Compte rendu

Commission
des affaires étrangères

 

 

 Examen, ouvert à la presse, des avis budgétaires sur le projet de loi de finances pour 2025 (n° 324) :

- Examen pour avis et vote des crédits de la mission Immigration, asile et intégration (Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis)   2

- Examen pour avis et vote des crédits du compte de concours financier Avances à l’audiovisuel public – Audiovisuel extérieur (M. Alain David, rapporteur pour avis)                27

- Examen pour avis et vote des crédits de la mission Économie – commerce extérieur et diplomatie économique (M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis)                38

– Informations relatives à la commission ................. 48


Mercredi
30 octobre 2024

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 9

session ordinaire de 2024-2025

Présidence
de Mme Laetitia Saint‑Paul,
Vice-présidente


  1 

La commission poursuit l’examen, ouvert à la presse, de ses avis budgétaires sur le projet de loi de finances pour 2025 (n° 324).

La séance est ouverte à 9 h 00

Présidence de Laetitia Saint-Paul, vice-présidente.

Mme Laetitia Saint-Paul, présidente. Nous poursuivons l’examen de nos différents avis budgétaires sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2025. Ce matin, nous nous prononcerons sur trois missions : la mission Immigration, asile et intégration, la mission Audiovisuel public, dans son volet consacré à l’audiovisuel extérieur, et la mission Économie, dans son volet consacré au commerce extérieur et à la diplomatie économique.

Mme Laetitia Saint-Paul, présidente. Les crédits de paiement (CP) de la mission Immigration, asile et intégration s’élèvent à un peu plus de 2 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2025, un montant sensiblement équivalent à celui de 2024, de 2,1 milliards.

Notre rapporteure pour avis a choisi de consacrer la partie thématique de ses travaux à la question des laissez-passer consulaires (LPC), qui a pris une place significative dans le débat public. Comme chacun sait, tout éloignement d’un étranger en situation irrégulière ne disposant pas d’un titre d’identité valide nécessite l’accord du pays de retour et la délivrance par ce dernier d’un laissez-passer. Or, dans bien des cas, les démarches entreprises par la France pour obtenir ce document échouent, les pays d’origine n’étant pas toujours enclins à en faciliter l’aboutissement. En l’espèce, la situation est marquée par une grande hétérogénéité entre les pays concernés.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. La mission Immigration, asile et intégration regroupe les crédits de la direction générale des étrangers en France (DGEF). Même si celle-ci relève du ministère de l’intérieur, il est tout à fait justifié que notre commission émette un avis sur ces crédits, tant la question migratoire et les relations internationales sont étroitement liées. C’est d’ailleurs pour cette même raison que nous nous saisissons aussi des projets de loi relatifs à l’immigration.

Les crédits de la DGEF financent la gestion des flux migratoires, l’accueil des demandeurs d’asile et le traitement de leurs demandes, ainsi que l’intégration des étrangers séjournant légalement sur notre sol et, le cas échéant, leur accès à la nationalité française. Cette mission budgétaire se compose de deux programmes : les programmes 303, Immigration et asile, et 104, Intégration et accès à la nationalité française. Le premier représente 80 % des crédits de la mission, le second, 18 %.

Dans le cadre de l’effort général de redressement de nos finances publiques, la mission Immigration, asile et intégration est mise à contribution, puisque ses crédits diminuent de 5 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) de 2024, pour être ramenés à 2 milliards d’euros. Les autorisations d’engagement (AE) enregistrent une baisse un peu moindre, de l’ordre de 2 %, pour s’établir à 1,7 milliard. En revanche, le plafond d’emplois de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) augmente de 29 équivalents temps plein travaillés (ETPT).

Si les crédits consacrés à la lutte contre l’immigration irrégulière baissent nettement, rappelons qu’ils avaient considérablement augmenté dans la loi de finances de 2024, les autorisations d’engagement et les crédits de paiement ayant crû respectivement de 46 % et de 54 % par rapport à 2023. Ces sommes ont permis de financer la poursuite du plan d’ouverture de places en centres de rétention administrative (CRA), qui se prolongera en 2025 et qui vise à porter à 3 000 le nombre de places en CRA d’ici à 2027. Les travaux de sécurisation des CRA se poursuivront également, pour tenir compte du fait que la rétention administrative est désormais destinée prioritairement aux étrangers en situation irrégulière qui causent des troubles à l’ordre public – pour les autres, c’est l’assignation à résidence qui est privilégiée en première intention. L’accent a été mis sur la fermeté à l’égard des étrangers délinquants. Compte tenu du profil de la majorité des retenus, un renforcement des normes de sécurité a été jugé nécessaire.

La baisse des crédits alloués à la lutte contre l’immigration irrégulière, même si elle peut s’expliquer par leur très forte augmentation dans la précédente loi de finances, constitue en tout cas un point de vigilance pour les prochains exercices budgétaires.

Les autorisations d’engagement au titre de l’action 02 du programme 303, Garantie de l’exercice du droit d’asile, enregistrent quant à elles une hausse de plus de 12 %, destinée à financer la création de places d’hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile (HUDA) en Île-de-France. La dotation au titre de l’allocation pour demandeur d’asile (ADA) diminue en revanche de 16 %, en lien avec les recrutements en cours à l’OFPRA, les efforts de réduction de la durée de traitement des demandes d’asile et les prévisions d’évolution du nombre de demandeurs.

J’en viens à la partie thématique de mon rapport pour avis : la politique diplomatique de la France en matière de laissez-passer consulaires pour faire face à l’enjeu de l’éloignement des ressortissants étrangers en situation irrégulière. L’actualité a malheureusement remis au premier plan, de manière tragique, le problème de l’inexécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF). L’immigration irrégulière est nourrie non seulement par les franchissements irréguliers des frontières de l’Union européenne mais aussi par le maintien sur notre territoire de personnes dont le titre de séjour ou le visa a expiré ou qui ont été déboutées définitivement de leur demande d’asile. Le 2 novembre 2022, devant la commission des lois du Sénat, le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin estimait que le nombre d’étrangers séjournant irrégulièrement en France était compris entre 600 000 et 900 000.

Face à ce constat, la puissance publique se heurte aux plus grandes difficultés pour éloigner les personnes dépourvues de titre de séjour. En 2023, le pourcentage d’étrangers ayant quitté la France après la délivrance d’une OQTF s’est élevé à seulement 7,7 %. Une partie des décisions d’éloignement est annulée par l’autorité judiciaire, en particulier par les juges des libertés et de la détention (JLD). Dans d’autres cas, les éloignements sont physiquement impossibles : par exemple vers la Russie, la Biélorussie, l’Ukraine, la Libye, la Syrie, l’Afghanistan, le Yémen ou la Palestine. Parfois, enfin, la personne concernée refuse d’embarquer, ce qui constitue une infraction et entraîne des poursuites judiciaires.

