Compte rendu
Commission de la défense nationale
et des forces armées
— Audition, ouverte à la presse, du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM), sur le projet de loi de finances 2025.
Mardi
22 octobre 2024
Séance de 16 heures 15
Compte rendu n° 9
session ordinaire de 2024-2025
Présidence
de M. Jean-Michel Jacques,
président
— 1 —
La séance est ouverte à seize heures quinze.
M. le président Jean-Michel Jacques. Nous accueillons aujourd'hui la délégation du CSFM, accompagnée de son secrétaire général, le contrôleur général des armées M. Christophe Jacquot, dans le cadre de notre cycle d'auditions sur le projet de loi de finances 2025.
Le CSFM, créé en 1969, est l'instance nationale de consultation et de concertation des militaires. Il s'exprime sur l'ensemble des questions liées à la condition militaire,
c'est-à-dire les sujétions propres à l'état de militaire ainsi que les compensations apportées par la nation. La loi prévoit que le CSFM soit obligatoirement saisi des projets ayant une portée statutaire, indiciaire ou indemnitaire.
Présidé par le ministre des armées et des anciens combattants, ce Conseil se compose de 45 membres représentant les armées dans leur diversité d'armes, de corps, de grades et de répartition territoriale. Il constitue un outil précieux de dialogue entre le ministre, l'état-major et leurs subordonnés et un interlocuteur régulier du Parlement et de notre commission.
Dans le cadre des travaux sur le projet de loi de finances 2025, nous souhaitons recueillir l'analyse du CSFM sur les enjeux de l'année à venir pour la condition de nos militaires. La loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030 prévoit des efforts concernant la fidélisation et la protection de nos militaires. Nous attendons votre éclairage sur la perception de ces efforts par la communauté militaire.
Je souhaite vous faire part de trois points d’attention : premièrement, les politiques en matière de rémunération, qui ont évolué avec la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) et le chantier de revalorisation des grilles indicielles ; deuxièmement, le chantier de la protection sociale des militaires, avec la réforme de la complémentaire santé entrant en vigueur au 1er janvier 2025 ; troisièmement, les enjeux de mixité et de diversité dans les armées, ainsi que les enseignements tirés de la mission d'enquête sur les violences sexuelles et sexistes (VSS) au sein du ministère. Notre commission est particulièrement sensible à ces différents points et nous espérons que vous pourrez les aborder en détail afin d'enrichir nos réflexions.
Pour des raisons de sécurité, cette audition étant retransmise en direct, les noms des personnes auditionnées ne seront pas mentionnés mais celles-ci seront uniquement désignées par leurs grade et prénom.
M. Christophe Jacquot, secrétaire général du CSFM. Je vous remercie de cette invitation à m'exprimer devant la représentation nationale, au sein de cette commission de la défense nationale et des forces armées. Cette audition offre à la communauté militaire l'opportunité de vous rendre compte en toute transparence de ses préoccupations concernant la condition militaire, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances 2025.
Les trois points abordés dans votre introduction, Monsieur le président, sont effectivement au cœur des sujets actuels de préoccupation de la communauté militaire. Je souhaite en préambule apporter quelques précisions sur la concertation et le rôle du CSFM.
La concertation, pour les militaires, qui ne disposent pas du droit syndical, constitue un mode de dialogue spécifique avec leur commandement de proximité, leur chef d'état-major et, in fine, le ministre via le CSFM. Ce dialogue s'avère indispensable pour éclairer la prise de décision des autorités, favoriser l'adhésion à tous les échelons et contribuer au moral de chacun. Il représente un élément essentiel de la réussite opérationnelle des unités.
La condition militaire, au regard de l'article L. 4111-1 du code de la défense, englobe l'ensemble des obligations et sujétions propres à l'état militaire, ainsi que les garanties et compensations apportées en contrepartie par la nation. Comme l'a déclaré Michel Debré dans son allocution inaugurale comme premier président du CSFM en 1970, « la condition déborde le statut. Il est normal de faire en sorte que l’institution ne soit pas en retard par rapport à d’autres mais qu’elle conserve, sur certains points, une situation propre, de façon que ceux qui ont vocation à la servir en soient récompensés. »
La concertation au ministère des armées s'organise de manière complémentaire entre une concertation non institutionnelle, portée par des associations professionnelles nationales et militaires (APNM), et une concertation institutionnelle, dont le CSFM est la pierre angulaire. Les APNM, associations récentes, défendent les intérêts de leurs adhérents et de leurs corporations respectives (armée de l'air, marine, armement et commissariats). La concertation institutionnelle s'est développée progressivement depuis 1969. Nous célébrons cette année les 55 ans de la concertation et de l'existence du CSFM.
Cette création a été enrichie en 1990 par celle des conseils de la fonction militaire des forces armées et des services de formation rattachés, pour éviter que le CSFM ne traite de tous les sujets. Ce dispositif permet d'examiner, lors d’une concertation intermittente pour chaque armée et service, les questions spécifiques à chacun, telles que les conditions de vie, l'exercice du métier militaire ou l'organisation du travail. Il garantit également la représentativité des divers métiers et spécialités des forces et services.
Une étape majeure a été franchie en 2016 avec la professionnalisation du CSFM. Ses membres exercent désormais leur mission de concertation à temps plein pour un mandat unique de quatre ans, couvrant le vaste champ de la condition militaire. Le CSFM bénéficie ainsi d'une expérience éprouvée du dialogue et d'une légitimité fondée sur l'élection de membres permanents restant affectés au plan local. Ces derniers, élus par et parmi les conseils de la fonction militaire de leur armée ou service, acquièrent une vision interarmées et interservices de niveau ministériel tout en demeurant proches du terrain.
Aujourd'hui, le CSFM comprend quarante-cinq membres permanents issus des différentes forces armées (armée de terre, marine nationale, armée de l'air et de l'espace et gendarmerie nationale) et de la direction générale de l'armement et des services (en particulier le service de santé des armées, le service de l'énergie opérationnelle, le service du commissariat des armées et le service d'infrastructure de la défense). Ces militaires appartiennent à divers corps, grades et catégories, reflétant la diversité de la représentation. Parmi eux siègent trois retraités désignés par le conseil permanent des retraités militaires (CPM).
Les APNM disposent de seize sièges au CSFM, qu'elles n'occupent pas à ce jour (et pour certaines, ne le souhaitent pas) car elles ne satisfont pas le critère de représentativité fixé par le code de la défense en termes d'influence significative au regard de l'effectif de leurs adhérents, des cotisations perçues et de la diversité des groupes et grades représentés en leur sein.
