Compte rendu
Commission de la défense nationale
et des forces armées
— Examen pour avis, ouvert à la presse, du projet de loi autorisant la ratification du traité sur la coopération dans le domaine de la défense entre la République française et le Royaume d’Espagne (n° 621) (M. Sébastien Saint-Pasteur, rapporteur pour avis).
— Examen, ouvert à la presse, et vote sur la proposition de résolution, tendant à la création d'une commission d’enquête relative à la politique française d’expérimentation nucléaire, à l’ensemble des conséquences de l’installation et des opérations du Centre d’expérimentation du Pacifique en Polynésie française, à la reconnaissance, à la prise en charge et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, ainsi qu’à la reconnaissance des dommages environnementaux et à leur réparation (n° 311) (M. Didier Le Gac, rapporteur).
Mercredi
11 décembre 2024
Séance de 9 heures 30
Compte rendu n° 29
session ordinaire de 2024-2025
Présidence
de Mme Valérie Bazin-Malgras, vice-présidente
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La séance est ouverte à neuf heures trente-deux.
Mme Valérie Bazin-Malgras, présidente. Je vous prie d’excuser M. le président Jacques pour son absence exceptionnelle. Il a dû rejoindre les salariés d’une usine importante de son territoire qui vit une situation préoccupante. C’est en ma qualité de vice-présidente qu’il m’a chargée d’assurer la présidence de notre réunion de ce matin.
Notre ordre du jour appelle l’examen pour avis du projet de ratification d’un traité de coopération en matière de défense avec l’Espagne et l’examen d’une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur les essais nucléaires en Polynésie.
Examen pour avis du projet de loi autorisant la ratification du traité sur la coopération dans le domaine de la défense entre la République française et le Royaume d’Espagne (n° 621) (M. Sébastien Saint-Pasteur, rapporteur pour avis).
M. Sébastien Saint-Pasteur, rapporteur pour avis. Je suis très honoré d’avoir été nommé rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées sur le projet de loi autorisant la ratification du traité sur la coopération dans le domaine de la défense entre la République française et le Royaume d’Espagne, signé à Barcelone le 19 janvier 2023.
Avant toute chose, je souhaite remercier les services de l’Assemblée ainsi que les personnes qui ont été auditionnées pour préparer ce rapport, dans des délais très contraints puisque j’ai été nommé mercredi dernier. Nous avons essayé de relever le défi.
Le traité que nous examinons a été conclu le même jour qu’un traité d’amitié et de coopération plus général, dit traité de Barcelone. Il s’inscrit dans une histoire commune avec l’Espagne. Si cette histoire n’a pas toujours été facile dans le temps long – le Dos de mayo en témoigne – elle est maintenant apaisée, voire fraternellement entremêlée. Je n’en prendrai qu’un exemple, celui de la Nueve, compagnie rattachée à la deuxième division blindée du général Leclerc, dont les républicains espagnols avaient été les premiers à entrer dans Paris en 1944.
Le traité de coopération en matière de défense constitue avant tout un signal politique fort entre deux alliés confrontés à des menaces et à des défis communs et partageant une même ambition pour la défense européenne. Le contexte international incertain que nous connaissons, l’approche purement transactionnelle de l’Otan par les États-Unis nous obligent à consolider et à intensifier la coopération avec nos alliés et proches voisins – ou plutôt nous en donnent la chance.
S’il est ratifié par le Parlement, ce traité aura vocation à se substituer à un précédent accord de défense entre la France et l’Espagne, datant de 1983. Nous l’avons conclu en premier lieu dans l’intérêt des personnels militaires et civils déployés en coopération avec l’Espagne. Ce traité consacre en effet une avancée essentielle avec l’institutionnalisation d’un Sofa (accord de statut des forces à l’étranger) qui n’était pas prévu par le précédent accord. Les Sofa fixent le droit applicable à nos personnels à l’étranger et aux personnels étrangers opérant sur notre sol ; ils permettent de développer la coopération internationale dans le domaine de la défense et de sécuriser le cadre juridique de nos activités de coopération et de nos opérations. En l’absence de tout accord, c’est le droit commun de l’État hôte, avec toutes ses limites, qui s’applique à nos ressortissants.
Ce Sofa reprend pour l’essentiel celui de l’Otan, en en précisant ou complétant certaines dispositions au besoin. Il organise les modalités concrètes de la coopération dans le domaine de la défense, tant en matière sanitaire – puisqu’il sécurise les dispositifs d’accès aux systèmes de soins, civil et militaire, et de prise en charge des frais médicaux – que fiscale – il évite la double imposition de nos personnels – ou en ce qui concerne le port d’insignes et d’uniformes, la discipline et le rapatriement du corps d’un personnel décédé. Ainsi, la conclusion de ce Sofa sécurisera le cadre juridique de notre coopération avec l’Espagne, l’un des alliés avec lequel la France entretient le plus vaste réseau d’officiers de liaison et d’échanges – la coopération étant comme on le sait cruciale dans le secteur du renseignement.
Ce texte va au-delà du Sofa. Il répond d’abord à la nécessité technique de mettre à jour le cadre juridique de notre coopération en matière de défense. En effet, l’accord de 1983 ne comportait pas de référence, devenue indispensable, aux cadres de coopération multilatéraux – en particulier à l’Union européenne, à laquelle l’Espagne n’a adhéré qu’en 1986.
En réaffirmant l’importance de la relation bilatérale avec l’Espagne, le traité constitue également une réponse politique à un contexte stratégique nouveau, marqué par le retour de la guerre aux portes orientales de l’Europe et par celui de la compétition entre grandes puissances. Plus que jamais, la France a besoin de consolider ses relations de défense avec ses alliés historiques et de confiance. L’Espagne et la France partagent la volonté de renforcer l’autonomie stratégique de l’Union européenne, ce qui suppose de mettre à jour les domaines de coopération face aux enjeux de notre époque, qu’il s’agisse des menaces hybrides, qui polarisent à outrance nos démocraties, des défis de la cybersécurité, qui nous forcent à combiner expertise civile et militaire, ou de la nécessaire consolidation de la base industrielle et technologique de défense (BITD) européenne, objectif partagé des deux côtés des Pyrénées.
À cet égard, le traité désigne explicitement trois niveaux de coopération : opérationnel, stratégique et capacitaire. Au niveau stratégique, il institue un conseil franco-espagnol de défense et de sécurité, auquel participent les ministres des affaires étrangères et de la défense des deux nations et qui se réunira tous les ans. S’y adjoindra un comité d’armement, chargé de la mise en œuvre des stipulations du traité dans ce domaine, qui se réunira lui aussi une fois par an.
Au niveau capacitaire, le traité encourage l’identification de besoins communs, les coopérations industrielles et technologiques, ainsi que le développement de projets en commun. Au niveau opérationnel, enfin, il promeut la continuation des coopérations déjà existantes : exercices conjoints, escales navales, opérations communes de prévention des conflits et de gestion de crise, sécurité maritime, etc.