La principale explication réside néanmoins dans le faible taux de délivrance des LPC. Si des raisons techniques peuvent être invoquées – dossiers des préfectures incomplets, saisine d’un consulat géographiquement incompétent –, le facteur essentiel tient à l’incapacité de déterminer la nationalité de la personne à expulser, qui est généralement dépourvue de tout document d’identité ou de voyage. Cette difficulté à établir la nationalité est parfois réelle, par exemple pour les personnes originaires de certaines régions frontalières. Dans d’autres cas, elle résulte de la mauvaise volonté des autorités consulaires : par exemple, en Algérie, la compétence en matière migratoire est détenue non par le ministère de l’intérieur mais par le ministère des affaires étrangères, qui n’hésite pas à jouer de la délivrance des LPC en fonction des aléas de notre relation bilatérale. En réponse, l’utilisation des visas comme levier vis-à-vis des pays peu coopératifs n’a pas apporté de résultats très satisfaisants avec les États du Maghreb. Elle a suscité beaucoup de ressentiment, surtout dans les classes moyennes – souvent francophones et francophiles –, ainsi qu’une grande incompréhension, sans améliorer la reprise par les États concernés de leurs ressortissants en situation irrégulière. C’est pourquoi il a été mis fin à cette politique de quotas au second semestre 2022.

Les mesures unilatérales de durcissement prises sans coordination avec les autorités des États de départ apparaissent ainsi peu efficaces. Elles sont même de nature à entraîner des mesures de rétorsion, comme la non-délivrance pure et simple de LPC. C’est plutôt la voie d’un dialogue politique franc et sans concession qui paraît susceptible d’améliorer la situation. Les autorités algériennes, tunisiennes et marocaines, en particulier, sont bien conscientes de nos objectifs et ne les remettent pas en cause. Elles n’expriment pas d’opposition de principe à la reprise de leurs ressortissants visés par une OQTF. Ces États sont d’ailleurs devenus eux-mêmes des pays d’immigration et commencent à être confrontés à des difficultés similaires aux nôtres.

Nous devons mettre clairement les choses sur la table et établir un dialogue politique structuré et global. Tout en nous montrant à l’écoute des demandes légitimes de nos partenaires, nous devons exiger clairement que soient délivrés davantage de LPC, y compris en exerçant une pression sur les consulats réticents. Sans conditionner mécaniquement le versement de notre aide publique au développement (APD) à des résultats en la matière, nous pourrions signifier à nos partenaires que cette aide pourrait évoluer en fonction de la qualité de notre coopération, y compris dans le domaine migratoire. Cette coopération doit aussi mettre l’accent sur le renforcement de l’état civil des pays concernés, qui doit inclure la prise d’empreintes biométriques pour faciliter l’identification de leurs ressortissants présents sur notre sol. Cette approche bilatérale et très politique est d’ailleurs privilégiée par l’Espagne avec le Maroc et par l’Italie avec la Tunisie. Elle donne des résultats encourageants.

Je vous invite à donner un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Immigration, asile et intégration. Ils ne doivent pas être appréciés isolément mais en tenant compte des budgets précédents, des priorités déjà traitées par le passé et des objectifs que nous nous fixons pour l’avenir. Dans un contexte de baisse globale de la dépense publique, ce budget préserve l’essentiel et permet de concilier la recherche d’efficacité de l’action publique et le respect des droits des personnes.

Mme Laetitia Saint-Paul, présidente. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Je ne vous cache pas mon désarroi face à ce budget tronqué et amaigri, inversement proportionnel à l’obsession pour l’immigration partagée par les groupes parlementaires qui soutiennent le Gouvernement, des députés Ensemble pour la République à ceux du Rassemblement national. Dès qu’il s’agit d’améliorer concrètement l’accueil et l’intégration, rien n’est fait. Le peu qui l’était est même détruit.

S’agissant d’abord de l’accueil, la baisse des crédits est générale et touche aussi bien l’administration que la prise en charge des nouveaux arrivants. Traitement déshumanisé des demandes d’asile ou des titres de séjour ; rendez-vous pour le renouvellement systématiquement fixé après l’expiration du titre, conduisant à la précarisation, voire à la rétention, des personnes ; baisse de 71 millions d’euros des crédits alloués au parc d’hébergement des demandeurs d’asile et des réfugiés ; suppression de 6 429 places d’HUDA ; nouvelle baisse du montant consacré à l’ADA alors qu’une hausse de 5 % des demandes est attendue : cette politique violente conduira mécaniquement à augmenter le nombre de personnes à la rue et, conjuguée à la crise du logement qui nous frappe de plein fouet, se traduira tout simplement par un retour des bidonvilles dans notre pays.

La situation n’est guère meilleure pour ce qui concerne l’intégration. Le Gouvernement et ses soutiens, qui – de façon aussi mensongère que stigmatisante – ne cessent de jeter la suspicion sur l’attachement aux principes républicains de ceux qui arrivent en France, détruisent dans le même temps les fondements mêmes de notre politique en la matière. Dois-je rappeler que l’intégration n’est pas qu’un slogan ?

Alors qu’on devrait permettre aux personnes qui bénéficient du regroupement familial d’accéder à des cours de français avant même de quitter leur pays d’origine, comme c’était le cas auparavant, les coupes infligées au programme 104 sont telles que je ne vois pas comment les cours prévus à leur arrivée – dont le volume avait triplé à la suite du rapport que j’avais remis au Gouvernement en 2018 – pourront être assurés.

Et que dire des actions destinées à accompagner les demandeurs vers le logement ou l’emploi, qui seront tout bonnement supprimées ? Alors que les personnes qui tentent d’obtenir l’asile en France n’ont toujours pas le droit de travailler ni de suivre des cours de français pendant l’examen de leur demande, elles sont désormais totalement livrées à elles-mêmes, même après avoir obtenu le statut de réfugié, à tel point que certaines retournent dormir dans les campements où elles sont arrivées. Tout est fait pour compliquer le parcours d’intégration, et on s’étonne ensuite que les Français doutent ou se posent des questions.

Votre politique plaira sans doute aux éditorialistes des chaînes d’information en continu mais ne réglera aucune des difficultés que vous prétendez traiter. Elle est, en revanche, le plus beau cadeau que vous puissiez faire au Rassemblement national. Notre groupe votera contre ces crédits.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Je ne peux pas être d’accord avec vous.

D’abord, tous les crédits ne baissent pas. Les effectifs de l’OFPRA, par exemple, seront renforcés à hauteur de 29 ETPT, en vue d’accélérer encore le traitement des demandes d’asile. Les moyens consacrés à l’hébergement ont aussi beaucoup augmenté depuis 2020. Le nombre de places dans les CRA sera, quant à lui, porté d’environ 2 000 aujourd’hui à 3 000 d’ici à 2027.

Ensuite, un gros travail – qui a vocation à être encore renforcé – est mené avec nos pays partenaires, notamment ceux du Maghreb, qui connaissent eux-mêmes des phénomènes d’immigration et sont prêts à reprendre leurs ressortissants, à condition que ces démarches soient correctement préparées.

Enfin, contrairement à ce que vous prétendez, les moyens conséquents dont dispose l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) pour mener des actions dans le domaine de l’insertion, de l’apprentissage des langues ou encore du logement ne sont nullement supprimés. J’estime que la politique migratoire doit marcher sur ses deux jambes : la maîtrise des flux et l’intégration.

