Compte rendu
Commission de la défense nationale
et des forces armées
— Audition, ouverte à la presse, du général d’armée Thierry Burkhard, chef d’état-major des Armées, sur le projet de loi de finances 2025.
Mardi
15 octobre 2024
Séance de 17 heures
Compte rendu n° 5
session ordinaire de 2024-2025
Présidence
de M. Jean-Michel Jacques,
président
— 1 —
La séance est ouverte à dix-sept heures deux.
M. le président Jean-Michel Jacques. Nous poursuivons cet après-midi notre cycle d’auditions consacrées au projet de loi de finances pour 2025 pour ce qui concerne la mission Défense.
Les 50,5 milliards d’euros de crédits budgétaires prévus en 2025 pour notre défense sont la traduction du juste nécessaire, et nous veillerons à ce que chaque euro utilisé soit optimisé. Cette enveloppe, en augmentation de 3,3 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2024, est par ailleurs conforme à la trajectoire adoptée en loi de programmation militaire. Elle permet de répondre à l’impérieuse nécessité de pouvoir compter sur un outil de défense cohérent et capable de nous protéger face aux menaces dans un monde chaque jour plus dangereux.
Le réarmement massif de nos compétiteurs, la rapidité des boucles technologiques, l’emploi de plus en plus décomplexé des forces par certains acteurs et l’instabilité géostratégique à l’échelle mondiale s’imposent à nous. Il nous faut donc, plus que jamais, respecter le cap fixé par la loi de programmation militaire et conserver à nos armées leur supériorité opérationnelle. Cela passe par la maîtrise et le renforcement de nos capacités d’analyse, de décision et d’action.
Afin de remplir cet objectif, la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030 s’articule autour de quatre axes. Le premier consiste à moderniser notre dissuasion nucléaire, clé de voûte de notre défense, dans toutes ses composantes et dans une logique de stricte suffisance. Le deuxième à assurer à nos armées la capacité à être prêtes à réagir de manière décisive dans le cas d’un éventuel engagement majeur. Le troisième à donner à nos armées les capacités d’agir dans les champs matériel et immatériel, ainsi que face aux menaces hybrides. Le quatrième à renforcer nos territoires d’outre-mer pour les protéger encore davantage face aux pressions de nos compétiteurs.
Un premier point qui fait pour moi l’objet d’une attention particulière concerne les ajustements prévus dans le projet de loi de finances pour 2025, afin d’adapter notre outil militaire à l’évolution des menaces – je pense par exemple à la place plus importante à donner à l’intelligence artificielle ou aux munitions. Pourriez-vous dresser un état des lieux de ces ajustements et nous indiquer quels sont les secteurs faisant l’objet de priorités particulières et les éventuels ajustements capacitaires qui en découlent ?
Mon second point concerne les ressources humaines. Au-delà de la trajectoire financière et capacitaire, il ne faut jamais oublier les femmes et les hommes, civils et militaires, qui composent nos armées. Pourriez-vous détailler les mesures prévues en 2025 pour améliorer les conditions de travail et de vie des personnels, notamment dans le cadre du plan Fidélisation 360 ? Pourriez-vous également revenir sur la mise en œuvre particulièrement attendue du chantier de la revalorisation des grilles indiciaires ?
M. le général d’armée Thierry Burkhard, chef d’état-major des armées. Trois semaines après ma dernière audition, durant laquelle je vous avais fait part de mon appréciation sur l’environnement stratégique dans lequel les armées sont engagées, avant de faire un tour non exhaustif des opérations, je vous retrouve aujourd’hui, comme prévu, pour vous parler du projet de loi de finances pour 2025. Comme vous l’avez rappelé, Monsieur le président, cela s’inscrit, pour les armées, dans le cadre de la loi de programmation militaire pour 2024-2030, qui porte une ambition de transformation pour permettre à la France de faire face aux nouvelles menaces et de maintenir son rang.
En préambule, je rappelle qu’une LPM se construit en fonction du présent et du futur. Pour ce faire, on commence par identifier les menaces, puis on identifie les moyens d’y répondre et, enfin, on le fait en s’inscrivant dans une ambition. Dans cet esprit, je vous indiquerai d’abord les données d’entrée de la construction de la LPM, puis les trois axes d’effort identifiés pour construire cette loi, en insistant sur les réponses aux questions posées à propos des RH, ou ressources humaines, de l’intelligence artificielle et des munitions.
La première donnée est la cohérence comme clé de la construction. Il est en effet très important de rester cohérents dans les actions que l’on conduit, car c’est ce qui permet de disposer de capacités opérantes. C’est d’ailleurs, comme vous l’avez noté, ce même principe qui régit notre soutien à l’Ukraine. La seconde donnée est la sanctuarisation du cœur de souveraineté, liée à la singularité de notre pays et de son positionnement stratégique, qu’il ne faut jamais oublier.
La cohérence doit être privilégiée dans les actions de renouvellement capacitaire, ce qui diffère d’une logique de parc. Il s’agit en effet de disposer, chaque fois, de matériels assortis d’un potentiel d’utilisation et de munitions pour la préparation opérationnelle et l’engagement, ainsi que d’une autonomie logistique pour l’engagement. C’est ce qui permet d’ajuster l’ambition aux réalités sans la dénaturer. Cela sincérise nos capacités opérationnelles face à la menace des engagements qui peuvent aujourd’hui nous être imposés. Cela permet également de consolider le modèle français de défense, qui se caractérise par son autonomie et sa souveraineté, et qui doit être le plus complet possible – ce qui diffère des choix que peuvent faire d’autres armées, mais qui nous permet aussi de mener les opérations Sagittaire ou de déployer des forces de sécurité intérieure en Nouvelle-Calédonie sans devoir faire appel à d’autres pays.
La sanctuarisation du cœur de souveraineté vise à consolider le socle – ledit « cœur de souveraineté » – face aux conditions évolutives de l’environnement stratégique, ce qui nous permet de vivre – c’est le fonctionnement courant – et de remplir nos missions de protection partout et en toutes circonstances. Cet impératif correspond donc à notre mission de protéger le territoire national, en métropole comme outre-mer, dans les milieux physiques – terre, air, mer, cyber et espace –, mais aussi dans les champs immatériels – informationnel ou électromagnétique. Il y faut donc une capacité d’appréciation de situation autonome : c’est le sens de la transformation numérique. À cet impératif répond aussi Artemis IA, qui met au cœur du renseignement le traitement de la donnée de masse. Il s’agit également de maintenir une dissuasion crédible – laquelle, en outre, tire vers le haut l’ensemble des armées, en particulier la marine et l’armée de l’air et de l’espace.
Pour que les armées puissent remplir leurs missions, cinq ressources sont les critères impératifs de succès de la stratégie militaire générale. Il s’agit tout d’abord, vous l’avez dit, des ressources humaines. Les hommes et les femmes de nos armées sont notre bien le plus précieux : il faut les considérer comme tels et être cohérents dans la manière dont on les traite. Les forces morales doivent, bien évidemment, être articulées avec celle de la nation. Cela suppose des ressources matérielles et numériques, un cadre administratif et financier adapté aux spécificités et aux enjeux de la transformation des armées ainsi qu’à leurs engagements et, enfin, un conditionnement à la haute intensité assuré par le durcissement de notre préparation opérationnelle et la transformation de notre commandement interarmées.
