Compte rendu
Commission
des affaires sociales
– Printemps social de l’évaluation : évaluation « La lutte contre la fraude aux prestations sociales » (Mme Farida Amrani et M. Cyrille Isaac‑Sibille, rapporteurs) ; table ronde sur les dispositions des lois de financement de la sécurité sociale relatives aux recettes et à l’équilibre général de la sécurité sociale ainsi qu’aux branches vieillesse et famille 2
– Examen du projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale de l’année 2024 (n° 1456) (M. Thibault Bazin, rapporteur général). 2
– Présences en réunion.................................16
Mercredi
4 juin 2025
Séance de 9 heures 30
Compte rendu n° 92
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Frédéric Valletoux,
président
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La réunion commence à neuf heures trente-cinq.
(Présidence de M. Frédéric Valletoux, président)
Dans le cadre du Printemps social de l’évaluation, la commission entend Mme Farida Amrani et M. Cyrille Isaac‑Sibille, rapporteurs de l’évaluation « La lutte contre la fraude aux prestations sociales », et organise une table ronde sur les dispositions des lois de financement de la sécurité sociale relatives aux recettes et à l’équilibre général de la sécurité sociale ainsi qu’aux branches vieillesse et famille réunissant :
– pour la direction de la sécurité sociale, Mme Delphine Champetier, cheffe de service, adjointe au directeur ;
– pour l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale – Urssaf Caisse nationale, M. Damien Ientile, directeur, et M. Emmanuel Dellacherie, directeur de la réglementation, du recouvrement et du contrôle ;
– pour la Caisse nationale d’assurance vieillesse, M. Renaud Villard, directeur général ;
– pour la Caisse nationale des allocations familiales, M. Nicolas Grivel, directeur général.
Dans l’attente de son compte rendu écrit, qui sera publié ultérieurement, l’audition est accessible sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante : https://assnat.fr/4ErfvK
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La commission examine ensuite le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale de l’année 2024 (n° 1456) (M. Thibault Bazin, rapporteur général).
M. le président Frédéric Valletoux. Je rappelle que le Placss de l’année 2024 sera à l’ordre du jour de la séance publique mardi 10 juin.
M. Thibault Bazin, rapporteur général. C’est pour donner un « point d’aboutissement plus solennel » au contrôle de l’application des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) que notre ancien collègue Thomas Mesnier avait envisagé la création de la nouvelle catégorie de texte que constitue le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (Placss).
Un commentaire de méthode, en réalité politique, s’impose, non que mes états d’âme importent, mais parce que ma situation est paradoxale, puisque non seulement je n’étais pas rapporteur général au moment de l’élaboration de la LFSS 2024, mais je n’étais pas non plus, tant s’en faut, un soutien inconditionnel des gouvernements ayant eu la responsabilité d’appliquer ce budget.
J’avancerai donc, sans pour autant refuser le débat de fond, des arguments d’ordre institutionnel, ne serait-ce que parce qu’il me semble important de respecter la loi organique qui encadre le format des dispositions qui nous sont soumises et que les chiffres qui y figurent sont le reflet de la réalité, que celle-ci nous plaise ou non.
Concernant tout d’abord le champ des administrations de sécurité sociale (Asso), plus large que celui des régimes sur lequel nous nous concentrerons ensuite, l’article liminaire fait apparaître un strict équilibre de 0,0 point de produit intérieur brut (PIB). Comme nombre d’entre vous, je ne suis pas grand amateur des expressions en volume et trouve plus utile de parler en milliards d’euros : cela n’est pas nécessairement plus facile à appréhender, mais présente au moins le mérite d’effacer certains arrondis. Ainsi, les Asso affichent, en valeur, un léger excédent, de 1,3 milliard d’euros sur la base des données disponibles lors du dépôt du Placss ou de 2,3 milliards d’euros si l’on tient compte de la révision effectuée deux jours plus tard par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). J’insiste sur le fait qu’il s’agit de l’Insee et non de tel ou tel ministre. Le rehaussement constaté tient à un ressaut des recettes, notamment au résultat positif des retraites complémentaires et à l’équilibre de l’Unedic, même si la situation de l’assurance chômage est moins favorable qu’espéré il y a encore quelques mois.
L’article 1er concerne les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale, qui affichent un déficit de 16,5 milliards d’euros pour l’exercice clos, que l’on peut ramener à 15,3 milliards d’euros en y incluant l’excédent du Fonds de solidarité vieillesse. Cela traduit une dégradation, non seulement par rapport à 2023, année lors de laquelle le déficit a atteint 10,8 milliards d’euros, mais aussi en comparaison avec la prévision de la LFSS 2024, qui s’établissait à 10,5 milliards d’euros. Le déficit est dû aux branches maladie et vieillesse, pour respectivement 13,8 et 5,6 milliards d’euros, les autres repassant dans le vert.
Ces chiffres marquent définitivement la fin de la période de redressement de la situation financière de la sécurité sociale consécutive à la crise sanitaire, qui résultait d’effets mécaniques liés au rebond de l’activité économique et à l’extinction progressive des dépenses exceptionnelles effectuées pour faire face à la pandémie. L’aggravation du solde intervient durant une période qui, de l’avis général, ne peut être qualifiée de crise malgré les indéniables défis liés au retour de l’inflation et aux contingences du contexte économique international.
Les recettes ont été très largement surestimées : à chacun de dire dans quelle mesure il y voit des erreurs techniques ou l’expression d’un certain optimisme.
