bistrot doté d’une licence IV qu’une pharmacie. (Protestations.)
Il y a quelques instants, le Rassemblement national nous a appelé à faire grossir le gâteau. Il faut quand même rappeler que vous en êtes les pâtissiers, puisque le numerus clausus a été imposé, après Mai 68, par la bourgeoisie réac qui voulait expulser des facs de médecine les étudiants issus des milieux populaires. (Protestations.) C’est vous qui avez voulu rétablir l’élitisme après la prétendue perte de valeurs de Mai 68. Assumez‑le ! Heureusement que nous sommes revenus sur cette mesure !
Vous dites, madame Rist, que l’article 1er ne concerne pas les spécialistes. Dans ce cas, pourquoi voulez-vous supprimer l’alinéa 7, qui les mentionne ? Soit vous ne lisez pas les amendements que vous déposez, soit vous voulez réaliser vous-même ce que dénoncez...
Il est regrettable que nous ne débattions pas du fond du texte. Pour ma part, je trouve l’article 1er doublement efficace.
D’une part, on observe une réduction des inégalités territoriales d’accès aux professionnels de santé dont l’installation est régulée, en même temps qu’une aggravation de ces inégalités s’agissant des professionnels ne faisant pas l’objet d’une régulation. Personne n’a encore réfuté ce constat. S’il est faux, donnez-nous des chiffres qui le prouvent !
D’autre part, on a évoqué la crainte d’un départ des médecins à l’étranger. Or les médecins allemands, dont l’installation est soumise à un mécanisme de régulation, ne partent pas tous en Suisse – les seuls qui s’y installent sont les milliardaires français qui trahissent leur pays. Au contraire, 99,8 % de la population allemande peut atteindre un généraliste en moins de 10 minutes en voiture, et 40 % peut obtenir un rendez-vous chez un spécialiste en moins d’une semaine.
Vous pouvez ne pas voir les bienfaits de la régulation, mais revenez enfin au monde réel ! M. Lauzzana a pris l’exemple de Toulouse. Cette ville, où je suis élu, compte moins de 600 généralistes en activité ; aussi 58 % des Toulousains vivent-ils dans un désert médical, au sens de la Drees. Aux Sept Deniers ou à Lalande, on dénombre un généraliste pour 1 800 habitants, contre un généraliste pour 900 habitants à la Côte Pavée, un quartier plus huppé situé à quelques kilomètres de là. Avec un bon zonage établi par l’ARS, on pourrait enrayer ces disparités, y compris au sein des métropoles. En effet, les grandes villes, où 20 % de la population habite dans des zones surdotées quand les 80 % restants vivent dans un désert médical, attendent également la régulation.
M. Michel Lauzzana (EPR). J’essaierai de m’exprimer calmement, bien que la moutarde me monte au nez quand j’entends parler des médecins députés. J’en ai un peu marre de ces leçons ! Je ne vois pas pourquoi nous, médecins, n’aurions pas le droit d’être élus députés comme tout le monde, au même titre que les profs ou les fonctionnaires. Je suis maintenant retraité, mais lorsque j’étais en activité, je travaillais plus de 70 heures par semaine, tant la demande de soins était forte.
Nous sommes tout à fait conscients des problèmes, et nous avons pris de nombreuses mesures qui porteront leurs fruits, même si cela ne se voit pas immédiatement.
Les syndicats et les représentants des jeunes médecins vous ont fait part de leur opposition très franche à votre proposition de loi. Quand des syndicats de la fonction publique vous sollicitent, vous les écoutez, mais quand des médecins vous exposent leurs arguments, vous les ignorez ! Le message que vous voulez leur envoyer aura des effets délétères, notamment des effets d’évitement : nous allons perdre du temps médical, notamment parce que les jeunes médecins vont choisir des filières salariées.
Effectivement, monsieur Clouet, il va y avoir des besoins à Toulouse. C’est exactement ce que j’ai dit. Cependant, cela ne doit pas nous pousser à déshabiller les zones rurales, moins proches d’un hôpital, ou à les juger moins prioritaires, au risque de les voir subir une désertification plus importante.
M. Thierry Frappé (RN). Mme Rist a rappelé que le zonage ne concernait pas tous les médecins. Il s’agit là du premier écueil auquel se heurte la proposition de loi.
Par ailleurs, M. Thomas Fatome, directeur général de la Cnam, a reconnu que le zonage médical actuel était inefficace. Sa dernière modification date de 2022, alors qu’il devrait être réactualisé tous les deux ans. On réévaluerait donc la densité médicale en se fondant sur des chiffres obsolètes.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Pour une fois, nous avons en commission des affaires sociales un débat pertinent et intéressant.
M. le président Frédéric Valletoux. Tous nos débats sont intéressants !
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Oui, mais pas toujours pertinents. (Protestations.) Ne criez pas, c’est de votre faute !
Hadrien Clouet a raison : le numerus clausus avait été imposé par la bourgeoisie réactionnaire pour empêcher les jeunes des classes populaires d’étudier la médecine. (Protestations.) Ce n’est pas parce que je rappelle des faits historiques que vous devez réagir comme si j’étais Jean-Michel Aphatie ! On a le droit de faire un peu d’histoire !
Comme l’a dit Mme Rousseau, l’exercice de la médecine est une mission de service public ; or la libéralisation contrevient à ce principe. Nous passons d’ailleurs notre temps à vous expliquer que la main invisible du marché ne peut pas résoudre tous les problèmes.
Vous dites que l’article 1er serait contreproductif, parce qu’un grand nombre de médecins contourneraient la contrainte en exerçant une activité salariée. Vous ne pouvez pas balayer cette proposition d’un revers de la main, sans nous apporter d’estimations chiffrées sur ce phénomène que vous craignez. Il y a aussi des médecins qui accepteront cette disposition et s’installeront dans des zones sous‑dotées.
Le Rassemblement national prétend que les médecins iront exercer dans d’autres pays. Cela n’a absolument aucun sens !
Nous sommes tous d’accord sur le constat : la répartition des médecins sur le territoire pose problème. J’entends vos arguments, mais que proposez-vous ? Nous n’allons quand même pas rejeter ce texte et sortir de cette salle en laissant les Français penser que nos débats n’auront encore une fois servi à rien ! Vous nous accusez régulièrement d’être une opposition qui ne propose rien ; nous déposons pourtant toujours des amendements, parfois même des dizaines de milliers, ce que vous réprouvez. En l’occurrence, vous faites exactement ce que vous reprochez sans cesse à l’opposition. Charité bien ordonnée commence par soi-même !
M. Jean-François Rousset (EPR). Je m’exprime toujours dans l’intérêt des Français, qui ont besoin de soins et de médecins. Je défends la médecine libérale, la médecine de ville, et je ne permettrai pas qu’on remette en question l’engagement des médecins libéraux. Je ne vous décrirai pas la quantité de travail que je devais assumer lorsque j’étais en activité. Michel Lauzzana vous a dit combien la charge de travail des médecins était importante.
Nous proposons, pour notre part, de gagner du temps médical. Pensez-vous que nous nous faisons des copains, parmi les médecins libéraux, quand nous proposons de leur retirer des compétences pour faire monter les IPA, ou quand nous proposons d’accorder à d’autres professionnels de santé le droit d’effectuer des consultations médicales, de vacciner ou de pratiquer des avortements ? Pensez-vous que je me fais des copains lorsque j’appelle à aborder avec lucidité et sincérité la question des dépassements d’honoraires ? Si nous nous battons pour défendre les intérêts des médecins libéraux, c’est aussi parce qu’ils ont un grand sens du devoir et du service public.
