Compte rendu

Commission
des affaires étrangères

 

 

– Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, sur la situation internationale et le projet de loi de finances pour 2025              2

 

 


Mardi
15 octobre 2024

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 5

session ordinaire 2024-2025

Présidence
de M. Bruno Fuchs, Président


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La commission procède à l’audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, sur la situation internationale et le projet de loi de finances pour 2025 (n° 324).

La séance est ouverte à 16 heures 40.

Présidence de M. Bruno Fuchs, président.

M. le président Bruno Fuchs. Monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, je vous remercie de venir devant nous si rapidement après votre nomination. La commission des affaires étrangères souhaite échanger avec vous sur la contribution qu’elle peut apporter à la diplomatie française. Je ne doute pas que vous prêtiez une oreille attentive à ses propositions. Nous pouvons travailler ensemble en très bonne intelligence pour contribuer à renforcer l’influence de la France dans un contexte international chaotique et imprévisible. Nous aborderons aussi aujourd’hui les moyens dévolus à votre ministère dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025.

La semaine dernière, vous vous êtes rendu pour la deuxième fois depuis votre prise de fonctions au Proche-Orient pour rendre hommage aux victimes du 7 octobre 2023, évoquer les derniers développements de la crise avec certains acteurs régionaux et exprimer vos inquiétudes concernant les populations civiles. Vous nous direz comment la France agit. Je ne doute pas que vous serez abondamment interrogé sur ce sujet majeur.

Parallèlement, nous attendons des informations sur la situation en Ukraine, confrontée à la poursuite des opérations de sape de la Russie, sur les échéances électorales à venir en Moldavie, en Géorgie et aux États-Unis, sur les évolutions du continent africain ou encore du Venezuela, où l’élection présidentielle volée par Nicolas Maduro n’a absolument rien réglé, ainsi que sur les manœuvres de la Chine autour de Taïwan et le rapprochement sino-russe qui annonce peut-être un nouveau rapport de force mondial. Votre analyse sur les dossiers inquiétants du moment et les actions que vous envisagez de mener nous intéressent au plus haut point.

Notre pays sort d’une séquence internationale très faste, avec le succès des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) et du XIXe sommet de la francophonie. D’autres échéances s’annoncent, dont vous pourrez peut-être nous dire un mot.

Notre commission aborde le rendez-vous du budget pour 2025 avec rigueur et vigilance mais également inquiétude, alors que des engagements forts ont été pris par le président de la République en faveur du « réarmement » de notre diplomatie. Après deux lois de finances plutôt satisfaisantes, le PLF pour 2025 s’annonce sous de moins bons auspices : les dotations de votre ministère incluant l’aide publique au développement (APD) devraient s’établir à quelque 5,75 milliards d’euros, en baisse de 1 milliard.

Les crédits de la mission Action extérieure de l’État resteront relativement stables, à 3,34 milliards, en baisse de 4,3 %. Les moyens humains de la diplomatie devraient cependant être préservés. En revanche, les dotations inscrites dans le programme 209 de la mission Aide publique au développement se verront amputées de 855,5 millions, soit 26 % ; c’est un effort très substantiel.

Notre commission est attachée à ce que la France demeure particulièrement active en la matière. C’est pourquoi plusieurs amendements ont été déposés ou le seront pour atténuer ces baisses, voire pour augmenter les crédits – j’en ai ainsi déposé un auprès de la commission des finances visant à augmenter la taxe sur les transactions financières (TTF), qui passerait de 0,3 % à 0,5 %.

Nous attendons des éclaircissements sur les choix qui seront opérés et sur la stratégie destinée à limiter autant que possible l’impact de cet ajustement budgétaire sur les projets d’ores et déjà engagés ou noués avec nos partenaires.

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Permettez-moi tout d’abord de rendre hommage à la commission des affaires étrangères, dont le rôle est essentiel pour légiférer – j’ai à l’esprit de la loi de 2021 sur l’aide publique au développement –, pour contrôler l’action du Gouvernement – je n’oublie pas que vous attendez légitimement la constitution de la commission d’évaluation de l’aide publique au développement – et pour informer les Français sur la situation du monde. J’ai devant moi certains des meilleurs experts des zones géographiques et des enjeux globaux.

Je rends également hommage à la diplomatie parlementaire, instrument essentiel pour faire entendre la voix singulière de la France. Fondée sur le droit international, elle n’est l’otage d’aucun clan, elle ne courbe jamais l’échine devant les puissances et les intérêts particuliers. Cette voix singulière, c’est celle d’Aristide Briand portant la Société des nations sur les fonts baptismaux ; celle de Robert Schuman qui, le 9 mai 1950, fait basculer le destin de l’Europe ; celle de Maurice Couve de Murville, artisan de la grandeur de la France et de la politique de dissuasion nucléaire ; celle d’Hubert Védrine dénonçant l’inacceptable unipolarité du monde ; celle de Dominique de Villepin refusant d’engager la France dans une guerre injuste en Irak ; celle de Laurent Fabius, annonçant il y a dix ans l’adoption historique de l’accord de Paris. C’est la voix de l’équilibre, de l’humanité, de la justice ; la voix qu’attendent les opprimés et que redoutent les oppresseurs.

La voix de la France est singulière au Proche-Orient. Le 7 octobre dernier, sur le site du festival Nova, la France était aux côtés des familles des victimes du pire massacre antisémite depuis la Shoah, pour panser les plaies et sécher les larmes ; aux côtés de la population d’Israël dans son ensemble pour lui dire que la France n’oublie ni les plus de 1 200 victimes, dont 48 françaises, ni les otages, tous les otages : Erez, 11 ans, Eitan, 12 ans, Sahar, 16 ans, et Mia, 21 ans, libérés après d’intenses efforts, dans la joie et dans les larmes ; Elia et Orion, assassinés ; Ofer, 52 ans, et Ohad, 50 ans, pères de famille retenus captifs depuis un an dans la bande de Gaza avec tous ceux qui partagent leur sort. Le président de la République et le premier ministre ont reçu leurs familles le même jour. La France n’abandonnera jamais ses compatriotes. Tous les otages doivent être libérés sans condition.

Parce qu’elle ne fait pas de distinction entre les victimes civiles, la France se tient aux côtés des Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie depuis le premier jour. Nous avons organisé, un mois après le 7 octobre 2023, une conférence de soutien qui a permis de lever 1 milliard d’euros et a été suivie par cinq conférences internationales de haut niveau. Nous avons été le premier pays du G7 à appeler au cessez-le-feu et avons soutenu quatre propositions de résolution du Conseil de sécurité des Nations unies en ce sens. Nous avons été le premier pays occidental à prendre en charge les enfants gazaouis blessés grâce à la mobilisation des moyens du ministère des armées. Nous avons été moteurs dans l’adoption de sanctions à l’encontre des colons extrémistes et violents. Nous sommes l’un des rares pays à soutenir directement l’Autorité palestinienne, grâce aux crédits que vous serez amenés à voter dans quelques semaines. Nous plaidons pour une solution politique permettant aux deux peuples de vivre en paix et en sécurité : elle passe par la création d’un État palestinien, par des reconnaissances collectives et réciproques et par des garanties de sécurité pour Israël.

Au Liban aussi, la France fait entendre sa voix. Le Hezbollah porte une lourde responsabilité dans cette situation, entraînant le pays dans une guerre que le peuple libanais n’a pas choisie. Déjà des milliers de morts, dont deux de nos compatriotes ; déjà des centaines de milliers de déplacés et de nombreux blessés. Si nous ne faisons rien, le Liban, demain, pourrait ressembler à la Syrie aujourd’hui, livrée au trafic de drogue et au terrorisme, avec des millions de malheureux jetés sur les routes de l’exil. C’est la raison pour laquelle nous organiserons, le 24 octobre prochain, une conférence internationale en soutien au Liban, pour tracer des perspectives, mobiliser l’aide humanitaire et en garantir l’acheminement, mais également pour accompagner les acteurs libanais dans leur désir de vivre en paix et en sécurité dans un Etat fonctionnel, capable d’assurer leur prospérité.

La voix de la France est singulière également en Ukraine. Le combat des Ukrainiens est le nôtre, parce qu’il s’agit d’un enjeu de sécurité pour nous, Européens, mais aussi pour des raisons humanitaires – je pense à la situation des enfants ukrainiens, blessés, traumatisés, parfois kidnappés ou déportés – et parce que nous sommes les garants d’un ordre international fondé sur le droit, qui prémunit l’ensemble des peuples du monde contre la loi du plus fort. Si l’Ukraine devait tomber, c’est tout l’édifice conçu en 1945 par nos prédécesseurs qui s’effondrerait avec elle. En empêchant la défaite de l’Ukraine, nous préparons la victoire des principes auxquels nous croyons : des sociétés libres et démocratiques ; la dignité de la vie humaine ; des relations entre États encadrées par des règles de droit ; la maîtrise de notre destin, qu’il s’agisse des prix de l’énergie et du blé ou du fonctionnement de notre espace numérique. Notre soutien en matière civile et militaire est connu ; il est et sera à la mesure de la détermination des Ukrainiens, sur le terrain comme ailleurs dans la société.

La voix de la France est singulière en Afrique, confrontée à de nombreux défis : crises économiques, inégalités de destin, tensions sociales, conséquences du dérèglement climatique. La France est à l’initiative pour agir aux côtés de ses partenaires africains, y compris dans les situations les plus compliquées. Au Soudan, où une personne sur deux a besoin d’une aide d’urgence, la France est présente. En six mois, grâce à nos efforts, 90 % des 2 milliards d’engagements financiers humanitaires promis lors de la conférence de Paris pour le Soudan ont été décaissés. Des avancées ont été obtenues en matière d’accès humanitaire, dont la réouverture du couloir d’Adré entre le Tchad et le Darfour. J’ai travaillé, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, avec mes homologues allemands, américains et le haut représentant de l’Union européenne. Nous ne relâcherons pas nos efforts. Dans la région des Grands Lacs, notre rôle est de tout faire pour obtenir la désescalade et construire la paix. Nous soutenons la médiation que conduit l’Angola entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda.