Sur le plan des dépenses, il apparaît, conformément aux éléments évoqués à la faveur des trois dernières auditions du premier président de la Cour des comptes, que la dynamique des composantes de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) s’accélère et que les efforts de modération sont trop timides. Les pensions de retraite ont légitimement progressé de 7 %, dont 5,3 % en raison de leur revalorisation indexée sur l’inflation, cet élément expliquant à lui seul plus de 13 des 18 milliards d’euros de dépenses supplémentaires de la branche.
L’Ondam est l’un des objets de l’article 2 du Placss. En 2024, il a été consommé à hauteur de 256,4 milliards d’euros, ce qui montre une hausse quel que soit le point de comparaison. Les annexes du Gouvernement évoqueront une présentation de 3,47 % à champ courant ou de 3,3 % à champ constant. Je préfère être plus clair et parler d’une progression de 8,6 milliards d’euros par rapport au Placss pour 2023, d’un dépassement de 1,5 milliard d’euros par rapport à la cible fixée par la LFSS 2024 et d’une augmentation de 71,3 milliards d’euros – soit plus d’un tiers – par rapport à 2017.
Toutes les conditions étaient pourtant réunies, comme l’a notamment souligné la Cour des comptes, pour que l’Ondam soit tenu pour la première fois depuis 2019 : une inflation plus faible qu’anticipé, des hypothèses qui n’étaient pas irréalistes, des marges qui existaient mais n’ont pas été utilisées. Outre la tendance bien connue d’évolution des indemnités journalières, des dépassements d’honoraires ou des frais de biologie, la difficulté est toutefois liée au fait que les mesures de maîtrise annoncées à 4,4 milliards d’euros n’auraient été réalisées qu’à hauteur de 0,7 à 1,1 milliard d’euros. Cela doit nous inquiéter pour les exercices à venir.
La Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) a amorti quelque 16 milliards d’euros de dette, soulageant d’autant la trésorerie des différents régimes et les contribuables des générations futures.
Enfin, l’article 3 du Placss complète les deux précédents par une présentation sous forme de bilan, qui permet d’appréhender les régimes comme détenteurs d’un actif et d’un passif. Puisse cette grille patrimoniale ne pas nous rebuter, mais nous inspirer.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
Mme Joëlle Mélin (RN). Si nous avons pu nous féliciter des effets positifs de la loi organique de 2022, caractérisés par la concomitance de parution des rapports de la Cour des comptes donnant une vision claire de chiffres alarmants, nous ne pouvons que déplorer sa forme, qui nous oblige à procéder en principe avant le 1er juin à l’approbation des comptes de l’année précédente. La rigidité du processus cache mal l’incertitude, voire l’insécurité entourant les chiffres qui nous sont présentés. Citons par exemple la non certification, pour la troisième fois, des comptes de la branche famille, qui a encore perdu plus de 6 milliards d’euros, portant le montant à 16 milliards d’euros en trois ans, soit un tiers des efforts demandés aux Français cette année.
Nous avons déjà longuement discuté pour savoir s’il fallait ouvrir le débat sur les articles classiques du Placss ou le rejeter. Or il nous apparaît qu’il n’y a cette année plus rien à discuter. Les erreurs comptables sont nombreuses, profondes, complexes et redondantes. Nous demandons par conséquent la suppression de tous les articles du projet.
Mme Stéphanie Rist (EPR). Le déficit des régimes obligatoires de la sécurité sociale s’établit à – 15,3 milliards en 2024. En augmentation par rapport à 2023, il est toutefois moins important que celui attendu dans le cadre de la LFSS 2025. Cette situation fait suite à l’amélioration de nos comptes sociaux, fruit des politiques que notre majorité avait engagé en matière notamment d’emploi, de retraites et d’assurance chômage. Cela a permis à notre économie de tenir malgré l’inflation.
Ce déficit devrait toutefois continuer à se détériorer pour atteindre 22,1 milliards d’euros en 2025 et 24,1 milliards d’euros en 2028, selon les dernières prévisions. Ce déficit, qui concerne en particulier les branches maladie et vieillesse, devrait nous conduire à ne pas détourner le regard. Comme chaque année pourtant, les oppositions vont s’opposer : la gauche et le Rassemblement national déposent ainsi en commun des amendements visant à supprimer une simple photographie de nos comptes sociaux, alors même qu’ils refusent d’envisager toute réforme du financement de notre modèle de protection sociale, sauf à proposer des solutions de hausse de cotisations qui viendraient détruire des milliers d’emplois. Ce sont eux également qui voteront certainement demain une proposition de résolution de l’abrogation de la réforme des retraites, qui aurait pour effet d’aggraver durablement le déficit de notre système, donc de la sécurité sociale.
Lors de l’examen du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), notre groupe a rappelé l’impérieuse nécessité de repenser le financement de notre modèle de protection sociale. Les déficits structurels doivent nous pousser à effectuer des réformes structurelles. C’est à cette seule condition que nous pourrons préserver notre modèle social. Les faits sont là et doivent nous pousser à l’action.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Qui a dit : « Le budget de la sécurité sociale représente un effroyable boulet pour l’économie » ? Est-ce Amélie de Montchalin ? Eh bien non, c’est Le Figaro qui, en 1948 déjà, réagissait ainsi de manière quelque peu excessive, comme en atteste ce fac-similé que je tiens à votre disposition. Les mêmes débats se reproduisant sans cesse depuis la Libération, nous allons rappeler l’évidence : lorsqu’une caisse manque d’argent pour couvrir les engagements pris, on peut soit mettre fin à ces engagements, en arrêtant d’indemniser les malades, de les transporter à l’hôpital – ou en les entassant à plusieurs à l’arrière d’un taxi sanitaire –, soit ajouter de l’argent dans les caisses.