Partenaire de confiance, l’Espagne est un allié historique et ce traité constitue l’un des moyens de renforcer notre relation de défense bilatérale. Acteur majeur de la défense européenne, l’Espagne dispose de la sixième armée de l’Union en termes d’effectifs, avec 136 000 personnels. Suite à l’invasion de l’Ukraine par la fédération de Russie, elle a d’ailleurs considérablement amplifié son effort : en 2023, son budget pour la défense a augmenté de quelque 20 %, atteignant près de 16 milliards d’euros. Un tel chiffre reste à consolider au vu de la très forte décentralisation du pays, mais l’effort reste notable. Confronté au nouveau contexte stratégique, le gouvernement de Pedro Sánchez a montré, aux côtés de la France, sa pleine solidarité avec l’Ukraine face à l’agresseur russe, notamment en cédant treize de ses chars Léopard.
La coopération opérationnelle dense entre nos deux pays découle aussi d’une communauté de vues quant aux priorités stratégiques, dont la logique du continuum Méditerranée – bande sahélo-saharienne – golfe de Guinée. L’Espagne est sans doute le pays européen dont la vision du flanc sud de l’Europe est la plus proche de celle de la France. Ainsi, elle a soutenu l’action des forces françaises dans la bande sahélo-saharienne en mettant à sa disposition des avions de transport, déployés à partir de Dakar, lors de l’opération Barkhane ; elle en a fait autant pour la task force européenne Takuba. Elle a aussi accédé à la demande du chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace de participer au dispositif de sécurité aérienne des Jeux olympiques et paralympiques de 2024, en déployant une capacité radar et en mobilisant près de 50 personnels.
Outre cette coopération bilatérale dans le domaine de la défense déjà forte, l’Espagne accorde une importance majeure à la coopération multilatérale, dans les cadres de l’Union européenne, de l’Otan et de l’ONU. Elle constitue l’un des moteurs de la politique de sécurité et de défense commune : elle a participé à la création de la capacité de déploiement européenne prévue par la Boussole stratégique adoptée par le Conseil européen le 25 mars 2022 et, du 16 au 22 octobre 2023, elle a organisé l’exercice militaire réel, dit Milex, ayant rassemblé à Cadix près de 2 800 militaires issus de neuf pays – l’Espagne ayant fourni le premier contingent et la France le second.
Membre très actif de l’Otan, l’Espagne abrite plusieurs structures de l’Alliance. Elle a contribué au renforcement de sa présence sur son flanc oriental en déployant en Lettonie 600 militaires, intégrés au groupement tactique canadien depuis 2017. Depuis le 1er juillet 2024, elle a pris le commandement du groupe tactique multinational de l’Otan en Slovaquie – soit 800 militaires et 250 véhicules. Enfin, depuis novembre 2024, l’Espagne contribue, à hauteur d’un sous-groupement tactique interarmées de près de 250 personnels et 35 véhicules, au bataillon multinational stationné en Roumanie dont la France est nation-cadre.
Sur le plan capacitaire, l’Espagne souhaite aujourd’hui renforcer sa propre BITD, au risque de placer ses entreprises en concurrence avec les nôtres. Elle est cependant partie prenante de plusieurs programmes structurants bilatéraux ou multilatéraux, comme l’avion de transport multirôle tactique A400M, l’avion ravitailleur stratégique A330, le projet Eurodrone, les hélicoptères Tigre et NH90 ou, bien sûr, le système de combat aérien du futur (Scaf). S’agissant du Scaf, les lignes rouges françaises sont bien connues : l’avion de chasse de nouvelle génération devra pouvoir apponter, porter la bombe nucléaire et être exportable par la France sans restriction de la part de l’Allemagne ou de l’Espagne – nous y reviendrons certainement.
Sans prétendre que le présent traité pourrait résorber les divergences industrielles et les désaccords politiques entre les trois États participant au programme Scaf – il ne décidera pas de son entrée en phase 2, qui pourrait avoir lieu au printemps 2026 –, il pourrait modestement renforcer la cohésion du couple franco-espagnol dans les négociations préalables à l’ouverture de cette phase. En effet, les instances de concertation prévues par le traité pourraient faciliter les discussions politiques et industrielles sur les projets capacitaires mettant directement en concurrence les entreprises des deux nations – je pense notamment à Hydis2 (étude sur la défense par intercepteur hypersonique), projet d’intercepteurs endo-atmosphériques proposé en 2023 par un consortium d’entreprises conduit par l’industriel MBDA, auquel la France participe aux côtés de l’Allemagne, de l’Italie et des Pays-bas, tandis que le groupe espagnol Sener pilote le projet concurrent, Hydef (intercepteur de défense hypersonique européen), soutenu par l’Espagne, la Norvège, la Belgique, la Pologne et la République tchèque.
Je tiens enfin à saluer l’extension de la coopération bilatérale à de nouveaux domaines, en particulier celui du changement climatique, dont les armées françaises et espagnoles doivent, l’une comme l’autre, anticiper les conséquences pour leur fonctionnement présent et futur. Les dramatiques inondations à Valence et les incendies de 2022 qui ont dévasté une partie de la France, notamment la Gironde, et de l’Europe, nous rappellent la nécessité de renforcer cette coopération bilatérale, complémentaire des dispositifs européens. Autres nouveaux domaines, ceux de la féminisation des forces armées, sujet majeur, ou des activités géographiques, cartographiques, hydrographiques, océanographiques et j’en passe.
Dans le contexte singulier que nous connaissons, force est de nous réjouir d’un accord ayant vocation à sécuriser et renforcer la coopération bilatérale en matière de défense entre la France et l’Espagne. S’il ne s’agit pas d’un accord « café para todos », comme on dit en Espagne, le traité comporte des avancées précises, concrètes et importantes. Je propose donc d’émettre un avis favorable sur le projet de loi visant à le ratifier.
Mme Valérie Bazin-Malgras, présidente. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Laurent Jacobelli (RN). Nous avons à examiner un traité renouvelant une coopération plutôt fructueuse entre la France et l’Espagne dans le domaine militaire, remontant à la signature de l’accord militaire de 1983, il y a plus de quarante ans. Cette coopération repose sur une histoire commune, de forts liens d’amitié et des intérêts communs, concernant en particulier la lutte contre l’immigration illégale en Méditerranée – l’Espagne constitue la terre de débarquement favorite d’un certain nombre de migrants – et la cyberdéfense, nouvelle menace dont nous savons qu’elle mérite d’être étudiée en commun. Le traité ne révolutionne rien pour autant : il s’agit plutôt de prendre acte d’une réalité. Comme l’a indiqué M. le rapporteur pour avis, sur les questions sensibles comme celle du Scaf, il n’apporte pas de réponse.
On peut aussi regretter le verbiage européiste qui entoure ce traité. Le paradoxe est grand lorsque l’on évoque à son propos l’Europe de la défense, qui est une chimère je le rappelle, alors même qu’il s’agit d’un traité bilatéral. Cela montre bien que ce sont les accords, volontairement conclus par les nations, qui représentent une voie d’avenir, et non les velléités de création d’un commissaire européen à la défense qui déciderait à leur place. La coopération entre États présente évidemment un intérêt pour notre défense : en atteste le travail fructueux entrepris avec le Royaume-Uni, la Belgique ou la Grèce. En l’espèce, il est question de travailler en parfaite intelligence avec l’Espagne, de sorte que ce traité, sans être celui du siècle et malgré son accoutrement européiste, va dans le bon sens. Reconnaissant l’intérêt d’un lien franco-espagnol fort, le groupe Rassemblement national sera favorable à sa ratification.
