Compte rendu

Commission de la défense nationale
et des forces armées

 Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Brice Dumont, vice-président d’Airbus, responsable d’Air power (qui regroupe les programmes d’avions militaires et de drones), sur l’Europe de la défense et les coopérations européennes.              2


Mercredi
5 février 2025

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 37

session ordinaire de 2024-2025

Présidence
de M. Jean-Michel Jacques,
président

 


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La séance est ouverte à onze heures cinq.

M. le président Jean-Michel Jacques. Mes chers collègues, nous accueillons Monsieur Jean-Brice Dumont, vice-président de la division d’aviation militaire d’Airbus, responsable d’Air power. Vous êtes le représentant du premier industriel que nous auditionnons au cours de ce cycle Europe et vous serez suivi de KNDS, Dassault et Eutelsat.

Il n’existe pas de société plus européenne qu’Airbus, à la fois en raison de son statut, mais tout autant en raison de son expérience en matière de coopération européenne, dont l’exemple de plus en plus problématique reste bien évidemment le système de combat aérien du futur (Scaf). Nous attendons donc de vous que vous nous exposiez votre point de vue sur la place prise par les instruments européens dans la défense, les espoirs que vous y placez, mais aussi les lignes rouges éventuelles qui sont les vôtres. Vous nous ferez part de votre expérience de coopération qui, me semble-t-il, n’a pas toujours été un long fleuve tranquille. Vous nous direz quelles sont à vos yeux les conditions d’une coopération réussie.

Lancé en coopération par la France, l’Allemagne et l’Espagne, avec entre autres Airbus, Dassault Aviation et Indra, qui sont chargés de la cohérence de l’architecture du programme, le Scaf constitue l’un des programmes d’armement européens les plus importants des décennies à venir. Nous sommes nombreux aujourd’hui à nous préoccuper de son avancée. L’année 2025 devrait marquer la fin de la phase 1B du Scaf et l’ouverture d’une nouvelle discussion pour le lancement de la phase 2, qui devrait débuter au printemps 2026.

L’entrée dans la phase 2 est une étape cruciale, car elle doit aboutir au vol d’un premier démonstrateur et une mise en service à l’horizon 2040. Mais le Scaf pourrait bien se faire concurrencer par d’autres projets, comme le Global Combat Air Programme (GCAP), qui réunit pour sa part le Royaume-Uni, l’Italie et le Japon. Le 15 janvier dernier, le PDG d’Airbus, Guillaume Faury, a d’ailleurs plaidé pour un rapprochement entre le Scaf et le GCAP afin de réduire les coûts. Quelles raisons ont-elles conduit à cette prise de parole ? Les autres industriels sont-ils d’accord avec cette position ? Nous serons heureux de vous entendre sur ces sujets.

M. Jean-Brice Dumont, vice-président d’Airbus. Je suis honoré d’être parmi vous pour ma première audition devant votre commission. À ce titre, je tiens à me présenter brièvement. J’ai débuté ma carrière à la direction générale de l’armement (DGA) en tant qu’ingénieur de l’armement, et ai essentiellement occupé des postes techniques jusqu’à mon poste actuel. J’ai été directeur technique d’Eurocopter devenu Airbus Helicopters, et directeur technique d’Airbus Avions commerciaux. J’ai effectué quasiment toute ma carrière dans des programmes en coopération et suis aujourd’hui responsable d’Air power au sein d’Airbus Defence and Space, qui est chargé de tous matériels volants militaires, quels que soient leur taille, leur autonomie ou leur usage.

Airbus emploie 150 000 personnes, dont 50 000 personnes en France. Les achats de la société en France s’élèvent 17 milliards d’euros chaque année, auprès de plus de plus de 3 000 fournisseurs. Nous sommes l’un des quatre principaux fournisseurs du ministère des armées avec Dassault, Thales et Naval Group ; nous sommes donc intégrés dans la chaîne de valeur de défense de façon assez évidente.

Le portefeuille dont j’ai la charge comporte évidemment l’A400M et le MRTT, mais également des produits relatifs à l’espace militaire, l’image, le renseignement et l’intelligence, avec des constellations comme Pléiades, Pléiades Neo et Ceres. Par ailleurs, ArianeGroup et MBDA font partie de nos filiales, en coentreprise avec Safran pour ArianeGroup ; avec BAE Systems et Leonardo pour MBDA. Il convient également de citer Airbus Helicopters, mon secteur d’origine.

L’entreprise connaît un certain nombre de succès militaires et de grandes perspectives comme le programme H160M Guépard. De plus, nous sommes tournés vers l’avenir avec le Scaf ou l’Eurodrone. Une annonce a également été réalisée hier concernant l’avion de patrouille maritime, un autre sujet français très sensible dans lequel Airbus est assez impliqué. Nous jouons un rôle de fédérateur, de tracteur européen, que nous devons assumer. Il s’agit d’une force, mais également d’un devoir, qui n’est pas forcément simple à accomplir tous les jours.

Airbus est fondée sur la coopération, sur la dualité et sur la nécessité d’exporter. Dans la période que nous vivons, la coopération est absolument fondamentale, à la lumière de l’agressivité de la compétition internationale avec les autres blocs, en dehors de l’Europe. Le sentiment d’urgence créé par la guerre en Ukraine provoque ainsi un certain nombre d’achats de produits américains.