En conclusion, le CSFM est l'instance nationale de concertation et de consultation des militaires, présidée par le ministre des Armées, avec deux fonctions principales. La première consiste à établir un dialogue constructif et permanent dans un cadre qui garantit aux militaires la liberté de penser et d'expression. Bien que notre ministère soit caractérisé par une certaine verticalité, le respect de la discipline, l'absence de parti pris et le sens de l'intérêt général, Michel Debré considérait la liberté totale de penser et d'expression comme la condition du succès de ce dialogue interne aux militaires. J'espère que cette délégation permettra de mettre en pratique ce principe, dont je suis le garant. Il est de la responsabilité du chef, à tous les échelons, de veiller aux intérêts de ses subordonnés, conformément au code de la défense.
Actuellement, la concertation institutionnelle fonctionne efficacement. Dans ce cadre, le CSFM informe directement et librement le ministre et la hiérarchie militaire, en complément des travaux des CFM. En tant que secrétaire général, je suis chargé de coordonner et d'assurer l'efficacité de ce dispositif, tout en proposant des évolutions, comme celle entrée en vigueur le 14 octobre 2024, visant un renouvellement progressif du CSFM tous les quatre ans. Ce dialogue s'appuie sur plus de 1 100 concertants titulaires et suppléants, et traite un large éventail de sujets liés à la condition militaire : les aspects statutaires, économiques, sociaux et culturels ; l’attractivité ; la fidélisation ; le moral ; le soutien aux malades ; la famille.
La deuxième fonction majeure du CSFM est d'ordre juridique, c'est-à-dire l’expression d’avis sur tous les sujets, hormis les questions stratégiques, politiques ou d'organisation des forces et services qui relèvent du commandement. Le CSFM est obligatoirement consulté sur les projets de textes législatifs et réglementaires concernant les questions statutaires, indiciaires et indemnitaires. Bien que consultatifs, ces avis revêtent une grande importance au ministère des armées. Le CSFM les accompagne souvent d'observations, appréciées par le Conseil d'État.
Sous l'impulsion du ministre des armées et des anciens combattants actuel, Sébastien Lecornu, le CSFM formule également des avis sous forme de propositions, notamment sur la militarité, le plan famille ou le plan blessés. En novembre dernier, le ministre lui a confié un mandat sur l'attractivité et la fidélisation. En quatre mois, ses membres ont visité environ 140 unités, rencontré près de 2 300 militaires et élaboré 30 préconisations. Ce livrable de 30 préconisations a été remis au ministre en juillet 2024 et l'administration s'en est saisie.
En conclusion, je souhaite insister sur deux points. Premièrement, le CSFM est à la tête d'une pyramide étendue et déconcentrée, entretenant un dialogue direct avec le ministre. Ce modèle, fort de 55 ans d'expérience, allie respect de l'autorité, sens des responsabilités, esprit critique constructif et force de proposition. Deuxièmement, ce sont les militaires qui font la réussite de cet organisme grâce à trois qualités : ils sont volontaires et représentatifs des différentes sensibilités de la communauté militaire, tout en restant affectés dans leur unité ; ils sont légitimes, élus par leurs pairs et les CFM ; enfin, ils sont compétents, expérimentés et experts, connaissant les dossiers d'administration et le vécu de leurs camarades au niveau local.
Je vous présente maintenant cette délégation interarmées et interservices du CSFM, composée des militaires suivants : la commissaire en chef de deuxième classe Agnès du service du commissariat des armées, secrétaire de la session pour six mois ; le major Jean-Philippe de l'armée de terre ; le lieutenant-colonel Alexis de l'armée de terre ; le capitaine de corvette Thibault de la marine nationale ; l'infirmier en soins généraux de deuxième grade Jean-Philippe ; le major Laurent de la gendarmerie nationale ; le caporal-chef Myriam de l'armée de l'air et de l'espace.
Mme la commissaire en chef Agnès. En tant que secrétaire du CSFM, je tiens à remercier la commission pour cette audition sur les enjeux de la condition militaire, dans le cadre du projet de loi de finances 2025. Ce dernier prévoit 50,5 milliards d'euros de crédits de paiement pour la défense, soit une hausse de 3,3 milliards par rapport à la loi de finance initiale de 2024. La communauté militaire est reconnaissante de cet effort budgétaire consenti par la Nation dans un contexte contraint.
Une partie de ces crédits sera allouée à la condition militaire, élément fondamental d'une armée opérationnelle et résiliente. Ainsi, 265 millions d'euros de crédits de paiement supplémentaires seront dédiés à l'ambition « fidélisation 360 », visant à renforcer l'attractivité des armées et la fidélisation, en améliorant les conditions d'emploi du personnel civil et militaire du ministère.
Dans ce cadre, le CSFM s'est vu confier par le ministre des Armées un mandat sur l'attractivité et la fidélisation en novembre 2023. Nos échanges avec 2 300 militaires au sein de 140 unités ont mis en lumière les principales préoccupations de la communauté. Les insatisfactions quotidiennes érodent souvent le sens de l'engagement voire incitent les militaires à quitter l’institution. Nos priorités concernent la rémunération, l'accompagnement de la mobilité (notamment le logement), la conciliation entre la vie professionnelle et la vie privée, ainsi que la qualité de vie et les conditions de travail.
En ce qui concerne la rémunération, la révision des grilles indiciaires constitue la priorité absolue, conformément à l'article 7 de la LPM, qui prévoit une refonte pour les sous-officiers d'ici fin 2024 et pour les officiers d'ici fin 2025. La rémunération est cruciale pour atteindre les objectifs de recrutement et de fidélisation. Nous constatons un décrochage par rapport à la fonction publique, particulièrement pour les cadres supérieurs. Le dispositif actuel n'encourage plus la progression en raison d'un tassement général lié aux revalorisations successives des bas indices, menaçant notre modèle d'escalier social.
Cette révision des grilles indiciaires est primordiale pour la communauté militaire. Elle constitue l'un des six axes définis par le ministre dans le cadre de l'ambition « fidélisation 360 ». Il est impératif de maintenir ce chantier malgré les contraintes budgétaires actuelles, ces mesures étant très attendues depuis longtemps.
La revalorisation des grilles devra être complétée en 2026 par un bilan de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM). Des ajustements sont nécessaires rapidement, notamment concernant l'indexation sur l'inflation des primes forfaitaires, l'indemnité pour sujétion d'absence opérationnelle, la prime de compétences spécifiques et l'indemnité de garnison.
Dans les domaines sociaux, l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée occupe une place centrale dans les préoccupations. La contrainte de mobilité engendre un très fort déséquilibre et est de moins en moins bien vécue par les militaires et leurs familles. Le CSFM estime que cette question doit être examinée dans sa globalité. Dans l’attente, la mobilité nécessite un meilleur accompagnement, en accordant une attention particulière au logement du militaire et à l'emploi de son conjoint. Une politique de logement ambitieuse, à la hauteur des contraintes subies et des pertes de revenus induites par la mobilité, constituerait un levier majeur de fidélisation du personnel militaire.