M. le rapporteur. Oui, les médecins sont mal répartis sur le territoire, nous en convenons tous.
Selon certains, la poursuite de la même politique menée depuis plusieurs décennies résoudra les difficultés ; je n’en crois rien. Les chiffres sont terribles : entre 2010 et 2023, les départements les mieux dotés ont gagné de nouveaux praticiens, tandis que les moins bien dotés en ont perdu. Si, nous ne changeons pas la politique de répartition des médecins, la situation perdurera, des millions Français continueront de désespérer, et pis, il y aura des drames sanitaires.
Faut-il rappeler que l’accès aux soins était l’une des préoccupations exprimées dans les cahiers de doléances ouverts à la suite du mouvement des « gilets jaunes » ? Nous devons ensemble appréhender différemment la répartition des médecins sur notre territoire.
Cette proposition de loi est raisonnable et parfaitement équilibrée. Elle est le fruit d’un compromis entre des hommes et des femmes qui n’ont pas les mêmes sensibilités politiques. Xavier Breton n’est pas étatiste, pas plus que Philippe Vigier. Finissons-en avec les caricatures.
L’amendement AS84 que j’ai déposé est un garde-fou : la régulation s’appliquera à l’ensemble des médecins d’un territoire donné, quels que soient leur spécialité ou leur statut, généraliste, spécialiste, libéral, salarié, conventionné et non conventionné.
Non, la proposition de loi ne nuira pas à l’attractivité du métier de médecin. Chaque année, de milliers de jeunes s’inscrivent pour suivre des études de médecine Soyez sûrs qu’ils ont envie de devenir médecins.
Non, la régulation n’est pas inefficace. Lisez la littérature du ministère de la santé sur ce sujet, regardez ce qui se fait à l’étranger. Là où la régulation a été remise en cause, les inégalités se sont aggravées entre les territoires urbains et les territoires ruraux. Voilà la réalité.
Non, les pharmacies ne sont pas en difficulté à cause de la régulation. C’est plutôt la diminution du nombre de médecins, et donc de prescripteurs, qui explique ce phénomène.
Ce dispositif n’est pas la solution magique, mais il a le mérite de n’avoir jamais été appliqué jusqu’à présent. N’ayez pas peur, nous nous donnons toutes les garanties pour qu’il fonctionne et nous sommes prêts à en apporter d’autres dans le cadre de ce débat. Ne refusez pas, une fois de plus, la régulation de l’exercice médical pour l’ensemble des praticiens. Les élus locaux, les usagers, les associations attendent des réponses et ont l’espoir que la République soit enfin présente dans chaque territoire, auprès de chaque Français.
Conformément aux dispositions de l’article 44, alinéa 2, du Règlement, il est procédé au vote, par scrutin public et par appel nominal, des amendements de suppression.
Votent pour :
M. Thibault Bazin, M. Christophe Bentz, M. Théo Bernhardt, M. Éric Bothorel, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, M. Paul-André Colombani, Mme Sandra Delannoy, M. Fabien Di Filippo, Mme Sandrine Dogor-Such, M. Gaëtan Dussausaye, M. Olivier Fayssat, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Guillaume Florquin, M. Thierry Frappé, M. François Gernigon, Mme Justine Gruet, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Michel Lauzzana, Mme Christine Le Nabour, Mme Katiana Levavasseur, M. René Lioret, Mme Christine Loir, Mme Hanane Mansouri, Mme Joëlle Melin, M. Serge Muller, Mme Angélique Ranc, Mme Stéphanie Rist, Mme Anne-Sophie Ronceret, M. Jean-François Rousset, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, M. Frédéric Valletoux et Mme Annie Vidal
Votent contre :
Mme Marie-José Allemand, Mme Ségolène Amiot, M. Joël Aviragnet, Mme Delphine Batho, Mme Béatrice Bellay, Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, Mme Sylvie Bonnet, M. Louis Boyard, M. Hadrien Clouet, Mme Josiane Corneloup, M. Hendrik Davi, Mme Karen Erodi, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec-Bécot, Mme Camille Galliard-Minier, M. Guillaume Garot, Mme Océane Godard, M. Jérôme Guedj, Mme Zahia Hamdane, Mme Chantal Jourdan, Mme Élise Leboucher, Mme Murielle Lepvraud, Mme Brigitte Liso, M. Yannick Monnet, M. Sébastien Peytavie, M. Jean-Hugues Ratenon, M. Jean-Claude Raux, Mme Sandrine Rousseau, Mme Sandrine Runel, M. Nicolas Sansu, M. Arnaud Simion, M. Nicolas Turquois et M. Philippe Vigier
Les résultats du scrutin sont donc les suivants :
Nombre de votants : 65
Nombre de suffrages exprimés : 65
Pour l’adoption : 32
Contre : 33
En conséquence, la commission rejette les amendements.
La réunion est suspendue de onze heures quinze à onze heures vingt-cinq.
Amendement AS84 de M. Guillaume Garot
M. le rapporteur. L’amendement vise à étendre la régulation à l’ensemble des médecins, qu’ils exercent à titre libéral ou salarié, dans un territoire donné.
M. le rapporteur général. Cet article, qui ne règle pas la question de l’absence de zonage des médecins spécialistes, est inopérant.
Il n’existe pas de lien direct entre l’autorisation d’exercer et l’installation : les médecins qui consultent par télémédecine ou qui remplacent un médecin en libéral ne sont ni installés ni salariés. L’article 1er ainsi modifié ne favorisera-t-il pas la télémédecine ou le remplacement de médecin en libéral ? C’est pour moi une source d’inquiétude.
Par ailleurs, l’installation relève de la partie réglementaire du code. En outre, alors que l’Ordre des médecins gère les démarches relatives aux autorisations d’exercice et à l’installation, l’article 1er prévoit que l’ARS délivre l’autorisation d’installation. Or les ARS et l’ordre n’ont pas le même rôle, notamment en matière de déontologie médicale. Il y a un risque d’incohérence ; cet article devrait faire l’objet d’une étude d’impact.
M. Philippe Vigier (Dem). Le texte définit le zonage et prévoit une procédure qui fait intervenir l’ARS et l’Ordre des médecins. Je ne doute pas que nous parvenions à un consensus, monsieur le rapporteur général.
M. Paul-André Colombani (LIOT). L’ARS ne peut adapter immédiatement le zonage, à la suite du départ d’un médecin.
Par ailleurs, votre amendement n’empêchera pas un jeune médecin esthétique non conventionné de s’installer dans une zone surdotée.
M. Jérôme Guedj (SOC). Je me réjouis que nous poursuivions l’examen de ce texte au sein de cette commission où les débats sont toujours pertinents...
Nonobstant les inquiétudes légitimes exprimées à l’égard du zonage, nous soutiendrons cet amendement, qui vise à rassurer et à garantir l’efficacité de l’article 1er.
Je le dis à tous ceux qui nous écoutent au-delà de cette salle, cette proposition de loi tend non pas à stigmatiser l’ensemble des professionnels de santé, mais à les réconcilier.