La France pèse aussi parce qu’elle sait créer des partenariats mutuellement bénéfiques et porteurs de possibilités. Pour servir les intérêts de nos concitoyens, nos entrepreneurs, nos artistes et nos innovateurs, nous devions renouveler nos partenariats sur le continent africain. Le ministère est à la manœuvre pour renforcer nos liens avec les sociétés civiles, les jeunesses ainsi que les diasporas et, quand cela est nécessaire, raccommoder l’ouvrage, faire face à toutes les mémoires, retrouver des énergies communes pour aller de l’avant. Il faut être à la hauteur des intérêts de la France et des Français. Les défis qui sont devant nous, qu’ils soient géopolitiques, sécuritaires, économiques, démographiques ou climatiques, trouvent tous une part de leur réponse au Sud de la Méditerranée, sur ce continent qui compte plus du quart des États membres des Nations unies et qui comptera en 2050 plus de 2 milliards d’habitants. Établir avec les pays africains, partout où cela est possible, des partenariats refondés sur la base d’intérêts mutuellement reconnus est donc une nécessité, voire un impératif diplomatique.

La voix de la France est singulière en Europe ; si singulière qu’il lui est arrivé d’être isolée. Mais l’histoire récente nous a donné raison : en matière de politique industrielle, nous avons su mobiliser l’Europe sur l’Agenda de Versailles et convaincre nos partenaires concernant le salaire minimum, la réglementation des géants du numérique ou encore la nécessité d’imposer le principe de réciprocité dans les échanges commerciaux.

Une Europe plus forte, plus souveraine, plus unie, plus indépendante : voilà ce que la France soutient, aux côtés de l’Allemagne – je ferai en sorte que notre tandem demeure un moteur. Si notre soutien à l’Ukraine doit se poursuivre aussi longtemps et aussi intensément que nécessaire, c’est aussi parce que le destin de notre continent en dépend, tout comme sa souveraineté et son autonomie stratégique.

Nous défendrons également cette ambition avec nos amis polonais en format Weimar, remis sur les rails par mon prédécesseur, Stéphane Séjourné, notamment pour répondre aux menaces informationnelles. Nous mettrons sur la place publique les ingérences étrangères et les manœuvres, qu’elles soient russes ou autres, aux niveaux national mais aussi européen, afin de les dénoncer et de les prévenir. La France et l’Europe ont besoin l’une de l’autre pour bâtir une Europe puissante par son autonomie stratégique. Je continuerai à appuyer nos efforts pour que l’Europe de la défense prenne forme et se hisse à la hauteur des menaces qui nous guettent.

La voix de la France est singulière dans le concert des nations et à l’Organisation des Nations unies (ONU). La France ne se contente pas d’occuper son siège, certes confortable, de membre permanent du Conseil de sécurité : elle assume pleinement sa vocation de garant de l’ordre international fondé sur le droit et la charte des Nations unies. Voilà notre seule boussole, celle que nous utilisons pour condamner la guerre de la Russie contre l’Ukraine, pour condamner les attaques terroristes commises par le Hamas le 7 octobre 2023, pour exiger la libération des otages, pour exiger l’accès à la population civile de Gaza, pour que les autres crises internationales ne soient pas oubliées, comme au Soudan, sur lequel nous avons poussé le Conseil de sécurité à s’exprimer. C’est cette même boussole qui nous conduit à mener une diplomatie féministe, refusant que les femmes afghanes soient effacées par les talibans, refusant l’impunité et demandant justice pour les femmes yézidies, combattant les violations en ligne des droits des femmes. Nous avons la responsabilité de tout faire pour soutenir et protéger les acteurs humanitaires qui portent secours aux civils, comme ce fut le cas pour les Arméniennes et les Arméniens déplacés de force après l’attaque de l’Azerbaïdjan.

Cette responsabilité consiste aussi à adapter les enceintes multilatérales aux enjeux actuels pour consolider leur légitimité, en soutenant l’entrée de l’Inde, du Japon, du Brésil et de l’Allemagne dans le Conseil de sécurité et en ouvrant celui-ci à une présence africaine. Il s’agit également d’affronter la menace climatique et environnementale qui touche tout le monde et qui affecte particulièrement l’Europe. C’est pour cela que nous protégeons les poumons de notre planète, notamment les océans. La France a joué un rôle déterminant dans la conclusion de l’accord dit « BBNJ », issu de la Conférence intergouvernementale sur la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale. Elle renforcera encore cette ambition à Nice, où elle organisera la troisième conférence des Nations unies sur les océans avec le Costa Rica.

Enfin, nous avons la responsabilité de soutenir nos partenaires qui subissent de plein fouet la crise climatique et souvent, en même temps, la crise de la dette. C’est pourquoi la France a accueilli, en juin 2023, un sommet pour un nouveau pacte financier mondial : le Pacte de Paris pour les peuples et la planète, soutenu par soixante-six pays.

Contre tous les vents contraires, contre le surgissement de la violence et de la brutalité dans les relations internationales, la voix de la France ne variera ni ne faiblira.

J’en viens à la présentation du budget de mon ministère, tel qu’il vous a été soumis par le Gouvernement et sous réserve de son adoption définitive. Il devait connaître, entre 2024 et 2027, une hausse historique de ses moyens pour réarmer et moderniser la diplomatie mais aussi pour atteindre nos objectifs en matière d’aide publique au développement. Dans le contexte budgétaire que vous connaissez, le plafond des crédits a été révisé à la baisse, comme c’est le cas pour la plupart des ministères, y compris ceux bénéficiant de lois de programmation. Mon ministère continue donc d’apporter sa contribution à l’objectif de maîtrise des finances publiques fixé par le premier ministre.

Vous le savez, le ministère a pris une part significative dans les annulations de crédits et dans les surgels décidés par le précédent gouvernement en février et juillet derniers. Le montant total des coupes en 2024 s’est élevé à 880 millions d’euros, soit 12,5 % de notre budget pour l’année 2024. Les trois quarts des économies ont concerné le programme 209, Solidarité à l’égard des pays en développement, ramené à son niveau de 2021. Les coupes ont porté en grande partie sur l’aide-projet, c’est-à-dire notre soutien bilatéral à travers des projets en dons. Nous avions évidemment veillé à ne pas créer d’impasse, notamment pour l’Agence française de développement (AFD).

Nous avons également dû réduire les contributions volontaires que nous versons aux entités des Nations unies pour conduire des projets sur des secteurs prioritaires, ainsi que les moyens de la provision pour crises majeures qui nous permet de débloquer rapidement des fonds pour apporter un soutien aux pays subissant des crises aux conséquences humanitaires d’ampleur. Nous avons veillé à préserver des instruments qui ont fait la preuve de leur efficacité, notamment les fonds « équipe France », qui permettent à nos postes à l’étranger de conduire des projets de montants limités mais à forte valeur et visibilité politiques.

Au sein de la mission Action extérieure de l’État, le programme 105, Action de la France en Europe et dans le monde, a été affecté par les coupes à hauteur de 153 millions d’euros. Dans ce contexte, les chantiers de réforme et de modernisation visant rendre à notre diplomatie plus agile ont été protégés. Ils sont issus des recommandations formulées dans le sillage des états généraux de la diplomatie, regroupées dans un Agenda de la transformation. Ils mobilisent l’ensemble de mes services depuis plus de dix-huit mois et leur mise en œuvre est impressionnante, le taux de réalisation des recommandations étant de plus de 80 %. Nous avons fait le choix de préserver les crédits qui y concourent, tout particulièrement ceux concernant le numérique et la sécurité diplomatique.

Les annulations de crédits du programme 185, Diplomatie culturelle et d’influence, ont principalement visé les subventions aux opérateurs, au profit des actions au service de notre politique d’influence, notamment l’augmentation du nombre de boursiers étrangers et le soutien aux réseaux culturels et de coopération. Nous aurons l’occasion de revenir de manière plus approfondie sur les choix qui ont été opérés sur les crédits 2024 lors du prochain printemps de l’évaluation.

J’en viens au projet de loi de finances pour 2025. Il confirme globalement les économies opérées en 2024 et prévoit une économie additionnelle de 200 millions d’euros. En volume, le plafond est de 5,7 milliards en crédits de paiement (CP), soit une diminution de 1 milliard par rapport à la loi de finances initiale de 2024, revenant ainsi à peu près à l’étiage de la loi de finances initiale de 2021.

Le ministère est appelé à contribuer de manière conséquente à l’effort de redressement de nos finances publiques. Nous procéderons avec méthode pour préserver nos chantiers et nos actions prioritaires. Dans ce contexte, je serai guidé par trois critères.

Le premier consiste à préserver les actions et les leviers les plus décisifs pour nous permettre de porter la voix singulière de la France dans le monde : cela passe par notre réseau diplomatique à l’étranger, les moyens qui sont à sa disposition, mais également par les leviers d’action tels que notre capacité à agir au cœur des crises, en soutien aux populations en détresse et à leurs autorités sollicitant de l’aide.

Le deuxième critère vise à préserver les leviers qui agissent directement sur le quotidien des 2,5 millions de Français établis à l’étranger. Nos services consulaires sont leurs interlocuteurs pour toute étape de vie ou démarche administrative. De plus, l’action de notre ministère est décisive pour préserver la sécurité des Français, répondre aux défis migratoires, protéger et renforcer notre souveraineté économique, notre tissu industriel et nos emplois.

