Compte rendu
Commission
des affaires sociales
– Suite de l’examen de la proposition de loi relative aux soins palliatifs et d’accompagnement (n° 1102) (Mme Annie Vidal et M. François Gernigon, rapporteurs) 2
– Présences en réunion.................................50
Jeudi
10 avril 2025
Séance de 14 heures 30
Compte rendu n° 67
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Frédéric Valletoux,
président,
puis de
M. Nicolas Turquois,
vice-président
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La réunion commence à quatorze heures trente.
(Présidence de M. Frédéric Valletoux, président)
La commission poursuit l’examen de la proposition de loi relative aux soins palliatifs et d’accompagnement (n° 1102) (Mme Annie Vidal et M. François Gernigon, rapporteurs).
Article 10 (suite) : Création des maisons d’accompagnement
Amendements AS328 de M. Yannick Monnet et AS65 de M. Thibault Bazin (discussion commune)
M. Yannick Monnet (GDR). Mon amendement vise à préciser la nature des maisons d’accompagnement, qui accueilleront ceux qui ne peuvent pas forcément être accueillis à l’hôpital et pour lesquels un retour au domicile n’est pas souhaitable. Plutôt que de nous focaliser sur le nom de ces structures, l’important est leur définition. Celle-ci est complexe, mais il ne faut pas avoir peur de la complexité car elle permet, dans un texte qui n’est pas anodin, de prendre en compte la diversité des situations.
M. Thibault Bazin (DR). Il y a des trous dans la raquette. L’accès aux soins palliatifs pose problème dans les territoires les moins bien dotés et parce qu’il n’existe pas d’alternatives aux établissements hospitaliers et aux soins à domicile. De fait, certains malades ne peuvent être maintenus à domicile, mais leur état n’est pas pour autant adapté à un séjour en établissement hospitalier. À certaines périodes, dans la journée, dans la semaine, une maison d’accompagnement et de soins palliatifs pourrait les accueillir.
Il faudra des ressources – nous en manquons déjà pour équiper les unités de soins palliatifs (USP) et les équipes de soins mobiles. Mais le problème est surtout que, aux termes de la rédaction actuelle, les maisons d’accompagnement seront réservées aux personnes « en fin de vie ». Or tous les acteurs des soins palliatifs se battent pour que ce ne soit pas le cas et que ces soins soient prodigués à une phase précoce de la maladie.
Il faut donc préciser que les maisons d’accompagnement sont destinées aux personnes nécessitant des soins palliatifs, tels que les définit l’article L. 1110-10 du code de la santé publique – article qui dispose d’ailleurs que ces soins peuvent être prodigués « en institution ou à domicile ». Les maisons d’accompagnement se trouveront dans l’interstice entre les deux.
M. François Gernigon, rapporteur. Avis défavorable aux deux amendements.
Monsieur Monnet, la définition des maisons d’accompagnement et de soins palliatifs que vous proposez me semble excessivement précise, pour ne pas dire bavarde. Ces précisions ont leur place dans le cahier des charges, au niveau réglementaire, plutôt que dans la loi.
Monsieur Bazin, l’accompagnement n’est pas un soin. Votre proposition risque donc de nuire à la clarté du débat.
M. Yannick Monnet (GDR). Le débat a montré la nécessité de définir les choses sans attendre la réglementation, pour éviter les mésinterprétations et les attaques inutiles.
Par ailleurs, mon amendement est différent – l’autre exclut ainsi toute référence à la fin de vie.
Ces précisions relèvent en effet du champ de la réglementation plutôt que de la loi mais, dans la période actuelle, mieux vaut être clair pour éviter les loups.
M. Thibault Bazin (DR). Nous complétons ici le code de l’action sociale et des familles. Nous créons des structures ; nous les définissons.
Dans sa rédaction actuelle, l’alinéa 5 dispose que « les maisons d’accompagnement de soins palliatifs » – nous n’avons hélas pas modifié leur dénomination – « ont pour objet d’accueillir et d’accompagner des personnes en fin de vie et leurs proches ». Ainsi, le texte prévoit que ces maisons, alors qu’elles dispensent des soins palliatifs, ne pourront accueillir que les personnes en fin de vie. Non ! Elles ont vocation à accueillir tous ceux qui ont besoin de soins palliatifs, sans pouvoir être maintenus à domicile. Je ne sais combien de fois les spécialistes nous l’ont dit : la démarche palliative est globale, et doit parfois commencer dès la phase initiale de la maladie.
M. Patrick Hetzel (DR). Des travaux ont montré qu’un recours précoce aux soins palliatifs rallongeait la durée de vie. La question est donc très sensible.
M. Philippe Vigier (Dem). Tout ne doit pas être écrit dans la loi mais, quand on sait comment les décrets d’application sont rédigés, il vaut mieux que la loi fixe clairement le cadre pour éviter les divergences d’interprétation.
M. Bazin a raison : certains malades pourront avoir besoin des maisons d’accompagnement à certaines étapes de leur maladie, sans pour autant être en fin de vie. Or la rédaction actuelle leur ferme les portes de ces structures. N’oublions pas qu’il existe des phases de rémission. Les malades concernés, qu’on ne peut renvoyer à leur domicile, doivent pouvoir être accueillis dans des structures intermédiaires. Les attentes sont fortes, les inégalités criantes.
M. le rapporteur. L’alinéa 14 précise déjà que « les personnes suivies dans [les maisons d’accompagnement et de soins palliatifs] ont accès à l’ensemble des soins mentionnés à l’article L. 1110-10 du code de la santé publique » – soit les soins palliatifs.
M. Philippe Vigier (Dem). Si le texte se borne à mentionner les références des articles de loi, il n’est pas compréhensible. La preuve : alors que nous sommes plutôt un public initié, cette référence est passée entre les mailles de notre filet. Il faut préciser les choses.
M. Thibault Bazin (DR). Les premiers alinéas réservent ces maisons aux personnes en fin de vie, mais l’alinéa 14 les ouvre, par convention, à toutes les personnes bénéficiant de soins palliatifs dans des unités de cancérologie, par exemple. Or on ne meurt pas forcément du cancer – et tant mieux. La rédaction est donc incohérente ! On ne sait jamais vraiment, d’ailleurs, comment la maladie va évoluer et les malades passent par des hauts et des bas.
M. le rapporteur. Monsieur Bazin, les maisons de convalescence correspondent mieux au profil de patient que vous décrivez que les maisons d’accompagnement.
La commission adopte l’amendement AS328.
En conséquence, l’amendement AS65 tombe.
Amendement AS513 de M. Christophe Bentz
M. Christophe Bentz (RN). Il y a deux écoles : celle du rapporteur, qui prétend que l’aide à mourir n’aura pas sa place dans les maisons d’accompagnement ; celle de M. Falorni, qui indique que l’aide à mourir n’y sera pas interdite – or on sait qu’en France ce qui n’est pas interdit est autorisé. Au risque de vous étonner, je préfère l’école Falorni, car elle a le mérite de dire les choses en vérité.
Mon amendement vise à clarifier que l’aide à mourir, l’euthanasie et le suicide assisté seront exclus des maisons d’accompagnement.
M. le rapporteur. Hier, la ministre vous a répondu très clairement sur ce point. Durant l’examen de la proposition de loi relative à la fin de vie de M. Falorni, vous aurez l’occasion de revenir sur le sujet.
Avis défavorable.
M. Olivier Falorni (Dem). L’école Falorni ne vise pas du tout à faire des maisons d’accompagnement des lieux dédiés à l’aide active à mourir. Ces maisons seront une solution alternative. Les malades s’y trouveront comme chez eux, à domicile.
Comme l’ont confirmé les professionnels de santé auditionnés, une clause de conscience ne peut être qu’individuelle et il ne saurait y avoir de clause de conscience d’établissement. Ainsi, il ne saurait y avoir entrave à l’aide à mourir dans les maisons d’accompagnement, même si ce n’est pas leur vocation. Je m’inscris donc en faux contre l’école Bentz.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous voterons contre cet amendement. Les maisons d’accompagnement seront des lieux de vie pour les personnes en souffrance. Dès lors, comment refuser qu’elles y bénéficient d’un acte, malgré leur souhait ? Vous inventez le lieu de vie à liberté limitée.
Le jour où le résident d’une maison d’accompagnement demandera à bénéficier de l’aide à mourir, faudra-t-il le sortir de sa chambre, le transporter dans un lieu inconnu ? Vous déshumanisez la procédure pour les quelques personnes concernées. C’est extrêmement violent et brutal.
La question de l’intime conviction est individuelle. Vous ne pouvez fermer un droit selon le lieu de résidence. Les malades maintenus à domicile pourraient bénéficier de cette aide dans leur lit, mais pas ceux résidant dans une maison d’accompagnement ?
Mme Justine Gruet (DR). La proposition de loi relative à la fin de vie prévoit légitimement la possibilité de refuser les soins palliatifs. Mais est-il légitime de laisser des patients intégrer les maisons d’accompagnement, alors qu’ils souhaitent recourir à l’aide à mourir et refusent les soins palliatifs ? L’ADN même de ces maisons n’est-il pas de prodiguer ces soins dans un lieu dédié, protecteur, qui manque actuellement dans un système qui hospitalise et médicalise trop ?
À mon sens, ce serait une erreur de permettre l’aide active à mourir dans les maisons d’accompagnement, si le patient concerné n’a pas bénéficié de soins palliatifs auparavant, ou au moins n’y est pas entré en souhaitant bénéficier de ces soins.
Mme Annie Vidal (EPR). Les maisons d’accompagnement sont des solutions alternatives au domicile, parfois en sortie d’hôpital, parce que le patient ne peut pas rentrer chez lui pour différentes raisons, parfois parce que l’aidant a besoin de répit, parce que le maintien à domicile est trop compliqué.
Comme les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), ces maisons comprendront des espaces privés – les logements des résidents – et des espaces collectifs. Si nous créons le droit à l’aide active à mourir, le patient, dans son parcours de fin de vie, doit pouvoir en bénéficier dans son espace privé.
Toutefois, pour respecter l’esprit de ces lieux de vie, d’apaisement, où les proches sont présents, on pourrait comprendre qu’ils soient fermés à ceux qui viendraient uniquement pour recevoir l’aide à mourir. Il ne faut pas que pour rentabiliser le lieu des chambres soient réservées à de tels patients. Le cahier des charges pourra le préciser.
M. Christophe Bentz (RN). Je n’ai pas dit que j’étais membre de l’école Falorni, mais que je la comprenais mieux parce qu’elle formule les choses de manière plus claire. Je n’ai pas non plus prétendu que pour vous, monsieur Falorni, les maisons d’accompagnement ont vocation à permettre l’aide à mourir. J’ai dit que pour vous, elles doivent le permettre, peut-être par exception.
Nous demandons que ces futures maisons soient exclusivement dédiées aux soins à la personne, aux soins de la vie ; qu’elles soient des lieux d’humanité, de vie. Monsieur Clouet, la fin de vie fait aussi partie de la vie.
M. Yannick Monnet (GDR). Les choses ne sont pas mécaniques. On ne sait pas quand arrive la mort ; elle prend les gens là où ils se trouvent. C’est comme si vous vouliez interdire aux gens de mourir chez eux !
Nous ne pouvons pas décider du lieu, car on ne connaît pas l’état de dégradation de la santé du patient. Nous ne pouvons donc exclure ces maisons de l’aide active à mourir, si toutefois nous l’introduisons dans la loi. Faudrait-il, sinon, se dépêcher de déplacer les malades concernés ? Vous rendez-vous compte ?
M. René Pilato (LFI-NFP). Contrairement à nous, vous n’admettez pas la liberté ultime de disposer de son corps quel que soit le lieu. Imaginons un patient qui accepte des soins palliatifs et qui, parce que son domicile n’est pas adapté, réside dans une maison d’accompagnement. Si des souffrances réfractaires apparaissent au bout d’un ou deux mois, s’il n’y arrive plus, s’il souffre trop, ne pourra-t-il pas changer d’avis ? Devra-t-il aller mourir ailleurs, dans un lieu impersonnel ? Ce n’est pas possible !
Mme Hanane Mansouri (UDR). Monsieur Monnet, je ne comprends vos arguments que pour les cas de mort naturelle. Dans le cadre de l’aide à mourir, la mort sera provoquée à l’issue d’un délai de réflexion, et heureusement. Les maisons d’accompagnement pourraient donc être réservées aux soins palliatifs et exclure l’euthanasie.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS478 de M. René Pilato
M. René Pilato (LFI-NFP). Cet amendement vise à simplifier la rédaction de l’alinéa 5 en évitant la répétition de l’expression « établissements de droit public ou de droit privé à but non lucratif ». La loi sera ainsi moins bavarde et plus facile à comprendre.
M. le rapporteur. La formulation actuelle avait été proposée par mon prédécesseur, Didier Martin, avec l’avis favorable du Gouvernement.
Je ne suis pas convaincu par l’intérêt de votre rédaction. En outre, j’avais moi-même prévu un amendement rédactionnel, pour supprimer les redondances à cet alinéa.
Enfin et surtout, votre amendement ferait tomber un autre des miens, qui vise à autoriser les établissements de santé privés à but lucratif à gérer les maisons d’accompagnement.
M. René Pilato (LFI-NFP). Merci pour votre franchise, mais ce n’est pas lieu pour la gloriole. Allons au plus simple, en s’épargnant de tels calculs.
M. le rapporteur. Ce n’est pas une question de gloriole. Le sujet est sérieux et je veux qu’il soit débattu.
M. Yannick Monnet (GDR). Je souhaite l’adoption de l’amendement en discussion, car je ne suis pas favorable aux structures à but lucratif – on a vu les résultats pour les Ehpad et les crèches. Comment imaginer qu’on puisse créer un marché de la mort ?
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Il ne s’agit pas de faire tomber vos amendements par principe, monsieur le rapporteur, mais il faut maintenir le caractère non lucratif des établissements. C’est un enjeu de fond.
Nous refusons que les dernières années, semaines, ou mois de vie puissent être gérés de manière mercantile, comme l’avait refusé la commission spéciale l’an dernier. Il n’est pas question que des rémunérations et des dividendes soient directement indexés sur le traitement des personnes en soins palliatifs. Maintenons cette garantie.
M. Philippe Vigier (Dem). Qu’importe si ces établissements sont privés ou public. En tout cas, il faut qu’ils ne soient pas lucratifs. Méfions-nous des dérives. Des établissements lucratifs pourraient faire payer les familles, à travers des options de prise en charge, par exemple.
Ici même, nous avons constaté les dérives du secteur lucratif – souvenez-vous des initiatives prises par Mme Fadila Khattabi, concernant les centres dentaires. Au début, il ne fallait rien dire ; on sait ce qui s’est produit ensuite.
Qu’importe le signataire de l’amendement, soyons efficaces et prudents.
M. Sébastien Peytavie (EcoS). On connaît la situation économique. Or certains acteurs profitent de l’insuffisance des budgets.
Nous essayons d’instaurer des garde-fous pour les Ehpad et les crèches. Ne reproduisons pas les erreurs qui ont été commises dans ces secteurs, pour ne pas avoir à les rattraper ensuite.
Votons donc cet amendement pour faire tomber le vôtre, monsieur le rapporteur.
M. le rapporteur. Je suis d’accord, des abus ont eu lieu. Mais ne fustigeons pas tous les établissements privés. Dans ma circonscription, la clinique de l’Anjou est un établissement privé lucratif indépendant. Elle n’appartient pas à un groupe, ne distribue pas de dividendes. Les résultats servent à investir dans la clinique. La maternité réalise 1 500 accouchements par an. Le service d’urgences, ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre, comptabilise 30 000 passages par an. L’USP accueille 300 patients par an. La clinique respecte son cahier des charges et ses services ne coûtent pas plus cher que ceux du service public. Il serait dommage de ne pas permettre à cet établissement de gérer et de financer une maison d’accompagnement.
M. Philippe Juvin (DR). Je suis plutôt de l’avis de M. Pilato. Les procédures que nous allons créer ne doivent pas faire l’objet d’un marché et tous les garde-fous sont bienvenus.
Mais tout cela risque d’être un vœu pieux. Les établissements d’hospitalisation privés, qui existent déjà, fourniront des soins palliatifs ou d’accompagnement et auront le droit de prodiguer l’aide active à mourir, si celle-ci est autorisée. Simplement, ces établissements ne seront pas officiellement des maisons d’accompagnement.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Si nous ouvrons ce domaine au secteur privé lucratif, les patients ne seront pas là pour se plaindre des derniers mauvais traitements qu’ils ont subis dans les établissements peu scrupuleux – les dernières années nous ont malheureusement montré qu’il en existait bien plus que nous ne l’imaginions.
Tant mieux s’il existe des établissements sains, sereins, dans le secteur privé lucratif. Pour autant, de nombreux autres sont gérés dans le seul but de dégager du profit. Imaginez que vous accompagnez un proche qui va décéder – un membre de votre famille, par exemple – et que vous avez des milliards de choses à gérer, si bien que vous mettrez des années à découvrir les mauvais traitements qu’il a subis. Nous ferons face aux mêmes enquêtes de journalistes, à un nouveau scandale Orpea et nous nous étonnerons de ne pas avoir interdit d’emblée la lucrativité.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Toutes les maisons d’accompagnement ne dépendront pas d’établissements de soins. Le risque est que des promoteurs y investissent et les confient à des gérants peu sensibilisés aux enjeux de santé. Nous parlons d’un public vulnérable, en fin de vie et souvent âgé, qui peut attiser la convoitise d’acteurs économiques – la silver economy, le marché des séniors, est très attractive. Il faut donc faire preuve de vigilance – pour le dire familièrement, il ne faudrait pas que certains se fassent du fric sur le dos des malades en fin de vie.