Les principes fondateurs de la charte de la médecine libérale de 1927, parmi lesquels la liberté de prescription, le paiement à l’acte et la liberté d’installation, ont tous évolué. Cessons de nous y cramponner, d’autant que les médecins libéraux souhaitent également leur évolution. Si nous évitons le déclenchement d’une guerre médicale, nous aurons fait œuvre utile.
Mme Stéphanie Rist (EPR). En effet, nous ne devons pas distinguer les professionnels en fonction de leur mode d’exercice – à l’hôpital, en centre de santé ou en ville. Nous arrivons au bout d’un système : les modes de rémunération des médecins doivent converger, afin de décloisonner ces différents types d’exercice et d’aboutir à un système de financement satisfaisant pour le système de santé.
Votre amendement est intéressant, mais, en pratique, il est inopérant. Aujourd’hui, ce sont les centres de santé qui demandent une autorisation d’installation. Les médecins qui souhaiteront travailler dans les centres de santé devront-ils demander une autorisation à l’ARS ? Comment s’appliquera la régulation dans les hôpitaux ? Cette mesure risque de provoquer un appel d’air en faveur des cliniques privées.
M. Nicolas Sansu (GDR). Seuls les centres de santé situés dans des zones surdotées, qui représentent 13 % du territoire, doivent demander cette autorisation ; dans les territoires sous‑dotés, ils peuvent s’installer librement comme les médecins libéraux. Du reste, très peu de centres de santé se sont installés dans les zones où un nombre suffisant de médecins exercent. Ils se sont développés principalement dans les villes qui souffraient d’une pénurie, mais également dans les zones rurales.
Dans les zones surdotées, très peu de médecins sont salariés. Si un médecin, peu importe son statut, quitte cette zone, il pourra être remplacé par un autre médecin. En l’absence de départ, l’installation est soumise à autorisation de l’ARS. Il faut arrêter de fantasmer !
M. le rapporteur. La convergence des systèmes de rémunération est une piste intéressante pour fluidifier les parcours et créer une passerelle entre les différents modes d’exercice.
Les zones auxquelles l’article 1er fait référence sont mentionnées à l’article L. 1434-3 du code de la santé publique qui, en revanche, n’évoque pas les médecins généralistes. Il reviendra au décret d’application de l’article 1er de préciser ses conditions d’application. Je suis prêt à travailler avec le gouvernement pour avancer sur ce point.
Ne nous faisons pas peur : dans les zones correctement dotées, il existe peu de centres de santé en médecine générale. Il reste que nous devons travailler sur les zonages. Une bonne régulation implique un bon zonage.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS62 de M. Christophe Bentz
M. Christophe Bentz (RN). Nous sommes opposés au régime d’autorisation d’installation qui entraînerait des effets contraires à ceux recherchés.
Cet amendement de repli vise à supprimer les alinéas 5 et 7 de l’article 1er.
M. le rapporteur. Défavorable.
Mme Murielle Lepvraud (LFI-NFP). Il s’agit là encore de revenir sur la régulation de l’installation. En quoi l’amélioration de l’accès aux soins dérange-t-elle le Rassemblement national ?
Cette proposition de loi ne conditionne l’installation à une autorisation que pour les zones déjà dotées d’un nombre suffisant de médecins, soit 13 % du territoire ; ce n’est pas une mesure de coercition.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS31 et AS36 de M. Christophe Bentz (discussion commune)
M. Christophe Bentz (RN). Nous refusons catégoriquement que les ARS aient ce type de prérogative : leur fonctionnement échappe au ministère de tutelle et au préfet de région, En outre, ces structures, profondément déconnectées, ne constituent pas le bon échelon.
M. le rapporteur. Défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS6 de M. Thibault Bazin
M. le rapporteur général. Ne déshabillons pas Pierre – déjà peu vêtu – pour habiller Paul. Cet amendement de repli vise à ne pas empêcher l’installation d’un médecin dans des zones simplement « dotées ».
Monsieur le rapporteur, cet article conduira-t-il à favoriser d’autres modes d’exercice – remplacement de médecin libéral et télémédecine – au détriment de l’installation et du salariat ? Reviendrait-il à l’Ordre des médecins de définir les zones et de délivrer les autorisations d’installation ou n’émettrait-il qu’un avis simple ?
M. le rapporteur. Nous devons travailler sur la question des zonages, tout le monde milite en ce sens.
Votre amendement nuirait à l’efficacité de cet outil de pilotage des politiques publiques dont l’objectif est que les médecins s’installent dans les zones sous‑dotées. L’intelligibilité commande l’efficacité.
Avis défavorable.
Mme Stéphanie Rist (EPR). Le débat sur cet amendement met en lumière notre point de désaccord initial. Vous parlez de zones surdotées mais comment les définissez-vous ? Le critère est-il le nombre de médecins par habitant ? En France, il y a par exemple moins de médecins par habitant qu’en Allemagne. Cela signifie-t-il que tout le territoire est sous‑doté ? Je le pense. Nous considérons quant à nous qu’il n’existe pas de zones surdotées. Ce n’est pas parce qu’il est plus facile de prendre un rendez-vous sur Doctolib à Nice ou à Lyon que ces villes sont suffisamment dotées.
M. Philippe Vigier (Dem). Des villages situés à une dizaine de kilomètres Nice sont sous‑dotés.
Ce n’est ni aux ARS ni aux parlementaires de définir les zones surdotées ou sous‑dotées. Il appartient aux professionnels de le faire, au niveau infraterritorial. Je leur fais confiance. Personne n’a soulevé la question du temps médical disponible. Je respecte tout autant celui qui travaille 80 heures par semaine et celui qui préfère s’en tenir à 20. Pour un chirurgien cardiaque, par exemple, il s’agira de savoir combien de patients peuvent être inscrits sur un planning opératoire et de définir ensuite les critères. C’est l’esprit pratique et non le dogmatisme qui nous anime.
Mme Josiane Corneloup (DR). La question du périmètre du zonage est essentielle : ce n’est pas parce qu’une ville importante sera suffisamment dotée que ce sera le cas des petites villes périphériques dans lesquelles l’installation devra donc être autorisée.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques AS69 de M. Jean-François Rousset et AS77 de Mme Stéphanie Rist
M. Jean-François Rousset (EPR). Le postulat de départ est erroné : ce n’est pas parce qu’un territoire est bien doté que le temps médical est suffisant eu égard aux besoins des usagers et des acteurs de santé.
Conditionner le remplacement d’un médecin au départ d’un autre pourrait entraîner une augmentation du coût de cession de la patientèle et, partant, des honoraires du médecin remplaçant. Par conséquent, les médecins auront plus intérêt à s’installer dans les zones surdotées, ce qui va à l’encontre de la lutte contre les déserts médicaux.
M. le rapporteur. Avis défavorable.
Si l’installation en libéral dans une zone soumise à régulation devient très coûteuse, cela signifie que le système fonctionne : il vise à inciter les médecins à s’installer à quelques dizaines de kilomètres de cette zone, où les besoins sont grands. En tout état de cause, que les élus soient rassurés, nous ne dégradons aucune offre de soins.
M. Michel Lauzzana (EPR). Le précédent amendement sur la régulation de l’installation de médecins en centres médicaux ne résout qu’une petite partie du problème, puisqu’il existe de nombreuses autres formes d’exercice salarié de la médecine, dans l’industrie pharmaceutique ou en tant que médecin de la sécurité sociale, par exemple.