J’insisterai d’abord, comme vous me l’avez demandé, sur le volet RH, qui conditionne directement – et plus qu’aucun autre – nos capacités. Comme je vous l’avais dit l’année dernière, nous avons lancé un groupe de travail en vue de réviser notre modèle, le but étant de tenir compte non seulement des évolutions sociétales – car les militaires sont dans la société –, mais aussi des conditions du marché du travail, car il n’existe qu’un seul marché du travail, qui concerne les militaires comme les civils.
L’état militaire impose des sujétions, qui sont les garantes de l’efficacité opérationnelle. Elles ne vont pas diminuer, bien au contraire, et elles percutent les standards de vie civile. Tant mieux si le monde civil peut vivre avec moins d’incertitudes et plus de facilités, mais ce n’est probablement pas possible pour les militaires – j’en donnerai par la suite quelques exemples – et le caractère spécifique de l’état militaire doit être pris en compte par la nation.
C’est en particulier le cas de la mobilité, qui est un impératif pour le militaire, car elle est la condition sine qua non de l’escalier social essentiel au fonctionnement des armées. Cette mobilité a évidemment un impact très important sur le militaire, mais elle n’est généralement pas pour lui déplaire – je connais peu de militaires qui disent qu’ils auraient préféré passer toute leur vie dans le même régiment, sur la même base aérienne, dans le même état-major ou sur le même bâtiment. Ainsi, la mobilité est acceptée et fait partie du sel de la vie militaire, mais son impact est particulièrement fort – et aujourd’hui sans doute plus que par le passé – sur les familles. Cet impact touche d’abord la conjointe ou le conjoint du militaire, d’autant plus que, désormais, 80 % des militaires, toutes catégories confondues, sont mariés ou vivent en couple, alors que, auparavant, ce pourcentage était plutôt de l’ordre de 25 % à 30 % chez les officiers et de 50 % à 60 % chez les sous-officiers. Pour les conjoints, la mobilité qui intervient tous les deux à cinq ans rend plus difficile le développement de la vie professionnelle. Elle a également un impact sur la scolarité des enfants, pour lesquels il faut trouver un nouveau lieu de scolarité – les enfants ne tiennent généralement pas à changer de professeurs et, même s’ils sont contents une fois que le changement a eu lieu, la mobilité provoque quelques tensions. Sont également rendus plus difficiles l’accès à la propriété et l’accès aux soins, du fait de la nécessité de trouver un médecin référent dans des zones où les demandes sont parfois sur liste d’attente. La mobilité impacte donc davantage la famille que le militaire et l’impératif devient ainsi une contrainte, dont nous devons tenir compte. Cela suppose en particulier un investissement en infrastructures pour le logement et pour la préparation opérationnelle, avec 3,1 milliards d’euros prévus pour 2025.
Mon second point est que, puisque la nation finance son armée pour ce qu’elle est capable de faire – remplir la mission de défense, si nécessaire au péril de sa vie au niveau individuel –, la solde doit être à la hauteur de ce statut et exprimer une reconnaissance de cet état. On ne doit pas payer les militaires pour ce qu’ils font mais, je le répète, pour ce qu’ils doivent être capables de faire. Il ne s’agit donc pas d’un paiement à l’acte, qui serait antinomique avec le statut et ce que l’on attend qu’ils fassent.
Il faut donc aller vers plus d’indiciaire, car c’est ce qui correspond le plus à la logique du statut. Ainsi, la revalorisation de la grille indiciaire des sous-officiers et des officiers sera en effet la bienvenue. C’est un rééquilibrage très important et très attendu.
Il faut également être en phase avec les révolutions technologiques et les tensions sur le marché de l’emploi, en assurant l’attractivité des parcours professionnels et une fidélisation par le rééchelonnement des grilles indiciaires que je viens d’évoquer. Il faut également assurer un niveau d’activité permettant aux militaires d’être aptes à l’engagement opérationnel avec leur matériel.
À partir de ces données d’entrée, nous avons défini trois axes d’effort pour être à la hauteur de ces enjeux.
Premier de ces axes, la cohésion nationale qui est le centre de gravité de la nation, et donc une cible privilégiée pour nos adversaires. Elle est aussi ce qui pourrait faire perdre une guerre avant même d’y engager nos forces, faute de la volonté même de décider de le faire. Bien sûr, les armées ne portent pas l’entière responsabilité de la cohésion nationale, mais elles y contribuent.
Cette contribution passe par le renforcement du lien armée-nation, avec un effort assumé des armées en direction de la jeunesse – frange de la population avec laquelle nous avons le plus de contacts. Nous devons augmenter notre surface de contact car, bien que les militaires aient l’impression d’être très visibles, leur présence – 250 000 militaires dans un pays de 60 millions d’habitants – est, en réalité, minuscule et, du fait de la suspension du service national, de très nombreux Français – de l’ordre probablement de 70 % à 75 % – ne sont jamais véritablement en contact avec un militaire, même s’ils en voient aux informations télévisées. Parler avec un militaire de son métier et du milieu militaire est une situation qui, par la force des choses, se raréfie. Nous devons donc augmenter cette surface de contact. On estime qu’avec les dispositifs existants, 80 000 jeunes environ sont en contact avec les armées, sous différentes formes, soit 10 % d’une classe d’âge de 800 000 personnes. C’est bien, mais évidemment pas suffisant et nous devons donc passer à une autre échelle.
Différentes actions ont été lancées en vue de contribuer à diffuser l’esprit de défense, en particulier grâce aux partenariats avec les Inspé, les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation, organismes de formation des professeurs. Ces partenariats reçoivent un bon accueil et visent, comme c’est déjà le cas, à sensibiliser les professeurs, durant leur formation, à l’enseignement de défense en mettant à leur disposition un portail qui leur donne accès à des ressources leur permettant d’illustrer ou de construire leurs cours grâce à des produits existants, et qui leur indique également comment créer une classe de défense ou contacter un militaire qui viendra faire une intervention dans leur classe. Ce dispositif, qui vient d’être lancé, fonctionne plutôt bien.
Je citerai également la création d’un bureau jeunesse et cohésion nationale à l’état-major des armées, chargé de piloter par le haut cet important chantier de la cohésion nationale. Cette démarche est déclinée par les armées, directions et services, qui disposent de la matière pour ce faire. Au sein de cette division de l’état-major des armées consacrée à la cohésion nationale, nous avons nommé, dans le cadre d’un échange avec l’éducation nationale, une inspectrice qui apporte la vision de cette administration afin de faciliter les contacts et la compréhension. Ce mécanisme fonctionne bien et continuera à prendre de l’ampleur.
Il faut, ensuite, développer les liens avec l’enseignement supérieur en s’appuyant sur des dispositifs existants, comme le cycle IHEDN-jeunes de l’Institut des hautes études de défense nationale. Les armées proposent en outre de nombreuses formules pour expliquer ce que nous faisons, comme les Escadrilles Air Jeunesse (EAJ), le rallye « Aux sports citoyens ! », le stage de troisième – ou, l’année dernière, le stage de seconde – et les préparations militaires perlées.
La JDC – journée défense et citoyenneté – nouvelle génération, dont vous a peut-être parlé le ministre et dont l’étude et la mise en œuvre sont menées par la DSNJ, la direction du service national et de la jeunesse, est probablement l’occasion de densifier les échanges avec la jeunesse. Cette action est en cours de finalisation.