M. Julien Gokel (SOC). Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les autorisations d’engagement consacrées aux volets immigration et asile de la mission budgétaire augmentent de 2,04 %, quand celles allouées à l’intégration baissent de 14,37 %. Les dispositions de la loi immigration du 26 janvier 2024 et les budgets alloués pour 2025 le montrent clairement : le Gouvernement demande de faire plus avec moins. Ainsi, on exige du demandeur d’asile une meilleure maîtrise de la langue sans y consacrer les moyens de formation nécessaires et on entend réduire les délais d’instruction sans augmenter les effectifs de l’administration.

Nous sommes également frappés par la dé-corrélation entre les enjeux internationaux et la mission budgétaire, entièrement rattachée au seul ministère de l’intérieur, alors que les questions relatives au droit d’asile, à la délivrance de visas ou au retour des personnes sous OQTF dans leur pays d’origine, relèvent de la diplomatie et du ministère chargé des affaires étrangères.

Le bleu budgétaire mentionne, par exemple, « le financement par le Royaume-Uni des moyens français de lutte contre l’immigration clandestine à la frontière à hauteur de 540 millions d’euros sur une période triennale 2023-2026 », en vertu de l’accord conclu le 10 mars 2023. Cette somme vous semble-t-elle à la hauteur des enjeux qui se jouent sur le littoral de la Côte d’Opale ?

Ce pacte financier résulte en réalité des accords du Touquet, vieux de vingt ans, qui ont fait de la France la gardienne des frontières britanniques sans que le Royaume-Uni assume ses responsabilités. Il est temps de les renégocier, dans leur dimension tant financière que logistique, pour mieux définir les responsabilités réciproques. Les élus locaux et les associations font de leur mieux avec des moyens limités mais la situation, de plus en plus dramatique, n’est acceptable ni pour les réfugiés, qui vivent dans des conditions inhumaines, ni pour les habitants, qui sont également touchés par cette crise. Des événements se sont encore déroulés ces derniers jours.

Un effort budgétaire supplémentaire semble donc nécessaire pour lutter contre les réseaux de passeurs, accueillir dignement les réfugiés et augmenter les places dans les centres d’hébergement.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. J’ai, moi aussi, soulevé la question des moyens dans mon rapport pour avis, tout en soulignant la nette augmentation des budgets enregistrée les années précédentes. Le ministre de l’intérieur a par ailleurs déjà annoncé de nouvelles hausses pour les prochains exercices. Pour ce qui est de 2025, vous n’êtes pas sans savoir qu’il a été demandé à chacun de faire des économies.

Dans le domaine de l’intégration, un énorme travail est réalisé, notamment dans le cadre du programme d’accompagnement global et individualisé des réfugiés (AGIR) conduit par l’OFII, pour favoriser l’intégration dans le domaine des langues, du travail ou encore du logement, même si on peut toujours faire plus, j’en conviens.

Le pacte financier qui nous lie au Royaume-Uni, et qui résulte des accords du Touquet signés par Jacques Chirac, doit être maintenu. La coopération entre États est indispensable pour avancer en matière d’immigration.

Je partage pleinement votre souci de lutter contre les réseaux de passeurs. Nos services s’y emploient avec un certain succès mais il est vrai que ces dernières semaines ont vu se succéder les tragédies impliquant des small boats. Ces embarcations sont d’autant plus dangereuses qu’elles sont de plus en plus surchargées : jusqu’à soixante-dix personnes contre trente à quarante il y a encore quelques mois.

M. Michel Herbillon (DR). Malgré un contexte budgétaire difficile, le montant global des crédits alloués au ministère de l’intérieur – un peu plus de 24 milliards d’euros – augmente légèrement par rapport à la LFI de 2024, conformément à la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI) que le groupe Les Républicains avait votée.

Les crédits proposés pour la mission Immigration, asile et intégration ne sont que provisoires, en raison des difficultés liées à la construction du budget, qui se déroule dans un contexte singulier. Le ministre de l’intérieur Bruno Retailleau a ainsi indiqué en commission des lois, le 22 octobre dernier, qu’un amendement du Gouvernement viendrait prochainement relever le budget de la mission et celui de la lutte contre l’immigration irrégulière. Notre groupe soutenant le rehaussement à venir des crédits, nous nous abstiendrons sur ce budget dans l’attente de la présentation de cet amendement.

Madame la rapporteure pour avis, nous ne partageons pas vos conclusions quant à la politique diplomatique de la France en matière de délivrance des LPC : elles reviennent à courber l’échine face à ceux qui défient nos lois. Pourquoi refusez-vous, par principe, d’augmenter la durée de rétention en CRA, notamment pour les profils les plus dangereux, afin d’éviter des drames ? L’Allemagne et l’Italie l’ont fait !

Vous estimez que la politique des visas n’a pas eu les effets escomptés. Je rappelle que nous accordons chaque année plus de 200 000 visas aux ressortissants algériens, quand l’Algérie nous octroie moins de 2 000 laissez-passer consulaires. Cela n’est pas tolérable. Nous demandons simplement l’application du principe de réciprocité, ce que vous ne faites pas de façon explicite.

Enfin, vous ne souhaitez pas que le versement de l’APD soit conditionné à la délivrance de laissez-passer consulaires, au motif qu’elle ne serait plus comptabilisée comme une aide par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Nous le réaffirmons avec force : notre APD ne doit pas financer des pays qui nous sont hostiles ou qui ne coopèrent pas convenablement avec nous. Vous appelez à un dialogue politique franc avec les pays concernés ; nous demandons, nous, des actes forts. Les Français exigent des résultats. Ils ont raison ; prenons les mesures qui s’imposent.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Le ministre de l’intérieur a en effet annoncé en commission des lois, le 22 octobre, qu’un amendement du Gouvernement serait consacré au relèvement du budget de l’immigration et de la lutte contre l’immigration irrégulière. Je soutiens évidemment cet amendement, car – je l’indique noir sur blanc dans mon rapport – il est indispensable de maintenir le budget de l’an dernier en matière de lutte contre l’immigration.

Les pays de retour connaissent le délai de rétention dans les CRA et se servent de cette information, soit en délivrant le LPC dès le début, soit en attendant la toute fin pour le faire. Prolonger ce délai serait donc non seulement très coûteux mais inefficace.

L’aide publique au développement doit être utilisée, non dans le cadre d’une conditionnalité automatique mais comme outil de pression diplomatique. Il est important de garantir l’existence d’opportunités économiques dans le pays pour limiter les départs.

Je suis pour ma part pour un dialogue franc – et même rude – avec les États partenaires. C’est ainsi que l’on avancera au sujet des LPC.

M. Jean-Louis Roumégas (EcoS). Votre rapport met l’accent sur l’inexécution des OQTF et sur la baisse éventuelle du budget alloué à la lutte contre l’immigration irrégulière. Nos visions divergent profondément.