Le troisième critère a pour objet de veiller à ce que les contraintes budgétaires ne conduisent pas à l’abandon des investissements visant à rendre notre administration et notre diplomatie plus innovantes, créatives et efficaces. Ainsi, l’académie diplomatique et consulaire montera en puissance, afin de projeter toujours plus l’inventivité et l’excellence françaises dans notre action à l’étranger.

Voilà la méthode qui sera la mienne pour opérer les choix nécessaires alors que nos moyens diminuent ; des choix auxquels vous serez évidemment étroitement associés.

Les dépenses de personnel représenteront plus de 1,15 milliard dans les montants prévus par le PLF, soit une hausse de 12,5 millions d’euros. La mesure la plus importante à mes yeux est la création de 75 nouveaux équivalents temps plein (ETP), qui s’ajoutent aux 265 créés dans la période couvrant 2023 et 2024. Certains estimeront peut-être que le compte n’y est pas – les engagements portaient sur une trajectoire de 700 ETP d’ici 2027, dont 150 en 2025 – mais, dans le contexte que nous connaissons, cela marque la confiance dans notre diplomatie, d’autant qu’il est prévu 200 créations supplémentaires d’ici à 2027. Il y a là une rupture claire dans la durée avec les années d’érosion de nos moyens, qui ont conduit à plus de 3 000 suppressions d’ETP entre 2006 et 2021. Je serai particulièrement attentif à ce que ces 75 ETP viennent renforcer les effectifs dédiés à nos priorités de politique étrangère, notamment dans le réseau à l’étranger, et à la poursuite de la mise en œuvre de l’Agenda de la transformation. Le plafond est ainsi porté à 13 892 emplois.

J’en viens aux quatre programmes principaux dont le ministère à la charge, en commençant par le programme 105 qui rassemble les moyens de notre action diplomatique et les crédits de fonctionnement des ambassades et des consulats ; il finance aussi plusieurs contributions obligatoires de la France à l’international, telles qu’au système des Nations unies ou à la Facilité européenne pour la paix. Les crédits qui y sont consacrés ainsi qu’aux opérations de maintien de la paix s’élèvent à 820 millions d’euros, en baisse de 110 millions par rapport à 2024. Cela s’explique par des facteurs externes comme la diminution mécanique de notre contribution à la Facilité européenne pour la paix et la baisse mécanique de notre quote-part au budget régulier des Nations unies.

Au sein de cette enveloppe, 25 millions d’euros de crédits exceptionnels permettront d’assurer notamment l’organisation des deux grands sommets internationaux consacrés respectivement à l’intelligence artificielle et aux océans.

En ce qui concerne les moyens dévolus à la poursuite de la mise en œuvre de l’Agenda de la transformation du ministère, l’ambition est réduite mais préservée afin de moderniser et de renforcer notre action. Nous maintenons au même niveau, soit 58 millions d’euros, le budget de la direction du numérique, pour continuer à accompagner les évolutions des métiers de la diplomatie et mettre en œuvre des technologies innovantes, telle l’intelligence artificielle, au service d’une plus grande efficacité.

Les crédits dédiés à la sécurité sont stabilisés pour l’administration centrale mais renforcés pour nos emprises diplomatiques et consulaires, grâce à une hausse globale de 2,6 millions d’euros. Nous continuerons ainsi d’accroître la protection de nos ambassades les plus exposées et d’acheter des véhicules blindés. Avec des moyens plus élevés, nous aurions sans doute pu faire plus.

Les moyens alloués à la direction des ressources humaines, hors dépenses de personnel, augmentent de 1,5 million d’euros, notamment pour assurer la montée en puissance de l’Académie diplomatique et consulaire.

Le programme 151 regroupe les crédits consacrés, par l’intermédiaire de l’action consulaire, à nos ressortissants établis et de passage à l’étranger. En 2025, ils baissent de 5 %, s’établissant à 156,9 millions.

En cohérence avec le projet de modernisation de l’administration consulaire, les moyens consacrés aux projets prioritaires sont renforcés. Ainsi, la finalisation du registre d’état civil électronique, qui permettra la production dématérialisée d’actes, est prévue pour la fin de l’année 2025. En outre, nos services travaillent au développement d’une nouvelle solution de vote par internet, plébiscitée par les électeurs lors des élections législatives. Enfin le périmètre du service France consulaire, dédié à la réponse téléphonique aux ressortissants français de l’étranger, s’est élargi à soixante pays cette année ; son déploiement s’achèvera en vue d’une couverture mondiale fin 2025.

Les dépenses du programme 151 hors projets de modernisation sont en légère baisse. L’enveloppe pilotée par l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), qui concerne les aides à la scolarité, s’établit à 111 millions d’euros. Principale dépense du programme – elles en représentent 71 % –, ces aides continueront de permettre à nombre d’élèves à travers le monde d’accéder à nos lycées, outil fondamental de notre politique d’influence. S’y ajoute une enveloppe de 2 millions consacrée à la poursuite de l’accompagnement des élèves en situation de handicap.

Le programme inclut aussi les crédits alloués à l’action sociale de nos postes, soit près de 20 millions d’euros, dont 15 millions en aides directes.

Les crédits du programme 185, destinés à notre diplomatie culturelle et d’influence, s’établissent à 675,9 millions d’euros, soit une baisse de 6,3 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024 et un retour au niveau de 2023.

Nous continuerons à appliquer notre feuille de route en matière d’influence en donnant la priorité à l’Europe, à l’Afrique et à l’Indopacifique.

Plusieurs actions contribueront au rayonnement de la France à l’international. Il s’agit d’une part des moyens alloués aux bourses de mobilité étudiante. Dans un contexte de compétition internationale accrue, la politique d’attractivité étudiante entreprise ces dernières années se poursuit en 2025. À cette fin, la dotation de 70 millions prévue en 2024 est maintenue. Nous nous efforcerons de poursuivre notre action en faveur du doublement du nombre de bourses à l’horizon 2027, malgré des moyens plus limités qu’initialement prévu. D’autre part, la dotation de fonctionnement des établissements à autonomie financière (EAF) est préservée, à hauteur de 45,7 millions.

En outre, si, comme en 2024, l’ensemble des opérateurs a dû être mis à contribution par une légère diminution de leurs dotations, les moyens consacrés à l’influence et à notre diplomatie culturelle garantissent l’inscription dans la durée de notre politique de rayonnement.

J’en viens à l’aide publique au développement, la plus affectée par les baisses. Sur le périmètre des programmes 209 et 110, qui concentrent nos principaux crédits, les moyens de la mission APD, qui avaient doublé entre 2017 et 2024, baisseront de 1,4 milliard d’euros. Cela confirme les économies demandées en 2024 et en requiert de nouvelles.

Le programme 209, consacré à la solidarité avec les pays en développement, est le principal mis à contribution : à ce stade, la diminution atteint 857 millions, ce qui le ramène globalement à son niveau de 2021, avec 2,41 milliards de crédits de paiement, en baisse de 26 %. Cela nous demandera de prioriser nos engagements tout en cherchant à préserver notre place parmi les principaux acteurs de la solidarité internationale. C’est une équation exigeante mais nous tâcherons de la résoudre.

J’insiste : notre capacité à apporter une réponse d’urgence lors du déclenchement de crises aux conséquences humanitaires graves doit demeurer un volet prioritaire de notre action. Les crédits dédiés à l’aide humanitaire s’élèveront donc à 500 millions d’euros en 2025, contre près de 900 millions prévus début 2024. Nous espérons des débats parlementaires le maintien de la provision pour crises majeures, celle qui nous a permis d’agir face aux crises dans des délais très courts.

En matière bilatérale, l’ambition sera certes revue mais les ambassades pourront encore lancer des projets par l’intermédiaire des fonds « équipe France », qui ont fait la preuve de leur efficacité.

Les moyens attribués à des opérateurs au service d’objectifs spécifiques, comme Expertise France pour déployer un réseau d’experts techniques internationaux à l’étranger ou France Médias Monde pour lutter contre la désinformation, seront préservés, donc en hausse en 2025.

Les crédits délégués à l’Agence française de développement, qui constituent le bloc le plus important du programme 209, seront nécessairement affectés par les réductions budgétaires. Les moyens dédiés aux projets de l’AFD en subventions diminueront d’environ 250 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE). Ces réductions seront moindres en crédits de paiement, qui sont liés à des engagements contractés lors d’années antérieures. Il faudra identifier des priorités dans la programmation de l’agence, sur le plan géographique comme thématique.

En matière multilatérale aussi, nous devrons ménager des priorités. Ces moyens nous permettent de nourrir nos partenariats avec les agences et organisations des Nations unies, ainsi qu’avec d’autres organisations multilatérales et régionales. Ils garantissent l’influence française au sein des organisations financées et ils soutiennent des projets qui correspondent aux priorités de la France. Cette ligne sera en diminution de 225 millions en CP, s’élevant ainsi à 571 millions d’euros.

J’entends vous associer étroitement à cet effort de hiérarchisation des priorités et je proposerai au président Bruno Fuchs que nous ouvrions très prochainement un dialogue en ce sens.

Le programme 110, mis en œuvre par le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, baissera de 617 millions en CP : il s’élèvera à 1,7 milliard d’euros, ce qui continue de représenter près de 80 % de plus que son niveau de 2017. Les autorisations d’engagement du programme sont préservées, afin, notamment, de faire face à la reconstitution de l’Association internationale de développement (AID), fonds de la Banque mondiale destiné aux pays les plus pauvres.

Deux programmes complètent la mission Aide publique au développement : le programme 370, Restitution des « biens mal acquis » et le nouveau programme 384 remplaçant le fonds de solidarité pour le développement.

