Compte rendu
Commission
des affaires sociales
– Audition de M. Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale de l’assurance maladie, Mme Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée à la gestion et à l’organisation des soins, et M. Grégoire de Lagasnerie, adjoint au directeur de la stratégie, des études et des statistiques, sur le rapport de propositions de l’assurance maladie sur les charges et produits pour 2026 « Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses » 2
– Présences en réunion.................................31
Mercredi
9 juillet 2025
Séance de 15 heures
Compte rendu n° 103
session extraordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Frédéric Valletoux,
président
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La réunion commence à quinze heures.
(Présidence de M. Frédéric Valletoux, président)
La commission auditionne M. Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale de l’assurance maladie, Mme Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée à la gestion et à l’organisation des soins, et M. Grégoire de Lagasnerie, adjoint au directeur de la stratégie, des études et des statistiques, sur le rapport de propositions de l’assurance maladie sur les charges et produits pour 2026 « Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses ».
M. le président Frédéric Valletoux. Nous avons régulièrement évoqué en commission la nécessité d’établir des rendez-vous plus fréquents avec les responsables des caisses nationales. L’actualité nous offre une excellente occasion avec la présence du directeur général de la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam). Comme chaque année depuis 2004, l’assurance maladie a présenté son rapport annuel sur les charges et produits, document qu’elle doit remettre au ministre chargé de la sécurité sociale et au Parlement. Toujours très attendu, il revêt cette année une importance particulière compte tenu du contexte, notamment des conclusions du comité d’alerte sur les dépenses d’assurance maladie et des premières mesures de freinage présentées ici même par les ministres Catherine Vautrin et Amélie de Montchalin le 25 juin dernier. Dans la perspective des annonces du Premier ministre attendues prochainement et de la discussion autour du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 à la rentrée, nous sommes particulièrement heureux de vous accueillir et d’examiner avec vous les propositions contenues dans ce rapport.
M. Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale de l’assurance maladie. Le rapport « Charges et produits » est un exercice classique, mais il revêt cette année un caractère spécial en raison de la situation financière particulièrement difficile de l’assurance maladie. Nous avons abordé ce travail avec une ambition forte, mais réaliste : préserver et sauvegarder notre système d’assurance maladie, véritable exception solidaire française. La France investit en effet considérablement dans son système de santé, se positionnant comme le troisième pays au monde en proportion du produit intérieur brut (PIB). Notre couverture des soins est particulièrement large, avec 80 % pris en charge par le système d’assurance maladie obligatoire. Nous bénéficions du reste à charge le plus faible au monde, soit environ 5 %. Quant aux performances globales, bien qu’elles méritent une analyse nuancée, notre espérance de vie nous place nettement au-dessus de la moyenne de l’Union européenne.
Notre objectif consiste à proposer une analyse rigoureuse de la situation actuelle et surtout un ensemble de mesures concrètes visant à rétablir la soutenabilité financière de l’assurance maladie, dans une approche délibérément optimiste. Nous sommes en effet convaincus qu’il est possible de mobiliser tous les leviers disponibles et l’ensemble des parties prenantes pour préserver efficacement la prise en charge des patients.
Ce rapport présente également une particularité méthodologique, puisque nous l’avons élaboré depuis le début de l’année en collaboration étroite avec tous les membres du conseil de la Cnam : organisations syndicales, représentants des employeurs, mutualité, associations de patients et personnalités qualifiées. Cette démarche collaborative, relativement inédite, s’est déployée tout au long du premier semestre 2025. Le document qui en résulte comprend des analyses approfondies, soixante propositions concrètes et plusieurs options sur des sujets ne faisant pas consensus au sein du conseil, mais que nous soumettons néanmoins au débat public.
Vous trouverez également dans ce rapport les contributions spécifiques de chacune des organisations membres du conseil, détaillant leurs points d’accord ou de divergence ainsi que leurs propositions complémentaires. Cette pluralité enrichit considérablement le débat public.
Le déficit de l’assurance maladie a atteint 16 milliards d’euros en 2024. Selon les prévisions gouvernementales, même en tenant compte du cadrage pluriannuel voté dans la loi de financement, ce déficit pourrait se creuser jusqu’à 19 milliards d’euros d’ici 2028. À ce montant s’ajoute le déficit des établissements de santé, estimé provisoirement à 3,5 milliards en 2024. Il faut également considérer l’impact direct de ce déficit sur les charges financières liées à son financement, qui dépasseront 500 millions d’euros en 2024. Nous retrouvons ainsi des niveaux de charges financières comparables à ceux observés dans les années 2000.
Le stock actuel de déficit s’élève à 16 milliards d’euros, intégrant notamment les dépenses pérennes liées au Ségur de la santé à hauteur de 13 milliards. Ces revalorisations légitimes des professionnels de santé pèsent significativement dans ce déficit. De plus – et c’est sans doute plus préoccupant structurellement –, ce déficit, en l’absence de toute mesure nouvelle en recettes ou en dépenses, s’aggraverait de 25 milliards d’euros supplémentaires d’ici 2030, soit 5 milliards par an, simplement parce que nos dépenses progressent plus rapidement que nos recettes. Sans intervention, nous nous dirigeons donc vers un déficit de 41 milliards à l’horizon 2030.
Pourquoi cette progression plus rapide des dépenses par rapport aux recettes ? Le rapport contient des analyses inédites permettant de projeter jusqu’en 2030 l’impact conjugué de deux phénomènes majeurs : le vieillissement de la population et l’augmentation des pathologies chroniques. Nous remboursons en moyenne 3 000 euros environ de soins et de prestations en espèces par assuré. Cependant, cette moyenne masque des disparités considérables : un assuré sans affection de longue durée (ALD) coûte environ 1 200 euros, tandis qu’un assuré en ALD représente 9 560 euros. Cette différenciation s’observe également au niveau de l’âge, une personne de plus de 80 ans bénéficiant en moyenne de remboursements s’élevant à 7 700 euros, soit bien au-delà des 3 000 euros moyens.
Nous avons projeté ces évolutions jusqu’en 2035. Alors que nous publions habituellement une photographie annuelle statique, nous avons cette fois mis en dynamique ces données selon trois scénarios distincts. Dans un scénario tenant compte uniquement du vieillissement, le pourcentage de patients atteints d’une maladie chronique passerait de 36,9 % à 39,6 %. D’après le scénario intermédiaire intégrant à ce vieillissement l’évolution tendancielle 2015-2023 de la prévalence des pathologies chroniques, ce taux atteindrait 40 %. Enfin, nous passerions de 37 % de la population actuellement atteinte d’une maladie chronique à 43 % dans le scénario qui prend en compte l’accélération de la prévalence de certaines maladies chroniques depuis 2019. Dans le rapport, ces projections sont détaillées pathologie par pathologie. Il s’agit évidemment d’un élément de compréhension majeur dans l’explication des moteurs significatifs qui poussent à l’augmentation des dépenses d’assurance maladie.
Notre ambition a été d’identifier le plus précisément possible les facteurs permettant de rétablir un système de santé et d’assurance maladie soutenable à moyen terme. Le premier est la prévention, que nous avons appelé la grande cause décennale. Nous ne ralentirons pas l’apparition des maladies chroniques si nous n’investissons pas davantage et plus efficacement dans la prévention. Le deuxième est lié au parcours de soins : il s’agit de structurer le lien entre la ville et l’hôpital, de faire de l’hôpital un lieu de soins spécialisés permettant la prise en charge des urgences et des patients fragiles, en misant sur la médecine de ville. Le troisième concerne ce que nous avons appelé « payer le juste soin au juste prix ». Cela implique des prescriptions de qualité, un parcours de soins cohérent, une juste rémunération des produits de santé et des actes médicaux, la lutte contre les phénomènes de rente et également contre la fraude.
Cet ensemble est décliné dans le rapport avec un fil rouge : le numérique. Qu’il s’agisse de prévention, de parcours de soins, de qualité de la prise en charge, du paiement du juste soin au juste prix ou encore de la lutte contre la fraude grâce à la carte Vitale ou à l’ordonnance numérique, le numérique constitue systématiquement un outil au service de l’ensemble de ces axes. Je rappelle également notre plaidoyer régulier en faveur de Mon espace santé, service public numérique gratuit, déjà adopté par plus de 20 millions d’assurés, soit plus de 30 % des assurés qui ont activé leur espace personnel, avec des dizaines de milliers de documents échangés.
Mme Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée à la gestion et à l’organisation des soins de la Caisse nationale d’assurance maladie. Nous avons beaucoup travaillé sur la prévention, puisque la seule manière d’empêcher le système d’assurance maladie de perdre sa soutenabilité à long terme consiste à améliorer la santé de la population. C’est précisément la raison pour laquelle la prévention constitue véritablement la condition sine qua non du rapport et de l’ensemble de nos propositions de redressement, que cette prévention soit primaire ou secondaire.
Notre rapport présente en bleu les propositions ayant fait l’objet d’un vote du conseil de l’assurance maladie. En gris apparaissent les propositions supplémentaires mises sur la table par l’administration de l’assurance maladie, mais qui n’ont pas fait l’objet d’un consensus.
La première proposition consensuelle consiste à installer une gouvernance de la prévention en santé. De nombreux acteurs s’occupent de la prévention, mais encore insuffisamment. Nous avons donc besoin d’une coordination nationale, régionale et locale, impliquant l’assurance maladie obligatoire, l’assurance maladie complémentaire et tous les autres acteurs, afin d’aller jusqu’au dernier kilomètre, puisque la prévention constitue également l’axe primordial pour lutter contre les inégalités sociales de santé.
La deuxième proposition concerne l’hypertension artérielle, qui touche 17 millions de personnes. Seule une personne sur deux est diagnostiquée et une sur quatre est traitée. Or l’hypertension artérielle représente le risque chronique majeur qui entraîne l’ensemble des pathologies, des hospitalisations et des complications associées. Constatant un sous‑diagnostic, nous souhaiterions lancer une vaste campagne de dépistage, en l’ouvrant aux pharmaciens afin qu’ils puissent ensuite réadresser les patients aux médecins traitants, et lancer, comme au Royaume-Uni, une campagne Know Your Numbers. L’objectif consiste à encourager la population à mesurer sa tension et à identifier le moment où un signal d’alerte apparaît.
Troisièmement, Mon espace santé constitue véritablement le service public numérique de santé pour chaque Français. Nous proposons d’utiliser les données de l’assurance maladie pour développer une prévention personnalisée. Concrètement, nous demanderions au patient son accord pour utiliser ses données afin de réaliser des analyses et lui adresser des messages de prévention ciblée, puisque nous pouvons identifier les retards de dépistage ou de vaccination sur la base des données de consommation de soins.
Quatrièmement, nous proposons de faire de l’entreprise un lieu clef de prévention et d’intégrer dans les contrats responsables une demi-journée consacrée à la prévention pour les salariés. Par ailleurs, nous rappelons la nécessité d’associer l’ensemble des acteurs à la prévention, notamment l’école, la protection maternelle infantile, etc.
Le dépistage organisé du cancer est encore insuffisant. L’un des freins réside dans les dépassements d’honoraires. Nous proposons de les interdire sur les actes de dépistage en lien avec les dépistages organisés, à savoir les mammographies, les colonoscopies et les échographies associées.
Enfin, le Nutriscore constitue une réussite française. De nombreuses publications scientifiques ont démontré son efficacité, notamment dans la lutte contre les pathologies chroniques. C’est un outil de sensibilisation des consommateurs, mais surtout d’incitation des industriels à modifier leurs formules. Nous souhaiterions proposer plusieurs mesures, comme de le rendre obligatoire sur la publicité et sur tous les produits emballés.
Les recettes de l’assurance maladie progressent moins rapidement que le produit intérieur brut, notamment parce que les taxes comportementales voient leur rendement diminuer à mesure qu’elles atteignent leur objectif. Celui de la taxe sur les salaires est également en baisse. Nous proposons qu’à tout prélèvement obligatoire corresponde un renforcement et un élargissement des taxes comportementales. Cette approche ne vise pas à augmenter le total des prélèvements obligatoires, mais à le maintenir constant, ce qui nécessite d’élargir et d’augmenter les taxes comportementales.
