Compte rendu

Commission de la défense nationale
et des forces armées

— Audition, ouverte à la presse, du général de corps d’armée André Petillot, major général de la gendarmerie nationale, sur le projet de loi de finances 2025.


Mercredi
23 octobre 2024

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 12

session ordinaire de 2024-2025

Présidence
de M. Jean-Michel Jacques,
président

 


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La séance est ouverte à onze heures.

M. le président Jean-Michel Jacques. Nous reprenons notre séance avec l’audition du général de corps d’armée André Petillot, major général de la gendarmerie nationale. Il représente l’institution dans l’attente de la nomination du directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN), qui devrait intervenir prochainement à la suite de l’adieu aux armes du général Christian Rodriguez.

L’année 2024 s’est révélée particulièrement intense pour la gendarmerie. Elle s’est fortement mobilisée pour les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 et s’est engagée en Nouvelle-Calédonie dans un contexte de crise violent. Je n’oublie pas la sécurisation quotidienne de nos territoires, une mission à laquelle les députés présents sont très sensibles, constatant la présence assidue des gendarmes sur le terrain.

Cette activité soutenue a entraîné des répercussions sur les moyens budgétaires de la gendarmerie nationale. La presse a récemment rapporté que l’institution avait dû suspendre le paiement de ses loyers à certaines collectivités locales.

Dans ce contexte, le projet de budget du programme 152 « gendarmerie nationale », dont notre collègue Valérie Bazin-Malgras est la rapporteure, prévoit une augmentation de 521 millions d’euros, pour atteindre un total de 6,9 milliards d’euros hors pensions.

Général, nous vous invitons à nous présenter les priorités que cette augmentation budgétaire permettra de financer.

M. le général André Petillot, major général de la gendarmerie nationale. Je suis accompagné de François Desmadryl, directeur des soutiens et des finances, et du lieutenant-colonel Lelong, responsable du bureau de la synthèse budgétaire.

Comme vous l’avez rappelé, l’année 2024 a été particulièrement dense avec un événement majeur, planifié, celui des Jeux olympiques et paralympiques. La gendarmerie y a joué un rôle significatif, ce qui a eu un impact notable sur le budget.

En parallèle des problèmes habituels d’ordre public, la crise majeure en Nouvelle-Calédonie, depuis le 13 mai 2024, a un impact important à la fois sur le budget et sur l’engagement des militaires de la gendarmerie, car elle a mobilisé plusieurs dizaines d’escadrons de gendarmerie mobile. Après quatre mois d’engagement intense, bien que la situation ne soit pas totalement revenue à la normale, la vie en Nouvelle-Calédonie s’est stabilisée et les conditions pour un dialogue politique sont rétablies. Cet effort se poursuivra car la situation reste tendue, nécessitant une présence renforcée des forces de gendarmerie.

Concernant le bilan de la gestion budgétaire de 2024 et les problèmes de trésorerie ayant conduit à suspendre certains paiements de loyers aux collectivités locales : Le budget hors titre 2 2024 (fonctionnement et investissement) était quasiment stable, et même en légère baisse, par rapport à celui de 2023, qui lui-même était stable par rapport à 2022, les grandes marches de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) pour la gendarmerie étant prévues pour 2025, 2026 et 2027.

Les dépenses ont quant à elle été particulièrement dynamiques, influencées par l’augmentation du point d’indice fonction publique imputée sur les crédits sous plafond de la Lopmi ainsi que par l’inflation touchant toutes les collectivités publiques. Les Jeux olympiques, partiellement budgétés sans inclure certaines primes spécifiques, ainsi que la crise en Nouvelle-Calédonie ont exacerbé ces tensions financières. Ces difficultés seront traitées dans le cadre de la loi de fin de gestion annoncée par le ministre, permettant déjà d’identifier une couverture financière adéquate.

Dans l’intervalle, la gendarmerie a été amenée à suspendre les loyers pour les mois de septembre, octobre et novembre, pour certaines collectivités, avec un dispositif, piloté par François Desmadryl, mis en place afin de traiter la situation des collectivités qui seraient mises particulièrement en difficultés liées à cette mesure temporaire.

Malgré ces défis financiers concernant l’année écoulée, nous avons atteint nos objectifs fixés par la loi d’orientation et de programmation, incluant notamment sept nouveaux escadrons opérationnels, engagés notamment en Nouvelle-Calédonie. Nous aurons assuré la substitution, par la garde républicaine, de la gestion du palais de justice de Paris, ce qui permet de dégager trois escadrons de gendarmerie mobile supplémentaires. Nous aurons également amorcé la création des nouvelles brigades, au nombre de 80 en 2024, en conformité avec le schéma d’emploi, que nous aurons également réalisé.

Le budget 2025 permet d’effacer les difficultés rencontrées en 2024 grâce à une forte augmentation des crédits de fonctionnement et d’investissement. L’année 2024 aura été faible en investissements nouveaux, notamment dans le domaine immobilier et celui des moyens de mobilité et d’équipement. La loi de finances 2025 porte une augmentation des crédits hors titre 2, avec l’objectif de garantir la couverture des besoins de fonctionnement normaux de la gendarmerie. Je pense par exemple aux moyens alloués à l’achat de carburant, à la formation et au déplacement des personnels, à l’activité de la gendarmerie mobile et au paiement des loyers à l’ensemble des bailleurs.

Cette remise à niveau se traduit notamment par l’augmentation du fonctionnement courant de 72 millions d’euros, qui s’accompagne aussi par une augmentation des crédits d’investissement, en partie dédiés à la relance de l’investissement immobilier. Étant sur ce point important de préciser que les projets immobiliers s’inscrivent dans le temps long, et que la remontée des crédits doit s’inscrire dans une trajectoire qui permette de mettre en place les équipes dédiées et d’engager effectivement les dépenses. C’est dans ce sens que s’inscrit la budgétisation 2025.

Nous renforçons également les moyens d’investissement, notamment pour le renouvellement du parc automobile. Bien que nous soyons encore loin de l’objectif idéal de 3 700 véhicules par an, pour un renouvellement complet tous les huit ans, nous prévoyons l’achat de 1 850 véhicules légers en 2025, ce qui représente une amélioration significative par rapport à 2024. Il convient de noter que le parc avait été considérablement renouvelé et donc plutôt rajeuni lors du plan de relance 2020-2021, mais que l’interruption des achats en 2023-2024 a entraîné un nouveau vieillissement dudit parc.

Des moyens supplémentaires sont également alloués aux hélicoptères pour soutenir divers projets en cours, et au numérique. En effet, la transition numérique du ministère de l’Intérieur constitue un enjeu majeur qui nécessite des crédits importants. Le budget tel qu’il est prévu nous permet de relancer fortement les moyens dans les systèmes d’information et de communication.

Concernant les dépenses de rémunération (titre 2), le budget prévoit une augmentation significative, principalement destinée à couvrir les extensions en année pleine des dépenses initiées en 2024. Cela inclut les recrutements effectués tout au long de l’année 2024, qui impacteront le budget 2025 sur une année complète, ainsi que l’extension des mesures catégorielles mises en place en cours d’année 2024. Ces dispositions nous garantissent la capacité de maintenir nos effectifs dans de bonnes conditions.

Ces moyens visent à atteindre les objectifs fixés par la loi d’orientation et de programmation, notamment l’augmentation de la présence sur la voie publique, avec pour ambition de la doubler d’ici 2030. Nous poursuivrons également la création de nouvelles brigades et le renforcement de la réserve opérationnelle.

Le ministre de l’Intérieur a défini deux priorités principales nous concernant. La première vise la maîtrise des flux migratoires, impliquant la lutte contre l’immigration irrégulière et une meilleure maîtrise de l’immigration régulière. Cela se traduit par des dispositions législatives à venir, une collaboration avec des partenaires étrangers, tant dans les pays d’origine que de transit, et par des mesures concernant notre organisation interne pour lutter plus efficacement contre les réseaux de passeurs, particulièrement actifs à notre frontière maritime avec le Royaume-Uni.

La seconde priorité porte sur la lutte contre la délinquance, avec une approche à deux niveaux. D’une part, nous combattons la criminalité organisée, en nous appuyant notamment sur le rapport sénatorial relatif au narcotrafic. La situation est préoccupante, comme en témoignent les événements chez nos voisins néerlandais et belges, ou plus loin, en Équateur. Il s’agit d’un véritable enjeu de souveraineté, qui dépasse la simple question de la criminalité pour toucher au contrôle de nos territoires, de nos grands ports et des secteurs où la criminalité organisée est fortement implantée.