M. Sébastien Saint-Pasteur, rapporteur pour avis. Je ne partage pas votre appréciation : les formes de coopération, bilatérale et multilatérale, se complètent plus qu’elles ne s’opposent. Nous avons besoin d’accords bilatéraux, et ils sont d’ailleurs nombreux. Certains ont davantage été mis en lumière que d’autres, comme l’accord conclu, hors Union européenne, avec l’Ukraine. Tous nourrissent cependant une culture commune entre des États qui ont des capacités militaires différentes. Ainsi, la Belgique a récemment rejoint le programme Scaf en tant que pays observateur.
Avec ce programme, nous confortons une alliance tripartite vertueuse entre la France, l’Allemagne et l’Espagne. Par le passé, le Rafale n’a pas pu être déployé dans tous les États européens faute d’entente. Tout ce qui permet de renforcer les coopérations et de développer une culture commune est donc bon à prendre.
Il me semble souhaitable d’avoir un niveau d’intervention européen : dans la nouvelle organisation du monde qui émerge, marquée par un multilatéralisme fort peu coopératif, l’Europe a besoin d’être plus forte pour trouver sa place. Ce traité y participe, à sa mesure certes. Outre ses avancées concrètes pour les membres des forces armées, il promeut une véritable logique industrielle, au service de la BITD. J’espère qu’il sera porteur d’évolutions positives, au sujet du Scaf entre autres.
Mme Valérie Bazin-Malgras, présidente. Nous accueillons M. Stéphane Vojetta, député de la 5e circonscription des Français de l’étranger, qui comprend notamment l’Espagne.
M. Stéphane Vojetta (EPR). M. Gérard Lapierre, ancien attaché d’armement et attaché de défense adjoint auprès de l’ambassade de France en Espagne, m’a aidé à préparer cette intervention. À travers lui, je tiens à rendre hommage à toutes les femmes et à tous les hommes, français ou espagnols, qui, à Paris, à Madrid, à Séville, à Albacete ou à Getafe, structurent notre relation bilatérale de défense.
Lors de la signature du présent traité, le 19 janvier 2023 à Barcelone, je représentais les Français de la 5e circonscription de l’étranger. Mettant à jour un accord de 1983, ce traité répond aux enjeux sécuritaires actuels : menaces hybrides, cyberattaques, terrorisme et ingérences étrangères. Il favorise le partage de renseignements et une meilleure coordination, consolidant ainsi la solidarité de l’Europe.
Ce projet de loi excède la simple coopération militaire puisqu’il renforce également la coopération industrielle, conformément à nos ambitions européennes, exprimées par le président de la République depuis 2017. Dans un contexte de remilitarisation du monde, où la technologie est décisive, il encourage les partenariats entre nos industries de défense, notamment dans le cadre des projets des avions ravitailleurs MRTT (avion multirôle de ravitaillement en vol et de transport), de l’hélicoptère d’attaque Tigre, de l’avion de transport A400M, de l’Eurodrone et du Scaf, développé conjointement par la France, l’Espagne et l’Allemagne. Ce traité participe ainsi d’un effort plus large pour une défense européenne autonome, de la définition des matériels à leur emploi en passant par leur production et leur maintien en condition opérationnelle, illustrant notre engagement au service d’une Europe plus forte sur la scène mondiale, indépendante et souveraine. À cet égard, la France et l’Espagne partagent la vision d’une Europe autonome, capable de défendre ses intérêts et de contribuer à la sécurité mondiale, que ce soit dans le cadre de l’ONU, de l’Otan ou de l’Union elle-même.
Le texte comporte également des mesures favorisant une coopération fluide entre nos forces armées, comme l’harmonisation de la fiscalité ou la gestion d’urgences telles que les décès en mission. Le conseil franco-espagnol de défense et de sécurité garantira une gouvernance efficace et une coordination opérationnelle optimale grâce à un dialogue stratégique régulier et à l’organisation d’exercices conjoints.
Le traité s’inscrit donc dans une tradition de solidarité tout en s’adaptant aux besoins futurs. Il est une promesse de renforcement de l’amitié et de la coopération entre nos deux nations. En le ratifiant, nous engageons un avenir de progrès, d’unité et de protection pour nos deux pays et pour l’Europe, témoignant de notre volonté commune d’assurer un avenir de paix et de stabilité aux générations à venir.
M. Sébastien Saint-Pasteur, rapporteur pour avis. Je partage pleinement votre appréciation, et notamment votre insistance sur les améliorations apportées pour les femmes et les hommes déployés hors de leur pays. Les personnels de l’armée nous ont clairement indiqué que ce nouveau cadre, sans être révolutionnaire, serait plus confortable. Les sujets du quotidien méritent notre attention : en matière de fiscalité ou d’accès aux soins, il importe d’instaurer le cadre juridique le plus opérant, le plus commode possible pour nos forces armées. Ce traité y contribue.
M. Manuel Bompard (LFI-NFP). Les accords régissant notre coopération de défense avec l’Espagne sont obsolètes. Il s’agit pourtant d’un partenaire crucial dans le bassin méditerranéen, zone décisive pour les intérêts de notre pays. Mettre à jour les textes encadrant notre relation est donc nécessaire.
Nous regrettons néanmoins que le traité persiste à inscrire ces relations dans des cadres de coopération multilatérale inefficace et dangereuse. Son article 3 fixe comme objectif le renforcement de l’Union européenne en matière de défense, en étroite complémentarité avec l’Otan. L’Otan vise pourtant à aligner la politique de défense des Européens sur les intérêts états-uniens, divergents des nôtres. Le nouveau président élu des États-Unis a d’ailleurs décidé d’humilier les autres membres de l’Alliance atlantique en les menaçant de la quitter si ces derniers ne donnaient pas davantage d’argent à l’Otan, c’est-à-dire à son industrie ; cela devrait susciter d’autres réactions que des gestes désespérés et désordonnés pour s’attirer sa clémence. Au contraire, la France doit être indépendante et servir la paix.
La défense européenne, autre priorité fixée par le traité, est une illusion : d’une part, elle n’est pensée que comme une déclinaison locale de l’Otan, dont certains membres, comme la Turquie, bloquent toutes les initiatives venant de l’Union européenne ; d’autre part, les différents États membres ont des intérêts divergents en matière de défense. L’indépendance stratégique européenne n’existe pas.
Cela se vérifie à propos du Scaf, l’un des principaux objets de notre coopération avec l’Espagne dans le domaine capacitaire. En dépit de désaccords persistants avec les Allemands au sujet des attendus du futur système, les gouvernements macronistes restent d’une naïveté stupéfiante. L’Allemagne a planté un nouveau clou dans le cercueil du Scaf en lançant un projet de drone de combat avec le Royaume-Uni en octobre dernier, alors même qu’elle dirige le volet drone du programme. Elle prépare donc tranquillement sa sortie et nous mettra, ainsi que l’Espagne, devant le fait accompli.