Mme Fanny Dombre Coste (SOC). La fin de vie ne peut pas être un marché ; ce serait même immoral. Vous avez cité l’exemple d’une clinique privée vertueuse, monsieur le rapporteur, mais cela ne saurait justifier d’ouvrir les maisons d’accompagnement au secteur lucratif – au reste, les cliniques privées sont bien encadrées, alors que ces maisons seront d’une autre nature.
L’exigence de qualité en matière de soins palliatifs, de soins de support, de soins de confort et d’accompagnement est antinomique avec la recherche du profit, qui implique de faire des arbitrages sur la masse salariale au détriment du niveau de service. Nous en voyons les conséquences dans la prise en charge des publics vulnérables, depuis les personnes âgées jusqu’aux enfants et aux bébés. Soyons raisonnables, exigeons un accompagnement de qualité jusqu’à la fin de la vie et confions ces maisons aux seuls établissements à but non lucratif.
M. Patrick Hetzel (DR). Tôt ou tard, le secteur privé à but lucratif s’emparera de cette activité. C’est inéluctable, quelles que soient les barrières que vous prévoyiez. Par ailleurs, il est naïf de placer la ligne de démarcation entre le privé à but lucratif et le privé non lucratif. La vraie question est de réguler en amont pour garantir la qualité des prestations que délivrent ces établissements.
Mme Justine Gruet (DR). Puisque nous abordons le volet économique, il y a lieu de s’intéresser aux dépenses, aux recettes mais aussi aux dépenses évitées, sachant que les frais de santé se chiffrent à 26 000 euros dans la dernière année de vie. Malheureusement, nous n’avons pas reçu les études d’impact que nous avons demandées sur cet aspect.
M. le rapporteur. L’accompagnement en soins palliatifs est déjà dispensé à 25 % par le secteur privé à but lucratif, sans que nous ayons de remontées négatives sur la qualité du service. Les établissements que je connais sont très sérieux, respectent le cahier des charges et sont bien suivis. Comment ferions-nous s’ils n’assumaient pas cette part ?
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, les amendements AS573 de M. François Gernigon, AS295 de Mme Sandrine Dogor-Such et AS525 de Mme Hanane Mansouri tombent.
Amendement AS621 de M. François Gernigon
M. le rapporteur. Il s’agit de permettre aux établissements privés à but lucratif et à but non lucratif de gérer des maisons d’accompagnement de soins palliatifs.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). L’intérêt du patient doit l’emporter sur les positions de principe. Qu’importe si un établissement est public, privé à but non lucratif ou privé à but lucratif, dès lors qu’il agit dans l’intérêt du patient. Certains territoires n’ont pas d’hôpital public mais ont une clinique : faut-il priver leurs habitants d’accéder à une maison d’accompagnement ?
Mme Julie Laernoes (EcoS). Ce sujet grave et sérieux mérite mieux que des caricatures. Il est ici question de personnes en fin de vie, vulnérables, qui endurent d’énormes souffrances. Or nous disposons de rapports étayés sur les dérives causées par la financiarisation de secteurs qui prennent en charge des publics vulnérables. En tant qu’élus de la République devant représenter l’intérêt général, notre rôle est de les protéger.
Par définition, le but d’une entreprise lucrative est de faire de l’argent. Je ne dis pas que cela l’empêche de prendre soin des personnes, mais il n’en reste pas moins que son objectif est d’être rentable financièrement. Ma position n’est pas dogmatique mais pragmatique – il n’y a qu’à voir les dérives, étayées et documentées, qui surviennent dans la prise en charge des personnes âgées et de la petite enfance. Il est donc absolument essentiel que les maisons d’accompagnement soient à but non lucratif ; elles peuvent néanmoins avoir un statut privé – le secteur de l’économie sociale et solidaire, par exemple, peut très bien remplir cette mission.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Pourquoi n’est-il jamais dans l’intérêt des patients d’être pris en charge en soins palliatifs dans un établissement à but lucratif ? Un établissement public ou privé à but non lucratif dispose de moyens limités et fait du mieux possible avec ce qu’il a ; dans la tension entre les moyens et les fins, il arbitre en faveur de la qualité de la prise en charge. Pour un établissement à but lucratif, la question n’est pas d’arbitrer entre les moyens et les fins, mais de choisir entre deux fins antinomiques : consacre-t-il tous ses moyens au bien-être, au confort, aux soins et à l’accompagnement des patients, ou consacre‑t‑il une partie de ses moyens à d’autres fins, comme le taux de marge ou l’actionnaire ?
Vous estimez que le secteur privé à but lucratif investira nécessairement les maisons d’accompagnement. Or la proposition de loi soumet l’ouverture de ces établissements à l’obtention d’un agrément : si les agréments sont refusés aux opérateurs privés à but lucratif, ils ne pourront pas y exercer. Votre argument ne tient donc pas, à moins que vous ne vouliez libéraliser et déréguler ce secteur – ce que je combattrai toujours. Voulons-nous donner à ces maisons la seule et unique mission de prendre soin des patients, ou voulons-nous mettre en concurrence les patients avec les dividendes, ce qui est nécessairement funeste ?
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Un rapport parlementaire a été remis il y a trois jours sur les défaillances de l’aide sociale à l’enfance. Il révèle que lorsque ces enfants vulnérables sont confiés au secteur privé à but lucratif, leurs besoins fondamentaux ne sont pas satisfaits et la loi n’est pas respectée. Ces entreprises n’ont pas à cœur le bien-être, la santé et la sécurité des enfants, mais le souci de faire de l’argent. Toute entreprise a le droit de vouloir faire de l’argent, là n’est pas la question ; toutefois, nous ne pouvons pas accepter que cette quête du profit aille au détriment des droits fondamentaux et du bien-être des personnes, ni qu’elle bafoue les règles que nous fixons collectivement.
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Nous nous opposons à cet amendement. Nous sommes tous d’accord : il est urgent de rattraper notre retard en matière d’offre de soins palliatifs, fruit d’années de sous-investissement. Comme la Cour des comptes l’a rappelé, la politique de soins palliatifs a traversé une période blanche entre 2018 et 2021. Les temps sont au détricotage du service public et aux économies à tout prix. Or, quand l’État n’investit plus suffisamment, voire se retire, les acteurs privés s’engouffrent et engrangent des profits au détriment des membres les plus vulnérables de la société – les scandales qui ont affecté les Ehpad et les crèches en témoignent. Nous refusons de prendre ce risque pour les maisons d’accompagnement, qui ont vocation à accueillir des publics vulnérables. Les besoins peuvent être couverts par le secteur public et le secteur privé à but non lucratif, si l’on s’en donne les moyens. Nous ne voulons pas d’un Orpea de la fin de vie. Pour rappel, l’exclusion du secteur privé à but lucratif des maisons d’accompagnement a été votée l’année dernière en commission spéciale et en séance.
Mme Justine Gruet (DR). Je ne sais pas si nous avons déjà évoqué le statut de la maison d’accompagnement – pardon si c’est le cas. Sera-t-elle considérée comme un établissement de santé, un établissement médico-social ou un domicile ? Pour rappel, les personnes en perte d’autonomie accueillies en établissement médico-social doivent s’acquitter d’un reste à charge, l’agence régionale de santé (ARS) assumant une part correspondant aux soins et le conseil départemental assumant une part correspondant à la dépendance. Si les maisons d’accompagnement ont le statut d’établissement médico-social, les patients devront payer un reste à charge dont le montant variera en fonction des territoires.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous avons voté en faveur du statut d’établissement médico-social.
M. Philippe Juvin (DR). Il existe déjà des USP privées à but lucratif. Des patients terminent leurs jours dans des établissements de santé privés à but lucratif, et les soignants en prennent soin. Ce statut n’est pas incompatible avec la prise en charge de la fin de vie. Ce qui nous choque est que l’aide active à mourir puisse être une activité marchande. Si vous considérez que cet acte doit être possible partout, rien n’empêchera qu’il ait lieu dans des établissements privés à but lucratif. Si l’Hôpital américain de Neuilly, établissement privé lucratif par excellence, veut pratiquer l’aide active à mourir, comment l’en empêcherez-vous ? Vous ne le pourrez pas, car la loi le lui permettra.
M. Christophe Bentz (RN). Nous avons tous à cœur l’intérêt des patients, et nous ne prétendons pas que le privé à but lucratif vise nécessairement d’autres fins. Je suis toutefois sensible à certains arguments de la gauche : on ne peut pas tout libéraliser, ni faire de la fin de vie un commerce. Le risque serait même redoublé par l’introduction de l’aide à mourir. En revanche, on ne peut pas non plus exclure le secteur privé à but lucratif au détour d’un amendement ; il faut avoir un débat plus large dans le cadre de la navette parlementaire.
M. Jérôme Guedj (SOC). Nous avons eu ce débat en commission spéciale, et nous avons décidé de créer une nouvelle catégorie d’établissement social et médico-social (ESMS) pour les maisons d’accompagnement. J’avais souligné à l’époque que le code de l’action sociale et des familles ne définissait nulle part ce qu’était un établissement privé à but lucratif. Le moyen de traiter la question est d’adopter une logique d’habilitation pour les procédures de tarification. En effet, la vraie inconnue – que nous n’abordons pas ici – réside dans le modèle économique et les modalités de tarification de ces établissements : dotation globale, tarification à l’acte... J’avais affirmé à l’époque que, puisque nous créions un nouveau type d’établissements sociaux et médico-sociaux, ceux-ci devaient être investis d’une mission d’intérêt public, ce qui revenait à en écarter les acteurs privés à but lucratif. Une couverture territoriale insuffisante en soins palliatifs ne saurait justifier que l’on ouvre ces maisons aux opérateurs privés, supposément plus agiles et réactifs. Je vous invite donc à ne pas voter cet amendement.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Je ne suis pas certaine que la loi puisse interdire à des établissements privés à but lucratif d’ouvrir des maisons d’accompagnement. Plus de 20 % de l’offre de soins palliatifs sont déjà assurés par de tels opérateurs. Dans votre logique, ils ne pourraient pas ouvrir de maisons d’accompagnement, puisque celles-ci doivent nécessairement être adossées à un établissement de santé.
M. Juvin craint que l’on ne crée un système marchand de la mort, mais si le second texte est voté, nous parlerons bien de la demande du malade, et de lui seul. N’inversons pas les choses.
M. Philippe Vigier (Dem). Je m’étonne que nous rouvrions ce débat qui avait été tranché en commission spéciale.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous ne sommes plus en commission spéciale, et nous ne pouvons pas nous référer à ce qui a été acté dans ce cadre. De nouveaux députés ont été élus depuis, et il a été décidé que notre commission reprendrait le texte à zéro.
M. Philippe Vigier (Dem). Il n’en reste pas moins que la commission spéciale avait écarté les opérateurs à but lucratif, craignant des dérives. L’exposé sommaire de l’amendement avance l’argument suivant : « Alors que les besoins estimés de soins palliatifs ne sont aujourd’hui couverts qu’à hauteur de 50 %, il convient de mobiliser tous les acteurs et moyens disponibles pour garantir et rendre effectif, sur tout le territoire, le droit prévu l’article 1er. » Où va-t-on ? Nous avons une stratégie décennale et nous avons défini un cadre exigeant ; si nous laissons les opérateurs à but lucratif investir ce secteur, nous créerons des disparités territoriales. Ne commercialisons pas et ne financiarisons pas les soins palliatifs et la fin de vie. Nous savons tous à quelles dérives aboutit la financiarisation accélérée de la médecine : de nombreux secteurs sont démantelés, comme la radiologie.
M. Laurent Panifous (LIOT). J’ai longtemps dirigé des établissements médico-sociaux ou hospitaliers publics comme privés à but lucratif, et j’ai été administrateur d’un opérateur de santé associatif. Je ne vois aucun obstacle à ce que le secteur privé exerce dans l’accompagnement des personnes âgées ; il peut y faire du bon travail. Je milite aussi pour qu’il soit étroitement contrôlé afin d’éviter les dérives de la financiarisation. En d’autres termes, je ne suis pas de ceux qui considèrent que le privé doit être banni de la santé.
En revanche, nous touchons ici un sujet extrêmement sensible, les soins palliatifs et la fin de vie. La création d’un nouveau type d’établissements et de services appelle à la prudence. Évitons dans un premier temps que le secteur à but lucratif intègre ces dispositifs, pour nous prémunir de possibles dérives. Si nous constatons dans quelques années un énorme déficit d’investissement public, en dépit de la stratégie décennale, nous pourrons nous reposer la question.
M. Olivier Falorni (Dem). J’entends nos collègues plaider légitimement pour un encadrement strict des maisons d’accompagnement, assorti de protections et de garde-fous. En exclure le secteur privé à but lucratif constitue justement une protection. Je ne pointe pas du doigt ce secteur dans l’absolu, considérant qu’il adopterait nécessairement une logique mercantile, mais j’estime que par mesure de protection, pour lever le moindre doute et rassurer ceux qui ont besoin de l’être, il doit être écarté de cette activité.
M. le président Frédéric Valletoux. L’extrême financiarisation de notre système de santé soulève de nombreuses interrogations. La commission des affaires sociales du Sénat, qui n’est pas un repaire d’extrémistes de tout poil, a mené un travail extrêmement documenté sur les dérives qu’elle occasionne. Nous créons ici un nouvel objet qui ne doit pas être confondu avec l’activité qu’exerce déjà le secteur privé à but lucratif dans les soins palliatifs. Demain, rien n’empêchera une ARS d’accorder de nouvelles autorisations à une clinique à but lucratif pour opérer un service de soins palliatifs, en réponse aux besoins d’un territoire. En revanche, il me paraît plus rassurant de n’autoriser que des opérateurs publics ou privés à but non lucratif à ouvrir des maisons d’accompagnement, au moins dans un premier temps.
Enfin, pour répondre à Philippe Juvin, l’Hôpital américain de Neuilly n’est pas un établissement privé à but lucratif mais une fondation à but non lucratif.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS524 de Mme Hanane Mansouri
Mme Hanane Mansouri (UDR). Nous souhaitons clarifier le rôle des maisons d’accompagnement : elles ne doivent pas se substituer aux USP mais proposer une offre alternative et complémentaire. Surtout, elles ne doivent pas mettre en œuvre des mécanismes qui ne relèveraient pas de la philosophie des soins palliatifs, comme l’euthanasie et le suicide assisté.
M. le rapporteur. Ces maisons s’ajouteront à l’offre existante et constitueront une alternative au retour à domicile. Il n’y a pas d’ambiguïté en la matière.
Avis défavorable.
Mme Justine Gruet (DR). Prenons le temps de nous interroger sur le statut de ces maisons. N’aurions-nous pas intérêt à en faire des établissements de santé, sans reste à charge, plutôt que des établissements médico-sociaux ? Je le répète, certaines personnes âgées restent à domicile plutôt que d’entrer dans un établissement médico-social parce qu’elles n’en ont pas les moyens. Elles vont à l’hôpital certes pour bénéficier d’un accompagnement qu’elles ne peuvent pas recevoir chez elles, mais aussi pour l’absence de reste à charge. Si nous voulons désengorger les hôpitaux des patients en fin de vie qui ont besoin d’un accompagnement médical et qui ne peuvent pas rester à domicile, nous devrions peut-être accorder le statut d’établissement de santé aux maisons d’accompagnement.
M. Jérôme Guedj (SOC). Parmi les dix-sept catégories d’ESMS, il existe des établissements dans lesquels il n’y a aucun reste à charge – c’est le cas des instituts médico-éducatifs (IME) – et d’autres dans lesquels il n’est pas automatique, comme dans les foyers de vie et d’hébergement pour les personnes en situation de handicap. Tout dépend de la manière dont ces structures sont tarifées. Nous devrons faire en sorte qu’avec la dotation globale, il n’y ait pas de reste à charge dans les maisons d’accompagnement.
Ensuite, si nous sommes d’accord pour écarter les établissements à but lucratif, je rappelle que ce concept n’existe pas dans le code de l’action sociale et des familles. Par conséquent, ce n’est pas en mentionnant une telle restriction que, juridiquement, nous empêcherons des opérateurs de proposer ce type de services. En l’état actuel du texte, la rédaction retenue – dont je suis en partie responsable à la suite des amendements adoptés par la commission spéciale – n’est pas suffisamment satisfaisante pour le graver dans le marbre. Nous pourrions envisager un mécanisme d’habilitation préalable à la création des maisons d’accompagnement, dont, pour l’heure, l’autorité de tutelle n’est pas précisée : s’agira-t-il de l’ARS ou d’une autre entité ? Les débats en séance ou au cours de la navette parlementaire permettront peut-être d’éclaircir ce point.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS296 de Mme Sandrine Dogor-Such
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Mon amendement a pour but de clarifier la mission des maisons d’accompagnement et de soins palliatifs, qui constitueront un échelon intermédiaire entre les USP et le domicile du malade, lorsqu’il ne pourra plus y rester. Rattachées à un établissement de santé publique, elles auront vocation à assurer des soins. Nous espérons néanmoins qu’il sera possible de créer des USP et des structures d’accompagnement dans les départements qui en sont dépourvus, car dès lors que le patient est bien accompagné, la demande d’aide à mourir diminue.