Une proposition non consensuelle concerne la vaccination contre la grippe, qui a occasionné l’année dernière 3 000 hospitalisations, 3 millions de consultations et 10 000 décès. Or une personne éligible sur deux n’est pas vaccinée et moins de 30 % des soignants le sont. Nous avons donc formulé plusieurs propositions, allant de la vaccination minimale des résidents en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes à la vaccination maximale de tous les soignants. La prévention tertiaire concerne la prise en charge des patients déjà malades, avec pour objectif de limiter au maximum la progression de la maladie et le développement de comorbidités. Le rôle du système de santé consiste également à permettre aux patients de vivre avec leur maladie dans les meilleures conditions possibles. Diverses actions peuvent être entreprises dans ce sens.
Parmi les propositions que nous formulons sur l’organisation du parcours de soins, la première concerne la création d’un observatoire des professionnels de santé. En effet, nous manquons actuellement de données précises sur le nombre d’infirmiers, de kinésithérapeutes ou de cardiologues disponibles, alors que nous devons planifier la formation à horizon de dix, vingt, voire trente ans. Or cette planification nécessite des projections rigoureuses sur l’évolution des besoins de la population ainsi que sur les innovations et les nouvelles modalités de travail des soignants. L’absence de cet observatoire nous confronte constamment à des problèmes d’accès aux soins apparemment imprévisibles, mais que nous devons mieux anticiper.
Pour améliorer le suivi des patients chroniques, nous proposons la création d’un nouveau métier d’infirmier de coordination, qui existe déjà dans les maisons de santé pluriprofessionnelles. Ces professionnels veillent à éviter toute rupture dans le parcours d’un patient chronique. Leur rôle consiste à accompagner le patient, qu’il soit diabétique ou atteint d’une maladie rénale chronique, en assurant l’éducation thérapeutique après une hospitalisation et en organisant les différents rendez-vous nécessaires. L’objectif fondamental reste d’éviter les ruptures dans le parcours de soins et de mettre en place une surveillance, voire une télésurveillance, pour prévenir le développement de comorbidités. Pour les patients les plus graves, notamment ceux ayant séjourné dans un établissement de santé, nous proposons d’associer celui-ci à leur suivi post-hospitalisation jusqu’à une complète stabilisation.
Les dépassements d’honoraires constituent un enjeu majeur d’accès aux soins et représentent 4,5 milliards d’euros. Trois spécialistes sur quatre s’installent désormais en secteur 2. Une mission a été confiée à des parlementaires sur ce sujet et nous attendrons ses recommandations pour agir. L’assurance maladie affirme néanmoins sa volonté d’intervenir sur cette problématique.
Un chapitre de notre rapport est consacré aux soins à domicile et rappelle les éléments présentés dans d’excellents rapports précédents sur la prise en charge à domicile et celle de la dépendance, le nombre de patients concernés devant augmenter très fortement dans les années à venir.
Nous devons aussi franchir une nouvelle étape pour garantir l’accès à une chirurgie d’excellence. La chirurgie ambulatoire a connu une forte progression dans les années 2010, mais elle stagne aujourd’hui à 64 %, alors que nos services ont évalué son potentiel à 80 %. Nous savons que cette modalité réduit considérablement le risque de réhospitalisation tout en améliorant la qualité des soins. Par ailleurs, 11 % des interventions en oncologie du sein sont réalisées dans des centres ne respectant pas le seuil réglementaire d’autorisation en termes de volume d’actes. Nous invitons naturellement le système de santé à respecter ces seuils réglementaires et ces minimums d’activité. Enfin, nous souhaitons accompagner les nouvelles pratiques, notamment la chirurgie en circuit court et la radiologie interventionnelle.
La troisième partie de notre rapport traite de la santé mentale. Notre contribution se veut humble, mais nous formulons deux propositions relativement nouvelles. Nous proposons tout d’abord de former 1 million de secouristes en santé mentale, alors qu’ils sont aujourd’hui 200 000. L’expérimentation que nous avons fortement soutenue fonctionne remarquablement bien. Elle permet, dans les universités et les entreprises, de disposer de personnes capables de repérer les signes précoces et d’intervenir efficacement auprès des personnes identifiées.
Les médecins généralistes font face à une vague croissante de problèmes de santé mentale face auxquels ils se sentent souvent démunis, alors même que tous les patients ne peuvent consulter un psychiatre. Notre objectif consiste à mieux outiller les médecins généralistes pour qu’ils puissent apporter des réponses adaptées. Le dispositif Mon soutien psy, récemment lancé, fonctionne très bien. Nous souhaiterions l’étendre et potentiellement l’ouvrir à des patients présentant des troubles plus sévères, mais aussi développer la télé‑expertise que la psychiatrie peut offrir à la médecine générale, notamment par le biais des équipes de soins spécialisées en santé mentale.
Enfin, les services d’urgence psychiatrique fonctionnant de jour comme de nuit ont démontré leur efficacité. Nous proposons donc de généraliser cette pratique à l’échelle nationale.
M. Thomas Fatôme. Nous avons cherché à enrichir notre connaissance sur les ALD en étudiant comment d’autres pays traitent la prise en charge des maladies chroniques. Nous avons examiné s’il existe des systèmes se rapprochant d’un dispositif médicalisé comparable à l’ALD et des modèles limitant les restes à charge. Un constat majeur se dégage de cette analyse comparative : les différents dispositifs, malgré leurs spécificités, couvrent une proportion de la population nettement inférieure à celle de notre pays. Actuellement, 20 % des patients en France bénéficient d’une ALD avec une couverture à 100 %, alors que les systèmes dérogatoires existants couvrent 12 % de la population en Belgique et moins de 5 % en Allemagne.
Notre analyse, en lien avec les projections à l’horizon 2035 évoquées précédemment, nous conduit à affirmer que ce système des affections de longue durée doit absolument être préservé. Il constitue un pilier fondamental du fonctionnement de l’assurance maladie, permettant la prise en charge intégrale des patients confrontés à des soins potentiellement coûteux et qui, sans cette couverture à 100 %, subiraient des restes à charge élevés. Ce dispositif continuera à s’étendre puisqu’à l’horizon 2035, plus d’un quart de la population française sera concernée par une affection de longue durée.
La question centrale porte donc sur les évolutions possibles de ce dispositif afin d’en préserver les fonctions protectrices tout en garantissant sa soutenabilité. Or l’entrée en ALD intervient généralement trop tardivement, lorsque la pathologie est déjà installée, et s’effectue selon une logique essentiellement administrative. Nous souhaitons à la fois dynamiser et davantage médicaliser cette approche.
Quels que soient les débats sur l’organisation de la couverture entre assurance maladie obligatoire, complémentaires et patients, l’enjeu prioritaire demeure le parcours de soins. La prévention primaire, secondaire et tertiaire reste essentielle pour éviter l’apparition de pathologies chroniques et assurer une prise en charge optimale lorsqu’elles surviennent.
Nous voulons faire de l’admission en ALD un moment plus actif en termes de prévention, d’accompagnement des patients, d’activation de Mon espace santé et de mise en place de dispositifs d’accompagnement spécifiques. De tels dispositifs sont déjà déployés notamment pour les patients diabétiques et plus largement pour ceux souffrant de maladies cardiovasculaires. Nous souhaitons dynamiser davantage ces approches.
Nous préconisons également une gestion plus dynamique des sorties. Actuellement, 300 000 à 400 000 personnes sortent déjà du dispositif ALD parce qu’elles sont guéries, ce qui représente 87 % des patients concernés. Nous estimons possible d’évaluer régulièrement la consommation de soins des bénéficiaires, d’établir un dialogue avec le médecin traitant et le patient et de réévaluer le bénéfice du maintien en ALD. Bien entendu, en cas de rechute ou d’aggravation de la pathologie, le dispositif ALD serait immédiatement réactivé, garantissant ainsi la protection des personnes exposées à des restes à charge importants.
Nous tenons absolument à protéger le panier de soins pris en charge à 100 %, mais nous interrogeons la pertinence de certains d’entre eux dont l’efficacité peut être débattue. Sans proposer de déremboursement des cures thermales ou de certains médicaments, nous questionnons le maintien de leur prise en charge intégrale. Cette prise en charge à 100 % nous semble d’abord justifiée pour des soins dont l’efficacité a été pleinement démontrée, selon les processus d’évaluation existants pour l’ensemble du panier de soins financé par l’assurance maladie.
Nous proposons également de réfléchir à la création d’un statut de risque chronique en amont de l’ALD. Il faudrait en effet identifier plus précocement les personnes présentant des facteurs de risque comme l’hypertension artérielle ou l’obésité, afin de les prendre en charge immédiatement. Cela impliquerait de proposer des parcours de prévention incluant des bilans diététiques et d’activité physique, financés selon le droit commun entre l’assurance maladie obligatoire et les complémentaires. Cette approche permettrait également de recentrer le statut ALD et la prise en charge à 100 % sur les patients atteignant un stade de la maladie nécessitant des soins longs et coûteux.
Les chiffres témoignent d’une accélération significative des arrêts de travail depuis 2019, même en neutralisant les effets de la pandémie de covid. La progression annuelle a plus que doublé entre les périodes 2010-2019 et 2019-2023. Nous pouvons expliquer 60 % de cette augmentation par des facteurs économiques et démographiques : croissance et vieillissement de la population active, augmentation du Smic et des salaires, indexation des indemnités journalières sur le Smic. Toutefois, 40 % de cette hausse demeure inexpliquée par ces facteurs. Pourquoi, à âge égal, la fréquence et la durée des arrêts de travail augmentent‑elles ? Est-ce lié aux relations de travail, aux conditions de travail, à la santé au travail, aux risques psychosociaux, ou à des arrêts injustifiés ? Probablement à l’ensemble de ces facteurs. Face à une dépense augmentant de plus de 1 milliard d’euros chaque année, la question de sa maîtrise se pose légitimement.
Le graphique présenté explique l’augmentation des arrêts longs et, contrairement à ce que l’on pourrait supposer par analogie avec les prestations en nature, ce ne sont pas les ALD qui expliquent principalement la progression des arrêts de travail de longue durée, puisque leur évolution est quasiment stable. En revanche, nous constatons une situation très différente concernant l’ALD non exonérante, dispositif permettant à certains patients de bénéficier de soins au-delà de six mois avec un droit spécifique à des arrêts de travail pouvant durer jusqu’à trois ans. Nous interrogeons ce dispositif notamment parce qu’il se traduit par des arrêts de travail excessivement longs, associés à un suivi médical et paramédical manifestement insuffisant. Citons l’exemple des personnes en arrêt de longue durée sans ALD pour des troubles musculosquelettiques, qui présentent un faible niveau de couverture par des soins de masseur-kinésithérapeute, ce qui soulève des questions légitimes sur la qualité de leur prise en charge. Ces arrêts trop prolongés éloignent les personnes du marché du travail et de leur entreprise, augmentant significativement les risques de désinsertion professionnelle. De plus, nos contrôles réalisés au début de l’année 2023 sur ces arrêts de plus de six mois pour les personnes en ALD non exonérante ont révélé que dans plus d’un cas sur deux, le maintien de l’arrêt de travail n’était pas médicalement justifié, nécessitant soit une reprise du travail, soit une bascule vers l’invalidité.
Nous n’abordons pas cette problématique uniquement sous l’angle de la dépense. Nous considérons en effet que les règles actuelles manquent de lisibilité et suscitent des inégalités selon l’ancienneté dans l’entreprise ou la taille de celle-ci. Le niveau de couverture varie considérablement selon la branche, l’entreprise ou la complémentaire. Nous estimons donc nécessaire de réexaminer l’ensemble de ces règles dans une perspective d’équité au sein des entreprises.
Nous préconisons également le renforcement des logiques de protection, notamment permises par la subrogation des arrêts maternité et maladie. Nous proposons par ailleurs un meilleur encadrement des prescriptions médicales, trop souvent déconnectées des référentiels scientifiques. Pour illustrer ce point, prenons l’exemple des dépressions mineures : la recommandation de la Haute Autorité de santé préconise un arrêt de quinze jours, alors qu’un nombre très important d’arrêts sont prescrits initialement ou renouvelés pour un, deux, voire trois mois, ce qui s’avère incohérent au regard d’une prise en charge optimale des patients.