Nous voici au sketch annuel, lors duquel vous nous demandez d’approuver des comptes de la sécurité sociale alors même que la LFSS n’a pas été soumise au vote en raison d’un recours à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution. Collègues macronistes, tant que vous imposerez des lois de financement de la sécurité sociale dont personne ne veut, nous ne pourrons en approuver les comptes l’année suivante. C’est logique. Nous sommes des parlementaires, pas des poissons rouges.
D’autant que vous avez vidé les caisses. Les allégements de cotisations sociales ont ainsi augmenté de 29 milliards d’euros en 2017, année de l’accession d’Emmanuel Macron au pouvoir. À l’heure où la Macronie entre dans son crépuscule, cette augmentation est de 77 milliards d’euros, dont 8 milliards d’euros non compensés à la sécurité sociale, ajoutés à 3 milliards d’euros d’exonérations sur l’actionnariat, les stock-options, les actions gratuites et autres plans d’épargne d’entreprises. À titre d’exemple, un salarié percevant deux Smic versait 45 % de contributions et cotisations en 2010, contre 40 % aujourd’hui, soit un différentiel de 5 points de salaire brut.
Toutes ces raisons nous conduisent à repousser le projet d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2024 et, fidèles à l’esprit de 1945, à demander que ceux qui le peuvent contribuent, que ceux qui en ont besoin soient indemnisés et que soient enfin rétablies des élections à la sécurité sociale afin que ce ne soit plus des macronistes qui en pilotent les comptes mais les assurés eux-mêmes.
Mme Sandrine Runel (SOC). Nous abordons cet examen du Placss avec une impression de déjà-vu. Depuis huit ans en effet, le Gouvernement vide les caisses, laissant filer en 2024 quelque 77 milliards d’euros dans des exonérations de cotisations sociales dont l’efficacité reste à prouver.
Un autre sentiment de déjà-vu tient au fait qu’une fois encore vous rejetez la faute sur les dépenses sociales, sur les hôpitaux, la médecine de ville, la prévention, les personnes âgées, c’est-à-dire sur les raisons qui ont conduit à la création de la sécurité sociale il y a quatre‑vingts ans.
Nous n’allons bien évidemment pas approuver votre banqueroute sociale. Nous n’allons pas être complices de cette trajectoire budgétaire complètement « hors de contrôle » selon l’expression de la Cour des comptes elle-même. Nous n’allons pas faire comme si le déficit de 15 milliards d’euros était inéluctable et surtout comme si vous n’y étiez pour rien : il est en effet la conséquence directe de votre politique d’austérité désastreuse.
Nous voterons donc, sans surprise, contre ce Placss.
Comme nous sommes de bonne volonté, nous avons toutefois préparé une sélection des recommandations de la Cour des comptes pour vous permettre d’améliorer votre copie. Il convient tout d’abord, pour augmenter les recettes, de réduire urgemment le plafond des allégements d’allocations familiales de 3 à 2,5 Smic et d’intégrer les compléments de salaire dans l’assiette de calcul des exonérations. Pour dépenser intelligemment, il faut travailler à la qualité des soins et lutter contre la désertification médicale et paramédicale afin de prévenir certains soins hospitaliers d’urgence. Il semble enfin crucial de ne plus avoir peur de la prévention, mais de la considérer comme un investissement social. Sortez donc de votre calendrier budgétaire et électoral et prévoyez de manière pluriannuelle pour que nos enfants bénéficient encore d’une sécurité sociale digne de ce nom.
Mme Justine Gruet (DR). Le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2024 est certes un exercice comptable, mais aussi un acte politique. Il illustre une trajectoire budgétaire à laquelle nous refusons de nous associer. Pour la troisième année consécutive, le groupe de la Droite Républicaine votera contre ce texte, non pour nier la réalité des chiffres, mais pour marquer son désaccord profond avec la politique qui les a produits.
Le déficit s’élève à près de 18 milliards d’euros, dont 13,8 milliards d’euros pour la branche maladie. Si l’exécution est légèrement meilleure que prévu, les tendances lourdes restent préoccupantes. La branche vieillesse voit ainsi son déficit doubler, tandis que l’excédent des accidents du travail diminue de moitié. Seule la branche autonomie tire son épingle du jeu, grâce à des recettes exceptionnelles.
Pire encore : selon la Cour des comptes, la trajectoire 2025‑2028 nous mène à une impasse. Le déficit atteindrait ainsi 24 milliards d’euros en 2028, avec une dette sociale non maîtrisée portée par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, exposée dès 2027 à un risque de crise de liquidité.
Face à cette situation, nous refusons de valider la politique budgétaire conduite par les gouvernements successifs. Le budget 2024 n’a pas été préparé par le premier ministre de l’époque, Michel Barnier, qui n’a malheureusement pas pu faire adopter son propre PLFSS pour 2025, empêché par une alliance de circonstance entre le Rassemblement national et la gauche.
Nous nous opposerons à la suppression des articles du Placss, qui ne font qu’exposer les chiffres inquiétants de nos déficits, mais voterons contre ce texte, car nous estimons qu’il est temps de changer de cap. Nous appelons à une gestion rigoureuse et durable des comptes sociaux et à un effort renforcé contre la fraude.
Mentionnons à cet égard les 6,3 milliards d’euros d’indus et d’erreurs qui ont été constatés au sein de la Caisse nationale des allocations familiales. Interrogeons-nous sur le changement des règles. On note en effet une hausse de 1,5 milliard d’euros en quatre ans, alors que la natalité a baissé de 10 points dans le même temps.
Nous appelons à une plus grande responsabilisation et à une meilleure maîtrise des dépenses de santé, afin de ne pas faire peser sur nos enfants le choix que nous refusons d’assumer.
M. Hendrik Davi (EcoS). L’examen des comptes est toujours un exercice instructif. Le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour l’année 2024 ne fait pas exception.