Alors que de tragiques faits divers ont été instrumentalisés ces derniers mois pour justifier une politique migratoire toujours plus répressive, nous tenons à rappeler une évidence : un migrant, même en situation irrégulière, même frappé par une OQTF, n’est ni un délinquant ni un criminel. Des lycéens qui passent leur bac, des livreurs qui vous apportent vos repas, des étudiants qui attendent un titre de séjour peuvent être sous le coup d’une OQTF.

Une politique migratoire, c’est aussi et surtout une politique d’accueil et d’intégration. Or le PLF pour 2025 marque un recul sur ces aspects. L’allocation pour demandeur d’asile baisse de 16 %. Les associations de terrain craignent que, contrairement à ce que vous dites, le nombre de places d’hébergement ne diminue très fortement, alors que 65 % des demandeurs d’asile sont déjà sans solution. C’est contraire à la directive « accueil » ; la France dérogerait à ses obligations. Votre rapport ne nous rassure absolument pas à ce sujet.

Enfin, le programme 104, Intégration et accès à la nationalité, ne représente que 18 % des crédits de la mission. La dotation de l’action 12, Intégration des étrangers primo-arrivants, fond de 40 %. Ce budget signe ainsi l’effondrement de nos ambitions en matière d’accueil et d’intégration. Mettons en perspective les données, loin des fantasmes de l’extrême droite : la France n’est qu’au seizième rang européen pour l’accueil des demandeurs d’asile.

Combien de places d’hébergement la France comptera-t-elle en 2025 ? Ce chiffre intégrera-t-il les réfugiés ukrainiens, qui n’y étaient pas inclus en 2023 ni en 2024 ?

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. L’instrumentalisation existe des deux côtés. Il faudrait s’en abstenir. Le sujet est sérieux et difficile ; il touche des êtres humains, ne l’oublions pas. Avec plusieurs pays dont sont issues les personnes immigrées, la France a une histoire. L’Alsacienne que je suis n’oublie pas que l’Alsace a été libérée en 1945 avec l’aide des spahis marocains.

Les migrants ne sont pas des délinquants mais il existe de la délinquance dans la population immigrée, comme dans la population française. C’est pourquoi nous concentrons les placements en CRA sur les auteurs de troubles à l’ordre public. Je recommande d’ailleurs de renforcer cette politique de ciblage, parallèlement à l’augmentation du nombre de places.

Je le répète, et c’était l’objet de la loi de janvier 2024, nous devons aider les personnes étrangères qui veulent travailler et s’intégrer à le faire mais nous devons parvenir à éloigner les délinquants.

Mme Anne Bergantz (Dem). Notre politique migratoire tient sur un équilibre délicat mais nécessaire, entre adaptation de l’immigration régulière aux réalités économiques et sociales, attractivité, contrôle des flux migratoires, lutte contre l’immigration illégale et accueil des demandeurs d’asile. Avec un peu plus de 2 milliards d’euros engagés, la mission Immigration, asile et intégration répond à ces exigences.

Les lois votées ces dernières années concourent à atteindre les objectifs de cette mission : la LOPMI, la loi de 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, mais aussi le pacte européen sur la migration et l’asile, qui entrera en vigueur en 2026.

Pour accueillir mieux, il faut d’abord des moyens renforcés, afin de continuer de réduire le délai de traitement des demandes. C’est ce que permet la création de 29 ETP à l’OFPRA, dans la continuité des 200 ETP dont il a bénéficié depuis 2020, mais aussi la réforme de l’asile engagée cette année et la création des pôles territoriaux France asile. L’amélioration du processus de traitement des demandes et du pilotage de l’hébergement nous permettra d’accueillir plus efficacement ceux qui, menacés dans leur pays d’origine, doivent jouir de notre protection. L’objectif de six mois de délai global pour l’instruction des demandes d’asile est très ambitieux. Cette durée a déjà été considérablement réduite depuis 2022 ; nous devons maintenir cette tendance.

La volonté d’accompagner les étrangers apparaît également dans les moyens destinés à l’apprentissage de la langue française, indispensable pour s’insérer dans notre société, en particulier professionnellement. Nous avons clairement une marge de progression en la matière. Nous devons faire preuve de plus d’exigence concernant ces compétences.

Enfin, dans la continuité des exercices budgétaires précédents, la lutte contre l’immigration irrégulière doit se poursuivre, par l’augmentation du nombre de places en CRA et la mise en œuvre des OQTF. Nous devons mieux maîtriser les flux migratoires, sans démagogie ni caricature, et lutter contre l’immigration illégale et les réseaux de passeurs.

Attaché à cet esprit d’équilibre entre accueil et régulation des flux migratoires, mon groupe votera les crédits de cette mission.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Je suis entièrement d’accord avec vous au sujet de l’intégration, notamment par l’apprentissage de la langue. Des populations entières présentes sur le sol national depuis longtemps n’ont pas été intégrées à notre République. Le travail et la langue sont le cœur de l’intégration. Je connais une famille sous OQTF, dont l’enfant connaît parfaitement les paroles de La Marseillaise : ça, selon moi, c’est de l’intégration ! Mais comment intégrer si nous coupons les moyens dédiés à l’intégration par la langue et par l’insertion professionnelle ? Notre politique d’immigration doit se tenir sur ses deux jambes : maîtriser les flux et faire repartir ceux qui ne doivent pas rester ; mieux intégrer ceux qui arrivent et ont vocation à demeurer en France.

Dans mon territoire, pour les vendanges, dans les hôpitaux ou les restaurants, nous avons besoin d’immigrés, pour peu qu’ils veuillent s’intégrer, apprendre notre langue, travailler et qu’ils partagent nos valeurs. Si j’ai soutenu la loi « immigration » l’année dernière, c’est parce qu’elle permet d’intégrer par le travail mais aussi parce qu’elle incluait des mesures nouvelles de contrôle des entrées, de simplification des normes, de diminution du nombre de recours. La France est une terre d’accueil ; simplement, il ne faut pas accueillir n’importe comment, sans contrôle et sans véritablement intégrer les arrivants.

M. Bertrand Bouyx (HOR). Dans leur appréciation de la question migratoire, la France et l’Europe doivent toujours faire preuve de fermeté et d’humanité : fermeté envers l’immigration illégale ; humanité envers les demandeurs d’asile. Ce sont ces principes qui ont guidé le pacte européen sur la migration et l’asile comme la loi du 26 janvier 2024. Celle-ci était nécessaire : elle a doté la France d’instruments renouvelés pour renforcer les exigences d’intégration, assurer le respect par tous des principes de la République et mettre fin au séjour de ceux dont le comportement constitue une menace pour l’ordre et la sécurité publics – malheureusement, l’actualité nous rappelle parfois à cette triste réalité.

Le groupe Horizons salue l’augmentation des moyens consacrés à l’accélération du traitement des demandes d’asile et à l’accueil des étrangers primo-arrivants. Nous regrettons la baisse des crédits de paiement alloués à la lutte contre l’immigration irrégulière. Nous n’en voterons pas moins en faveur de ce budget.

Au sujet des LPC, vous évoquez l’exemple de l’Algérie et la très grande latitude laissée aux consulats algériens en France s’agissant de leur délivrance. Quelles solutions diplomatiques peut-on envisager ?