La France a besoin de coopération stratégique avec les pays européens ayant des centres et des aires d’intérêt communs avec elle – l’Espagne en fait évidemment partie. Ces relations ne sauraient être dévoyées au profit de la sacro-sainte Alliance atlantique et de la chimérique Europe de la défense. Par conséquent, le groupe LFI-NFP s’abstiendra au sujet de la ratification du traité tel qu’il est formulé.
M. Sébastien Saint-Pasteur, rapporteur pour avis. Votre appréciation vous appartient. L’objet de ce traité ne doit cependant pas être confondu avec la question de l’Otan. On sait l’approche qu’en ont les États-Unis, que j’ai qualifiée de « transactionnelle » dans mon propos introductif. Mais, sans être naïfs dans des relations internationales plus que jamais empreintes de Realpolitik, nous devons avancer à tous les niveaux.
Ce traité consacre une relation historique avec l’Espagne et permettra, je l’espère, de peser dans le cadre du programme Scaf, rejoint je le rappelle par la Belgique. Les risques sont réels : l’Espagne pourrait se tourner vers le F-35 plutôt que vers un avion européen – la presse en fait état. Il convient de tenir compte des besoins propres à chaque pays tout en trouvant des points de convergence. En ce qui concerne le Scaf, nos exigences touchant la gouvernance, l’export et la navalisation sont clairement énoncées.
Tous ces enjeux sont pris en considération dans le traité, mais de façon connexe, indirecte. On peut certes porter un regard des plus critiques sur l’Otan, mais je suis un peu surpris de votre choix de l’abstention s’agissant d’un traité dont l’objet est d’améliorer la situation des personnels et de resserrer la coopération entre les deux gouvernements. Votre appréciation ne me semble pas tout à fait exacte et je regrette votre abstention, eu égard aux avancées, certes modestes et techniques mais réelles, que comporte le texte.
M. Guillaume Garot (SOC). Au nom du groupe socialiste, je salue le tour de force qu’a accompli le rapporteur en élaborant un tel rapport en une semaine.
Cet accord est une mise à jour d’un partenariat qui remonte à 1983. Renforcer la coopération avec l’Espagne est nécessaire dans un contexte géopolitique qui requiert une approche et une culture communes, ne serait-ce que pour des raisons d’efficacité. Nous nous en étions aperçus dès 2022, à propos de la guerre d’Ukraine et lors de l’élaboration de la Boussole stratégique. La chose devient d’autant plus urgente à présent que M. Trump a été élu.
Ma première question concerne le programme Scaf, dont la phase 1 prendra fin en 2025, le vol d’un premier démonstrateur devant marquer le lancement de la phase 2. Du point de vue des intentions affichées, l’accord est à même de sécuriser l’avenir du Scaf. Savez-vous si des mesures complémentaires ont été envisagées afin de renforcer le dialogue franco-espagnol sur ce projet en particulier ?
Ma seconde question est d’ordre plus général – d’autres l’ont d’ailleurs esquissée. Pensez-vous que la coopération entre États constitue le bon chemin pour construire une Europe de la défense qui permette aux États membres d’être efficaces ensemble de façon autonome ? Pour ce faire, faut-il généraliser une telle démarche ?
M. Sébastien Saint-Pasteur, rapporteur pour avis. La phase 1B du projet Scaf prendra fin en 2025 et la phase 2 devrait s’ouvrir au printemps 2026, entre les élections fédérales allemandes et l’élection présidentielle française : des évolutions politiques pourraient donc se faire sentir sur le premier démonstrateur du NGF, l’avion de chasse de sixième génération, en 2027. La France et l’Espagne doivent en discuter. L’actualité étant ce qu’elle est, nous avons précisé que le sommet franco-espagnol initialement prévu en décembre 2024 devrait se tenir « dans les meilleurs délais ».
Le projet Scaf est complexe. Si certains éléments peuvent laisser penser que les intérêts des États sont parfois divergents, je suis convaincu du contraire – le fait que la Belgique ait rejoint la dynamique en témoigne. Les projets industriels sont d’une telle ampleur que les États membres partenaires du Scaf ont tout intérêt à coopérer. Prenons l’intercepteur endo-atmosphérique : il permettra aux États d’intercepter des missiles lancés à Mach 9 ou 10, soit 11 000 kilomètres à l’heure, capables de faire Moscou-Paris en un quart d’heure. Les enjeux de défense sont cruciaux et requièrent des investissements colossaux, que nous ne pourrons réunir qu’en mutualisant nos efforts. Nous coopérons donc certes par enthousiasme, mais aussi par nécessité. Pour autant, chaque État doit s’y retrouver : il doit être plus avantageux pour chacun de coopérer que d’agir isolément.
Je crois à la logique multilatérale et à la logique bilatérale ; elles se confortent et se consolident plus qu’elles ne se concurrencent.
M. Fabien Lainé (Dem). Ce projet de loi s’inscrit dans une intensification des coopérations entre la France et l’Espagne, notamment en matière de politique commune de sécurité et de défense. Le traité vise à donner une portée juridique aux ambitions que le président de la République française et le premier ministre espagnol ont exprimées dans leur déclaration conjointe à l’issue du vingt-sixième sommet franco-espagnol qui s’est tenu à Montauban en mars 2021.
En tant que membre de l’Assemblée parlementaire de l’Otan, je suis attaché à ce que le traité fasse explicitement référence à l’Alliance atlantique et à l’Union européenne, qui doivent fonctionner de manière complémentaire. Rappelons que si l’Espagne est entrée dans l’Otan en 1982, elle n’a rejoint sa structure militaire intégrée qu’en 1999 et n’est devenue membre de la Communauté économique européenne qu’en 1986. Le dernier accord de coopération militaire entre nos pays datant de 1983, il était plus que nécessaire de l’actualiser.
Dans un contexte géopolitique de plus en plus dégradé, voire chaotique, il semble impératif d’élargir notre coopération opérationnelle, en particulier dans les domaines du renseignement, de la cyberdéfense, du spatial et des menaces hybrides.
En outre, l’Espagne est pleinement engagée dans des programmes tels que le Scaf et l’Eurodrone, qui structureront la défense européenne. Le traité contribuera à fluidifier nos relations dans ce cadre. Pour toutes ces raisons, le groupe Démocrates est favorable à son adoption.
Une question pour finir : dans un pays aussi décentralisé que l’Espagne, comment les politiques de défense s’articulent-elles entre l’État et les régions ?
M. Sébastien Saint-Pasteur, rapporteur pour avis. Certaines régions, comme la Catalogne et le Pays basque, disposent de pouvoirs très étendus, avec les budgets correspondants, et soutiennent fortement l’industrie. À titre d’illustration, le budget du conseil régional de Nouvelle Aquitaine est de 3 milliards d’euros pour 6 millions d’habitants, quand celui du pays Basque espagnol est de quelque 20 milliards pour 2 millions d’habitants – étant précisé qu’il couvre davantage de compétences. Les investissements industriels des régions espagnoles étant sans commune mesure avec ceux des collectivités françaises, il est difficile de consolider le budget global que l’Espagne consacre à la défense. L’effort de défense espagnol peut paraître faible si l’on s’en tient à l’échelon national, mais il est plus élevé si l’on y intègre les investissements des régions.