On observe tout d’abord l’existence d’un décalage entre le contenu du document et le discours catastrophiste sur l’état des finances de la sécurité sociale. Le premier ministre évoque en effet un « déficit considérable » et prépare une révolution avec la TVA sociale, tandis que la Cour des comptes sonne le tocsin sur le déficit de la sécurité sociale et parle de « finances hors de contrôle » et de « point de bascule ».
Qu’en est-il si l’on examine le document qui nous est soumis ? L’article liminaire, qui présente les dépenses et les soldes des administrations de sécurité sociale et correspond à un périmètre plus large que celui des régimes de sécurité sociale, met en lumière un excédent, bien qu’en baisse, de 1,3 milliard d’euros. Les régimes obligatoires de base, présentés dans l’article 1er, font certes apparaître un déficit de 15,3 milliards d’euros, mais il est inférieur aux 18,2 milliards d’euros attendus dans la loi de finances. J’ajoute que 15 milliards d’euros sur 628 milliards d’euros de recettes correspondent à un déficit de 2,4 %, inférieur donc au déficit du budget de l’État. Les déficits avaient par ailleurs atteint 30 milliards d’euros en 2010 et 40 milliards d’euros en 2020 et ont pu être résorbés. Enfin, les dépenses maladie présentées à l’article 3 s’élèvent à 256 milliards d’euros, soit 0,5 milliard d’euros de moins que prévu dans la LFSS.
Face à ce tableau, les conclusions de notre groupe restent les mêmes. Nous considérons tout d’abord qu’il faut revenir sur les exemptions de cotisations sociales, dont celles relatives à la participation au résultat de l’entreprise, dont l’assiette ne cesse de croître et qui représente un manque à gagner de 14,6 milliards d’euros. Il convient également de revenir sur les exonérations de cotisations non compensées, qui atteignent selon la Cour des comptes 5,5 milliards d’euros. S’y ajoutent les exonérations sur les primes et les heures supplémentaires, pour un montant de 3,3 milliards d’euros. Nous vous avions en outre proposé lors du dernier PLFSS d’augmenter la contribution sociale généralisée (CSG) sur les revenus du capital, ce qui aurait permis de dégager 5 milliards d’euros. On aurait ainsi atteint un total de 28,3 milliards d’euros, soit un montant suffisant pour éponger le déficit.
L’examen de ces comptes milite par ailleurs pour une intégration des complémentaires et des mutuelles santé et prévoyance dans le champ de la sécurité sociale et le retour à la caisse unique qui existait avant 1967.
Nous constatons enfin que tant que les salariés contrôlaient la sécurité sociale, ses comptes étaient à l’équilibre.
Voilà trois propositions de réformes structurelles, que vous pourriez mettre en œuvre.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). L’année dernière à cette même place, je vous indiquais que nous n’étions pas là pour ajuster les chiffres, mais pour refonder un système à bout de souffle. Un an plus tard, qu’avons-nous fait ? Certains ont censuré le Gouvernement, d’autres retardé l’examen du budget de la sécurité sociale, aggravant l’instabilité de notre pays et de notre économie, déjà mise à mal par des problèmes géopolitiques. Le résultat est sans appel : le déficit de la sécurité sociale s’élève pour 2024 à 15 milliards d’euros. Pour mémoire, la Cour des comptes considérait déjà le déficit de 10 milliards d’euros constaté en 2023 comme « un point de bascule » pour le financement de la sécurité sociale.
Selon cette même Cour des comptes, la trajectoire des comptes sociaux est « hors de contrôle ». Or la santé des Français est en jeu, tout comme le principe de l’universalité cher à un modèle social auquel nous sommes tous attachés. Il en va également de la survie de notre économie.
Notre groupe votera le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2024, qui poursuit l’action engagée depuis la crise sanitaire pour redresser nos comptes sociaux.
Mais l’enjeu est ailleurs. Il faut préparer un budget sincère, structurant, rompant avec la logique du toujours plus, et repenser un système qui conduit à produire toujours plus de soins. Il faut revoir nos priorités et exiger une responsabilisation de l’ensemble des acteurs, qu’il s’agisse des patients, des professionnels de santé, des directeurs d’établissements, des institutions ou de l’État. Agir en responsabilité suppose de se poser les bonnes questions. Il faut éviter d’ajouter à l’Ondam un sixième sous-objectif « fourre-tout », sans vision ni ambition, et privilégier un objectif dédié à la prévention, qui pour l’heure n’apparaît nulle part dans les comptes que nous votons. La survie de notre modèle social dépendra des réponses que nous apporterons à ces questions et de l’ambition dont nous saurons faire preuve pour redresser nos comptes sociaux.
M. François Gernigon (HOR). Notre assemblée examine pour la troisième année consécutive le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale créé par la loi organique du 14 mars 2022. Il s’agit, non pas d’un débat budgétaire classique, mais d’un exercice démocratique de transparence. Ce texte n’oriente pas l’avenir : il éclaire le passé et permet au Parlement de mieux comprendre les trajectoires réelles, d’en mesurer les écarts et, le cas échéant, d’en tirer les leçons.
Les chiffres que nous examinons sont sans ambiguïté. Le déficit du système s’élève à plus de 15 milliards d’euros en 2024 et devrait atteindre 22 milliards d’euros selon la trajectoire prévue pour 2025. Cette situation appelle une réponse claire : nous ne pouvons plus nous contenter de piloter à vue.
Branche après branche, le constat est le même. La branche maladie, avec un déficit de 13,8 milliards d’euros, continue de dériver sous l’effet d’une dynamique de dépenses structurelles. La branche retraite glisse peu à peu dans le rouge, malgré la réforme de 2023.