Face à cette situation, il nous semble essentiel de renforcer la coopération européenne et de l’aider à se développer, pour atteindre les masses critiques de production qui justifient de pouvoir concurrencer nos concurrents américains, mais également nos compétiteurs situés plus à l’Est. Chez Airbus, nous sommes convaincus qu’en nous unissant, nous pouvons atteindre cette masse critique et être assez puissants pour développer des programmes comme nous avons pu le faire pour l’A400M dans le passé. Un pays seul n’aurait pas été capable de produire un avion de transport aussi performant. Quand on regarde le segment des avions de chasse, il y a lieu de s’inquiéter ; je reviendrai plus tard sur le Scaf.

Le Rafale rencontre un véritable succès, mais les volumes de l’Eurofighter sont bien supérieurs et ils sont eux-mêmes dépassés par ceux du F35, y compris en Europe. Il s’agit là d’un signe très inquiétant pour notre continent. En résumé, il est essentiel de travailler cette autonomie stratégique européenne. En effet, l’autonomie stratégique de l’industrie de défense française s’inscrit dans cette autonomie stratégique européenne.

Pour répondre à ces défis, l’Europe doit s’équiper. Notre PDG a pour habitude de dire que l’Europe réglemente pendant que les États-Unis innovent et la Chine planifie. Nous devons donc accélérer les initiatives européennes, mais en étant organisés. Cette coopération doit passer par des solutions pragmatiques plutôt que par des approches dogmatiques et très réglementaires. Dans ces circonstances, nous accueillons avec un grand espoir les initiatives du commissaire Kubilius et son futur Livre blanc. Les outils qui seront mis à notre disposition peuvent être très pertinents s’ils sont bien employés.

Deux d’entre eux doivent être mentionnés : le Fonds européen de défense déjà bien connu et le fameux programme européen pour l'industrie de défense (Edip) en cours de négociation. La capacité de l’Europe à acheter en commun représente une très bonne idée de fond, mais elle doit être parfaitement cadrée. Cela signifie que l’argent européen doit être accompagné d’un certain nombre de lignes rouges, qui doivent être définies, afin que cet argent ne soit pas utilisé pour acheter américain. Ce genre d’outil nous oriente vers une standardisation européenne que nous appelons de nos vœux, sans insulter les souverainetés et spécificités nationales. Simplement, il faut essayer de maximiser le tronc commun de notre défense.

Comment Airbus se positionne-t-il dans ce cadre ? Nous estimons être un outil de cette coopération européenne, dont nous sommes un symbole, avec ses joies et ses peines. Vous savez tous que le secteur spatial est aujourd’hui en souffrance, à la fois dans sa composante militaire, mais également dans sa composante commerciale. À ce titre, le positionnement d’un programme comme Iris2 face à la menace des constellations américaines constitue une réponse qu’il importe de cadrer, de protéger et de développer. À l’opposé, les hélicoptères ont plutôt rencontré des succès, et constituent une réelle réussite de consolidation européenne. Eurocopter, fondé en 1992, puis devenu Airbus Helicopters, est désormais un leader mondial qui unit la France, l’Allemagne et l’Espagne.

Comme je l’ai déjà indiqué, cette coopération est au cœur de la culture d’Airbus. Elle est née de l’expérience de l’A300, fruit d’une coopération dans le domaine des avions commerciaux. Depuis, cette coopération s’est développée à travers l’A400M, le MRTT, CSO dans les satellites ou le H225, autant de programmes qui rencontrent de réels succès. Désormais, cette coopération se tourne vers l’avenir.

Quels sont les programmes sur lesquels nous devons avancer et agir plus encore pour faire progresser l’Europe de l’armement ? Du côté d’Airbus, il s’agit des projets de l’Eurodrone et du Scaf. S’agissant de ce dernier, je souhaite apporter une précision. Les journalistes aiment placer un titre accrocheur en tête d’un article. Lors de son interview, Guillaume Faury a simplement indiqué que les forces armées des différents pays européens vont au combat ensemble.

Une nouvelle génération d’avions se profile et doit permettre à nos forces armées de continuer à mener ce combat, ensemble. Pour les programmes Scaf et GCAP, cela ne signifie pas qu’il faille nécessairement réaliser un avion en commun. En revanche, ils doivent être interopérables, ce qui implique de travailler ensemble sur la couche de connectivité, en lien avec les forces armées. Si tel n’est pas le cas, chacun préparera la guerre de son côté et à l’arrivée, les gagnants seront américains ou chinois.

Nous devons réaliser des armements en commun. À ce titre, MBDA constitue un bon exemple d’une entreprise qui réunit des industriels de ces différents pays. Le missile Meteor peut être utilisé aussi bien à partir du Rafale que de l’Eurofighter. Nous pouvons travailler sur ces couches structurelles communes, tout en laissant chacune des parties fabriquer son propre avion, selon sa propre route. Airbus est complètement engagé dans le programme Scaf en tant que leader, afin de le faire progresser programme. Je pourrai d’ailleurs répondre plus en détail si vous me posez des questions à ce sujet.