M. le rapporteur. Votre amendement est satisfait par l’alinéa 14 de l’article 10. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Les amendements AS348 et AS141 de M. Patrick Hetzel sont retirés.
Amendements AS260 de Mme Fanny Dombre-Coste et AS204 de Mme Hanane Mansouri (discussion commune)
L’amendement AS260 est retiré.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement AS204.
Amendement AS380 de M. Panifous
M. Laurent Panifous (LIOT). Il s’agit de préciser le cadre et les missions des futures maisons d’accompagnement, en particulier le régime d’autorisation qui leur sera appliqué. Il prévoit que cette autorisation émane du directeur général de l’ARS, sur la base d’un cahier des charges déterminé par arrêté du ministre chargé de la santé, afin de préciser les critères d’accès et les conditions techniques minimales d’organisation et de fonctionnement dans le cadre d’une organisation territoriale graduée. En créant des conditions minimales d’autorisation, ce cahier des charges permettra donc au ministre de la santé de filtrer et d’exclure les établissements à but lucratif du dispositif, et apportera ainsi une réponse au débat que nous venons d’avoir.
M. le rapporteur. Cette précision relève du domaine réglementaire. Je vous propose d’en débattre avec le Gouvernement dans l’hémicycle. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS67 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). L’amendement est rédactionnel.
M. le rapporteur. Je comprends ce que M. Bazin cherche à faire, mais la rédaction de son amendement m’incite à l’interroger sur l’exclusion d’autres types de soins – ceux de rééducation, par exemple – qui peuvent être nécessaires pour les patients accueillis dans ces maisons.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis, suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement AS282 de Mme Sandrine Dogor‑Such.
Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS574 de M. François Gernigon.
Amendement AS225 de Mme Justine Gruet
Mme Justine Gruet (DR). L’idée est que l’aide active à mourir ne soit pas autorisée dans les maisons d’accompagnement. Les travaux de la commission spéciale n’avaient pas permis, à l’époque, d’éclaircir ce point.
S’agissant des établissements de santé, j’ai bien entendu vos explications, monsieur Guedj, sur le fait qu’il n’y a pas toujours de reste à charge, notamment dans les IME ou les foyers d’accueil médicalisé ; néanmoins, la prise en charge financière repose sur les départements. Si nous voulons que les maisons d’accompagnement soient déployées dans l’ensemble du territoire et que la prise en charge ne se fasse pas au bon vouloir des départements, il faudra leur octroyer une dotation à la hauteur de la nouvelle compétence financière qui pèsera sur eux.
M. le rapporteur. Nous avons déjà eu ce débat. Avis défavorable, pour les mêmes raisons.
M. Olivier Falorni (Dem). L’amendement de Mme Gruet remet sur la table une notion très importante, la clause de conscience, qui sera au cœur de la proposition de loi relative à la fin de vie. Adopter cet amendement reviendrait à remettre en cause la clause de conscience qui est, par définition, fondamentalement individuelle – comme l’ont rappelé l’Académie nationale de médecine, le Conseil national de l’Ordre des médecins ou l’Ordre national des infirmiers –, pour lui substituer une clause de conscience d’établissement, donc collective. Je l’ai déjà souligné : un homme ou une femme a une conscience ; les murs n’en ont pas. Voter en faveur de cet amendement reviendrait à considérer que les murs d’un établissement peuvent décider si, oui ou non, il est possible de bénéficier en leur sein d’un droit à mourir – droit qui n’a certes pas encore été adopté, mais qui pourrait l’être.
M. Jérôme Guedj (SOC). On se lime la cervelle mutuellement, pour reprendre une jolie expression de Montaigne. L’étude d’impact, qui est à l’origine de l’instauration des maisons d’accompagnement, indiquait très clairement que leur financement serait assuré à 100 % par un objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) spécifique, même si elles sont en réalité faiblement médicalisées : elles comprendront douze à quinze lits, une quinzaine d’équivalents temps plein, leur budget de fonctionnement est estimé à un peu moins de 1 million d’euros et elles auront recours à la médecine de ville pour les interventions médicales – qui seront donc remboursées. Aucune participation financière ne sera demandée aux collectivités locales. Enfin, pour reprendre les exemples cités tout à l’heure, un IME est financé à 100 % par l’ARS, tout comme les maisons d’accueil spécialisées. En réalité, c’est principalement dans les Ehpad, pour lesquels est appliquée depuis la réforme de 1999 la tarification ternaire, qu’il peut y avoir un reste à charge. N’ayons donc pas d’inquiétude sur ce point.
M. Thibault Bazin (DR). L’amendement de notre collègue Justine Gruet vise davantage à préciser ce qui ne pourra pas être pratiqué dans les maisons d’accompagnement. Nous nous accordons sur le fait que nous avons besoin de structures intermédiaires entre le domicile et les USP – d’ailleurs, des reportages ont montré de beaux exemples en la matière. Cependant, les acteurs qui opèrent dans ces établissements où prévaut une culture palliative pourraient se sentir mal à l’aise si l’aide active à mourir était légalisée. Une structure se crée sur la base d’un projet d’établissement, coconstruit avec les acteurs – ce ne sont pas simplement des murs. Par conséquent, ce projet ne pourrait-il pas préciser qu’il ne sera pas possible d’y pratiquer la mort provoquée ? Et cela ne remet pas en cause le fait qu’il existe par ailleurs des services qui offrent cette possibilité. Néanmoins, voulons-nous promouvoir, oui ou non, une culture palliative ? C’est un vrai sujet.
M. Yannick Monnet (GDR). Ne préemptons pas le débat que nous aurons sur le second texte ! Il est curieux de vouloir interdire l’aide active à mourir dans les maisons d’accompagnement, alors même que ce droit n’a pas encore été adopté. D’ailleurs, nous ne choisirons sans doute pas le lieu dans lequel il sera possible d’y recourir. Abordons les choses dans l’ordre : pour le moment, le débat porte sur la création des structures de soins palliatifs. Si l’aide active à mourir est adoptée, rien ne vous empêchera, dans un second temps, de préciser les lieux dans lesquels elle sera pratiquée. Je ne dis pas que vous êtes parés de mauvaises intentions mais, intellectuellement, ce débat est difficile à comprendre.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Un établissement ouvre sur la base d’un projet, avec des valeurs et des orientations auxquelles les soignants qui le rejoignent choisissent d’adhérer. Toutefois, il ne revient pas à l’établissement de faire valoir une clause de conscience collective : chacun, en fonction de sa vie personnelle, de ses valeurs et de ses convictions religieuses ou spirituelles, aura une approche différente, qu’il convient de respecter. C’est pourquoi la clause de conscience ne peut être qu’individuelle.
M. Philippe Juvin (DR). L’idée que, par essence, un établissement ne peut se prévaloir de la clause de conscience n’est pas tout à fait exacte. En effet, le code de la santé publique prévoit expressément qu’un établissement de santé privé peut refuser que des interruptions volontaires de grossesse (IVG) soient pratiqués en son sein, sous deux conditions : qu’il ne fasse pas partie du service public hospitalier et qu’il existe dans la région une offre alternative pour les femmes qui souhaitent pratiquer un IVG.
M. René Pilato (LFI-NFP). Notre débat est lunaire. Laissez-moi pousser votre raisonnement jusqu’au bout : imaginons que je possède un immeuble et que je demande aux locataires de signer un papier par lequel ils s’engagent à ne jamais recourir à l’aide à mourir, lorsqu’ils seront au bout de leur vie. C’est absurde ! Reprenez-vous et revenons-en au débat.
M. Philippe Vigier (Dem). La clause de conscience est avant tout une démarche individuelle, qui concerne chaque praticien, lequel choisit en responsabilité. Une personne morale n’est pas une personne physique. La clause de conscience morale à laquelle fait référence notre collègue Juvin n’est jamais que l’agrégation des clauses de conscience individuelles ; par conséquent, si un nouveau praticien veut procéder à l’IVG, il peut le faire. Vous ne pouvez pas objectiver le débat, avec un prisme déformant, pour expliquer que l’établissement est opposé à tel ou tel acte. Sinon, vous renversez complètement la hiérarchie des normes. Ne dévoyez pas les choses et ne nous menez pas dans une impasse.
M. Patrick Hetzel (DR). Vous faites référence, monsieur Pilato, à un espace strictement privé, alors qu’un établissement de santé comporte une dimension publique et est accessible à tous. C’est très différent. Ensuite, monsieur Vigier, il est possible d’élaborer un projet d’établissement, dont vous ne pouvez faire fi – même si, je le concède, ce projet n’est pas simple à réaliser. Les juristes considèrent d’ailleurs que ce sujet mérite réflexion.
M. Nicolas Turquois (Dem). Permettez-moi une interrogation d’ordre légistique : comment cet amendement a-t-il pu être déclaré recevable, puisqu’il fait référence à un article, le L. 1111-12-1, qui n’existe pas encore ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). La clause de conscience est, j’insiste, purement individuelle. Par ailleurs, dans l’exposé sommaire de votre amendement, vous indiquez, madame Gruet, que « les débats en commission spéciale n’ont pas permis d’éclairer le rôle des maisons d’accompagnement et de soins palliatifs ». Pourtant, lors de l’examen du projet de loi en séance, Mme Genevard a dû poser la question une cinquantaine de fois et la ministre y a répondu autant de fois.
Mme Justine Gruet (DR). Nous avions fondé nos débats sur la tolérance ; ne prenez donc pas un air mesquin. Nous posons des sujets sur la table et le vote sur les amendements tranchera de leur légitimité ou non. C’est notre rôle de législateur, sur des questions aussi importantes, d’introduire une part d’éthique et de s’interroger sur ce que le texte apportera. Vous dévoyez le sens de mon amendement puisqu’il s’agissait de s’interroger sur ce qui sera autorisé ou pas au sein des maisons d’accompagnement, dans le cadre d’une clause de conscience collective fondée sur un projet d’établissement et d’équipe. Je fais la différence entre le professionnel qui travaille seul, en libéral, et qui n’engage que sa personne dans ses choix, et celui qui, à titre individuel, engage sa volonté au sein d’un collectif. Nous en sortirions grandis en permettant que chacun se sente à l’aise dans un projet d’équipe. Autrement dit, on peut faire valoir une clause de conscience individuelle dans un collectif, mais celle-ci ne doit pas mettre en porte à faux l’ensemble du projet d’établissement.
Enfin, pour rendre les maisons d’accompagnement pleinement opérationnelles, il ne doit pas y avoir de reste à charge – sinon, nous louperions quelque chose. Cependant, dans ce cas, je doute que l’enveloppe de 1 million d’euros par an soit suffisante pour faire tourner ces établissements. Nous devons donc nous interroger collectivement sur les moyens qu’il sera possible d’accorder à cette ambition, y compris, peut-être, en diminuant l’enveloppe allouée aux hôpitaux, puisque les patients en fin de vie ne seront plus accueillis à l’hôpital mais dans les maisons d’accompagnement.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS576 de M. François Gernigon.
L’amendement AS261 de Mme Fanny Dombre Coste est retiré.
Amendement AS616 de M. François Gernigon
M. le rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 15.
M. Jérôme Guedj (SOC). Pourrions-nous savoir pour quelle raison ? L’alinéa 15 prévoit que « les établissements et services mentionnés à l’article L. 312-1 » – c’est-à-dire les ESMS, dont certains assurent l’hébergement de personnes potentiellement vulnérables, donc éligibles à de l’accompagnement, voire à l’aide à mourir – « [...] concluent des conventions pluriannuelles avec des équipes mobiles de soins palliatifs » (EMSP).
D’après votre exposé sommaire, cet alinéa est redondant avec la mesure n° 10 de la stratégie décennale. Je préfère néanmoins intégrer cette disposition dans la loi plutôt que de m’en remettre à une stratégie gouvernementale qui n’a pas de force contraignante – et tant mieux si on diffuse la culture des soins palliatifs et d’accompagnement dans les ESMS. D’ailleurs, je trouve la rédaction de l’alinéa un peu faible puisqu’il est écrit que les établissements concluent des conventions pluriannuelles avec des équipes mobiles de soins palliatifs. Ce devrait être obligatoire dans le cadre des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (Cpom). Seuls 30 % des Ehpad ont des équipes mobiles de soins palliatifs. L’ARS et le département, qui cosignent des Cpom avec ces établissements, feraient mieux de s’assurer qu’une convention est réellement passée avec une EMSP. C’est pourquoi il ne faut pas supprimer l’alinéa 15.
M. le rapporteur. Cet alinéa aurait davantage sa place à l’article 11. Je propose de retirer mon amendement et d’y réfléchir pour l’examen en séance.
L’amendement est retiré.
Amendement AS420 de M. Hadrien Clouet
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). L’amendement revient sur le régime d’autorisation, comme celui de notre collègue Panifous. Je ne pense pas que cette question relève du domaine réglementaire. Si les conditions dans lesquelles une loi s’applique sont bien d’ordre réglementaire, nous réfléchissons ici au sens même que nous voulons donner à la loi – et cela relève du registre législatif.
Nous proposons que le directeur général de l’ARS autorise la création des maisons d’accompagnement sur la base d’un cahier des charges qui réponde à des conditions fixées par le ministère de la santé, qu’il comprenne un volet sur les conditions techniques dans lesquelles s’exerce le travail et un autre sur l’organisation territoriale. Nous rendrions ainsi justice au rapport Chauvin, qui préconisait d’aller dans ce sens, et nous transcririons dans la loi des éléments qui figuraient dans l’étude d’impact du projet de loi initial. Vous ne pouvez donc qu’être d’accord.
M. le rapporteur. Le recours à une autorisation formelle du directeur général de l’ARS risque d’alourdir inutilement le processus de création desdites structures, alors qu’une souplesse est nécessaire pour s’adapter aux réalités locales.
Avis défavorable.
M. Jérôme Guedj (SOC). Cet amendement a la même pertinence que celui de M. Panifous. Il vise à introduire dans la loi un point abordé dans l’étude d’impact et que le Gouvernement avait envisagé. Pour l’heure, deux sujets ne sont pas gravés dans la loi. Le premier concerne les modalités d’autorisation des maisons d’accompagnement. Puisque leur financement doit être assuré par un Ondam spécifique, il est logique que cette autorisation relève du directeur général de l’ARS. Je ne comprends pas très bien ce que vous voulez dire, monsieur le rapporteur, lorsque vous répondez qu’il faudra s’adapter localement. Qui délivrera les autorisations ?
Le second sujet, c’est le financement des maisons d’accompagnement et de soins palliatifs. Le choix a été fait de créer un Ondam spécifique pour éviter de faire porter ce financement sur un Ondam déjà existant – handicap, par exemple –, ce qui est plutôt sain. Néanmoins, le texte ne fait aucune mention de cet Ondam, dont l’idée ne figure que dans l’étude d’impact. Nous pourrions aussi prévoir de les financer grâce à une dotation globale. Nous y réfléchirons sans doute dans le cadre du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).
M. Laurent Panifous (LIOT). Je soutiens cet amendement. Je suis surpris que vous ne vouliez pas inscrire dans la loi le régime d’autorisation de ces établissements ni préciser qu’ils seront financés par l’Ondam. Évitons également une tarification ternaire, comme cela se fait dans les Ehpad, avec toutes les complexités que cela engendre. Il est parfaitement légitime de préciser dans le texte les modalités d’autorisation et quels seront le cahier des charges et les critères d’accès ; les questions de détail pourront ensuite être tranchées par voie réglementaire.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Je ne comprends pas non plus l’objection du rapporteur qui plaide pour la souplesse. Qui désignera la personne habilitée à délivrer l’autorisation ? Cela relèvera-t-il d’une volonté ministérielle ? Cette personne sera-t-elle différente selon les territoires ? Je ne connais pas d’exemple d’établissement bénéficiant d’une autorisation légale, dont on ne sache pas qui va l’autoriser ; à moins que cela relève du droit divin ou d’un lancer de dés ? Vous avez le droit de considérer que le directeur général de l’ARS n’est pas la bonne personne et nous pouvons en débattre. Mais ne nous laissez pas le découvrir en chemin – d’autant que celui-ci est vraiment escarpé.
M. Thibault Bazin (DR). Le Gouvernement doit clarifier ces points, car nous ne sommes pas sortis plus éclairés de l’audition des ministres mercredi matin ! Ils souhaitent même modifier le nom de ces maisons. Lorsqu’il a été question de l’Ondam et de la prise en compte des évolutions tarifaires, la ministre a répondu qu’elle avait augmenté l’Ondam relatif à l’hospitalisation à domicile (HAD) – mais ces structures en relèvent-elles ? Est-ce la bonne cible ? Soyons clairs : qui autorise et qui finance ? Si le flou perdure, rien ne se fera ; il ne faut pas se mentir. Si ces éléments ne sont pas clarifiés, aucune maison n’aura été créée dans cinq ans, si ce ne sont quelques services de soins palliatifs qui seront ouverts dans de grands établissements. Ce n’est pas le but.