Nous avançons également d’autres propositions qui ne font pas consensus au sein du conseil. J’en citerai une particulièrement importante : la réflexion autour d’un système de bonus-malus incitant les employeurs à lutter contre l’absentéisme de courte durée. Ce dispositif existe déjà pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles, où le système de cotisations est corrélé au niveau de sinistralité selon la taille des entreprises. Sans reproduire exactement le même modèle, nous nous interrogeons sur l’opportunité d’un système valorisant les entreprises qui déploient différentes mesures préventives, comme la vaccination contre la grippe, pour limiter l’absentéisme de courte durée. Nous menons déjà des actions d’accompagnement auprès des entreprises présentant des profils atypiques en matière d’arrêts de travail. La question d’une logique de bonus mérite d’être ouverte au débat.
M. Grégoire de Lagasnerie, adjoint au directeur de la stratégie, des études et des statistiques de la Caisse nationale de l’assurance maladie. Le juste prix du médicament constitue un sujet fondamental, particulièrement dans l’optique d’une trajectoire financière compatible avec la stabilité de notre système de santé. Depuis 2020, nous sommes en effet entrés dans une phase d’explosion des dépenses de médicaments, avec un taux de croissance annuel moyen dépassant 4 % par an, alors qu’il s’élevait à 0,86 % durant la décennie précédente. Nous assistons donc à l’émergence d’une nouvelle ère dans le domaine pharmaceutique.
Parmi les facteurs expliquant cette croissance, le coût de l’innovation concerne des médicaments apportant une amélioration du service médical modérée ou forte. Ces produits innovants connaissent effectivement une augmentation significative de prix, potentiellement justifiée par leur apport thérapeutique. Cependant, des médicaments présentant une amélioration mineure du service médical rendu ont aussi connu une hausse tarifaire considérable, passant de 466 euros par patient et par an à plus de 725 euros, soit une augmentation de 55 % sur la période étudiée. Entre 2021 et 2024, ces médicaments ont entraîné à eux seuls une croissance de plus de 1 milliard d’euros du montant remboursé.
Les dépenses liées au cancer représentent 27 milliards d’euros en 2023, dont 6,3 milliards pour les médicaments hospitaliers. Notre examen de quatre‑vingts médicaments introduits sur le marché entre 2016 et 2023 révèle que 45 % de ces produits remboursés ne fournissent pas de preuve d’efficacité en termes de survie globale ou sans progression. Ils ont néanmoins été intégrés au panier de soins remboursables malgré l’absence d’essais cliniques concluants sur ces critères essentiels.
Par ailleurs, concernant les médicaments apportant effectivement ce type de preuve, nous constatons une hausse substantielle des coûts rapportés aux bénéfices cliniques. Les dépenses de traitement par année de vie gagnée ont ainsi augmenté de 57 %. Parallèlement, la multiplication des produits et l’accumulation des lignes de traitement ont engendré une escalade thérapeutique parfois préjudiciable à la qualité de vie des patients et à l’efficience de leur prise en charge.
Notre rapport s’efforce de présenter des conclusions et propositions équilibrées, visant à concilier l’accès à l’innovation, priorité absolue pour l’assurance maladie, avec l’établissement d’un juste prix du médicament permettant de maintenir une trajectoire financière soutenable pour notre système de santé. Nos recommandations incluent des baisses de tarifs, particulièrement pour les médicaments présentant peu d’amélioration du service médical rendu. Nous formulons également une proposition forte, soutenue par le conseil : enrayer le phénomène consistant à payer plus cher qu’auparavant des médicaments démontrant moins efficacement leur intérêt en oncologie. Nous préconisons ainsi une révision de la politique des tarifs appliqués aux médicaments anticancéreux et une réévaluation du remboursement de certains d’entre eux.
Les biomédicaments connaissent une explosion de leur chiffre d’affaires, puisqu’ils sont passés de 6 milliards d’euros en 2017 à 14 milliards aujourd’hui. Nous devons donc faire des biosimilaires, véritables génériques des biomédicaments, les nouveaux piliers de notre stratégie d’optimisation des dépenses, en leur appliquant l’ensemble de la législation déjà mise en œuvre pour les génériques traditionnels. Nous devons aussi faire de la désescalade thérapeutique une priorité, en lançant un vaste programme de financement d’études dans ce domaine, en collaboration avec les laboratoires pharmaceutiques commercialisant ces produits.
Nos analyses portent aussi sur la rentabilité économique du secteur de la santé et l’optimisation financière. Depuis trois ans, l’assurance maladie traite ainsi la question de la financiarisation et propose des analyses originales sur ces thématiques. Cette année, nous avons franchi une étape supplémentaire en appariant les données du système national des données de santé avec celles de la direction générale des finances publiques afin d’obtenir une vision précise de la rentabilité de certains secteurs de santé. Notre objectif consiste à développer cet observatoire de manière pérenne.
Nous avons particulièrement analysé les données de rentabilité des professions impliquées dans les prothèses dentaires, la biologie, la dialyse, la médecine nucléaire, la radiologie et la radiothérapie. Ces secteurs présentent des niveaux de rentabilité qui suscitent des interrogations face à un financement très significatif par la solidarité nationale. Nous formulons plusieurs propositions sur ce sujet : ajuster les tarifs en fonction des niveaux de rentabilité démontrés, accroître la réactivité dans la révision tarifaire basée sur ces indicateurs, et établir une transparence totale sur la composition de l’offre de soins.
Pour mener ces analyses de manière approfondie, nous avons besoin d’une déclaration d’appartenance aux groupes, puisqu’actuellement, nous identifions les prestataires remboursés sans connaître systématiquement leur rattachement à des entités plus larges. Une cartographie claire s’avère indispensable pour évaluer précisément la rentabilité globale de ces acteurs. Nous proposons également, comme indiqué dans notre rapport d’il y a deux ans, de créer un observatoire des niveaux de rentabilité qui serait rattaché à l’assurance maladie. Nous disposons déjà des données permettant ces analyses et possédons la capacité d’héberger cet observatoire en collaboration avec l’ensemble des parties prenantes des sphères publique et privée.
Mme Marguerite Cazeneuve. En ce qui concerne le gaspillage et la redondance des actes liés à la fraude, l’assurance maladie propose d’organiser une réponse structurée autour de trois axes majeurs.
Le premier concerne la transparence et vise à sensibiliser tant les assurés que les professionnels au coût réel de la santé. Nous souhaitons fournir annuellement à chaque assuré un compte rendu détaillant les investissements réalisés par l’assurance maladie en sa faveur. Parallèlement, les professionnels doivent pouvoir situer leurs pratiques par rapport à leurs pairs en matière de prescription et de coûts induits pour le système. Cette transparence constitue également un levier de lutte contre la fraude, puisqu’en permettant aux assurés de recevoir des notifications lors de chaque remboursement, nous leur donnons la possibilité d’identifier d’éventuelles pratiques frauduleuses, notamment des actes fictifs.
Le deuxième axe concerne le numérique. Nous sommes entrés dans l’ère de l’intelligence artificielle, que l’assurance maladie exploite déjà pour la détection des fraudes. Nous avons également équipé un nombre significatif de professionnels de santé. Plus globalement, nous assistons aujourd’hui à une révolution dans les logiciels d’aide à la prescription et à la délivrance. Grâce à l’intelligence artificielle et à l’essor du numérique, nous disposons désormais de moyens considérablement améliorés pour garantir le juste produit au juste moment et lutter efficacement contre la fraude.
Nous proposons d’accélérer résolument le développement numérique et l’utilisation de l’intelligence artificielle, afin d’équiper adéquatement l’ensemble du système de santé. Des outils particulièrement prometteurs verront le jour dans les prochaines années, notamment l’ordonnance numérique, rendue infalsifiable grâce à son QR code.
Le troisième axe vise à renforcer notre fermeté dans la lutte contre la fraude. L’assurance maladie propose diverses mesures à la fois préventives et coercitives. Nous avons notamment lancé une campagne concernant la carte Vitale en pharmacie. Notre objectif consiste à instaurer un système de type patient payant en l’absence de carte Vitale. Nous constatons en effet une augmentation significative des délivrances de médicaments et plus généralement des actes réalisés sans présentation de carte Vitale. Or celle-ci demeure la porte d’entrée fondamentale du système d’assurance maladie. Nous proposons donc de conditionner les remboursements à la présentation effective de la carte Vitale et d’adopter des mesures complémentaires. La fraude se concentre sur un nombre très restreint de personnes représentant l’essentiel du risque. Il devient donc impératif d’empêcher la récidive, qu’il s’agisse de professionnels de santé aujourd’hui reconventionnés avec trop de facilité ou de quelques assurés pratiquant le nomadisme médical. Nous disposons désormais de plusieurs leviers pour suivre efficacement ces acteurs.
M. Thomas Fatôme. Nous avons élaboré une trajectoire pluriannuelle à l’horizon 2030 en nous appuyant sur un premier principe fondamental relativement simple. Il consiste à reconnaître que nous faisons face à un déficit sans précédent. Nous consacrons déjà des sommes considérables à la santé et à l’assurance maladie, dépenses qui ne se révèlent pas toujours pleinement efficaces. Il nous paraît donc logique de piloter les dépenses d’assurance maladie, au moins pour les cinq prochaines années, au même rythme que l’évolution du PIB, c’est-à-dire que l’évolution de la richesse nationale. Cette approche a déjà été adoptée durant la décennie 2010 et constitue l’un des facteurs qui a permis de retrouver l’équilibre : la part des dépenses d’assurance maladie dans le PIB entre 2010 et 2019 est demeurée quasiment identique. Nous proposons donc que l’évolution de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) soit alignée sur celle du PIB pour les cinq prochaines années.
Le second principe concerne l’application d’une logique similaire aux recettes. En réalité, bien que cela paraisse contre-intuitif, nos recettes progressent légèrement moins rapidement que le PIB, notamment en raison du poids des taxes comportementales et d’autres assiettes évoluant moins dynamiquement que la richesse nationale. Nous proposons un apport de recettes à l’assurance maladie garantissant une progression au même rythme que le PIB.
Ces orientations se traduisent par des objectifs financiers précis : 2,5 milliards d’euros supplémentaires en termes de recettes pour assurer leur progression au rythme de la richesse nationale et 22,5 milliards d’euros d’économies, dont 19,5 milliards représentent la traduction chiffrée de l’ensemble des propositions que nous formulons à l’horizon 2030.
Nous prévoyons de consacrer 500 millions d’euros à la prévention à l’horizon 2030. Une meilleure couverture vaccinale, davantage de dépistages, moins de cancers et d’obésité conduiront à une réduction des cas de diabète. Nous anticipons une montée en charge progressive des retours sur investissement dans ce domaine.
Enfin, pour maintenir l’évolution des dépenses de santé au même rythme que le PIB, nous proposons de stabiliser la part de l’assurance maladie obligatoire dans ces dépenses à 80 %, ce qui représente 3 milliards d’euros. Nous préconisons que cette logique de stabilisation à 80 % fasse l’objet d’une discussion pluriannuelle avec l’ensemble des parties prenantes : financeurs, assurances maladies complémentaires et tous les intervenants impliqués dans la prise en charge des soins. Nous proposons également de poursuivre et d’amplifier les efforts relatifs à la complémentaire santé solidaire, notamment en rehaussant son plafond afin qu’il ne demeure pas inférieur au seuil de pauvreté.
Nous formulons par ailleurs deux séries de mesures liées à la couverture complémentaire. D’une part, nous recommandons de revoir le périmètre des contrats responsables, discussion déjà engagée par l’État pour alléger certaines dépenses parfois superflues, comme le renouvellement trop fréquent des lunettes. D’autre part, nous constatons que très peu de complémentaires santé proposent des contrats strictement responsables, sans ajouts supplémentaires. Ces ajouts peuvent certes être utiles selon les besoins individuels, mais les assurés ne sont pas suffisamment orientés vers des formules purement responsables. Un « contrat socle » serait probablement moins onéreux qu’un contrat enrichi et pourrait faciliter l’accès à une complémentaire santé.
Les 20,9 milliards d’euros d’économies visés à l’horizon 2030 impliquent des étapes annuelles significatives. Pour l’échéance 2026, nous proposons au Gouvernement et au Parlement un ensemble de mesures représentant 3,9 milliards d’euros d’économies, montant considérablement supérieur à nos propositions habituelles, mais que la situation financière justifie pleinement. Il s’agit de la première étape du cadrage général que j’ai exposé.