M. le président Jean-Michel Jacques. Je cède à présent la parole aux orateurs de groupe.

M. Julien Limongi (RN). Le programme Eurodrone (Medium Altitude Long Endurance) MALE, initié en 2013, incarne une ambition européenne forte, qui consiste à doter nos forces en drones souverains, conçus et produits en Europe. Nous faisons confiance à Airbus, dont l’excellence n’est pas à prouver, pour y parvenir. Pourtant, près de dix ans ont été nécessaires avant que le contrat ne soit officiellement notifié en 2022.

Aujourd’hui encore, les retards s’accumulent, au point que le ministre des armées a récemment fait part de son inquiétude devant les parlementaires et évoque l’éventualité d’infliger des pénalités aux industriels. Pendant ce temps, nos alliés et concurrents américains, turcs, israéliens, développent et exportent des systèmes performants en un temps record.

Cette lenteur, due en grande partie à la complexité de la coopération entre plusieurs États aux intérêts parfois divergents, nous pousse à dresser un constat simple : aujourd’hui, la base industrielle et technologique de défense (BITD) européenne constitue un frein pour notre souveraineté. L’exemple récent du programme Edip démontre qu’en cas de blocage légitime des industriels français, nos partenaires n’hésitent plus à outrepasser les volontés françaises.

En effet, les industriels allemands et plusieurs grands groupes européens, dont Airbus, ont contourné la position française en posant leur propre vision des projets de défense. Dassault, Thales et Naval Group ont été mis à l’écart au profit d’une gouvernance dominée par l’Allemagne, menaçant notre maîtrise technologique et industrielle.

Dès lors, quelles garanties pouvez-vous apporter pour que l’Eurodrone ne devienne pas un énième projet où la France finance une industrie de défense dont elle perd le contrôle ? Nous devons garantir que nos forces disposent d’équipements modernes en temps et en heure. L’idéologie européenne nous conduit souvent à l’immobilisme, au détriment de notre souveraineté. Nous nous enlisons déjà dans des programmes en coopération tels que le char du futur Main Ground Combat System (MGCS) et l’avion du futur Scaf. Sur le segment stratégique des drones, nous ne pouvons pas prendre ce chemin alors que la guerre en Ukraine a démontré, s’il en était nécessaire, l’importance de cette capacité.

M. Jean-Brice Dumont. L’Eurodrone a effectivement connu une gestation longue. De ce point de vue, les torts sont partagés. L’industriel exécute le programme l’Eurodrone quand les nations lui passent un contrat. Or les discussions préalables à l’Eurodrone ont duré beaucoup plus longtemps que ce que vous indiquez, c’est-à-dire vingt ans. Il y a là une leçon collective que l’Europe doit retenir, afin de fédérer des besoins plus rapidement. En la matière, il s’est agi d’un échec.

En revanche, puisque ce programme a débuté, nous considérons qu’il faut désormais l’exécuter, pour disposer d’une plateforme et aller au-delà des missions qui sont celles du contrat signé aujourd’hui. Nous devons progresser sur ce programme, dont nous serons fiers dans la prochaine décennie et qui est d’une taille relativement comparable à celle d’un certain nombre de nos concurrents américains. Si nous ne proposons pas d’Eurodrone après-demain, nous serons contraints de faire le même constat qu’avec le F35 aujourd’hui.

Ensuite, les drones peuvent être de différentes tailles en fonction des missions qu’ils sont chargés d’accomplir et qu’il importe de ne pas confondre, de la même manière qu’il ne faut pas mélanger les avions de chasse, les avions de ravitaillement ou les avions de transport. Nous travaillons sur un segment particulier, différent de celui qui est impliqué dans le contexte ukrainien. Il faut veiller à ne pas en faire une coopération ratée. La coopération est certes difficile, mais le mécanisme Eurodrone dispose d’un certain nombre d’ingrédients qui doivent nous permettre d’avancer.

S’agissant d’Edip, il importe de dissiper un malentendu. Nous poursuivons tous les mêmes objectifs, qui consistent à protéger la souveraineté européenne, mais aussi à conserver l’autorité de conception en Europe. À ce titre, les industriels dont Airbus n’ont pas adopté de position déviante pour protéger l’Allemagne. Les différentes parties prenantes sont en train de s’accorder, après avoir rencontré un moment de tension, il y a quelques mois. Notre position est claire : Edip n’a pas pour objet d’utiliser l’argent des contribuables européens pour acheter des systèmes qui nous soumettraient à une dépendance extra-européenne.

Mme Corinne Vignon (EPR). L’Europe de la défense repose principalement sur notre capacité à coopérer et innover en tant qu’Européens. Airbus, acteur majeur de l’industrie aéronautique et de défense implanté sur ma circonscription à Toulouse, joue un rôle central dans cette dynamique, avec des projets structurants tels que le système de combat aérien du futur Scaf et l’Eurodrone, qui symbolisent cette ambition européenne. Ils visent à garantir une autonomie stratégique et à renforcer notre capacité industrielle face à la concurrence mondiale.