Je voudrais aussi souligner qu’Aurélien Rousseau est contre ce texte. Je rappelle qu’il a été ministre de la santé et qu’il dispose à ce titre d’une certaine expertise.
Enfin, vous ne prenez pas en compte la psychologie des personnes concernées. Des médecins peuvent ainsi décider de partir ou de faire autre chose et les étudiants en médecine avoir une stratégie personnelle. Vous vous bornez à déterminer un nombre de médecins qu’il vous semble possible de répartir sur le territoire.
M. Philippe Vigier (Dem). Je suis contre ces amendements. Je me félicite de voir dans l’exposé des motifs de l’amendement de M. Rousset que nous partageons le même constat : la pénurie de médecins touche 87 % du territoire. Toutefois, après ce constat, on peut lire aussi que « s’il existe effectivement des zones mieux dotées, elles ne sont pas suffisamment dotées pour espérer combler le déficit qui existe dans d’autres territoires ». Mais ce n’est pas ce que nous voulons faire !
Je l’explique à nouveau : la régulation proposée ne concerne que les nouveaux médecins. Leur plaque remplacera une autre plaque ou deux plaques en remplaceront une seule en cas de temps partiel, puisqu’on prend en compte le nombre d’heures médicales disponibles Le nombre de médecins restent donc le même, il se stabilise. Nous ne dégradons rien. Stabiliser et dégrader, ce n’est pas la même chose.
Mme Joëlle Mélin (RN). En quinze ans, le nombre de médecins – 200 000 en exercice, plus 15 000 en temps partiel ou en cumul emploi retraite – est resté le même. Ce qui a changé, c’est le temps de travail, si bien qu’aujourd’hui il faut 2,4 médecins pour remplacer un médecin à l’ancienne. Ces médecins travaillaient jusqu’à 70 heures par semaine. On aurait dû d’ailleurs s’en soucier, mais cela arrangeait bien tout le monde. C’est bien le nombre d’heures qu’il faut prendre en compte. Or je ne suis pas persuadée que la régulation de l’installation permettra une régulation du nombre d’heures.
Mon second point concerne la téléconsultation. Les systèmes non médicaux qui emploient des médecins salariés obéissent à une logique de financiarisation et sont aux aguets pour déployer des cabines de téléconsultation, peut-être même dans des stations-services. Monsieur le rapporteur, pouvez-vous nous rassurer : la téléconsultation sera-t-elle régulée ?
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). J’entends dire qu’on va manquer de médecins parce que les études de médecine ne sont plus attractives. Je rappelle que si nous manquons de médecins, c’est bien à cause du numerus clausus et du numerus apertus. Le potentiel est là : en 2024, 986 000 lycéens ont fait une demande en Pass et 450 000 en LAS. Il faut donc ouvrir davantage de possibilités pour les études de médecine et répartir les médecins sur le territoire.
M. le rapporteur général. La diminution considérable du temps de travail médical n’a pas été anticipée. Elle pose la question de savoir si un médecin qui s’arrête peut être remplacé par un seul médecin. Je n’ai pas la réponse, mais il faut prendre garde à ne pas créer de nouveaux déserts médicaux avec des médecins qui travailleraient deux fois moins.
On a beaucoup parlé du développement du salariat. Je constate pourtant que des postes salariés restent vacants et qu’il existe d’autres formes d’exercice : certains médecins préfèrent faire des remplacements, parfois pendant de longues périodes, voire ne s’installeront pas, d’autres exercent en télémédecine – pas toujours d’ailleurs dans les meilleures conditions pour le patient. Nous devons nous demander d’ici à la séance si l’adoption de l’article 1er tel que nous l’avons modifié n’entraînera pas un développement du remplacement et de la télémédecine. Pour les médecins spécialistes, le zonage ne pourra être mis en place que si le décret est modifié. Que se passera-t-il s’il ne l’est pas ?
M. le rapporteur. Nous ne sommes qu’au début du processus législatif. Nous avons donc le temps de réfléchir pour trouver des réponses à ces questions. Aujourd’hui, nous avons posé un principe et c’est l’essentiel. Nous allons ensuite regarder, modalité après modalité, comment le mettre en œuvre.
Il est procédé au vote, par scrutin public et par appel nominal, des amendements.
Votent pour :
M. Thibault Bazin, M. Christophe Bentz, M. Théo Bernhardt, Mme Sylvie Bonnet, M. Éric Bothorel, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, M. Paul-André Colombani, Mme Sandra Delannoy, Mme Sylvie Dezarnaud, M. Fabien Di Filippo, Mme Sandrine Dogor-Such, M. Gaëtan Dussausaye, M. Olivier Fayssat, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Guillaume Florquin, M. Thierry Frappé, M. François Gernigon, Mme Justine Gruet, M. Cyrille Isaac‑Sibille, M. Michel Lauzzana, Mme Christine Le Nabour, M. René Lioret, Mme Christine Loir, Mme Joëlle Mélin, M. Serge Muller, Mme Angélique Ranc, Mme Stéphanie Rist, Mme Anne‑Sophie Ronceret, M. Jean-François Rousset, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, M. Frédéric Valletoux et Mme Annie Vidal
Votent contre :
Mme Marie-José Allemand, Mme Ségolène Amiot, M. Joël Aviragnet, Mme Delphine Batho, Mme Béatrice Bellay, Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, M. Louis Boyard, M. Hadrien Clouet, Mme Josiane Corneloup, M. Hendrik Davi, Mme Karen Erodi, M. Yannick Favennec-Bécot, M. Guillaume Garot, Mme Océane Godard, M. Jérôme Guedj, Mme Zahia Hamdane, Mme Chantal Jourdan, Mme Élise Leboucher, Mme Murielle Lepvraud, M. Yannick Monnet, M. Sébastien Peytavie, M. Jean-Hugues Ratenon, M. Jean-Claude Raux, Mme Sandrine Rousseau, Mme Sandrine Runel, M. Nicolas Sansu, M. Arnaud Simion et M. Philippe Vigier
S’abstient : Mme Camille Galliard-Minier
Les résultats du scrutin sont donc les suivants :
Nombre de votants : 61
Abstention : 1
Nombre de suffrages exprimés : 60
Pour l’adoption : 32
Contre : 28
En conséquence, la commission adopte les amendements et l’amendement AS38 de M. Christophe Bentz tombe.
Amendement AS67 de Mme Béatrice Bellay
Mme Béatrice Bellay (SOC). À l’aune de nos discussions, je retire mon amendement pour le retravailler avec les médecins et l’ARS de mon territoire.
L’amendement est retiré.
Amendements identiques AS72 de M. Jean-François Rousset et AS75 de Mme Stéphanie Rist
M. Jean-François Rousset (EPR). L’amendement vise à intégrer les représentants des étudiants en médecine dans la consultation prévue par l’article 1er sur la régulation de l’installation des médecins. Il me semble indispensable de leur donner la parole et de les écouter pour les faire venir en confiance vers le système de santé.
M. le rapporteur. Il faut en effet élargir la consultation, mais pas seulement aux étudiants en médecine. Il serait très utile d’y associer également les représentants des usagers. Je vous propose donc de retirer vos amendements pour que nous puissions nous mettre d’accord sur les partenaires qu’il faudrait associer à cette consultation.