Le premier, créé en loi de finances pour 2022 et placé sous la responsabilité du ministère, vise à restituer aux populations concernées, sous forme de projets de coopération et de développement, les recettes issues de la cession de biens mal acquis par l’Agence de gestion et de recouvrement des biens saisis et confisqués (Agrasc). En 2025, un montant de 140 millions d’euros est prévu. Il permettra de restituer des biens saisis aux populations guinéo-équatoriales et nigérianes.

Le fonds de solidarité et de développement (FSD), auquel nous sommes tous attachés, est un dispositif de financement innovant qui permet de dégager des ressources supplémentaires pour l’APD grâce à l’affectation du produit de la taxe de solidarité sur les billets d’avion et d’une fraction du produit de la taxe sur les transactions financières. Vous le savez, les dispositions de la loi organique du 28 décembre 2021 ont rendu son évolution nécessaire. Nous avons mené, avec la direction générale du Trésor et la direction du budget, une analyse juridique détaillée, confortée par l’avis du Conseil d’État, qui nous a conduits à opter pour la rebudgétisation des deux taxes couplée à la création d’un programme ad hoc, le programme 384, que nous avons dénommé Fonds de solidarité et de développement pour marquer sa continuité avec le dispositif applicable jusqu’à la fin de cette année.

Il sera doté de 738 millions d’euros, soit exactement le même montant que celui correspondant jusqu’à présent aux sommes provenant de la taxe de solidarité sur les billets d’avion et de la taxe sur les transactions financières. Il sera exempt de toutes les mesures de régulation budgétaire : mise en réserve initiale, surgel. Il s’agit donc d’une ressource disponible, exactement au même niveau qu’actuellement.

Je le dis de la façon la plus claire possible, au nom du Gouvernement, pour répondre à d’éventuelles et légitimes inquiétudes : la ressource du FSD sera maintenue dans la durée au même niveau. Le principe de l’affectation des taxes demeure donc, politiquement.

Vous pouvez compter sur ma détermination pour assurer la meilleure utilisation possible des moyens qui nous sont alloués.

M. le président Bruno Fuchs. Merci, monsieur le ministre, de ces éclaircissements très précis et de la méthode de collaboration que vous nous proposez. Vous l’avez bien expliqué, dans ce budget de rigueur, il ne s’agit pas de réduire dans les mêmes proportions l’ensemble des actions de la France : des choix ont été faits. À cet égard, les propositions des membres de la commission permettront d’enrichir votre réflexion et peut-être de compléter les amendements au projet de loi de finances.

Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Bertrand Bouyx (HOR). Dans un contexte international évoluant chaque jour et de plus en plus préoccupant, il est essentiel que la France soit capable de s’adapter plus rapidement aux changements du monde. De ce point de vue, la loi de programmation militaire (LPM) constitue un rempart qui protège nos intérêts, tout comme l’Europe de la défense, qui doit progresser pour renforcer notre sécurité commune.

L’accélération et la multiplication des crises, en particulier à proximité de nos frontières, en Ukraine et au Proche-Orient, nous le montrent : il faut mobiliser tous les moyens possibles de coopération avec nos voisins européens. Face à ces défis mondiaux, en effet, seuls un engagement fort et une collaboration étroite au sein de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe permettront d’accroître notre sécurité, de garantir la stabilité régionale et de défendre nos valeurs communes sur la scène internationale.

En cette période de rigueur budgétaire, il est important que nous soutenions pleinement l’Ukraine, dont la victoire doit être assurée. Quelles conséquences les économies prévues pourraient-elles avoir sur notre action humanitaire et diplomatique en faveur de Kiev ? Comment faire en sorte que ces efforts essentiels ne soient pas compromis ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Le soutien de la France à l’Ukraine a été constant depuis deux ans et demi. C’est une question de sécurité pour nous autres Européens. En ce qui concerne l’action humanitaire, c’est une question morale que de soutenir les populations civiles durement éprouvées par les frappes incessantes de la Russie. Enfin, il y va de l’ordre international fondé sur le droit.

Sur le plan militaire, nous avons apporté à l’Ukraine des garanties qui ont été consacrées dans un accord signé au printemps dernier et débattu au Parlement. Il se traduit très concrètement par la formation sur le territoire national d’une brigade de 2 300 militaires ukrainiens, à la rencontre de laquelle le président de la République et le ministre des armées se sont récemment rendus, ainsi que par la poursuite du transfert de matériels.

Le soutien civil et humanitaire se poursuivra dans le même registre que depuis deux ans et demi. En la matière, des mesures peu coûteuses, qui ne font pas l’objet de grandes annonces, peuvent être utiles et délivrer un message important. Nous avons ainsi annoncé, il y a dix jours, la création de deux centres destinés à accueillir les enfants traumatisés ou déportés d’Ukraine, après le lancement d’un fonds de 200 millions visant à accompagner l’investissement des entreprises européennes sur place – il vient d’être ratifié par le Parlement ukrainien et les entreprises françaises vont pouvoir s’en saisir.

Vous pouvez compter sur notre détermination à continuer ce soutien en matière militaire – qui relève en grande partie du budget du ministère des armées –, humanitaire et de reconstruction.

Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Vous le savez, je porte avec obstination devant votre ministère la question de la revendication comorienne de Mayotte et des ingérences étrangères dans mon territoire. Je dénonce ici la relation incestueuse entre la France et les Comores, l’inefficacité de notre politique de coopération avec Moroni et l’absence d’efforts de votre ministère pour défendre la reconnaissance de Mayotte française dans les instances internationales.

Dans le cadre de l’organisation des Jeux 2025 de la Commission de la jeunesse et des sports de l’océan Indien (CJSOI), celle-ci a confirmé la semaine dernière que les sportifs mahorais ne pourraient toujours pas arborer le drapeau français ni chanter La Marseillaise lors de l’événement. Pourquoi la France continue-t-elle de financer au moyen de l’aide au développement les programmes sports et jeunesse des Comores, des Seychelles, de Madagascar ou de l’île Maurice, qui refusent de reconnaître Mayotte française ?

Plus largement, votre ministère va-t-il revoir son programme d’aide aux Comores alors que, depuis l’entrée en vigueur de l’accord de coopération avec Moroni, le nombre de reconduites à la frontière a baissé, contrairement à ce qui était prévu ?

Les Comores poursuivent et augmentent leur pression sur Mayotte et trouvent de nouveaux alliés pour leur propagande d’annexion de notre territoire : preuve en est l’organisation en Azerbaïdjan, début septembre, d’une conférence à laquelle participait une délégation comorienne venue vomir sur Mayotte et mettre la France en accusation, comme elle l’avait fait en Nouvelle-Calédonie. Il n’y a eu aucune réaction officielle de notre pays. Qu’allez-vous faire contre les ingérences comoriennes et azerbaïdjanaises à Mayotte ?

Pour reprendre vos termes, allez-vous « prioriser » et « hiérarchiser » vos engagements en matière d’aide publique au développement et profiter de leur réduction pour sanctionner enfin les Comores, ouvertement antifrançaises, en arrêtant l’aide financière au régime corrompu du général Azali ?

M. le président Bruno Fuchs. C’est un sujet dont notre commission a déjà discuté à plusieurs reprises et à propos duquel les parlementaires sont prêts à prendre position.

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Défendre Mayotte, c’est réduire la pression migratoire qui s’exerce sur elle. Nous avons négocié en 2019 un accord qui permet de procéder à 25 000 reconduites par an vers les Comores et de lutter, avec les Comoriens, contre les départs de migrants illégaux : nous en empêchons 6 000 par an.

Défendre Mayotte, c’est aussi défendre la souveraineté française. Nous sommes mobilisés pour que personne ne conteste que Mayotte c’est la France. Depuis trente ans, aucune résolution de l’Assemblée générale des Nations unies ne remet plus en cause la souveraineté française à Mayotte.

Concernant l’aide publique au développement, la France met en œuvre aux Comores un programme d’investissement dans le cadre duquel les engagements de l’AFD atteignent au total 230 millions d’euros en 2024. Il concourt au développement des Comores et à l’amélioration des conditions de vie des Comoriens. L’objectif est de réduire l’immigration en agissant sur ses causes profondes. En appuyant les Comores dans le domaine de la santé, notamment, nous œuvrons au développement de filières d’activité génératrices d’emplois pérennes et de services publics. C’est aussi de cette façon que nous dissuaderons durablement les candidats au départ.

Je vous remercie de soulever le sujet des ingérences étrangères, sous-estimé par beaucoup de diplomaties dans le monde. Nous l’avons pris à bras-le-corps en créant Viginum, service placé auprès du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationales (SGDSN), dont la spécialité est de détecter et d’attribuer les manœuvres informationnelles, ainsi qu’une sous-direction chargée de la veille et de la stratégie au sein de la direction de la communication et de la presse du ministère – ses équipes seront renforcées grâce à ceux des 75 nouveaux ETP qui sont destinés à l’administration centrale.

Les attaques intolérables de l’Azerbaïdjan à notre encontre ont « peiné à obtenir une visibilité suffisante dans le débat public numérique francophone pour produire des effets réels sur le bon déroulement des événements », comme l’indique le rapport de Viginum daté du 13 septembre. Si nous n’avons pas, au niveau du ministère et de son porte-parole, réagi publiquement à ces manœuvres que nous condamnons et dénonçons par tous nos canaux diplomatiques, c’est précisément pour ne pas leur faire une publicité excessive.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Le 4 octobre, la Cour de justice de l’Union européenne a rendu trois arrêts sur les accords entre l’Union européenne et le Maroc. Elle a reconnu que le consentement du peuple sahraoui à ces accords faisait défaut, ajoutant que « le Front Polisario est […] un interlocuteur privilégié dans le cadre du processus mené sous l’égide des Nations unies en vue de la détermination du futur statut du Sahara occidental ». Ce à quoi votre ministère a répondu qu’il n’entendait pas faire appliquer le droit international et continuerait à soutenir le Maroc dans sa politique de colonisation du Sahara occidental. Cet été encore, le président de la République, au milieu de la trêve politique qu’il avait lui-même demandée, a donné des gages au royaume du Maroc. Trois groupes du Nouveau Front populaire – outre le groupe communiste, il s’agissait de mes camarades écologistes et socialistes – ont réagi à cette déclaration.