Cependant, en tant que co-rapporteure d’une mission Flash intitulée « Les satellites, applications militaires et stratégies industrielles », il me semble que les industriels pâtissent d’un manque de stratégie nationale et européenne en termes de politique spatiale, alors que la France et l’Europe souhaitent être à la pointe et préserver une souveraineté dans ce domaine.

Je pense notamment au projet Iris² qui ne sera effectif qu’en 2030 au plus tôt, ou à celui de l’Eurodrone, qui accuse un retard d’un an alors que la demande en drone ne cesse de croître dans le contexte actuel des conflits et des tensions internationales. De plus, l’annonce de la suppression de 2 000 postes en Europe de la branche défense et aérospatiale – dont 1 128 dans le spatial – fragilise un peu plus cette ambition et soulève de réelles inquiétudes au moment où la compétition internationale s’accélère avec des compétiteurs de taille comme les États-Unis ou la Chine et où nos capacités stratégiques doivent être renforcées.

Ces réductions de postes vont-elles affaiblir notre industrie ou notre souveraineté technologique ? Aujourd’hui, les trois sociétés européennes Airbus, Thales et Leonardo, font un pas de plus vers une grande alliance face à Space X. Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet ?

M. Jean-Brice Dumont. Dans le domaine spatial, nous faisons face à une crise sectorielle, dont nous connaissons les causes. Elles émanent de la pression américaine, tant sur le secteur des lanceurs comme Space X que sur le secteur des satellites comme Starlink. Le changement des règles provoqué par le NewSpace nous a clairement bousculés, nous conduisant à émettre des alertes financières de 1,6 milliard d’euros, sur un segment d’affaires de 2,2 milliards d’euros. Nous ne pouvons pas continuer de la sorte, nous devons commencer par simplifier notre structure, opération engagée en plusieurs étapes au sein d’Airbus Defence and Space, en particulier dans le secteur spatial.

Nous constatons qu’en simplifiant, nous ne perdons pas en efficacité. Plus encore, nous y gagnons assez souvent. Au sein d’Airbus, nous avons supprimé des interfaces, nous permettant d’aller plus vite. La réduction d’effectifs et la simplification ne sont pas forcément les ennemis de la compétitivité. Ce passage est obligé, avant de pouvoir envisager un avenir assaini, qui pourrait conduire à une consolidation européenne, sujet sur lequel je suis moins légitime pour m’exprimer et qui par ailleurs n’est pas d’actualité pour le moment. La priorité consiste aujourd’hui à rendre le secteur spatial d’Airbus compétitif. Je pense que Thales et Leonardo essaient d’en faire de même, de leur côté.

M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP). Monsieur le vice-président, je souhaite vous poser plusieurs questions. La première concerne le drone MALE européen. Tandis que le projet accumule du retard, d’autres projets comme celui proposé par la société Turgis Gaillard, le modèle Aarok, suscite un certain intérêt de la part du ministère des armées. Cette solution semble bien moins chère et bien plus rapidement opérationnelle. Pensez-vous que ce nouveau drone pourrait représenter un concurrent sérieux à celui dont vous êtes le maître d’œuvre ? Le design de départ d’Eurodrone est-il optimal et adapté aux besoins ? Comment expliquez-vous les coûts anormalement élevés et les retards ? La question des pénalités a-t-elle été posée ? Le cas échéant, comment Airbus se positionne-t-il ?

Ensuite, je souhaite vous interroger sur la filière satellitaire, qui est en souffrance. Des consolidations et des fusions sont envisagées. Le prochain tir d’Ariane 6 à la fin du mois, qui emporte CSO-3, constitue un jalon critique, de même que le décollage du consortium d’Iris². Lors de la dernière conférence spatiale européenne à Bruxelles, le nouveau commissaire européen à la défense et à l’espace a plaidé pour un « Big Bang » du secteur spatial, sans doute pour éviter le « Big Crunch » de la crise des lanceurs, face notamment à la concurrence de pays que vous avez évoqués. Le but consiste ici à renforcer le marché unique du spatial européen et de provoquer un sursaut.

Ce sujet pose encore la question de l’avenir de la filière en France. Pensez-vous que les perspectives dessinées par les acteurs politiques et industriels sur le Vieux continent nous permettront de sortir de l’ornière ? Les micro-lanceurs, sur lesquels tant d’argent est investi, ont-ils un avenir commercial ? Le marché des satellites géostationnaires est-il toujours un segment à investir ? Le futur réseau Iris² suffira-t-il à employer la base industrielle et à freiner l’écrasement disruptif de Starlink et d’autres réseaux d’internet spatial ? Le retour sur investissement est-il optimal pour la France, puisqu’elle investit beaucoup plus que ses partenaires ? J’ajoute qu’elle fait face à des partenaires plus que particuliers, qui tablent sur la mise en concurrence agressive intra-européenne, à l’instar de l’Allemagne et de l’Italie au risque de s’entre-dévorer. Quelle est votre vision dans ce domaine ?

M. Jean-Brice Dumont. Comme je l’ai indiqué précédemment, le segment des drones est composé d’objets de tailles différentes, qui ont vocation à remplir des missions différentes. L’entreprise Turgis Gaillard, avec laquelle j’ai d’ailleurs discuté d’éventuelles synergies, ne propose pas la même gamme de drones que la nôtre.