Maintenir nos dépenses et nos recettes au même rythme que le PIB permettrait de stopper la dégradation du déficit, évitant ainsi 5 milliards d’euros supplémentaires de déficit chaque année. Toutefois, nous conserverions un déficit d’environ 15 à 16 milliards d’euros. Pour véritablement tendre vers l’équilibre de l’assurance maladie, faut-il consentir un effort supplémentaire en dépenses ? Ou convient-il plutôt d’agir sur les recettes ? Notre objectif est simplement d’aider l’ensemble des parties prenantes – Gouvernement, Parlement et partenaires sociaux – à s’approprier ce débat pour déterminer comment, après avoir mis un terme à la dégradation du déficit de l’assurance maladie, résoudre la question du stock de déficit cumulé.
M. Thibault Bazin, rapporteur général. Vos travaux s’inscrivent dans un contexte particulier cette année, marqué par la publication de l’avis du comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie et le déclenchement des mesures de correction auxquelles vos services ont d’ailleurs contribué. Conformément aux dispositions légales, vous avez proposé une série de mesures correctives visant à respecter la trajectoire fixée par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2025.
Dans votre rapport, vous approfondissez le constat relatif au poids des pathologies chroniques dans l’évolution des dépenses de l’assurance maladie. Ainsi, 71 % de la hausse de l’Ondam peut être attribuée au développement de ces pathologies, dont la prévalence s’explique à 55 % par le vieillissement de la population. Parallèlement, vous indiquez qu’une simple stabilisation du déficit de la branche maladie – et non sa résorption – nécessite déjà 5 milliards d’euros d’économies annuelles entre 2026 et 2030. Votre rapport propose donc une série de recommandations permettant de dégager 3,9 milliards d’euros d’économies pour la seule année 2026.
Concernant la prévention, vous vous montrez favorable à l’organisation d’un dépistage systématique de l’hypertension artérielle ouvert aux pharmaciens. Très concrètement, cette mesure fera-t-elle l’objet d’une disposition dans le prochain PLFSS ?
S’agissant du parcours de soins et de la qualité de prise en charge, vous préconisez une réforme du système des indemnités journalières. Quelles mesures précises élaborez-vous avec le Gouvernement pour le prochain PLFSS ? Autrement dit, quelles hypothèses sous‑tendent les 2 milliards d’euros d’économies ciblés à l’horizon 2030 et les 300 millions dès 2026 ?
En ce qui concerne le médicament, vous proposez notamment d’ajuster la tarification des médicaments anticancéreux au niveau de preuves issues des essais thérapeutiques. Pourriez-vous détailler ce mécanisme ?
Vous attirez également l’attention sur le développement des médicaments biosimilaires et génériques. Vous estimez que des économies significatives pourraient résulter d’un déploiement accru des biosimilaires, notamment par la mise en place d’un système restreignant le bénéfice du tiers payant aux usagers acceptant la substitution. Or cette perspective fait écho à des mesures qui suscitent de vives inquiétudes quant à l’avenir du maillage officinal.
Vous n’êtes pas sans savoir que l’arrêté du 6 mai 2025 fixant le taux plafond de remise commerciale sur les médicaments génériques à 40 % a expiré le 1er juillet 2025, plongeant la profession dans une incertitude majeure. Ces dernières années, les pharmaciens se sont pourtant pleinement mobilisés pour promouvoir la substitution dans une logique d’économies pour l’assurance maladie. Une baisse brutale du taux plafond sans compensation proportionnée contreviendrait à cette stratégie nationale et constituerait un désaveu de l’engagement des officines.
Il est également question, parallèlement à la réduction du taux plafond sur les génériques, d’instaurer un taux de remise encadré pour les médicaments hybrides et biosimilaires substituables. Ce nouveau plafond offrira-t-il une compensation financière réelle et équivalente pour les officines ? Le modèle d’incitation associé sera-t-il aussi structurant que celui établi pour les génériques ? Comment prendra-t-on en compte les différences structurelles entre ces catégories de médicaments, notamment la faible diffusion des biosimilaires en ville, leur concentration autour des établissements hospitaliers et leur quasi‑absence dans de nombreuses zones rurales ?
En l’absence de garanties sur ces points, la profession redoute des fermetures d’officines et des suppressions d’emplois dans nos territoires, alors même que les missions des pharmaciens ne cessent de s’élargir. Les remises sur les génériques constituent un levier économique indispensable au maintien de l’équilibre financier des officines, dans une logique mutuellement bénéfique. Ces remises soutiennent l’économie du médicament générique, vertueux pour les comptes publics, et stimulent l’activité des officines sur les produits à faible rendement.
Il me paraît donc impératif de réaliser une étude d’impact microéconomique complète, analysant les effets différenciés selon la taille, l’implantation géographique et la structure du chiffre d’affaires des officines. Dans l’attente de cette étude, j’ai demandé solennellement au Gouvernement de surseoir à toute décision.
Sur la financiarisation de certains secteurs, vous proposez de baisser les tarifs dans les secteurs à très haut niveau de rentabilité, d’instaurer un mécanisme de régulation sectorielle inspiré de la clause de sauvegarde du médicament et d’imposer aux sociétés d’exercice libéral une transparence accrue. Avez-vous déjà travaillé sur la configuration précise de cette clause de sauvegarde pour ces secteurs, avec une étude d’impact correspondante ? Avez-vous évoqué avec le Gouvernement la possibilité d’un texte de loi spécifique sur ce sujet qui serait présenté avant même le PLFSS ?
Par ailleurs, vous n’abordez pas les excès de la télémédecine. Appelez-vous des mesures de régulation au prochain PLFSS pour y remédier ? Quel volume d’économies visez‑vous à court terme, horizon 2026, et à moyen terme, horizon 2030 ?
Enfin, malgré son caractère automatique, le report des régulations tarifaires a été vécu par les professionnels de santé concernés comme une violation des engagements pris par l’assurance maladie. Quelles seront les conséquences de cette situation sur les futures négociations conventionnelles que vous aurez à mener et, par effet de domino, sur la capacité de l’assurance maladie à faire participer les professionnels à la transformation d’un système de santé dont on a tant besoin et à la régulation des coûts ? Quel serait le nouveau calendrier d’application des mesures signées ?
M. Thomas Fatôme. Concernant la prévention de l’hypertension artérielle par les pharmaciens, nous avons effectivement travaillé avec les services du ministère et nous souhaitons également collaborer directement avec les pharmaciens. Ce sont des acteurs essentiels de la santé publique depuis de nombreuses années, et encore plus ces derniers temps. Nous explorons actuellement comment faire évoluer leurs compétences dans le cadre de la prévention de l’hypertension artérielle, ce qui nécessitera des mesures administratives et réglementaires.
S’agissant des arrêts de travail, nous comptons réaliser des économies en mobilisant les deux leviers mentionnés dans le rapport : une meilleure maîtrise des durées de prescription et une évolution des dispositifs spécifiques autour des ALD non exonérantes, afin de disposer d’un système moins susceptible de créer de l’absentéisme professionnel. Nous estimons pouvoir dégager dès 2026 des économies qui pourraient atteindre 2 milliards d’euros à l’horizon 2030. Nous poursuivons également les contrôles sur les prescripteurs aux pratiques atypiques et sur les entreprises présentant des profils particuliers.
Grâce à la LFSS 2025, qui a élargi le champ d’intervention des pharmaciens pour la substitution des médicaments biosimilaires, nous observons des courbes de progression très encourageantes. Leur mobilisation est effective et peut s’appuyer, comme cela a été le cas pour les génériques, sur des dispositifs incitatifs similaires. C’est précisément ce qui a contribué au succès durable des génériques. Le Gouvernement propose donc un système de remises, actuellement inexistant pour les biosimilaires, qui inciterait davantage les pharmaciens à substituer ces médicaments. Des discussions ont été engagées très récemment sur ce sujet, en lien avec l’évolution du plafond des médicaments génériques.
Je ne doute pas qu’un chemin de négociation puisse aboutir rapidement. L’assurance maladie, en collaboration avec les services ministériels, travaille à l’élaboration d’un cadre conciliant les exigences d’économies nécessaires dès 2025 avec un cadre financier pluriannuel lisible pour les pharmaciens, tant sur les génériques que sur les biosimilaires. Nous avons signé l’an dernier un avenant avec les pharmaciens prévoyant l’accompagnement des officines fragiles dans les zones sous-dotées, dispositif que nous déployons actuellement et qui constitue une réponse importante.
Concernant l’impact du décalage de la revalorisation initialement prévue au 1er juillet sur les futures négociations, je tiens à préciser qu’il s’agit d’un dispositif quasi automatique prévu par les textes : alerte, déclenchement de procédures et report au 1er janvier. Ce n’est pas une suppression des revalorisations, mais un décalage de six mois. Je comprends parfaitement que ce report soit mal vécu par les professionnels de santé, comme j’ai pu le constater lors de mes échanges avec différents représentants, notamment des kinésithérapeutes et des médecins.
Je regrette profondément la décision prise par certains syndicats de se retirer de plusieurs négociations, particulièrement concernant les maisons de santé pluriprofessionnelles. Nous sommes contraints de suspendre ces discussions puisque nous n’aurons plus d’interlocuteurs côté médical et côté kinésithérapeutes. Cette situation est regrettable, car elle entraînera nécessairement des délais supplémentaires pour une négociation très attendue par les professionnels exerçant en maisons de santé. Nous restons disponibles pour négocier immédiatement, mais sans représentation syndicale médicale, la tâche devient considérablement plus complexe.
La négociation conventionnelle demeure un pilier fondamental de notre relation avec les professionnels de santé. Le mécanisme du comité d’alerte n’a pas vocation à se déclencher régulièrement. Nous avons d’ailleurs récemment engagé la négociation avec les infirmiers libéraux, impliquant les trois syndicats représentatifs. Nous poursuivons également nos discussions avec les centres de santé dans le cadre de négociations très attendues par de nombreux acteurs territoriaux. Notre engagement envers le pacte conventionnel reste entier. Il n’y a ni remise en cause ni révision, simplement un mécanisme qui reporte les revalorisations au 1er janvier.
Mme Marguerite Cazeneuve. Concernant la télémédecine, nous sortons d’une phase de très forte régulation, qui s’est étendue sur trois années. Depuis le 1er juillet, toutes les sociétés de téléconsultation sont désormais tenues de facturer en tant que telles, ce qui nous permettra de suivre précisément leur activité et de vérifier le respect du seuil des 20 %, ainsi que la limite de trois jours d’arrêt de travail. Les agréments sont maintenant délivrés pour assurer un suivi rigoureux. La Haute Autorité de santé a été saisie de la question spécifique de la prescription d’antibiotiques en téléconsultation. Dans le cadre des assises que nous avons lancées, nous prévoyons un atelier entièrement consacré à la lutte contre le mésusage. Ces dernières années, nous nous sommes dotés d’outils performants pour encadrer efficacement la télémédecine et disposons désormais de moyens substantiels pour prévenir la fraude et le mésusage.
Sur la question de la financiarisation et le calcul des rentes économiques, nous avons intégré dans nos estimations d’économies ce que nous avions négocié en matière d’imagerie. Nous sommes partis de l’hypothèse d’un bénéfice sur chiffre d’affaires plafonné à 10 %, ce qui nous a servi de base pour élaborer nos calculs. Nous avons également exploré différents mécanismes de régulation, notamment un système de partage des gains au-delà d’un certain seuil de rente. Nos travaux ont donc porté sur diverses hypothèses et mécanismes. Il s’agit toutefois d’une disposition nouvelle et substantielle qui nécessite encore des échanges et demeure, bien évidemment, sujette à négociation.
La séance est suspendue de seize heures dix à seize heures vingt-huit.
Mme Joëlle Mélin (RN). M. le directeur général, ma première question sera courtoise mais directe. Êtes-vous présent aujourd’hui en commentateur des travaux finis, détaché de toute responsabilité liée à votre mission, ou êtes-vous venu précisément pour les assumer ? Depuis trois mois, différents rapports pointent en effet tous les dysfonctionnements de notre système, l’envolée des chiffres négatifs et surtout la nécessité de prendre des mesures toutes plus restrictives les unes que les autres.
Expliquez-nous donc ce que fait votre direction de la stratégie alors que vous semblez découvrir l’importance de la prévention. Que fait votre direction de la gestion des risques quand le rapport de certification 2025 signale de gravissimes manquements sur chaque branche, impactant évidemment la sincérité des comptes ? Que fait votre mission nationale de recours contre tiers et celle de la comptabilité de trésorerie quand près de 25 milliards d’euros n’ont pas été recouvrés au 31 décembre 2024 ? Que fait votre direction de contrôle et de lutte contre les fraudes, qui ne recouvre que 628 millions sur les 10 milliards détectés depuis quinze ans ? Que fait votre direction dédiée aux systèmes d’information quand tous les rapports démontrent leur défaillance, avec une absence totale de solutions pour la branche autonomie, les contrôles internes et la multiplicité de logiciels tous plus inopérants les uns que les autres ?