D’autre part, nous nous attaquons à la délinquance du quotidien. Cela passe par une augmentation de la présence sur la voie publique, une visibilité accrue et une présence renforcée dans les transports. Les Jeux olympiques ont démontré l’efficacité de cette approche, même si le modèle n’est pas directement transposable à long terme compte tenu des ressources et effectifs qu’il a été nécessaire de mobiliser (14 000 à 18 000 gendarmes par jour à Paris), en recourant notamment à la suspension des congés. Néanmoins, la présence importante dans les réseaux de transports en commun et les gares a eu un impact très positif sur le niveau de criminalité et le sentiment de sécurité des citoyens. Forts de cet enseignement, nous accentuons donc notre présence dans les gares, les gares routières et sur les grands réseaux autoroutiers, qui sont à la fois des lieux de passage importants pour nos concitoyens et des vecteurs majeurs de criminalité.

La lutte contre la délinquance du quotidien implique également un effort accru contre les multiréitérants, un phénomène qui touche tous les territoires, ainsi que la poursuite du travail dans le cadre du continuum de sécurité en collaboration avec les polices municipales.

Le nouveau ministre nous a fixé plusieurs grands axes, qu’il estime réalisables compte tenu du budget dont nous disposerons en 2025.

L’un des enjeux majeurs sera de poursuivre l’effort dans les collectivités ultramarines. La situation y demeure complexe, notamment en Martinique où des affrontements violents persistent. En Guyane française, nous faisons face à la tentative d’implantation de factions armées brésiliennes, engendrant un niveau de criminalité préoccupant, particulièrement à Saint-Laurent-du-Maroni. De plus, l’orpaillage illégal connaît un regain d’activité, favorisé par la hausse du cours de l’or et la concentration des moyens pour les Jeux olympiques. Il est donc impératif de renforcer rapidement nos dispositifs en Guyane. Mayotte reste également un point de vigilance, malgré une légère amélioration. Les défis y dépassent le seul aspect sécuritaire. Nous devons maintenir un dispositif conséquent et renforcer nos capacités d’investigation outre-mer pour faire face à la criminalité organisée. À titre d’exemple, en 2024, la moitié des vols à main armée commis avec arme à feu en zone gendarmerie ont eu lieu en Guyane. Un tiers des gendarmes blessés le sont dans nos collectivités ultramarines, qui ne représentent pourtant que 5 % de la population et de nos effectifs. Nous resterons donc extrêmement mobilisés sur ce sujet, en développant notamment notre expertise technique.

Concernant l’immobilier, notre parc, l’un des plus importants de l’État, souffre d’un sous-investissement chronique. Son état est médiocre, voire très dégradé par endroits, et sa mise aux normes énergétiques reste à accomplir. Pour relever ce défi, nous disposons de trois leviers. Premièrement, nous avons augmenté les crédits de gros entretien immobilier. Deuxièmement, nous investissons dans de nouveaux bâtiments domaniaux, en exploitant notre foncier pour l’extension ou la reconstruction. Troisièmement, nous utilisons les contrats de partenariat, rendus possibles par la loi de finances de l’année dernière, pour réaliser des opérations d’envergure que l’état de nos finances ne nous permet pas d’entreprendre seuls.

Le budget 2025 s’inscrit dans ce cadre, et accompagnera les réflexions sur le modèle immobilier, car la dégradation progressive du parc engendre une fragilité budgétaire. Ne pas investir dans le domanial nous contraint à payer des loyers de plus en plus élevés, ce qui grève nos autres dépenses de fonctionnement et d’investissement. Sans action de notre part, nous risquons d’abandonner davantage de bâtiments domaniaux au profit de locations, augmentant encore nos dépenses locatives dans un contexte de hausse générale des loyers.

De plus, l’acceptabilité du logement en caserne, principe fondateur de notre organisation, est menacée si nous ne pouvons offrir des logements décents à nos personnels alors que les factures de chauffage deviennent astronomiques et certains logements présentent des malfaçons importantes. Le Sénat a récemment publié un rapport éclairant sur cette question.

Ainsi s’achève la présentation des points clefs qui ont guidé l’élaboration du budget, volontairement rapide afin de laisser un maximum de temps aux questions.

M. le président Jean-Michel Jacques. Je laisse la parole aux orateurs de groupes, pour deux minutes chacun.

M. Pascal Jenft (RN). Au nom de mon groupe et en tant qu’ancien militaire, je tiens à saluer l’engagement exceptionnel de nos forces de gendarmerie sur l’ensemble du territoire national. En 2024, la gendarmerie a été fortement mobilisée, notamment pour les événements ultramarins et la sécurisation des Jeux olympiques. Cette mobilisation intensive repose sur l’organisation méticuleuse de la gendarmerie, structurée autour de brigades territoriales généralistes appuyées par des unités spécialisées. Une telle configuration lui confère sa robustesse et sa polyvalence.

L’efficacité de la gendarmerie dépend de l’équilibre du maillage territorial des brigades, couvrant plus de 95 % du territoire national. Toute perturbation des effectifs risque de compromettre le bon fonctionnement du dispositif établi. Or, nous constatons une vague de démissions sans précédent, avec près de 15 000 départs en 2022. Cette tendance persiste en 2023 et probablement en 2024. Un groupe Facebook intitulé « Gendarmerie côté démission » a émergé, offrant aux gendarmes un espace pour exprimer leur malaise et échanger des conseils pour quitter l’institution. En neuf mois seulement, ce groupe a attiré plus de 23 600 membres, ce qui soulève de sérieuses inquiétudes.

Face à l’augmentation de l’activité criminelle sur nos territoires, le maintien de nos effectifs de gendarmerie s’avère indispensable.

Bien que la dernière loi de programmation militaire prévoie le recrutement de 4 000 gendarmes, dont 1 995 en 2023 et autant en 2024, la faisabilité de cet objectif suscite des interrogations.

Mon général, compte tenu de ces éléments, je souhaiterais connaître la stratégie financière envisagée pour, d’une part, fidéliser les effectifs actuels et, d’autre part, compenser les départs. Cette stratégie serait-elle réalisable avec le budget alloué par le projet de loi de finances, en termes d’amélioration des conditions de vie, de rémunération, de moyens et de communication autour du recrutement ?

M. le général André Petillot. Il ne s’agit pas de 15 000 démissions, mais de 15 000 départs. Il nous faut aussi prendre en considération les doubles comptes. Par exemple, lorsqu’un gendarme adjoint volontaire devient sous-officier, cela est comptabilisé comme un départ du corps des gendarmes adjoints volontaires. Or, nous recrutons la moitié de nos sous-officiers parmi ces derniers. Le flux réel de départs se veut donc nettement inférieur.

Toutefois, nous constatons effectivement une augmentation des départs avant les limites d’âge. Cependant, ce phénomène n’est ni massif, ni préjudiciable à notre capacité à atteindre nos objectifs en termes d’effectifs. Nous terminerons ainsi l’année 2024 en réalisant le schéma d’emplois prévu.

Cette tendance s’explique en partie par des facteurs générationnels. De nombreux candidats intègrent la gendarmerie pour vivre une expérience plutôt que pour y faire carrière. Cette attitude se retrouve dans de nombreux secteurs professionnels. On encourage souvent les jeunes à diversifier leurs expériences professionnelles au cours de leur vie. Nous leur expliquons qu’au sein de la gendarmerie, il est possible d’exercer plusieurs métiers au cours d’une même carrière. Néanmoins, certains s’engagent dès le départ avec l’intention de ne rester que six ou sept ans avant de se réorienter.

Nous devons adapter nos flux et nos parcours à cette nouvelle réalité. Toutefois, nous ne rencontrons pas de difficultés majeures pour réaliser notre schéma d’emploi ou pour pourvoir les postes dans les nouvelles unités créées. L’écart entre les effectifs théoriques et réalisés des unités s’explique principalement par le nombre important de personnels en formation, en attente de leur affectation. Nous avons beaucoup recruté de 2022 à 2024. Une fois que nous aurons atteint une stabilité des effectifs, l’équilibre entre effectifs théoriques et réels devrait se rétablir.

Nous avons par ailleurs consenti un effort particulier pour renforcer les effectifs des escadrons de gendarmerie mobile, compte tenu de leur forte sollicitation, afin de leur permettre de prendre leurs permissions.