Airbus Defence and Space développe aussi un drone de plus petite taille, le drone Système télépiloté à hautes performances (Sirtap), lancé fin 2023, qui sera livré fin 2026. En réalité, tout dépend des besoins et de l’ambition portée par un programme. En tant qu’ingénieur, je peux indiquer que produire des drones relativement petits, soumis à une pression réglementaire plus faible, peut être intéressant. Cependant, ce type d’appareil ne permet pas de survoler à une altitude protégée des menaces et sur une durée longue, des zones limitrophes de zones contestées, à proximité de pays qui ne sont pas amis. Votre question sur les drones est pertinente, mais il n’est pas possible de comparer l’Aarok et l’Eurodrone.

Ensuite, s’agissant du spatial, nous devons trouver des moyens pour faire face à cette concurrence et même cette domination américaine, en tenant compte de nos propres caractéristiques. Nous n’avons pas les moyens de lutter à « un pour un ». Nous ne devons pas faire de l’Europe de l’espace une copie conforme de ce qui se passe aux États-Unis ; cela ne marchera pas. Nous devons trouver une autre façon de procéder, en nous appuyant sur les compétences, les souverainetés, l’expertise européenne et française en particulier, pour y répondre.

Mme Anna Pic (SOC). Le retour de la guerre aux portes de l’Europe, l’intensification des tensions au Proche-Orient ou la nouvelle élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis constituent autant d’événements provoquant l’émergence d’une nouvelle donne géopolitique et géostratégique qui s’impose à nous depuis plusieurs mois et plusieurs années maintenant.

Ce constat nous oblige à redéfinir notre stratégie à l’égard de notre base industrielle et technologique de défense, notamment concernant sa flexibilité, mais également la place de l’échelon européen dans cette redéfinition. À cet égard, le lancement de la stratégie globale de l’Union européenne sur la politique étrangère et de sécurité, la mise en place de la coopération structurée permanente, celle du Fonds européen de défense et plus récemment la présentation de la stratégie pour l’industrie de défense européenne ou la nomination d’un commissaire européen à la défense représentent des signaux encourageants.

L’un des freins à l’émergence de la BITD – que le groupe Socialistes et apparentés appelle de ses vœux – semble concerner le déficit de coopération industrielle. En 2022, seulement 18 % des dépenses d’investissements des États membres avaient été effectuées de manière coopérative, bien en deçà de l’objectif de 35 %, cible convenue par les États membres dans le cadre de l’Agence européenne de défense en 2007.

La Commission européenne a visiblement la volonté d’y remédier à travers la stratégie industrielle de défense (Edis) ou le projet de règlement Edip encore en discussion. Quels sont les « irritants » qui demeurent encore dans ce paquet ? Au regard de votre expérience, notamment sur le Scaf, quelles sont selon vous les bonnes et mauvaises pratiques en matière de coopération ? Quels sont les leviers d’une européanisation de l’industrie de défense ?

M. Jean-Brice Dumont. Nous partons d’un constat commun : l’intention existe bien et il faut parvenir à travailler ensemble. Pour le moment, nous n’avons pas atteint le niveau de coopération européenne auquel nous souhaiterions parvenir.

Dans le cadre d’Edip, nous devons parvenir à effectuer des allocations simples, partager des ressources, regrouper les besoins et la fourniture de solutions. Cela implique que chaque pays opère des concessions pour que le collectif en sorte vainqueur. L’absence de concessions mutuelles bloque souvent ce type de discussions, à la fois du côté des États, mais aussi des industriels. Lorsque nous y parvenons, tout le monde y gagne, car nous produisions in fine des produits européens, à l’impact mondial.

Comme vous le voyez, ma réponse est plus d’ordre politique que technique, mais elle doit ensuite se traduire par une substance. C’est ici que nous, industriels, devons jouer un rôle, en vous apportant des propositions et des solutions. Le programme Scaf en fournit un exemple patent : nous devons prouver qu’il ne constitue pas un terrain de combat permanent, mais plutôt un terrain de travail commun.

Mme Catherine Hervieu (EcoS). La direction générale de l’armement vient de signer avec Airbus Defence and Space et en co-traitance avec Thales un contrat pour une étude de levée de risque du futur programme d’avion de patrouille maritime.

Vous aviez déclaré que : « Le projet d’A321 MPA (Maritime Patrol Aircraft) porté par Airbus dispose de tous les atouts pour devenir une véritable frégate volante capable de répondre à la grande diversité des missions confiées à la patrouille maritime. Airbus propose une solution souveraine qui offre l’autonomie, la disponibilité et la fiabilité requises notamment pour contribuer à la composante océanique de la dissuasion nucléaire. »

Ce contrat marque également un engagement de la France dans la modernisation de ses capacités de défense aérienne. Cette initiative a participé au renforcement de nos moyens de défense maritime dans un contexte géopolitique complexe, où la surveillance et la protection des voies maritimes constituent des priorités stratégiques. Le choix du futur avion pourrait également s’inscrire dans une volonté de coopération européenne, afin de répondre à des enjeux globaux de sécurité.