Quant aux projets industriels, qui sont majeurs, ils ont leurs fragilités et leurs potentialités, mais nous pouvons miser sur l’effet cliquet : passé un certain degré d’avancement, il n’y a plus de retour en arrière possible, malgré d’éventuels atermoiements – enjeux d’exportation pour l’Allemagne, choix stratégiques comme la navalisation pour le Scaf… C’est d’ailleurs ainsi que l’Union européenne s’est construite, depuis la CECA (Communauté européenne du charbon et de l'acier) : l’interdépendance est désormais telle que l’on n’a plus d’autre choix que d’avancer ensemble, et donc de se comprendre. Les événements communs que constituent les conseils de défense, entre autres, participent de la socialisation et de l’empathie nécessaires. Dans un contexte où l’on a plutôt tendance à se méfier de ses voisins – ce qui est parfois justifié, soyons lucides –, je crois à l’idéal européen, qu’il faut faire vivre.
Mme Anne Le Hénanff (HOR). Les accords binationaux sont souhaitables et attendus. Ils permettent de cibler des actions communes, de faire preuve d’agilité, de nouer des liens étroits et de partager des visions. Ces relations bilatérales interviennent en complément des engagements européens, pour gagner en efficacité et tenir compte des spécificités de chaque État membre. Au nom du groupe Horizons et indépendants, je me réjouis que le présent traité préfigure des mutualisations en ce qui concerne l’énergie – notamment son achat –, la sécurité, le renseignement, la place des femmes dans les armées ou encore la lutte contre le changement climatique. Ce sont autant d’innovations bienvenues. Notre groupe est donc favorable à l’adoption du projet de loi.
Je note toutefois que le traité sera conclu pour une durée indéterminée, et qu’il pourra être dénoncé par les parties par la voie diplomatique. Quels seraient les motifs éventuels de dénonciation ?
M. Sébastien Saint-Pasteur, rapporteur pour avis. Sans être un spécialiste du droit international, il me semble que cette formulation est relativement rare. Il faut donc voir un signe positif dans cette « durée indéterminée », qui témoigne d’une confiance dans l’avenir ; mais comme tout traité, il pourra être rompu – ce fut le cas, récemment, des accords de coopération de sécurité et de défense entre la France et le Tchad.
Les sujets tels que la féminisation des armées, l’énergie et la lutte contre le changement climatique peuvent être perçus comme connexes à l’objet du traité, mais les catastrophes climatiques récentes ont mis en lumière le soutien que peut apporter l’armée à la sécurité civile. Nous pourrons bénéficier du retour d’expérience de l’armée espagnole, qui a déployé plusieurs milliers de militaires après les inondations à Valence. C’est l’occasion de créer une culture commune et des coopérations utiles.
M. Édouard Bénard (GDR). Le traité de Barcelone fait écho à un accord de coopération signé à Paris quarante ans plus tôt ; il fixe de nouvelles conditions et modalités. Au-delà d’un simple accord bilatéral, il soulève de nombreux enjeux, en particulier quant au renforcement de l’autonomie européenne vis-à-vis des États-Unis. Rappelons que le président nouvellement élu outre-Atlantique agitait il y a quelques jours la menace de quitter l’Otan, et que le président de la République française affiche la volonté de se défaire de la tutelle américaine pour construire une Europe plus indépendante et une défense européenne crédible. Le présent traité est l’occasion pour la France d’affirmer cette volonté d’indépendance européenne, en plus de capitaliser sur la politique de sécurité et de défense commune et sur le Fonds européen de la défense.
Pour autant, nous sommes plus que réservés à l’égard d’une chimérique Europe de la défense. Au-delà du Sofa, quels impacts aura le traité sur le développement commun du Tigre au standard Mk 2+ et sur les études relatives à l’hélicoptère de combat du futur, qui prendra la suite du Tigre ?
Alors que la deuxième phase du Scaf va s’ouvrir, nous nous engageons plus encore dans ce programme à dimension nucléaire. Par leur démarche commune, la France et l’Espagne donnent-elles leur aval à la nucléarisation future de la défense européenne ? Au-delà des aspects purement techniques ou industriels, s’agit-il de laisser une porte ouverte sur l’européanisation de la dissuasion nucléaire ? Si nous devons bien évidemment investir dans une architecture commune de sécurité, cela ne peut se faire en accentuant la dissuasion nucléaire. Puisqu’on parle volontiers de ligne rouge ces temps-ci, en voici une à nos yeux.
M. Sébastien Saint-Pasteur, rapporteur pour avis. Je ne crois pas que le traité aille aussi loin, même s’il renvoie de façon indirecte à des enjeux de relations internationales : place de l’Europe vis-à-vis de l’Otan, Europe de la défense… Il a avant tout une visée technique et entend répondre aux besoins d’aujourd’hui en matière de forces armées et de coopération entre les États. Il constitue toutefois une pierre dans l’édification d’une maison commune. Je crois pour ma part en l’Europe de la défense et j’espère qu’elle se renforcera, car nous en avons besoin – même si je suis conscient que d’autres redoutent cette perspective.
Le Scaf est un bon exemple : dans ce projet, la France garde son autonomie et prend en charge le volet de la navalisation, l’Espagne a d’autres priorités, l’Allemagne est plutôt sensible aux capacités de transport. L’objectif est de renforcer les mutualisations pour réaliser des économies d’échelle et des gains technologiques, tout en préservant les singularités de chaque État. Il faut beaucoup d’ingénierie et d’innovation pour conduire un projet industriel aussi complexe que le Scaf, sachant que le cloud de combat requiert une interopérabilité et des interconnexions pointues. L’Europe est capable de faire émerger des solutions techniques et opérationnelles qui concurrencent d’autres options élaborées outre-Atlantique. La coopération est donc tout à la fois politique, technique et financière. C’est le chemin qu’il faut emprunter en respectant les particularités de chaque État.
L’une de celles de la France, essentielle, est la dissuasion. Je ne saurais dire si nous allons vers une européanisation de la dissuasion nucléaire, même si, selon moi, ce n’est pas à exclure. En tout état de cause, ce n’est pas l’objet du traité, qui se contente de franchir une marche vers une collaboration souhaitable.
Mme Valérie Bazin-Malgras, présidente. Nous en venons aux questions individuelles des députés.
Mme Catherine Rimbert (RN). L’état des lieux de l’armée espagnole que dresse votre rapport a retenu toute notre attention. Sans mépris aucun pour notre voisin et allié, nous notons qu’à la différence de la France, l’Espagne n’a pas un modèle d’armée complet et que les moyens de ses armées sont plus limités que les nôtres, même si nous avons entendu que son budget était en augmentation. Quels sont les secteurs d’excellence de l’armée espagnole, et sur quels segments pourrions-nous nous appuyer en cas d’engagement contre une menace ou un ennemi commun ?