Actuellement, l'accompagnement pour trouver un logement suite à une mutation demeure insuffisant. Le contrat de concession « ambition logement », visant la rénovation de l'ensemble des logements domaniaux existants et la construction de logements neufs, n'a pas encore produit tous ses effets. L'attribution des logements domaniaux et conventionnés est critiquée pour son manque de visibilité et complique l'installation des familles dans les garnisons. Une évolution de la réglementation en vigueur s'avère nécessaire.
Le plan famille 2, qui vise à accompagner la mutation du militaire et à améliorer la vie des familles, privilégie une approche territoriale pour certaines de ses mesures. Il fait écho au mandat ministériel confié au CSFM pour recueillir les bonnes pratiques locales susceptibles d'améliorer l'attractivité et la fidélisation de la communauté militaire. Dans le cadre de la mobilité, le lien entre les armées et les territoires apparaît essentiel pour améliorer la vie en garnison, notamment pour l'accueil et l'intégration du militaire et de sa famille.
Les militaires déplorent par ailleurs les difficultés de l'action sociale à fournir une offre de services répondant aux attentes des familles. Ils appellent de leurs vœux l'instauration d'un équivalent du comité social et économique des armées, pour améliorer en particulier les offres de garde d'enfants, jugées actuellement peu compétitives.
L'amélioration de la qualité de vie au travail demeure une préoccupation majeure, passant en premier lieu par l'amélioration de la vie en emprise. Il est essentiel d'investir dans les infrastructures et les conditions de travail, ce qui implique la modernisation des installations militaires et la fourniture rapide d'équipements de qualité adaptés.
Enfin, il devient impératif d'améliorer les hébergements mis à disposition des militaires dans les emprises, la dégradation constatée lors des visites étant en totale contradiction avec l'importance du budget alloué aux infrastructures dans la nouvelle LPM. La hausse de 260 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale 2024 doit permettre la réparation des infrastructures, y compris les hébergements.
Le départ anticipé des plus expérimentés et le non-renouvellement précoce des jeunes engagés créent des déficits chroniques en personnel et reportent la charge de travail sur un nombre réduit de militaires, qui ne parviennent plus à prendre l'ensemble de leurs permissions. Face à ce constat, le CSFM a proposé un dispositif de gestion des permissions non prises, cette suractivité étant mal vécue, d'autant qu'elle s'oppose aux aspirations des militaires pour mieux concilier vie professionnelle et vie privée.
Par ailleurs, les difficultés susceptibles d'entraîner une surcharge portent également sur le soutien des forces. À cet égard, l'augmentation de 60 millions d'euros prévue par rapport à la loi de finances initiale 2024 doit permettre le renforcement des soutiens, particulièrement touchés ces dernières décennies par les réductions de moyens financiers et humains. Cette remontée en puissance des soutiens constitue une réparation qui s'inscrit dans la durée, avec une attention particulière pour le commissariat et le service de santé des armées.
En effet, les armées doivent, par nature, remplir leur mission, même dans les conditions les plus dégradées. Or le manque de moyens des soutiens, conjugué à la lourdeur des démarches administratives, éloigne les militaires de leur mission première. De nombreux militaires, initialement attirés par une promesse employeur porteuse de sens, se retrouvent entravés par un excès de procédures internes. La dématérialisation des démarches ne saurait remplacer l'accueil, le conseil et le contact humain. Un renforcement des moyens s'impose pour assurer un soutien de proximité plus accessible et favoriser une démarche proactive envers les soutenus. Les militaires aspirent à une simplification des procédures et à davantage de subsidiarité.
De plus, l'obsolescence et l'insuffisance des matériels, associées à la réduction des projections, risquent de démotiver les jeunes engagés et même les militaires plus expérimentés. Cette situation les incite à quitter une institution ne leur offrant plus les moyens de se former, de s'entraîner ni d'accomplir leur mission.
Concernant la condition militaire, plusieurs points de vigilance ont été identifiés. La protection sociale complémentaire santé constitue un sujet d'attention majeur. À partir du 1er janvier 2025, un contrat collectif à adhésion obligatoire avec participation de l'État sera mis en place pour les militaires. Il leur fera bénéficier d’un panier de soins adapté à leurs besoins spécifiques. Bien que cette mesure représente une avancée, certaines catégories de militaires, notamment les célibataires, devront s'acquitter d'un montant plus élevé, suscitant une forte incompréhension. De plus, les tarifs appliqués aux conjoints et aux enfants sont jugés trop onéreux, parfois supérieurs à ceux de leurs anciens contrats référencés. Par ailleurs, les tarifs du nouveau contrat applicable à l'étranger sont considérés comme prohibitifs, en forte augmentation par rapport aux précédents, tant pour les militaires que pour leurs ayants droit.
La situation des militaires français affectés outre-mer et à l'étranger soulève d'autres préoccupations, notamment en matière de logement, de scolarité des enfants, d'emploi des conjoints et d'accès aux soins.
La réserve constitue également un sujet d'attention. L'ambition ministérielle vise à doubler le volume de la réserve opérationnelle entre 2024 et 2030, puis dans un 2ème temps à disposer d’un militaire de réserve pour deux militaires d’active en 2035. Cet objectif doit être poursuivi en complément de l'active, et non en substitution. Sa réalisation nécessitera un renforcement du format de nos armées ainsi que de leurs capacités en matière de recrutement, formation, équipement et soutien.
Dans un tout autre domaine, le CSFM accorde une attention particulière aux conclusions du rapport de la mission d'enquête sur les VSS au sein du ministère des armées. Ce rapport a mis en lumière l'existence de VSS au sein des forces armées et a conduit à la création d'un comité ministériel de suivi du programme de lutte contre les VSS. Le CSFM suivra attentivement la mise en œuvre de ce programme, qui contribue directement à la condition du personnel militaire.
Enfin, le plan blessés 2023-2027, qui traduit la prise en compte par le ministère des besoins spécifiques des militaires dans ce domaine sensible, suscite de fortes attentes au sein de la communauté militaire et des familles. Le CSFM, qui a émis des propositions lors de l'élaboration de ce plan, continue de le suivre avec attention, notamment en participant au comité de pilotage et de suivi. Les militaires blessés méritent un parcours coordonné, optimisé et simplifié.
Tous ces éléments concourent directement à l'attractivité de nos métiers et à la fidélisation de nos soldats. Nous sommes disposés à approfondir ces points et à répondre à vos questions.
Mme Nadine Lechon (RN). Le personnel constitue l'élément central de toute armée. Sa combativité, sa motivation et son efficacité dépendent directement de la considération que l'État lui accorde. Notre groupe, attentif au bien-être des forces armées et de leurs membres, se sent particulièrement concerné par ces questions.
En 2015, un scandale a révélé les conditions de vie déplorables de nos forces armées. Un cadre de vie insalubre engendre un stress supplémentaire, affectant le moral et, à terme, l'efficacité opérationnelle. Dès 1993, un sénateur avait alerté le ministre de la défense de la désuétude des établissements militaires. Le ministère s'était alors contenté d'affirmer que la situation était maîtrisée. Plus de trente ans après, force est de constater que le problème persiste.