M. le rapporteur général. Je préfère que nous améliorions d’ores et déjà le texte en intégrant les représentants des étudiants en médecine. Libre à vous de le compléter en séance.
Mme Joëlle Mélin (RN). Je vais dans le même sens que notre collègue Bazin. Les patients doivent bien entendu être pris en compte, mais il est question ici de l’avenir des étudiants en médecine. Nous devons les rassurer.
M. Philippe Vigier (Dem). Si nous déposons un amendement en séance pour inclure les usagers, vous engagez-vous à le soutenir ?
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Je rejoins le collègue Vigier. Nous devons inclure les usagers autant que les professionnels.
Le dispositif « personnes qualifiées » dans les ARS permet d’inclure des représentantes et des représentants des étudiants en médecine pour discuter notamment du zonage. Utiliser ce dispositif serait plus efficace que voter cet amendement.
M. le rapporteur. Si l’on ne travaille pas avec l’ensemble des partenaires, ce qui me semble plus juste, mon avis sera défavorable.
La commission adopte les amendements.
Conformément aux dispositions de l’article 44, alinéa 2, du Règlement, il est procédé au vote, par scrutin public et par appel nominal, de l’article 1er.
Votent pour :
Mme Marie-José Allemand, Mme Ségolène Amiot, M. Joël Aviragnet, Mme Delphine Batho, Mme Béatrice Bellay, Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, M. Louis Boyard, M. Hadrien Clouet, Mme Josiane Corneloup, M. Hendrik Davi, Mme Karen Erodi, M. Yannick Favennec-Bécot, M. Guillaume Garot, Mme Océane Godard, M. Jérôme Guedj, Mme Zahia Hamdane, Mme Chantal Jourdan, Mme Élise Leboucher, Mme Murielle Lepvraud, M. Yannick Monnet, M. Sébastien Peytavie, M. Jean-Hugues Ratenon, M. Jean-Claude Raux, Mme Sandrine Rousseau, Mme Sandrine Runel, M. Nicolas Sansu, M. Arnaud Simion, M. Nicolas Turquois et M. Philippe Vigier
Votent contre :
M. Thibault Bazin, M. Christophe Bentz, M. Théo Bernhardt, Mme Sylvie Bonnet, M. Éric Bothorel, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, M. Paul-André Colombani, Mme Sandra Delannoy, Mme Sylvie Dezarnaud, M. Fabien Di Filippo, Mme Sandrine Dogor-Such, M. Gaëtan Dussausaye, M. Olivier Fayssat, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Guillaume Florquin, M. Thierry Frappé, M. François Gernigon, Mme Justine Gruet, M. Cyrille Isaac‑Sibille, M. Michel Lauzzana, Mme Christine Le Nabour, M. René Lioret, Mme Christine Loir, Mme Joëlle Melin, M. Serge Muller, Mme Angélique Ranc, Mme Stéphanie Rist, Mme Anne-Sophie Ronceret, M. Jean-François Rousset, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, M. Frédéric Valletoux et Mme Annie Vidal
S’abstient : Mme Camille Galliard-Minier
Les résultats du scrutin sont donc les suivants :
Nombre de votants : 62
Abstention : 1
Nombre de suffrages exprimés : 61
Pour l’adoption : 29
Contre : 32
En conséquence, la commission rejette l’article 1er modifié.
Après l’article 1er
Amendement AS16 de M. Fabrice Brun
M. Fabrice Brun (DR). Merci de m’accueillir dans votre commission pour ce débat passionnant et passionné.
Mon amendement propose de mettre en place un indicateur territorial de l’offre de soins, qui me semble nécessaire pour améliorer le zonage médical. Les questions de démographie médicale varient en effet en fonction des territoires. Les inégalités sont énormes – et s’accroissent. Il y a ainsi trois à six fois plus de médecins à Paris ou à Lyon qu’en Ardèche ou dans la Mayenne.
Il revient d’abord aux médecins d’organiser le travail pour soigner l’ensemble de la population. S’ils ne le font pas, les politiques doivent prendre la main et réguler de façon douce, sur le principe d’une installation pour un départ. L’indicateur territorial contribuerait à la mise en place de ce principe puisqu’il aurait pour objet d’évaluer la densité de l’offre de soins médicaux et paramédicaux des territoires, pondérée par leur situation démographique, sanitaire, économique et sociale et de prendre en compte les évolutions anticipées de l’offre de soins résultant de la démographie des professions de santé.
M. le rapporteur. Cet amendement est tout à fait dans l’esprit des travaux du groupe transpartisan mais je propose son retrait afin que nous puissions affiner cet indicateur sur le plan légistique. Nous reviendrons sur le principe de régulation en séance.
M. Fabrice Brun (DR). Je le retire, mais j’insiste sur la nécessité de prendre en considération toutes les inégalités territoriales autour de l’offre de soins – l’absence de médecin traitant, la difficulté pour obtenir un rendez-vous avec un spécialiste. En Ardèche, par exemple, il n’est pas rare d’être à 2 heures d’un CHU. Or des études très précises, malheureusement peu médiatisées, font apparaître que les chances de survie après un accident cardiovasculaire peuvent être jusqu’à dix fois inférieures pour les habitants de ces territoires éloignés des CHU.
L’amendement est retiré.
Amendements identiques AS71 de M. Jean-François Rousset et AS76 de Mme Stéphanie Rist
Mme Stéphanie Rist (EPR). Dans ma région, qui est la plus défavorisée en termes d’accès aux soins, la directrice de l’ARS a mis en place une concertation avec l’association départementale des maires sur les zones sous‑dotées. Cet amendement vise à étendre la concertation sur le zonage avec les associations départementales des maires, ce qui permettrait notamment d’éviter la concurrence pour attirer des médecins.
M. le rapporteur. Les conseils territoriaux de santé (CTS) permettent déjà le débat avec les élus, de tous les niveaux. Ils y sont d’ailleurs très présents. Pourquoi, par ailleurs, ne prévoir qu’une seule catégorie d’élus ? Cela risque de créer d’autres dissensions.
Avis défavorable.
Mme Stéphanie Rist (EPR). Les maires sont certes représentés dans les CTS, mais nous nous sommes rendu compte que la concertation avec l’association départementale des maires – donc avec l’ensemble des maires du département – permettait d’éviter la concurrence.
Mme Justine Gruet (DR). Le CTS n’est pas forcément bien connu. Les maires, les représentants des intercommunalités et des départements n’y siégent pas toujours. Moi-même, souvent, je ne peux assister à ses réunions, qui se tiennent les mardis et mercredis, journées dédiées à l’activité parlementaire. Dans les faits, la représentativité des CTS est donc faible.
M. Philippe Vigier (Dem). L’approche doit être infra, territoire par territoire, et il faut associer les communautés de communes. Dans le cadre des contrats de plan État-région, j’observe dans ma région que les porteurs de projets sont, à 91 %, les intercommunalités. Une telle approche permet une vision plus précise : au sein du même département, on peut avoir des zones « normalement dotées » et des zones très sous‑dotées.
Mme Joëlle Mélin (RN). C’est au niveau, non pas du CTS, mais de l’association départementale que les maires pourront avoir une vision coordonnée. Peu importe s’il y a redondance. Il faut mettre fin à la surenchère dans la concurrence entre les municipalités.