M. Philippe Vigier (Dem). Nous voulons que les maisons d’accompagnement et de soins palliatifs soient réparties de façon équilibrée sur l’ensemble du territoire national. Or il n’est pas possible d’exercer une profession médicale sans bénéficier d’une autorisation de l’ARS et d’un conventionnement avec la caisse primaire d’assurance maladie. C’est seulement ainsi qu’il est possible d’ouvrir une pharmacie ou un laboratoire ; à la rigueur, vous pourrez ajouter une table de radiologie sans autorisation préalable si le laboratoire est agréé.
Depuis la réforme constitutionnelle de 2008, le texte examiné en séance est celui de la commission. Rendons service au Gouvernement en l’éclairant sur ce que nous souhaitons pour ces maisons d’accompagnement, sur la façon dont nous les concevons pour éviter les dérives et rendre les meilleurs services aux patients. Nous aurons alors un vif succès dans l’hémicycle, partagé par la majorité de ceux qui sont ici présents.
Mme Annie Vidal (EPR). On a créé un sous-objectif de l’Ondam pour retracer le financement de la stratégie décennale des soins d’accompagnement.
La rédaction de la proposition de loi est précise puisque son alinéa 9, en faisant référence à l’article L. 313-3 du code de l’action sociale et des familles, prévoit de confier au directeur général de l’ARS le soin d’autoriser la création des maisons d’accompagnement. Tout est déjà prévu.
M. Jérôme Guedj (SOC). Mais cet article ne fait pas référence à un nouveau sous‑objectif de l’Ondam.
M. Thibault Bazin (DR). Les lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2024 et 2025 n’ont pas créé de nouveau sous-objectif de l’Ondam pour les soins palliatifs. Le Gouvernement a annoncé qu’il allait leur consacrer des financements supplémentaires, et l’on pourrait imaginer qu’ils soient retracés au sein du sixième sous-objectif, « Autres prises en charge », qui est une sorte un fourre-tout. Nous pourrions aussi créer un nouveau sous-objectif à l’occasion d’un prochain PLFSS, car ces financements ne peuvent pas figurer dans les cinq autres sous-objectifs existants. Mais soyons clairs, cela n’a pas été fait jusqu’à présent.
M. Jérôme Guedj (SOC). Je fais mon mea‑culpa et remercie Annie Vidal de nous avoir éclairé : le texte confie bien au directeur général de l’ARS le pouvoir de donner l’autorisation. L’amendement est donc satisfait.
En revanche, les modalités de financement ne figurent pas dans cette proposition de loi. Sous réserve de vérification, il me semble qu’il ne sera pas possible de créer un nouveau sous-objectif de l’Ondam dans le prochain PLFSS, car cela relève de la loi organique. Le problème reste donc devant nous.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). La bonne nouvelle, c’est que la procédure d’autorisation est bien décrite dans le texte. La mauvaise, c’est que le cahier des charges n’y figure pas.
La solution est d’adopter l’amendement et de supprimer en séance publique les références au régime d’autorisation qui font doublon. Cela permettra d’intégrer dans le texte tous les éléments utiles à sa bonne compréhension.
M. le président Frédéric Valletoux. Plus personne ne comprend les lois que nous votons car elles deviennent trop compliquées. N’alourdissons pas ce texte en y faisant figurer le cahier des charges.
M. le rapporteur. Demande de retrait.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS617 de M. François Gernigon
M. le rapporteur. Par souci de clarté rédactionnelle, je propose de supprimer la mention du congé de solidarité familiale à l’alinéa 16.
M. Yannick Monnet (GDR). Je suis contre cet amendement.
Outre qu’il n’est nullement rédactionnel, il ferait tomber l’amendement AS329, qui suit. Ensuite, il est fondamental de faire figurer dans le texte la nécessité d’une information sur le congé de solidarité parentale. On ne doit pas être avare d’informations, notamment lorsqu’il s’agit des soins palliatifs pédiatriques, qui sont encore moins connus que les autres soins d’accompagnement.
Chaque année, 6 000 jeunes de moins de 25 ans décèdent, et près de 3 000 ont moins de 1 an. On compte parmi eux des enfants atteints de cancer mais aussi de malformations congénitales, de maladies métaboliques, neurologiques ou de plusieurs handicaps.
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Nous nous opposerons à cet amendement, qui va bien au-delà d’une modification rédactionnelle.
Les droits des proches aidants sont trop peu connus, donc trop peu exercés. C’est en particulier le cas du congé de solidarité familiale, destiné aux personnes qui accompagnent un proche en fin de vie. L’une des missions des maisons d’accompagnement est d’apporter un soutien aux proches aidants et ces structures doivent contribuer à mieux les informer sur leurs droits.
Mme Hanane Mansouri (UDR). Cet amendement me met très mal à l’aise car il manque absolument d’humanité. La fin de vie est un moment important où l’on a besoin de se sentir entouré par ses proches, et parfois de pardonner certains faits.
Je ne comprends pas bien l’intérêt de moins informer les membres de la famille au sujet des possibilités offertes par le congé de solidarité familiale, qui est destiné à leur permettre d’être aux côtés de leurs proches en fin de vie.
M. Thibault Bazin (DR). Informer les proches notamment sur le droit au congé de solidarité familiale lorsqu’un membre de leur famille en fin de vie est accueilli dans une maison d’accompagnement me semble être une bonne chose.
Exercer ce droit n’est d’ailleurs pas simple, car il faut prévenir son employeur quinze jours avant – délai qui n’est malheureusement pas toujours compatible avec l’évolution parfois brutale de l’état d’un patient en phase terminale.
L’amendement n’a-t-il qu’une portée rédactionnelle ? L’information des proches sur ce congé est-elle prévue ailleurs dans le texte ? Je la crois en tout cas nécessaire, et sous une forme spécifique.
Mme Justine Gruet (DR). Il ne faut pas polémiquer inutilement. L’amendement ne propose en aucun cas de supprimer le congé de solidarité familiale. Le rapporteur propose sagement de prévoir un cadre général d’information des aidants, car il ne revient pas au législateur d’énumérer tout ce qui doit leur être indiqué – d’autant que les dispositifs dont ils peuvent bénéficier sont susceptibles d’évoluer. On continuera donc de les informer au sujet du congé de solidarité familial, mais aussi de bien d’autres choses.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Comme l’a très bien dit Mme Gruet, il ne s’agit pas de supprimer le congé de solidarité familiale mais seulement la mention d’une information à son sujet. L’alinéa 16 prévoit bien que les proches aidants doivent être informés de leurs droits. On pourrait éventuellement souligner que cette information doit être exhaustive, mais il faut éviter les listes.
M. Patrick Hetzel (DR). S’agissant des listes nous avons déjà eu des discussions similaires, notamment à l’article 7. Le plus simple est en effet de recourir à une formule globale permettant de s’assurer que les droits des proches aidants ne sont pas négligés.
M. Jérôme Guedj (SOC). L’échange est éclairant et me ramène à ce que m’avait recommandé un vieux professeur de droit, à savoir s’abstenir d’utiliser des adverbes dans la loi, particulièrement l’adverbe « notamment ». Le principe d’une information complète figure bien dans le texte et il est inutile de se faire plaisir en mentionnant tel ou tel droit – ce qui revient d’ailleurs à établir une hiérarchie entre eux. Je suis donc favorable à l’amendement du rapporteur.
M. le rapporteur. Mon amendement n’a en effet pas du tout pour objet de supprimer le droit au congé de solidarité familiale, l’article 12 prévoyant d’ailleurs que le Gouvernement remette au Parlement un rapport à son sujet.
M. Yannick Monnet (GDR). Vous m’avez convaincu : il vaut mieux prévoir une formule générale. Si votre amendement n’est pas voté, je retirerai l’amendement AS329.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’amendement AS329 de Mme Karine Lebon tombe.
Amendements identiques AS582 de M. François Gernigon, AS283 de Mme Sandrine Dogor-Such et AS476 de Mme Agnès Firmin Le Bodo
M. le rapporteur. Cet amendement propose de supprimer l’alinéa 17, introduit dans le projet de loi lors de l’examen en séance publique en 2024.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Nous avions alors débattu de l’amendement de M. Pilato, qui repose sur une confusion entre départements et territoires.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’amendement AS421 de Mme Karen Erodi tombe.
Amendement AS317 de M. Yannick Monnet
M. Yannick Monnet (GDR). L’amendement prévoit que les maisons d’accompagnement font l’objet d’une évaluation annuelle rendue publique.
M. le rapporteur. Avis défavorable.
La proposition prévoit déjà une évaluation du déploiement de l’offre d’accompagnement et de soins palliatifs, et les maisons d’accompagnement feront partie de cette évaluation.
L’amendement est retiré.
Amendement AS422 de Mme Élise Leboucher
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Cet amendement demande au Gouvernement de remettre un rapport sur l’établissement d’un ratio minimum de soignants dans les maisons d’accompagnement.
La création de ces maisons répond à un réel besoin. En effet, 60 % des Français indiquent qu’ils souhaitent finir leurs jours à domicile et, selon le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie, ce taux atteint 82 % si l’on inclut les personnes qui choisissent le domicile seulement si l’accompagnement nécessaire y est disponible. Pourtant, en 2019, 53 % des décès ont eu lieu dans des structures hospitalières.
Les maisons d’accompagnement représentent donc un bon compromis pour les patients puisqu’elles permettent un accompagnement de qualité dans des petites structures. Mais celui-ci ne peut être garanti que par un nombre suffisant de soignants et de professionnels par rapport à celui des patients.
Prévoir un ratio minimum est essentiel pour enrayer la détérioration des conditions de prise en charge des patients et des conditions de travail des soignants.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous avons, me semble-t-il, adopté définitivement une proposition de loi du sénateur Bernard Jomier relative à l’instauration d’un nombre minimum de soignants par patient.
M. le rapporteur. Cette loi concerne les établissements de santé.
Les maisons d’accompagnement emploient différents intervenants – professionnels de santé, travailleurs sociaux, psychologues et bénévoles. Ce sont des petites structures, qui accueillent entre dix et quinze patients.
Avis défavorable.
L’amendement est retiré.
Amendement AS262 de Mme Fanny Dombre Coste
M. Jérôme Guedj (SOC). Cet amendement demande au Gouvernement de remettre un rapport sur le mode de financement des maisons d’accompagnement.
C’est l’occasion de vous alerter sur un point, monsieur le président. Après vérification, il revient au Gouvernement de proposer la création d’un nouveau sous-objectif de l’Ondam. Elle peut être votée dans le cadre d’un PLFSS, sans avoir à en passer par une loi organique. Le Gouvernement ne l’a pas proposé dans le cadre du PLFSS 2025, mais il faudra s’assurer qu’il le fasse lors du prochain PLFSS. J’ajoute que la loi organique prévoit que notre commission doit au préalable être saisie de cette proposition.
L’Ondam comprend actuellement six sous-objectifs et il faut en créer un septième consacré à l’accompagnement et aux soins palliatifs.
M. le rapporteur. Lors de son audition la ministre a indiqué que les moyens consacrés aux soins d’accompagnement seront retracés au sein du sixième sous-objectif, « Autres prises en charge ».
Avis défavorable.
M. le président Frédéric Valletoux. Je ne suis pas sûr qu’elle ait été aussi précise. Nous aurons l’occasion en séance de demander au Gouvernement des précisions sur ce point.
M. Thibault Bazin (DR). Le Gouvernement peut créer un sous-objectif de l’Ondam et en saisir les commissions permanentes compétentes. Le processus de création des maisons d’accompagnement débutera seulement lorsque cette proposition aura été définitivement adoptée, ce qui risque de prendre du temps. Je ne suis pas certain que cela sera le cas le 1er octobre prochain.
Comme M. Isaac-Sibille, j’estime que le sixième sous-objectif de l’Ondam concerne davantage les dépenses liées à la prévention, aux soins à l’étranger et à la lutte contre les addictions. Des structures qui ressemblent aux maisons d’accompagnement sont certes financées de manière un peu hybride, mais une plus grande transparence sur les circuits de financement serait nécessaire lorsque ces dernières seront créées.
Peut-être faudrait-il aborder cet aspect dans le rapport global que Mme Vidal m’a invité à rédiger sur les questions liées au financement.
Mme Annie Vidal (EPR). J’ai parlé par erreur d’un nouveau sous-objectif de l’Ondam. Dans mon esprit, le sixième sous-objectif est spécifique, et la ministre a bien précisé, hier, que les financements du plan de soins d’accompagnement y seront retracés.
Contrairement à Thibault Bazin, je pense qu’il va falloir créer assez vite un nouveau sous-objectif. On compte actuellement trente-deux structures qui sont, d’une certaine manière, les précurseurs des maisons d’accompagnement prévues par ce texte. Une vingtaine d’entre elles diversifient leur activité en se transformant en petites unités de vie pour personnes âgées parce qu’elles ne correspondent pas à une catégorie juridique et qu’elles n’ont donc pas de financements. Afin de créer un certain nombre de maisons d’accompagnement, nous pourrions nous appuyer sur ces structures et les soutenir pour qu’elles deviennent finalement ce qu’elles avaient essayé d’être.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 10 modifié.
La réunion est suspendue de seize heures quarante à dix-sept heures.
(Présidence de M. Nicolas Turquois, vice-président)
Article 11 : Intégration des soins palliatifs et d’accompagnement dans le projet d’établissement des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes
Amendement de suppression AS142 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (DR). Le texte prévoit que les dispositions relatives aux maisons d’accompagnement figurent dans le code de l’action sociale et des familles. Or ces établissements peuvent aussi avoir vocation à accompagner des personnes en soins palliatifs, ce qui milite pour un rattachement au code de la santé publique.
M. le rapporteur. Avis favorable, en invitant à voter également pour l’amendement AS620 de Mme Vidal après l’article 11.
M. René Pilato (LFI-NFP). Ce n’est pas sérieux. Cet article mérite d’être examiné, de même que les amendements dont il fait l’objet. Il prévoit que tous les Ehpad consacrent un volet relatif aux soins palliatifs et d’accompagnement dans leur projet d’établissement, afin de s’assurer que nos aînés puissent en bénéficier.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Il convient d’éviter à des résidents en Ehpad de devoir déménager lorsque leur parcours de soins nécessite des soins palliatifs et d’accompagnement. Il faut qu’ils puissent rester là où ils vivent, avec une équipe qui prenne le relais ou qui aide celle que le patient connait déjà.
En outre, cet article fait l’objet d’amendements très intéressants de plusieurs groupes parlementaires. Il est donc nécessaire de les examiner.
M. Laurent Panifous (LIOT). Cet article est issu de l’adoption d’un amendement de notre groupe l’année dernière.
Il prévoit que le projet d’établissement d’un Ehpad comprend un volet relatif aux soins palliatifs et d’accompagnement. Ces soins doivent naturellement pouvoir être dispensés dans un Ehpad, qui est un lieu de vie comme un autre. Cela peut passer par la conclusion de conventions avec des équipes mobiles, même s’il ne s’agit pas d’une obligation légale ou réglementaire.
Comme d’autres collègues, nous proposons d’élargir le dispositif de cet article aux établissements accueillant des personnes en situation de handicap, car le besoin nous semble évident.
Nous sommes donc bien sûr opposés à la suppression de cet article.
M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement AS620 de Mme Vidal a le mérite de replacer au bon endroit ce qui relève, respectivement, du code de l’action sociale et des familles et du code de la santé publique. C’est la raison pour laquelle je voterai pour son amendement.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). J’invite mes collègues à accorder une attention particulière à l’amendement de Mme Vidal car, si nous l’adoptions sans avoir au préalable supprimé l’article 11, le texte serait incohérent.
L’amendement AS620, très complet, permet de faire figurer les différents dispositifs dans les codes appropriés. C’est pourquoi je voterai en faveur de l’amendement de suppression de M. Hetzel – même si, accessoirement, je ne le ferai pas pour les raisons qui ont conduit son auteur à le déposer.
Mme Annie Vidal (EPR). J’ai en effet déposé, après l’article 11, un amendement visant à garantir la mise en œuvre de la stratégie décennale des soins d’accompagnement.
Il convient de s’assurer que les crédits votés dans le cadre des différentes LFSS seront bien employés pour renforcer l’offre de soins palliatifs. Pour cela, je propose que les modalités de répartition de ces crédits soient décrites, d’une part, dans les schémas régionaux de santé (SRS) rédigés par les ARS et, d’autre part, dans les projets d’établissement ou de service de chaque établissement ou service social ou médico-social.
Les conseils territoriaux de santé suivent très attentivement l’exécution des SRS et l’amendement permettra de vérifier à l’échelon local que les crédits votés sont bien alloués.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Si nous supprimons l’article 11, rien ne garantit que l’amendement que Mme Vidal a pris le temps de nous décrire sera adopté et que nous aurons un dispositif conforme à nos souhaits. C’est une vraie difficulté qui me met très mal à l’aise.
M. Thibault Bazin (DR). L’amendement très intéressant d’Annie Vidal reprend l’essentiel de l’article 11, mais il se concentre sur les crédits. Il y a certes des besoins à financer, mais le projet d’établissement n’est pas un document financier. Les Cpom des Ehpad peuvent prévoir des rénovations de locaux ou l’ouverture de nouveaux services, mais ils n’engagent pas ces actions. Rien n’empêche un établissement de se doter d’un projet dans lequel figure une maison d’accompagnement, mais l’obtention de crédits n’aura rien d’automatique. De même, la stratégie décennale n’a aucun effet contraignant.