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Je suis d’accord avec beaucoup de ce que vous avez dit.

Sur le dernier point, nous rencontrons différents problèmes s’agissant des LPC algériens. Certains sont techniques : soit nos autorités transmettent des données considérées par les autorités algériennes comme inexploitables ou incomplètes ; soit le fait que le découpage administratif des autorités consulaires algériennes ne corresponde pas à notre propre organisation déconcentrée conduit à adresser les demandes aux mauvais interlocuteurs. D’autres problèmes sont diplomatiques : les autorités algériennes font preuve d’une forme de mauvaise volonté lorsqu’il s’agit d’accéder à nos demandes, ce qui se traduit de plusieurs manières.

Il a été démontré que jouer le rapport de force avec l’Algérie ne fonctionne pas. En 2021, la France a mené une politique de restriction des visas vis-à-vis de l’Algérie en rétorsion à la mauvaise volonté que met ce pays à reprendre ses ressortissants clandestins. La rétorsion algérienne s’est faite plus virulente s’agissant des LPC : elle a pris de l’ampleur vis-à-vis des autorités consulaires et, sur le plan de la coopération dans la lutte contre le terrorisme, elle a fait peser une menace sur nous. La coopération économique – donc les opportunités pour nos entreprises en Algérie – a été également menacée. Bref, c’est la France qui a perdu au change.

Nous avons besoin d’un dialogue structuré, permanent, de nature politique, qui évite les aléas diplomatiques en fixant des règles claires, non susceptibles de varier en fonction des humeurs des uns et des autres.

M. Davy Rimane (GDR). La mission budgétaire que nous étudions est représentative de la politique d’austérité et répressive que le nouveau gouvernement a l’intention de mener. Les crédits diminuent partout, certes, mais principalement au sein du programme Intégration et accès à la nationalité française, dont les crédits de paiement baissent de plus de 15 %. Ce sont moins de dépenses pour l’accueil, pour l’intégration, pour la formation linguistique.

On entend à longueur de journée les groupes de droite et d’extrême droite dire que les personnes immigrées ne cherchent pas suffisamment à s’intégrer, ne font pas assez d’efforts pour apprendre la langue française, entre autres inepties ; et quand ces mêmes forces arrivent au pouvoir, leurs premières victimes sont justement les politiques qui favorisent le vivre-ensemble dans une société devenue – désolée de vous le dire – pluriculturelle.

La baisse drastique, de plus de 45 %, des moyens dédiés à l’action 12, Intégration des étrangers primo-arrivants, du programme 104, Intégration et accès à la nationalité française, est révélatrice. Nous déplorons particulièrement la baisse de 71,2 millions concernant le parc d’hébergement des demandeurs d’asile et des réfugiés. C’est d’autant plus inquiétant que ces crédits couvrent les places en centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) et en HUDA et que les besoins en la matière sont criants.

Je parle en connaissance de cause. Les outre-mer sont dépourvus de tout CADA alors que les besoins pour accueillir dignement les migrants sont immenses, notamment en Guyane. À Cayenne, des personnes dorment dans la rue par centaines, ce qui alimente les bidonvilles, la précarité, l’économie informelle et divers trafics, souvent nécessaires pour subvenir aux besoins des familles ou tout simplement pour survivre.

Nous réaffirmons notre volonté de mettre en œuvre une politique ambitieuse et généreuse à l’égard des personnes migrantes, fondée sur le respect des droits et libertés fondamentaux, à l’opposé de ce qui est présenté dans ce budget. Celui-ci semble préparer le futur projet de loi sur l’immigration annoncé pour début 2025, le trente-troisième texte sur le sujet depuis quarante-quatre ans, qui sera certainement aussi efficace que les trente-deux précédents…

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Je crois, moi aussi, beaucoup au programme Intégration et accès à la nationalité française. De manière générale, énormément de crédits et d’actions ont été mis en œuvre depuis 2017, notamment en ce qui concerne les places d’hébergement.

Je m’étonne que certains collègues du NFP parlent d’austérité à propos des crédits alloués à l’immigration alors même qu’ils ne proposent rien à ce sujet, sinon la régularisation de l’ensemble des immigrés irréguliers, défendue par Mme Castets.

Dans certains territoires d’outre-mer, la situation est effectivement catastrophique. Il faut une politique de grande fermeté mais aussi d’humanité – l’un ne va pas sans l’autre – pour ne pas laisser la situation dépérir.

Mme Alexandra Masson (RN). Depuis près de cinquante ans, les Français subissent une immigration hors de contrôle faute de volonté politique de la maîtriser. L’immigration illégale et clandestine a doublé depuis 2015. Loin d’être combattue, elle a souvent été encouragée par différentes politiques nationales.

Il est donc important de limiter l’arrivée sur notre sol de nouveaux étrangers que nous ne pouvons plus accueillir dignement. Le budget alloué à l’accueil et à l’intégration des étrangers primo-arrivants doit être réduit d’au moins 10 %, ce qui représenterait une économie de 37 millions pour l’État.

La situation critique de nos finances publiques requiert des économies généralisées auxquelles tous doivent participer, y compris les demandeurs d’asile. Nous appelons donc à minorer de 5 % le budget destiné à l’allocation pour demandeur d’asile et de 10 % les crédits d’hébergement, pour une économie budgétaire totale de 80 millions au profit de l’État.

Alors que la France subit une importante pression migratoire et que le taux d’exécution des OQTF est catastrophiquement bas – moins de 9 % –, le budget de la lutte contre l’immigration irrégulière ne représente que 12,7 % des ressources de la mission. Pire encore, en autorisations d’engagement, ses crédits diminuent de 126,5 millions, soit 42 %, dont 86 % de baisse pour les seules dépenses d’investissement. Un choix totalement assumé par le ministre de l’intérieur, face caméra, dans les locaux de la police aux frontières (PAF) de Menton, le 18 octobre. C’est tout simplement inacceptable.

Nous appelons à opérer un virage à 180 degrés, à augmenter de 200 millions les crédits alloués à la lutte contre l’immigration irrégulière et à diminuer d’autant les lignes budgétaires destinées à l’accueil et à l’intégration des migrants.

Les centres de rétention administrative jouent un rôle essentiel dans la lutte contre les étrangers dans l’attente de leur renvoi forcé en les maintenant dans un lieu fermé. Leurs moyens doivent être renforcés à hauteur de 100 millions, de même que le budget destiné à l’exécution des OQTF.

Dans les prochaines années, de plus en plus de personnes seront poussées à vouloir quitter leur pays et ces flux migratoires continueront d’avoir des conséquences dramatiques en France s’ils ne sont pas anticipés et maîtrisés.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Je ne sais pas à quelle politique qui aurait encouragé l’immigration vous faites référence. S’il s’agit d’accueillir en France des étudiants étrangers qui sont une richesse pour nos universités, j’assume. Pour le reste, une politique de fermeté est poursuivie, et ce depuis 2017, pour mieux contrôler les entrées.