M. Pascal Jenft (RN). L’article 4 du traité, qui définit le domaine de coopération entre la France et l’Espagne, mentionne la gestion des crises et la sécurité maritime. Ces termes peuvent recouvrir de larges missions ; on peut ainsi estimer que l’immigration massive et illégale est une crise, et que la sécurité maritime inclut la surveillance des embarcations de fortune de migrants – d’autant que l’Espagne possède une frontière avec le Maroc, à Ceuta. Nos deux pays couvrent une part importante de la Méditerranée, lieu de passage migratoire. En 2024, l’immigration clandestine a augmenté de plus de 140 % en Espagne, tandis que la France comptait environ 450 000 clandestins en 2023. Une collaboration est-elle envisageable pour gérer les flux migratoires illégaux, ou serions-nous bloqués par l’obligation, citée à l’article 4 du traité, de coopérer aux politiques de sécurité européennes ?
M. Sébastien Saint-Pasteur, rapporteur pour avis. Je me garderai de juger des forces et faiblesses de l’armée espagnole, qui est complète et qui a ses singularités, comme la nôtre. Elle se distingue particulièrement dans l’aérospatial. J’ai par ailleurs évoqué le renfort capacitaire qu’elle a apporté à Dakar. Sur le plan industriel, l’Espagne prend part à la conception de l’A400M et de l’A330 MRTT. Elle est la sixième armée de l’Union européenne et est déployée sur de nombreux fronts. Ce partenaire fidèle de la France a ses spécificités, liées à son histoire et à sa situation géopolitique.
Pedro Sánchez a annoncé la régularisation de 900 000 étrangers en trois ans pour répondre aux besoins en main-d’œuvre du pays, se distinguant du discours ambiant qui prévaut en France en matière d’immigration. Je ne suis donc pas certain que nos vues convergeront à court terme dans ce domaine. À titre personnel, je suis assez sensible à l’approche équilibrée du premier ministre espagnol. La commission des affaires européennes a débattu de la question du secours en mer des embarcations clandestines, mais ce sujet est éloigné de l’objet du traité.
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble du projet de loi sans modification.
Mme Valérie Bazin-Malgras, présidente. La commission des affaires étrangères, saisie au fond, examinera dans quelques minutes ce projet de ratification et notre rapporteur pourra y exposer l’avis de la commission.
La réunion est suspendue de dix heures vingt à dix heures vingt-cinq.
Proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête relative à la politique française d’expérimentation nucléaire, à l’ensemble des conséquences de l’installation et des opérations du centre d’expérimentation du Pacifique en Polynésie française, à la reconnaissance, à la prise en charge et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, ainsi qu’à la reconnaissance des dommages environnementaux et à leur réparation (n° 311) (M. Didier Le Gac, rapporteur)
Mme Valérie Bazin-Malgras, présidente. Nous abordons à présent la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête relative à la politique française d’expérimentation nucléaire, à l’ensemble des conséquences de l’installation et des opérations du centre d’expérimentation du Pacifique en Polynésie française, à la reconnaissance, à la prise en charge et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, ainsi qu’à la reconnaissance des dommages environnementaux et à leur réparation.
Certains d’entre vous s’en souviennent, la commission avait déjà examiné lors de la précédente législature, le 10 avril, une demande identique formulée par le groupe GDR faisant usage de son droit de tirage. Nous l’avions jugée recevable et une commission d’enquête avait été créée, dont les travaux ont été interrompus par la dissolution. Elle avait pour président Didier Le Gac et pour rapporteure Mereana Reid Arbelot. Le groupe GDR fait à nouveau jouer son droit de tirage pour demander qu’elle soit recréée. En application du second alinéa de l’article 140 du règlement, il appartient à notre commission de vérifier la recevabilité de cette demande, sans se prononcer sur son opportunité ni amender le dispositif.
Didier Le Gac, qui nous dira peut-être quelques mots sur le déroulement des travaux de la précédente législature, nous indiquera si les conditions requises pour la création de cette commission d’enquête sont toujours remplies. En cas de réponse positive de notre part, la prochaine conférence des présidents prendra acte de sa création.
M. Didier Le Gac, rapporteur. Le 12 mars dernier, notre collègue députée de la Polynésie française, Mereana Reid Arbelot, a déposé une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête relative à la politique française d’expérimentation nucléaire, à l’ensemble des conséquences de l’installation et des opérations du centre d’expérimentation du Pacifique (CEP) en Polynésie française, à la reconnaissance, à la prise en charge et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, ainsi qu’à la reconnaissance des dommages environnementaux et à leur réparation.
Cette commission d’enquête a été formellement créée le 7 mai 2024. Elle a mené de nombreuses auditions, avec des chercheurs, des scientifiques, des représentants des victimes des essais nucléaires et des organismes officiels comme l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. Malheureusement, la dissolution annoncée le 9 juin a prématurément mis un terme à ses travaux, alors que les auditions étaient quasiment achevées.
Compte tenu de l’importance du sujet – et de la ténacité de notre collègue ! –, une nouvelle proposition de résolution ayant le même objet a été déposée le 4 octobre 2024. Conformément au second alinéa de l’article 140 du règlement, il nous revient de vérifier que les conditions requises pour la création de cette commission d’enquête sont réunies, sans aborder le fond du sujet ni se prononcer sur son opportunité. Si la demande est jugée recevable, la conférence des présidents en prendra acte, en application de l’article 141 du règlement.
Trois conditions sont requises pour qu’une demande de commission d’enquête soit recevable.
En premier lieu, en application de l’article 137 du règlement, les propositions de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête doivent déterminer avec précision les faits qui donnent lieu à enquête.
En l’occurrence, les faits me semblent définis avec une précision suffisante. L’exposé des motifs détaille huit points : les raisons ayant orienté la France vers le choix de sites polynésiens pour son expérimentation nucléaire, à l’exclusion de toutes les autres options ; l’état des connaissances du gouvernement français sur les conséquences des essais nucléaires sur la santé et l’environnement au moment où la Polynésie française a été choisie, mais également au cours des opérations et jusqu’à aujourd’hui ; la diversité des niveaux d’information transmis aux populations, aux vétérans et aux personnels civils au cours de la période des essais nucléaires ; les doses réelles de radioactivité reçues par la population, les vétérans et les personnels civils au cours des 193 essais nucléaires ; l’ensemble des conséquences sanitaires, environnementales, économiques et sociales des trente années d’expérimentation atomique en Polynésie française ; l’effectivité du régime d’indemnisation de l’ensemble des victimes des essais nucléaires français et les mesures concrètes à adopter afin de les mener à une guérison complète ; l’efficacité des mesures de réparation et de réhabilitation environnementale adoptées ; et l’accès aux archives relatives aux conséquences sanitaires, environnementales, économiques et sociales de l’installation et des opérations du CEP en Polynésie française.
La proposition de résolution expose donc des faits précis et variés sur lesquels mener des investigations, qui sont de nature à fonder la création d’une commission d’enquête.
En second lieu, les propositions de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête ne sont pas recevables si une commission d’enquête ou une mission d’information a déjà eu lieu dans les douze mois qui précèdent, avec un objet identique, dans les conditions prévues à l’article 145-1 du règlement.