M. le rapporteur. Nous devons nous faire confiance et, pour balayer tout doute, je m’engage à déposer l’amendement d’Annie Vidal en séance publique si la commission venait à le rejeter. Tout le monde a compris l’intérêt de cet amendement, qui est beaucoup plus complet que l’article 11.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques AS21 de Mme Sylvie Bonnet, AS263 de Mme Fanny Dombre Coste et AS381 de M. Laurent Panifous
Mme Sylvie Bonnet (DR). Pour garantir le confort et la dignité des personnes accompagnées et des équipes accompagnantes, l’amendement vise à inscrire dans la loi que la dispense de soins palliatifs est une obligation pour les ESMS accueillant des personnes en situation de handicap.
Mme Fanny Dombre Coste (SOC). Nous souhaitons rendre obligatoire un volet consacré aux soins palliatifs et d’accompagnement dans les projets d’établissement des ESMS.
M. Laurent Panifous (LIOT). Nous avons déposé un amendement visant à prévoir un volet consacré aux soins palliatifs dans les projets d’établissement des Ehpad, mais le champ de cette mesure nous semble trop réduit : nous souhaitons donc l’élargir à tous les établissements sociaux et médico-sociaux.
M. le rapporteur. Les ESMS accueillant des personnes en situation de handicap ne sont pas tous confrontés à des publics nécessitant des soins palliatifs. Par ailleurs, la dixième mesure de la stratégie décennale vise à renforcer la qualité de la prise en charge palliative dans les Ehpad, mais également dans les établissements sanitaires et médico-sociaux. J’en profite pour vous rappeler que l’article 1er dispose que l’accompagnement et les soins palliatifs seront adaptés aux personnes en situation de handicap. La disposition que vous proposez n’est pas nécessaire ; l’avis est donc défavorable.
La commission adopte les amendements.
Amendement AS68 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). L’amendement vise à inscrire dans les contrats d’objectifs et de moyens des Ehpad la prise en compte des besoins en soins palliatifs. Cette disposition s’inscrit dans la logique du développement de la culture palliative, non seulement en cancérologie mais également au moment de la fin de vie en Ehpad. Elle obligera en outre l’ARS à allouer les moyens nécessaires.
M. le rapporteur. Les Cpom ne constituent peut-être pas le meilleur outil d’évaluation des besoins en soins palliatifs. Il convient de privilégier le projet d’établissement. J’émets un avis défavorable sur cet amendement, au profit de l’amendement AS620 de Mme Vidal, dont le dispositif est bien plus performant.
M. Thibault Bazin (DR). Un projet d’établissement est très large et ne possède pas de dimension strictement opérationnelle : l’optique n’est pas de déployer des moyens en fonction d’objectifs. Or nous souhaitons élaborer un volet relatif à la fin de vie qui soit le plus effectif et opérationnel possible. C’est dans le Cpom que l’on met en rapport les besoins et les moyens. Il y aurait des discussions obligatoires avec les tutelles – ARS mais aussi conseils départementaux sur la partie non dédiée aux soins et à la dépendance mais à l’hébergement. Une approche très large sur la fin de vie assurerait une cohérence d’ensemble.
M. le rapporteur. Quelle est la pérennité des Cpom ? L’amendement de Mme Vidal est bien plus adapté ; je confirme donc mon avis défavorable.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). C’est la formation des soignants à la culture palliative qui compte : l’insertion d’un volet dédié aux soins palliatifs dans les projets d’établissement est inutile car le principe même de ces structures est d’accompagner les gens en fin de vie – peu de pensionnaires d’un Ehpad quittent leur établissement pour retourner chez eux.
Mme Fanny Dombre Coste (SOC). Si nous voulons déployer les soins palliatifs dans l’ensemble du territoire et développer la culture palliative, il faut inscrire cet objectif dans la gouvernance politique des établissements, laquelle est présentée dans le projet d’établissement. Quant au Cpom, son dessein est le déploiement concret des actions. Je rejoins donc notre collègue Thibault Bazin : la prise en compte des besoins en soins palliatifs a toute sa place dans ces contrats.
M. Laurent Panifous (LIOT). Le projet d’établissement est politique : il présente, de manière globale, les actions d’accompagnement du public accueilli. Le Cpom est en revanche un document opérationnel. Il est indispensable d’inscrire dans le projet d’établissement un volet relatif à l’accompagnement et aux soins palliatifs, ne serait-ce que parce que les Ehpad n’hébergent pas seulement des personnes en fin de vie. Le Cpom doit également intégrer cette approche d’accompagnement, mais de manière opérationnelle, c’est-à-dire en prévoyant les actions particulières à déployer et les moyens nécessaires à leur réalisation.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement de coordination AS630 de M. François Gernigon.
Amendement AS69 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le rapporteur. Vous souhaitez remplacer « l’accompagnement de la fin de vie » par « l’approche palliative ». Cette dernière notion est intéressante, mais elle ne me convainc pas totalement car elle pourrait renvoyer à une vision plus limitée des soins dont bénéficient les personnes en fin de vie. Préférer cette approche à celle de l’accompagnement de la fin de vie risque de restreindre la portée de l’alinéa 3 de l’article 11 ; j’émets donc un avis défavorable à l’adoption de l’amendement.
M. Thibault Bazin (DR). Il va falloir clarifier les objectifs des maisons d’accompagnement, des établissements que nous avons créés et de ceux qui signeront une convention avec ceux-là. Le champ est-il limité à la fin de vie ou englobe-t-il les soins palliatifs, indépendamment de la fin de vie ? Des patients peuvent en effet avoir besoin de soins palliatifs sans être en fin de vie. La culture palliative ne doit pas être réservée aux personnes en fin de vie. L’approche palliative peut aider des patients atteints d’une maladie grave. C’est à un changement de culture qu’il faut procéder.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Je partage l’avis du rapporteur sur le caractère restrictif de l’approche de l’amendement de M. Bazin. Dans l’accompagnement de la fin de vie, la partie relative au confort ou à l’aide à l’accomplissement des démarches administratives est essentielle pour soulager la personne concernée : la notion d’approche palliative ne l’englobe pas totalement, si bien que l’amendement pourrait avoir pour effet de la laisser de côté. Nous voterons donc contre son adoption.
M. Christophe Bentz (RN). Cet amendement rédactionnel est bienvenu. J’approuve les propos de notre collègue Bazin : oui, il est encore temps de procéder à la nécessaire clarification de définition. L’amendement possède en effet une dimension restrictive, mais ce qu’il élimine touche aux écueils que nous souhaitons éviter. Dans le cadre du rapport Chauvin et de l’analyse de la stratégie décennale, nous avions souligné que l’approche palliative englobait un ensemble de soins : ceux-ci peuvent être précoces, de soutien, de confort ou palliatifs. Nous voterons en faveur de cet amendement de bon sens.
Mme Annie Vidal (EPR). L’explication de M. Bazin est très intéressante parce qu’elle justifie la pertinence de l’appellation de maison de répit et de soins palliatifs. Le répit renvoie à la pause dont peut bénéficier un aidant dont la tâche d’accompagnement d’une personne en fin de vie est lourde, mais également à l’accueil d’un patient ayant reçu des soins palliatifs précoces et ayant besoin d’être accompagné et cocooné, si j’ose dire. Hélas, nous n’avons pas retenu cette dénomination.
Mme Justine Gruet (DR). L’accompagnement palliatif peut compléter une prise en charge curative. La lourdeur de certains traitements contre le cancer empêche les patients de rentrer à leur domicile. Cette situation peut être une soupape, que l’on espère temporaire, pour les aidants et elle s’insère dans la globalité de l’approche palliative.
M. René Pilato (LFI-NFP). Comme mon collègue Clouet, j’estime que l’amendement promeut une approche restrictive. Madame Gruet, vous venez de faire une inversion extraordinaire : nous considérons que les soins et les maisons d’accompagnement englobent les soins palliatifs et non le contraire.
Une confusion est entretenue, volontairement ou non, entre le premier texte sur les soins palliatifs et le second sur la fin de vie. L’amendement n’a en tout cas rien de rédactionnel, il emporte des conséquences importantes dont nous débattons d’ailleurs avec sérieux : il faut faire preuve d’un peu de rigueur, collègue Bazin.
M. Nicolas Turquois, président. Je souscris à l’argument de notre collègue Pilato.
M. Thibault Bazin (DR). L’alinéa 3 de l’article 11 porte sur les établissements et les services qui accueillent des personnes âgées ou qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l’insertion sociale. Le projet d’établissement de ces structures mentionnera un volet relatif aux soins palliatifs qui énoncera les principes de l’accompagnement de la fin de vie. On peut bénéficier d’un service autonomie à domicile (SAD) et d’un service de soins infirmiers à domicile (Ssiad) sans être en fin de vie. Les personnes peuvent connaître des hauts puis des bas, même en maison de retraite. Un patient peut voir son pronostic vital engagé et vivre encore un an et demi grâce à des traitements.
Je ne veux pas supprimer les aides aux démarches administratives, je défends simplement l’idée selon laquelle l’approche palliative ne doit pas intervenir qu’en fin de vie : elle doit être utilisée en cas de besoin dans les SAD, les Ssiad et les maisons de retraite. L’amendement est rédactionnel, car le déploiement de la culture palliative doit faire consensus.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Votre amendement ne correspond pas à l’explication que vous venez d’apporter. Nous sommes tous d’accord sur l’anticipation palliative. D’ailleurs, Mme Gruet n’a pas parlé d’approche palliative mais d’accompagnement palliatif : il est intéressant que le mot « accompagnement » ressorte dans ce contexte.
Relisons l’alinéa 3 de l’article : « Ce volet énonce les principes de l’accompagnement de la fin de vie au sein de l’établissement et définit l’organisation interne et le rôle des intervenants extérieurs, y compris les professionnels de santé, les structures de prise en charge et d’appui en soins palliatifs [...] ». Si nous écrivions, comme nous y invite l’amendement, « Ce volet énonce les principes de l’approche palliative [...] », nous supprimerions tout ce dont nous avons discuté tout à l’heure, à savoir l’ensemble de l’accompagnement qui n’est pas la prise en charge palliative. Disparaîtrait ainsi l’aide aux démarches administratives et à l’information du proche aidant. L’amendement restreint le champ d’intervention des maisons d’accompagnement. Je suis opposée à ce changement.
M. Patrick Hetzel (DR). Les débats montrent notre difficulté à définir les termes. J’ai une approche inverse de celle de notre collègue Pilato, car je considère que l’approche palliative englobe l’accompagnement.
L’inadaptation du logement à l’évolution de la maladie en raison de la perte d’autonomie, le manque d’accessibilité, l’absence de logement stable ou confortable, l’isolement social ou la pénurie de professionnels pour accompagner le patient poussent celui‑ci à intégrer une structure qui n’est pas forcément une USP. L’épuisement des proches et l’impossibilité de prolonger le maintien à domicile peuvent conduire au placement de patients dans ces maisons, lesquelles possèdent en effet une dimension relative au répit et à l’accompagnement. Enfin, certains patients peuvent refuser d’envisager un décès à domicile.
Dans cette optique, l’expression d’approche palliative proposée par Thibault Bazin n’est pas inappropriée.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Il y a certes un débat sémantique : l’accompagnement englobe-t-il le soin palliatif ou est-ce l’inverse ? Les débats sémiologiques sont très intéressants, mais les deux termes figuraient dans la rédaction initiale. Si nous faisions figurer l’accompagnement de la fin de vie et l’approche palliative dans le texte, nous sortirions de ce débat par le haut et contenterions tout le monde.
M. le rapporteur. L’article 1er définit précisément les soins palliatifs et d’accompagnement. Nous avons déjà débattu de cette question.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques AS22 de Mme Sylvie Bonnet, AS264 de Mme Fanny Dombre Coste et AS301 de M. Thibault Bazin
Mme Sylvie Bonnet (DR). La question de l’accompagnement du deuil se pose pour les proches du défunt, mais aussi pour les autres personnes accompagnées dans l’ESMS qui accueillait la personne décédée et pour les professionnels qui s’en occupaient tous les jours. L’amendement vise à prévoir l’accompagnement du deuil.
Mme Fanny Dombre Coste (SOC). Nous souhaitons que les ESMS aient une vision de l’accompagnement du deuil, traduite dans le projet d’établissement. Cette approche doit bénéficier aux familles mais aussi aux professionnels, auxquels la proposition de loi fait peu de place.
M. le rapporteur. Avis défavorable.
Les dispositions de l’article 11 sont précises et ambitieuses. La définition de l’accompagnement des soins palliatifs, que l’on trouve à l’article 1er grâce à Annie Vidal, prévoit l’apport d’un soutien à l’entourage de la personne malade, y compris après son décès.
La commission adopte les amendements.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS575 de M. François Gernigon.
Amendement AS423 de Mme Élise Leboucher
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le rapporteur. L’avis est défavorable : la formulation que vous proposez, « en soins palliatifs et d’accompagnement », n’a pas lieu d’être, puisque nous l’avons remplacée par « l’accompagnement et les soins palliatifs ».
L’amendement est retiré.
Amendement AS424 de M. Hadrien Clouet
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Cet amendement n’est pas tout à fait rédactionnel, puisqu’il vise à inclure dans le volet dédié aux soins palliatifs des projets d’établissement des Ehpad une mention relative aux conventions pluriannuelles conclues avec des EMSP. De nombreux territoires ne disposent pas de telles conventions, qui font pourtant partie des objectifs de politique publique. L’amendement vise à inscrire dans la loi l’obligation d’un tel conventionnement : cette mesure épouse une ambition dont a déjà fait part le Gouvernement et qui me semble donc consensuelle.
M. le rapporteur. Deux tiers des 7 500 Ehpad ont déjà signé une convention avec l’une des 412 EMSP. La stratégie décennale entend développer les conventions avec des acteurs spécialisés dans les soins palliatifs dans tous les établissements pour personnes âgées d’ici à 2030. Les 6 000 recrutements prévus dans les Ehpad pourront contribuer à la bonne application de ces mesures. Et, pour mettre en place une coordination à l’échelle locale, je vous rappelle que l’article 2 de la proposition de loi prévoit le déploiement d’organisations territoriales.
L’amendement étant satisfait, j’émets un avis défavorable à son adoption.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS354 de M. Sébastien Peytavie
M. Sébastien Peytavie (EcoS). L’amendement vise à inscrire dans les Cpom des Ehpad un objectif de formation des professionnels dans les soins palliatifs et d’accompagnement. J’ai déposé un autre amendement, que nous examinerons plus tard, dont le champ est plus large car il englobe tous les établissements.
Seule la moitié des Ehpad affirment compter des personnels formés aux soins palliatifs. Le développement de la culture palliative nécessite celui de la formation. Les Cpom constituent l’instrument pertinent, notamment pour ne pas accroître les dépenses des établissements.
M. le rapporteur. L’avis est défavorable. Je vous renvoie à l’amendement AS620 de ma collègue Annie Vidal.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 11 modifié.
La réunion est suspendue de dix-sept heures quarante à dix-sept heures cinquante-cinq.
Après l’article 11
Amendement AS620 de Mme Annie Vidal
Mme Annie Vidal (EPR). J’ai déjà présenté cet amendement que je vais retirer. Je remercie les collègues qui en ont fait la promotion, mais le maintien de l’article 11 et l’adoption de plusieurs amendements à cet article rend inopportun le maintien de mon amendement, dont l’adoption reviendrait à écrire deux fois le même article avec des nuances de rédaction loin d’être neutres. Comme je suis très attachée à la cohérence du texte, je préfère retirer mon amendement.
Je regrette cette situation, car nous avons beaucoup discuté de l’opposabilité de l’accès aux soins palliatifs et de l’effectivité de la déclinaison de la stratégie décennale. La rédaction de mon amendement, qui avait convaincu plusieurs collègues, garantissait qu’un volet de la stratégie décennale soit dédié à l’accès aux soins palliatifs dans les territoires. Cette approche renvoie au dernier kilomètre de l’action publique. Je regrette que cette disposition ne puisse figurer dans la loi, mais le souci de cohérence rédactionnelle l’emporte.
L’amendement est retiré.
Article 11 bis (nouveau) : Conclusion de conventions entre les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes et les équipes mobiles de soins palliatifs ainsi que les équipes mobiles gériatriques
Amendement AS382 de M. Laurent Panifous
M. Laurent Panifous (LIOT). L’amendement vise à favoriser la coordination entre les différents acteurs que sont les Ehpad, les équipes mobiles gériatriques et celles de soins palliatifs. Cette mesure figure dans le rapport Chauvin dont la sixième préconisation consiste à obliger ces trois acteurs à signer une convention visant à assurer la coordination de leur action. La situation actuelle est caractérisée par un grand déficit de coordination, que l’on ne retrouve pas partout mais dans de très nombreux endroits.
M. le rapporteur. Les deux tiers des 7 500 Ehpad sont déjà conventionnés avec une équipe mobile de soins palliatifs, et ce n’est pas en forçant les professionnels à signer des conventions que nous parviendrons à mettre en place des coopérations efficaces.
Avis défavorable.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Notre groupe votera cet amendement. Plus d’un tiers des établissements n’ont pas signé de convention : soit, prescrivons-leur de le faire et ils le feront.