Vos amendements tendent à la suppression quasi totale des budgets liés à l’intégration mais nous avons besoin de ces crédits car il existe des étrangers qu’il faut intégrer. Il faut aussi mettre l’accent sur l’aide au développement et coopérer étroitement avec les pays d’origine pour que leurs ressortissants y restent et y trouvent les ressources pour s’installer et travailler. Ce que vous nous proposez là, ce sont des solutions simplistes.

Mme Liliana Tanguy (EPR). Ces dernières années, la politique gouvernementale a été marquée par la volonté de mieux contrôler l’immigration irrégulière et de mieux intégrer les primo-arrivants par la langue et le travail, tout en favorisant une immigration qualifiée et orientée vers des métiers en tension. C’est l’esprit de la loi immigration adoptée en janvier dernier.

Lors de son discours de politique générale, le premier ministre a rappelé que l’immigration restait l’une des priorités majeures de son gouvernement et proposé des mesures visant à mieux contrôler l’arrivée des migrants en situation irrégulière.

Dans le PLF pour 2025, l’effort budgétaire demandé à la mission s’est concrétisé par une baisse de 5,04 % en crédits de paiement. Si le groupe EPR comprend que le redressement de nos comptes publics est nécessaire, il souhaite cependant appeler l’attention du Gouvernement sur l’impact d’une diminution trop marquée des crédits de la mission, en particulier ceux de l’action 03, Lutte contre l’immigration irrégulière, du programme 303, Immigration et asile, et de l’action 12, Intégration des étrangers primo-arrivants, du programme 104. Alors que les arrivées irrégulières tendent à augmenter de nouveau au sein de l’Union européenne, la baisse du budget de l’action 03, destiné à financer les places en CRA et les locaux de rétention administrative, risque de porter atteinte à l’efficacité des mesures que le Gouvernement défend.

Quant à l’inexécution des OQTF, ses causes sont multiples. Le recours à la politique des visas a montré ses limites – vous l’avez rappelé – et n’a pas permis d’améliorer le taux de délivrance des laissez-passer consulaires. Nous partageons votre avis sur ce point. Il nous faut mettre l’accent sur la définition de formats de discussion sur ces questions avec les États concernés, notamment les pays du Maghreb.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Certes, le budget de la mission régresse quelque peu. Je rappelle cependant l’annonce d’un amendement gouvernemental destiné au relèvement du montant de la mission, et notamment des moyens consacrés à la lutte contre l’immigration irrégulière. Nous nous en réjouissons tous. Le nombre de places en CRA va également être augmenté pour atteindre 3 000 en 2027. Je souligne dans mon avis que les crédits de la lutte contre l’immigration irrégulière ne doivent pas baisser.

En ce qui concerne les laissez-passer consulaires, nous serons plus puissants en agissant à l’échelon européen. Je songe aussi, en l’espèce, au pacte européen sur la migration et l’asile.

Mme Stella Dupont (NI). Je déplore les coupes budgétaires massives que subissent l’hébergement – comment pourra-t-on éviter qu’un nombre encore plus grand de femmes, d’enfants, d’hommes se retrouvent à la rue ? – et l’intégration. La baisse des moyens alloués à l’intégration des étrangers primo-arrivants atteint 45 % ; je n’en comprends pas du tout la logique. Vous venez de rappeler votre attachement à l’intégration ; dès lors, comment approuver les crédits de la mission ?

Le volet intégration, qui recouvre l’accès à l’emploi et à l’apprentissage de la langue française ainsi que des valeurs de la République, représente déjà une part minoritaire du budget alloué à la mission. Cette coupe aurait pour conséquence une précarisation encore plus forte des primo-arrivants.

Sur le plan économique, nous sommes fréquemment sollicités par des entreprises qui ont du mal à recruter, notamment dans le bâtiment, la restauration ou l’aide à domicile. Renoncer à l’intégration par le travail des réfugiés et personnes protégées est un non-sens. Quel avenir pour le programme AGIR, qui couvre le logement, la santé, l’emploi et dont la généralisation partout en France est justement prévue pour 2025 ? Les membres du collectif social-démocrate partagent mon incompréhension. Ce programme concerne des personnes autorisées à demeurer en France. L’intérêt général est de leur permettre le plus vite possible de maîtriser le français, de se former, de se loger, de travailler. Ne pourrait-on auditionner à ce propos Didier Leschi, directeur de l’OFII ?

Le projet annuel de performance (PAP) de la mission mentionne le plan national de mise en œuvre du pacte européen sur la migration et l’asile. Le cadre européen prévoit une adoption par les États avant fin 2024. Quel est le calendrier prévu ?

Merci de vous être penchée sur l’inexécution des OQTF mais arrêtons d’en délivrer à tour de bras, y compris à des gens qui travaillent et qui ont oublié un papier dans leur demande de titre. C’est inacceptable !

M. Michel Herbillon (DR). Arrêtez votre angélisme sur cette question !

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. J’ai, bien sûr, auditionné le directeur de l’OFII pour préparer mon rapport. Je salue d’ailleurs l’excellent travail réalisé par l’Office.

Je ne parlerais pas de « coupes massives » dans les crédits de l’intégration. Il y a une baisse, certes, mais chacun doit faire un effort budgétaire. Il faut définir des priorités au sein de la mission et la première est, à mes yeux, de renforcer les moyens de la lutte contre l’immigration irrégulière, sans renoncer à l’intégration, particulièrement par le travail.

Je répète que les crédits dont nous parlons ont fortement augmenté depuis 2017 et que le ministre de l’intérieur envisage de les relever par amendement. Dans mon rapport, je demande que leur montant soit plus élevé à l’avenir.

Le programme AGIR est un très bon outil, très utile. Oui, les personnes que nous avons accueillies doivent l’être de manière décente. Ce sont des êtres humains avant tout.

Mme Laetitia Saint-Paul, présidente. Nous en venons à présent aux interventions et questions posées à titre individuel.

M. Guillaume Bigot (RN). Votre rapport est une sorte d’aveu d’impuissance. Vous nous expliquez que toutes les solutions explorées ont échoué. S’agissant de l’aide publique au développement, le bras de fer n’a jamais été engagé ; la politique en matière de restrictions de visas n’a été expérimentée que quelques mois en plein Covid. Maintenez-vous que ces solutions ont été mises en œuvre avec constance et détermination ?

Par ailleurs, votre rapport comporte un angle mort : le rôle délétère joué par l’Union européenne. L’accord et la convention de Schengen n’ont pas été revus et les jurisprudences subjectives et innombrables sont systématiquement favorables aux migrants. Comment remporter un bras de fer sans plus de bras pour contrôler ses frontières ?

Enfin, je n’ai pas compris quel est le lien entre la participation, certes glorieuse, des troupes de l’Empire à la libération du territoire métropolitain et la question des visas et des OQTF ?

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Je ne considère pas avoir à répondre à la dernière question.

En 2021, la France a tenté d’engager un bras de fer lorsqu’elle a fait, seule, le choix de restreindre les visas délivrés aux ressortissants d’Algérie et du Maroc car ces pays ne délivraient pas suffisamment de LPC. Ces derniers se sont alors tournés vers d’autres pays européens qui ont fourni des visas Schengen, permettant aux ressortissants algériens et marocains de venir sur notre territoire.