Au-delà des déficits, c’est la nature même du financement de la protection sociale qui se transforme. La part des cotisations sociales s’effrite, tandis que celle des impôts affectés dépasse durablement les 50 %. Ce glissement appelle un débat de fond sur l’assiette, la lisibilité et la confiance placée dans notre système.
Ce texte n’engage pas les orientations futures du Gouvernement, mais permet à la représentation nationale de constater l’état de nos comptes sociaux. Il s’agit d’une photographie des comptes de la sécurité sociale au 31 décembre 2024.
Vous pouvez, chers collègues, vous mentir à vous-mêmes et, cette année encore, rejeter ce texte par refus de voir la réalité en face. C’est nier la réalité des résultats. Le groupe Horizons & Indépendants refuse de jouer à ce jeu et votera en faveur de la transparence et de la réalité comptable.
M. Paul-André Colombani (LIOT). Le projet de loi qui nous est soumis est essentiellement comptable. Il permet également de constater que si le déficit de 2024 est moins important qu’attendu, il demeure toutefois très élevé – à hauteur de 15,3 milliards d’euros. Le fort niveau d’endettement conjugué à l’extinction prochaine de la Cades conduit la Cour des comptes à nous alerter sur une potentielle crise de liquidité, ce qui est évidemment une source d’inquiétude compte tenu des déficits sociaux et financiers auxquels nous devons faire face.
Notre groupe déplore par ailleurs, pour la troisième année consécutive, l’impossibilité de la Cour des comptes de certifier les comptes de la branche famille, avec des erreurs qui représentent tout de même 8 % du montant des prestations.
Nous regrettons surtout le manque d’ambition de réforme des allégements généraux de cotisations sociales au sein de la LFSS 2025. Ces exonérations coûtent 77 milliards d’euros et ne sont pas toujours efficaces en matière d’emploi. Nous continuerons à plaider en faveur de leur suppression au-delà de 2,5 Smic.
Nous constatons en outre des insuffisances dans le domaine de la santé et de la politique de soutien à l’autonomie. La Cour des comptes reconnaît la mise en place de mesures d’économies sans précédent pour l’assurance maladie, à hauteur de 5,2 milliards d’euros. Le déficit des hôpitaux publics s’aggrave pourtant. Or l’essentiel des mesures de régulation des dépenses de l’Ondam s’effectuent sur les établissements de santé, avec un montant d’annulations de 304 millions d’euros sur un total de 565 millions d’euros. Nous réitérons donc notre appel à donner davantage de visibilité aux établissements de santé pour une période de cinq ans.
Ce projet de loi est l’occasion de rappeler que les déficits des comptes sociaux dus en particulier à un manque de recettes ont un impact sur les dépenses, pourtant nécessaires pour soutenir notre modèle de protection sociale, à commencer par la santé et l’autonomie.
M. Yannick Monnet (GDR). Sans grande surprise, cette photographie des comptes de la sécurité sociale au 31 décembre 2024 met en évidence un déficit de l’ensemble des branches, en augmentation par rapport à celui de 2023, mais moins important que celui projeté dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale. Sans plus de surprise, la branche maladie représente 90 % de ce déficit et la Cour des comptes considère que l’exécution de l’Ondam est « insuffisamment maîtrisée » et la trajectoire des comptes sociaux « hors de contrôle ».
Cette photographie est sans surprise car si le Gouvernement d’alors avait consenti à débattre des précédentes LFSS au lieu de couper court en recourant à l’article 49, alinéa 3, à entendre les avis motivés des différentes branches, il aurait su, pour reprendre les termes employés par le conseil de la Caisse nationale de l’assurance maladie en 2023, que « le budget prévu pour 2024 n’apportait pas de réponses structurelles pour pérenniser le système de protection sociale ». De fait, année après année, les PLFSS se résument à considérer que le problème réside dans les déficits et la dette et que la seule solution est la maîtrise des dépenses. Or il conviendrait de penser différemment et d’envisager l’autre versant du déficit, c’est-à-dire le manque de recettes. Un déficit est en effet la résultante d’un déséquilibre entre dépenses et recettes. La Cour des comptes elle-même a appelé récemment à une meilleure maîtrise de la dynamique des allégements « généreux » de cotisations sociales, qui représentent quelque 80 milliards d’euros accordés aux entreprises sans aucune contrepartie, non régulés, non encadrés, face à un déficit de la sécurité sociale de 15 milliards d’euros en 2024.
Quant à l’Ondam, il s’agit, non pas d’un outil de programmation des dépenses, mais d’un instrument de sous-investissement qui crée mécaniquement de la dette et du déficit et plonge nos hôpitaux et nos établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes dans des situations critiques et infernales. L’Ondam est inadapté et devrait être remplacé par une loi de programmation partant des besoins et cherchant en conséquence les recettes pour y répondre.
Un changement de paradigme est urgent. Dans ce contexte, nous nous prononcerons bien évidemment contre ce projet de loi.
M. le rapporteur général. Je ne suis pas sûr, madame Mélin, que l’on puisse parler d’insécurité des chiffres. Les chiffres des dépenses et des recettes sont réels et incontestables. La question centrale est plutôt celle des risques d’indus, des modalités de leur recouvrement et de leur maîtrise.
Je rejoins Stéphanie Rist sur le fait d’une part que certaines réformes ont indéniablement produit des résultats, d’autre part que d’autres réformes sont nécessaires.
Les propos de M. Clouet sont, comme souvent, assez justes, même si l’on ne partage pas toujours les solutions qu’il propose. Vous avez évoqué le chiffre de 8 milliards d’euros non compensés à la sécurité sociale. Or les données dont je dispose font état de 4 milliards d’euros et 5,5 milliards d’euros si l’on intègre les sous-compensations Unedic et Agirc-Arrco. Je serais donc intéressé de savoir d’où provient le chiffre que vous avancez.