M. Laurent Panifous (LIOT). Je m’inscris en faux contre l’argument avancé par le rapporteur. La seule garantie de l’effectivité de la coordination, c’est la loi. Si elle a l’obligation de signer une convention, la direction d’Ehpad en signera une. Sinon, elle ne le fera que si elle est particulièrement sensible au sujet.
M. Thibault Bazin (DR). L’amendement est intéressant, car ces conventions sont nécessaires pour améliorer le parcours de soins. Si on l’adoptait, les Ehpad n’auraient d’autre choix que d’en conclure. Mais que se passerait-il cependant en l’absence d’équipe réellement mobile ? Certaines EMSP, en effet, ne sont mobiles qu’à l’intérieur du grand établissement régional. La question se pose moins pour les équipes mobiles de gériatrie. Ne pourrait-on imaginer un dispositif progressif, qui ouvre le chemin à suivre ?
Mme Justine Gruet (DR). Il semblerait que les EMSP n’interviennent qu’au sein de l’établissement support dans lequel elles exercent. On pourrait leur permettre de se déployer à l’extérieur pour des actions de formation, de conseil et d’accompagnement de l’approche palliative, comme cela se fait déjà dans mon territoire.
M. le rapporteur. Je m’en remets finalement à la sagesse de la commission.
La commission adopte l’amendement. L’article 11 bis est ainsi rédigé.
Article 11 ter (nouveau) : Information sur les droits en matière de fin de vie et sur la possibilité d’enregistrer ses directives anticipées lors de la signature du contrat d’hébergement d’une personne âgée
Amendement AS358 de M. Sébastien Peytavie
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Nous proposons qu’à son arrivée en Ehpad, une personne âgée reçoive systématiquement une information facile à lire et à comprendre sur ses droits en matière de fin de vie et sur la possibilité d’enregistrer des directives anticipées. Il existe en effet des inégalités, selon les établissements, dans la façon dont les résidents s’approprient ce dispositif.
M. le rapporteur. D’après moi, cette disposition aurait davantage sa place dans le projet d’établissement. Avis défavorable.
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Attendre qu’un établissement inscrive cette disposition dans son projet, ce n’est pas la même chose que de s’assurer que toute personne arrivant en Ehpad ait accès à l’information. Il est important que chacun connaisse ses droits.
M. Jérôme Guedj (SOC). Les directives anticipées sont souvent évoquées lors de la signature du contrat de séjour, mais ce n’est pas le cas dans tous les établissements. Plutôt que dans un contrat qui n’est pas toujours lu, il me semble que c’est dans le plan personnalisé d’accompagnement qu’il faudrait les mentionner. Je soutiens cet amendement, qui systématise une bonne pratique.
M. Nicolas Turquois, président. Il est important de délivrer ces informations mais il peut s’avérer délicat de le faire au moment de l’entrée en Ehpad.
Mme Justine Gruet (DR). Le fait de systématiser les choses permet parfois de les dédramatiser.
M. Nicolas Turquois, président. Ce peut être systématique pour l’établissement, mais pour la personne concernée et pour sa famille, l’arrivée en Ehpad n’arrive qu’une fois – et elle est souvent un choc.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). La systématisation aurait un sens pour les personnels mais pas pour les personnes qui reçoivent l’information. Les directeurs d’Ehpad que j’ai interrogés sur ce sujet estiment que le moment de l’entrée n’est pas le bon.
M. Patrick Hetzel (DR). Les directeurs avec qui j’ai échangé m’ont dit la même chose. L’entrée en Ehpad est un moment très fort sur le plan psychologique. Informer la personne est une bonne chose, mais le faire à ce moment-là, ce serait la confronter à l’idée qu’elle arrive dans son dernier lieu de vie.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Lors de la signature du contrat, la question de l’évolution du séjour est abordée. Il ne s’agit pas de demander à la personne à brûle‑pourpoint, dès son entrée en Ehpad, ce qu’elle souhaite pour le moment de sa mort. Il faut néanmoins le faire assez vite, ne serait-ce que pour pouvoir respecter ses volontés.
M. Thibault Bazin (DR). Je comprends la nécessité d’informer les personnes. Mais il faut le faire de la façon la plus respectueuse possible. Un livret facile à lire et à comprendre pourrait être remis lors de l’entrée en Ehpad. Je ne crois pas opportun, en revanche, d’obliger la personne qui fait l’admission à aborder certains sujets. N’ajoutons pas du mal-être à un moment parfois subi. Les contrats de séjour comportent des mentions obligatoires sur les droits des résidents. Quant à la rédaction de directives anticipées, elle reste une liberté et ne doit pas être imposée.
De la même façon, plusieurs médecins estiment que le plan personnalisé d’accompagnement ne peut être proposé « dès l’annonce du diagnostic d’une affection grave » comme le prévoit aujourd’hui le texte, compte tenu de l’effet de sidération que cette annonce provoque parfois. J’espère que nous saurons tenir compte de leur avis.
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Si l’on veut changer la culture actuelle, et faire en sorte que chacun puisse s’approprier les informations, il est important qu’un document soit remis dès l’arrivée. En rédigeant ses directives anticipées, une personne cesse d’être un objet de soins pour s’emparer de sa capacité à choisir. C’est une perspective nouvelle non seulement pour les professionnels – qui doivent être formés – mais aussi pour les personnes concernées. Si on ne systématise pas la délivrance de l’information, certains soignants y feront obstacle.
M. Laurent Panifous (LIOT). Je crois qu’il faut effectivement systématiser un échange individuel sur la fin de vie avec les personnes entrant en établissement. Je précise que la signature du contrat de séjour, moment auquel l’amendement prévoit de le faire, ne se fait pas le jour de l’entrée. Dans l’un des établissements que j’ai dirigés, nous informions systématiquement les nouveaux arrivants sur les directives anticipées et la désignation d’une personne de confiance. Mais voyons les choses en face : la mort et la fin de vie restent un tabou, plus encore dans les Ehpad qu’ailleurs. Certes, l’entrée en établissement est un moment difficile, mais faisons confiance aux professionnels pour évoquer ces questions avec bienveillance et pour savoir jusqu’où aller. Il faut qu’ils le fassent non pas le premier jour – ce serait déplacé –, mais dans les premiers temps du séjour. La systématisation me semble tout à fait souhaitable, car elle permettra de dédramatiser le sujet.
M. le rapporteur. L’amendement me semble satisfait : l’alinéa 14 de l’article 1er dispose en effet que la personne « se voit remettre un livret d’information, accessible aux personnes en situation de handicap visuel ou auditif et disponible sous une forme facile à lire et à comprendre ». D’après mon expérience personnelle, les questions relatives à la fin de vie peuvent être abordées lors de l’entretien obligatoire qui se tient un ou deux mois après l’entrée en Ehpad, en présence de la famille.
La commission adopte l’amendement. L’article 11 ter est ainsi rédigé.
Article 11 quater (nouveau) : Extension des missions des médecins généralistes à l’information et à la prise en charge palliative du patient
Amendement AS390 de M. Vincent Ledoux
M. le rapporteur. Avis favorable.
M. Thibault Bazin (DR). Je me réjouis de l’insertion à cet endroit de l’expression « prise en charge palliative » !
La commission adopte l’amendement. L’article 11 quater est ainsi rédigé.
Article 11 quinquies (nouveau) : Intégration des objectifs et indicateurs de développement des soins palliatifs dans les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens des établissements de santé
Amendement AS353 de M. Sébastien Peytavie
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Cet amendement vise à étendre à l’ensemble des établissements médico-sociaux l’obligation d’intégrer, dans le Cpom, un objectif relatif à la formation du personnel en matière de soins palliatifs et d’accompagnement. Ceux-ci peuvent en effet se révéler nécessaires dans tout type d’établissement.
M. le rapporteur. Je vous invite à retirer votre amendement et à travailler avec Annie Vidal à l’insertion de cette disposition dans l’amendement qu’elle déposera pour le passage du texte en séance.
La commission adopte l’amendement. L’article 11 quinquies est ainsi rédigé.
Après l’article 11
Amendement AS91 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). Derrière cette demande de rapport, je souhaite que l’on réfléchisse à l’opportunité de créer des équipes hybrides regroupant des soignants et des bénévoles formés et encadrés, afin d’accompagner à leur domicile des personnes en fin de vie ou souffrant d’une maladie mettant leur vie en jeu.
M. le rapporteur. Cela ne me semble pas opportun. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Article 12 : Rapport sur le coût et sur les modalités d’une réforme du congé de solidarité familiale
Amendement de suppression AS477 de Mme Agnès Firmin Le Bodo
M. le rapporteur. Avis favorable.
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Notre groupe s’oppose à la suppression de l’article 12. Le rôle des proches aidants est central dans l’accompagnement en fin de vie. Or le versement de l’allocation journalière d’accompagnement est soumis à la condition que l’accompagnement se fasse à domicile. C’est un problème, car une hospitalisation reste un moment d’accompagnement actif pour le proche aidant. Les associations demandent depuis longtemps que cette condition soit levée et que l’allocation soit versée pour une durée de trois mois renouvelable, au lieu de soixante-six jours. Il est important qu’un rapport permette d’esquisser les pistes d’amélioration du congé de solidarité familiale.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Les difficultés d’accès au congé de solidarité familiale sont connues. Cette demande de rapport n’a rien à faire dans le présent texte et n’améliorera en rien la situation.
M. Thibault Bazin (DR). Il y a de nombreux leviers à déployer pour développer les soins palliatifs et améliorer l’accompagnement des personnes en fin de vie ou ayant besoin de soins palliatifs. On sait que les congés existants ne sont pas adaptés : il faut y travailler. Ce rapport est une façon de mettre le sujet sur la table et de prendre date.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). D’abord, si l’article 40 de la Constitution ne nous en avait pas empêchés, nous aurions déposé un amendement visant à modifier directement les conditions de versement de l’allocation. Ensuite, c’est le seul moyen d’aborder le sujet. Enfin, si vous connaissez déjà les difficultés, pourquoi n’agissez-vous pas ? D’autres amendements à venir, sur le congé de proche aidant et sur la suppression du critère d’accompagnement à domicile, vont plus loin. Il ne faudrait pas, en effet, que le droit à un congé soit supprimé lorsque la personne accompagnée quitte son domicile pour rejoindre une maison d’accompagnement. Pour toutes ces raisons, il faut absolument conserver l’article 12.
M. Patrick Hetzel (DR). Je pense moi aussi qu’il ne faut surtout pas le supprimer aujourd’hui. Les difficultés ont été identifiées ; il faut que nous puissions interpeller le Gouvernement dans l’hémicycle, afin que le débat ait lieu.
Mme Annie Vidal (EPR). Je suis admirative de votre foi en la portée des demandes de rapport. Lorsque je présidais la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss), j’avais constaté que moins de 50 % des rapports que nous demandions nous étaient retournés dans les délais impartis. L’idée d’interpeller le Gouvernement est bonne, et le sujet le mérite, mais les semaines de contrôle sont faites pour cela. La Mecss peut aussi réaliser des évaluations courtes, au moment du Printemps social de l’évaluation, ou plus poussées.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS70 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). Je vous propose que le rapport ne soit pas rendu dans un délai d’un an après la promulgation du texte, mais de six mois. L’administration dispose d’éléments : qu’elle nous les transmette, afin que nous puissions corriger les dispositifs qui ne sont pas adaptés à la fin de vie.
M. le rapporteur. Un tel délai me semble impossible. Le rapport risque de n’être jamais remis, ou bien d’être très incomplet. Avis défavorable.
M. Nicolas Turquois, président. Il y a un rapport d’au moins un à dix entre le nombre de rapports demandés et le nombre de rapports que l’on nous transmet...
M. Thibault Bazin (DR). La loi Claeys-Leonetti devait faire l’objet d’un rapport d’application chaque année mais, depuis sa promulgation en 2016, nous n’en avons reçu aucun. Ce n’est pas parce que nous ne recevons pas les rapports que nous ne devons pas en demander !
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Notre groupe votera cet amendement. C’est une bonne idée de réduire le délai, d’autant plus que le parcours législatif du texte pourrait être long. Et je partage l’avis de notre collègue Bazin : si nous cédons sur les demandes de rapport au prétexte que certains ne seraient pas rendus, c’est un encouragement à ne pas les rendre.
Je suis très surpris, madame Vidal, par votre foi en la semaine de contrôle : je ne fais pas plus confiance à ce dispositif qu’aux rapports pour informer les parlementaires.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je ne peux pas vous laisser dire cela. Notre rôle, en tant que députés, est de contrôler l’action du Gouvernement. Lui demander un rapport, c’est lui demander de s’autocontrôler ; c’est une possibilité. Mais nous pouvons aussi auditionner les membres du Gouvernement et les services lors du Printemps social de l’évaluation ainsi qu’à tout moment, sur des sujets précis. La Mecss, que je copréside, pourrait auditionner les directions concernées par le sujet qui nous occupe, par exemple dans le cadre de missions « flash ».
La commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS577 de M. François Gernigon.
Amendement AS8 de M. Alexandre Portier
Mme Sylvie Bonnet (DR). L’amendement vise à intégrer au congé de solidarité familiale des mesures de soutien psychologique pour les aidants familiaux, afin de reconnaître l’importance de l’accompagnement psychologique et de compléter la revalorisation financière avec un accompagnement humain.
M. le rapporteur. Je m’en remets à la sagesse de la commission ; son adoption permettrait d’ouvrir une discussion avec le Gouvernement.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’amendement AS578 de M. François Gernigon tombe.
Amendements AS303 de M. Thibault Bazin, AS426 de M. René Pilato, AS331 de M. Yannick Monnet et AS425 de M. René Pilato (discussion commune)
M. Thibault Bazin (DR). J’ai retenu la leçon du professeur de droit de Jérôme Guedj : je retire mon amendemen, qui utilise trop le mot « notamment ».
M. René Pilato (LFI-NFP). L’amendement AS426 tend à préciser que le rapport « évalue également le coût et les modalités d’une réforme du congé de proche aidant afin de le rémunérer sur le modèle des indemnités journalières pour une durée d’un an fractionnable sur l’ensemble de la carrière ». En effet, depuis 2015, le code du travail prévoit un congé de proche aidant ; depuis 2020, le code de la sécurité sociale dispose qu’un proche aidant peut percevoir l’allocation journalière du proche aidant. Mais il est très difficile pour un salarié d’y recourir car les conséquences financières sont lourdes.
L’amendement AS425 vise à ajouter que le rapport étudiera également la suppression du critère du domicile partagé pour bénéficier du congé de solidarité familiale, ainsi que l’allongement à trois mois de la durée de versement de l’allocation journalière d’accompagnement.
M. Yannick Monnet (GDR). Inspiré par nos discussions avec les associations du secteur, mon amendement vise à examiner les possibilités d’améliorer les modalités de versement de l’allocation journalière d’accompagnement et d’allonger sa durée, aujourd’hui de vingt et un jours consécutifs.
M. le rapporteur. Avis défavorable à ces amendements.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). J’ai défendu un amendement de suppression de l’article 12 parce que le rapport ne concerne que le congé de solidarité familiale, et non les autres modalités d’accompagnement des aidants. Maintenant vous demandez de l’élargir – CQFD !
L’amendement AS303 est retiré.
La commission rejette successivement les amendements AS426, AS331 et AS425.
Puis elle adopte l’article 12 modifié.
Article 13 : Renforcer l’accompagnement bénévole par le conventionnement avec les associations
Amendement AS143 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement vise à mieux intégrer les bénévoles dans le parcours de soins palliatifs, tel que défini dans le code de la santé publique, en précisant leur fonction.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Amendements AS144 de M. Patrick Hetzel et AS284 de Mme Sandrine Dogor-Such (discussion commune)
M. Patrick Hetzel (DR). Mon amendement tend à préciser que l’article 13 concerne uniquement les associations « de malades en soins palliatifs ».
M. le rapporteur. Les deux amendements sont satisfaits par l’article L. 1110-11 du code de la santé publique. Avis défavorable.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous voterons contre ces amendements. Sur le fond, nous estimons qu’il ne faut pas restreindre l’accès des associations. Surtout, monsieur Hetzel, vous voulez limiter le dispositif aux associations « de malades en soins palliatifs », or cela exclut celles de soignants, de bénévoles et d’aidants.
M. Patrick Hetzel (DR). M.Clouet a raison ; je retire l’amendement.
L’amendement AS144 est retiré.
La commission rejette l’amendement AS284.
Amendement AS428 de M. Hadrien Clouet
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). L’amendement vise à étendre le dispositif aux salariés des associations. En effet, la rédaction évoque seulement l’intervention des bénévoles, or les associations de soutien aux personnes, par exemple, ont aussi des salariés.
M. le rapporteur. La prise en charge palliative doit reposer avant tout sur l’expertise des bénévoles formés et des professionnels de santé. L’élargir aux salariés risquerait de dénaturer l’approche fondée sur le bénévolat.
Avis défavorable.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Les associations favorisent l’intervention des bénévoles mais il ne faut pas empêcher d’intervenir la personne chargée de la comptabilité ou de l’organisation des bénévoles, par exemple. Ce serait contradictoire et risquerait à la fois de gêner les associations et de desservir vos intentions.
M. le rapporteur. Les salariés des associations ne sont pas là pour exercer une mission bénévole.
M. René Pilato (LFI-NFP). Je soutiens l’amendement. Une association peut salarier à mi-temps quelqu’un qui sera bénévole le reste du temps. Or si le texte exclut l’intervention des salariés, cette personne ne pourra pas exercer son activité de bénévole.