En résumé, nous sommes et serons en mesure de réaliser nos objectifs d’effectifs en 2025. Bien que nous constations davantage de départs qu’auparavant, nous intégrons désormais ce paramètre dans nos prévisions. Cette situation ne nous alarme pas outre mesure. Il convient de noter que certains forums en ligne peuvent amplifier l’expression des insatisfactions. Sans négliger ces retours, il faut éviter de surestimer leur portée.

M. Karl Olive (EPR). Je salue l’engagement des 134 738 gendarmes d’active et de réserve qui assurent la sécurité sur l’ensemble du territoire. Dans la douzième circonscription des Yvelines, je constate quotidiennement leur réactivité et leur professionnalisme, dont nous pouvons tous être fiers.

L’année 2024 a été particulièrement intense, notamment avec l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques. Leur succès est en partie dû à la mobilisation exemplaire de nos gendarmes qui ont contribué au dispositif de sécurité des épreuves.

Cette année a également été marquée par un renforcement durable des capacités de la gendarmerie grâce à la Lopmi que nous avons votée. Je rappelle la création de 80 nouvelles brigades de gendarmerie, le recrutement de 3 540 nouveaux effectifs sur cinq ans, ainsi que l’ajout de sept nouveaux escadrons de gendarmerie mobile.

J’aimerais aborder deux points spécifiques. Le premier concerne les relations entre la gendarmerie et la jeunesse. La gendarmerie nationale joue un rôle essentiel dans le cadre du service national universel, notamment à travers les associations des cadets de la gendarmerie qui accueillent les jeunes dans des missions d’intérêt général. En 2023, 2 456 cadets ont été accueillis dans 101 associations, comme celle de Beynes dans ma circonscription. Ce dispositif, lancé en 2017, poursuit un double objectif : faciliter l’insertion des jeunes et répondre aux défis de recrutement de la gendarmerie. Quel bilan tirez-vous de cette initiative, tant pour la gendarmerie que pour l’insertion des jeunes, et comment envisagez-vous son avenir ?

Ma seconde question porte sur l’utilisation des nouvelles technologies. La Lopmi en a fait une priorité, avec un investissement de 7 milliards d’euros sur cinq ans. Je pense notamment aux dispositifs 17Cyber et à l’action des 1 500 cyberpatrouilleurs. Comment la gendarmerie s’engage-t-elle contre la cybercriminalité et la cybermalveillance avec la Lopmi ? Comment envisage-t-elle de se saisir de l’intelligence artificielle, tant comme outil à son service que pour contrer ces nouvelles formes de criminalité ?

M. le général André Petillot. Les cadets de la gendarmerie constituent un dispositif particulièrement intéressant, s’inscrivant dans la dynamique globale du Service national universel (SNU). Depuis 2019, plus de 6 000 cadets ont été formés. Les associations de cadets se déploient progressivement dans tous les départements et ce développement repose sur le bénévolat et l’engagement des réservistes citoyens. Bien que nous ne puissions accueillir tous les jeunes, ce programme représente un levier pertinent pour orienter certains d’entre eux vers la réserve opérationnelle, puis potentiellement vers une intégration au sein de l’institution. Un effort particulier est réalisé dans nos territoires ultramarins où la demande est forte avec de nombreuses candidatures. Il est essentiel pour les jeunesses d’outre-mer d’avoir cette opportunité afin d’intégrer potentiellement par la suite l’institution gendarmerie. Nous veillons à recruter significativement dans ces collectivités afin qu’elles soient représentées partout.

Les nouvelles technologies constituent un axe majeur de la Lopmi. En 2024, une nouvelle organisation a été concrétisée au sein du ministère concernant la lutte contre la cybercriminalité avec la création du ComCyber du ministère de l’Intérieur, structure rattachée à la direction générale de la gendarmerie nationale mais ayant une vocation ministérielle. Cette structure prend en charge l’évaluation des menaces, élabore une stratégie globale, assure une formation spécifique en cybersécurité et regroupe les expertises rares mises à disposition des services concernés, qui conservent leurs capacités propres d’enquête.

La cybercriminalité croît constamment et s’entrelace avec toutes formes de délinquance ; elle n’est donc pas marginale et nécessite que chaque service soit capable de traiter ces infractions. Des succès notables ont d’ailleurs été obtenus, avec plusieurs plateformes illicites mises hors service, souvent en coopération avec Europol ainsi qu’avec des partenaires internationaux hors Union européenne, comme le FBI américain, la NCA britannique et les entités australiennes, avec lesquels nous travaillons sur ces sujets mondiaux.

Nous avons démantelé plusieurs plateformes de cryptoactifs, même lorsqu’elles étaient hébergées à l’étranger et animées par des ressortissants de pays non coopératifs, démontrant notre efficacité face à cette menace mondiale. En complément, le volet préventif conserve toute son importance face à cette délinquance de masse, dont les auteurs sont souvent difficiles à atteindre. La gendarmerie s’investit donc beaucoup dans la prévention dans les territoires et auprès de toutes les structures susceptibles d’être touchées (PME, Ehpad, hôpitaux ou les petites collectivités). Nous développons donc en parallèle le volet répressif en mettant l’accent sur le développement des compétences, mais aussi le volet prévention et la proximité, avec des acteurs comme l’Anssi, qui s’occupe des grandes infrastructures vitales aux côtés desquels s’engage la gendarmerie à l’échelle du maillage territorial.

M. Christophe Bex (LFI-NFP). Ayant récemment rencontré le président de La Poste, je constate que dans les territoires ruraux, La Poste et la gendarmerie demeurent souvent les deux derniers services publics présents. Le logement des gendarmes revêt une importance capitale et le logement concédé par nécessité absolue de service constitue un avantage crucial pour les gendarmes. Il est regrettable que cet avantage ait été supprimé dans de nombreux services de la fonction publique, alors qu’auparavant les instituteurs et autres fonctionnaires en bénéficiaient.

Pour 2025, une enveloppe de 295 millions d’euros en autorisations d’engagement et 175 millions d’euros en crédits de paiement a été allouée pour l’acquisition et la réhabilitation des casernements. Cependant, ces montants pourraient s’avérer insuffisants pour combler les retards accumulés, réduire les dépenses énergétiques et renouveler les contrats de location, dont le budget s’élève à 278 millions d’euros.

La gendarmerie rencontre des difficultés financières, notamment pour le paiement des loyers des locaux qu’elle occupe. Des communes ont récemment signalé que la gendarmerie ne parvenait plus à honorer ses loyers, invoquant des tensions budgétaires liées aux coûts engendrés par les Jeux olympiques et l’intervention en Nouvelle-Calédonie.

Dans ce contexte, quelles initiatives le projet de loi de finances 2025 prévoit-il pour améliorer les conditions de logement des gendarmes ? Comment la gendarmerie envisage-t-elle de faire face à ces tensions budgétaires tout en assurant la rénovation et l’entretien de son parc immobilier ? Dans quelle mesure ces difficultés financières affecteront-elles la mise en œuvre de nouveaux projets immobiliers, tels que ceux portant sur la rénovation énergétique ou la construction de nouvelles casernes, lancés en 2024 et devant être finalisés en 2025 ?

M. le général André Petillot. Pour compléter mes propos précédents, je tiens à souligner qu’aucune problématique budgétaire ne se posera concernant le paiement des loyers en 2025, ce qui constitue un point essentiel à nos yeux.

En ce qui concerne l’amélioration du logement, la mise à niveau énergétique s’inscrit dans une stratégie à long terme. Comme je l’ai mentionné, 2025 marquera la reprise des investissements grâce à des crédits d’investissement domaniaux, permettant la réalisation de plusieurs projets.

Nous avons d’ores et déjà planifié des opérations de réhabilitation pour un montant de 70 millions d’euros. Celles-ci concerneront diverses casernes, notamment à Paris, Chauny, Aurillac, Saint-Astier, où se trouve notre centre national d’entraînement des forces. Nous poursuivrons également un plan d’urgence dans les outre-mer, où nombre de nos emprises sont domaniales. Des opérations de construction sont aussi prévues, incluant des bâtiments d’hébergement. Sans entrer dans les détails de chaque projet, je peux affirmer que la capacité à investir de nouveau dans l’immobilier en 2025 est bien présente.

Le deuxième levier que j’ai évoqué concerne les contrats de partenariat. Ceux-ci devraient nous permettre de lancer une opération d’envergure, notamment à Versailles-Satory. Ce site, qui abrite plus de 1 000 logements, comprend le GIGN d’une part et le groupement blindé de gendarmerie mobile d’autre part. Cet ensemble immobilier ancien nécessite une rénovation. Ce levier nous offre des perspectives d’amélioration durable de notre parc immobilier.