J’aurai l’occasion de répondre à Mme Runel lors de la discussion des amendements qu’elle a proposés.
Je ne partage pas l’avis de M. Davi sur la Cades. Je pense en effet que si l’on n’avait pas remboursé cette dette, elle existerait tout de même. Votre appel à des réformes de structure doit par ailleurs être entendu – peut-être ne proposerons-nous pas les mêmes...
Je salue la constance de M. Isaac-Sibille sur le thème de la prévention, même si l’examen du Placss n’est peut-être pas le meilleur cadre pour l’aborder. Ce sujet a été évoqué hier dans le cadre de la Commission des comptes de la sécurité sociale, où il a été indiqué qu’il faudrait, à un moment donné, raisonner différemment d’un point de vue analytique. Il convient désormais d’écrire le cadre, ce qui est loin d’être évident.
Comme l’a fort justement rappelé M. Gernigon, le Placss ne sert qu’à éclairer le passé. C’est une photographie, qu’on est libre de trouver plus ou moins belle, mais il en faut bien une. Vous avez raison, une transformation du financement de la sécurité sociale est en cours ; c’est un sujet qu’il ne faut ni occulter, ni caricaturer, ni minimiser. Nous devons nous pencher sur cette question, pour relever les défis qui se posent entre moyens et besoins.
Certes, ce texte n’engage pas le futur, monsieur Colombani. D’ailleurs, que nous le votions ou non n’y changera rien.
Monsieur Monnet, vous déplorez, comme d’autres acteurs, l’absence de réponses structurelles, même si vous n’y apportez pas les mêmes solutions. Il y a un an et demi, je faisais partie de ceux qui alertaient déjà sur la dégradation de la situation – j’aurais préféré me tromper. La dette est là et si elle n’existait pas, nous aurions davantage de moyens pour agir. C’est donc plus compliqué et nous ne pouvons pas nier cette réalité.
Néanmoins, à la différence de l’État dont le volume de la dette a augmenté au cours des vingt dernières années, celui de la sécurité sociale a diminué, grâce à la Cades qui en a amorti les deux tiers : chaque année, 20 milliards d’euros sont consacrés au remboursement de la dette sociale. Faut-il continuer à rembourser ? C’est une question de responsabilisation de notre système de sécurité sociale, qui n’a pas été conçu pour être en déficit. Nous fêtons cette année les quatre ans de la sécurité sociale et certains ont même appelé à préparer les cent ans : restons humbles et modestes sur ce point, compte tenu de la configuration politique de notre assemblée.
Article liminaire : Recettes, dépenses et solde des administrations de sécurité sociale pour l’année 2024
Amendements de suppression AS1 de Mme Sandrine Runel, AS5 de M. Hadrien Clouet et AS9 de Mme Joëlle Mélin
Mme Sandrine Runel (SOC). Nous avons déjà expliqué ce que nous pensions des comptes de la sécurité sociale. C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article liminaire.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous ne sommes pas d’accord avec la stratégie qui a été choisie et nous avons des doutes quant aux chiffres affichés. Par ailleurs, nous nous opposons à la montée en puissance de la TVA pour financer la sécurité sociale. Nous préparons donc le terrain en faisant connaître dès à présent notre refus de toute TVA sociale.
M. le rapporteur général. Nous sommes tous soucieux de respecter le cadre républicain. Or la loi organique a rendu obligatoire les articles du projet de loi. Par conséquent, plutôt que de les supprimer, je vous invite à retirer vos amendements et à voter contre ces articles. Je le répète, nous avons besoin d’une photographie. Si vous étiez contre le PLFSS à l’époque, vous pouvez, par cohérence, la contester.
Vous déplorez, Madame Runel, que le Placss présente les recettes et les dépenses en points de PIB. Dans mon rapport, je me suis efforcé de les traduire en chiffres, ce qui permet d’y voir plus clair. Tel qu’il a été configuré sous la houlette de Thomas Mesnier, le Placss a renforcé l’information du Parlement, puisqu’il retient l’agrégat des administrations de la sécurité sociale et fournit une vision plus globale. Cela représente un gros travail : 1 500 pages au total, en comptant les annexes. Il convient d’y ajouter les 256 pages du rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale ainsi que les 651 pages des trois rapports de la Cour des comptes – que plusieurs d’entre vous ont cités. Par conséquent, on ne peut pas dire que l’information du Parlement est inintéressante. Et je ne suis pas sûr que nous améliorerons la vie des Français en supprimant l’article liminaire.
En revanche, une question reste pendante. C’est celle, soulevée par M. Clouet, de la fiscalisation de la sécurité sociale, par le biais de la TVA notamment. Même si les arguments sur le caractère régressif de ce prélèvement et sur le poids de la consommation sont cohérents, ces sujets relèvent néanmoins plus du PLFSS que du Placss.
J’en viens à l’amendement AS9 de Mme Mélin dont l’exposé sommaire indique que le strict équilibre, en points de PIB, ne repose que sur la notion abstraite d’excédent de la Cades.
Mme Joëlle Mélin (RN). Il s’agit d’une erreur.
M. le rapporteur général. D’accord. On ne peut pas faire abstraction de l’équilibre de l’assurance chômage ni de l’excédent de 8,6 milliards d’euros des régimes complémentaires. Le traitement des opérations de la Cades est très concret au contraire !
Par conséquent, je vous invite à retirer vos amendements de suppression ; à défaut, j’émets un avis défavorable.