M. le rapporteur. Elle pourra intervenir en tant que bénévole. Il ne faut pas mélanger les genres ; les salariés et les bénévoles exercent des missions différentes, qu’il faut bien distinguer. Je confirme mon avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS146 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (DR). L’article 13 prévoit que les associations pourront organiser l’intervention de bénévoles formés à l’accompagnement de la fin de vie après avoir conclu une convention avec une équipe de soins primaires. Une convention avec une équipe mobile de soins palliatifs serait plus adaptée. Le présent amendement vise à substituer l’une à l’autre.
M. le rapporteur. Je me demande s’il ne faudrait pas ajouter les EMSP aux équipes de soins primaires, plutôt que de les y substituer.
M. Patrick Hetzel (DR). Je retire l’amendement ; nous le déposerons ainsi modifié en vue de l’examen en séance publique.
L’amendement est retiré.
La commission adopte l’article 13 non modifié.
Après l’article 13
Amendement AS453 de Mme Agnès Firmin Le Bodo
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Nous aurons de plus en plus besoin de bénévoles pour accompagner les malades en soins palliatifs et en fin de vie, notamment au domicile, dans les maisons d’accompagnement et dans les ESMS. Or les frais de déplacement constituent un frein. Le présent amendement vise à ce qu’ils soient pris en charge.
M. le rapporteur. L’indemnité kilométrique prend en compte le carburant, l’assurance, l’entretien et l’amortissement du véhicule. Votre amendement tend à instaurer non une simple indemnisation des coûts supportés mais une réduction d’impôt, alors que nous ne parlons ni d’un revenu ni d’une charge.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS446 de M. René Pilato
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Il existe différentes manières de créer des espaces de compassion, d’entraide et d’empathie. Au Canada, les communautés compatissantes réunissent des soignants, des patients, leurs proches, des personnes de confiance, les membres d’associations et de la société civile, notamment, autour des épreuves qu’imposent certaines pathologies. Ce modèle, humain, est efficace pour aider les gens à s’en sortir, à trouver des personnes à qui parler, à faire le point sur les difficultés qu’ils peuvent rencontrer ; de plus, on peut apprendre de ces difficultés pour résoudre celles comparables qui se présentent ailleurs.
Le présent amendement vise à expérimenter des collectifs d’entraide, dans au maximum trois régions, dont une ultramarine.
M. le rapporteur. Je serais curieux d’en savoir plus sur le modèle canadien. Toutefois, la mesure 17 de la stratégie décennale tend déjà à créer des collectifs d’entraide.
Je vous suggère de retirer votre amendement et d’interroger le Gouvernement sur les expérimentations déjà prévues ; si vous le maintenez, j’émettrai un avis défavorable.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Je vous renvoie à la mesure 8 du rapport Chauvin, « créer des collectifs d’entraide pour mobiliser toutes les parties prenantes autour de la fin de vie dans tous les territoires ». C’est une mesure qui peut tous nous rassembler. Il s’agit d’instaurer des espaces où des personnes se réunissent autour de la fin de vie et des épreuves de santé, administratives et familiales ; ce sont des lieux de parole, de partage et d’apprentissage.
Voter l’amendement nous ferait gagner du temps : si le Gouvernement nous dit qu’il ne sait pas ce que c’est, nous lui demanderons de relire le rapport Chauvin et nous perdrons six mois ; s’il nous dit que c’est intéressant, autant voter directement l’amendement. On enverra un message positif aux autres formes d’entraide.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS72 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). Il s’agit d’une demande de rapport – c’est en effet la seule possibilité que nous avons pour débattre de nos idées en vue d’améliorer l’accompagnement. En plus des professionnels, que nous avons des difficultés à recruter et à former, nous aurons besoin de bénévoles engagés. Je vous propose de réfléchir à créer une réserve opérationnelle nationale de bénévoles en soins palliatifs, sur le modèle – unique au monde – de la réserve opérationnelle de sécurité civile. En effet, il faut impliquer toute la société. De nombreux bénévoles font déjà un travail formidable, ils seraient mieux considérés, et cela inciterait d’autres citoyens à les rejoindre. Le rapport définirait les missions des réservistes et le cadre dans lequel ils s’inscriraient.
M. le rapporteur. Avis défavorable.
M. Christophe Bentz (RN). Nous nous sommes opposés à l’article 13 parce que nous avons fait dépendre notre vote du sort des amendements AS144 et AS284. Nous considérons que seules les associations qui se consacrent à l’accompagnement et aux soins palliatifs doivent pouvoir intervenir. Il est ici question d’une « réserve opérationnelle de bénévoles en soins palliatifs » : nous soutenons l’amendement.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Il est question de bénévoles, non de volontaires. Le bénévolat implique le don de son temps, mais il peut aussi s’agir de bénéficiaires du reven de solidarité active, qui sont obligés de donner quinze heures de leur temps par semaine, ou de volontaires du service national universel. Je m’interroge donc sur la rédaction.
M. Thibault Bazin (DR). Il ne s’agit que d’un rapport : l’adoption de l’amendement n’instituera rien, elle ouvrira seulement le débat, pour faire réagir le Gouvernement, et en faire une grande cause nationale. Monsieur le rapporteur, vous nous avez renvoyés à la mesure 17 de la stratégie décennale, ainsi rédigée : « Différentes expérimentations sont menées sur les territoires pour apporter un soutien aux familles. Il s’agit de favoriser ces initiatives en associant les bénévoles d’accompagnement au développement des maisons d’accompagnement. Nous visons dix expérimentations d’ici 2027 et l’extension des plus probantes d’ici 2034. » Cela ne suffit pas. Je veux que le Gouvernement nous précise comment cette mesure sera déployée.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Le terme de « réserve » sonne étrangement lorsqu’il est associé à la fin de vie ou aux soins palliatifs. Par ailleurs, nous avons souligné que certains territoires étaient dépourvus, or il est ici question d’une réserve nationale, mais on ne va pas envoyer un bénévole parisien à Saint-Pierre-et-Miquelon : il faut du bénévolat de proximité. C’est bien d’avoir des idées, mais il faut rester dans le sujet si nous voulons progresser.
M. le rapporteur. La mesure 18 précise que l’enjeu est « de mieux reconnaître le bénévolat d’accompagnement pour l’accompagnement de la fin de vie à domicile. Des expériences sont menées avec des médecins de ville qui préfigurent le bénévolat de service. Il s’agit de donner un cadre à cette nouvelle forme d’engagement citoyen, en créant une réserve opérationnelle. » Votre amendement est donc satisfait ; je confirme que j’y suis défavorable.
Mme Justine Gruet (DR). Nous devons aussi réfléchir aux moyens de faire jouer davantage le lien social et la solidarité intergénérationnelle, que nous connaissons bien dans les territoires ruraux, mais qui peuvent manquer dans les plus urbains. C’est aussi un amendement d’appel visant à souligner qu’il faut impliquer aussi la famille dans l’accompagnement de la fin de vie, ce que l’éclatement géographique et le délitement de la solidarité intergénérationnelle rendent parfois difficile.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS492 de Mme Christine Loir
Mme Christine Loir (RN). L’amendement vise à obtenir un rapport analysant les freins et les leviers au développement du bénévolat d’accompagnement, notamment auprès des personnes âgées ou en fin de vie. Le vieillissement de la population rend le bénévolat essentiel ; le modèle danois cité dans le rapport Chauvin montre que les bénévoles complètent efficacement l’action des soignants et soulagent les familles.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Article 14 : Plan personnalisé d’accompagnement
Amendement de suppression AS147 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (DR). Les débats m’ont fait réviser ma position sur l’article 14. Je retire mon amendement de suppression.
L’amendement est retiré.
Amendements AS74 de M. Thibault Bazin et AS429 de M. Hadrien Clouet (discussion commune)
M. Thibault Bazin (DR). L’article 14 prévoit que « [d]ès l’annonce du diagnostic d’une affection grave », le médecin propose au patient la formalisation d’un plan personnalisé d’accompagnement. Certes, le texte précise que c’est « à l’issue de discussions », mais celles‑ci peuvent se dérouler le même jour. Les professionnels nous mettent en garde : l’annonce peut provoquer un effet de sidération ; ils demandent la possibilité de juger du moment opportun pour évoquer le plan d’accompagnement. Mon amendement tend donc à écrire que la proposition se fera « [à] partir de l’annonce », « dans un délai respectueux du temps nécessaire à la personne pour accepter sa maladie ». Ce serait plus humain.
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Nous trouvons également qu’il serait maladroit de formuler la proposition dès l’annonce du diagnostic. Toutefois, nous ne soutenons pas la rédaction de M. Bazin ; nous savons que le médecin s’adaptera au patient. L’amendement AS429 vise à prévoir que la possibilité de formaliser un plan sera évoquée « [dès] lors qu’il a procédé à l’annonce du diagnostic ».
Mme Annie Vidal, rapporteure. À mon sens, la précision « à l’issue de discussions » suffisait à faire comprendre que la proposition ne serait pas immédiatement consécutive à l’annonce d’un diagnostic grave, dont l’issue peut être fatale : comme vous, je pense que le malade a besoin de temps. Cependant, je comprends votre inquiétude. J’émets donc un avis favorable à l’amendement AS429, dont la rédaction est plus adaptée.
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Il faut laisser du temps mais la rédaction de M. Bazin ne convient pas, parce que certains malades n’arriveront pas à accepter la maladie, or il faut néanmoins formuler les propositions. Le patient n’étant pas prêt, il ne les entendra pas, mais peut-être qu’il y repensera favorablement ou qu’un proche le fera. Sinon, les choses risqueront de ne jamais être dites, avec les conséquences que l’on sait. Je soutiens donc l’amendement AS429.
M. Yannick Monnet (GDR). J’ajoute que le fait de dire les choses contribue parfois à faire accepter la situation. Quand j’ai lu le dispositif de l’amendement de M. Bazin, qui tend à préciser « dans un délai respectueux du temps nécessaire à la personne pour accepter sa maladie », j’ai pensé que cela relevait de l’évidence, et que les médecins attendaient systématiquement que le patient puisse les entendre pour leur parler. Il est vrai que tous les patients ne parviennent pas à accepter la maladie : mieux vaut ne pas ajouter cette précision.
M. Thibault Bazin (DR). Je voulais surtout éviter que la proposition soit obligatoirement faite dès l’annonce du diagnostic, mais je partage vos objections. Je retire mon amendement au profit de l’amendement AS429. J’ajoute toutefois que la phrase sera très longue et lourde, peut-être faudra-t-il l’améliorer à la faveur de la navette.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous sommes évidemment favorables à une meilleure rédaction ; nous serons disponibles pour y travailler.
Mme la rapporteure. On peut peut-être concentrer l’expression ou scinder la phrase, mais il est essentiel de préciser que la proposition se fera « à l’issue de discussions au cours desquelles [le patient] peut être assisté de personnes de son choix ». J’ajoute que s’il ne faut pas parler du plan personnalisé dès l’annonce, il faut le faire dans un délai assez court, pour éviter qu’il ne soit trop tard.
L’amendement AS74 est retiré.
La commission adopte l’amendement AS429.
Amendement AS148 de M. Patrick Hetzel
M. Patrick Hetzel (DR). Cet amendement établit un lien avec la loi Claeys-Leonetti, qui place la focale, en matière de soins palliatifs, sur la maladie grave et incurable. Je propose que le plan personnalisé d’accompagnement soit proposé lors de l’annonce du diagnostic d’une maladie considérée comme grave mais également incurable.
Mme la rapporteure. L’ajout des mots « et incurable » risquerait d’alourdir encore davantage la rédaction. Rappelons que le plan personnalisé s’inscrit dans le cadre des soins palliatifs. Je propose que nous nous en tenions au terme « grave ».
M. Patrick Hetzel (DR). Il s’agit d’établir un parallélisme avec la loi Claeys-Leonetti, dont la proposition de loi en discussion est le prolongement.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Ce texte a, entre autres objets, celui de développer l’anticipation et la culture palliative, notamment par le plan personnalisé d’accompagnement, qui est proposé en cas de maladie grave. Or une maladie grave n’est pas nécessairement incurable. L’ajout de ce dernier terme nous enfermerait dans un cadre trop restrictif.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS243 de M. Thierry Frappé
Mme Christine Loir (RN). Cet amendement vise à ce que l’on établisse, lorsque cela est possible, une évaluation du pronostic vital lors de l’annonce de la maladie. Cela permettrait d’améliorer la transparence de l’information apportée au patient et d’adapter l’accompagnement à ses besoins spécifiques.
Mme la rapporteure. Cet ajout conduirait à alourdir la rédaction. En outre, dans le cadre des soins palliatifs, la prise en charge de la personne peut être précoce, sans que la maladie soit considérée comme incurable.
Avis défavorable.
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Je ne suis pas médecin mais j’imagine que lorsqu’un praticien doit annoncer à un patient qu’il est atteint d’une affection grave, il évalue le pronostic vital. Le malade passe ensuite des examens et reçoit un certain nombre d’informations. Je m’étonne que cet amendement charge le médecin d’une tâche qui relève, me semble-t-il, de ses missions – peut-être les praticiens ici présents pourront-ils le confirmer.
M. Thibault Bazin (DR). L’évaluation du pronostic vital n’est pas si simple, même à court terme. On ne peut pas subordonner la mise en œuvre d’un plan personnalisé à l’existence d’un bilan sur le pronostic vital, car celui-ci n’est pas toujours établi. En outre, le pronostic peut évoluer en fonction de la réponse du patient au plan thérapeutique : le pronostic vital peut être engagé à l’origine – par exemple, pour un trauma – puis ne plus l’être. Lorsqu’on bâtit une loi de portée générale, il faut prendre en compte l’ensemble des hypothèses.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). L’un des objets du plan d’accompagnement est d’anticiper l’évolution de l’affection, des douleurs, de la prise en charge de la perte d’autonomie, ce qui répond, d’une certaine façon, à la question soulevée par l’amendement. Ce dernier prévoit la communication d’un « bilan sur le pronostic » – notion qui mériterait d’être précisée – au moment du diagnostic : il paraît complexe, à cet instant, de se livrer à un tel exercice. Par ailleurs, le pronostic est l’une des dimensions du diagnostic. Enfin, je m’étonne que l’on entende parfois des cris d’orfraie dans l’hémicycle lorsqu’on évoque la possibilité de réguler l’installation des praticiens mais qu’en l’occurrence, la liberté des médecins paraisse beaucoup moins importante aux yeux de nos collègues.
M. René Pilato (LFI-NFP). On établit un plan personnalisé d’accompagnement à partir du moment où l’on diagnostique une affection grave, mais on espère que le pronostic vital ne sera pas engagé, au moins à court terme. Le plan d’accompagnement permettra de reculer autant que possible l’issue fatale, dans l’hypothèse où celle-ci serait inéluctable.
M. Yannick Monnet (GDR). Nous avons tous un avis sur la proposition de loi relative à la fin de vie mais il faut arrêter de chercher à verrouiller le second texte au sein du premier. Les sujets sont liés, mais il ne faut pas anticiper les choses.
M. Christophe Bentz (RN). Nos collègues, sur les bancs de la gauche, expriment leur étonnement à l’égard de cet amendement qu’ils peinent à comprendre ; l’une d’entre vous a rappelé qu’elle n’était pas médecin. Or l’auteur de cet amendement a été médecin sa vie durant : on peut donc penser qu’il sait de quoi il parle.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). L’annonce d’une maladie grave s’inscrit dans le cadre d’un processus bien défini. Des infirmières participent à des consultations d’annonce au cours desquelles elles redonnent des explications au patient à la suite de l’annonce du médecin. Dans le cas d’une maladie grave, on formule un diagnostic mais on n’est souvent pas capable d’établir un pronostic. Quand bien même on en formulerait un, il pourrait être totalement contrarié par la réaction du patient au traitement ou par l’allongement imprévu de sa durée de vie. On ne peut pas envisager d’emblée la fin de vie du patient. Il faut lui expliquer les traitements qui vont lui être administrés et les réactions qu’ils peuvent engendrer ; cela pourra être intégré dans le plan d’accompagnement.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Nous sommes toutes et tous des élus et c’est à ce titre que nous siégeons et légiférons, indépendamment de l’activité professionnelle que nous exerçons ou avons exercée par ailleurs. À cet égard, le fait qu’un amendement ait été rédigé par un médecin ne lui confère aucune supériorité. Par ailleurs, le projet de loi sur l’accompagnement des malades et de la fin de vie, que nous avons examiné l’an dernier, subordonnait l’aide à mourir au fait que le pronostic vital ait été engagé à court ou à moyen terme, ce qui était très problématique dans la mesure où on ne peut prévoir avec une telle précision l’évolution d’une maladie. Celles et ceux qui ont travaillé sur le sujet depuis 2022 trouvent pertinent de ne pas réintroduire cette notion. En conséquence, nous nous opposerons à l’amendement.
M. Christophe Bentz (RN). Je précise mon propos : pas plus que vous, nous ne sommes, sur ces bancs, médecins ; nous ne pouvons donc pas répondre à toutes les questions que soulève un amendement dont nous ne sommes pas les auteurs.