Le soutien que les pro-colonisation s’apportent les uns aux autres serait-il plus fort que le droit international ? En Israël, on condamne une fois, dix fois, mais on ne sanctionne pas. La France sanctionne des colons, c’est bien ; mais elle ne demande pas que soient jugés les commanditaires des massacres de Gaza, de l’expansion des colonies en Cisjordanie, des attaques ciblées sur la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL) et sur le Liban. Pour sanctionner ces personnes, il faut saisir la justice internationale. Je vous l’ai dit dans l’hémicycle ; vous ne répondez pas. Vous m’avez rappelé l’aide humanitaire envoyée par la France en Palestine et au Liban – vous l’avez encore fait tout à l’heure –, mais elle ne mettra pas fin aux attaques.

Nous avions utilisé l’expression « deux poids, deux mesures » dans un rapport sur l’ONU, à propos de la rapidité avec laquelle l’Union européenne a prononcé des sanctions contre la Russie après l’invasion de l’Ukraine, comparée aux réactions s’agissant d’Israël.

Chaque fois, on nous dit : « vous ne parlez pas des attaques du 7 Octobre, vous ne condamnez pas ». Quand nos interventions sont chronométrées, nous ne pouvons pas prendre le temps de rappeler ceci : le 7 octobre, il s’est passé des choses déplorables, inadmissibles, condamnables, dont il faut évidemment parler. Mais depuis, et auparavant, il s’est aussi passé des choses politiquement condamnables auxquelles il fallait réagir. Peut-être, d’ailleurs, que ce qui s’est passé avant le 7 octobre a généré le 7 octobre. Mais cela, souvenez-vous-en, on n’avait pas le droit de le dire le 7 octobre.

Nous avons besoin de clarté. Un État mène une politique terroriste, sème la terreur dans toute la région, bombarde aveuglément et tue des civils. C’est contraire au droit de la guerre, au droit international, et cela appelle des sanctions de notre part. Je termine, monsieur le président – j’ai parlé du 7 octobre, ça a pris un peu de temps ! –...

M. le président Bruno Fuchs. Moins de trente secondes.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR). …quand suspendra-t-on les accords commerciaux avec Israël ?

M. le président Bruno Fuchs. Je vous ai laissé trente secondes supplémentaires. Sans émettre publiquement d’avis sur vos propos, vous ne pouvez pas invoquer la brièveté de votre temps de parole pour justifier de ne pas aller à l’essentiel : pour ce genre de sujets, on trouve toujours le temps nécessaire.

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Les arrêts récents de la Cour de la justice de l’Union européenne portent sur le traitement spécifique à réserver aux produits issus du Sahara occidental, un territoire non autonome en droit international. La Cour ne remet pas en cause la possibilité de conclure avec le Maroc des accords les concernant mais pose certaines conditions. Nous avons appelé les institutions européennes et nos partenaires à poursuivre les travaux pour renforcer les échanges, notamment économiques, avec le Maroc et préserver les acquis du partenariat dans le respect du droit international. Dans sa lettre à Sa Majesté le roi du Maroc, envoyée à l’occasion de la fête du Trône, le président de la République a rappelé notre détermination à accompagner les efforts du Maroc en faveur du développement économique et social du Sahara occidental, au bénéfice des populations locales.

Je partage votre préoccupation sur la situation en Cisjordanie, qui fragilise considérablement la possibilité d’une solution pacifique à deux États que nous appelons de nos vœux depuis un an. C’est pourquoi nous avons d’abord, à titre national, sanctionné vingt-huit individus, puis entraîné l’Europe à adopter deux trains de sanctions à l’encontre de personnes physiques ou morales associées au mouvement des colons extrémistes et violents. Nous essayons de faire adopter un troisième train de mesures. Cela relève d’un travail de conviction acharné.

Quant à l’accord d’association, le haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité a souhaité en faire la revue afin de vérifier si les parties ont respecté leurs obligations. Nous attendons sa présentation des résultats.

Enfin, la France est à sa place quand elle défend l’indépendance de la Cour pénale internationale et de la Cour internationale de justice qui ont été très fortement attaquées à l’occasion de certaines de leurs décisions.

M. Sébastien Chenu (RN). Nos réserves sur la diplomatie française, tant sur le fond que sur la forme, sont liées à celui qui l’incarne et qui n’a cessé de semer le trouble et d’affaiblir la voix de la France : le président de la République.

Dans le dossier ukrainien, il a semé la confusion en Europe en suggérant l’envoi de troupes occidentales sans consultation préalable. Sa proposition a été rejetée par nos alliés traditionnels et nous a isolés et affaiblis. Cette « ambiguïté stratégique » laisse rêveur…

En voulant se repositionner au Sahel, il a précipité la déstabilisation de nos relations avec des pays stratégiques – le Mali par exemple – et le recul de notre influence dans la région, qui tombe sous la coupe d’acteurs comme la milice Wagner.

Au Liban, après les explosions tragiques sur le port de Beyrouth, Emmanuel Macron avait fait des grands discours pleins de grandes envolées promettant des réformes et une nouvelle ère. En réalité, le bilan est catastrophique. C’est un échec de la diplomatie personnelle de Jean-Yves Le Drian : beaucoup de communication et peu de résultats.

Israël est malmené et lâché dans un discours cynique au moment le plus malvenu. Les propos du président de la République lors du Conseil des ministres sont bien loin de ceux qu’il faudrait tenir à l’égard d’un pays ami.

La réforme dramatique du corps diplomatique est l’un des coups les plus durs portés à notre influence internationale. En supprimant le corps des diplomates de carrière, le président de la République a ouvert la porte à la nomination à des postes clés de fonctionnaires sans expérience spécifique.

Comment votre gouvernement compte-t-il restaurer notre influence dans les dossiers cruciaux de l’Ukraine, du Sahel, du Liban et d’Israël ? Qu’allez-vous faire pour compenser les effets désastreux de la réforme du corps diplomatique sur notre politique étrangère ?

M. le président Bruno Fuchs. Chers collègues, je me vois dans l’obligation de suspendre notre réunion car un scrutin public important est annoncé dans l’hémicycle et la plupart d’entre vous semblent désireux d’y participer. Nous reprendrons le cours de cette audition à l’issue du vote.

L’audition est suspendue de dix-sept heures trente-cinq à dix-huit heures dix.

M. le président Bruno Fuchs. Monsieur le ministre, vous pouvez à présent répondre à M. Sébastien Chenu.

M. Jean-Noël Barrot, ministre. La conférence de soutien à l’Ukraine, qui s’est tenue à l’Élysée le 26 février dernier, a acté que ses alliés rendraient publiques les lignes rouges – ce que l’on a appelé « l’ambiguïté stratégique » – de manière à ne pas donner à Vladimir Poutine le sentiment qu’il pouvait tester indéfiniment notre résistance. Cette position a été très favorablement accueillie, d’abord par les pays du flanc oriental européen puis par plusieurs autres partenaires.

Au Sahel, la succession des crises politiques et la dégradation continue de la situation sécuritaire nous ont contraints à suspendre une partie de notre coopération, dont l’aide publique au développement, à l’instar de nombre de nos partenaires. En revanche, nous maintenons notre aide humanitaire aux populations, qui sont les premières victimes de la crise en cours, ainsi que nos efforts diplomatiques. Ainsi, lors du sommet de la Francophonie, nous avons obtenu de la part de la République de Guinée un chronogramme qui la met sur les rails d’une trajectoire démocratique, en contrepartie de sa réintégration dans l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF).

Au Liban, la France, qui s’est toujours placée du côté de la souveraineté et de l’unité libanaises, a un rôle à jouer, lequel est attendu par le peuple libanais et par ses alliés régionaux. Aussi nos partenaires se sont-ils ralliés très naturellement à notre proposition d’organiser à Paris une conférence internationale de soutien.

S’agissant de la réforme du corps diplomatique, il ne faut pas déformer la réalité : les premières nominations d’ambassadeurs sont désormais soumises à des critères de compétences et de qualités.

M. Michel Herbillon (DR). Le budget 2025 s’inscrit dans un climat difficile pour nos finances publiques. Malgré les très fortes contraintes auxquelles le nouveau gouvernement fait face, il est proposé que le Quai d’Orsay soit doté d’un budget, en légère hausse, de 5,7 milliards d’euros, hors aide publique au développement. Je soutiens le choix de créer 75 ETP dans un moment où notre diplomatie ne peut s’affaiblir. Je saisis cette occasion pour saluer et féliciter les agents du ministère et des opérateurs, soit près de 20 000 ETP, qui chaque jour portent et défendent la voix de la France partout dans le monde. Au nom de mon groupe, j’exprime mon soutien à cette proposition de budget empreinte de responsabilité qui, malgré les contraintes budgétaires, préserve le Quai d’Orsay et lui permet de poursuivre son action.

Pour l’année 2025, le montant de l’aide publique au développement demeure à un niveau très élevé, à 5,2 milliards, en intégrant les crédits liés au ministère de l’économie. Notre groupe défend depuis longtemps la conditionnalité de notre APD en fonction du taux de délivrance des laissez-passer consulaires, documents impératifs pour exécuter les obligations de quitter le territoire français (OQTF). Allez-vous l’introduire et veiller à ce que notre APD ne finance plus des projets dans des pays hostiles à la France ? Quand la commission d’évaluation de l’aide publique au développement, que notre commission appelle de ses vœux depuis longtemps, verra-t-elle le jour ?