M. Michel Lauzzana (EPR). Depuis le covid, les collectivités s’emparent en effet davantage des questions de santé. Comme M. Vigier, je pense qu’il faut retenir l’échelle de l’intercommunalité. Elle me semble la plus propice pour régler les problèmes de compétition entre maires. En tout état de cause, un regard territorial est important pour la démocratie médicale.
Mme Delphine Batho (EcoS). Le mécanisme de zonage, qui repose sur un indicateur peu satisfaisant, associe déjà souvent les élus locaux. Ce que propose l’amendement existe déjà dans le code de la santé publique.
Ce que demandent les élus locaux, en tout cas dans les territoires ruraux comme le mien, c’est qu’on ne se contente pas de constater les inégalités d’accès aux soins et de jongler avec les zonages : ils veulent que les installations soient fléchées vers les territoires qui en ont besoin.
Mme Stéphanie Rist (EPR). Très peu d’élus participent effectivement aux discussions sur le zonage au sein des CTS, qui ne permettent d’ailleurs pas d’avoir une vision départementale. Or, dans un département comme le mien, constitué à 95 % de zones sous‑dotées, il est important de prendre en compte les 5 % qui restent au niveau départemental. En tout cas, les maires le demandent pour éviter la concurrence.
Il peut arriver que certaines zones soient automatiquement classées comme sous‑dotées alors que, en raison par exemple de la baisse de la population, elles ne le sont clairement plus. Qui mieux que les maires peut savoir comment répartir ces zones ?
M. Philippe Vigier (Dem). Je me suis livré à une petite expérience dans mon département : sur 373 maires, 368 se sont prononcés en faveur de la régulation.
Mme Delphine Batho (EcoS). Pour le zonage, nous sommes confrontés à deux problèmes : d’une part, la méthode employée pour le définir, notamment parce que l’indicateur repose sur des données obsolètes ; d’autre part, le mécanisme de plafonnement budgétaire. Sur tous les territoires, il existe des zones qui auraient dû être définies comme étant prioritaires et qui ne le sont pas. Dans les Deux-Sèvres, le mécanisme de plafonnement limite ainsi à 46 % la part de la population relevant d’un désert médical. La participation des élus locaux n’est pas en jeu ici.
La commission rejette les amendements.
Amendement AS51 de Mme Justine Gruet
Mme Justine Gruet (DR). Un médecin exerçant en zone surdotée peut remplacer un autre médecin dans une zone sous‑dotée. Toutefois, s’il veut être lui-même remplacé afin d’assurer une continuité des soins auprès de sa patientèle, il doit demander une dérogation auprès du président de chaque conseil départemental de l’Ordre des médecins. Nous proposons de rendre cette autorisation systématique afin de mobiliser un plus grand nombre de médecins dans ce mouvement de solidarité territoriale. Une expérience a été menée en ce sens dans le Jura.
M. le rapporteur. Vous mettez à raison en lumière des pratiques vertueuses de solidarité territoriale entre médecins, qui sont à saluer. Toutefois, cet amendement d’appel ne s’inscrit pas dans le champ de l’article 1er : il a pour objet l’installation des médecins et ne concerne donc pas les remplacements.
Demande de retrait ou défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS64 de M. Nicolas Turquois
M. Nicolas Turquois (Dem). Parmi les axes à suivre pour offrir une solution médicale dans les territoires sous‑dotés, il y a l’amélioration des modalités de remplacement. Les médecins ont du mal à trouver des remplaçants pour partir en congés et quand ils n’ont d’autre solution que de fermer leur cabinet, ils se prennent souvent une volée de bois vert à leur retour de vacances. Cela ne contribue pas à rendre les territoires attractifs. Par cette demande de rapport, j’aimerais appeler l’attention sur les applications électroniques innovantes qui facilitent la mise en relation des professionnels de santé.
M. le rapporteur. Je partage ce constat mais suis défavorable à ce rapport supplémentaire, qui viendrait s’ajouter à une multitude d’informations déjà en notre possession. Je vous propose de retirer votre amendement : nous verrons d’ici à la séance comment prendre en compte les plateformes utilisées pour les remplacements.
L’amendement est retiré.
Article 2 : Suppression de la majoration de la participation de l’assuré social en cas d’impossibilité de désigner un médecin traitant
Amendement AS9 de M. Thibault Bazin
M. le rapporteur général. Cet article 2 est intéressant et mon amendement tend à élargir le champ de l’exonération de la majoration imposée aux assurés privés de médecin traitant. Certains se retrouvent bien malgré eux exclus du dispositif. Pensons aux personnes jeunes, aux personnes âgées ou aux personnes en situation handicap, qui ne sont pas toujours bien informées du cadre conventionnel du parcours de soins ou encore aux personnes confrontées aux difficultés d’en trouver un nouveau après le départ à la retraite ou le décès de leur praticien ou à la suite d’un déménagement. Plusieurs médecins avec lesquels j’ai échangé m’ont dit ne pas appliquer de majoration aux patients n’ayant pas déclaré de médecin traitant, choisissant dans leur nomenclature les catégories « soins d’urgence » ou « hors résidence ». Pour la plupart, le problème qui a motivé l’article 2 ne se pose même pas.
Par ailleurs, j’ai demandé à l’administration des précisions sur les montants que représente cette majoration injuste mais n’ai pas encore obtenu de réponses. Peut-être avez‑vous été éclairés sur ce point lors des auditions préalables ?
M. le rapporteur. Nous attendons aussi les chiffres.
Demande de retrait ou avis défavorable.
M. le rapporteur général. Dans un esprit constructif, je retire mon amendement : une réécriture commune nous permettra, je l’espère, de trouver une solution à cette pénalisation scandaleuse des patients.
L’amendement est retiré.
La commission adopte l’amendement rédactionnel AS87 de M. Guillaume Garot.
Puis elle adopte l’article 2 modifié.
Après l’article 2
Amendement AS14 de M. Fabrice Brun
M. Fabrice Brun (DR). Par cet amendement d’appel, je demande un rapport portant sur la suppression du dispositif du médecin référent, pensant aux 6 millions de Français qui en sont dépourvus, parmi lesquels 600 000 personnes atteintes d’une affection de longue durée (ALD).
M. le rapporteur. Le problème n’est pas la notion juridique de médecin traitant mais bien la pénalité financière qui s’applique aux assurés qui ne peuvent en désigner. Je suis favorable au maintien de ce dispositif qui répond à un principe d’organisation de notre système de soins qu’il faut réaffirmer.
M. Fabrice Brun (DR). Je suis également favorable à ce dispositif qui favorise la coordination des soins mais j’insiste sur la situation de ces 6 millions de personnes qui n’ont pas de médecin traitant.
L’amendement est retiré.
Amendement AS19 de M. Fabrice Brun
M. Fabrice Brun (DR). Il s’agit d’une autre demande de rapport, qui porte cette fois‑ci sur les conséquences financières du système de majoration pour les personnes dépourvues de médecin traitant. Il n’est pas normal qu’elles fassent l’objet d’une double peine : elles sont non seulement moins bien soignées mais aussi moins bien remboursées par l’assurance maladie.
M. le rapporteur. Je suis d’accord avec votre analyse mais je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement. Un rapport ne me semble pas utile.
M. Fabrice Brun (DR). J’espère que vous pourrez nous donner des chiffres précis d’ici à la séance.
L’amendement est retiré.