Quelles sont vos perspectives de développement avec vos partenaires français et européens, alors qu’un plan de restructuration est mis en place cette année pour la division Airbus Defence and Space ? De plus, vous aviez déclaré lors d’une audition parlementaire en octobre 2023 que le marché ne serait pas suffisant pour justifier le lancement d’un programme nouveau. J’imagine que depuis 2023, des évolutions ont eu lieu. Pensez-vous pouvoir atteindre une masse suffisante ?

M. Jean-Brice Dumont. Le programme de patrouille maritime possède une dimension un peu particulière en France puisqu’il s’inscrit au cœur de la souveraineté et de la dissuasion. De la même manière, le MRTT français comporte quelques éléments de personnalisation, puisqu’il fait partie des forces stratégiques.

Nous nous sommes effectivement lancés dans cette étude de définition et de levée de risques notifiée par la DGA, sur la base des besoins exprimés par la marine nationale. Cette étude doit permettre de détourer le contenu de ce programme. En tant qu’industriel, je ne veux pas parler au nom de la marine nationale ou de la DGA, qui sont nos donneurs d’ordre et clients respectifs. Mais nous nous inscrivons effectivement dans un « pack » – pour parler en termes rugbystiques – de partenaires français pour servir cette souveraineté, sur la base d’un avion civil Airbus A321XLR. Il s’agit d’un avion « international », dont les ailes proviennent du Royaume-Uni et le fuselage d’Allemagne. Cependant, le travail spécifique français devra se dérouler en France et nous nourrissons le plus grand espoir d’arriver à servir l’État français, dans les délais impartis.

Votre deuxième question concerne le marché. Compte tenu de la façon dont le monde évolue, le besoin pour des plateformes de guerre maritime au sens large se développe, dans tous les pays. Le moment venu, il faudra donc se poser la question de la coopération, mais pour le moment, nous avons été notifiés d’une phase française, par le gouvernement français et nous la servons, avec nos compétences. Ce qui doit se passer en France se passe en France.

Mme Josy Poueyto (Dem). À vous écouter, je me disais que l’Europe et la France disposent de bijoux industriels. Airbus constitue une formidable réussite. Il faut se rappeler le contexte de son émergence, des années 1970 au milieu des années 1990, période des restructurations, des acquisitions, des partenariats. L’Europe ne restait pas immobile, même dans cette période de fin de guerre froide pendant laquelle la promesse d’un village global nous faisait croire à une paix éternelle.

Je suis députée depuis 2017 et observe que le thème de l’Europe de la défense est un serpent de mer. Donald Trump est de retour et nous nous attendons à ce qu’il prononce l’une de ses surprenantes déclarations concernant l’Otan. Je plaide depuis longtemps en faveur du renforcement d’une capacité européenne à se protéger, de la construction d’une forme de souveraineté. Vous comprendrez donc mon impatience. Des succès ont été enregistrés, mais tant reste encore à accomplir.

Qui sont les responsables de cette situation ? D’aucuns désignent les États, d’autres les géants de l’industrie. Quel est votre sentiment sur les freins qui caractérisent encore les relations intra-européennes, tant sur le plan politique que sur celui de la production ? J’entends dire qu’il existe une forme de frilosité, du côté de l’offre ou de la demande, comme si chaque partie était en attente d’un pas vers l’autre.

Vous avez vous-même déclaré que la consolidation de l’offre ne pouvait se réaliser sans la consolidation de la demande. Il s’agit là d’une équation à plusieurs inconnues, à laquelle vous devez penser régulièrement. Quelles sont vos pistes de réflexion à ce sujet ? Que pensez-vous par ailleurs des conséquences du Brexit, dans la mesure où le Royaume-Uni a toujours été avec la France l’un des moteurs de la politique européenne de sécurité et de défense commune ?

M. Jean-Brice Dumont. Nous nous partageons cette ambition européenne, mais aussi cette impatience. Nous pouvons toujours passer notre temps à émettre des reproches mutuels ou à nous autoflageller, mais je préfère regarder l’avenir.

Comment essayer d’accélérer cette consolidation européenne ? Pour y parvenir, il est nécessaire de faire converger plusieurs champs d’action coopératifs. Trois couches me semblent ainsi nécessaires : l’alignement politique, l’alignement industriel et l’alignement opérationnel. Il faut d’abord obtenir une unité politique et une volonté politique réelles, à la fois au niveau des Vingt-sept, mais aussi dans des formats plus réduits, sur des sujets donnés. Nous tendons d’ailleurs à prendre ce chemin, d’autant plus que les outils mis en place par l’Europe le permettent.

De leur côté, il est nécessaire que les industriels soient prêts à travailler ensemble. À ce titre, Airbus est une entreprise assez symbolique, nous sommes en quelque sorte « l’appartement témoin » de l’Europe. La vie n’y est pas toujours simple, nous avons tous vécu les phases de consolidation de l’aviation commerciale, des hélicoptères, des satellites ou de l’aviation militaire. Celles-ci ont connu leur lot de difficultés, mais à l’arrivée, nous sommes fiers des réalisations réalisées. Enfin, la troisième couche est constituée par le besoin en équipement des forces, qu’il convient d’aligner au maximum. Nous sommes prêts à y contribuer, à partir de notre expertise, observant souvent que chacun réagit en fonction de sa doctrine historique.