La contribution à la diffusion de l’esprit de défense passe aussi par la réserve, dont nous voulons faire le pilier du lien armée-nation en poursuivant la déclinaison d’Ambition réserves, qui vise au doublement de la réserve et se traduit en 2025 par le recrutement de 3 800 réservistes opérationnels supplémentaires pour la RO1, la réserve opérationnelle de premier niveau. Il s’agit aussi de projets concrets lancés par les armées, comme les flottilles côtières ou les bases aériennes projetables de réserve. Il faut maintenir cet effort pour concevoir les réserves comme un véritable réservoir de capacités employables presque immédiatement ou, du moins, dans des délais raisonnables. Nous devons donc changer d’échelle dans la gestion des réservistes, qui n’est actuellement pas totalement satisfaisante et quelque peu en retard par rapport à celle des personnels d’active. Lorsque nous aurons atteint le volume d’un réserviste pour deux militaires d’active, il faudra, assez logiquement, que la réserve soit nativement intégrée dans l’organisation des armées, non pas avec un réserviste pour un poste, mais en fonction de postes à identifier – qui peuvent être des postes ponctuels qui ne sont pas activés toute l’année ou des postes activés toute l’année et pour lesquels il faut prévoir plusieurs réservistes. Une véritable mise à plat est en cours dans les armées, directions et services pour voir où positionner les réservistes et pour définir la qualité et le rendement attendus.
Il ne suffit pas de convoquer les réservistes : il faut aussi des moyens correspondants. De fait, hors du cas d’une mission inopinée, on ne peut pas les faire dormir sur un lit de camp dans un gymnase. En régime de croisière, la situation actuelle n’est pas totalement satisfaisante et des infrastructures sont nécessaires. Je m’attends à ce que l’on s’étonne un jour que je dispose d’une infrastructure pour des réservistes qui ne sont pas présents tous les jours, mais nous devons aller au bout de la démarche : les réservistes doivent être équipés car, dans dix ans, il ne sera pas normal qu’ils aient encore des Famas si toute l’armée d’active dispose de HK – Heckler & Koch. Il nous faut donc être cohérents dans les moyens que nous consacrerons à l’augmentation du nombre de réservistes.
Par ailleurs, si notre organisation repose davantage sur les réservistes, nous devons aussi être conscients de la nécessité d’assurer cette ressource. Bien souvent, en effet, nous convoquons un réserviste après qu’il s’est assuré lui-même de sa disponibilité, tant à titre personnel que vis-à-vis de son employeur, qui doit être prêt à le libérer. Si donc nous évoluons vers une organisation beaucoup plus intégratrice des réservistes, il faut pouvoir compter sur eux et avancer vers un nouveau dispositif. Le volontariat passera alors par la contractualisation au titre d’un ESR, un engagement spécial réserve, tandis que la convocation supposera un préavis d’un délai suffisant – nous verrons s’il faut prévoir, par exemple, quinze jours ou un mois. Il faudra aussi, en la matière, une sorte d’obligation, faute de quoi nous consacrerons des moyens à une ressource dont nous ne serons pas certains de pouvoir tirer tout ce dont nous en attendons, ce qui n’est ni très cohérent ni conforme à une bonne utilisation de l’argent public. C’est là un problème complexe, dans la résolution duquel vous aurez certainement un rôle à jouer en modifiant les règles du volontariat ou les contraintes qui s’y appliquent.
La contribution par le partenariat de la BITD – base industrielle et technologique de défense – élargie, en incluant les start-up et les PME et TPE, passe par une optimisation des moyens et par l’expression claire des besoins. Pour ce faire, il nous faut trouver ensemble un équilibre entre, d’une part, le développement des programmes pour des armes, des équipements de décision – les grands programmes à effets majeurs que vous connaissez, comme le PANG, ou porte-avions de nouvelle génération, le Rafale, le MGCS, ou système principal de combat terrestre, le SCAF, ou système de combat aérien du futur, et tout ce qui accompagne ces programmes, qui devront sans doute, bien plus qu’aujourd’hui, s’intégrer et répondre à un impératif d’évolution – et, d’autre part, des acquisitions plus réactives d’armes d’usure présentant une durée de vie limitée, comme les drones de combat spécialisés ou les drones de commandement.
Il faut, enfin, investir dans les nouveaux champs cyber. Sont ainsi prévus en 2025 une centaine de millions pour le patch intelligence artificielle et 700 millions pour l’espace. Il s’agit, dans le domaine du développement capacitaire, de réinventer une relation sans la fragiliser.
Il faut, enfin, contribuer à la résilience de la nation par l’appui aux FSI, les forces de sécurité intérieure – ce qui est du reste régulièrement le cas, comme vous avez pu notamment le constater cet été à l’occasion des Jeux olympiques et paralympiques (JOP). Il faut aussi contribuer à la résilience numérique, ce qui était déjà le cas pour les JOP, mais d’une manière plus spécifique. C’est là une partie des missions du Comcyber, le commandement de la cyberdéfense, qui peut venir en appui à la résilience numérique de la nation, en soutenant par exemple certaines entreprises. Il faut aussi partager les expertises duales avec des parcours croisés entre civils et militaires dans les domaines clés que sont le numérique, le renseignement, l’intelligence artificielle, l’espace ou la santé.
Après la cohésion nationale, qui était notre premier axe et notre centre de gravité, vient celui de la solidarité stratégique, car les engagements en coalition sont aujourd’hui incontournables et s’ancrent dans les alliances auxquelles nous appartenons. Ce deuxième axe d’effort découle de la nécessité de toujours nous demander avec qui nous agirons : outre les moyens dont nous disposons, il s’agit en effet de savoir qui sont nos alliés et ce que peut nous fournir le monde civil.
C’est là une nécessité, car les défis dépassent nos seuls moyens. Nous devons changer la dimension de nos partenariats en étant plus ambitieux encore. Cela nous impose d’être plus rassembleurs que meneurs, et donc ne pas être systématiquement en première ligne – c’est là un point important qui n’est pas toujours bien compris. L’opération Aspides en est un exemple.
À quelques mois des élections américaines de novembre 2024, la guerre en Ukraine dépasse le sort de ce seul pays. C’est l’heure de vérité pour le pilier européen de l’Otan, qui est une alliance militaire efficace et dont nous devons continuer à crédibiliser le C2 – sa fonction opérationnelle de commandement et de contrôle –, sa génération de forces, ses plans d’opérations et son programme d’entraînement.
Les armées françaises tiennent toute leur place dans cette stratégie qui contribue directement à notre protection. Les efforts engagés par les armées sur le segment Europe-Otan vont dans le sens de cette approche pragmatique, avec la création de plusieurs états-majors ou la reconduction de certaines opérations. L’état-major interarmées du territoire national est ainsi une réponse aux enjeux qui pourraient nous échoir si nous devions accueillir des renforts sur notre sol. L’armée de terre a ainsi créé le Commandement Terre Europe, qui contrôle de manière opérationnelle les forces engagées en Europe ou déployées en Estonie, en Roumanie ou en Pologne. La marine nationale connaît une intégration croissante dans des task groups en Atlantique, en Baltique et en Méditerranée, et l’armée de l’air et de l’espace des déploiements dans des missions Air Shielding au-dessus de la Pologne et des pays baltes, ainsi qu’une interopérabilité de ses états-majors avec Aircom, le commandement aérien allié.
Le soutien à l’Ukraine dans la durée doit se combiner avec notre propre transformation. Je citerai à cet égard la formation de la brigade ukrainienne actuellement dans les camps de Champagne, qui s’appuie sur une logique de cohérence alliant une formation tactique à l’utilisation des équipements cédés avec leur soutien et leur approvisionnement en munitions.
Je mentionnerai aussi la déclinaison du patch outre-mer. Beaucoup d'efforts nécessaires ont été planifiés dans la loi de programmation militaire, avec 13 milliards d’euros et une augmentation de 10 % des effectifs.