Je ne vous cacherai pas que cet effort s’inscrit dans la durée. Il serait illusoire de penser résoudre la question en injectant quelques dizaines de millions sur une ou deux années. C’est, si j’ose dire, une autodiscipline à s’imposer. L’investissement immobilier présente une rentabilité politique à long terme. En somme, celui qui lance un projet verra son inauguration réalisée par le successeur de son successeur. Ce n’est pas un résultat immédiatement visible, mais c’est néanmoins un enjeu majeur.

Cette problématique a été mise en lumière par le rapport du Sénat et revêt pour nous une importance capitale, car elle remet en question le modèle même de la gendarmerie, comme vous l’avez souligné.

M. Thierry Sother (SOC). Je m’associe à mes collègues pour saluer le travail accompli par la gendarmerie sur notre territoire. La mission gendarmerie bénéficie cette année d’une augmentation significative de son budget, perceptible dans la plupart de ses actions. Cette tendance haussière n’est pas nouvelle, se manifestant dans tous les budgets depuis plusieurs années. Cette position privilégiée, dans un contexte d’austérité, contraste fortement avec les échos des communes qui ont signalé de nombreux retards de paiement des loyers par la gendarmerie ces derniers mois.

Ces retards ont suscité de vives réactions, tant au sein de notre commission que parmi les collectivités locales. Vous avez eu l’occasion de vous en expliquer, évoquant notamment les Jeux olympiques, pourtant prévisibles pour 2024, ou les interventions en Nouvelle-Calédonie. Cette situation génère une dette estimée à environ 200 millions d’euros.

J’exprime ici mon inquiétude quant aux fluctuations importantes des investissements de la gendarmerie d’une année sur l’autre, ce qui me semble préoccupant pour la continuité des services essentiels. À court terme, le ministre s’est engagé à régler tous les retards en décembre.

Plusieurs questions se posent face à cette situation. Avons-nous l’assurance que tous les loyers seront versés aux différentes collectivités avant la fin de l’exercice 2024 ? À combien s’élève précisément ce montant ? Pouvez-vous confirmer le chiffre de 200 millions d’euros de retard de loyers ? Le sénateur Belin estime à 2,2 milliards la dette grise de l’immobilier de la gendarmerie. Le PLF vous semble-t-il suffisamment ambitieux pour combler cette dette ?

Considérez-vous que le gel des paiements des loyers était la seule option budgétaire envisageable en 2024 face aux dépenses imprévues ? Existait-il d’autres possibilités, telles que la fongibilité ou le report d’autres opérations, pour gérer les dépenses et les paiements en 2024 ?

M. le général André Petillot. Je répondrai à la dernière partie de votre question, laissant à François Desmadryl le soin d’aborder l’aspect de la gestion de trésorerie concernant les loyers. Des alternatives existaient, certes, mais elles auraient impliqué l’arrêt du fonctionnement de la gendarmerie : plus de carburant, plus de déplacements pour les enquêtes, plus de formation. Telle était la seule alternative envisageable.

La fongibilité, qui consisterait à utiliser des dépenses de titre 2 pour couvrir le fonctionnement, s’avérait impossible compte tenu de la période de l’année où nous nous trouvions. Les recrutements étaient pratiquement achevés et il était impensable de cesser la rémunération du personnel.

En définitive, les seules marges de manœuvre auraient consisté à supprimer totalement les crédits de fonctionnement courant des unités. C’est pourquoi l’arbitrage a été fait de cette interruption des paiements des loyers.

Je cède maintenant la parole à François pour qu’il expose les perspectives, le montant et les mécanismes en jeu.

M. François Desmadryl, directeur des soutiens et des finances à la direction générale de la gendarmerie nationale. Concernant la dynamique, nous avons décidé de suspendre les loyers de septembre, octobre et novembre afin de préserver l’activité opérationnelle. Ces loyers seront versés dès l’ouverture des crédits de la loi de fin de gestion, prévue en décembre. Cette opération s’avère complexe car elle concerne environ 5 000 baux. Nous nous préparons actuellement pour être en mesure d’effectuer les versements dès que les crédits seront disponibles sur le programme.

Parmi ces 5 000 baux, nous avons déjà préservé ceux des bailleurs particuliers et des collectivités d’outre-mer, qui se trouvaient dans des situations délicates. La suspension ne concerne donc que les collectivités locales et les bailleurs institutionnels. Le montant total des loyers suspendus sur ces trois mois s’élève à environ 90 millions d’euros.

En principe, cette opération sera neutre pour les comptes des collectivités locales et des bailleurs en fin d’année, voire légèrement positive. En effet, nous verserons également les intérêts moratoires correspondant aux trois mois de non-paiement. Ainsi, les 90 millions d’euros de loyers suspendus seront intégralement remboursés en décembre, dès que les crédits seront mis à notre disposition.

Mme Valérie Bazin-Malgras (DR). Au nom de mon groupe, la Droite républicaine, et de ma collègue Anne-Laure Blin, je tiens à exprimer notre reconnaissance envers l’implication et l’engagement de tous les gendarmes sur le territoire. Ils ont une fois de plus démontré leur efficacité cet été lors des Jeux olympiques, et nous saluons leur travail quotidien.

La création de 239 nouvelles brigades de gendarmerie à l’horizon 2027 constitue l’une des mesures phares de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur. Ce renforcement du maillage territorial de la gendarmerie s’avère impératif. En 2023 et 2024, les engagements de la Lopmi ont été respectés, avec l’établissement des 80 premières nouvelles brigades ainsi que de sept escadrons de gendarmerie mobile. Ces créations ont été rendues possibles grâce à un schéma d’emploi dynamique, avec 950 effectifs supplémentaires en 2023 et 1045 en 2024.

Cependant, le projet de budget 2025 prévoit un schéma d’emploi nul, alors que la gendarmerie escomptait 500 effectifs supplémentaires, dont 464 devaient armer les 57 nouvelles brigades prévues l’année prochaine. Dans ces conditions, ma question est simple : comment envisagez-vous de créer de nouvelles brigades en 2025 sans effectifs supplémentaires ?

M. le général André Petillot. L’équation demeure complexe. Le ministre a abordé cette question hier soir, évoquant notamment une concertation avec Bercy sur la modulation du schéma d’emploi. Des considérations de calendrier entrent également en jeu dans le processus de création. Comme l’a réaffirmé le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, la dynamique de création des nouvelles brigades se poursuivra. Concernant les modalités et la gestion de ce dossier en 2025, nous n’avons pas encore arrêté définitivement notre position. Notre ambition est de maintenir cette dynamique, non par simple volonté, mais en réponse à une attente forte des territoires. L’accroissement de la présence des forces de l’ordre, que nous nous efforçons d’amplifier, passe aussi par l’établissement de ces nouvelles unités et par notre capacité à nous déployer dans des zones reculées de nos territoires où notre présence s’était amoindrie.

Mme Catherine Hervieu (EcoS). Le modèle de la gendarmerie nationale s’appuie sur la disponibilité des gendarmes, astreints à résider en caserne par nécessité absolue de service. Cette obligation implique de leur offrir des conditions de travail dans des bâtiments adaptés et un cadre de vie convenable pour eux-mêmes et leurs familles. L’efficacité opérationnelle dépend en partie de l’entretien du parc immobilier de la gendarmerie.

Depuis 2014, nous observons dans nos collectivités les conséquences d’un sous-investissement chronique dans la maintenance et la rénovation du parc domanial. La détérioration des bâtiments engendre une vétusté généralisée. Le rapport sénatorial de juillet 2024 sur l’immobilier de la gendarmerie nationale fait état d’une dette grise cumulée de 2,2 milliards d’euros sur dix ans.

Je peux attester de l’état de la caserne construite en 1974 dans ma circonscription. Elle illustre le décalage entre les budgets alloués début 2023 et l’insuffisance des crédits en décembre de la même année, plaçant les familles dans des conditions de vie précaires.

Quelles garanties pouvez-vous apporter pour 2025, bien que vous ayez commencé à les évoquer ? Comment le recours au marché de partenariat immobilier pour financer une nouvelle génération de projets améliorerait-il concrètement cette situation, et dans quels délais ? Quelles projections envisagez-vous pour éviter que ce manque d’investissement dans l’entretien des casernes et logements, dont nous subissons actuellement les effets, ne se reproduise ?

Enfin, nous avons un besoin pressant d’un interlocuteur pour échanger sur ce sujet. Nous attendons toujours l’annonce du nouveau directeur général de la gendarmerie nationale. Cette nomination, prévue aujourd’hui en conseil des ministres, serait à nouveau reportée au prochain Conseil.