Article 3 : Territorialisation des études de santé
Amendement AS32 de M. Christophe Bentz
M. Christophe Bentz (RN). Cet amendement rédactionnel entend donner davantage de sens à l’alinéa 2, dont les termes ne paraissent pas adaptés. Je ne vois pas en quoi l’accès aux soins devrait être « démocratique ». Nous vous proposons de remettre les patients au cœur de la phrase.
M. le rapporteur. Avis défavorable.
Par votre amendement, vous voulez garantir l’accès aux études médicales « à tous les patients ». Notre texte vise plus large : il concerne non seulement les patients – rares à s’inscrire en première année de médecine, vous en conviendrez – mais aussi l’ensemble des étudiants en santé.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Il est tout à votre honneur, monsieur Bentz, de vouloir former toutes les patientes et tous les patients en leur garantissant un accès aux études de médecine. Cela aurait l’avantage d’élever les connaissances médicales dans la population mais je ne crois pas que ce soit l’objectif recherché et l’hypothèse la plus probable est que vous avez fait une confusion dans les articles.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS88 de M. Guillaume Garot.
En conséquence, les amendements AS33 et AS40 de M. Christophe Bentz tombent.
Amendement AS46 de M. Christophe Bentz
M. Christophe Bentz (RN). Il s’agit de préciser que l’accès aux études médicales est garanti en particulier dans les zones rurales et d’outre-mer sous‑dotées, qui sont les premières à souffrir de la désertification médicale.
M. le rapporteur. Avis défavorable : amendement déjà satisfait.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Le Rassemblement national parle à longueur de journée des quartiers populaires sans véritablement les connaître et nous en avons une nouvelle preuve. Il semble ignorer en effet qu’au même titre que les zones rurales et les outre‑mer, ceux-ci font partie des déserts médicaux, tout comme d’ailleurs les grandes villes. À trop en faire, on n’en fait pas assez : vous devriez tout simplement arrêter de faire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS29 de M. François-Xavier Ceccoli
M. François-Xavier Ceccoli (DR). Nous considérons que le futur CHU de Corse n’a pas forcément à être situé « au sein du chef‐lieu de la collectivité de Corse ». Nous préférons la rédaction de la proposition de loi visant à la création d’un centre hospitalier universitaire en Corse, dont notre commission avait été saisie le 15 octobre 2024, qui l’établit au sein « de la collectivité de Corse en tenant compte des spécificités locales ». En clair, il s’agit d’éviter qu’Ajaccio, déjà dotée d’une grande avance, notamment avec son nouvel hôpital, ne concentre l’offre de soins.
M. le président Frédéric Valletoux. Vous ne voulez pas que l’on tranche maintenant la question de la localisation du CHU de Corse ? (Sourires.)
M. le rapporteur. Cette proposition de loi a déjà été adoptée par notre assemblée.
Demande de retrait ; à défaut, sagesse.
L’amendement est retiré.
La commission adopte l’article 3 modifié.
Article 4 : Rétablissement d’une permanence obligatoire de soins ambulatoires
Amendements de suppression AS4 de M. Paul-André Colombani, AS7 de M. Thibault Bazin, AS70 de M. Jean-François Rousset et AS78 de Mme Stéphanie Rist
M. Paul-André Colombani (LIOT). La permanence de soins obligatoire qu’instaure cet article est une fausse bonne réponse. Partout, il y a une pénurie de médecins. Ces nouvelles contraintes feront partir les derniers soldats qui tiennent les territoires tendus. Nous voulons donc supprimer ces dispositions totalement contre-productives.
M. Jean-François Rousset (EPR). Faisons confiance aux professionnels et cessons de tout vouloir encadrer.
Mme Stéphanie Rist (EPR). La loi Valletoux a permis de mettre en place des dispositifs intéressants comme l’ouverture des services d’accès aux soins à d’autres filières. Même si la situation semble s’aggraver pour nos patients, la permanence des soins s’est améliorée avec 92 % du territoire désormais couvert. Appliquons d’abord ce qui a été voté.
J’ajoute que cette obligation s’imposant à tous les médecins, beaucoup d’entre eux préféreront partir à la retraite, ce qui affectera l’accès aux soins.
M. le rapporteur. Je ne nie pas que certaines organisations fonctionnent mais il y a partout des trous dans la raquette. Cet article repose sur un principe de solidarité : mieux répartir la charge qui pèse sur les praticiens à l’échelle d’un territoire afin qu’elle soit supportable pour chacun.
M. le président Frédéric Valletoux. À titre personnel, je m’abstiendrai sur cet article. Dans un système universel comme le nôtre, je considère que les acteurs du soin doivent servir l’intérêt général, et la participation à la permanence des soins est l’un des moyens d’y contribuer. D’un autre côté, je suis sensible à l’amendement de Mme Rist. La mise en œuvre de l’obligation de permanence des soins pour les cliniques, que nous avons adoptée dans le cadre de la proposition de loi que j’avais défendue, se heurte à des difficultés sur le terrain. L’État ne semble pas être au rendez-vous. Procédons par étapes.
M. Nicolas Sansu (GDR). Dans la maison médicale de garde située dans le chef-lieu de ma circonscription, les volontaires doivent assurer la permanence des soins toutes les six semaines. Si elle était rendue obligatoire, ils n’auraient plus à le faire que toutes les quinze ou seize semaines. Pour éviter aux professionnels volontaires l’épuisement, il serait bon que la charge soit partagée.
M. Michel Lauzzana (EPR). S’appuyant sur une récente étude menée par le Conseil national de l’Ordre des médecins, son président m’indiquait que la permanence des soins connaissait une nette amélioration, notamment parce que davantage de professionnels y adhèrent. Ne cassons pas cette dynamique. Cette obligation risque, en outre, d’affecter des médecins déjà très fatigués par leur lourde charge de travail, notamment dans les zones rurales.
Mme Joëlle Mélin (RN). Environ 15 000 médecins travaillent à temps partiel ou dans le cadre du cumul emploi-retraite. Beaucoup parmi ces derniers nous avaient mis en garde, lors de l’examen des propositions de loi défendues par Mme Rist et par vous-même, monsieur le président : si la participation à la permanence des soins était rendue obligatoire, ils ne pourraient plus suivre, eux qui travaillent à l’ancienne en ne comptant pas leurs heures. Comment l’imposer aussi à des femmes enceintes ? Que ceux qui, ici, s’exclament viennent travailler 70 heures par semaine en milieu semi-rural, comme c’était mon cas lorsque j’étais généraliste, et nous en reparlerons.
Se pose en outre le problème de la compensation des gardes. S’il est bien pris en compte dans le milieu hospitalier, il ne l’est pas dans le secteur libéral. Des amendements devraient apporter des correctifs.
En quarante ans, la permanence des soins a été réorganisée à de multiples reprises, avec des résultats variables selon les territoires. Aujourd’hui, 95 % du territoire national est couvert, alors qu’il n’y a pas de coercition : cela me paraît quand même très bien.