Il faut évoquer aussi la transformation profonde de notre dispositif en Afrique, visant à nous permettre de rester actifs et influents auprès de nos partenaires sans subir les effets de l’instabilité chronique du continent.
Le champ de la solidarité stratégique est également celui où s’expriment tous les enjeux d’influence et de lutte informationnelle, que nous structurons progressivement : doctrine et stratégie, savoir-faire, acculturation dans les armées.
Après la cohésion nationale et la solidarité stratégique, le dernier axe d’effort concerne notre crédibilité opérationnelle, qui irrigue les deux précédents et qui en est nourrie. La crédibilité opérationnelle s’appuie sur l’ambition de gagner la guerre avant la guerre, tout en étant apte à s’engager dans un affrontement de haute intensité. Être prêt pour la guerre suppose une préparation opérationnelle durcie, de haute intensité, dans un environnement M2MC – multimilieux multichamps – et dans un cadre interarmées et interallié, en incluant les chaînes de soutien. Cette démarche se manifeste par des exercices comme Orion 23 hier et Orion 26 demain, Warfighter, Polaris ou Pégase, ainsi que par le recours au wargaming pour démultiplier l’activité réelle. À cette fin, il est prévu, au titre de l’EPM – l’entretien programmé des matériels –, 160 millions supplémentaires pour l’activité et une hausse de la disponibilité technique de 4 % entre 2024 et 2025.
Cela se décline évidemment au niveau des armées et des directions et services interarmées, les DSIA : l’armée de terre avec son plan stratégique Supériorité opérationnelle 2030 et le projet Apogée, qui vise à moderniser les espaces d’entraînement, la marine avec son plan stratégique Marins de combat, l’armée de l’air et de l’espace avec son concept Morane – mise en œuvre réactive de l’arme aérienne –, qui vise à créer des points d’appui choisis en maîtrisant l’empreinte logistique et humaine et l’augmentation de la simulation massive en réseau pour contourner les défis de l’A2/AD, le déni d’accès et interdiction de zone.
Les DSIA sont engagés sur tous nos grands exercices, qu’il s’agisse d’Orion 23 ou Orion 26, de Dacian Spring l’année prochaine ou de Mousquetaire, le soutien apporté en tant que nation-hôte à des unités alliées qui traverseraient la France. Il faut citer aussi Orionis pour le MCO – maintien en condition opérationnelle – aéronautique.
Il faut, bien évidemment, poursuivre le renouvellement de nos équipements. Après une LPM de reconstruction, c’est maintenant une LPM de transformation. Outre les programmes majeurs que j’ai déjà évoqués, d’autres efforts sont à poursuivre pour ce qui concerne les munitions, avec l’accélération de la production de missiles Aster – missile Aster B1NT (Block 1 nouvelle technologie) – Mica – missile d’interception, de combat et d’autodéfense –, Scalp – système de croisière conventionnel autonome à longue portée – et Exocet, ainsi que de munitions de 155 millimètres, avec un effort sur les stocks et les flux. Pour ce qui est de la défense aérienne, 500 millions sont prévus en 2025 pour défense surface-air, la DSA, en particulier dans le domaine de la lutte contre les drones, de l’autoprotection des frégates, de la capacité des canons de 40 millimètres et des armes à énergie dirigée.
Quant aux armements futurs, on peut citer les rénovations à mi-vie de Meteor – missile air-air à longue portée – et des missiles de croisière navals, ainsi que le développement de systèmes tels que le FMAN, futur missile antinavire, le FMC, futur missile de croisière et le successeur du LRU, le lance-roquettes unitaire.
Gagner la guerre avant la guerre, c’est peser sur la guerre en emportant la décision durant les phases de compétition et de contestation. C’est, en quelque sorte, éviter la guerre. Cela implique de renforcer la manœuvre de signalement stratégique, d’avoir une stratégie de long terme et d’anticiper – ce qui prend du temps et n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît. Cela nécessite aussi de prendre en compte les évolutions du champ informationnel et leurs impacts. Il faut ensuite continuer de faire évoluer notre commandement interarmées en recherchant une plus grande plasticité afin de nous adapter aux différents types de situation et de faciliter l’initiative. Nous devons par ailleurs accélérer la transformation numérique pour aider à la décision, aller plus vite que l’adversaire et être en mesure de traiter de la donnée en masse – c’est-à-dire gagner du temps.
Il faut enfin être capable de dominer et de durer : la soutenabilité du modèle est un critère fondamental de notre crédibilité et de notre liberté d’action sur le long terme. Les développements capacitaires et les opérations doivent toujours être évalués sous cet angle. Cela nécessite une analyse de la valeur complète au lancement d’un programme, afin d’éviter les effets d’éviction.
Le PLF pour 2025 démontre que la nation a conscience de la situation internationale et des menaces qui pèsent sur notre pays en particulier. Quant aux armées, elles mesurent pleinement l’effort de la nation et l’exigence qu’il suppose dans l’emploi des ressources qui leur sont allouées.
M. le président Jean-Michel Jacques. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Laurent Jacobelli (RN). Nous constatons que la défense est relativement épargnée par les coupes budgétaires et qu’elle devrait, du moins en apparence, bénéficier de la hausse de 3,3 milliards d’euros prévue dans la LPM pour atteindre un budget de 50,5 milliards. Le groupe Rassemblement national vérifiera néanmoins dans le détail la réalité de cette hausse qui, à l’aune de ce qui s’est passé en 2024, nous semble fragile : alors que la provision pour les opérations extérieures (Opex) s’établit à 750 millions, le mécanisme de solidarité interministérielle risque de ne pas absorber en totalité le dépassement, qui atteint d’ores et déjà 2 milliards. Le budget de la défense risque de s’en trouver alourdi. Il risque également de l’être par l’aide à l’Ukraine – 3 milliards d’euros cette année –, censée relever de la même solidarité interministérielle mais dont nous craignons fort qu’elle ne repose principalement sur la défense, au détriment de la reconstruction de nos propres forces. Il est à craindre que ce scénario se répète, voire s’aggrave en 2025, tant la situation financière catastrophique de notre pays rend illusoire la solidarité entre les différents ministères.
Nous nous inquiétons du sort des 50,5 milliards d’euros du budget de la défense, d’autant plus que 2,6 milliards ont fait l’objet de gels et surgels en 2024. Rien ne garantit qu’il n’en sera pas de même en 2025. Le budget que vous aurez à gérer pourrait ainsi s’établir entre 47 et 50,5 milliards d’euros à périmètre constant – celui de la LPM. Au cas où vous auriez à financer l’intégralité du montant des opérations extérieures, quels postes vous semblent devoir être sanctuarisés ? Sur lesquels y aurait-il au contraire des marges de manœuvre ?
M. le général d’armée Thierry Burkhard. Le budget opérationnel de programme (BOP) Opex dépassera effectivement les 800 millions d’euros, mais cela n’a rien d’anormal : cela s’explique par des engagements qui n’avaient pas été prévus. Les Jeux olympiques – qui nous ont coûté entre 300 et 400 millions – avaient été prévus, mais ce n’est pas le cas du soutien à la projection des forces de sécurité intérieure (FSI) en Nouvelle-Calédonie, qui a nécessité un effort conséquent.