Certes, quelques efforts ont été entrepris. Le ministère des armées a notamment prévu d'externaliser la gestion des logements. Bien que ces solutions présentent un intérêt, elles ne sauraient être considérées comme définitives. Il serait illusoire d'envisager une augmentation de nos effectifs si nous ne parvenons pas à loger décemment le personnel existant.
Un rapport de 2017 jugeait certaines bases inutilisables, insalubres et obsolètes. Les militaires sont confrontés à des casernes délabrées, des dortoirs inondés et des températures insupportables en période estivale. Dans leur quotidien, ils se sentent négligés. On estime qu'un militaire dépense en moyenne 401 euros par an pour compléter ou améliorer son équipement personnel. Ce n’est pas tolérable.
En résumé, le groupe Rassemblement National s'attachera à vérifier si les actes ont suivi les paroles et les promesses. Le CSFM, souvent présenté comme le syndicat des armées, joue un rôle essentiel. À ce titre, nous souhaitons appréhender au mieux les réalités du terrain afin d'agir pour qu'à l'avenir, aucun de nos soldats ne soit mal logé ou mal équipé.
M. le capitaine de corvette Thibault. Le logement et l'hébergement constituent une préoccupation majeure pour les militaires. Nos nombreuses visites dans le cadre du mandat ont révélé l'existence d'une dette grise au niveau des infrastructures, en raison d’un manque d’investissement pendant de nombreuses années. Cette dette engendre un surcoût d'entretien pour des installations usées et vieillissantes, qui n'ont pas bénéficié de rénovations ou de remplacements. Actuellement, de nombreux hébergements et infrastructures au sein de nos bases se trouvent dans un état d'insalubrité ou de vétusté avancée.
L'absence de petites réparations quotidiennes entraîne une insatisfaction et une insalubrité. Les militaires se voient contraints d'effectuer eux-mêmes ces réparations pour rendre leur quotidien vivable. La qualité de vie et les conditions de travail semblent souvent anachroniques, au regard du vote du budget historique de la LPM 2024-2030. Ce budget historique a suscité d'immenses attentes, mais les militaires ne constatent pas de changement tangible dans leur quotidien.
Une rénovation des emprises s'avère indispensable. Les militaires s'efforcent de s'organiser au mieux pour pallier ces défauts d'entretien. Il convient de souligner que les bases constituent souvent leur lieu de vie quotidien, voire unique pour certains qui travaillent et résident dans les casernes.
Nous avons identifié un certain nombre de problèmes, mais également des pratiques vertueuses. Plusieurs emprises ont mis en place des initiatives louables, que nous avons répertoriées dans le plan des trente préconisations. Par exemple, certains restaurants sont désormais ouverts jusqu'à 23 heures, tous les soirs et sept jours sur sept, répondant ainsi aux besoins opérationnels du personnel. Cependant, dans certaines unités, le personnel ne dispose toujours pas de mess pour se restaurer le soir. Des centres médicaux des armées proposent des créneaux de consultation pour les familles et envisagent bientôt d'offrir des créneaux de téléconsultation pour améliorer la prise en charge de nos militaires.
Dans le cadre du plan de fidélisation, nous avons également proposé d'améliorer l'accessibilité de nos emprises. L'enjeu ne se limite pas à la rénovation, mais implique de rendre nos emprises accessibles aux familles, d'en faire de véritables lieux où le militaire travaille et crée un espace de vie communautaire.
Des services supplémentaires doivent être mis en place. Certaines entités ont déjà instauré des services pour les militaires, tels que des conciergeries qui facilitent leur quotidien en leur permettant de gagner du temps, par exemple pour la prise de rendez-vous pour le contrôle technique, les consultations médicales ou d'optique. Ces petites attentions, peu coûteuses pour l'institution, améliorent sensiblement la vie quotidienne.
D'autres services plus coûteux nécessitent un investissement plus important, comme les crèches. Certaines unités, à l'instar de Balard, disposent de crèches répondant réellement aux besoins horaires des militaires. Malheureusement, la plupart des crèches ne s'adaptent pas à l'amplitude horaire des militaires, faute de personnel suffisant ou d'une prise en compte adéquate des contraintes professionnelles de nos soldats.
Mme Corinne Vignon (EPR). Nos forces armées sont actuellement confrontées à des défis majeurs en matière de fidélisation. Il est donc impératif d'améliorer le quotidien des militaires et les conditions de vie de leurs familles. Le 18 mars 2024, le ministre des Armées a lancé le plan « fidélisation 360 », doté de 265 millions d'euros pour 2025. Ce dispositif vise à renforcer l'attractivité et à revitaliser la condition des militaires à plusieurs égards : offrir de meilleures conditions de travail avec une rémunération plus attractive, particulièrement dans les filières en tension ; permettre une approche des métiers mieux compensée grâce à une prise en charge complète des suggestions ; proposer un accompagnement renforcé dans les parcours personnels pour les rendre plus évolutifs, notamment par un accès accru à la formation ; accompagner la mobilité des militaires et de leurs familles avec un reste à charge nul, de nouvelles places en crèche ou des facilités pour les inscriptions scolaires, grâce au renforcement du plan famille 2.
Cependant, l'accès au logement me semble être l'élément central pour accompagner cette mobilité. La construction de 2 800 logements neufs et la rénovation complète du parc domanial d'ici 2030 constituent une avancée. Néanmoins, il est nécessaire de développer l'offre privée en se rapprochant des agences immobilières, des maires et des bailleurs sociaux ainsi qu’en multipliant les conventions dans certaines régions encore peu exploitées. Il convient également de déployer le catalogue d'offres proposé par le logiciel Atrium, en multipliant les visites virtuelles et en facilitant rapidement l'accès à la propriété pour nos militaires.
Toutes ces mesures « fidélisation 360 » sont des engagements pris lors de l'adoption de la LPM 2024-2030, avec une trajectoire budgétaire respectée. Je souhaiterais connaître vos moyens d'évaluation afin de vous assurer que les crédits 2025 permettent une amélioration concrète des conditions de vie et de travail des militaires.
Mme la commissaire en chef Agnès. Le plan « fidélisation 360 » aborde différentes thématiques. La problématique du logement constitue une préoccupation majeure pour les militaires car elle impacte directement leur capacité à se concentrer pleinement sur leurs missions. La mobilité inhérente à leur profession les expose plus fréquemment que le reste de la population aux difficultés liées à la recherche d'un logement. L'offre insuffisante et la compensation indicielle inadéquate face à l'inflation ne permettent pas de répondre de manière satisfaisante à cette situation.