En conclusion, ces trois couches doivent être alignées simultanément, ce qui implique des efforts conjoints.

Mme Anne Le Hénanff (HOR). Le président de la République s’exprime fortement sur la démarche européenne nécessaire en matière de défense, parce que le contexte mondial et l’état de la menace le nécessitent. À Cesson-Sévigné notamment, lors de ses vœux aux forces armées, il a déclaré que les industriels français ne pourront pas être les champions dans tous les segments industriels de la défense européenne. De quelle manière votre groupe reçoit-il ces propos ? Vous sentez-vous concernés ?

Ensuite, Sébastien Lecornu, le ministre des armées, a pour sa part déclaré qu’en matière technologique, le mieux peut être l’ennemi du bien. Historiquement, nos acteurs de la BITD, nos organisations technologiques de défense cherchent l’excellence. Nous pouvons nous en réjouir, nous pouvons être fiers. Au niveau européen, ce constat demeure-t-il valable ou s’agit-il d’une spécificité française ? Nos partenaires européens sont-ils alignés sur cet optimum technologique ?

M. Jean-Brice Dumont. Les exemples d’Airbus Avions commerciaux ou Airbus Helicopters démontrent que dans la grande majorité des cas, le produit qui sort de nos chaînes d’assemblage ou le service qui est assuré, n’est pas un service national, mais international. Nous nous sentons concernés et considérons que la notion de « champion » n’est pas nécessairement la réponse à la question. Il faut plutôt réussir à trouver des partages de bon niveau, des partages intelligents entre industriels.

Ensuite, la critique formulée par Sébastien Lecornu me semble très juste. La France est un pays de longue tradition technologique et demeure l’un des leaders en la matière, notamment grâce à la DGA. Néanmoins, il me semble justifié de procéder à une critique collective sur le fait que le mieux peut effectivement être l’ennemi du bien. Dans de nombreux cas, nous sommes allés trop loin. Au moment où fleurissent de nouvelles technologies émergentes, nous devons nous servir de notre esprit critique pour définir celles sur lesquelles nous allons devoir parier, éviter de copier nos concurrents américains, ou vouloir produire un peu de tout.

Nous devons faire simple quand il est possible de le faire, rapidement et à moindre coût. Mais il convient également d’être vigilants : la guerre de demain utilisera des technologies qui ne seront pas nécessairement identiques à celles employées pour la guerre d’aujourd’hui, sans que nous ne sachions à ce jour lesquelles aboutiront in fine.

M. le président Jean-Michel Jacques. Nous passons maintenant à une séquence de quatre questions complémentaires, en commençant par une première série de deux questions.

M. Frank Giletti (RN). L’attitude de la Commission européenne sur Edip, que nous dénonçons, privilégierait le financement des systèmes développés hors UE, notamment aux États-Unis ou au Royaume-Uni. Cette posture ne peut pas être entendue par les Européens qui, par leurs impôts, doivent pouvoir financer la BITD européenne. Il faut que l’autorité de conception soit européenne.

Une telle disposition constitue une menace directe pour notre souveraineté industrielle et technologique, fragilisant une industrie de défense européenne qui peine déjà à s’imposer face à la domination des industriels américains et aux réticences de certains États membres à s’engager pleinement dans les coopérations communes.

Dans ce contexte, la position d’Airbus sur les critères d’égalité et de dérogation a surpris – c’est peu dire – d’autres industriels français. Cette approche ne fragiliserait-elle pas selon vous les ambitions d’une véritable autonomie stratégique européenne en matière de défense ? Enfin, la LPM a vu la réduction de la cible des A400M, de cinquante à trente-cinq, générant très certainement des difficultés dans la production de ce très bel appareil. Comment faites-vous face à cette réduction de cible ?

Mme Michèle Martinez (RN). La prise de position d’Airbus sur Edip a surpris de nombreux acteurs de la BITD française. Deux approches concurrentes existent sur ce projet. L’une est d’inspiration française, tente de promouvoir une préférence européenne sur le marché de l’armement, comme l’a exprimé Emmanuel Macron lors de ses vœux aux armées. Pour l’instant, il s’agit d’un échec, sinon d’un renoncement. Une autre approche est d’inspiration allemande et prône l’ouverture d’Edip au marché américain.

Or votre entreprise est régie de facto par une double gouvernance franco-allemande, même si je n’oublie pas d’autres pays comme l’Espagne. Dans ce contexte, en quoi la divergence entre la France et l’Allemagne sur Edip se ressent-elle dans votre entreprise et dans sa prise de position sur ce règlement ?

M. Jean-Brice Dumont. Airbus n’est pas une entreprise allemande, elle se décompose en trois tiers français, allemands et espagnols ; et vouloir opposer telle ou telle partie ne me semble pas juste. Des tensions et des problèmes de communication ont pu exister lors des mois passés. Nous défendons l’idée que l’autorité de conception doit demeurer en Europe pour les achats effectués dans le cadre d’Edip.

Les discussions concernant les pourcentages d’achats hors Europe sont intéressantes, car il faut veiller à ne pas être trop extrémistes. Tous les objets qui volent aujourd’hui dans le monde comportent au moins un composant en provenance des États-Unis, mais également d’Europe. Nous pouvons toujours essayer de nous défaire des interdépendances, mais cela coûtera très cher.