Quant à l’absorption de ce dépassement par un mécanisme de solidarité interministérielle, le Parlement a veillé à ce qu’elle figure dans la loi. Or, il lui revient aussi de contrôler l’application de celle-ci. Vous avez souligné que, compte tenu de la situation budgétaire, la mise en œuvre de ce mécanisme ne serait peut-être pas souhaitable, ou pas possible – du moins, pas pour la totalité du dépassement. J’espère quoi qu’il en soit qu’elle le sera, dans la plus grande mesure possible.
Vous me demandez enfin à quels postes je renoncerais, le cas échéant. Il ne s’agit pas de réduire le financement par postes entiers mais de façon cohérente, conformément à la LPM. Nous n’avons pas intérêt, par exemple, à atteindre le nombre de matériels ciblés si nous ne pouvons pas organiser les entraînements nécessaires, assurer le MCO et disposer des munitions. Il s’agit, après avoir probablement opéré les renoncements que vous évoquez, de conserver le maximum de capacités.
M. François Cormier-Bouligeon (EPR). Je veux d’abord, au nom de mon groupe, avoir une pensée pour les soldats français de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), sous le feu d’un conflit né du non-respect par le Hezbollah de la résolution 1701 des Nations unies – dont sont d’abord victimes les civils des deux côtés de la frontière.
C’est en tant qu’ancien rapporteur spécial du programme 178, Préparation et emploi des forces, et désormais rapporteur spécial de l’action Dissuasion du programme 146, Équipement des forces, que je m’adresse à vous. La préservation de nos capacités de frappe à longue portée est impérative dans le contexte stratégique que nous connaissons. Or le lance-roquettes unitaire (LRU) arrive en fin de vie et son remplacement devient urgent. La LPM prévoit que « s’agissant des capacités de frappe de longue portée, la recherche d’une solution souveraine sera privilégiée pour remplacer le lance-roquettes unitaire dans les meilleurs délais ». Or, à ce stade, aucune commande n’a été lancée auprès de nos industriels. Selon certaines sources, l’hypothèse d’un achat sur étagère de solutions étrangères serait même à l’étude, voire privilégiée – ce qui contrevient à la LPM votée par le Parlement.
Pourriez-vous nous éclairer sur ce point ? Quelle solution l’état-major des armées privilégie-t-il ? Le recours à des solutions étrangères ne serait-il pas de nature à restreindre nos capacités d’emploi de ce système d’armes ? Par ailleurs, le successeur du LRU ne sera peut-être pas suffisant dans le contexte stratégique actuel. Le conflit en Ukraine ainsi que les récentes attaques de l’Iran des mollahs rappellent que les capacités de frappe à très longue portée de type missiles balistiques terrestres constituent une arme stratégique pour nos compétiteurs. C’est dans ce contexte que cinq pays européens, dont la France, ont signé en juillet 2024 une lettre d’intention pour travailler au développement d’une capacité de frappe dans la profondeur, dans le cadre de l’initiative Elsa (Approche européenne sur les frappes de longue portée) de l’Otan. Quelles sont les solutions capacitaires étudiées par l’état-major des armées dans le cadre de ce projet européen et comment celui-ci s’articulerait-il avec le successeur du LRU ?
M. le général d’armée Thierry Burkhard. Je vous remercie d’avoir rendu hommage aux soldats de la Finul. Français ou non, ils remplissent la mission qui leur a été confiée au travers de la résolution 1701 ; il est important de le rappeler.
S’agissant des frappes dans la profondeur, elles peuvent être de courte ou de longue portée et vous avez raison, à ce titre, de distinguer le successeur du LRU de l’initiative ELSA. Pour le premier, la LPM dispose effectivement qu’une solution souveraine devra être privilégiée. Le délégué général pour l’armement (DGA) pourra vous apporter des informations plus précises, mais je puis déjà vous indiquer quant à moi que cet objectif n’a pas été abandonné. À défaut d’une contractualisation, les entreprises avec lesquelles nous allons travailler sont bien identifiées, et nous avançons sur ce projet.
Nous privilégions quasi systématiquement des solutions souveraines : l’armée française dispose de très peu d’armements étrangers. Comprenez néanmoins que nous puissions nous poser la question de l’utilisation que nous faisons de l’argent public, et que je ne puisse pas recommander l’achat d’équipements plus onéreux que ceux que l’on trouve sur étagère dans d’autres pays. La question ne se pose pas pour certains matériels, compte tenu des conséquences importantes qu’aurait une perte de souveraineté. Pour d’autres, en revanche, nous sommes en droit, tout en gardant à l’esprit la priorité à l’industrie nationale, de nous interroger – je précise néanmoins que n’est pas le cas à ce stade pour le successeur du LRU.
Quant à l’approche européenne ELSA, elle concerne les frappes dans la grande profondeur, à quelques milliers de kilomètres. Compte tenu de l’évolution de l’environnement stratégique et des armes utilisées sur les théâtres d’opérations par les différents belligérants, en Ukraine comme au Proche et Moyen-Orient, la question de la détention de ce type d’arme se pose. Elle prend tout son sens dans le cadre d’un pilier européen de la défense et de travaux de recherche et de développement communs.
M. Abdelkader Lahmar (LFI-NFP). Ma question concerne l’actualité internationale la plus brûlante et l’impact qu’elle aura sur le budget des armées. Au début du mois d’octobre, l’Iran a lancé plusieurs centaines de missiles en direction d’Israël, en réponse à l’élimination de chefs du Hezbollah libanais et du Hamas palestinien. La plupart de ces missiles ont été interceptés et la seule perte humaine à déplorer est celle d’un civil palestinien en Cisjordanie. Le 2 octobre, à l’issue d’un conseil de défense à l’Élysée, nous avons appris par un communiqué du ministère de l’Europe et des affaires étrangères que la France avait « participé par ses moyens militaires au Moyen-Orient à parer la menace iranienne ». À ma connaissance, notre pays n’a pourtant jamais signé d’accord d’assistance ou de coopération militaire avec Israël. En avril dernier déjà, après une première salve de missiles iraniens en direction d’Israël, le Président de la République avait avoué du bout des lèvres que la France avait participé aux opérations d’interception. Le soutien militaire à Israël devient donc récurrent.
Si le Président de la République a annoncé l’arrêt des ventes d’armes à Israël, avant de rétropédaler sous la pression des partisans du gouvernement d’extrême droite de M. Netanyahou, il semble que cet appui au régime israélien prenne aujourd’hui une forme beaucoup plus directe, bien éloignée du rôle de médiateur et de défenseur de la paix que devrait jouer la France dans la région. Cela signifie-t-il que notre pays est impliqué militairement dans une nouvelle opération extérieure, qu’il faut donc planifier et financer ? Les documents budgétaires en notre possession montrent pourtant une stabilité des crédits alloués aux surcoûts liés aux opérations extérieures. Ma question est donc simple : quels sont les moyens concrètement mobilisés par nos armées pour intercepter les missiles iraniens visant le sol israélien, et quels sont les surcoûts entraînés pour les opérations extérieures ?
M. le président Jean-Michel Jacques. Votre intervention n’a qu’un lieu ténu avec le PLF, à l’exception de votre dernière question sur les coûts…
M. Abdelkader Lahmar (LFI-NFP). Le fait d’utiliser des armes a toujours un coût !
M. le général d’armée Thierry Burkhard. Cette question ne concerne pas le PLF pour 2025, mais éventuellement la fin de gestion 2024.
La réunion est suspendue de dix-sept heures quarante-cinq à dix-huit heures quinze.