Une réforme en profondeur de l'instruction ministérielle 11 36, portant sur le classement, les conditions d'attribution et d'occupation des logements relevant du ministère de la défense, s'avère essentielle. Elle vise à simplifier, moderniser et améliorer la transparence du processus d'attribution. Nous souhaitons être associés à cette démarche, déjà entamée.
Actuellement, nous constatons une augmentation des doléances liées à la qualité du service rendu. Les insatisfactions concernent notamment la communication avec le bailleur, le sous-dimensionnement et la saturation du parc, les problèmes d'entretien du parc domanial, la hausse du coût des logements (liée à celle des charges locatives), ainsi que le processus d'attribution jugé insatisfaisant en termes de délais, de réactivité et de transparence.
Le contrat de concession « ambition logement », piloté par le consortium Nové, doit prendre en compte ces difficultés. Son objectif est la remise à niveau de l'ensemble des logements domaniaux existants pour les aligner sur les standards actuels de confort et de normes environnementales. Il prévoit également la construction de logements neufs. Cependant, cette remise à niveau engendre des contraintes pour les occupants actuels, parfois obligés de quitter temporairement leur logement.
Des remontées concernent également l'agence nationale du contrôle du logement social, qui impose aux bailleurs sociaux l’obligation de présenter trois dossiers de candidature pour chaque attribution, complexifiant davantage la procédure. Il conviendrait d'assouplir cette règle pour les logements réservés au ministère des armées.
Pour pallier ces difficultés, nous proposons de développer des partenariats avec les agences immobilières et les bailleurs sociaux. Des initiatives intéressantes ont été observées sur le terrain, telles que l'organisation d’un forum du logement ou la création d’une banque de logements privés facilitant la mise en relation avec les propriétaires. Nous préconisons également une meilleure prise en compte des sujétions opérationnelles dans l'attribution des logements domaniaux. Parmi nos recommandations figurent l'évolution de l'instruction ministérielle 11 36, le développement de l'offre de logements intermédiaires, ainsi que l'inscription dans les conventions avec les bailleurs de clauses permettant, le cas échéant, de proposer un logement alternatif. Nous suggérons également de prendre en compte les logements attribués aux militaires dans le calcul des quotas imposés aux communes par la loi de solidarité et renouvellement urbain (SRU) et d'inciter les propriétaires privés à loger des militaires, notamment dans les zones tendues. Enfin, pour faciliter l'accession à la propriété, nous proposons d'accorder à chaque militaire, au moins une fois dans sa carrière, un prêt à taux zéro pour l'acquisition d'un bien immobilier, ainsi que l'exonération de la taxe d'habitation pour la résidence secondaire correspondant à leur résidence de repli.
Mme le caporal-chef Myriam. Les militaires mutés pour raison de service dans une nouvelle garnison attendent une amélioration de l'aide à la mobilité. Cette amélioration passe notamment par la mise en œuvre du plan « fidélisation 360 », en particulier avec l'instauration du zéro reste à charge pour les mutations impliquant un changement de résidence. Il serait également nécessaire de revoir le cubage alloué aux militaires divorcés et veufs car il s'avère actuellement insuffisant et inadapté à la réalité des familles recomposées. De plus, une réévaluation des délais de reconnaissance de garnison s'impose, en tenant compte des besoins spécifiques et en excluant le temps de trajet de la période. L'accueil des enfants dans les crèches ministérielles devrait être étendu à des horaires plus larges. Actuellement, les militaires sont contraints de demander des autorisations d'absence ou des aménagements d'horaires pour déposer et récupérer leurs enfants à la crèche.
Concernant le plan famille, le CSFM a apporté une contribution significative. Sur les quarante-quatre mesures proposées pour le plan famille 2, vingt et une ont été retenues. Cependant, ce plan souffre d'un manque de communication, tant sur la nature des mesures elles-mêmes que sur les avancées réalisées. Ce dispositif reste méconnu au sein de la communauté militaire, particulièrement aux échelons inférieurs. Au niveau du commandement, les préoccupations portent davantage sur le financement dans le contexte budgétaire actuel.
Malgré une volonté manifeste, le plan famille demeure sous-dimensionné. Il conviendrait d'allouer davantage de moyens financiers et humains pour développer une communication de qualité spécifique au plan famille 2, distincte des autres dispositifs. L'objectif serait de faire connaître les mesures déclinées dans le plan à tous les échelons et de diffuser les informations relatives aux actions menées. Sur le terrain, aucune réalisation concrète du plan famille n'est perceptible.
M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). Je souhaite vous interroger sur deux sujets majeurs : la complémentaire santé et le traitement des VSS au sein du ministère.
Concernant la complémentaire santé, nous accueillons favorablement cette nouvelle mesure, sachant qu'environ 30 % des militaires, notamment du rang, n'en bénéficiaient pas jusqu'à présent. Cependant, des questions subsistent sur le coût, la lisibilité de cette réforme et les inquiétudes qu'elle pourrait susciter chez les militaires. Le ministère a-t-il mis en place un dispositif ou un mode de calcul simple pour évaluer les cotisations des militaires et de leurs ayants droit ? Existe-t-il un outil informatique qui permette de connaître précisément ces montants ? Le panier de soins est-il clairement défini ? Quelles informations sont-elles fournies, notamment concernant les cas d'exemption de la complémentaire santé ?
S'agissant du traitement des VSS dans le ministère, suite aux récentes affaires médiatisées, le ministre a enfin annoncé une politique de tolérance zéro, avec un signalement systématique au procureur via l'article 40. Les chiffres sont alarmants : un viol serait commis toutes les deux semaines et une agression sexuelle tous les cinq jours. Un tiers des femmes militaires ont déjà été victimes de VSS au sein du ministère. Au-delà du signalement, se pose la question des moyens alloués à la prévention et à la prise en charge des victimes. La cellule Thémis doit être renforcée ; ses moyens actuels sont manifestement insuffisants face à l'ampleur du phénomène. Selon le Conseil, quels moyens seraient nécessaires pour mettre en œuvre une véritable politique de lutte contre ces violences et assurer une prise en charge adéquate des victimes ?
M. l’infirmier en soins généraux de deuxième grade Jean-Philippe. Je souhaite aborder la question de la protection sociale complémentaire obligatoire pour les militaires, qui représente un élément important de leur condition. Sa mise en place à compter du 1er janvier 2025 constitue une avancée significative, mais la communication autour de cette mesure s'est révélée insuffisante.
Bien que les informations soient toutes disponibles sur notre site « intradef », elles sont noyées parmi d'autres contenus. La diffusion s'est principalement effectuée lors de rassemblements en garnison ou via internet, sans qu'une communication individualisée n'ait été mise en place. Chaque militaire n'a pas reçu de document écrit l'informant de ses possibilités d'exemption et des conditions à remplir. Cette lacune est regrettable, tout comme l'absence d'un droit d'option individuelle pour les militaires.