Enfin, compte tenu de la situation, allez-vous réévaluer le montant de notre contribution de soutien à la FINUL, qui doit baisser d’environ 500 000 euros ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Je vous remercie pour l’hommage que vous avez rendu aux agents du ministère, qui ont parfois besoin de beaucoup de courage pour exercer leurs missions au quotidien, face aux grands bouleversements du monde.

Il ne manque plus qu’un décret pour que la commission d’évaluation de l’APD voie le jour. Je veillerai à ce qu’il paraisse le plus rapidement possible.

La participation de la France aux opérations de maintien de la paix diminue en tendance. Toutefois, les 500 000 euros ne concernent pas directement la FINUL, qui doit rester en place aussi longtemps que nécessaire pour participer à la stabilisation et à la sécurisation du Sud du Liban lorsque le cessez-le-feu interviendra.

S’agissant des liens entre notre politique migratoire et notre politique d’aide au développement, les conclusions du Conseil présidentiel du développement et du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) de 2023 consacrent la lutte contre l’immigration irrégulière et les filières clandestines comme l’un des dix objectifs prioritaires de notre politique d’investissement solidaire et durable. Je veillerai à ce que cette préoccupation majeure des Français soit dûment prise en compte.

Rappelons que l’aide publique au développement est par nature inconditionnelle. Les aides liées à la participation d’entreprises françaises ou à des objectifs en matière de réadmission, par exemple, ne sont pas considérées par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) comme des aides publiques au développement, ce qui nous éloigne de nos objectifs.

Par ailleurs, pour être efficaces, il faut aborder ces questions sous un angle partenarial. Les politiques bêtes et méchantes, comme celle des visas, peuvent être contournées et braquent les pays concernés au lieu de les voir coopérer.

Mme Amélia Lakrafi (EPR). Nos compatriotes établis au Liban, tout comme les Libanais, vivent une situation des plus anxiogènes, puisqu’aucun endroit du pays du cèdre ne semble épargné par des frappes à chaque fois plus meurtrières. Même la FINUL, qui compte 700 Français, est mise en danger. Je souhaite moi aussi saluer les équipes de notre poste diplomatique et du consulat général à Beyrouth, qui sont pleinement mobilisées pour répondre au mieux à la situation et à la détresse de nos compatriotes. Je salue le fait que, dès votre nomination vous vous soyez saisi de ce dossier, de même que je salue la présence, qui a été très appréciée, de notre ministre déléguée, Mme Sophie Primas, à l’arrivée des ressortissants français. Je loue enfin le travail exceptionnel du centre de crise et de soutien de votre ministère, dont la mobilisation est absolument admirable – nous ne les saluerons jamais assez.

Que pouvez-vous nous dire du dispositif mobilisé pour venir en aide à nos compatriotes établis au Liban en cas d’escalade supplémentaire ? Nous pouvons nous féliciter des moyens humains et matériels uniques engagés par la France pour protéger ses ressortissants.

Votre ministère va contribuer à l’effort de maîtrise des comptes publics. Après avoir été, plus que tous les autres, contributeur pendant plus de vingt ans, il est à l’os. Ce n’est plus acceptable. Aussi, je me félicite des 75 postes supplémentaires. Comment seront-ils répartis ? Nous allons batailler ensemble pour arriver aux 150 initialement prévus.

Enfin, pourriez-vous remettre dans leur contexte les propos du président de la République au Conseil des ministres concernant la décision des Nations unies de novembre 1947 ? Relayés par un grand média français, ils semblent faire grand bruit.

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Les propos du président de la République au Conseil des ministres s’inscrivaient dans un propos général, rappelant l’importance pour Israël, comme pour tous les pays, de respecter la Charte des Nations unies, le droit international et le droit international humanitaire.

Permettez-moi de vous saluer à mon tour et, à travers vous, les députés des Français établis à l’étranger, qui êtes témoins de crises majeures et acteurs de notre soutien collectif à nos ressortissants. Les représentants de la communauté française que j’ai rencontrés au Liban ont salué votre pleine mobilisation. Le centre de crise et de soutien est mobilisé en lien étroit avec l’ambassade et suit l’évolution de la situation d’heure en heure. À ce jour, environ 3 000 de nos compatriotes établis au Liban ont regagné la France, dont plus de 350 grâce à une assistance au retour qui a pris la forme de réservations de vols ou de places auprès de la compagnie nationale libanaise ou de vols affrétés par nos soins ou par nos partenaires.

Un accueil téléphonique est disponible vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept ; il sollicite beaucoup les agents à Beyrouth comme à Paris. Des personnels ont été envoyés en renfort. Aucune décision d’évacuation n’a été prise par la France mais nous nous préparons, le cas échéant, à la prendre.

Parmi les ETP, deux tiers iront vers le réseau et un tiers en centrale dont une partie dans le centre de crise et de soutien.

Mme Mathilde Panot (LFI-NFP). Jusqu’où laisserez-vous aller Netanyahou ? Des images insoutenables nous arrivent de l’hôpital Al Aqsa : des Palestiniens brûlés vifs, tués dans leur sommeil par une frappe israélienne sur leur tente. Au Liban, dans les décombres des bombardements incessants de l’armée de Netanyahou, on retrouve parmi les victimes des couches culottes et des jouets. Un quart des habitants du pays ont pris les routes de l’exil. C’est aux yeux du monde entier que se déploient sans fin des horreurs qui foudroient notre humanité commune. Jusqu’où laisserez-vous aller Netanyahou ? Car rien ne l’arrête.

Le 9 novembre 2023, il y a 11 000 Palestiniens tués, Emmanuel Macron appelle pour la première fois au cessez-le-feu à Gaza. Et vous n’avez rien fait.

Le 26 janvier 2024, la Cour internationale de justice rend un arrêt sur le risque génocidaire et émet des mesures conservatoires à l’encontre d’Israël. Et vous n’avez rien fait.

Le 29 février, c’est le massacre de la farine : l’armée de Netanyahou tire sur des Palestiniens en attente d’un convoi alimentaire, alors que la famine est utilisée comme arme de guerre. Et vous n’avez rien fait.

Le 22 mai, il y a 35 000 Palestiniens tués, Netanyahou attaque Rafah, la ligne rouge de Biden, où 1,5 million de personnes sont bloquées. Emmanuel Macron proclame que la reconnaissance de l’État de Palestine n’est pas un tabou. Et vous n’avez rien fait.

Le 30 septembre, Netanyahou envahit le Liban, pays ami de la France, que des ministres israéliens disent vouloir annihiler. L’ONU parle d’un autre Gaza. Et vous n’avez rien fait.

Le 6 octobre, il y a, au bas mot, 42 000 Palestiniens et 2 000 Libanais tués. Emmanuel Macron se prononce pour la première fois pour l’arrêt des livraisons d’armes à Netanyahou. Et vous n’avez rien fait.

Depuis, Netanyahou s’est affranchi du droit international et a décrété persona non grata le secrétaire général de l’ONU sur le territoire d’Israël. Depuis, la force onusienne, la FINUL, a été prise pour cible à trois reprises et cinq casques bleus ont été blessés.

Jusqu’où laisserez-vous aller Netanyahou ? Combien de morts de plus ? Combien de souffrances infligées encore au peuple palestinien et au peuple libanais pour que vous agissiez ? La responsabilité historique de la France est d’arrêter Netanyahou. La France est respectée lorsqu’elle porte la voix du droit international, de la justice et de la paix. La France est écoutée lorsqu’elle pose des actes en conformité avec ses discours. Quand allez-vous reconnaître l’État de Palestine, décréter un embargo sur les armes, décider de sanctions à l’encontre de Netanyahou, agir pour suspendre l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël ? Quand allez-vous enfin prendre des mesures contraignantes pour que le cessez-le-feu ne soit plus une parole vaine mais une réalité concrète ? Quand allez-vous cesser de ne rien faire ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Je partage votre indignation sur la situation des Palestiniens à Gaza, en Cisjordanie, au Liban, au moment où des écoles, des hôpitaux sont bombardés à Gaza et où cette bande de terre se transforme en un cimetière au bord de la Méditerranée. Mais il est faux de dire que la France, qui a été parmi les premiers pays à parler, n’a pas agi.

Si – comme la France – tous les pays du monde avaient pris des initiatives sur le plan humanitaire et des sanctions à l’encontre des colons extrémistes et violents, si – comme la France – tous les pays du monde s’abstenaient de livrer à Israël des armes offensives utilisées à Gaza, appelaient au cessez-le-feu et votaient les résolutions allant dans ce sens au Conseil de sécurité des Nations unies, si – comme la France – tous les pays du monde appelaient à ce qu’advienne une solution à deux États, qui se reconnaissent mutuellement et soient reconnus comme tels par leurs partenaires régionaux, avec des garanties de sécurité pour chacun, la situation ne serait pas celle que nous connaissons.

Nous faisons ce que nous pouvons. La voix de la France est entendue. Elle ne peut pas forcer la main à l’ensemble de ses partenaires mais elle tente, en joignant les actes à la parole, de se montrer exemplaire.

Mme Mathilde Panot (LFI-NFP). J’aimerais une réponse à mes questions précises. Vous n’y avez pas répondu !

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Au niveau national, nous avons pris des sanctions visant vingt-huit colons extrémistes et violents ; au niveau européen, nous avons poussé nos partenaires, parfois récalcitrants, à adopter deux trains de sanctions à l’encontre d’entités ou d’individus complices ou acteurs de la colonisation en Cisjordanie.

Il ne nous appartient pas de modifier l’accord d’association. Josep Borrell, le Haut représentant pour la politique extérieure et de sécurité commune, a décidé d’en revoir les clauses et d’évaluer les violations par les différentes parties. Nous attendons cette évaluation.