Mme Josy Poueyto (Dem). Notre groupe est très attaché au respect de la trajectoire budgétaire jusqu’à 2030 telle que définie dans la LPM. Le contexte géostratégique exige de nous une grande responsabilité, en dépit des fortes contraintes qui pèsent sur la préparation du budget pour 2025. Certes, les armées doivent se montrer exemplaires et irréprochables dans les dépenses publiques qu’elles engagent, mais elles ne peuvent être considérées comme une variable d’ajustement budgétaire comme ce fut trop souvent le cas avant 2017. Je rappelle que c’est notre majorité qui a engagé leur réparation depuis cette date, dans le cadre d’une démarche transpartisane. Nous avons engagé collectivement leur transformation et leur modernisation dans la dernière LPM. Notre pays a besoin de cet effort national pour assurer notre sécurité face aux nouvelles menaces, notamment, et pour garantir notre crédibilité à travers le monde.
Je souhaiterais vous interroger sur l’avenir de la présence française au Tchad. J’ai lu en effet dans la presse cet été qu’une diminution des effectifs y était envisagée. Certaines sources évoquaient l’hypothèse d’une division par trois du nombre de militaires français sur la base de N’Djamena. Ces informations sont-elles exactes ? Faut-il y voir un lien avec l’enjeu budgétaire, ou la traduction d’une vision stratégique ? Le Président de la République s’est exprimé sur la volonté de la France de maintenir des forces au Tchad, et l’envoyé spécial Jean-Marie Bockel a fait dès le printemps des déclarations rassurantes, mais je manque d’informations précises pour me faire une idée.
M. le général d’armée Thierry Burkhard. Je vous ai déjà expliqué pourquoi l’évolution de notre dispositif en Afrique, qui est en cours, était nécessaire. J’ajoute que le terme « dispositif en Afrique » est un abus de langage. En réalité, ce dispositif n’est pas décidé globalement ; le volume, la nature des actions à conduire et le calendrier sont définis dans le cadre de la relation spécifique que la France entretient avec chaque pays, en fonction des besoins de celui-ci. Notre dispositif est ainsi cours d’évolution en Côte d’Ivoire, au Gabon, au Sénégal et au Tchad, selon un schéma répondant à ce que chacun d’eux nous demande.
M. Thierry Sother (SOC). Dans le projet de loi de finances pour 2025, qui impose rigueur et austérité partout, la défense semble l’une des seules missions ministérielles à bénéficier d’un budget à la hauteur des attentes, à 50,5 milliards d’euros. Cette somme correspond exactement aux dépenses annoncées, planifiées et adoptées dans le cadre de la loi de programmation militaire 2024-2030. À l’instar du ministre Lecornu, nous devrions pouvoir nous féliciter pour nos troupes et pour nos capacités opérationnelles. Mais le pouvons-nous vraiment ? La LPM a exclu certaines dépenses de ces crédits, et le rapport annexé précise : « La contribution du ministère à la Facilité européenne pour la paix (FEP) et les besoins liés au recomplètement des équipements cédés à l’Ukraine ainsi que les aides à l’acquisition de matériels ou de prestations de défense et de sécurité seront financés en dehors des crédits indiqués par la présente loi de programmation militaire. » J’observe pourtant qu’est mentionnée, dans la sous-action 01.10 du programme 178 – lequel comprend notamment le financement de la FEP –, une opération budgétaire de 197 millions d’euros. Vous expliquez vous-même, dans la présentation de ce programme, que « l’évolution du conflit en Ukraine, où la Russie poursuit son offensive, nécessite de maintenir un rapport de force capable d’empêcher une victoire russe qui serait désastreuse pour la sécurité européenne. Le renforcement des missions de réassurance à l’Est, les formations et l’équipement des forces armées ukrainiennes continueront d’être une priorité. »
Je ne souhaite nullement réduire notre soutien à la Facilité européenne pour la paix ou à l’Ukraine, où nous devons soutenir le plan de victoire présenté par le président Zelensky. Ma question porte sur la sincérité du budget : atteint-il réellement avec précision et rectitude les ambitions de la loi de programmation militaire, ou bien est-il artificiellement gonflé par l’inclusion insidieuse d’autres dépenses ? Si tel est le cas, quel est le montant des crédits qui ne correspondent pas directement à la LPM ?
M. le général d’armée Thierry Burkhard. Votre question est un peu complexe. Je pense que la LPM est sincère. La Facilité européenne pour la paix engage la France, et non pas seulement le budget des armées ; des décisions politiques sont prises pour déterminer les lignes budgétaires sur lesquelles son financement doit être imputé. J’ajoute qu’en retour de ce financement, nous bénéficions aussi de la FEP, et qu’il convient donc de faire un bilan global.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Je vous remercie, Monsieur le président, de m’accueillir exceptionnellement dans votre commission. Ignorant que les débats de ce jour étaient restreints au seul budget, j’avais préparé une question sur Mayotte où vous vous trouviez, général, il y a quelques jours à peine. Je vous dispense donc de répondre ma supplique et à mon appel à l’aide pour Mayotte. Avec tout le respect dû à votre fonction et à votre grade, avec celui que je porte aux hommes et aux femmes qui portent l’uniforme militaire et servent notre pays, quand allez-vous enfin mobiliser nos forces armées pour protéger Mayotte des ingérences comoriennes et de l’instrumentalisation des flux migratoires qui déstabilisent notre département ? Quand ferez-vous évoluer votre stratégie indopacifique et l’organisation des forces armées dans la zone Sud de l’océan Indien (Fazsoi) pour réarmer Mayotte et protéger notre frontière ? Quand déploierez-vous enfin la marine nationale pour aider vos frères d’armes gendarmes et policiers en mer, afin d’exercer notre souveraineté ? Quand mettrez-vous fin à votre coopération militaire avec les Comoriens, qui revendiquent notre territoire ? Quand cesserez-vous de former ceux qui organisent la déstabilisation comorienne de Mayotte ? Quand cesserez-vous de considérer que la progression des expérimentations scientifiques dans les îles Éparses est plus importante que la défense de nos concitoyens de Mayotte, en consacrant enfin davantage de jours de mer aux eaux mahoraises ? Quand allez-vous réellement, activement et concrètement défendre la souveraineté française et vos concitoyens à Mayotte ? Quoi qu’il en soit, je ne poserai pas ces questions, puisqu’elles ne concernent pas spécifiquement le budget.
M. le président Jean-Michel Jacques. Dans la mesure où vous n’avez pas posé de question, je passe directement la parole à M. Bloch.
M. Matthieu Bloch (UDR). Nous avons dû faire nos adieux au Famas, le fusil d’assaut qui a accompagné toute une génération de soldats et de volontaires du service militaire. Il a été remplacé par le HK416, qui n’est pas fabriqué à Saint-Étienne mais dans des usines allemandes. Le FN Scar utilisé par le groupement des commandos parachutistes est fabriqué en Belgique et nos pistolets Glock 17 viennent d’Autriche. Le constat est sans appel. Si nous n’hésitons pas à nous fournir auprès de nos partenaires européens, la réciproque n’est pas toujours vraie, comme le démontre l’expérience du Rafale. Alors que cet avion est l’un des meilleurs du monde grâce à sa polyvalence affichée, nous le vendons bien plus facilement à des nations qui ne font pas partie de l’Union européenne. Il nous faut pourtant garantir notre autonomie en matière de défense, ainsi que la protection de nos troupes et de nos infrastructures, sans dépendre excessivement de technologies et de matériels produits ailleurs. Pour l’heure, nous n’observons pas la mise en œuvre de mesures concrètes qui permettraient à la France, puissance militaire de premier rang, de subvenir à ses besoins. Voyez-vous se manifester une volonté de réindustrialiser le territoire et d’y implanter la fabrication d’armements individuels ?