Vous avez signé avec le Gouvernement une convention d’objectifs de gestion 2023‑2027 qui vous obligeait à développer en urgence tous ces points que je viens de citer, et bien d’autres encore. Or vous avez largement manqué à votre mission et vous vous êtes inscrit dans une longue continuité de politique erratique de la Cnam, dont le credo consiste manifestement à rogner les revenus de tous les acteurs du système de soins, quitte à renier la parole conventionnelle et par là-même à entretenir les déserts médicaux.
Dès lors, comment comptez-vous prendre réellement la mesure de votre mission ?
M. Jean-François Rousset (EPR). Le groupe Ensemble pour la République partage largement vos constats sur la financiarisation du système de santé, les rentes, les indemnités journalières et les nécessaires réformes du régime des affections de longue durée.
Je souhaite attirer votre attention sur les transports sanitaires en zone rurale, notamment en Aveyron. Les patients sont parfois proches de Toulouse ou d’Albi, mais les prescriptions d’adressages vers Montpellier dépassent la limite des 150 kilomètres, imposant alors un accord préalable avec un délai pouvant aller jusqu’à quinze jours. Il s’ensuit des pratiques coûteuses et dénuées de bon sens. Quelles mesures envisagez-vous pour que ces prescriptions tiennent réellement compte de la réalité géographique du patient ?
Concernant la radiothérapie, le Gouvernement, que nous avons interrogé le 25 juin 2025, nous a assuré que la réforme du financement s’appliquerait dès octobre 2025, mais nous avons récemment appris avec étonnement qu’elle ne s’appliquerait d’abord qu’aux établissements publics et aux centres de lutte contre le cancer. L’une des raisons évoquées serait que la Cnam ne serait pas prête, alors que nous parlons de forfaitisation depuis plus de dix ans. Pouvez-vous nous préciser les raisons de ce choix d’écarter l’activité libérale ?
Enfin, sur la financiarisation, chacun ici partage l’idée que l’assurance maladie ne doit pas servir à financer des rentes. On peut néanmoins douter de la proposition 32, qui consiste à baisser les prix dès lors qu’augmentent les volumes, car elle pourrait plutôt nourrir la financiarisation. L’exemple de la profession vétérinaire est d’ailleurs évoqué dans le rapport. Dans quelle mesure avez-vous étudié l’option consistant à renforcer le principe d’indépendance des professionnels afin d’éviter les phénomènes de financiarisation ? Cette approche pourrait-elle s’appliquer à tous les secteurs ?
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Sans surprise, après le passage en force d’un budget de l’assurance maladie ultra-austéritaire, votre rapport pointe les manques de recettes et les exonérations représentant plus de 39 milliards d’euros pour la branche maladie. Ce sont autant de recettes en moins pour entretenir le fameux « trou de la sécu », puisque le Gouvernement ne prévoit pas de réintégrer ces cotisations. Avec ce rapport, vous préparez surtout le terrain pour la loi de financement pour 2026.
Pour expliquer la croissance des indemnités journalières, vous retenez un phénomène principal : la fraude aux arrêts maladie. Les travailleurs seraient donc fainéants et les médecins complaisants. Or, curieusement, vous ne pointez pas du doigt les employeurs qui provoquent les burn-out ou sous-déclarent les accidents de travail. Pour lutter contre ces prétendus fraudeurs, vous envisagez notamment le contrôle de l’activité des médecins par des logiciels médicaux d’aide à la prescription.
Pour ces logiciels, est-ce encore l’entreprise Sopra Steria qui sera sollicitée ? Quand on connaît le naufrage que représentent les logiciels Louvois pour l’armée et Arpège pour l’assurance maladie, je m’inquiète vivement. Depuis octobre 2024, des milliers de personnes ne perçoivent plus leurs indemnités journalières. Privés de tout revenu, ces assurés doivent aujourd’hui assigner la caisse primaire d’assurance maladie (Cpam) de Loire-Atlantique en référé. Pourtant, vous refusez toujours la suspension de ce logiciel défaillant. Vous avez finalement trouvé le moyen idéal de réaliser des économies.
Quels sont vos rapports avec Sopra Steria, le développeur du logiciel qui ne fait aujourd’hui, à notre connaissance, l’objet d’aucune sanction financière malgré ces déboires ? Ce rapport et votre inconséquence vis-à-vis de la gestion du logiciel Arpège annoncent clairement l’orientation des débats à venir sur le PLFSS.
Collègues de gauche, soyez au rendez-vous ! À La France insoumise, nous y serons.
M. Jérôme Guedj (SOC). En tant que lecteur assidu des rapports sur les charges et produits depuis plusieurs années, je tiens à souligner, sans aucune flagornerie, l’excellente qualité du document que vous nous avez présenté. Sans nécessairement adhérer à l’ensemble des propositions, je considère que vous répondez parfaitement à notre besoin d’aide à la décision, tout comme l’ont fait les trois rapports des trois hauts conseils.
Avant de m’adresser à vous, je souhaite interpeller notre commission des affaires sociales collectivement, dans la continuité des interrogations formulées précédemment par Thibault Bazin. Comment devons-nous préparer ce PLFSS ? Attendons-nous simplement de découvrir, après les annonces du Premier ministre du 15 juillet 2025 ou un texte présenté en Conseil des ministres le 7 octobre 2025, lesquelles des mesures proposées ont été retenues ? Ou sommes-nous capables de prendre l’initiative ? En fin de compte, c’est nous qui devrons voter ou rejeter ce PLFSS. Il me paraît donc essentiel que nous formulions nos propres propositions pour rechercher des points de convergence au sein de cette commission, plutôt que de nous limiter à réagir aux dispositions qui nous seront soumises.
Cette question méthodologique revêt une importance cruciale. Nous disposons d’un matériau de qualité et ne pouvons-nous permettre d’attendre passivement que le Gouvernement prenne des arbitrages sur lesquels notre influence sera marginale. De nombreuses propositions stimulantes figurent dans ce rapport, mais nous ne pourrons pas en débattre si le Gouvernement effectue ses propres arbitrages sans les retenir. En l’absence de calendrier de concertation entre le 15 juillet et le 7 octobre 2025 sur le contenu du PLFSS, j’invite notre commission à identifier collectivement les mesures sur lesquelles nous pourrions travailler. Sans prétendre rédiger un PLFSS, prérogative gouvernementale, commençons à déterminer les dispositions prioritaires.
J’aurais souhaité poser davantage de questions, mais certaines ont déjà été abordées. Cette audition s’avère passionnante, mais notre responsabilité consiste maintenant à déterminer si nous sommes capables d’identifier des priorités. Nous aurons certainement des désaccords, mais effectuons ce travail préparatoire ici, en amont, plutôt que dans une commission mixte paritaire, dans des conditions bien moins favorables. Ces propositions stimulantes sont à notre disposition et méritent toute notre attention.
Mme Sylvie Bonnet (DR). Dans votre rapport, j’ai été particulièrement interpellée par la dépense de santé moyenne d’un patient en affection longue durée, qui atteint 9 560 euros par an, contre seulement 1 230 euros pour les autres. Sans intervention de notre part, les déficits de l’assurance maladie risquent de se creuser de 25 milliards d’euros supplémentaires d’ici 2030, pour atteindre un niveau critique de 41 milliards d’euros.
Vous avez rappelé la nécessité d’un virage préventif, les projections indiquant que près de la moitié de la population pourrait souffrir d’une pathologie chronique en 2035. Qu’envisagez-vous spécifiquement pour les maladies auto-immunes, dont la prévalence augmente également de façon significative ? Vous évoquez par ailleurs une révision de la fiscalité des produits nocifs pour la santé. Pourriez-vous préciser les critères d’identification de ces produits ? Les fromages, par exemple, pourraient-ils être concernés ? Je rappelle que cette question a déjà fait l’objet de débats dans le cadre du Nutriscore.
Enfin, je souhaite relayer les vives inquiétudes des pharmaciens, acteurs indispensables dans nos territoires, particulièrement dans les déserts médicaux. Votre rapport sur les charges et les produits de l’assurance maladie pour 2026 préconise le dépistage de l’hypertension artérielle par les pharmaciens d’officine. Pourtant, celles-ci se trouvent aujourd’hui menacées par la réduction drastique du plafond des remises sur les médicaments génériques et la fixation d’un plafond très bas aux remises sur les hybrides et les biosimilaires. Comment envisagez-vous de concilier les impératifs budgétaires avec la préservation du maillage officinal au bénéfice des patients ?
M. Hendrik Davi (EcoS). La limitation des dépenses de l’assurance maladie ne constitue pas un objectif en soi pour notre groupe. Nous préférons partir des besoins et ajuster les recettes en conséquence. Je tiens à rappeler que, lorsque les cotisations s’ajustaient aux besoins, le déficit n’existait pas et que cela responsabilisait les employeurs.
Œuvrer pour des écosystèmes moins pollués et des populations en meilleure santé représente un enjeu majeur qui peut rejoindre votre objectif de maîtrise des dépenses de santé. Dans ce contexte, nous partageons plusieurs constats et recommandations de votre rapport, notamment sur deux axes principaux : favoriser la santé publique et environnementale d’une part ; lutter contre la financiarisation du soin d’autre part.
Nous soutenons par exemple votre proposition visant à améliorer le dépistage des cancers. Pour atteindre cet objectif, il s’avère toutefois indispensable de lutter contre les déserts médicaux et de faciliter l’implantation de centres de santé publics, le dépistage nécessitant la présence de médecins. Plus largement, il convient de limiter l’usage de produits cancérigènes tels que l’alcool, le tabac ou les pesticides, sans oublier la pollution atmosphérique. De nombreux médecins nous ont d’ailleurs fait remarquer qu’il n’aurait pas fallu voter la loi Duplomb.
Nous approuvons également l’utilisation du Nutriscore comme clef de la politique de prévention nutritionnelle et la refonte de la fiscalité comportementale. Nos amendements au PLFSS concernant le sucre, l’alcool et le tabac s’inscrivaient précisément dans cette démarche, mais ont été majoritairement rejetés par le Gouvernement et la majorité, sous la pression des lobbies, notamment celui de l’alcool.
La prévention des troubles de santé mentale s’impose évidemment comme une priorité, mais comment y parvenir quand les services de psychiatrie sont en crise et que les délais d’attente pour un rendez-vous en centre médico psychologique dépassent un an à Marseille ? L’amélioration des conditions de travail s’avère tout aussi cruciale. Or le recul de l’âge de départ à la retraite et l’augmentation de la productivité au travail nous éloignent manifestement de cet objectif.
Vous proposez une série de mesures pertinentes pour enrayer l’envol du prix des médicaments et réduire les profits que le secteur lucratif réalise au détriment des assurés, mais rien concernant le soutien au service public, notamment la création d’un véritable service public du médicament. Je reste par ailleurs dubitatif quant à l’une de vos pistes. Nous atteignons plutôt les limites du virage ambulatoire qui, incidemment, a contribué à l’explosion des dépenses de transport sanitaire.
Comment entendez-vous réduire les ALD et les arrêts de travail ? Pour limiter les dépenses de santé à long terme en construisant une société moins malade, il faut paradoxalement augmenter ces mêmes dépenses à court terme, ce que le Gouvernement refuse obstinément de faire.
M. Paul-André Colombani (LIOT). Votre rapport mentionne 169 fois le mot « convention ». Connaissez-vous précisément sa définition ? Une convention ne constitue pas une décision unilatérale, mais un accord mutuel. Or cet engagement signé l’an dernier avec les médecins libéraux, après un premier projet historiquement rejeté, se trouve déjà compromis par le report à 2026 des revalorisations médicales initialement prévues au 1er juillet dernier.
Votre rapport adresse le même signal de défiance à l’ensemble des professions de santé. Vous demandez aux infirmiers libéraux de renforcer le maintien à domicile tout en diminuant la rémunération des perfusions, essentielle pour les soins palliatifs à domicile, en contrepartie d’une vague promesse de reconnaissance professionnelle, dont doivent également se contenter les kinésithérapeutes. Comment espérez-vous soulager l’hôpital en fragilisant ainsi les acteurs du premier recours ?