Concernant les armes, vous connaissez la position de la France.

Quant à la reconnaissance de l’État de Palestine, notre objectif est d’en faire une question collective, de sorte que, lorsqu’elle prendra cette décision, la France entraîne dans son sillage un grand nombre d’autres pays et contribue également à faire reconnaître par d’autres l’existence d’Israël avec des garanties de sécurité. Notre objectif est bien d’apporter une sécurité et une paix durables dans la région.

M. Pierre Pribetich (SOC). Il n’y a pas de politique étrangère sans puissance des moyens, ni sans crédibilité des dirigeants pour étendre notre influence et promouvoir l’Europe. Pour être efficace, la diplomatie doit s’appuyer sur un pays puissant, une forte cohésion sociale et des finances publiques saines. Or le « quoi qu’il en coûte » nous place devant une alternative douloureuse : soit une thérapie de choc, soit la menace d’une tutelle du Fonds monétaire international (FMI). Depuis la suppression du corps diplomatique, le Quai d’Orsay, livré au fait du prince, est affaibli alors qu’il faisait jusqu’alors la fierté et le renom de la France.

Plus graves encore sont les oscillations perpétuelles de la diplomatie française dont le président de la République est le seul responsable.

Oscillations vis-à-vis de l’Ukraine, d’abord : après avoir témoigné d’une complaisance inouïe à l’égard de la Russie – Emmanuel Macron a été le seul dirigeant à dialoguer avec Poutine pendant des mois après l’invasion –, le président a basculé dans un interventionnisme débridé allant jusqu’à proposer, sans que Volodymyr Zelenski ne l’ait demandé, l’envoi de troupes au sol, en dépit de notre aide militaire moribonde.

Oscillations vis-à-vis du Moyen-Orient, ensuite : Emmanuel Macron a provoqué un tollé en Israël en appelant, à la veille de la commémoration du massacre du 7 octobre, à un boycott international des livraisons d’armes. Le même avait suggéré il y a un an de former une coalition internationale pour lutter contre l’organisation terroriste du Hamas qui continue, après les viols et les massacres d’innocents, de détenir 97 otages. Il se montre enfin hésitant sur la reconnaissance immédiate de la Palestine qui pleure ses trop nombreuses – 41 000 ! – victimes innocentes. En la matière, l’Espagne ouvre la voie et la France est à la traîne.

Comment ne pas exprimer des doutes face aux choix opérés en Afrique de l’Ouest où l’on se détourne de la France pour se précipiter dans les bras de la Russie et de la Chine ? Face à notre politique européenne, pierre angulaire du programme présidentiel, qui, loin du discours de la Sorbonne, se résume désormais à l’abandon en rase campagne de Thierry Breton et à l’affaiblissement de notre position au sein de l’Union et face à Ursula von der Leyen ? Face au budget présenté par le gouvernement de Michel Barnier, qui propose de réduire de manière drastique les crédits de l’aide publique au développement – 1,34 milliard d’euros – là où il faudrait les augmenter pour éviter l’émigration forcée depuis les pays en voie de développement ? Face à notre silence sur les manœuvres de la Chine encerclant Taïwan préfigurant une invasion ? Face à la catastrophe humanitaire du Soudan ?

La liste des foyers de tension est trop longue. Comment comptez-vous redonner de la cohérence à l’action extérieure de la France, qui, à force d’être incompréhensible et illisible, est devenue invisible ?

Enfin, je relaie une question d’Alain David, pouvons-nous compter sur votre détermination pour sanctuariser le budget de France Médias Monde ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Sur le dernier point, je souhaite que la proposition de loi organique portant réforme du financement de l’audiovisuel public soit adoptée le plus rapidement possible afin de garantir à France Médias Monde les ressources nécessaires et l’indépendance à laquelle certains de nos partenaires, en particulier l’Allemagne, sont très attentifs.

Je ne peux évidemment pas me réjouir de la baisse du budget : je m’en désole mais la situation exige des efforts de la part du ministère de l’Europe et des affaires étrangères comme des autres. Nous avons donc défini des priorités parmi lesquelles la préservation des capacités humaines et des moyens de transformation du ministère – en témoigne la hausse, certes plus faible que ce que nous espérions, du nombre d’ETP –, la poursuite de la modernisation des services consulaires, la préservation des outils de la diplomatie d’influence. En contrepartie, un effort est demandé au programme 209 au sein duquel des choix devront être faits. Je l’ai dit, je souhaite associer la commission à ce travail.

En ce qui concerne les oscillations que vous déplorez, la France est régulièrement attaquée : c’est le cas à propos du Proche-Orient aujourd’hui. Pourtant, elle reste fidèle à ce qu’elle a toujours été : la France pleure les victimes civiles quelles qu’elles soient. Elle pleure les victimes du 7 octobre. Elle pleure les victimes civiles, les innocents, les femmes et les enfants qui meurent à Gaza.

Le président n’a jamais évoqué ni un embargo sur les armes, ni un désarmement d’Israël. Il a rappelé l’attachement indéfectible de la France à la sécurité de l’État hébreu : notre pays mobilise ses moyens militaires lorsqu’Israël est la cible d’une attaque balistique iranienne ; il est en première ligne des efforts internationaux pour contenir la menace que pourrait représenter le programme nucléaire iranien. Mais le président appelle au cessez-le-feu car, dans l’intérêt d’Israël, le recours à la force doit céder la place à la diplomatie et au dialogue. Dans cette perspective, il faut joindre les actes à la parole en s’abstenant de livrer des armes offensives aux belligérants.

Mme Sabrina Sebaihi (EcoS). Dimanche soir, nous avons assisté en direct sur les réseaux sociaux à l’assassinat de Palestiniens brûlés vifs par les bombardements israéliens dans la cour de l’hôpital Al-Aqsa. Depuis plusieurs mois, nous sommes nombreux et nombreuses à être témoins du génocide sans relâche des Palestiniens, y compris dans les zones humanitaires prétendument déclarées sûres par Israël. À l’horreur de Gaza s’ajoute maintenant celle du Liban où des villages entiers sont rasés par Israël, où plus d’un million de civils sont déplacés. Les morts s’accumulent comme si la vie de ces populations ne valait rien.

Nous sommes habitués à la petite musique que vous nous jouez à chacune de nos questions. Lors des questions au Gouvernement, vous venez de rappeler que la France avait condamné les attaques délibérées d’Israël contre les casques bleus – 700 de nos soldats sont engagés dans la FINUL. Mais ces condamnations sont vaines et elles le resteront en l’absence de toute sanction. À quoi bon condamner sans jamais agir pour s’assurer que de telles attaques ne se reproduiront plus ? Nous sommes très nombreux et nombreuses à nous sentir impuissants.

La France dispose de nombreux leviers pour sanctionner Israël et redonner un espoir de paix. Il ne suffit pas de condamner quelques colons violents en s’alignant sur les États-Unis ; il faut condamner les 700 000 colons installés en Cisjordanie.

Nous pourrions suspendre l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël. Vous avez évoqué les propos de Josep Borrell mais, ce qui m’intéresse, c’est de savoir si la France joue un rôle moteur pour obtenir une suspension de l’accord. Nous pourrions interdire l’importation des produits issus des colonies, instaurer un embargo sur les ventes d’équipements militaires et de biens civils à double usage. Nous pourrions ainsi aider la France à retrouver une voix forte et faire de la paix une réalité. Pour ce faire, nous devons être justes et fermes.

Je pense à nos deux compatriotes morts au Liban sous les frappes israéliennes, aux deux otages français encore aux mains du Hamas, à l’ensemble des victimes civiles palestiniennes, israéliennes et libanaises. Mais je crains que nos pensées restent vaines tant que la France ne se résoudra pas à prendre des sanctions.

Quelles lignes rouges la France s’est-elle fixées vis-à-vis d’Israël ? Existe-t-il un quelconque seuil à partir duquel le Quai d’Orsay se décidera à prendre des sanctions ? Sinon sommes-nous condamnés à nous habituer à l’horreur des morts et de la guerre en attendant qu’Israël accepte un cessez-le-feu ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre. En matière de sanctions, nous avons pris plusieurs décisions aux niveaux tant national qu’européen. Ainsi, nous avons pris des mesures contre vingt-huit individus considérés comme des colons violents ou extrémistes et nous avons convaincu nos partenaires européens d’adopter deux trains de sanctions à l’encontre d’entités ou d’individus s’étant rendus coupables ou complices de colonisation violente.

Depuis trois jours, nous avons déployé une énergie certaine pour convaincre certains de nos partenaires de la nécessité absolue de condamner, sans aucune réserve ni ambiguïté, les tirs essuyés par les contingents de la FINUL au Liban. Nous avons obtenu une telle condamnation de la part du Conseil européen des affaires étrangères mais cela n’a pas été facile et nous avons dû nous battre jusqu’au milieu de la nuit dernière pour que le Conseil de sécurité des Nations unis fasse de même. Nous avons réclamé sans relâche une réunion d’urgence du même Conseil au sujet du Liban.

Nous actionnons la totalité des leviers dont nous disposons en tant que membre permanent du Conseil de sécurité et au sein de l’Union européenne. Les mesures que nous pouvions prendre à titre bilatéral l’ont été. Nous réexaminons constamment les moyens à notre disposition pour faire pression sur Israël car nous considérons que les opérations militaires israéliennes à Gaza comme au Liban non seulement, pour certaines d’entre elles, constituent une violation manifeste du droit international et du droit international humanitaire mais aussi mettent en danger durablement la sécurité d’Israël.

M. Frédéric Petit (Dem). Les crédits dédiés à la diplomatie culturelle et d’influence connaissent une baisse par rapport à la loi de finances initiale de 2024 mais une hausse par rapport à l’exécution de 2023. La progression, entamée il y a quelques années, se poursuit donc.