Notre indépendance technologique se joue également sur d’autres plans. Les semi-conducteurs, dont presque tous les équipements modernes sont équipés, sont en grande majorité produits en Asie, notamment à Taïwan et en Corée du Sud : un problème majeur se poserait en cas de tensions dans la région ou de blocages commerciaux. Quelle est notre dépendance dans ce secteur ? Avons-nous mis en place des stocks stratégiques suffisants pour faire face à une éventuelle rupture d’approvisionnement ?
Enfin, l’achat de nombre de ces matériels à l’étranger n’entraîne-t-il pas un surcoût par rapport à l’achat de matériels fabriqués en France ?
M. le général d’armée Thierry Burkhard. Il reste des Famas. Nous recevrons cette année 8 000 fusils HK416 et nous en avons commandé 8 000 autres – le remplacement court jusqu’en 2030 environ. Les Famas qui restent équiperont notamment la réserve ; il faudra donc généraliser une arme unique pour que la réserve et l’active n’utilisent pas des fusils différents.
Par ailleurs, acheter des équipements à des pays européens, a fortiori à l’Allemagne, à la Belgique et à l’Autriche constitue peut-être un léger accroc à la souveraineté, mais ne fait pas courir un grand risque. Pour construire des Rafale ou un PANG, il faut consentir un effort que l’on peut compenser en acceptant de renoncer à une stricte souveraineté pour des éléments moins importants. En outre, le HK a été sélectionné à l’issue d’un appel d’offres, donc d’une compétition. Si nous achetions des armes dans un pays non européen, on pourrait craindre un péril, mais il n’est pas incohérent, par exemple, de fabriquer un armement conjoint avec les Allemands, comme le système principal de combat terrestre (MGCS) et le SCAF.
M. le président Jean-Michel Jacques. Nous en venons aux questions des autres députés.
M. Frank Giletti (RN). Depuis le mois dernier, nos forces armées forment et équipent les 2 300 soldats de la brigade ukrainienne Anne de Kyiv, dans un camp militaire du Grand Est. Seule la France offre à l’Ukraine un soutien de cet ordre, en mobilisant 1 500 militaires. Cette formation nécessaire aux forces ukrainiennes bénéficie de l’expérience et du savoir-faire de nos armées ; à terme, cette brigade sera en outre équipée de 128 véhicules de l’avant blindé, de dix-huit canons Caesar, de dix-huit blindés de reconnaissance, de dix TRM – camions toutes roues motrices – ainsi que de vingt postes de tir Milan – de missiles d’infanterie légers antichars. Cela pèse sur le budget initialement alloué à nos armées, lesquelles doivent donc pouvoir compter sur la solidarité gouvernementale pour l’abonder si la France veut continuer à apporter son aide aux soldats ukrainiens. Pouvez-vous préciser les coûts de cette formation, en particulier si elle doit perdurer, et son incidence sur l’activité de nos armées ?
M. le général d’armée Thierry Burkhard. Votre question concerne davantage l’exercice 2024 que le PLF pour 2025. Cette formation constitue un volet important de notre contribution au soutien de l’armée ukrainienne. C’est inédit : nous formons un bloc, une brigade avec le matériel qu’elle utilisera, et nous lui livrons ce matériel avec le MCO et les munitions. La brigade sera ainsi employable d’emblée, ou presque.
Il est vrai que cela nécessite un engagement fort de l’armée de terre, ainsi que des soutiens : quand une brigade française vient s’entraîner au camp de Mailly ou de Mourmelon, elle est accompagnée d’une partie de ses soutiens de garnison, qu’ici nous devons fournir. C’est un vrai tour de force du soutien, qui a été parfaitement exécuté. Il y a donc une incidence sur l’activité, mais les partenariats militaires opérationnels, l’instruction et la formation exigent un savoir-faire, qu’il faut maîtriser ; pour les 1 500 militaires français concernés, qui instruisent chacun à leur niveau, cette mission est très valorisante. Quand on transmet un savoir, on le maîtrise mieux. Il n’y a donc pas de perte sèche, ni de distorsion. Je suis vigilant quand une mission est sans rapport avec ce que les gens doivent faire et n’a donc pas d’effet positif sur leurs compétences, mais les militaires engagés dans cette mission en tireront un bénéfice.
M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). L’économie de l’armement finance de plus en plus les start-up, en particulier à l’aide des programmes de l’Agence de l’innovation de défense (AID). Ainsi, dans le cadre du programme de recherche sur un ordinateur quantique français, Proqcima, la DGA, la direction générale de l’armement, a conclu des accords-cadres avec cinq start-up, afin de développer des ordinateurs quantiques d’ici à 2035, pour un budget de 400 millions d’euros. Je pourrais citer d’autres exemples, comme les mini-lanceurs dans le domaine spatial. Or les financements alloués sont flous, tout comme les modes d’évaluation des développements techniques concernés. Comment percevez-vous ces investissements ? Pensez-vous qu’ils risquent de faire échouer les promesses de crédits de la LPM ? Les résultats sont-ils à la hauteur des attentes, capacitaires et opérationnelles ?
M. le général d’armée Thierry Burkhard. Les start-up, plus généralement les PME, sont en effet beaucoup plus présentes dans le tissu économique de la défense. La guerre en Ukraine et les opérations en mer Rouge nous ont enseigné qu’il fallait faire évoluer le matériel très rapidement : nos adversaires eux-mêmes progressent très vite, il faut pouvoir s’adapter. Les petits objets par exemple, comme les micro-drones, ont pris une place nouvelle, or on ne les construit pas comme on construit un Rafale ou un MGCS. Nous avons commencé à nous adapter, mais il faut aller plus loin.
Vous dénoncez le flou des financements. Il est lié à la nature d’achats qu’il serait peu sensé de prévoir cinq ans à l’avance. Si nous avons besoin de drones d’observation – appareils pesant entre 20 et 50 kilogrammes –, quelque quarante modèles seront disponibles sur étagère en France, 300 à l’étranger. Il est probable que les premiers suffiront à nos besoins. Par ailleurs, ce type de matériel a une durée de vie limitée à cinq ans environ, après quoi il aura disparu au combat ou sera dépassé. Il est donc plus judicieux de commander de tels drones non en 200 exemplaires, mais par séries de dix ou quinze ; et une PME est capable d’en livrer quinze, mais probablement pas 200, d’autant que le cahier des charges imposerait alors une soutenabilité et un MCO peu cohérents avec l’utilisation que nous en aurons. Il serait peu judicieux de recevoir, cinq ans après la commande, le 200e modèle identique au premier. En procédant par commandes de dix ou vingt exemplaires, on peut passer une deuxième commande légèrement différente ou faire appel à une autre entreprise, pour obtenir un modèle plus perfectionné. Les sommes en jeu ne sont pas considérables, elles seront probablement prélevées sur les crédits affectés aux AOA, les autres opérations d’armement, ce qui est cohérent avec le besoin d’agilité.
À mon sens, ce mode de fonctionnement a un grand avenir, et il faut le développer. Cela nécessite que tout le monde se réorganise ; nous devons faire évoluer l’expression de nos besoins, notamment la capacité de contractualisation de la DGA, afin de pouvoir signer dix contrats prévoyant l’achat de vingt exemplaires plutôt qu’un gros contrat de 200. Les PME, notamment les start-up, y trouveront leur compte.
M. le président Jean-Michel Jacques. Nous aurons l’occasion de revenir sur cette question essentielle lors de nos travaux relatifs à l’économie de guerre, après l’examen du PLF.