Il convient de noter que le pourcentage de militaires ne bénéficiant pas d'une protection sociale complémentaire est nettement supérieur à celui observé dans les autres secteurs, publics ou privés. Les chiffres de 2022 indiquent que 20 % des affiliés à la caisse nationale militaire de sécurité sociale ne disposaient d'aucune complémentaire santé, dont 18 % des militaires en activité. Ce taux atteint même 31 % chez les militaires de moins de 25 ans.
Concernant le calcul des cotisations, un calculateur a été mis à disposition hier sur « intradef ». Cet outil permet à chaque militaire d'estimer le montant de sa cotisation en fonction de sa solde brute, ainsi que les tarifs applicables à son conjoint et ses enfants selon leur âge. Il prend également en compte les affectations à l'étranger, avec des variations selon la zone géographique.
À titre d'exemple, pour un sous-officier de carrière affecté en métropole, la cotisation s'élèverait à environ 23 euros, tandis que son conjoint devrait verser 67 euros. Les enfants de moins de 21 ans seraient redevables de 42 euros, et ceux de plus de 21 ans de 47 euros. Certains militaires déplorent que ces montants soient parfois supérieurs à ceux des contrats référencés antérieurs. La situation est encore plus marquée pour les affectations à l'étranger. Dans la zone 3, comprenant les États-Unis, le Canada et la Chine, le même sous-officier de carrière devrait s'acquitter mensuellement d'environ 133 euros, son conjoint de 412 euros et chaque enfant de 201 euros, indépendamment de son âge. Ces montants représentent une augmentation comprise entre 60 % et 100 % par rapport aux contrats référencés précédemment à l'étranger. Le CSFM appelle de ses vœux des évolutions sur ce plan.
Le CSFM exprime en outre ses inquiétudes quant à une éventuelle hausse future de ces cotisations. Le projet de loi de finances de la sécurité sociale 2025 prévoit une modification du taux de remboursement des consultations chez le généraliste, passant de 70 % à 60 %, ce qui pourrait impacter l'équilibre du régime et, par conséquent, le montant des cotisations. Par ailleurs, une partie de la communauté militaire regrette que les cotisations des conjoints et des enfants soient parfois supérieures à celles constatées dans le secteur privé.
Il nous a été précisé que l'objectif principal de ce régime complémentaire santé était d'offrir aux militaires d'active une protection sociale de qualité. Le panier de soins proposé répond effectivement à cet objectif et a été élaboré en concertation avec le service de santé et les différents états-majors, prenant en compte les priorités de santé spécifiques aux militaires. À titre d'illustration, la prise en charge des soins dentaires est particulièrement satisfaisante, ces derniers conditionnant souvent l'aptitude du militaire.
M. le major Laurent. Le 21 février dernier, une délégation du groupe de travail mixité du Conseil a été auditionnée par la mission d'enquête sur les VSS au sein du ministère des armées. Le rapport issu de cette mission, qui révèle l'existence de violences dans les forces armées, a engendré des réactions significatives du CSFM.
Le Conseil exprime son inquiétude quant à l'ampleur des violences. Les chiffres cités par M. Lachaud proviennent de la cellule Thémis, mais il convient de prendre en compte également les cas non signalés.
Le CSFM préconise un renforcement conséquent des mesures de prévention et de protection. Il souligne l'importance de créer un environnement sécurisant pour l'ensemble des militaires, garantissant un cadre professionnel exempt de harcèlement et de discrimination.
Il insiste également sur la nécessité d'améliorer le soutien et l’accompagnement aux victimes. Celles-ci doivent pouvoir évoluer dans un climat de confiance pour signaler les incidents et bénéficier d'un soutien psychologique et juridique efficace tout au long de leurs démarches. Une proposition consiste à permettre au militaire victime d'être accompagné par un tiers de confiance de son choix durant l'intégralité du processus, pratique déjà en vigueur pour les violences conjugales. Il apparaît également nécessaire d'instaurer une inscription au registre des constatations en cas de violence et d'octroyer la protection fonctionnelle aux militaires victimes.
Le CSFM souligne l'importance de renforcer la formation et la sensibilisation de l'ensemble du personnel militaire sur les questions de VSS. Une éducation approfondie sur ces sujets s'avère essentielle dès la formation initiale et tout au long de la carrière via la formation continue. Les référents doivent également bénéficier d'une formation plus poussée. Par exemple, un rappel sur la notion de consentement à l'ensemble des militaires s'impose.
L'amélioration des procédures de signalement et de sanction est jugée indispensable. Le Conseil plaide pour des procédures plus accessibles et efficaces, ainsi que pour des sanctions proportionnées et systématiques envers les auteurs de violences. Il estime que la tolérance zéro est fondamentale pour instaurer la confiance au sein des forces armées. L'article 40 du code de procédure pénale n'est pas instinctif au sein du ministère des armées, bien qu'il constitue une obligation légale et non une option. Son application ne fait pas obstacle à une procédure disciplinaire interne.
Le CSFM appelle à une véritable transformation culturelle au sein des armées pour éradiquer les comportements sexistes et les violences sexuelles. Cela requiert un engagement fort de la hiérarchie militaire et des actions concrètes sur le terrain.
Enfin, le CSFM accueille favorablement les conclusions du rapport et se montre déterminé à collaborer avec le ministère des armées pour mettre en œuvre des mesures concrètes et efficaces. L'objectif est de renforcer la prévention, le soutien aux victimes et la sanction des comportements inappropriés, tout en promouvant une culture d'égalité et de respect au sein des forces armées.
M. Sébastien Saint-Pasteur (SOC). Le ministère des armées a réalisé des avancées significatives en matière de mixité et de féminisation grâce au plan mixité de 2019. Actuellement, une personne sur sept dans l'armée est une femme. Bien que ce chiffre puisse paraître modeste, il positionne l'armée française avantageusement par rapport à de nombreux autres pays. Néanmoins, nous sommes encore loin de la parité souhaitée et les défis à relever restent considérables. Le « #me too » des armées a été évoqué. Une action résolue et déterminée s'impose. Vous pouvez compter sur notre soutien pour faire progresser la situation à notre niveau.
De manière plus générale, pour accroître la féminisation dans l'ensemble des corps et des grades, il apparaît nécessaire de ne plus se focaliser uniquement sur des objectifs chiffrés concernant les officiers généraux féminins, mais d'élargir les efforts aux femmes militaires du rang et sous-officiers. Chacune d'entre elles doit avoir accès aux fonctions et à la carrière correspondant à ses talents, ses compétences et ses ambitions.
Les questions d'égalité et de mixité étant des enjeux majeurs de condition militaire, pouvez-vous nous indiquer les axes d'évolution à l'étude en adoptant une approche opérationnelle de la mixité ? Dans votre travail de concertation sur le terrain, avez-vous reçu des demandes spécifiques à ce sujet ? Faudra-t-il enfin des financements complémentaires dans le projet de loi de finances 2025 pour renouveler et améliorer ce plan mixité ?