M. Yannick Monnet (GDR). Il faudra quand même se pencher sur le devenir de la sécurité sociale dans les cent prochaines années et sur son financement. Cessons de faire peur aux gens : le déficit représente à peine 2 % du budget de la sécurité sociale – bien des États, dont la France, aimerait avoir ce niveau de déficit ! Cependant, des changements ont été opérés, qui sont loin d’être anecdotiques : sur les 80 milliards d’euros d’exonérations de cotisations, l’État en compense une bonne partie – 10 milliards, je crois, ne le sont pas. Nous assistons donc à une étatisation du financement de la sécurité sociale, puisque les compensations proviennent de l’impôt. Cela pose question et, personnellement, j’y suis défavorable car la sécurité sociale doit être financée par le travail et les cotisations.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Notre groupe ne votera pas ces amendements de suppression, qui sont irresponsables. Certains ont parlé d’un éclairage du passé, d’autres d’une photographie ; pour ma part, je parlerai de thermomètre. Or ce n’est pas en le cassant que nous soignerons la sécurité sociale !
Par ailleurs, si l’on suit votre raisonnement, monsieur Monnet, il ne reste plus à la représentation nationale qu’à se dessaisir du sujet ! Vous ne voulez plus assumer cette responsabilité.
M. Jérôme Guedj (SOC). Je ne partage pas l’avis de M. Monnet et je ne souhaite pas que la représentation nationale se dessaisisse des sujets de financement de la sécurité sociale. C’est une question de principe : les prestations de la sécurité sociale ont en effet été universalisées pour une grande partie ; elles ne sont plus liées à l’exercice d’une activité professionnelle, contrairement à ce qui avait été prévu à la création de la sécurité sociale. C’était alors pour les travailleurs et leurs familles. Depuis 1978, les allocations familiales sont déconnectées des cotisations. Depuis 1999 et la création de la couverture maladie universelle, devenue la protection universelle maladie, on peut bénéficier de l’assurance maladie y compris en l’absence d’activité salariée ou professionnelle. D’une certaine manière, cette universalisation était d’ailleurs l’objectif initial des pères fondateurs de la sécurité sociale.
Ensuite, reste à savoir comment la financer. Certains sont opposés à la CSG, qui s’est substituée, en toute logique, à certaines cotisations, en raison de l’universalisation que je viens d’évoquer. Accessoirement, la CSG présente aussi l’avantage de mettre à contribution les revenus du capital et du patrimoine, ce qui correspond d’ailleurs à l’une de nos demandes. Nous avons donc une lecture différente de ces questions. Pour moi, ne faire contribuer que les seuls travailleurs pose problème. La difficulté, c’est que le financement par l’impôt est de plus en plus important : la TVA sociale existe déjà et elle est déjà injuste puisque 28 % du produit de cette taxe financent la sécurité sociale, avec les effets de bord que cela implique.
S’agissant du Placss, ce texte n’est ni fait ni à faire. Il conduit à une situation aberrante qui contraint le ministre, issu de la Droite républicaine et le rapporteur général du même groupe, à défendre un texte que leur propre groupe enverra valser.
Mme Stéphanie Rist (EPR). Eu égard à l’évolution démographique, si vous voulez financer la sécurité sociale grâce aux cotisations liées au travail, monsieur Monnet, commencez par retirer la proposition de résolution qui vise à abroger la réforme des retraites et qui sera examinée demain en séance. Sinon, c’est incohérent !
M. Hendrik Davi (EcoS). Le rapporteur général s’est interrogé sur le chiffre de 8 milliards d’euros évoqué par Hadrien Clouet : 5,5 milliards d’exonérations de cotisations sociales, correspondant à des allégements généraux sur les bas salaires, ne sont pas compensés ; s’y ajoutent 2,2 milliards au titre des heures supplémentaires et 1,1 milliard correspondant aux pertes liées à la prime Macron de partage de la valeur. Nous avons donc bien au total 8,8 milliards d’euros qui sont récupérables.
Sans entrer dans le débat entre CSG ou cotisations, nous estimons que la sécurité sociale doit être financée par les cotisations liées au travail parce que nous pensons que 100 % de ceux qui peuvent travailler ont droit à l’emploi. C’est très cohérent !
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Je précise que lorsque j’ai cité le chiffre de 8 milliards d’euros, je faisais allusion aux 5,5 milliards de règles défavorables de compensation et aux 2,7 milliards qui correspondent aux exonérations ciblées, qui sont initialement non compensées. Pour ne pas paraître trop maximaliste, je m’en étais tenu à cela ; grâce au collègue Davi, nous savons désormais que nous pourrions récupérer environ 10 milliards.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article liminaire est supprimé.
Article 1er : Approbation des tableaux d’équilibre relatifs à l’exercice 2024
Amendements de suppression AS2 de Mme Sandrine Runel, AS6 de M. Hadrien Clouet et AS10 de Mme Joëlle Mélin
M. le rapporteur général. Ne soyez pas dupe, monsieur Clouet : tout ne se résume pas à la TVA sociale et d’autres leviers sont sur la table – discutez-en avec Mme Leboucher, qui a participé hier à la réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale. S’agissant des recettes liées aux cotisations, il faut commencer par améliorer le taux d’emploi. Enfin, je le répète, je ne suis pas favorable à supprimer un article qui relève d’une obligation organique.
La seule question qui doit nous préoccuper dans le suivi des textes concerne les écarts par rapport aux prévisions et le délai dans lequel ils nous ont été communiqués.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 1er est supprimé.