Mme la rapporteure. Il faut revenir au texte de l’article 14, qui prévoit la mise en œuvre d’un plan personnalisé d’accompagnement et le lancement d’un cycle de discussions. Je ne suis pas médecin non plus mais, à partir d’un certain nombre d’expériences que j’ai vécues ou entendues, je pense pouvoir dire qu’un médecin annonce rarement à son patient, d’emblée, qu’il est condamné ; en règle générale, le praticien annonce une affection grave. Il a besoin, dans la plupart des cas, de prescrire des examens complémentaires qui lui serviront à affiner son diagnostic et, peut-être, à acquérir une quasi-certitude – j’emploie le terme « quasi » car j’ai cru comprendre, en écoutant de nombreux médecins, qu’il est très difficile de déterminer précisément le moment où le pronostic vital sera engagé et celui auquel surviendra le décès. Pour toutes ces raisons, je crois nécessaire de conserver une rédaction générale et de retenir le critère du diagnostic d’une affection grave – c’est en effet au moment du diagnostic que l’on entame la discussion avec le patient.
Avis défavorable.
M. Gaëtan Dussausaye (RN). L’amendement tient compte des difficultés que vous venez d’exposer puisqu’il prévoit la réalisation d’un bilan sur le pronostic vital du patient « lorsque cela est possible ».
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques AS23 de Mme Sylvie Bonnet et AS335 de M. Yannick Monnet, amendements AS430 de Mme Élise Leboucher et AS465 de Mme Agnès Firmin Le Bodo (discussion commune)
Mme Sylvie Bonnet (DR). Le plan personnalisé d’accompagnement est destiné à assurer un accompagnement global et progressif de la personne. Il doit être défini en fonction de la pathologie puis évoluer compte tenu de celle-ci afin de renforcer la qualité de l’accompagnement et de faciliter le parcours de soins. Il n’est pas envisageable d’aborder la question des directives anticipées ou des volontés concernant la fin de vie au moment où la personne apprend qu’elle est atteinte d’une affection grave. Pour garantir la gradation de l’accompagnement, il importe de former les professionnels qui auront à recueillir la parole du malade et à définir le plan personnalisé. Mon amendement prévoit que l’alinéa 2 de l’article 14 puisse s’appliquer rétroactivement aux personnes dont le diagnostic a été posé avant la promulgation de la loi afin qu’elles puissent bénéficier d’un plan personnalisé d’accompagnement.
M. Yannick Monnet (GDR). Mon amendement identique, qui émane du Collectif Handicaps, s’inscrit dans une temporalité plus longue en prenant en compte, au-delà du moment où le diagnostic est formulé, l’évolution de la pathologie.
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Mon amendement a pour objet d’élargir le champ des bénéficiaires du plan personnalisé d’accompagnement aux personnes qui subissent une perte d’autonomie ou qui souffrent d’une pathologie chronique en voie d’aggravation. Ces personnes peuvent en effet être très dépendantes et se trouver confrontées à des parcours complexes, marqués par des ruptures, ce qui justifie tout autant une démarche d’anticipation et de coordination. Cet amendement a été travaillé avec France Assos Santé.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Conformément à la philosophie des soins palliatifs, il s’agit d’anticiper mais aussi de faire évoluer, le cas échéant, le plan personnalisé et de coordonner les différentes actions afin d’assurer une prise en charge globale du patient. Le plan personnalisé d’accompagnement porte notamment, au-delà de l’aspect médical, sur la prise en charge médico-sociale. Il me semblait intéressant d’en faire bénéficier des personnes dont l’état de santé s’aggrave, qui subissent une perte d’autonomie ou qui sont en situation de handicap afin d’anticiper la prise en charge palliative.
Mme la rapporteure. Je ne suis pas très favorable à ce que l’on établisse une liste car, par définition, on risque d’oublier des cas. Toutefois, je comprends votre volonté de faire bénéficier un plus grand nombre de personnes du plan personnalisé d’accompagnement dans la mesure où ce dernier enrichit considérablement le parcours de soins. L’amendement AS430 me paraît le plus englobant car il étend le bénéfice du plan aux personnes dont la pathologie chronique est en voie d’aggravation et à celles qui commencent à perdre leur autonomie en raison de l’avancée en âge ou de la survenue d’un handicap. Je propose donc aux auteurs des autres amendements de les retirer au profit de celui de Mme Leboucher.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je suis opposé à ces amendements, et j’ai même des doutes à l’égard du plan personnalisé. À la suite de l’établissement du diagnostic, le professionnel de santé a pour rôle de proposer un traitement curatif qui, comme son nom l’indique, a pour objectif de conduire à la guérison. Ce n’est que lorsque le traitement n’est pas possible ou ne peut plus être mis en œuvre que l’on entre dans les soins palliatifs. De ce point de vue, je suis un peu gêné par le fait que le plan personnalisé soit proposé dès le diagnostic.
Par ailleurs, les termes « perte d’autonomie due à l’avancée en âge ou à la survenue d’un handicap » me posent un problème. J’avais cru comprendre que les propositions de loi soumises à notre examen mettaient de côté l’âge et le handicap. On fait entrer ces notions dans le cadre des soins palliatifs alors qu’elles n’y ont pas leur place.
M. René Pilato (LFI-NFP). J’irai dans le sens de la rapporteure. L’amendement AS430 évoque la perte d’autonomie due à l’avancée en âge ou à la survenue d’un handicap. Il ne s’agit pas de parler du handicap en tant que tel mais de prévoir le cas où une personne déjà prise en charge – la plupart du temps, pour une maladie chronique – subit une perte d’autonomie, ce qui suppose une actualisation du plan personnalisé.
Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Monsieur Isaac-Sibille, le plan personnalisé vise à pallier le manque d’anticipation de la prise en charge palliative. Cela ne signifie pas que l’on sautera l’étape des soins curatifs pour placer d’emblée le malade en soins palliatifs mais, lorsqu’il faudra le faire, les choses se passeront mieux car on aura anticipé la prise en charge palliative, on aura déjà apporté des explications au patient, prévu les conditions de son accueil, etc. La proposition de loi a pour but de développer les soins palliatifs, mais aussi la culture et l’anticipation palliatives : tel est l’objet du plan personnalisé d’accompagnement.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Monsieur Isaac-Sibille, nous avons toujours dit que ce texte s’appliquait à des personnes atteintes de maladies graves et incurables, en mettant de côté l’âge et le handicap. Il faut veiller, lorsqu’on réintroduit des dispositions relatives aux personnes âgées ou atteintes d’un handicap, à ne pas créer de confusion, car certains ont affirmé que nous allions amener à peu près tout le monde à mourir, mineurs compris. On peut proposer un plan personnalisé ou un contrat de prise en charge à des personnes âgées en Ehpad, alors même qu’elles ne souffrent pas d’une maladie grave et incurable et qu’elles n’ont pas vocation à recevoir des soins palliatifs. Autre chose est l’accompagnement de la fin de vie par des soignants ayant une culture palliative, quel que soit le handicap dont est atteinte la personne.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Lorsqu’on vous diagnostique une maladie grave, il faut se battre, viser la guérison et vaincre : tel est mon point de vue, en tant que soignant. On ne peut pas dire en même temps à quelqu’un « battez-vous » et « on peut perdre, et voilà ce qu’il va se passer si on perd ». Lorsqu’on est atteint d’une telle maladie, on lutte et on n’imagine pas autre chose que la guérison – ou alors, cela signifie que l’on a baissé les bras.
Mme la rapporteure. Il ne faut pas réduire les soins palliatifs à l’extrême fin de vie et occulter les soins palliatifs précoces. Ces derniers sont essentiels ; ils comprennent aussi un volet curatif et peuvent s’inscrire dans le cadre du plan personnalisé d’accompagnement. Le plan d’accompagnement comprend une approche physique, détaille les traitements, envisage, le cas échéant, le recours à la chirurgie, etc. Il envisage toutes les mesures qui peuvent permettre au patient de combattre la maladie grave qu’on lui a annoncée. Par ailleurs, tout au long du texte, nous avons dit que nous voulions développer les soins palliatifs sous toutes leurs formes, en recourant à l’HAD et à des équipes mobiles de soins palliatifs, y compris dans les Ehpad et dans les établissements accueillant des personnes en situation de handicap. Il ne me semble donc pas incohérent de dire que les personnes se trouvant dans ces deux catégories d’établissements peuvent avoir accès au plan personnalisé d’accompagnement.
L’amendement AS23 est retiré.
La commission rejette l’amendement AS335.
Puis elle adopte l’amendement AS430.
En conséquence, l’amendement AS465 tombe.
Amendement AS73 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). Compte tenu de l’adoption de l’amendement AS429 de M. Clouet, je retire cet amendement, qui ne me paraît plus pertinent.
Lorsqu’on annonce à quelqu’un qu’il est atteint d’une maladie grave et incurable foudroyante, faut-il obliger le professionnel de santé à proposer à cette personne un plan personnalisé d’accompagnement ? Dans toutes les autres hypothèses, je répondrais par la positive, mais la maladie foudroyante représente un cas particulier sur lequel je m’interroge. Même si l’on a toujours besoin d’un accompagnement, cela ne revient-il pas à créer un faux espoir, notamment du fait de l’emploi du terme « personnalisé » ?
L’amendement est retiré.
La commission adopte l’amendement rédactionnel AS593 de Mme Annie Vidal.
Amendement AS355 de M. Sébastien Peytavie
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Cet amendement vise à s’assurer que le plan personnalisé d’accompagnement sera totalement accessible aux personnes en situation de handicap. Environ 60 000 d’entre elles passent chaque année par les soins palliatifs. Or, selon le type de handicap, les façons de comprendre, d’accepter la prise en charge et de se projeter peuvent varier, ce qui n’est pas toujours pris en considération.
Il faut d’abord que la personne concernée ait accès à une information qu’elle comprend. Cela passe par le format facile à lire et à comprendre, mais aussi par des initiatives comme SantéBD, qui permet un accès simple à des notions parfois complexes.
L’autodétermination est un sujet essentiel. Si la France veut respecter la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, elle doit l’assurer. Or, encore aujourd’hui, les professionnels et les établissements choisissent très souvent à la place de la personne malade. Pour que les personnes en situation de handicap se voient proposer un plan personnalisé d’accompagnement de qualité, il est indispensable de s’assurer qu’elles reçoivent la bonne information, y ont facilement accès, et qu’on communique avec elles de façon adaptée – par exemple grâce à la communication alternative.
Mme la rapporteure. Le texte précise que le plan personnalisé d’accompagnement est formalisé « par écrit ou par tout autre moyen compatible avec [l’]état » du patient. En droit, votre amendement est donc satisfait.
J’entends votre souhait que le document soit disponible en format facile à lire et à comprendre, mais nous faisons référence à ce format et aux différentes modalités d’information ailleurs dans le texte. Là encore, votre amendement est donc satisfait.
Dans un premier temps, je vous propose donc de retirer l’amendement.
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Que le document soit disponible, c’est une chose ; que l’on s’assure que le plan personnalisé d’accompagnement est bien proposé de façon adaptée au handicap du patient, c’en est une autre.
La mission d’évaluation de la loi du 11 février 2005 montre que nous n’avons toujours pas intégré, et parmi les soignants peut-être encore moins qu’ailleurs, la question de la façon dont on s’adresse à une personne en situation de handicap. Très souvent, le médecin s’adresse seulement à l’accompagnant, à la famille. Je l’ai vécu moi-même alors que je suis cortiqué ! Et pour peu qu’on ait affaire à quelqu’un qui porte un handicap psychique ou mental, c’est bien pire. Nous ne nous sommes jamais adaptés. Regardez tous les documents présents dans une chambre d’hôpital : rien n’est pensé pour une personne qui aurait du mal à comprendre, rien.
Assurer l’autodétermination du patient est essentiel : nous avons ratifié la convention des Nations unies en 2010, mais nous ne l’appliquons toujours pas. Elle est pourtant plus importante que la loi de 2005. Nous devons passer ce cap.
Il me paraît donc fondamental d’intégrer cet aspect à ce texte.
M. Yannick Monnet (GDR). Je partage ce qui vient d’être dit. Il faudrait à mon sens prévoir que le document soit accessible quel que soit le type de handicap. Ce devrait même être une obligation pour toute la médecine : toutes les communications doivent être accessibles à tous les handicaps. Pour avoir rédigé un rapport sur l’accès à la culture des personnes en situation de handicap, je vous garantis qu’on en est très loin, y compris du côté de l’administration.
Nous pourrions réfléchir à dresser une liste de tous les handicaps, mais cet amendement me paraît un bon premier pas : dans les faits, le facile à lire et à comprendre n’existe vraiment pas beaucoup.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Je soutiens également cet amendement. J’ajoute qu’il pourrait tout aussi bien concerner celles et ceux qui ne sont pas français d’origine, mais aussi les enfants.
S’il y a bien une population à laquelle les médecins s’adressent très peu, surtout quand il s’agit de prendre des décisions, ce sont les enfants. Certains font très attention dans leur accompagnement des enfants, mais ceux-ci sont souvent les derniers informés de leur propre devenir, des choix de traitement qui sont faits pour eux. Nos lois prévoient qu’ils doivent être consultés, en fonction de leur degré de compréhension et de maturité, et associés aux décisions qui les concernent ; pourtant, dès qu’il s’agit de décisions médicales, on passe à côté.
Mme la rapporteure. Les enfants sont mentionnés à l’alinéa 5.
Tout à l’heure, j’ai demandé le retrait de l’amendement mais c’est à dessein que je n’ai pas donné d’avis. Vous avez été très convaincant, monsieur Peytavie. S’il est vrai que votre amendement est satisfait en droit, cela peut ne pas suffire dans la pratique. Je m’en remets donc à la sagesse de la commission des affaires sociales – comme j’avais prévu de le faire.
M. Nicolas Turquois, président. Il me paraît important que nos concitoyens puissent lire la loi. L’idée est certes intéressante, mais si nous adoptons cet amendement, la formulation de l’alinéa 2 va devenir bien lourde.
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Adoptons-le, quitte à réfléchir d’ici à la séance à une meilleure formulation.
La commission adopte l’amendement.
Amendements identiques AS76 de M. Thibault Bazin et AS333 de Mme Karine Lebon
M. Thibault Bazin (DR). Je reprends ici la proposition d’un de nos anciens collègues que j’estime beaucoup, Pierre Dharréville : utiliser une notion présente dans le référentiel de la Haute Autorité de santé (HAS), la « planification anticipée des soins futurs ». Il s’agit d’un « procédé de communication et de reformulation sur les valeurs et les souhaits de la personne au sujet de sa santé future et de ses préférences concernant les soins et traitements. Elle est basée sur les priorités de la personne, ses croyances, ses valeurs, et implique de prendre du temps pour s’enquérir des options thérapeutiques en fin de vie avant qu’un événement aigu ne survienne. Elle conduit à proposer une déclaration anticipée de ses souhaits et préférences ; la rédaction des directives anticipées ; la désignation de la personne de confiance. »
Cela recouvre parfaitement ce à quoi vise le plan personnalisé d’accompagnement.
Mme la rapporteure. L’idée me convient mais la formulation est redondante. Nous devrons de toute façon réécrire cet alinéa 2 en vue de la séance. Je vous propose donc de retirer l’amendement.
M. Thibault Bazin (DR). La formulation n’alourdit pas tant que cela l’alinéa, je n’ajoute tout de même pas beaucoup de mots ! Et puis je suis référent de notre commission pour la HAS, je me sens obligé de vous faire cette proposition.
Plus sérieusement, reprendre la terminologie établie par la HAS me paraît pertinent.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). La formulation pourrait difficilement être moins compréhensible, même si j’approuve l’idée de planification.
M. Patrick Hetzel (DR). J’appuie l’amendement de M. Bazin. Il est intéressant de s’appuyer sur l’expertise de la HAS.
M. Yannick Monnet (GDR). Tout à fait. La formulation n’est sans doute pas exceptionnelle, mais elle existe. Elle figure dans les référentiels et les professionnels des soins palliatifs la connaissent. Si nous ne comprenons pas les termes, ce n’est pas très grave : ceux qui doivent comprendre, ce sont ceux qui sont sur le terrain. Voilà pourquoi Pierre Dharréville avait fait cette proposition.
Mme Annie Vidal (EPR). Je demeure défavorable à cet amendement.
La commission rejette les amendements.
La réunion s’achève à dix-neuf heures cinquante-cinq.
Présents. – Mme Ségolène Amiot, M. Thibault Bazin, M. Christophe Bentz, Mme Sylvie Bonnet, M. Eddy Casterman, M. Hadrien Clouet, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Gaëtan Dussausaye, Mme Karen Erodi, M. Olivier Falorni, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Camille Galliard-Minier, M. François Gernigon, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Zahia Hamdane, M. Patrick Hetzel, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Philippe Juvin, Mme Julie Laernoes, M. Michel Lauzzana, Mme Élise Leboucher, M. Vincent Ledoux, Mme Brigitte Liso, Mme Christine Loir, Mme Hanane Mansouri, Mme Joséphine Missoffe, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, M. Julien Odoul, M. Laurent Panifous, M. Sébastien Peytavie, M. René Pilato, Mme Lisette Pollet, Mme Anne-Sophie Ronceret, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier
Excusés. – Mme Béatrice Bellay, M. Didier Le Gac, Mme Karine Lebon, Mme Joëlle Mélin, M. Jean‑Philippe Nilor, Mme Christine Pirès Beaune, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Estelle Youssouffa