Les médecins de ville, quant à eux, doivent assumer de nouvelles missions sans bénéficier d’une simplification de leur quotidien. Vous multipliez les objectifs sans rien simplifier. Prenons l’exemple de l’espace numérique de santé, que vous exigez d’alimenter sous peine de sanctions. Aujourd’hui, il demeure une simple boîte à chaussures numérique où s’entassent des données difficilement exploitables. Or, s’il ne connaît pas le code Insee de la commune de naissance d’un patient, son médecin ne peut accéder à son espace numérique de santé. Une minute perdue ici et là durant la consultation, multipliée par 60 millions de patients, représente un temps médical considérable, précisément au moment où nous manquons de médecins sur l’ensemble du territoire.
Les spécialistes sont accusés de bénéficier de rentes économiques, vocabulaire particulièrement injuste lorsqu’on parle de professionnels ayant commencé à travailler à 30 ans après de longues années d’études, qui consacrent 60 heures par semaine à leur métier et qui investissent lourdement pour leur exercice et leur société. Vous durcissez les contrôles et les sanctions envers les soignants, mais je ne trouve dans le rapport aucune recherche d’économies sur vos frais de fonctionnement.
Ce que nous voulons aujourd’hui, c’est une vision qui ne soit pas de court terme et qui ne compromette pas la qualité des soins. Nous reconnaissons la nécessité d’un principe de responsabilité réciproque, mais nous souhaitons une approche qui valorise l’engagement des soignants, qui réduise efficacement les dépenses globales et qui redonne sa puissance à ce que doit être une véritable mission de service public.
Mme Karine Lebon (GDR). Votre rapport s’inscrit dans une trajectoire de redressement budgétaire, mais celle-ci ne sera socialement acceptable que si elle renforce l’égalité d’accès aux soins et corrige les injustices territoriales, au lieu de les aggraver. Or, à la lecture de ces deux cents pages, un angle mort me frappe particulièrement : celui des outre‑mer. À La Réunion, une femme sur quatre développe un cancer du sein contre une sur huit en France continentale, soit deux fois plus, et les chances de rémission à cinq ans y sont nettement inférieures. Cette situation s’explique par un accès plus difficile au dépistage, une offre de soins spécialisés limitée et la barrière de la langue qui demeure un obstacle majeur pour de nombreuses femmes âgées ou peu francophones. Ce sont des réalités de terrain, non des variables d’ajustement.
Votre rapport fait de la prévention la grande cause de la décennie. Mais qu’attend-on pour appliquer pleinement la loi Lurel, adoptée il y a plus de dix ans, interdisant les produits sursucrés qui continuent pourtant à circuler dans les rayons ultramarins ? Pourquoi nos enfants consomment-ils encore des sodas plus sucrés que ceux vendus en France continentale ? Cette inégalité sanitaire est tout simplement intolérable.
Le 14 mai, M. Fatôme, je vous ai interrogé sur la situation des taxis sanitaires dans les outre-mer. Votre réponse s’est limitée à une demi-phrase : « Les outre-mer seront bien pris en compte. » Aucune précision, aucun engagement concret, aucune attention particulière. Je vous le dis franchement : cette fois, nous attendons autre chose qu’un renvoi poli ; nous exigeons de la considération. Les outre-mer ne peuvent plus constituer les angles morts de la politique de santé publique. Si nous voulons réellement enrayer les inégalités de santé, c’est là qu’il faut agir prioritairement. Cela nécessite des outils adaptés : référents de parcours dans les zones sous-dotées, médiation en langue maternelle, soutien à la médecine de proximité et reconnaissance pleine des soignants qui tiennent ces territoires à bout de bras. L’universalité ne consiste pas en l’uniformité, mais en la capacité à traiter l’inégalité avec justice. Si les outre-mer ne sont pas au cœur de la stratégie de santé 2026, nous passerons à côté de l’essentiel.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Faire de la prévention en santé une grande cause de la décennie est une ambition à laquelle je souscris pleinement, mais force est de constater que dans les faits, elle reste souvent inefficace.
Vous avez évoqué la prévention secondaire, mais moins la prévention primaire, qui est pourtant essentielle pour éviter la survenue des pathologies chroniques. Quelle place occupe l’assurance maladie dans cette prévention primaire ? Vous avez mentionné le rôle des entreprises et des assurances complémentaires avec leurs contrats de groupe. Comment mieux coordonner assurance maladie obligatoire assurance maladie complémentaire, alors que des échanges récents montrent que cette coordination est encore loin d’être optimale ? Comment également associer l’échelon national et les collectivités territoriales pour sensibiliser ces dernières à l’importance de la prévention primaire ?
Je salue votre position sur le Nutriscore, mais comment faire avancer ce dossier en France sans attendre l’Europe, tout en maintenant la pression pour une évolution au niveau européen ? Quelles solutions concrètes proposez-vous ? Je me réjouis que vous suiviez nos discussions concernant les taxes comportementales. Ne pourrions-nous pas aller plus loin, notamment vis-à-vis des plats transformés et des produits ultratransformés ?
La vaccination et le dépistage relèvent de la prévention secondaire, mais toute une partie de la population, notamment les personnes éloignées du système de santé, souvent les plus vulnérables, n’est pas concernée par ces dispositifs. La question fondamentale est donc : comment industrialiser cette politique et cibler efficacement les populations vulnérables ?
Enfin, les dépenses explosent car tous les acteurs sont évalués et rémunérés au nombre d’actes qu’ils réalisent et au nombre de produits qu’ils vendent. Nous ne faisons pas face à une crise de la demande mais à un système non régulé, mal encadré et insuffisamment responsabilisé. Comment pouvons-nous sortir de cette impasse ? Comment responsabiliser l’ensemble des acteurs, y compris les professionnels de santé ? Vous évoquez les coûts, mais comme vous le soulignez justement, aucun acteur, pas même les patients, n’en connaît véritablement le montant.
Si nous sommes tous attachés à l’universalité de la prise en charge de la maladie, que penseriez-vous de supprimer le tiers payant, du moins pour une partie de la population capable d’avancer les frais de santé ? Lorsqu’on paie directement, on prend conscience du coût réel, ce qui n’est pas le cas autrement.
M. Thomas Fatôme. Je vais centrer mes réponses sur le rapport « Charges et produits ». S’agissant de l’action que je mène à la tête de l’assurance maladie, je me permets de renvoyer les parlementaires qui se sont exprimés à la clause de revoyure de la convention d’objectifs et de gestion, que j’ai présentée au conseil de la Cnam et aux services de l’État en juin 2025, démontrant l’ampleur de ce qui a été réalisé et sa conformité avec la convention signée avec les services de l’État sur la très grande majorité des sujets.
Notre rapport n’est pas une simple trajectoire budgétaire. C’est la conséquence des propositions que nous formulons en termes de transformation du système de santé, tant sur la prévention que sur l’organisation des soins et l’éducation à la santé. Si cela implique effectivement une trajectoire budgétaire exigeante, celle-ci traduit les mesures que nous proposons, et je crois important de bien le souligner.
La prévention doit s’appuyer sur une coalition d’acteurs au niveau national, notamment des financeurs comme l’assurance maladie obligatoire et l’assurance maladie complémentaire. Cette approche doit également se déployer à travers une coalition d’acteurs au niveau territorial, en lien étroit avec les spécificités de chaque territoire, particulièrement ultramarines. Nous sommes pleinement conscients des enjeux particuliers liés à l’obésité, au diabète et à d’autres pathologies qui touchent plus fortement certains territoires. Dans la convention d’objectifs et de gestion que j’ai signée avec l’État en 2023, un certain nombre d’actions sont spécifiquement dédiées aux territoires ultramarins, domaine auquel nous sommes très attentifs. La déclinaison de ces priorités de prévention doit nécessairement s’adapter aux pathologies spécifiques de ces territoires.
Spécifiquement, nous avons augmenté de 3 euros chaque course réalisée par les taxis en territoire ultramarin. Nous avons intégré les spécificités des territoires dans notre tarification et, comme la ministre l’a annoncé la semaine dernière, la réforme se déploiera avec des montants spécifiques dans les territoires ultramarins, notamment ces 3 euros supplémentaires dans notre forfait de prise en charge. Cette mesure est simple et, je l’espère, efficace.
Nous avons signé durant ces deux ou trois dernières années des conventions et des avenants avec la quasi-totalité des professions de santé. L’élément spécifique qui fait aujourd’hui polémique suscite des réactions que je comprends parfaitement de la part de toutes les professions concernées. Néanmoins, cela ne remet nullement en cause notre engagement dans la politique conventionnelle. Nous poursuivons les négociations avec les infirmiers, les centres de santé, les transporteurs sanitaires hors taxis, ainsi que sur l’imagerie. Nous souhaitons vivement que certaines négociations qui sont momentanément suspendues puissent reprendre dans les meilleurs délais. La porte reste ouverte, et ce n’est pas l’assurance maladie qui a provoqué ces suspensions.
Sur la rémunération à l’acte et son évolution, plusieurs avancées significatives méritent d’être soulignées. Avec les infirmiers libéraux, nous avons mis en place un financement qui intègre une part importante de rémunération sous forme forfaitaire. Nous progressons sur la radiothérapie, où nous voulons développer la forfaitisation, mode de rémunération sans doute plus adapté. Nous entendons le faire parallèlement à une meilleure maîtrise des tarifs, avec une baisse de 5 % des tarifs de radiothérapie prévue fin 2025. Cette diminution nous paraît légitime, mais elle doit s’accompagner d’une évolution du cadre vers davantage de forfaitisation, le système actuel étant manifestement obsolète.
Nous avons également proposé et inscrit dans la convention médicale un mécanisme de rémunération à la capitation pour les groupes de médecins volontaires, mode de rémunération actuellement testé dans un nombre croissant de maisons de santé. Dans notre négociation avec les centres de santé et les maisons de santé, nous souhaitons intégrer dans le droit commun des modes de rémunération spécifiques qui pourront se substituer ou compléter la rémunération à l’acte.
Je ne peux pas laisser sans réponse les remarques sur les frais de gestion de l’assurance maladie. Sur 1 000 euros dépensés par l’assurance maladie, 30 euros seulement sont consacrés aux frais de gestion, soit 3 %. L’assurance maladie comptait 80 000 collaborateurs il y a vingt ans ; nous sommes aujourd’hui 60 000 et continuons à réduire nos effectifs. Nous sommes la seule branche de la sécurité sociale à diminuer ses effectifs entre 2023 et 2027, avec une réduction prévue de 1 700 postes. En matière de maîtrise des frais de gestion, nous sommes donc parfaitement au rendez-vous. Nous restituons, en quelque sorte, de l’argent aux assurés et aux Français, en particulier grâce aux évolutions de notre système d’information. Ces améliorations nous permettent de réaliser des gains de productivité et de ne pas remplacer les départs à la retraite.
Sur les arrêts de travail, le rapport est très clair : il faut mobiliser les leviers concernant l’ensemble des acteurs – prescripteurs, assurés, entreprises – avec des dispositifs différenciés mais qui doivent être opérants pour tous ces intervenants. C’est précisément pour cette raison que l’assurance maladie a été créée il y a quatre-vingts ans.
Mme Marguerite Cazeneuve. Concernant les centres de santé, nous avons rouvert les discussions qui devraient se conclure prochainement. Nous appliquons déjà des majorations pour la prise en charge des populations précaires, notamment pour la médiation en santé, pratique que nous rémunérons favorablement. Nous souhaitons insister davantage sur cette dimension en faisant explicitement de la médiation l’une des missions des centres de santé, avec les investissements nécessaires en regard. Cette approche est particulièrement importante en matière de prévention, notamment auprès des publics les plus éloignés du soin.
Concernant les infirmiers libéraux et la question de la baisse de rémunération évoquée, une circulaire a simplement clarifié l’hétérogénéité des pratiques entre les territoires et harmonisé des situations disparates sans réduction globale. Par ailleurs, nous avons tenu la première séance de négociations avec les infirmiers libéraux. Elles permettront de mettre en application la loi sur les infirmiers qui a été votée par votre assemblée.