M. le général André Petillot. Je tiens à vous rassurer quant au fonctionnement continu de la gendarmerie, même en l’absence de nomination d’un nouveau directeur général. L’institution ne repose pas sur un seul individu, mais sur une structure, une équipe, un collectif.

Concernant les enjeux à long terme, j’estime que la responsabilité vous incombe également. La pérennité des investissements immobiliers de la gendarmerie nécessite une vigilance annuelle lors de l’examen du projet de loi de finances, afin d’éviter toute rupture. Comme je l’ai mentionné précédemment, une interruption entraîne la réaffectation des équipes techniques à d’autres tâches, rendant la reprise des activités particulièrement ardue.

S’agissant des contrats de partenariat, leur avantage principal réside dans l’étalement de la dépense. Dans le contexte actuel des finances publiques, ce levier mérite une attention particulière. Sur une période de vingt ans, le décaissement est moindre comparé à un investissement direct en crédits budgétaires, qui nécessitent d’ailleurs de recourir à l’emprunt et donc de prendre en compte les taux d’intérêt auxquels nous sommes soumis pour évaluer l’équilibre économique.

Les contrats de partenariat sont adaptés aux opérations d’envergure, impliquant des centaines de millions d’euros, pour lesquelles nous ne disposons pas objectivement des capacités d’investissement suffisantes. Ils ne visent pas à résoudre l’ensemble des problématiques immobilières de la gendarmerie, notamment pour les emprises les plus modestes.

Un autre levier concerne les contrats de partenariat spécifiques en matière d’amélioration énergétique.

M. François Desmadryl. La gendarmerie lancera l’an prochain une expérimentation des marchés globaux de performance énergétique à paiement différé (MGPEPD), une sous-catégorie des marchés de partenariat. Ce dispositif prévoit la réalisation de travaux de rénovation énergétique, dont le coût sera amorti sur quinze ans par le paiement d’un loyer. Un amendement adopté par votre assemblée l’année dernière a alloué 55 millions d’euros pour tester ces contrats. Nous sommes actuellement en phase d’identification des projets. Trois d’entre eux ont déjà été sélectionnés et devraient être initiés l’année prochaine, permettant ainsi d’améliorer la performance énergétique des casernes concernées. Malheureusement, compte tenu du niveau actuel des crédits immobiliers, nous ne sommes pas en mesure d’entreprendre immédiatement une réhabilitation énergétique globale. Nous nous concentrons plutôt sur la reconstruction des bâtiments les plus vétustes.

M. Didier Lemaire (HOR). Je souhaite féliciter votre engagement ainsi que celui de l’ensemble des gendarmes mobilisés pour la sécurité des Jeux olympiques et paralympiques. Leur déroulement sécurisé résulte du déploiement massif des forces de l’ordre, non seulement à Paris, mais sur l’ensemble du territoire. J’ai pu le constater dans mon département du Haut-Rhin, ce qui démontre l’efficacité des investissements dans la sécurité. Le Groupe Horizons et Indépendants exprime sa gratitude pour leur investissement sans faille.

La gendarmerie couvre 95 % du territoire national et assure la protection de plus de la moitié de nos concitoyens. Bien que l’équilibre budgétaire soit une priorité pour notre groupe, il ne doit pas se réaliser au détriment de la sécurité publique, essentielle à notre cohésion sociale. Nous accueillons favorablement l’augmentation globale allouée au budget de la mission sécurité. Il nous paraît nécessaire que cette allocation respecte les engagements pris lors du vote de la loi de programmation pour le ministère de l’Intérieur.

Nous estimons indispensable de poursuivre l’effort budgétaire en faveur de la création de 239 nouvelles brigades de gendarmerie. En 2024, 80 ont été créées, mais le maillage territorial doit s’intensifier. Ce maillage concerne également les casernes, dont l’entretien et la rénovation requièrent un financement adapté. Le projet annuel de performance pour la gendarmerie mentionne une relance de l’investissement immobilier et des mesures spécifiques pour le parc domanial des territoires ultramarins.

Pouvez-vous préciser la nature de ces mesures spécifiques et détailler, de manière plus générale, les principaux projets de réhabilitation qui seront financés sur l’ensemble du parc grâce à cette enveloppe ?

M. le général André Petillot. Dans le cadre de la réhabilitation des casernes, nous identifions plusieurs opérations en métropole. Celles-ci concernent notamment la caserne de la garde républicaine, un bâtiment datant des années 1930, ainsi que la caserne Tournon, située à proximité du Sénat. Des travaux sont également prévus sur des emprises à Chauny, Aurillac et Saint-Astier.

Par ailleurs, une enveloppe de 17 millions d’euros est prévue et ciblée pour les collectivités ultramarines, principalement aux Antilles. Les situations s’avèrent particulièrement dégradées en Guadeloupe, mais la Martinique est également concernée. Je rappelle que nous disposons de nombreuses casernes domaniales dans nos territoires d’outre-mer.

Au-delà de l’amélioration des infrastructures, nous devons renforcer la sécurisation de ces sites. Nous avons fait face à de multiples attaques de casernes, tant en Nouvelle-Calédonie qu’en Martinique. Il est donc impératif d’accroître la protection de ces emprises.

L’effort financier de 17 millions d’euros pour l’outre-mer représente une augmentation significative par rapport aux années précédentes, où le budget oscillait entre un et trois millions d’euros annuels pour ce volet.

Sabine Thillaye (Dem). Général, au nom de mon groupe, je tiens également à exprimer ma gratitude envers nos forces de l’ordre et plus particulièrement la gendarmerie. Je souhaite souligner la bonne humeur observée lors des Jeux olympiques où nous avons rencontré de nombreux gendarmes souriants, ce qui a réconforté tout le monde.

Je voudrais revenir sur les cybermenaces que vous avez déjà évoquées précédemment. Dans votre dernier rapport annuel en 2023, vous constatez une augmentation exponentielle des procédures judiciaires liées aux cyberattaques, avec une hausse de 83 % au cours des cinq dernières années. Cette tendance persiste malgré une vaste opération policière à laquelle la gendarmerie française a pleinement participé. Le groupe de cybercriminels LockBit 3.0 reste un symbole d’une menace cybernétique toujours plus sophistiquée et capable d’agir à l’international.

Le coût de la cybercriminalité s’élève à dix milliards d’euros en France et est encore plus élevé au niveau européen. Votre analyse met en lumière le besoin impératif pour le département cybersécurité de la gendarmerie d’accroître ses capacités. Cependant, cette montée en puissance nécessite l’accès à des logiciels de dernière génération dont le coût est conséquent ainsi que le recrutement de profils variés parmi les gendarmes : experts juridiques ou réservistes spécialisés dans le domaine du numérique.

Ma première question porte sur l’accès aux licences nécessaires pour mener vos investigations efficacement. Cet accès est-il aujourd’hui pleinement assuré ? Je pense notamment au travail indispensable des sections opérationnelles spécialisées dans la lutte contre les menaces numériques qui ont parfois signalé un accès insuffisant par rapport aux besoins identifiés.

M. le général André Petillot. Nous avons fusionné les équipes chargées des systèmes d’information et de communication avec celles spécialisées en cybersécurité et mis en place une formation socle commune, suivie de formations complémentaires différenciées, permettant une flexibilité accrue. Cette réorganisation renforce considérablement nos capacités dans ce domaine. Notre objectif est de former plus de mille spécialistes supplémentaires d’ici 2030, en plus de l’effectif actuel.

Concernant l’accès aux applications et logiciels, la problématique est davantage juridique que budgétaire. De nombreux outils existent, mais leur utilisation est contrainte par le RGPD, une réglementation par ailleurs justifiée et qu’il ne s’agit aucunement de remettre en cause. Les délais pour obtenir l’autorisation d’utiliser certains fichiers sont extrêmement longs, nécessitant des analyses d’impact à la Cnil, voire parfois un texte soumis au Conseil d’État. Le délai moyen entre l’apparition d’une technologie et son utilisation effective varie de deux à six ans. Ainsi, un outil peut être obsolète avant même sa mise en service. Bien que des ressources financières soient nécessaires, l’enjeu principal réside dans notre organisation et dans la nécessité de raccourcir les procédures d’habilitation pour l’utilisation des outils existants.