Article 2 : Approbation, au titre de l’exercice 2024, de l’objectif national de dépenses de l’assurance maladie, des recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites et de la dette apurée par la Caisse d’amortissement de la dette sociale
Amendements de suppression AS3 de Mme Sandrine Runel, AS7 de M. Hadrien Clouet et AS11 de Mme Joëlle Mélin
Mme Sandrine Runel (SOC). Monsieur le rapporteur général, vous ne tenez pas compte, comme d’ailleurs le Gouvernement, des rapports qui nous alertent sur l’état du financement de la sécurité sociale et de l’hôpital public. Nous demandons non seulement de supprimer l’article 2 mais, surtout, de remplacer l’Ondam par des objectifs nationaux de santé publique, comme le recommande le Haut Conseil du financement de la protection sociale. Écoutez au moins les préconisations d’instances qui tentent de réduire les dépenses publiques et d’améliorer notre système de protection sociale.
M. le rapporteur général. Je vous rejoins sur la crise de l’hôpital public et sur la détérioration de l’accès aux soins. Mais ce n’est pas le Gouvernement qui gère l’Ondam et cet indicateur est utile : il faut bien évaluer les décaissements de l’assurance maladie, sinon nous ne pourrions pas suivre les comptes publics. C’est une question de responsabilité.
Ensuite, je ne comprends pas pourquoi vous parlez d’une légère baisse de l’Ondam en 2024, alors qu’il a progressé de 8,6 milliards d’euros. Au risque de vous surprendre, j’ai même la quasi-certitude qu’il continuera de croître ces prochaines années, pour des raisons qui le justifient – le vieillissement, les rémunérations – et d’autres moins. Cependant, je ne suis pas le Gouvernement et il faut respecter le rôle de chacun.
Je vous rejoins sur la nécessité de disposer d’une vision pluriannuelle sur les dépenses de santé – reste à savoir comment on les définit. Ce n’est pas le Parlement qui fixe les objectifs de l’Ondam, mais le Gouvernement qui propose. Vous me reprochez de ne pas écouter vos préconisations, mais le Placss n’est pas d’initiative parlementaire ; ce n’est donc pas de la compétence du rapporteur général, qui ne fait que vous présenter le texte.
Mme Joëlle Mélin (RN). Les dépenses relevant de l’Ondam ont bénéficié d’une augmentation de près de 30 % en cinq ans, passant de 200 à 256 milliards d’euros – ce n’est pas rien ! Or, malgré cet outil de régulation, il y a toujours des difficultés d’ajustement, en particulier s’agissant des dépenses hospitalières, puisque l’Ondam ne porte que sur l’offre de soins et non sur les recettes, dont 48 % reposent sur le travail et 52 % sur les impôts et taxes affectées.
L’an dernier, nous n’avions pas demandé la suppression de l’article, nous contentant de voter contre. Mais désormais, on ne peut plus parler d’une photographie, ni même d’une photo retouchée ! Nous avons l’impression d’un photomontage réalisé pour que l’ensemble tienne debout et que la représentation nationale puisse donner son aval. Ce n’est plus possible !
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 2 est supprimé et l’amendement AS13 de M. Thibault Bazin tombe.
Article 3 : Approbation du rapport annexé sur le tableau patrimonial et la couverture des déficits de l’exercice 2024
Amendements de suppression AS4 de Mme Sandrine Runel, AS8 de M. Hadrien Clouet et AS12 de Mme Joëlle Mélin
M. le rapporteur général. Je suis défavorable à ces amendements.
Je vous informe que j’ai écrit à la ministre de la santé et à la ministre des comptes publics pour obtenir des informations actualisées sur le rendement attendu de la réforme des allégements généraux compte tenu des dernières prévisions de la masse salariale et la formule de calcul de la réduction générale dégressive – dès que j’aurai l’information, je ne manquerai pas de vous la communiquer. On ne peut pas dire que rien n’a été fait à la suite des rapports, puisqu’ils ont alimenté la réforme et qu’une baisse est intervenue, liée à la sortie des bandeaux famille et maladie.
Je confirme par ailleurs qu’il y a bien 2,2 milliards d’euros au titre des heures supplémentaires qui ne sont pas totalement compensés. Mais comme vous avez évoqué, dans votre propos liminaire, les allégements généraux, je n’ai mentionné que les 5,5 milliards.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 3 est supprimé.
La commission ayant supprimé tous les articles du projet de loi, l’ensemble de celui‑ci est rejeté.
La réunion s’achève à treize heures cinq.
Présents. – Mme Ségolène Amiot, Mme Farida Amrani, M. Thibault Bazin, Mme Béatrice Bellay, Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, M. Théo Bernhardt, Mme Sylvie Bonnet, M. Louis Boyard, M. Elie Califer, M. Hadrien Clouet, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, M. Paul-André Colombani, Mme Josiane Corneloup, M. Hendrik Davi, M. Fabien Di Filippo, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Karen Erodi, M. Guillaume Florquin, M. Thierry Frappé, Mme Camille Galliard-Minier, M. François Gernigon, Mme Océane Godard, M. Jean-Carles Grelier, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Zahia Hamdane, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Michel Lauzzana, Mme Élise Leboucher, M. Bartolomé Lenoir, Mme Brigitte Liso, Mme Christine Loir, M. Benjamin Lucas-Lundy, Mme Hanane Mansouri, Mme Joëlle Mélin, M. Serge Muller, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Angélique Ranc, Mme Stéphanie Rist, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, Mme Sandrine Runel, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Stéphane Viry
Excusés. – M. Joël Aviragnet, Mme Anchya Bamana, M. Arthur Delaporte, M. Olivier Falorni, M. Didier Le Gac, Mme Karine Lebon, M. Laurent Panifous, M. Sébastien Peytavie, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, M. Philippe Vigier
Assistaient également à la réunion. – M. Olivier Fayssat, M. Yannick Monnet, M. Stéphane Vojetta