Le rapport ne suggère nullement que les arrêts de travail seraient imputables à une faute des assurés sociaux. Nous avons précisément travaillé sur les causes de l’absentéisme en entreprise et des risques psychosociaux. Jusqu’à présent, nous nous étions principalement concentrés sur deux acteurs : les prescripteurs et les assurés sociaux. Nous avons désormais lancé une première action de sensibilisation auprès des entreprises. Nous avons rencontré les cinq cents entreprises présentant un absentéisme atypique et notre proposition consiste à introduire un bonus-malus sur l’absentéisme applicable aux entreprises, afin que soient davantage prises en compte les mesures relevant de la responsabilité de l’employeur dans l’absentéisme au travail.
M. le président Frédéric Valletoux. Pour répondre à Jérôme Guedj, travailler sur le PLFSS relève du Gouvernement. Nous pourrions néanmoins travailler sur des thématiques qui, lors du dernier PLFSS, faisaient globalement consensus entre les différents groupes, notamment sur la prévention, les taxes comportementales et d’autres sujets qui semblaient recueillir l’adhésion au sein de la commission. Nous pourrions y réfléchir avec tous ceux qui le souhaitent d’ici septembre.
M. Fabien Di Filipo (DR). Nous connaissons tous les efforts actuellement déployés dans les hôpitaux pour contenir les dépenses de santé. Or nous avons eu connaissance de pratiques inquiétantes de la part des industries pharmaceutiques qui opèrent les marchés de fourniture des médicaments dans nos hôpitaux. Elles contractualisent avec des banques étrangères pour procéder à de l’affacturage. Les créances sont ainsi cédées à ces banques qui, lorsque les délais de paiement ne sont pas respectés, appliquent des pénalités et des frais de gestion considérables. Cela représente pour certains hôpitaux des centaines de milliers d’euros, avec des réclamations remontant jusqu’à cinq ans en arrière, même pour des factures déjà acquittées.
Alors que nous débattons du prix du médicament et des actions que nous pouvons mener sur les dépenses pharmaceutiques, alors que nous connaissons les efforts de gestion imposés à tous les hôpitaux pour maintenir une ligne budgétaire soutenable, il est impératif de prendre conscience de cette situation et d’agir fermement. Je ne crois pas que les industries pharmaceutiques aient à se plaindre de leur collaboration avec nos structures publiques ni de l’argent public qu’elles perçoivent abondamment pour la fourniture des produits dont nous avons besoin, particulièrement dans les hôpitaux. Peut-être existe-t-il un problème de délai entre le moment où les médicaments sont commandés et celui où le remboursement est effectué par la Cpam à nos hôpitaux. En tout cas, ces procédures d’affacturage constituent une catastrophe qui coûtera des millions, voire des centaines de millions d’euros à l’ensemble du système hospitalier si rien n’est fait pour empêcher leur généralisation.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Je partage votre analyse sur la prévention, mais force est de constater que, si nous l’inscrivons systématiquement dans nos objectifs et projets, nous peinons toujours à passer à l’action concrète. Le résultat est alarmant : nous observons en 2025 une diminution de la couverture vaccinale et une baisse du dépistage des cancers. Pouvons-nous amorcer l’inversion de cette tendance, peut-être par la mise en place d’un carnet standardisé et par un suivi systématique des vaccinations et dépistages pourtant intégralement pris en charge ?
Vous avez évoqué la nécessité d’une maîtrise dans la prescription des médicaments. Je souhaite attirer votre attention sur l’exemple particulièrement préoccupant des psychotropes et anxiolytiques, dont les prescriptions ont augmenté de 25 % en dix ans, notamment chez les jeunes, souvent de façon inadaptée et renouvelée avec une facilité déconcertante. Quelles actions envisagez-vous pour réguler ces prescriptions ?
Concernant le gaspillage, nous faisons face à une réalité alarmante : 1,5 milliard d’euros de médicaments gaspillés chaque année. Ne pourrions-nous pas confier aux infirmiers libéraux la gestion du suivi des stocks, en coordination avec les médecins prescripteurs et les pharmaciens, afin d’éviter ce gaspillage considérable et les délivrances superflues précédemment évoquées ?
Les compléments alimentaires représentent 250 millions d’euros remboursés en 2023, entre 65 % et 100 % selon les situations des patients. Ce poste de dépenses mérite une analyse approfondie pour réaliser des économies substantielles, car la justification n’en est pas toujours évidente, hormis peut-être pour les enfants.
Enfin, je m’étonne que pour chaque mission confiée aux professionnels de santé, nous soyons contraints de recourir à des incitations financières : pour la prescription des génériques, pour celle des médicaments biosimilaires... Cela ne devrait-il pas simplement faire partie de leurs missions fondamentales ? Nous avons déjà accordé diverses aides aux pharmaciens pour les tests, pour les médicaments contre les angines et certaines infections, pour les téléconsultations... Où s’arrêtera cette logique ? Dès que l’on propose la moindre réduction, nous assistons à une levée de boucliers immédiate. Une réflexion approfondie s’impose sur ce sujet, quel que soit le professionnel concerné.
Mme Joséphine Missoffe (EPR). Le rapport « Charges et produits » de l’assurance maladie pour 2025 dresse un constat préoccupant sur la trajectoire financière de notre système de santé. Il formule à ce titre plusieurs propositions intéressantes. Je pense notamment à la proposition 57, qui vise à faciliter l’échange des données entre l’assurance maladie obligatoire et les organismes complémentaires dans le but de renforcer la lutte contre la fraude sociale. Avez-vous pu réévaluer les effets attendus de cette mesure, particulièrement en termes d’efficience et d’économies potentielles pour l’assurance maladie ?
Certaines orientations du rapport suscitent des interrogations légitimes, notamment en matière de régulation du médicament. Je pense spécifiquement à l’hypothèse d’inscrire le paracétamol au répertoire des génériques, alors même que cette molécule fait l’objet d’un projet stratégique de relocalisation industrielle soutenu par l’État dans le cadre de France 2030. Cette mesure ne risque-t-elle pas de fragiliser un investissement structurant, alors que le coût du paracétamol est déjà équivalent à celui de son générique ? N’introduirait-elle pas une contradiction manifeste entre les objectifs de souveraineté sanitaire portés par l’État et les orientations proposées dans votre rapport ?
Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Nous parlons aujourd’hui de « charges » et de « produits ». Ce langage technocratique désigne en réalité nos cotisations sociales et nos prestations de santé. Chaque année, vous préconisez de tailler dans les dépenses, de restructurer, d’optimiser, sans jamais remettre en cause la logique fondamentale qui crée la misère et la maladie.
Prenons des exemples concrets dans votre rapport : les affections de longue durée explosent. Votre solution ? Sortir au plus vite les personnes atteintes de cancer du dispositif en les plaçant sous simple surveillance. Les arrêts de travail augmentent, car le travail maltraite les salariés. Votre réponse ? En limiter l’accès. Le coût de la biologie et de la radiologie s’envole sous l’effet de forces spéculatives. Pourtant, peu ou presque rien n’est entrepris contre ces acteurs.
Pendant ce temps, vous faites l’opprobre des professionnels de santé et des véhicules sanitaires légers, essentiels aux soins, dont la rémunération est amputée. Jusqu’à 40 euros par jour sont retirés aux infirmières à domicile. Les pharmacies vont devoir sacrifier des centaines d’emplois à cause de la limitation des remises sur les génériques. La Cnam, sous votre direction, est-elle devenue l’instrument du démantèlement méthodique de la protection sociale au profit des complémentaires santé payantes, privées et coûteuses ?
Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage. Quand on veut se débarrasser des soignants, des malades et des cotisants, on dit qu’ils coûtent trop cher. Nous affirmons que vous n’avez pas la légitimité pour défigurer la sécurité sociale. Nous rejetons ces logiques comptables appliquées au détriment des assurés sociaux. Revenons à la conception d’Ambroise Croizat : chacun contribue selon ses moyens et reçoit selon ses besoins, pour que l’humain redevienne un jour notre seul horizon.
M. Théo Bernhardt (RN). Votre rapport propose explicitement de mettre fin à la prise en charge intégrale de certaines prestations de santé, telles que les cures thermales, pour les patients atteints d’une affection de longue durée, au motif que leur efficacité ne justifierait pas un remboursement à 100 %. Or rien n’indique que les cures thermales ne se montrent pas efficaces pour certaines pathologies.
Par ailleurs, le thermalisme médical ne représente qu’un coût très limité pour l’assurance maladie, puisque le remboursement des cures ne constitue que 0,15 % des dépenses de santé totales. De plus, il est essentiel de rappeler que ces cures jouent également un rôle économique majeur sur certains territoires ruraux, comme dans ma circonscription, tant en termes d’emplois qu’en termes d’attractivité économique.
Pouvez-vous préciser sur quels critères objectifs d’efficacité thérapeutique vous envisagez désormais d’évaluer les cures thermales et comment vous comptez articuler cette proposition sans mettre en péril les établissements thermaux et l’économie locale qui en dépend ?
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). De nombreux transports censés être partagés sont actuellement facturés comme des transports individuels uniquement parce qu’une case spécifique n’a pas été cochée dans le système. Cette situation engendre des dépenses injustifiées et empêche l’administration d’appliquer des pénalités en raison d’une organisation logistique et numérique défaillante. Comment la Cnam envisage-t-elle de résoudre ce dysfonctionnement ? Quelles actions comptez-vous mettre en œuvre pour éviter ces facturations erronées et ces potentielles pénalités ? Par ailleurs, le décret du 28 février 2023 prévoit la mise en place des transports partagés au 1er mars 2025, alors que les pénalités s’appliquent déjà pour des transports effectués en 2023. Prévoyez-vous des améliorations dans la formation du personnel, des évolutions technologiques ou des modifications procédurales concernant la saisie et la gestion des données logistiques et numériques ?
M. Thomas Ménagé (RN). Les taxis conventionnés jouent aujourd’hui un rôle essentiel pour des milliers de patients qui n’ont pas d’autre solution pour se rendre à l’hôpital, suivre une dialyse ou un traitement lourd. Nous constatons actuellement une concentration des services dans les métropoles, tandis qu’en zone rurale, il devient indispensable pour des milliers d’habitants non véhiculés de pouvoir se déplacer. Les professionnels du taxi subissent une forte pression : leurs tarifs ne suivent pas l’inflation, leurs tournées augmentent considérablement et leurs charges administratives s’alourdissent. Une nouvelle inquiétude émerge concernant le transport médical qui pourrait être confié demain aux voitures de transport avec chauffeur (VTC). Ouvrir ce marché aux VTC affaiblirait un service de proximité et de qualité actuellement assuré par des professionnels formés et engagés depuis de nombreuses années, disponibles sur l’ensemble du territoire. Je vous demande donc de clarifier la position de la Cnam : pouvez-vous nous garantir aujourd’hui que, même à défaut d’accord, il n’existe pas dans les tiroirs un projet d’ouverture du transport médical aux VTC par voie réglementaire ?
Dans le cadre de la renégociation, je souhaite également connaître votre position sur les différentes propositions des fédérations de taxis, dont certaines sont prêtes à consentir des efforts, tant sur les coûts que sur la lutte contre la fraude. Des données remontent régulièrement à la Cnam de manière systématique concernant la géolocalisation et la facturation. Comment utilisez-vous ces informations pour lutter contre la fraude et récupérer l’argent là où il se trouve, sans pour autant diminuer la qualité de service pour les Français, notamment ceux résidant en zone mal desservie ?
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Vous avez constaté que plus une taxe comportementale est efficace, moins elle rapporte. Au-delà de ce constat, les produits plus gras, salés et sucrés sont souvent moins chers et donc consommés par les familles les plus précaires. En résumé, ceux qui peuvent le moins perdent le plus. Pourquoi ne pas envisager de taxer les producteurs, les profiteurs et les incitateurs, par exemple sur la publicité ? Chaque année, les industriels investissent des milliards en publicité pour nous inciter à consommer leurs produits alcoolisés, trop gras, trop sucrés ou trop salés, précisément parce que cela stimule les ventes. Pourquoi ne pas taxer ceux qui produisent ces produits problématiques et qui encouragent leur consommation tout en retirant d’importants bénéfices ? La Cnam assume‑t‑elle aujourd’hui le fait de proposer un système désincitatif via la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), l’impôt le plus injuste, malgré le constat que taxer les produits moins chers et néfastes pour la santé ne permet pas de faire baisser le prix des produits sains mais plus coûteux ?