Certes, la commission d’enquête créée le 7 mai 2024 avait le même objet, mais elle n’a pas pu conclure ses travaux. Par conséquent, faute de rapport, elle ne peut être opposée à la présente demande.
Enfin, en application de l’article 139 du règlement, une proposition de résolution ne peut être mise en discussion si le garde des Sceaux fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition. Le troisième alinéa de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 prévoit même que la mission d’une commission d’enquête déjà créée prend fin dès l’ouverture d’une information judiciaire relative aux faits sur lesquels elle est chargée d’enquêter.
Interrogé par la présidente de l’Assemblée nationale, Didier Migaud, garde des Sceaux, ministre de la justice, lui a répondu le 5 novembre 2024 qu’il n’avait pas connaissance de procédure judiciaire en cours susceptible de recouvrir le périmètre de la commission envisagée.
L’ensemble des conditions étant remplies, cette proposition de création d’une commission d’enquête paraît recevable.
J’ajoute que les travaux que nous avons menés avec Mereana Reid Arbelot ont été empreints d’un esprit très consensuel entre les différents groupes et que nous avons à cœur de les reprendre rapidement.
Mme Valérie Bazin-Malgras, présidente. Je donne la parole aux orateurs des groupes.
Mme Mereana Reid Arbelot (GDR). Je souhaite remercier M. le rapporteur pour sa présentation complète et fidèle, en ces jours où les défis pour la nation sont grands et où des décisions politiques doivent être prises.
Je remercie aussi le bureau de la commission et son président d’avoir examiné la recevabilité de cette proposition de résolution. Notre assemblée assure la continuité de ses missions autant que faire se peut. Nous le devons aux Françaises et aux Français qui nous ont élus.
Je remercie particulièrement le groupe GDR qui, pour la seconde fois, a usé de son droit de tirage pour demander cette commission d’enquête importante pour la Polynésie et pour la France.
Après la validation de sa création par la prochaine conférence des présidents, les groupes parlementaires seront invités à proposer la candidature de députés intéressés par l’approche historique de l’expérimentation nucléaire française et par ses conséquences. Le sujet est grave et sérieux et la commission précédente avait démontré une réelle implication transpartisane. Je forme le vœu que la nouvelle commission apporte à nouveau la preuve de notre capacité à travailler de concert et dans le respect mutuel sur des sujets importants pour la nation et pour tous nos concitoyens.
M. Frédéric Boccaletti (RN). Nous sommes ravis de pouvoir de nouveau nous saisir des problématiques que soulève cette commission d’enquête.
Le groupe Rassemblement national partage l’ambition d’une meilleure reconnaissance et réparation pour les victimes des essais nucléaires français. Il est favorable, lorsque cela est possible, à une plus grande ouverture des archives, comme le demande la proposition de résolution.
Nous déplorons les victimes civiles et militaires que ces essais ont faites tout en rappelant notre attachement au modèle de dissuasion français. Tout effort visant à mieux reconnaître et mieux indemniser les victimes de cette politique de défense indispensable à notre pays est louable.
Notons cependant que l’impact des essais nucléaires est largement documenté. De nombreux rapports et enquêtes ont été publiés. La loi Morin définit également un cadre légal. Il nous semble aujourd’hui plus opportun de proposer à nos compatriotes d’outre-mer des mesures concrètes, transpartisanes et élaborées avec le prochain gouvernement. Je citerai notamment l’ouverture des archives, l’extension du décret du 15 septembre 2014 aux cancers de la thyroïde notamment, ou encore la facilitation des démarches d’indemnisation au titre de la loi Morin.
Sans aller jusqu’à leur terme, les travaux de la commission d’enquête sous la précédente législature avaient constitué une avancée significative. Le groupe Rassemblement national votera en faveur de cette proposition de résolution.
Mme Corinne Vignon (EPR). La conférence des présidents a pris acte de la demande formulée par le groupe GDR de créer cette commission d’enquête, dont l’objectif premier est de considérer toutes les victimes, tant les populations polynésiennes que les vétérans. Notre commission s’était montrée favorable, le 10 avril 2024, à la création de la commission d’enquête précédente. Celle-ci avait mené en mai et juin dernier plus de la moitié des auditions prévues avant que ses travaux ne soient interrompus par la dissolution.
Afin que les auditions soient menées à leur terme et que la commission puisse rendre ses conclusions, dans le même esprit consensuel et constructif que sous la précédente législature, le groupe Ensemble pour la République votera en faveur de cette résolution.
M. Abdelkader Lahmar (LFI-NFP). Le groupe La France insoumise soutient pleinement la création de cette commission d’enquête. Il est plus que temps de rendre justice au peuple de Polynésie française, principale victime des essais nucléaires. Je remercie donc nos collègues du groupe GDR d’avoir agi promptement pour reprendre les travaux que la dissolution avait laissé inachevés.
Que savaient les autorités de l’époque des conséquences sanitaires et environnementales des essais nucléaires ? Qu’ont-elles dit aux populations concernées et qu’ont-elles caché ? Quels ont été les impacts réels sur les populations ? Que peut faire la République pour réparer et indemniser au mieux les victimes aujourd’hui ? Autant de questions qui méritent des réponses claires et précises.
Je forme le vœu que cette commission d’enquête ne soit qu’une première étape dans la transparence sur le programme nucléaire français. Il est en effet nécessaire de faire toute la lumière également sur les expérimentations nucléaires que la France a menées dans le Sahara algérien entre 1960 et 1966. Il ne s’agit pas seulement d’un impératif mémoriel, mais d’une manière d’adresser un message de fraternité et de respect aux peuples qui ont souffert de la nucléarisation du monde en Polynésie, en Algérie et ailleurs.
Hier, le Prix Nobel de la paix était remis à l’association japonaise qui représente des survivants de la bombe atomique. En approuvant la proposition de résolution, notre commission rendrait un modeste hommage à toutes les victimes de l’arme atomique à travers le monde.
Mme Anna Pic (SOC). Au cours des dernières années, le groupe Socialistes, à l’initiative de Mélanie Thomin, a déposé nombre d’amendements visant à demander des rapports sur nos soixante ans d’expérimentation nucléaire ainsi qu’à améliorer l’indemnisation des victimes. Je remercie donc le groupe GDR d’avoir à nouveau usé de son droit de tirage pour poursuivre ce travail nécessaire. Nous devrons également dans les années à venir nous pencher sur les essais nucléaires dans le désert algérien.
Le groupe Socialistes et apparentés votera en faveur de la poursuite de la commission d’enquête.
Mme Josy Poueyto (Dem). Les essais nucléaires en Polynésie française ont été importants pour développer l’arsenal nucléaire qui fait de la France un acteur incontournable des relations internationales et nous confère notre statut de grande puissance ainsi que notre souveraineté en matière de dissuasion.
Pourtant nous savons tous qu’ils ont provoqué d’importants dégâts, tant sur la santé des personnes qui ont été exposées aux radiations que sur la société et l’économie polynésienne et son environnement. Ces essais sont en effet la cause de nombreuses maladies radio-induites, chez les populations civiles et le personnel exposés et encore aujourd’hui.