Cependant, pour les petits opérateurs, notamment ceux dont les métiers sont des niches, le rabot – j’ai dit récemment que nous avions plutôt besoin de clé à molette – peut être synonyme de mort. La perte de 2 millions d’euros obligerait France Médias Monde à quitter deux ou trois pays. N’oublions pas que nombre d’opérateurs créent, pour un coût de 200 ou 300 millions d’euros, des effets de levier énormes. Monsieur le ministre, je vous alerte donc sur les risques que font peser les réductions de crédits sur leur viabilité et leur rayon d’action. Les opérateurs préféreront arrêter plutôt que de mal faire.

En 2022, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères avait présenté la feuille de route de l’influence de la diplomatie française qui était l’aboutissement d’un long travail de coopération avec la commission. Peut-on espérer sa relance prochaine ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Je vous remercie pour le travail que vous avez effectué. Vous avez rappelé à juste titre que si les crédits sont moins élevés que ce que nous aurions aimé, ils restent en hausse par rapport à 2021. Conformément à la hiérarchie des priorités qui a été établie, certains opérateurs sont sollicités pour contribuer à l’effort de maîtrise des dépenses. Ce fut le cas de Campus France et de l’Institut français dès cette année dans le cadre des gels de crédit supplémentaires.

J’entends et je fais mienne votre demande d’éviter le rabot et de veiller à ne pas priver les opérateurs des moyens nécessaires à des actions de qualité.

C’est bien le ministère de la culture qui finance pour l’essentiel France Médias Monde. Votre commission a néanmoins l’opportunité de se prononcer sur le contrat d’objectifs et de moyens (COM) passé entre l’Etat et cet opérateur.

La déclinaison de la feuille de route se poursuit et les moyens qui y sont consacrés ont été préservés dans le projet de budget. Je vous propose que nous reprenions ce travail en nous appuyant sur votre analyse de rapporteur pour avis des crédits du programme Diplomatie culturelle et d’influence.

M. le président Bruno Fuchs. Nous en venons à présent aux questions posées à titre individuel. Compte-tenu de la suspension de séance, tous les inscrits ne pourront pas s’exprimer. Nous allons prendre quelques questions de collègues issus de groupes différents, auxquelles le ministre répondra de manière groupée, à titre exceptionnel.

Mme Dominique Voynet (EcoS). D’après le président Aliyev, le pétrole est un don de Dieu. Il représente 92 % des exportations de l’Azerbaïdjan. C’est à Bakou que se déroulera à partir du 11 novembre la vingt-neuvième COP, un an à peine après la prise de contrôle sur le Haut-Karabakh.

On sait le rôle déterminant qu’ont joué des compagnies minières américaines et anglaises ainsi que le chantage exercé sur la population arménienne, invitée à choisir entre l’accès facile à l’or et au cuivre ou le pain. On connaît moins peut-être les conséquences pour la population et pour les cadres politiques dont certains ont été pris en otage et restent détenus.

La tenue de la COP29 à Bakou pose deux problèmes majeurs : d’une part, l’Azerbaïdjan compte l’utiliser pour faire oublier l’annexion du Haut-Karabakh avant une nouvelle étape dans la conquête de l’Arménie qui est déjà qualifiée de western Azerbaïdjan ; d’autre part, il y a un paradoxe à organiser un tel événement dans un pays dont la priorité est d’augmenter encore sa production de pétrole et de gaz.

Pourrait-on, sinon participer au boycott, du moins adopter une position prudente et réservée sur les travaux qui vont se dérouler à Bakou ?

Mme Eléonore Caroit (EPR). Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit une baisse du budget de votre ministère d’environ 1 milliard alors que vos agents accomplissent un travail exceptionnel dans un contexte de multiplication des crises. En cette période de maîtrise des comptes publics, il est compréhensible que votre ministère contribue à l’effort global. Je regrette cependant que sa contribution soit disproportionnée.

Les plus de 3 millions de Français établis à l’étranger participent au rayonnement de notre pays dans le monde et nombre d’entre eux payent des charges sur leurs revenus de source française. Après la hausse significative obtenue l’an dernier, la baisse envisagée cette année pour le programme 151 est déplorable, d’autant qu’elle affecterait le budget de l’AEFE, outil essentiel pour permettre à nos compatriotes de conserver un lien avec la France.

Ainsi, monsieur le ministre, je vous demande de sanctuariser les crédits dévolus aux Français de l’étranger, en particulier ceux qui concernent les bourses scolaires et les aides sociales au profit de nos aînés.

Mme Alexandra Masson (RN). Le 29 mai dernier, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité le projet de loi autorisant la ratification du traité international sur la haute mer et la biodiversité marine, dit BBNJ. Le texte porte sur la protection des océans situés en dehors des zones économiques exclusives et du plateau continental des États côtiers. Signé par la France le 20 septembre 2023, il marque un tournant dans la protection de l’océan en complétant le cadre juridique de la gouvernance océanique établi par la convention des Nations unies sur le droit de la mer adoptée en 1982. Ce traité crée notamment un nouvel organe onusien, la conférence des parties, regroupant les représentants des pays signataires votant à la majorité.

La troisième conférence des Nations unies sur l’océan aura lieu à Nice en juin 2025 sous la présidence du Costa Rica. Où en est le processus de ratification de l’accord qui devait être achevé à la fin de l’année 2024 ?

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Vous avez indiqué que la France soutenait la médiation de l’Angola entre la République démocratique du Congo et le Rwanda mais cette position est insuffisante.

On dénombre 6 millions de morts dans la région du Nord-Kivu et des millions de personnes déplacées. Lors du sommet de la Francophonie qui réunissait récemment à Paris plus de cinquante chefs d’État africains, le président de la République n’a pas été capable de mentionner le conflit entre la RDC et les milices du M23 qui sont soutenues par le Rwanda.

Les appels se multiplient en RDC en faveur d’un retrait de l’Organisation internationale de la Francophonie alors qu’il s’agit du grand pays francophone au monde.

Quelle est la position de la France par rapport à ce terrible conflit ? Condamne-t-elle le soutien du régime de Paul Kagamé aux milices du M23 ? Quelles actions envisagez-vous ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Madame Voynet, la France se tient si fermement aux côtés de l’Arménie qu’elle n’est pas forcément aujourd’hui la mieux placée pour jouer les médiateurs. Néanmoins, nous essayons d’obtenir, d’ici à la COP29, la signature du traité de paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, dont plusieurs éléments ont déjà été agréés par les deux parties. Nous soutenons la demande de l’Arménie en ce sens.

Quant à la participation de la France à la COP29, la composition de la délégation française sera à la hauteur des ambitions que l’Azerbaïdjan s’est données pour cette conférence.

Madame Caroit, s’agissant du programme 151, le choix a été fait, dans le cadre budgétaire contraint, de donner la priorité aux services aux Français établis hors de France et aux projets de modernisation du ministère. Par conséquent, le budget prévu pour les affaires sociales et les aides à la scolarité est un peu en deçà de ce que nous aurions pu souhaiter. Je ne doute pas que nous aurons à débattre d’amendements sur le sujet.

Madame Masson, de l’ordre de quinze pays ont ratifié le traité BBNJ. Le Costa Rica, qui coprésidera la conférence sur l’océan à Nice, est sur le point de le faire. Nous encourageons par tous les canaux diplomatiques les participants à ce sommet à ratifier le plus rapidement possible cet accord dans la conclusion duquel la France a joué un rôle très important.

Monsieur Taché, la crise des Grands Lacs est le sujet auquel le président de la République a consacré le plus de temps en marge du sommet de la Francophonie. Il a rencontré successivement les présidents Tshisekedi et Kagame et leur a rappelé sans ambiguïté la position française tout en se ralliant à l’effort de médiation qui est aujourd’hui mené par l’Angola. Nous sommes très préoccupés par la situation. J’échangerai demain avec mon homologue congolaise.

M. le président Bruno Fuchs. Merci Monsieur le ministre. Je regrette, comme beaucoup de collègues ici présents, que l’interruption de séance ait empêché plusieurs députés inscrits de vous interroger. Nous ne pouvons hélas vous retenir davantage et aurons par conséquent le plaisir de vous recevoir de nouveau prochainement.

 

La séance est levée à 19 heures.

 

 

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Membres présents ou excusés

 

Présents. - Mme Nadège Abomangoli, Mme Clémentine Autain, M. Guillaume Bigot, M. Bertrand Bouyx, M. Jérôme Buisson, M. Pierre-Yves Cadalen, Mme Eléonore Caroit, M. Sébastien Chenu, M. Pierre Cordier, M. Gérald Darmanin, M. Alain David, Mme Dieynaba Diop, M. Marc de Fleurian, M. Nicolas Forissier, M. Bruno Fuchs, M. Julien Gokel, Mme Pascale Got, M. Michel Guiniot, M. Michel Herbillon, M. Alexis Jolly, Mme Sylvie Josserand, Mme Amélia Lakrafi, M. Arnaud Le Gall, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Alexandra Masson, Mme Nathalie Oziol, Mme Mathilde Panot, M. Frédéric Petit, M. Kévin Pfeffer, M. Pierre Pribetich, M. Stéphane Rambaud, M. Franck Riester, M. Jean-Louis Roumégas, Mme Sabrina Sebaihi, M. Aurélien Taché, Mme Dominique Voynet, Mme Estelle Youssouffa

 

Excusés. - M. Éric Ciotti, M. Olivier Faure, M. Perceval Gaillard, M. Stéphane Hablot, Mme Brigitte Klinkert, M. Laurent Mazaury, Mme Marine Le Pen, M. Davy Rimane, Mme Michèle Tabarot, Mme Liliana Tanguy, M. Laurent Wauquiez