Concernant les arrêts de travail de longue durée, j’ai bien noté votre proposition de bonus-malus pour l’absentéisme, mais elle néglige la prévention. Vous avez évoqué que ces arrêts pouvaient être liés aux conditions de travail, à l’organisation et à la charge de travail, sans pour autant aborder la question de la prévention. Vous indiquez vouloir vous adresser au triptyque médecin-patient-employeur, mais votre investissement cible uniquement ceux qui ne sont pas responsables : les médecins qui, manifestement, n’auraient pas suffisamment de douze années d’études pour estimer seuls les besoins individualisés de leurs patients.
Par ailleurs, quand vous affirmez qu’un trouble dépressif léger ne mérite pas plus de quinze jours d’arrêt, alors qu’il faut au minimum un mois pour obtenir un rendez-vous chez un psychiatre et que la cause est parfois ou souvent liée au travail, cela m’interroge sur votre conception des arrêts maladie de longue durée et sur les raisons qui poussent nos travailleurs à s’arrêter. Est-ce à la sécurité sociale d’assumer le coût des mauvaises conditions de travail imposées aux salariés et de payer le prix du report de l’âge de départ à la retraite ?
M. Paul-André Colombani (LIOT). Concernant les perfusions, permettez-moi de vous lire le communiqué commun de l’ensemble des syndicats infirmiers : « La dernière directive de la Cnam prévoit de limiter arbitrairement la cotation des perfusions à domicile à une fois par jour, mettant ainsi en péril la prise en charge des patients les plus fragiles, l’accès aux soins palliatifs à domicile et la reconnaissance du travail infirmier. » Il s’agit d’un communiqué commun, fait exceptionnel qui mérite notre attention.
Concernant la baisse des effectifs, ce qui nous manque actuellement, ce sont des contrôleurs pour les arrêts médicaux. Les chiffres dont nous disposons portent souvent sur le volume de contrôles médicaux théoriques et non sur ceux effectivement réalisés. Cette situation fragilise les assurés qui disposent de moins en moins de possibilités de recours, ces dernières étant par ailleurs très compliquées à mettre en œuvre.
J’ai assisté à la fin des années 1990 à la soutenance d’une thèse de médecine d’un de mes collègues qui préconisait d’adopter le système allemand pour les génériques. Depuis 1989 en Allemagne, un médicament est en effet remboursé sur la base du générique et celui qui refuse le générique paie simplement la différence, ce qui règle la question. Pourquoi ce système n’a-t-il pas été retenu en France ?
Vous avez formulé des propositions pour 2026 comportant des mesures de rendement financier à hauteur de 3,9 milliards d’euros. Dans le cadre du travail préparatoire que vous continuez d’appeler de vos vœux, il serait utile de nous préciser, parmi ces mesures, celles dont vous considérez la déclinaison opérationnelle comme prioritaire. Lorsque vous mentionnez 200 millions d’euros de rendement sur l’organisation et le parcours de soins en ville et à l’hôpital en 2026, pourriez-vous nous fournir une analyse détaillée concernant ce que vous avez chiffré, la nature des mesures envisagées, et préciser si elles relèvent du domaine législatif ou réglementaire ?
Sur la question de la fiscalité, paradoxalement, aucune mesure de rendement fiscal n’est proposée pour 2026. Les 3,9 milliards d’euros évoqués ne concernent que la maîtrise des dépenses. Par ailleurs, vous avez mentionné un objectif de fiscalité comportementale à hauteur de 2,5 milliards d’euros d’ici 2030. Si l’on se rappelle que l’année dernière, nous avons tout juste atteint 400 millions d’euros de mesures de fiscalité comportementale avec la réforme du barème des taxes sur les sodas – amendement que j’avais déposé avec d’autres collègues et qui a été adopté puis modifié en commission mixte paritaire – sur les 20 milliards de fiscalité comportementale existant aujourd’hui, la question se pose : quel rythme envisagez-vous ? Quand vous annoncez un objectif de 2,5 milliards d’ici 2030, prévoyez-vous par exemple 500 millions supplémentaires en 2026, puis 500 millions de plus en 2027 ?
M. Thomas Fatôme. Sur les taxis et services associés, l’assurance maladie maintient sa position avec constance. Nous collaborons depuis longtemps avec les caisses locales et avons reçu l’ensemble des entreprises de taxi il y a un mois pour préparer les évolutions nécessaires. Nous avons également consulté les ministres et les fédérations de taxi. Les choses sont parfaitement claires. La ministre l’a d’ailleurs confirmé il y a dix jours. Nous procédons actuellement aux derniers ajustements de la convention avec les taxis consécutive à nos discussions récentes. La réforme entrera en vigueur au 1er novembre 2025 comme prévu.
Concernant les transports partagés, plusieurs leviers sont à notre disposition. Pour les véhicules sanitaires légers (VSL), nous avons élaboré avec la profession un système de bonus‑malus qui encourage les entreprises pratiquant le transport partagé. Nous établirons un bilan de ce dispositif avec les professionnels l’année prochaine. Le Parlement a également adopté un mécanisme favorisant le tiers payant pour le transport partagé qui est en place depuis début mars 2025. Le transport partagé reste une décision médicale : c’est le médecin prescripteur qui détermine si l’état du patient est compatible avec cette modalité. Actuellement, environ un quart des transports en VSL s’effectue en mode partagé et nous souhaitons que le cadre tarifaire applicable aux taxis encourage également cette pratique. Les discussions du dernier mois avec les taxis ont permis des avancées substantielles dans ce domaine et je suis convaincu que nous verrons davantage de transports partagés dans ce secteur dans les mois à venir.
Nous développons également la facturation dématérialisée et la géolocalisation pour les VSL. Un système similaire sera déployé pour les taxis à partir du 1er janvier 2027. Ce délai s’explique par la complexité technique de ce système d’information.
Concernant les infirmiers et les perfusions, aucune baisse tarifaire n’est envisagée sur les perfusions. Par ailleurs, il n’existe pas de communiqué commun des trois syndicats sur ce sujet. Je partagerai volontiers les données précises concernant le recours aux perfusions pour expliciter pourquoi il est nécessaire, en concertation avec la profession, de simplement rappeler les règles de cotation des perfusions, parfois appliquées de façon inappropriée par certains professionnels, heureusement peu nombreux. Nous avons besoin d’une offre de soins infirmiers à domicile qui puisse assurer correctement ce type de prise en charge, et c’est précisément ce qui est prévu.
Sur les autres points évoqués, je précise qu’il n’est absolument pas question d’intégrer le paracétamol dans le répertoire des génériques. Le rapport établit simplement des comparaisons européennes pour expliquer pourquoi notre taux de pénétration des génériques paraît plus faible, le paracétamol n’étant pas comptabilisé dans notre répertoire. Des engagements ont été pris par les fabricants et l’assurance maladie ne propose pas de modifier ce statut.
Je confirme également que nous ne proposons pas de dérembourser les cures thermales. Le fait de ne plus les prendre en charge à 100 % ne modifie pas fondamentalement leur accessibilité.
Concernant les 200 millions d’euros d’économies potentielles, nous estimons cet objectif réalisable, notamment grâce à une relance de la chirurgie ambulatoire et au déploiement initial de la chirurgie hors bloc. Cette dernière permettrait de réaliser certaines interventions simples, comme la chirurgie de la cataracte ou des implants dentaires, en dehors des blocs opératoires traditionnels, tout en maintenant des conditions sanitaires parfaitement maîtrisées, comme cela se pratique dans d’autres pays. Ces deux axes peuvent contribuer significativement aux 200 millions d’euros d’économies envisagés pour 2026.
Mme Marguerite Cazeneuve. Notre rapport constitue un ensemble cohérent. Notre recommandation consiste à engager simultanément toutes les mesures proposées. Concernant les remarques sur Ambroise Croizat et le prétendu jargon technocratique, je souligne le caractère exceptionnel de ce rapport, qui a été coconstruit avec les membres du conseil de la Cnam et approuvé par les partenaires sociaux et les associations de patients. Il ne s’agit donc aucunement d’un document élaboré en vase clos. C’est un système intégré qui prend en compte la prévention, l’organisation des soins et le médicament sur lequel le conseil de la Cnam s’est prononcé. Évidemment, toutes les mesures n’auront pas le même impact immédiat, mais la recommandation de l’assurance maladie consiste à tout lancer sans attendre.
Concernant le Nutriscore, nous allons au-delà de la simple taxation de la publicité sur les produits agroalimentaires : nous préconisons de rendre obligatoire l’affichage du Nutriscore dans toute publicité. Pour la question des produits alimentaires abordables et sains, notre rapport consacre plusieurs pages à la question de la TVA, notamment au paradoxe d’appliquer le même taux à un produit ultratransformé congelé et à des fruits et légumes frais. Notre recommandation, à taux global de TVA constant, vise à reconsidérer la répartition entre le taux à 20 % et les taux réduits à 10 % et 5,5 %, actuellement fonction du mode de distribution. Nous proposons de réinterroger la façon dont la TVA peut constituer un levier d’orientation des comportements, particulièrement pour encourager la consommation de produits sains.
Sur la question de la santé mentale et des durées de prescription, la limitation de ces durées n’est pas pour nous une fin en soi. Le prescripteur conserve toujours la possibilité de renouveler ses prescriptions. Comme nous l’avons démontré concernant les arrêts de travail de longue durée, nous observons des patients bénéficiant d’arrêts très prolongés qui ne font plus l’objet d’un suivi adéquat par le système de santé. Notre préoccupation centrale est que les patients ne quittent pas totalement le système de soins et ne se désinsèrent pas professionnellement. Les recommandations scientifiques de la Haute Autorité de santé préconisent un suivi régulier du patient. En matière de santé mentale, un premier arrêt de quinze jours sans revoir le patient présente un risque réel d’aggravation de sa dépression. Notre objectif premier vise à limiter la dépense en évitant que la personne ne voie son état de santé se détériorer progressivement. C’est fondamentalement le sens de notre rapport. La soutenabilité de notre système repose essentiellement sur la réduction de la gravité des pathologies. Voilà précisément l’orientation des propositions formulées dans le chapitre consacré aux arrêts de travail : assurer un meilleur suivi des patients manifestement sortis du système de soins, qui ne bénéficient plus de prestations médicales et ne consultent pas suffisamment les professionnels de santé responsables de leur prise en charge.
Concernant le gaspillage, nous consacrons effectivement tout un chapitre à cette question. Une disposition est entrée en vigueur, consistant à limiter à sept jours la primo-délivrance de pansements à domicile par les pharmaciens et prestataires, permettant ainsi aux infirmiers libéraux d’adapter la prescription aux besoins réels du patient. Un rapport sur les médicaments à l’unité a également été publié.
M. Thomas Fatôme. La recommandation limitant à quinze jours la durée de prescription d’arrêt de travail pour un trouble dépressif mineur n’émane pas de l’assurance maladie, mais de la Haute Autorité de santé. Nous travaillons actuellement avec la Haute Autorité de santé et le Collège de médecine générale à l’actualisation des recommandations, particulièrement pour les dépressions mineures, modérées et sévères. Un nouveau cadre élaboré par les sociétés savantes sera disponible avant la fin de l’année. Il appartiendra ensuite à l’assurance maladie de veiller au respect de ces référentiels. Il paraît parfaitement pertinent et consensuel d’affirmer qu’une personne nécessite un suivi régulier, plutôt que de lui accorder un arrêt de deux ou trois mois sans accompagnement adapté pour ce type de troubles.
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La réunion s’achève à dix-sept heures trente.
Présents. – Mme Ségolène Amiot, M. Thibault Bazin, M. Christophe Bentz, M. Théo Bernhardt, Mme Sylvie Bonnet, M. Elie Califer, M. Paul-André Colombani, Mme Sandra Delannoy, M. Fabien Di Filippo, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Karen Erodi, M. François Gernigon, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Michel Lauzzana, Mme Christine Le Nabour, Mme Karine Lebon, Mme Joëlle Mélin, M. Thomas Ménagé, Mme Joséphine Missoffe, Mme Anne-Sophie Ronceret, M. Jean-François Rousset, Mme Sandrine Runel, M. Frédéric Valletoux
Excusés. – Mme Anchya Bamana, Mme Béatrice Bellay, M. Arthur Delaporte, Mme Sylvie Dezarnaud, Mme Océane Godard, M. Jean-Carles Grelier, Mme Laure Lavalette, Mme Élise Leboucher, M. Laurent Panifous, M. Sébastien Peytavie, M. Jean-Hugues Ratenon
Assistaient également à la réunion. – M. Pierre Cordier, M. Hendrik Davi, M. Éric Woerth