M. Philippe Vigier (Dem). Je voterai contre ces amendements de suppression. Dans mon territoire, après nous être bagarrés pendant un an et demi, nous sommes parvenus à établir une permanence des soins grâce à des praticiens qui se sont engagés à assurer des soins non programmés. Le taux atteint 65 médecins pour 100 000 habitants, à 100 kilomètres de Paris, et la moitié des médecins effecteurs ont plus de 70 ans. Jean-François Rousset comme moi-même avons été astreints à des gardes obligatoires et je ne crois pas que nous nous en sommes plus mal portés. J’estime que les médecins participent au service public : à ce titre, ils ont une responsabilité dans le continuum des soins.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Certains collègues se félicitent de la belle dynamique que connaît la permanence des soins. Selon leurs propres chiffres, la participation des médecins serait passée en deux ans de 38 % à 39 %. Mais à ce rythme-là, les patients devront attendre cent vingt ans pour que tout le territoire soit couvert. C’est un peu long !
Rétablir une permanence obligatoire de soins aidera d’abord les médecins grâce à la mutualisation : le tiers des médecins qui assurent déjà cette permanence verront leur charge de travail divisée par trois et les femmes enceintes pourront être dégagées de toute astreinte. Ensuite, cela aidera le système de santé dans sa globalité en limitant les reports sur les urgences. Enfin, cela aidera les personnes qui ont la mauvaise idée de tomber malade entre 20 heures et 8
, auxquelles le droit à la santé doit aussi être assuré. Cette organisation du système de soins est d’intérêt général.M. Paul-André Colombani (LIOT). Dans certains territoires, notamment ceux qui sont surdotés, cette permanence obligatoire aboutira sans doute à un allégement de la charge de travail mais dans d’autres, cela aura des effets contre-productifs. Comment feront les praticiens se partageant à quatre ou cinq des territoires de montagne ou des petits bassins de vie pour assurer des gardes un week-end par mois alors qu’ils travaillent déjà plus de 60 heures par semaine ? Ils seront tentés de partir et l’attractivité de la zone sera encore réduite.
Dans la région où j’habite, la permanence des soins est parfaitement organisée mais depuis le 1er janvier, le médecin effecteur doit s’assurer, avant de soigner un patient, que celui-ci a d’abord appelé la régulation du 15. S’il le reçoit quand même, il lui faut facturer des dépassements d’honoraires, au risque de se voir réclamer des indus. C’est l’exemple typique de la fausse bonne mesure qui part d’en haut et qui, appliquée sur le terrain, met en péril tout un système.
Mme Delphine Batho (EcoS). La permanence des soins s’est-elle dégradée depuis qu’il n’est plus obligatoire pour les praticiens d’y participer ? La réponse est oui. Et il nous faut prendre en compte l’épuisement professionnel de ceux qui se portent volontaires.
Je suis lasse d’entendre ces arguments sur les risques encourus par les femmes enceintes et les médecins ayant dépassé l’âge de la retraite. Le Conseil de l’Ordre a déjà mis en place une procédure d’exemption pour la permanence des soins et si leur situation l’exige, les praticiens pourront demander à ne pas y participer.
Mme Stéphanie Rist (EPR). Certes, monsieur Vigier, il faut que nos professionnels de santé aient le sens du service public. Toutefois cette responsabilisation n’implique pas que la participation à ces missions soit obligatoire pour tous et prenne la même forme. Ils doivent pouvoir être rémunérés et choisir. Il importe également de prendre en compte les progrès accomplis dans la permanence de soins : 96 % des territoires sont déjà couverts. Une dynamique est à l’œuvre. Dans ma circonscription, même si l’accès aux soins non programmés reste compliqué, l’amélioration est nette depuis cinq ans.
Mme Justine Gruet (DR). Ajoutons que les médecins n’échappent pas aux phénomènes sociétaux : comme de plus en plus de Français, ils veulent avoir du temps en dehors de leur vie professionnelle. Ce souhait n’est pas antinomique avec celui des patients de bénéficier d’une prise en charge de qualité, rapide, efficace, comme le montre l’exemple du Jura. L’organisation de la permanence des soins a été modifiée : les tours de garde au sein de cinq secteurs ont été supprimés au profit de permanences au sein d’une maison médicale de garde, située juste à côté des urgences hospitalières, vers laquelle le patient est orienté si son état n’exige pas une hospitalisation.
La commission rejette les amendements.
Amendements AS54 de M. Cyrille Isaac-Sibille, AS83 de M. Frédéric Valletoux et AS86 de M. Guillaume Garot (discussion commune)
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). L’obligation de permanence des soins doit s’appliquer, outre aux médecins libéraux, aux médecins salariés qui ont fait le choix de travailler 35 heures par semaine et de s’arrêter chaque jour à 17 heures.
M. le rapporteur. Avis favorable sur les trois amendements.
La commission adopte l’amendement AS54.
En conséquence, les amendements AS83 et AS86 tombent.
Amendement AS26 de M. Thierry Frappé
M. Thierry Frappé (RN). Cet amendement vise à préserver l’équilibre entre continuité des soins et prise en compte des situations particulières des professionnels de santé. Une exemption doit être prévue pour les femmes enceintes ainsi que pour les professionnels confrontés à des limitations médicales ou physiques, après une évaluation effectuée par les ordres professionnels compétents, préférable à une exemption automatique liée à l’âge.
M. le rapporteur. Défavorable : demande déjà satisfaite.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 4 modifié.
Après l’article 4
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement AS35 de M. Christophe Bentz.
À la demande du rapporteur, l’amendement AS22 de M. Fabrice Brun est retiré.
Amendement AS11 de M. Sébastien Humbert
M. Christophe Bentz (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Article 5 : Gage de recevabilité financière
La commission adopte l’article 5 non modifié.
Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.
La réunion s’achève à treize heures dix.
Présents. – Mme Marie-José Allemand, Mme Ségolène Amiot, M. Joël Aviragnet, Mme Delphine Batho, M. Thibault Bazin, Mme Béatrice Bellay, Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, M. Christophe Bentz, M. Théo Bernhardt, Mme Sylvie Bonnet, M. Éric Bothorel, M. Louis Boyard, M. Hadrien Clouet, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, M. Paul-André Colombani, Mme Josiane Corneloup, M. Hendrik Davi, Mme Sandra Delannoy, Mme Sylvie Dezarnaud, M. Fabien Di Filippo, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Gaëtan Dussausaye, Mme Karen Erodi, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec-Bécot, M. Olivier Fayssat, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Guillaume Florquin, M. Thierry Frappé, Mme Camille Galliard-Minier, M. Guillaume Garot, M. François Gernigon, Mme Océane Godard, M. Jean-Carles Grelier, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Zahia Hamdane, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Chantal Jourdan, M. Michel Lauzzana, Mme Christine Le Nabour, Mme Élise Leboucher, Mme Murielle Lepvraud, Mme Katiana Levavasseur, M. René Lioret, Mme Brigitte Liso, Mme Christine Loir, Mme Hanane Mansouri, Mme Joëlle Mélin, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, M. Sébastien Peytavie, Mme Angélique Ranc, M. Jean-Hugues Ratenon, M. Jean-Claude Raux, Mme Stéphanie Rist, Mme Anne-Sophie Ronceret, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, Mme Sandrine Runel, M. Nicolas Sansu, M. Arnaud Simion, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier
Excusés. – Mme Anchya Bamana, M. Didier Le Gac, M. Laurent Panifous
Assistaient également à la réunion. – M. Xavier Breton, M. Fabrice Brun, M. François-Xavier Ceccoli, M. Vincent Descoeur, M. Jean-Philippe Nilor