Dès lors, il importe de trouver le juste milieu. Le principe de l’autorité de conception, qui permet aux nations européennes de rester souveraines dans l’emploi de leur matériel et les achats effectués avec les fonds européens, est fondamental. La maison Airbus en est convaincue. Je pense que nous avons été victimes d’une certaine incompréhension, nous avons été injustement rangés dans une « boîte ».

Le Royaume-Uni est un pays Airbus, un pays avec lequel nous disposons d’un certain nombre d’alliances structurelles, par exemple dans le cadre de MBDA. Ce pays gagnerait donc à pouvoir, d’une façon ou d’une autre, rentrer dans ce schéma, mais sous condition, en « cotisant ». Le Royaume-Uni pourrait par exemple bénéficier du même statut que la Norvège, État contributeur, État invité. Nous appelons de nos vœux une discussion entre Bruxelles et Londres, en fonction d’un modus operandi à trouver.

Ensuite, l’A400M délivre une performance extraordinaire à tous les pays, qui en sont très satisfaits. Des questions de budgétisation se posent, des discussions sont en cours. Notre préoccupation consiste aujourd’hui à rendre l’A400M encore plus performant et à essayer d’augmenter le champ des missions que cet avion peut remplir.

Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Je partage la nécessité de travailler ensemble et d’additionner les forces des industriels. Nous ne devons pas nous sentir en concurrence, mais en complémentarité. Lors d’une précédente audition, la personne auditionnée évoquait le besoin de clarification des règles juridiques et mentionnait un possible règlement d’exception générale, au titre de l’urgence sécuritaire, pour pouvoir travailler plus rapidement, de façon plus souple et plus simple, à partir de normes plus faciles à mettre en œuvre. Partagez-vous ce point de vue ?

M. Thierry Tesson (RN). L’industrie chinoise aéronautique se développe. Une nouvelle ligne de production de l’A320 sera installée en 2026 dans ce pays. Or nous savons que des ponts peuvent être jetés entre la production civile et la production militaire. Quelles sont les mesures de sécurité mises en place pour protéger les chaînes d’ingénierie de l’espionnage industriel ? Tous les pays membres du programme Airbus s’alignent-ils sur la même politique de sécurité industrielle ?

M. Jean-Brice Dumont. Madame la ministre, il faut effectivement trouver des mécanismes d’accélération. Si nous voulons être dynamiques, nous ne pouvons pas être soumis à autant de règles, qui tendent d’ailleurs à s’accroître. Nous avons besoin de ce choc de simplification, en veillant qu’il ne se traduise pas par l’anarchie. Il faut arriver à trouver une manière organisée de simplifier.

En Chine, nous pratiquons le « chinese wall », qui qualifie cette muraille devant séparer deux secteurs, afin qu’ils demeurent cloisonnés. Pour pouvoir rivaliser avec Boeing et maintenant les constructeurs chinois, nous devons être présents sur ce marché. Toutefois, la prudence est de mise, car nous sommes instruits des mésaventures rencontrées par le secteur automobile.

Nous agissons donc prudemment et je vous prie de croire que les niveaux de sécurité appliqués avec des pays extra-européens, dont la Chine, sont particulièrement élevés. En revanche, ces niveaux sécuritaires sont peut-être trop marqués entre pays européens. Au sein d’Airbus, nous nous infligeons parfois certaines migraines quand il s’agit de faire circuler l’information, ne serait-ce qu’entre nos pays.

Pour répondre à votre deuxième question, il existe effectivement un objectif, mais il ne prend pas toujours la même forme. Nous sommes aujourd’hui en discussion avec les autorités de sécurité de nos différents pays, dont la France et l’Allemagne notamment, pour obtenir un meilleur alignement et fluidifier le travail de l’entreprise et de nos ingénieurs.

M. le président Jean-Michel Jacques. Je vous remercie.

 

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La séance est levée à douze heures cinq.

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Membres présents ou excusés

Présents.  Mme Delphine Batho, M. Manuel Bompard, M. Bernard Chaix, Mme Geneviève Darrieussecq, M. Alexandre Dufosset, M. Yannick Favennec-Bécot, Mme Stéphanie Galzy, M. Thomas Gassilloud, M. Frank Giletti, M. Damien Girard, Mme Catherine Hervieu, M. Jean-Michel Jacques, Mme Anne Le Hénanff, Mme Nadine Lechon, M. Julien Limongi, Mme Michèle Martinez, M. Karl Olive, Mme Anna Pic, Mme Josy Poueyto, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Catherine Rimbert, Mme Marie-Pierre Rixain, M. Arnaud Saint-Martin, M. Thierry Tesson, Mme Sabine Thillaye, M. Romain Tonussi, Mme Corinne Vignon

Excusés.  M. Matthieu Bloch, M. Philippe Bonnecarrère, Mme Cyrielle Chatelain, Mme Sophie Errante, M. Pascal Jenft, M. Guillaume Kasbarian, Mme Lise Magnier, Mme Mereana Reid Arbelot, Mme Isabelle Santiago, M. Mikaele Seo, M. Boris Vallaud