Il a été démontré qu’établir un rapport de force avec l’Algérie ne fonctionnait pas. En 2021, la France a mené une politique de restriction des visas à l’égard de l’Algérie en représailles à la mauvaise volonté dont elle faisait preuve pour reprendre ses ressortissants clandestins. Au bout du compte, c’est la France qui a perdu au change.

M. Stéphane Rambaud (RN). L’échec de la politique en matière d’OQTF est une réalité accablante pour les macronistes. En 2023, 137 730 OQTF ont été prononcées mais seules 7,7 % d’entre elles ont été exécutées. Plus de 27 000 ont été prononcées en raison d’une menace à l’ordre public et 7 200 sur le fondement d’une condamnation pénale. Cela signifie que près de 40 000 individus étrangers, potentiellement dangereux pour nos concitoyens, sont toujours en France alors que leur expulsion a été ordonnée. Appliquerez-vous des mesures fermes, telles que l’arrêt de la délivrance des visas, pour contraindre les pays d’origine à reprendre leurs ressortissants ?

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. J’ajoute à ma précédente réponse que j’ai auditionné Stéphane Romatet, ambassadeur de France en Algérie, qui déconseille de rompre le dialogue.

Je ne comprends pas bien vos calculs, Monsieur Rambaud. Je le répète, il faut expulser les étrangers dangereux. En revanche, nous devons accueillir les étrangers qui souhaitent s’intégrer, apprendre notre langue et travailler car nous avons besoin de salariés dans tous les domaines d’activité. L’intégration massive d’étrangers dans les années 1960 a été, dans l’ensemble, réussie.

Mme Dieynaba Diop (SOC). Je suis assez déconcertée. Vous dites vouloir intégrer par le travail et accueillir dignement les étrangers alors que les crédits de l’action 12, Intégration des étrangers primo-arrivants, diminuent de 45 %. Seule la coupe sèche des crédits, proposition démagogique du Rassemblement national, pourrait être plus radicale que cette baisse massive.

En ma qualité de députée et d’élue locale, de nombreux employeurs m’interpellent car ils souhaitent que leur employé, qui travaille et qui est parfaitement intégré, soit régularisé. Tant dans le secteur des urgences qu’en matière de services à la personne, de nombreuses personnes d’origine étrangère soignent et s’occupent de personnes. Comment comptez-vous faire mieux avec beaucoup moins ?

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Je rappelle qu’il s’agit de la prévision budgétaire du Gouvernement, non de la mienne. Cette baisse de crédits concerne une action et non tout le programme 104. Par ailleurs, les crédits dédiés à l’accueil des étrangers primo-arrivants augmentent de plus de 9 %.

Mme Amélia Lakrafi (EPR). Je suis ravie que vous ayez abordé la question des visas, qui est souvent révélatrice des relations entre la France et d’autres pays – vous avez rappelé l’épisode avec les pays du Maghreb, lié aux OQTF.

La politique en matière de visas n’est pas un outil de négociation efficace, alors qu’elle a un impact énorme sur l’image de la France à l’étranger. Le refus de visa opposé à des ministres, à des sportifs de haut niveau ou à des entrepreneurs africains, ou l’obligation pour des particuliers de passer par des officines aux prix de plusieurs centaines d’euros par crainte de ne pas obtenir de visa, a un effet délétère.

Certains collègues souhaitent exercer une pression sur les pays qui refusent de délivrer des laissez-passer consulaires au moyen des visas mais cette méthode est inefficace. Le problème n’est-il pas plutôt le nombre exagéré d’OQTF délivrées qui ne pourront pas être exécutées ?

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Hier, le président de la République s’est exprimé devant le Parlement marocain. Il a dit que l’espace commun méditerranéen devait être « un espace ordonné, dont chacun des partenaires [acceptait] d’être le garant ». Il a souligné « la nécessité d’une coopération naturelle et fluide en matière consulaire [qui est] une question de confiance réciproque » ; j’en suis convaincue. Dans mon rapport, je préconise d’adopter cette méthode afin de retrouver la confiance et de relancer le dialogue.

Nos politiques en matière migratoire sont regardées de très près en Algérie, au Maroc et en Tunisie, qui sont eux-mêmes devenus des pays d’immigration et commencent à être confrontés aux mêmes difficultés que nous. Il faut engager un dialogue franc qui nous permettra d’améliorer la délivrance de LPC.

M. Michel Guiniot (RN). Les gouvernements qui se sont succédé depuis 2022 ont procédé à un nombre de 3 000 à 4 000 retours aidés par an. Le Gouvernement a pour ambition d’atteindre les 8 000 retours aidés en 2024 puis en 2025 ; nous demandons à voir.

Chaque retour aidé d’un individu qui n’a rien à faire chez nous coûte 2 000 euros au contribuable, entre le billet d’avion et le chèque qui lui est remis. Quant aux éloignements forcés, bien que peu nombreux, ils coûtent presque quatre fois plus cher.

Au mois de janvier 2024, la Cour des comptes a déploré que le ministère de l’intérieur exige un séjour de six mois en France pour bénéficier du retour aidé. On marche sur la tête : le ministère encourage les clandestins à s’installer en France avant de contribuer financièrement à leur retour ! Considérez-vous qu’une telle procédure est normale ? Elle coûte tout de même 8 millions d’euros.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. J’ai auditionné l’OFII, qui est chargé de mettre en œuvre les retours aidés. C’est un bon dispositif : ces retours coûtent quatre fois moins cher que les éloignements forcés et ont des effets plus positifs. Il ne s’agit pas de remettre un chèque aux personnes mais de financer, dans leur pays d’origine, des aides pour trouver un logement, un travail…

Mme Stella Dupont (NI). Je ne suis pas sûre que le collègue du Rassemblement national ait bien saisi l’intérêt de la procédure des retours aidés.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Les personnes qui font l’objet d’un éloignement forcé sont transférées sous escorte depuis le centre de rétention jusqu’à l’aéroport, puis accompagnées d’une escorte durant le vol car elles peuvent créer des difficultés. Les éloignements forcés coûtent donc plus cher, tant en raison du coût de l’escorte que de celui du billet d’avion.

M. Jérôme Buisson (RN). Que de clichés et de naïveté ! Les solutions simples
– simplistes, avez-vous dit – sont bien plus efficaces que votre pensée complexe…

L’État confie la gestion de l’accueil, de l’hébergement et de l’accompagnement des demandeurs d’asile à des associations qui sont très politisées et promeuvent l’immigration en agissant comme de véritables activistes. Nous venons d’apprendre que la France n’était pas de taille à engager un bras de fer avec l’Algérie s’agissant des laissez-passer consulaires. Vous capitulez avant même d’engager la bataille. Oubliez le bras de fer, passez à des mesures plus fortes, notamment en matière de transferts de fonds ! L’Algérie n’a pas moins à perdre que nous sur le plan économique.