Alors que les atolls de Mururoa et de Fangataufa avaient été choisis pour leur éloignement des lieux de vie des Polynésiens, nous savons aujourd’hui que les populations ont subi les conséquences de ces expérimentations hautement toxiques. Les essais ont également provoqué d’importants dommages sur l’environnement, entraînant la pollution des sols et l’effondrement des récifs coralliens. Ils ont aussi totalement désorganisé l’économie et la société polynésienne, occasionnant notamment la disparition du tissu économique traditionnel et d’importants dégâts psychosociaux.
L’État a reconnu les conséquences de ces essais nucléaires par la loi Morin votée en 2010, laquelle a créé un système d’indemnisation des victimes qui peuvent ainsi, selon les critères tels que la dose d’exposition aux rayonnements ionisants, obtenir une réparation financière de la part de l’État. Pourtant, nous nous accordons pour estimer que ce système est perfectible. Les critères du régime d’indemnisation des victimes font aujourd’hui débat au sein de la communauté scientifique. En outre, le nombre de demandes déposées et le faible nombre d’indemnisations accordées plaident pour une réforme du régime.
Nous manquons notamment d’informations sur les personnes potentiellement touchées par ces maladies, parfois parce qu’elles renoncent à leurs droits. L’ancienne ministre de la santé, Catherine Vautrin, avait affirmé que la liste des maladies radio-induites devait être élargie et que les frais ne devaient pas être supportés par les caisses locales polynésiennes mais par l’État. Si l’État s’est engagé sur le principe, le montant doit encore faire l’objet de négociations.
Enfin, il semble qu’il faille faire la lumière sur d’autres sujets tels que les différents niveaux d’information dont ont bénéficié la population et le personnel du Centre d’expérimentation, ou encore les connaissances de l’État sur la dangerosité pour la population et l’environnement au moment de choisir la Polynésie et de faire ces essais.
Comme le président de la République l’a affirmé en 2021 lors de son voyage en Polynésie, la France doit assumer son passé nucléaire, qui fait partie intégrante de son histoire. Il a incité à l’ouverture des archives tout en soulignant la nécessaire préservation du secret de notre défense nationale.
La commission d’enquête ayant largement commencé ses travaux avant la dissolution, il nous semble pertinent de lui permettre de les achever. Notre groupe votera en faveur de la proposition de résolution.
Mme Anne Le Hénanff (HOR). La commission d’enquête n’ayant pu achever ses travaux sous la législature précédente, il est indispensable qu’elle puisse les poursuivre et je remercie le groupe GDR d’avoir fait le nécessaire pour cela. Le groupe Horizons et indépendants est évidemment très favorable à cette proposition de résolution dont les objectifs ont été rappelés de manière tout à fait claire.
Chaque citoyen français doit avoir connaissance des motivations et surtout des conséquences des essais nucléaires. Je suis convaincue que le fait d’assumer nos responsabilités et de faire preuve de transparence contribue largement à l’apaisement et à la restauration de la confiance entre les Français et leurs élus.
Vous pouvez compter sur l’engagement plein et entier du groupe Horizons pour faire aboutir ce projet.
M. Yannick Favennec-Bécot (LIOT). Il y a vingt-huit ans, la France cessait ses essais nucléaires dans le Pacifique et signait le traité d’interdiction complète des essais. Cette période a marqué une rupture dans l’histoire de ce territoire ultramarin. Elle a affecté et continue d’affecter des générations de Polynésiens et de Polynésiennes. Elle a également changé définitivement la société, l’environnement et l’économie de l’archipel.
En 2019, le Premier ministre a mandaté une commission transpartisane, composée de députés et de sénateurs, pour faire des préconisations destinées à améliorer la prise en charge des victimes. La politique d’aller vers a permis des avancées à cet égard.
Mais il reste encore de nombreuses zones d’ombre sur les vingt années d’expérimentation – les raisons du choix des sites polynésiens, les doses réelles de radioactivité reçues par la population, l’accès limité aux archives, etc. C’est pour répondre à ces interrogations que notre assemblée avait créé une commission d’enquête en mai dernier. La dissolution a malheureusement arrêté ses auditions.
Le groupe LIOT soutient donc sans réserve le rétablissement de la commission d’enquête. Nous le devons aux Polynésiennes et aux Polynésiens, qui placent beaucoup d’espoir dans ses travaux. Je tiens à saluer l’engagement de Nicole Sanquer, qui a cosigné la proposition de résolution.
La commission d’enquête doit permettre de faire toute la lumière sur cette période difficile ; elle doit aussi forcer l’État à regarder en face la réalité des conséquences des essais nucléaires. Néanmoins, elle ne doit pas être un outil politique. Elle ne peut être qu’une première étape qui, je l’espère, sera suivie par des avancées concrètes pour améliorer l’indemnisation des victimes mais aussi pour renforcer la stratégie de dépollution des sites des essais.
M. Didier Le Gac, rapporteur. Mereana Reid Arbelot se joindra certainement à moi pour se féliciter de cette belle unanimité.
En dépit des propos très pertinents qui ont été tenus, il n’est aujourd’hui pas question du fond, mais seulement de lancer la procédure de création. J’invite les députés de tous les groupes à faire ensuite acte de candidature pour cette commission d’enquête ô combien importante, dont les travaux commenceront probablement en janvier.
La commission adopte la proposition de résolution.
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La séance est levée à dix heures cinquante.
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Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Delphine Batho, Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Édouard Bénard, M. Christophe Blanchet, M. Frédéric Boccaletti, M. Manuel Bompard, Mme Sophie Errante, M. Yannick Favennec-Bécot, M. Guillaume Garot, M. Frank Giletti, M. Michel Gonord, M. Daniel Grenon, Mme Emmanuelle Hoffman, M. Laurent Jacobelli, M. Pascal Jenft, M. Loïc Kervran, M. Abdelkader Lahmar, M. Fabien Lainé, M. Didier Le Gac, Mme Anne Le Hénanff, Mme Nadine Lechon, M. Didier Lemaire, M. Julien Limongi, Mme Lise Magnier, Mme Anna Pic, Mme Josy Poueyto, Mme Mereana Reid Arbelot, Mme Catherine Rimbert, M. François Ruffin, M. Sébastien Saint-Pasteur, M. Thierry Sother, M. Thierry Tesson, M. Romain Tonussi, Mme Corinne Vignon
Excusés. - M. Christophe Bex, Mme Anne-Laure Blin, M. Matthieu Bloch, M. Philippe Bonnecarrère, M. Bernard Chaix, Mme Caroline Colombier, M. François Cormier-Bouligeon, Mme Alma Dufour, M. Emmanuel Fernandes, Mme Stéphanie Galzy, M. Thomas Gassilloud, Mme Florence Goulet, Mme Catherine Hervieu, M. Jean-Michel Jacques, M. Bastien Lachaud, Mme Alexandra Martin, Mme Natalia Pouzyreff, M. Aurélien Rousseau, M. Arnaud Saint-Martin, Mme Isabelle Santiago, M. Mikaele Seo, Mme Sabine Thillaye, M. Boris Vallaud
Assistait également à la réunion. - M. Stéphane Vojetta