Quant à l’intelligence artificielle, un défi majeur concerne la possibilité d’expérimenter. Actuellement, pour déployer une IA, il faut décrire précisément ses fonctionnalités avant même de l’avoir testée. Or, pour connaître ses capacités, il est nécessaire de l’avoir expérimentée sur des données réelles, ce qui n’est pas autorisé. Nous sommes donc confrontés à un cercle vicieux : nous devrions décrire les capacités d’une IA sans avoir pu la tester. Cette situation nous fait prendre du retard par rapport à de nombreux autres pays dans ce domaine.

M. Yannick Favennec-Bécot (LIOT). Mon général, si je vous dis que le général Rodriguez est mayennais et qu’il est né dans ma circonscription, vous comprendrez mon regret de le voir partir, même si je ne doute pas des qualités de son successeur.

Je tiens à mon tour à exprimer ma reconnaissance envers l’ensemble des gendarmes, véritables forces de proximité qui œuvrent aux côtés de nos concitoyens pour assurer leur protection, lutter contre la délinquance et toutes les formes de violences. Dans ma circonscription, je constate qu’ils accomplissent un travail remarquable et sont grandement appréciés par la population. Les Mayennais, à l’instar de l’ensemble des Français, éprouvent une grande fierté à l’égard de leurs gendarmes.

Je souhaite néanmoins relayer les préoccupations des maires des petites communes rurales de mon territoire. Bien que les gendarmes patrouillent dans ces communes, les élus de proximité regrettent qu’ils ne puissent consacrer davantage de temps à s’arrêter et échanger avec eux. Ces maires ruraux, souvent premiers réceptacles des doléances de leurs administrés, se trouvent parfois confrontés aux aspects les plus sombres de notre société. Je pense notamment aux violences intrafamiliales qui, malheureusement, ne sont pas toujours détectées à temps. Les échanges avec les gendarmes s’avèrent, dans ce contexte, particulièrement précieux.

Je suis conscient de la problématique des effectifs et il ne s’agit nullement de remettre en question l’excellent travail accompli par les gendarmes. Cependant, une évolution de leur présence dans les communes peut-elle être envisagée selon vous ?

Je rappelle à ce sujet l’engagement pris il y a deux ans par le Président de la République de créer deux brigades de gendarmerie supplémentaires dans le département de la Mayenne. Deux ans plus tard, une seule brigade a été créée. À quand la seconde ?

Enfin, j’avais ardemment plaidé lors de la précédente législature au sein de cette commission pour que les gendarmes de la brigade rapide d’intervention soient équipés de véhicules français. Des Alpine A110 avaient alors été judicieusement sélectionnées. Envisagez-vous de passer d’autres commandes d’Alpine A110 pour les BRI en 2025 ?

M. le général André Petillot. Je dois apporter une réponse négative à votre dernière question. Nous avons atteint notre objectif en matière d’équipement de véhicules rapides d’intervention.

Concernant la présence dans les zones rurales, la création de nouvelles brigades vise précisément cet objectif. En 2024, 80 brigades seront créées, dont une en Mayenne. Votre département figure ainsi parmi les premiers bénéficiaires, sachant que le déploiement se poursuivra jusqu’en 2027 pour couvrir l’ensemble du territoire. La planification détaillée des trois prochaines années n’est pas encore finalisée. Nous prioriserons les départements n’ayant bénéficié d’aucune création, ainsi que les zones où des investissements immobiliers conséquents ont déjà été engagés par les collectivités.

Au-delà des créations d’effectifs, nous nous attachons à optimiser l’organisation du service des unités pour accroître la présence sur la voie publique. Notre objectif ne se limite pas à des chiffres, mais vise à répondre aux besoins de visibilité et de contact. Chaque maire doit disposer d’un gendarme référent clairement identifié au sein de la brigade, même dans les secteurs comptant de nombreuses communes. Si ce n’est pas le cas actuellement, nous prendrons les mesures nécessaires pour appliquer ces directives récemment réaffirmées.

Un sujet important, fréquemment évoqué par les maires ruraux, concerne la police de l’environnement, notamment la gestion des déchets et des dépôts illégaux. Nous avons pris des engagements fermes dans ce domaine, avec la création du commandement pour l’environnement et la santé. Cette structure parisienne coordonne le réseau jusqu’aux unités territoriales, déploie des formations et des outils techniques, dont des applications en ligne, pour lutter plus efficacement contre cette délinquance environnementale dite « du bas du spectre », mais très répandue.

Enfin, la lutte contre les violences intrafamiliales demeure une priorité majeure. Nous avons considérablement amélioré l’accueil des victimes et le traitement des procédures en collaboration avec la justice. Malheureusement, nous constatons une augmentation continue de ce contentieux. Si pendant longtemps on a attribué cette hausse à une meilleure révélation des faits et à une libération de la parole, force est de constater que le phénomène persiste. Malgré les efforts importants déployés en matière de prévention, ce contentieux n’est actuellement ni stabilisé, ni en baisse.

M. le président Jean-Michel Jacques. Nous allons passer aux questions individuelles des députés. Pour la première série, je cède la parole à Julien Limongi.

M. Julien Limongi (RN). Dans nos campagnes, nous observons une recrudescence des trafics de stupéfiants, des règlements de comptes et de l’insécurité permanente. Cette situation préoccupante se manifeste notamment à Nangis, dans ma circonscription. Le quartier de la Mare-aux-Curées, au cœur de cette petite ville de 8 500 habitants, se transforme progressivement en une zone dangereuse, fréquemment mentionnée dans les médias locaux.

Bien que les effectifs de gendarmerie soient comparables à ceux d’autres zones rurales moins affectées, la délinquance se propage malheureusement partout, jusque dans nos exploitations agricoles. De nombreux agriculteurs renoncent à signaler les vols dont ils sont victimes sur leurs domaines.

Dans ce contexte, et considérant l’augmentation du budget alloué à la gendarmerie nationale, quelles sont vos possibilités d’action pour combattre plus efficacement la délinquance dans ces petites villes rurales confrontées désormais à un niveau d’insécurité comparable à celui des grandes agglomérations ?

Pour conclure, je tiens également à rendre hommage à l’ensemble de nos gendarmes, véritables héros qui assurent notre protection au quotidien.

Mme Alma Dufour (LFI-NFP). Sur le plan international, une situation préoccupante attire notre attention. Nous avons appris par le magazine Les amis de la gendarmerie que la France poursuit le financement de la formation des forces de sécurité tchadiennes, notamment des gendarmes, et ce malgré les accusations récurrentes de violations des droits humains et de répression violente envers la population civile portée contre le régime tchadien.

Cette politique soulève des interrogations quant à la cohérence de l’action française à l’étranger. En effet, alors que la France affirme fonder son action internationale sur le respect du droit international et humanitaire, le soutien qu’elle semble continuer d’apporter au régime tchadien, ainsi que les arrangements consentis avec des chefs d’État dont la gouvernance tend vers l’autoritarisme, comme en Guinée, risque de ternir l’image de notre pays aux yeux des citoyens africains et d’amoindrir notre influence sur la scène internationale.

Il convient donc de s’interroger sur les garanties mises en place pour éviter que cette formation ne soit détournée par le régime tchadien à des fins répressives contre les civils ou les opposants politiques.

Par ailleurs, plusieurs questions d’ordre budgétaire se posent : quel est le coût de cette formation de gendarmes ? Dans quelle ligne budgétaire ces informations sont-elles répertoriées ? Pourquoi ne dispose-t-on pas d’un détail pays par pays de ces dépenses ?

Mme Catherine Rimbert (RN). L’an dernier, le projet de loi de finances a alloué 13,1 millions d’euros en autorisations d’engagement et 13,2 millions d’euros en crédits de paiement à la formation des gendarmes, dont une part importante était consacrée au maintien de l’ordre public et à la gestion des crises. Pour le PLF 2025, l’État prévoit d’attribuer des montants identiques, tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement.

Cependant, cette année, l’accent a été mis sur la modernisation des formations, notamment dans les domaines de la cybersécurité et de la gestion de crise, afin de répondre plus efficacement aux nouveaux défis de sécurité publique, comme vous l’avez évoqué précédemment général.

Dès lors, les formations dites classiques au maintien de l’ordre, telles que le tir, la sécurité en intervention et les différentes techniques opérationnelles seront-elles réduites pour faire davantage de place aux nouvelles formations dans les programmes ?

Quels axes de financement complémentaires ou quelles mesures envisagez-vous pour assurer une adaptation rapide et efficace des gendarmes face à ces nouveaux enjeux sécuritaires ?