M. Christophe Jacquot. Je souhaite apporter quelques précisions concernant l'évaluation des moyens pour répondre à M. Bastien Lachaud. Actuellement, nous manquons de visibilité sur cette question. Cependant, j'ai programmé en novembre une audition des auteurs du rapport ainsi que du responsable de la cellule Thémis. Ce dernier nous présentera un bilan comparatif de la situation avant et après la mise en place des mesures. De plus, l'état-major des armées sera représenté afin d'exposer les engagements pris par le commandement pour mener à bien l'application de cette instruction.
Mme la commissaire en chef Agnès. Le CSFM n'a pas particulièrement relevé de préoccupations liées à la mixité lors de ses échanges sur le terrain, hormis celles relatives aux VSS. À l'heure actuelle, la mixité ne semble pas constituer un enjeu majeur au sein des forces armées. En revanche, nous demeurons vigilants quant aux plans mixité élaborés au niveau ministériel. Un premier plan a déjà été mis en place et nous avons connaissance de la préparation d'un second plan, auquel nous souhaitons être associés. Nous disposerons ultérieurement d'informations complémentaires, mais pour le moment, ce sujet ne fait pas l'objet d'un suivi spécifique au niveau du Conseil.
M. le capitaine de corvette Thibault. La féminisation des armées constitue un enjeu majeur de diversité et d'inclusion. L'intégration croissante des femmes à tous les échelons des forces armées envoie un signal fort. Les compétences militaires ne dépendent pas du genre, mais des aptitudes individuelles. Désormais, les femmes sont présentes sur tous les théâtres d'opérations et ont accès à l'ensemble des spécialités. Elles participent à tous types de missions, intègrent toutes les unités de combat et postes de commandement, ce depuis plusieurs années. Les sous-marins représentaient l'une des dernières composantes à ne pas accueillir de femmes. Les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) leur ont été ouverts il y a quelques années et les sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) de nouvelle génération permettent également leur intégration.
Cette évolution soulève néanmoins certains défis. Il est essentiel d'assurer une intégration des femmes dans les forces armées dans un cadre d'égalité effective. Cela nécessite de repenser certains aspects, notamment en matière d'infrastructures. Comme évoqué précédemment, ces dernières sont souvent vétustes, ce qui nous confronte à deux approches possibles. La première, adoptée par les Britanniques lors de la féminisation de leurs navires, consiste à procéder en une seule fois et à instaurer des sanitaires mixtes. Nous avons opté pour une autre approche, considérant qu'il convient de maintenir des sanitaires séparés pour les femmes et les hommes. Cette décision implique une révision de nos infrastructures, entraînant des besoins budgétaires pour les installations terrestres. Concernant les infrastructures en partenariat, cette problématique est déjà prise en compte. Pour les navires, cependant, les programmes s'échelonnent sur plusieurs décennies. À titre d'exemple, le SNLE 3G, dont la mise en service est prévue pour 2040, a commencé à être conceptualisé dès 2015. Par conséquent, les infrastructures doivent évoluer progressivement, nécessitant des allocations budgétaires adéquates.
M. Matthieu Bloch (UDR). L'engagement militaire, source de fierté, peut également susciter des inquiétudes quant aux difficultés de reconversion vers les métiers civils. Chaque année, 20 000 à 30 000 militaires quittent leur fonction. Parmi eux, la moitié n'a jamais connu d'expérience professionnelle hors de l'armée, avec une moyenne d'âge de 44 ans. L’agence défense-mobilité du ministère des armées accompagne 53 % de ces militaires en transition vers un nouvel emploi, souvent difficile à pérenniser. In fine, seuls 35 % d'entre eux parviennent à sécuriser leur situation professionnelle.
Nos forces armées se composent d'hommes et de femmes dont les parcours se caractérisent par une grande mobilité, tout en maintenant un engagement sans faille. Il s'avère donc primordial d'anticiper et d'accompagner efficacement leur reconversion. À cet égard, le programme soutien à la politique de défense du projet de loi de finances prévoit une hausse de 12,4 millions d'euros des crédits de paiement dédiés à la reconversion du personnel militaire. Toutefois, l'enjeu majeur réside dans l'utilisation et le déploiement judicieux de ces crédits budgétaires. Cela nécessite notamment l'établissement de passerelles avec les filières professionnelles civiles susceptibles de bénéficier du savoir-faire militaire.
Le CSFM a-t-il émis des recommandations visant à renforcer les dispositifs de reconversion ? Ces recommandations envisagent-elles d'approfondir les partenariats avec le secteur privé, les organismes de certification et l'enseignement supérieur ?
M. le lieutenant-colonel Alexis. Concernant la reconversion des militaires, j'ai constaté lors des différentes visites ces six derniers mois que les qualités et les valeurs propres aux militaires sont particulièrement recherchées à l’extérieur. Certes, la reconversion peut s'avérer complexe pour ceux n'ayant connu qu'une carrière militaire. Toutefois, leur savoir-être est très apprécié et attendu par les employeurs civils. Les personnes en cours de reconversion témoignent que, même si l'apprentissage d'un nouveau métier peut être ardu, elles trouvent aisément leur place dans les entreprises qui les accueillent favorablement.
L'outil « défense mobilité » est mis à disposition des militaires pour leur reconversion et est en pleine évolution. Il permet un accompagnement vers le monde civil. Bien que perfectible, il ne doit pas être décrédibilisé. Malgré des difficultés en termes de ressources humaines et de moyens, ses équipes s'efforcent d'accompagner au mieux les militaires et leurs familles dans leur transition vers le civil. Il convient de souligner que « défense mobilité » aide également les conjoints dans leur recherche d'emploi.
Les partenariats avec des centres de formation existent déjà. Par exemple, le centre militaire de formation professionnelle à Fontenay-le-Comte accompagne certains militaires dans leur reconversion vers des métiers en tension ou très spécialisés, en lien avec des formations spécifiques. De plus, tout au long de sa carrière, le militaire peut bénéficier d'un accompagnement pour diverses formations. Ces passerelles sont déjà en place, même si le système reste perfectible et pourrait être davantage développé.
M. Pascal Jenft (RN). Je souhaite aborder la question de la fidélisation de nos militaires. En mars 2024, le ministre des Armées a initié le plan « fidélisation 360 », visant à améliorer les conditions de vie des militaires et de leurs familles par des mesures concrètes. Ce plan facilite notamment l'accès au logement, aux médecins traitants, l’octroi de prêts immobiliers avantageux ou une aide à la mobilité familiale.
Le projet de loi de finances 2025 semble allouer les moyens financiers nécessaires pour maintenir les effectifs militaires. À titre d'exemple, le budget consacré à l'entretien des parcs immobiliers a augmenté de plus de 15 millions d'euros, tandis que celui dédié à la fonction santé s'est accru de 20 millions d'euros.