M. Alexandre Dufosset (RN). Nos forces doivent se préparer à la guerre de haute intensité, donc être capables d’assurer leur logistique et leur mise en condition opérationnelle. Depuis plusieurs années, on observe une tendance à sous-traiter ces missions à des entreprises de services de soutien, y compris sur les théâtres d’opérations extérieures sensibles, comme l’opération Barkhane. Cela pourrait mettre nos forces en danger ; à court terme, car elles perdent en autonomie, et à long terme, car elles perdent en savoir-faire. L’enjeu est stratégique – il y va de l’identité même de notre armée –, ainsi que budgétaire. Dans le PLF pour 2025, la dotation dédiée à la logistique et au MCO est en baisse. Permet-elle de maintenir le recours au privé comme une exception à la règle et d’amorcer une réinternalisation de ces missions, afin de renforcer notre indépendance stratégique ?
M. le général d’armée Thierry Burkhard. À propos de la solidarité stratégique, j’ai dit que l’essentiel était de se demander quand et avec qui. Le recours au secteur privé peut être judicieux. Nous devons analyser les schémas opérationnels. Dans le cadre d’une entrée en premier, il ne serait pas cohérent de faire appel à une entreprise extérieure pour organiser l’installation, ce que d’ailleurs elle ne serait pas capable de faire. Les DSIA y pourvoient parfaitement ; les services de soutien doivent être dimensionnés pour y parvenir, c’est pourquoi il est essentiel de les faire participer aux exercices de type Orion, Dacian Spring et Warfighter. Mais il faut également anticiper le moment où nous atteindrons un rythme de croisière sur le théâtre d’opérations qui justifiera des transferts. S’il est alors aussi efficace et moins coûteux de recourir au privé, tant mieux, d’autant que cela permettra de relâcher des moyens logistiques que nous pourrons donc engager dans une autre opération. Comme toujours, il faut trouver un équilibre. Cela implique de pouvoir passer les marchés correspondants, donc d’exprimer correctement les besoins, et d’être exigeants sur la qualité du service rendu, mais dans l’ensemble cela marche bien. Il existe d’ailleurs des espaces intermédiaires, comme l’économat des armées. L’organisation des Jeux olympiques et paralympiques a fait l’objet de nombreux contrats avec des entreprises privées, tout en restant une opération militaire. On aurait trop et mal employé l’argent public en voulant tout faire en interne – même si le recours au privé a un coût qui doit être prévu dans les lignes budgétaires.
M. le président Jean-Michel Jacques. J’ajoute que cet argent parfois revient dans les territoires, ce qui est également bénéfique.
M. Sébastien Saint-Pasteur (SOC). Le ministre des armées et des anciens combattants a indiqué qu’il avait saisi le contrôle général des armées (CGA) pour examiner les offres soumises dans le cadre de l’acquisition d’un supercalculateur d’intelligence artificielle (IA). Il s’agit d’une brique fondamentale pour l’avenir des technologies de défense. Alors qu’il est urgent de renforcer l’IA militaire, le projet soulève des interrogations sur la souveraineté technologique. La saisine du contrôle général justifie prudence et pondération sur ce sujet spécifique ; il pousse à s’interroger non sur les moyens dévolus à l’armée, mais sur la façon dont on les dépense. Dans ce monde géopolitique dont on ne cesse de dépeindre l’incertitude, ne faut-il pas hausser les exigences de souveraineté et d’autonomie stratégique en matière de politique d’achat ? Nous savons que vous ne pouvez-vous prononcer sur la décision évoquée hier. Comment selon vous faut-il faire évoluer les politiques d’achat, lorsque nous devons être plus réactifs, plus souverains, plus autonomes ?
M. le général d’armée Thierry Burkhard. Le ministre a déjà répondu à cette question et il est le mieux placé pour le faire. En général, la souveraineté nationale doit constituer l’un des premiers critères de choix, mais cela ne vaut pas pour tous les équipements. Le tempo aussi est également important. S’agissant de l’IA, nous nous sommes positionnés pour ne pas être en retard : faut-il appliquer cette règle, au risque de perdre du temps ? Ce n’est évidemment qu’un exemple. On peut d’abord faire un accroc à ce principe pour monter dans le train, en espérant que, dans l’intervalle, avec la prochaine demande – deux à cinq ans au plus, car ces outils de pointe sont vite dépassés par les innovations technologiques –, nous aurons réussi à développer un calculateur de manière souveraine. Là encore, c’est une question d’équilibre. Si un outil du niveau attendu respecte le critère de souveraineté, je pense qu’il sera choisi.
M. Julien Limongi (RN). La réforme de la rémunération des militaires était bienvenue parce qu’elle a simplifié les revenus, donc amélioré leur lisibilité. Néanmoins, la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) a également affecté leur pouvoir d’achat en rendant partiellement imposables des primes qui ne l’étaient pas, telle l’indemnité de garnison et son complément (Igar) et le complément de l’indemnité d’état militaire (Comiem). Cela va à l’encontre de l’esprit de la réforme. Nos femmes et nos hommes sont notre bien le plus précieux ; certains pourraient se sentir lésés. Quelles sont les conséquences de la NPRM sur le budget des armées, ainsi que sur le moral et la motivation des troupes ?
M. le général d’armée Thierry Burkhard. La NPRM a été élaborée parallèlement à la réforme des retraites qui visait à retrouver chaque euro cotisé dans les droits à la retraite. Assez logiquement, des primes sont alors devenues imposables afin d’être prises en compte dans le calcul de la pension, dont la jouissance immédiate constitue un avantage. La réforme des retraites a été abandonnée, mais la NPRM est entrée en application, instaurant un décalage qui affecte certains militaires. Une clause de revoyure est prévue en 2026, lorsque nous disposerons de données et non de simulations. Les conditions de température et de pression ayant changé, il faudra réfléchir à la manière de traiter cet aspect, et d’autres éléments qui n’ont pas eu précisément les conséquences attendues pour certaines populations spécifiques.
M. le président Jean-Michel Jacques. Mon général, je vous remercie.
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La séance est levée à dix-huit heures quarante-trois.
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Membres présents ou excusés
Présents. - M. Matthieu Bloch, M. Frédéric Boccaletti, M. François Cormier-Bouligeon, M. Alexandre Dufosset, Mme Sophie Errante, Mme Stéphanie Galzy, M. Frank Giletti, M. Damien Girard, Mme Florence Goulet, M. Daniel Grenon, M. Laurent Jacobelli, M. Jean-Michel Jacques, M. Pascal Jenft, M. Loïc Kervran, M. Abdelkader Lahmar, Mme Nadine Lechon, Mme Gisèle Lelouis, Mme Murielle Lepvraud, M. Julien Limongi, Mme Lise Magnier, M. Sylvain Maillard, Mme Michèle Martinez, Mme Josy Poueyto, Mme Marie Récalde, Mme Catherine Rimbert, M. Aurélien Rousseau, M. Arnaud Saint-Martin, M. Sébastien Saint-Pasteur, M. Thierry Sother, M. Thierry Tesson, Mme Sabine Thillaye, M. Romain Tonussi
Excusés. - M. Manuel Bompard, M. Philippe Bonnecarrère, Mme Cyrielle Chatelain, M. Thomas Gassilloud, Mme Anne Genetet, Mme Catherine Hervieu, M. Bastien Lachaud, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Mereana Reid Arbelot, M. Mikaele Seo, M. Boris Vallaud
Assistait également à la réunion. - Mme Estelle Youssouffa