M. le général André Petillot. Concernant la montée de la délinquance dans les territoires, notamment le trafic de stupéfiants, j’ai pu constater cette réalité lors de ma visite récente à Nangis, où je me suis entretenu avec les militaires de l’unité. Ils m’ont fait part des situations que vous évoquez. Actuellement, la criminalité ne connaît pas de frontières et ne se concentre pas dans des zones spécifiques, mais se répand sur l’ensemble du territoire. Cette observation s’applique au trafic de stupéfiants ainsi qu’à la présence de groupes criminels organisés itinérants, responsables de nombreux cambriolages, vols de matériel agricole et de GPS agricoles.

Cette situation démontre l’absence de distinction entre zones rurales et urbaines en matière de délinquance, nécessitant une action globale contre ces formes de criminalité. C’est pourquoi nous devons maintenir une certaine flexibilité dans le déploiement de nos moyens. En effet, lorsque nous affectons des effectifs à un secteur, la délinquance s’adapte, entraînant un effet de report sur les zones adjacentes ou sur d’autres types de criminalité. Il est donc essentiel d’assurer un socle d’effectifs dans chaque territoire, tout en conservant une capacité de réaction pour intervenir dans les zones particulièrement sensibles.

S’agissant de la coopération internationale en matière de formation, les budgets sont principalement alloués à la direction de la coopération de sécurité et de défense, relevant du ministère des Affaires étrangères et de l’Europe. Notre politique globale vise à répondre aux demandes de coopération émanant de divers pays, notamment africains. L’objectif est de leur apporter un soutien leur permettant d’assurer leurs missions de police judiciaire et d’ordre public dans le strict respect des droits de l’homme. Les formations dispensées, en particulier en matière de maintien de l’ordre, visent à réduire le niveau de violence et à gérer les troubles à l’ordre public par des forces de sécurité plutôt que par des forces armées.

Cette approche revêt une importance particulière dans le contexte actuel, où certains pays africains s’éloignent de nous et avec l’influence croissante de la Russie. Il est préférable que les forces de sécurité africaines soient formées par nous plutôt que par le groupe Wagner, dans l’intérêt des populations concernées.

Concernant la formation des militaires, le budget présenté dans le projet annuel de performance résulte de l’agrégation de différents aspects. Il convient de préciser que nous disposons de structures dédiées à la formation, telles que les écoles, ainsi que de formations continues dispensées au sein des unités. Nous n’avons pas réduit les budgets dans ce domaine. Nous avons largement déployé les formations en ligne, avec plus de cinq cents modules disponibles, offrant une solution économique et flexible. Néanmoins, nous maintenons les formations en présentiel et les formations techniques dans les domaines les plus nécessaires, notamment en matière de maintien de l’ordre.

Le centre national d’entraînement des forces de gendarmerie à Saint-Astier demeure une priorité. L’un de nos défis consiste à assurer un recyclage adéquat de nos escadrons de gendarmerie mobile. L’objectif serait qu’ils y passent tous les dix-huit mois, alors qu’actuellement, l’intervalle dépasse les trois ans. Il ne s’agit pas d’un problème budgétaire, mais plutôt de la nécessité de dégager du temps dans l’emploi de nos unités pour leur permettre de se former.

Mme Anne-Laure Blin (DR). Vous avez évoqué la question du parc immobilier, très important, notamment en matière de construction de nouvelles casernes. Mais il y a aussi un sujet de préoccupation relatif aux véhicules d’intervention. Bien qu’un renouvellement ait été opéré ces dernières années, il semble que celui-ci connaisse actuellement un ralentissement, et ce malgré des besoins qui demeurent considérables. De nombreux véhicules présentent déjà des signes d’usure dus à une utilisation intensive. Quelles dispositions envisagez-vous pour améliorer l’équipement des forces de l’ordre ?

Je tiens également à exprimer ma profonde reconnaissance et mon admiration pour le travail exceptionnel et le dévouement sans limite de l’ensemble des gendarmes sur tout le territoire national.

Mme Anne Le Hénanff (HOR). Je souhaiterais vous interroger sur la transposition en France de la directive européenne Nis 2. Bien que le calendrier ne soit pas encore établi, cette transposition devra être effectuée. L’Anssi pilote ce processus dans le cadre de la loi sur la résilience. Je m’interroge sur la manière dont la gendarmerie s’intégrera dans cette transposition européenne en France. Votre institution a accompli un travail remarquable depuis des années pour accompagner les organisations sur les territoires et renforcer leur protection en matière de cybersécurité. Comment envisagez-vous votre intégration et votre coopération avec l’Anssi pour la mise en œuvre de Nis 2 en France dans les prochains mois ?

M. Damien Girard (EcoS). La gendarmerie renforce son engagement sur les questions environnementales avec la création du commandement pour l’environnement et la santé en juin 2023. Cette initiative s’inscrit dans un contexte où la criminalité environnementale représente la quatrième activité criminelle la plus importante à l’échelle mondiale, connaissant une croissance annuelle de 5 à 7 %.

En réaction à cette situation, le Parlement européen et le Conseil ont adopté en 2024 de nouvelles dispositions élargissant les sanctions pour ces infractions. Quelle est votre opinion sur l’urgence de transposer ces textes dans le droit des États membres ? Par ailleurs, estimez-vous nécessaire de renforcer davantage la réponse pénale en France, notamment en ce qui concerne le quantum des peines, face à la diversification et à l’intensification des infractions environnementales ?

Ensuite, comment le législateur peut-il intégrer et mettre en valeur la spécificité militaire de la gendarmerie nationale dans sa contribution à l’effort national contre le péril climatique ? Cette spécificité est notamment illustrée par l’appui de l’office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique aux autorités ukrainiennes concernant les crimes de guerre ayant un impact environnemental.

M. le général André Petillot. Notre renouvellement de flotte de véhicules légers, qui s’élevait à environ 3 700 unités en 2021 et 3 300 en 2022, a considérablement diminué. Nous avons commandé 325 véhicules en 2023 et 185 en 2024. Les gendarmes ont exprimé une inquiétude légitime à ce sujet. Bien que nous prévoyions d’atteindre 1 850 véhicules en 2025, ce chiffre reste insuffisant, mais nous réamorçons le processus de manière significative.

Nous sommes confrontés à une augmentation substantielle du coût des véhicules, qui a presque doublé. Un véhicule acheté 23 000 euros en 2020 coûtera 45 000 euros en 2025. Les véhicules spécialisés, notamment les plus lourds, posent un sujet particulier : le malus écologique alourdit considérablement leur coût d’acquisition, atteignant parfois 100 000 euros par véhicule, ce qui dépasse nos capacités budgétaires. Par exemple, pour intervenir sur les pistes en Guyane, nous avons besoin de véhicules 4x4 qui sont soumis à ce malus. Or, les pompiers ont bénéficié d’exonérations pour certains véhicules, nous pourrions envisager une approche similaire, non pas pour l’ensemble de notre parc, mais pour des véhicules spécifiques indispensables à nos missions et pour lesquels une alternative écologique n’est pas disponible. Cela nous permettrait d’acquérir davantage de véhicules avec le même budget.

Concernant la transposition de la directive résilience, le SGDSN et l’Anssi en sont les pilotes. Nous collaborons étroitement avec l’Anssi, dont la présence territoriale est limitée à deux ou trois agents par région. Notre rôle consiste à prendre en charge l’aspect du maillage territorial, en coopération avec l’Anssi. Cette dernière se concentre sur les opérateurs d’importance vitale et les enjeux de haut niveau. La directive élargit considérablement le champ d’application de ces questions. Le travail de transposition étant en cours, je ne peux fournir plus de détails à ce stade, mais nous y sommes associés sous l’autorité du SGDSN.

Quant à l’environnement, la création du commandement pour l’environnement et la santé (Cesan) répond à plusieurs défis. Tout d’abord, la législation en la matière est foisonnante, couvrant de nombreux codes, qu’il convient de connaître. L’un des objectifs premiers du Cesan est de créer des aide-mémoire et des guides pour aider les enquêteurs à naviguer dans ce dédale législatif et réglementaire.

Ensuite, le durcissement de la réglementation environnementale tend à générer davantage de criminalité environnementale, la fraude devenant plus attrayante. Nous devons anticiper un déplacement des activités des organisations criminelles vers ce domaine, notamment dans le secteur des déchets, mais pas uniquement.