Ces augmentations budgétaires sont-elles le signe que le plan « fidélisation 360 » a déjà produit des résultats positifs ? Ou indiquent-elles plutôt la nécessité d'intensifier nos efforts en matière de recrutement et de fidélisation au sein de nos armées ?
Mme la commissaire en chef Agnès. Nous avons déjà abordé les difficultés engendrées par la contrainte de mobilité pour le militaire et sa famille, sans remettre en question le caractère inhérent de cette mobilité à l'état du militaire. Nous avons notamment souligné les problèmes liés à la recherche de logements, en raison d'une offre insuffisante de la part des armées et d'une compensation indicielle inadéquate. Ces facteurs contribuent à l'appréhension par les militaires de la période de mutation. Face au constat d'un parc de logements encore insuffisant, nous avions préconisé le développement de l'offre, en particulier dans les secteurs conventionnés et intermédiaires, la mise en place d'accords commerciaux avec des agences immobilières pour faciliter l'accès à l'offre civile, ainsi qu'une meilleure prise en compte des contraintes opérationnelles dans l'attribution des logements domaniaux. Par ailleurs, nous avons formulé des propositions visant à faciliter l'accession à la propriété, telles que le prêt à taux zéro ou l'exonération de la taxe d'habitation pour la résidence secondaire qui servirait de résidence de repli.
Force est de constater que, malgré le plan « ambition logement », la situation du logement demeure insatisfaisante. Ce plan n'a pas encore pleinement porté ses fruits, ce qui souligne la nécessité de prendre en compte de manière effective cette contrainte liée à la mobilité du militaire.
M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). Je souhaite aborder la question de la rémunération des militaires, en revenant notamment sur le bilan de la NPRM. Quelle est actuellement l'inquiétude des militaires concernant la fiscalisation de cette allocation, dont les effets se feront sentir en 2025, particulièrement en ce qui concerne les risques d’éviction des prestations familiales liées au quotient fiscal ? Une demande a-t-elle été formulée pour obtenir une estimation précise de ces impacts ?
Par ailleurs, concernant la réforme indicielle, quel est votre avis sur les grilles présentées pour les sous-officiers et les officiers ? Un budget de 75 millions d'euros est évoqué pour les officiers, contre 48 millions pour les sous-officiers et 11 millions pour les militaires du rang. Comment évaluez-vous ce différentiel important en faveur des officiers, alors que les militaires du rang sont plus nombreux ?
M. le capitaine de corvette Thibault. Dans le cadre de nos visites, la question de la rémunération des militaires a été systématiquement abordée. Dans un marché du travail très ouvert et concurrentiel, celle-ci n'est pas perçue comme compétitive, tant du point de vue indiciaire qu'indemnitaire.
Concernant la NPRM, les sentiments sont globalement mitigés. Le CSFM poursuit ses travaux pour proposer des évolutions des différentes indemnités lors de la clause de revoyure prévue en 2026, mais nous estimons d'ores et déjà ces évolutions insuffisantes au niveau budgétaire.
Deux problématiques majeures se dégagent au niveau de la NPRM : la forfaitisation et la fiscalisation. La forfaitisation des primes et indemnités, combinée à leur non-indexation dans un contexte inflationniste, entraîne mécaniquement une réduction du pouvoir d'achat des militaires. L'indexation permettrait une mise en cohérence des budgets et atténuerait les effets négatifs, notamment pour les moins rémunérés. La fiscalisation soulève également des inquiétudes. Elle augmentera les revenus imposables et, par conséquent, impactera le calcul des différentes aides. Sur la déclaration des revenus 2023, le gain annoncé par la NPRM a été partiellement neutralisé par la fiscalisation sur seulement trois mois. Nous redoutons des effets négatifs plus prononcés en 2025, particulièrement pour les bénéficiaires d'indemnités élevées.
Le secrétaire d'État auprès du ministre des Armées avait rappelé que la NPRM avait été conçue dans le cadre de la réforme des retraites à points. Bien que cette réforme ait été abandonnée, la fiscalisation de la NPRM a été maintenue, privant les militaires des avantages escomptés à long terme. L'annonce du ministre lors du plan « fidélisation 360 » concernant l'intégration de primes dans la pension est donc très attendue.
Sur le plan indemnitaire, plusieurs points suscitent des critiques. L'indemnité de sujétion d'absence opérationnelle (ISAO) est source de délais de paiement excessifs et ses taux sont jugés insuffisants. Elle génère un sentiment d'iniquité, les taux variant selon le type de commandement opérationnel. Les notions de découchés et de sujétions posent problème pour les forfaits garde et permanence.
L'indemnité de garnison (IGAR) est globalement perçue comme une avancée, sauf pour certains cas marginaux comme les familles nombreuses. Sa fiscalisation soulève des inquiétudes. Le choix du demi-taux pour les couples de militaires est incompris, de la même manière que celui de la commune d'affectation plutôt que du bassin de vie, qui crée des inégalités de traitement, notamment lors de déménagements de services.
L'indemnité d'état militaire (IEM) pose problème pour les couples de militaires qui ne comprennent pas la règle d'attribution. Bien que destinée à compenser les contraintes du statut militaire, elle n'est pas versée intégralement aux deux membres d'un couple, créant une incompréhension. Enfin, le complément de l'IEM, ancienne indemnité pour temps d’activité et d’obligations professionnelles complémentaires (ITAOPC) créée en 2001, n'a pas été revalorisé depuis sa création.
M. le président Jean-Michel Jacques. Monsieur le secrétaire général, nous sommes arrivés au terme de nos questions. Je vous invite à prendre la parole une dernière fois avant que nous ne clôturions cette audition.
M. Christophe Jacquot. Les questions que vous avez soulevées, ainsi que celles de votre commission, démontrent votre attention particulière aux enjeux cruciaux qui préoccupent actuellement la communauté militaire. Je vous remercie vivement pour votre disponibilité. Soyez assurés que nous resterons toujours à la disposition de la Commission et des rapporteurs pour échanger en toute franchise.
M. le président Jean-Michel Jacques. Je vous remercie, ainsi que l’ensemble de la délégation du CSFM, pour vos réponses précises et claires.
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La séance est levée à dix-sept heures cinquante-cinq.
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Membres présents ou excusés
Présents. - M. Frédéric Boccaletti, M. Frank Giletti, M. Daniel Grenon, M. David Habib, Mme Catherine Hervieu, M. Jean-Michel Jacques, M. Pascal Jenft, M. Bastien Lachaud, Mme Nadine Lechon, Mme Gisèle Lelouis, Mme Catherine Rimbert, M. Sébastien Saint-Pasteur, M. Thierry Sother, Mme Corinne Vignon
Excusés. - M. Manuel Bompard, Mme Cyrielle Chatelain, M. Thomas Gassilloud, M. Damien Girard, Mme Lise Magnier, Mme Mereana Reid Arbelot, M. Mikaele Seo, M. Boris Vallaud