Enfin, bien que nous soyons pleinement engagés dans la lutte contre la criminalité environnementale de haut niveau, une grande partie des infractions relève du domaine contraventionnel. Le véritable enjeu réside dans la remise en état des sites pollués. Souvent, lorsqu’un terrain est gravement pollué, les responsables ont disparu, l’entreprise a fait faillite, la structure juridique n’existe plus. Le défi consiste moins à faire payer des amendes qu’à imposer la remise en état du terrain. Je pense que notre priorité devrait être de développer des mécanismes permettant d’obliger les opérateurs économiques, qu’ils soient défaillants ou malveillants, à réparer effectivement les dommages qu’ils ont causés. Sans cela, nous risquons de poursuivre des entités fantômes sans pouvoir interpeller les responsables.

Actuellement, les textes de loi existent, mais nous devons mettre en place un système efficace pour relever correctement les infractions, les cibler, et disposer de juridictions maîtrisant ce contentieux complexe. À mon sens, ces actions sont prioritaires avant d’envisager de nouvelles législations sur ce sujet.

M. Alexandre Dufosset (RN). D’après le projet de loi de finances 2025, une diminution du taux de missions périphériques est prévue pour l’année à venir. Cela implique que nos gendarmes devraient être moins sollicités pour des tâches telles que les escortes, les procurations ou la surveillance de détenus hospitalisés. Cette évolution leur permettrait de se recentrer sur leurs missions essentielles, ce qui s’avère nécessaire au vu de la recrudescence de la délinquance et de la criminalité.

Dans ce contexte, je souhaiterais vous interroger sur la prise en charge future de ces missions périphériques. Si elles venaient à être confiées à des entreprises privées, quelles en seraient les implications financières ? Par ailleurs, une telle délégation est-elle envisageable au regard des dispositions énoncées dans le livre 6 du code de la sécurité intérieure ?

M. Frank Giletti (RN). Les crédits budgétaires alloués à la gendarmerie ces dernières années, bien que conséquents, se sont révélés insuffisants. Face à l’inflation galopante et aux tensions croissantes dans nos territoires d’outre-mer, notamment à Mayotte, en Martinique et en Nouvelle-Calédonie, la viabilité du budget 2025 soulève des interrogations.

En particulier, quel mécanisme est envisagé pour encourager et soutenir la création de nouvelles brigades, alors même que le paiement des loyers des brigades existantes s’avère déjà problématique ? Il convient de rappeler que le Premier ministre, dans son discours de politique générale, a réaffirmé son engagement envers la création de 239 brigades. Cependant, quel délai peut-on raisonnablement envisager pour atteindre cet objectif, sachant que le plafond d’emploi 2026-2027 relatif à la gendarmerie départementale, destiné à pourvoir ces nouvelles brigades, ne sera effectif qu’en fin de Lopmi ?

Dans un contexte marqué par des contraintes budgétaires et des enjeux sécuritaires pressants, il s’avère nécessaire d’établir des priorités. Ainsi, quelles seront ou devraient être les orientations principales de la gendarmerie à l’aune de la prise de fonction de son nouveau directeur général ?

M. François Ruffin (EcoS). Dans ma circonscription, j’entretiens des échanges réguliers avec vos collègues, notamment sur la problématique des violences intrafamiliales, dont vous avez indiqué la recrudescence. Je tiens à souligner les avancées en matière de formation, l’amélioration de l’accueil dans les gendarmeries et la mise en place d’unités spécialisées.

Je souhaite à présent aborder la question des violences en général. Si l’on constate une progression des taux d’élucidation et une diminution des classements sans suite, la situation concernant les viols demeure préoccupante. En effet, pour ces crimes, le taux d’élucidation décroît tandis que les classements sans suite augmentent.

Je m’étonne, à la lecture d’ouvrages ou au vu des témoignages qui me parviennent, de l’absence apparente d’investigations systématiques dans les affaires de viol. Il semblerait que des démarches telles que les confrontations entre l’agresseur présumé et la victime présumée, les auditions des proches ou l’examen des téléphones portables ne soient pas menées de façon automatique, contrairement à ce qui se pratique pour d’autres types de violences.

M. le général André Petillot. Concernant les missions que nous n’exerçons plus, deux leviers principaux se dégagent. Premièrement, la possibilité de réaliser des procurations en ligne. Nous avons d’abord mis en place la pré-procuration, puis lors des élections européennes, nous avons instauré des procurations complètes. Cette automatisation des processus permet un gain de temps considérable pour tous les acteurs impliqués, sans qu’un autre acteur soit sollicité pour les prendre en charge.

Deuxièmement, les escortes sont à la charge de l’administration pénitentiaire. À la suite de l’incident tragique de juin, impliquant l’évasion d’un détenu et le décès de deux agents pénitentiaires, nous avons été davantage sollicités. Néanmoins, l’objectif reste de revenir à une situation normale où l’intervention de la gendarmerie nationale en matière d’escorte demeure un prêt de main forte exceptionnel. L’administration pénitentiaire dispose des effectifs et des agents nécessaires pour assumer ces missions, et doit s’organiser en conséquence. Il convient également de rappeler que des alternatives existent, telles que la visioconférence, évitant ainsi des déplacements longs et coûteux pour les détenus qui doivent rencontrer un magistrat instructeur. Ces options méritent d’être explorées davantage. Il ne s’agit pas de transférer ces missions au secteur privé, mais plutôt d’optimiser la répartition des tâches entre les administrations pour gagner en efficacité et de dégager du temps d’activité.

Concernant les nouvelles brigades, nous disposons d’un dispositif d’accompagnement des collectivités encadré par deux décrets datant de 1993 et 2016. Notre objectif est d’augmenter les « coups plafond », c’est-à-dire le montant de la subvention versée par l’État lors de la création d’une nouvelle brigade, ainsi que la réévaluation des loyers à échéances régulières. Ce dossier progresse et nous espérons, après de longues négociations avec le ministère des Finances, aboutir prochainement.

S’agissant des violences intrafamiliales, il n’existe pas de distinction particulière : un viol demeure un crime. Par conséquent, ce type de délinquance nécessite des investigations approfondies, sur lesquelles les parquets exercent une vigilance accrue. La difficulté actuelle réside dans le nombre important de faits anciens révélés, parfois plusieurs décennies après leur commission, en raison de l’allongement des délais de prescription. Dans ces cas, la matérialisation de l’infraction s’avère plus complexe, hormis d’éventuels témoignages.

En revanche, pour les faits récents, l’intégralité des investigations policières et scientifiques est systématiquement menée. Tous les éléments évoqués, tels que l’analyse de la téléphonie et des supports numériques du suspect, font l’objet d’une attention particulière. Ces infractions, parmi les plus graves, mobilisent fortement nos services et sont prises en charge par des unités spécialisées, notamment la brigade de recherche pour les cas de viols. Les difficultés mentionnées sont probablement liées à des faits plus anciens.

M. le président Jean-Michel Jacques. Je tiens à exprimer ma gratitude envers le général et le directeur pour leurs interventions. L’affluence de nos commissaires et la multitude de questions posées témoignent sans conteste de notre profond attachement et de notre sincère reconnaissance envers l’ensemble des gendarmes. Je vous remercie pour vos réponses, qui se sont distinguées par leur clarté et leur précision.

Chers collègues, je vous donne rendez-vous ultérieurement pour la poursuite de nos auditions.

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La séance est levée à douze heures vingt-cinq.

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Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Christophe Bex, Mme Anne-Laure Blin, M. Manuel Bompard, M. Yannick Chenevard, M. François Cormier-Bouligeon, M. Alexandre Dufosset, Mme Alma Dufour, M. Yannick Favennec-Bécot, Mme Stéphanie Galzy, M. Frank Giletti, M. Damien Girard, Mme Catherine Hervieu, M. Laurent Jacobelli, M. Jean-Michel Jacques, M. Pascal Jenft, Mme Anne Le Hénanff, Mme Nadine Lechon, Mme Gisèle Lelouis, M. Didier Lemaire, Mme Murielle Lepvraud, M. Julien Limongi, M. Thibaut Monnier, M. Karl Olive, Mme Anna Pic, Mme Josy Poueyto, M. Aurélien Pradié, Mme Marie Récalde, Mme Catherine Rimbert, M. Aurélien Rousseau, M. François Ruffin, M. Arnaud Saint-Martin, M. Aurélien Saintoul, M. Sébastien Saint-Pasteur, M. Thierry Sother, M. Thierry Tesson, Mme Sabine Thillaye, M. Romain Tonussi, Mme Corinne Vignon

Excusés. - Mme Cyrielle Chatelain, M. Guillaume Garot, M. Thomas Gassilloud, Mme Clémence Guetté, Mme Lise Magnier, Mme Alexandra Martin, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Mereana Reid Arbelot, M. Mikaele Seo, M. Boris Vallaud