Pensez-vous vraiment que la gestion déléguée à ces associations immigrationnistes soit plus efficace pour contrôler l’immigration ?

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Le Rassemblement national revendique des solutions simplistes pour résoudre un problème complexe. En l’espèce, c’est clair ! Comme je n’avais pas d’attente particulière en la matière, je ne suis pas déçue.

Il faut sans doute revoir certains aspects des choses avec les associations. Néanmoins, je tiens à souligner le travail accompli par l’OFII en la matière.

Mme Dominique Voynet (EcoS). Vous maîtrisez à merveille la méthode Coué : vous ne cessez de répéter que la baisse des crédits dédiés à l’intégration est modérée alors qu’elle est massive.

Vous maîtrisez également l’art de l’esquive politique, voire politicienne. Vous n’avez pas répondu à Davy Rimane sur les moyens de la politique d’intégration en Guyane. Or vous devez savoir qu’il n’y a pas de CADA en Guyane et qu’à 3,80 euros, le montant de l’ADA y est bien inférieur qu’en métropole, où il est de 6,80 euros. Comment fait-on pour vivre avec 3,80 euros par jour ? Cette allocation n’a pas été revalorisée depuis plus de dix ans, comme si les demandeurs d’asile ne subissaient pas l’inflation. Ils ont bien de la chance !

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Les crédits du programme 104 dédiés à l’intégration connaissent une baisse de 14,37 % ; ce n’est pas une esquive d’en dire qu’elle est somme toute modérée. Du reste, j’indique que le niveau de ces crédits devra être relevé à l’avenir.

S’agissant de l’ADA, on ne comprendrait pas que cette allocation augmente alors que des efforts sont demandés à tout le monde.

Mme Clémentine Autain (EcoS). Depuis maintenant sept ans, fermeté et humanité sont les mots d’ordre de la Macronie. J’ai vu la fermeté, avec le renforcement des mesures de rétention, de surveillance et de répression ; je n’ai pas encore vu l’humanité. Désormais, vous marchez dans les pas du Rassemblement national : il veut supprimer le budget de l’intégration ; vous le diminuez de 40 %.

Il y a un problème de diagnostic : vous pensez qu’il y a une crise migratoire ; pour nous, c’est une crise de l’accueil. L’urgence nous paraît plutôt de donner des papiers à ceux qui travaillent, qui font vivre les hôpitaux, qui assurent nos services à la personne. Elle est aussi de permettre aux préfets de respecter l’État de droit ; celui de Seine-Saint-Denis m’a confié n’avoir pas les moyens d’accorder des rendez-vous à temps. L’urgence est encore de donner les moyens aux associations de sauver des êtres humains. Lorsqu’une personne est prête à mourir en Méditerranée, aucun mur ne l’empêchera de venir.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Je vous invite à relire la loi de janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration. Elle prévoit des mesures en matière d’intégration, en particulier la création d’un nouveau titre de séjour de travail et l’apprentissage de la langue.

Je n’accepte pas d’être assimilée au Rassemblement national – je suis d’ailleurs fière de l’avoir battu en Alsace – car nous avons des visions diamétralement opposées. La maîtrise de l’immigration est une attente des Français ; il faut agir de manière équilibrée. Il faut aussi aider les pays dont sont issues les personnes immigrées, tant sur le plan économique qu’en matière d’état civil afin qu’ils puissent identifier leurs ressortissants.

M. Kévin Pfeffer (RN). Je suis toujours stupéfait par l’inventivité de la gauche pour s’extraire des réalités. Le faible taux d’exécution des OQTF n’est pas un problème, il suffit de moins en délivrer. Pourquoi n’y avoir pas pensé avant ? Mais non : une personne qui s’introduit illégalement sur le territoire et qui ne répond pas aux conditions fixées pour le droit d’asile méritera toujours de se voir délivrer une OQTF. Régulariser tout le monde, comme le prône Mme Castets, y compris ceux qui ne travaillent pas, créerait un appel d’air en matière d’immigration illégale.

Dans notre bras de fer avec l’Algérie pour la délivrance des LPC, avons-nous vraiment mis toutes nos forces ? Ne nous sommes-nous pas contentés d’amuser la galerie, mentant ainsi aux Français qui sont, eux, très majoritairement favorables à une politique d’immigration plus ferme ? Selon certains experts, nous aurions tout à gagner à sévir et l’Algérie aurait beaucoup à perdre. M. Driencourt, ancien ambassadeur de France en Algérie, l’a rappelé dans plusieurs tribunes. Nous pourrions commencer par dénoncer l’accord franco-algérien de 1968, qui n’est plus justifié et qui profite bien plus à l’Algérie qu’à la France.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Nous sommes ici en commission des affaires étrangères et mon rapport est plutôt orienté sur notre politique diplomatique. Mais je vois que le nombre d’OQTF délivrées s’est élevé à 138 739 en 2023 et qu’il est de 66 560 à ce moment de l’année 2024. La baisse est nette et la politique en la matière pose en effet question. Il faut cibler les OQTF là où c’est utile.

Quant à l’accord franco-algérien, je propose dans mon rapport de le rééquilibrer.

Mme Laurence Robert-Dehault (RN). La procédure du droit d’asile est coûteuse. Compte tenu des délais moyens de traitement des dossiers par l’OFPRA et la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), un demandeur d’asile débouté aura perçu l’ADA et occupé un hébergement d’urgence pendant plus de douze mois, sans obligation de rembourser les sommes perçues. La procédure est totalement dévoyée et est devenue une voie d’immigration illégale à part entière. Il est très difficile d’éloigner les déboutés : ils sont plus de 96 % à rester sur notre sol après le rejet de leur demande.

Vous misez sur la voie diplomatique pour améliorer les procédures d’éloignement. Pouvez-vous donner plus de précisions à ce sujet ? La diplomatie vous paraît-elle adaptée à l’urgence de la crise migratoire que nous connaissons en Europe depuis 2015 ?

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Il est hors de question d’abandonner l’asile ; il y va de l’honneur de la France.

Les délais de traitement des demandes d’asile par l’OFPRA ont été considérablement réduits au cours des derniers mois et 29 ETP permettront de poursuivre cet effort, de sorte que les demandeurs d’asile soient fixés sur leur sort au plus vite. Au passage, le groupe Rassemblement national s’oppose à cette augmentation de moyens.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR). S’agissant des OQTF, vous avez réussi l’exploit de ne pas parler du déplacement au Maroc du président de la République qui, pour obtenir des laissez-passer consulaires, a craché sur le droit international en reconnaissant la « marocanité » du Sahara occidental. C’est pourtant l’une des explications à nos relations compliquées avec l’Algérie. Le Maroc deviendra-t-il, après Israël, un sujet tabou en commission des affaires étrangères ? Il y a bien un axe des pays colonisateurs.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. J’ai parlé du déplacement du président de la République au Maroc. J’ai même cité une partie de son discours. Il n’y a aucun tabou.

Mme Laetitia Saint-Paul, présidente. Avez-vous eu un retour d’expérience sur l’application des mesures relatives aux métiers en tension issues de la loi de 2024 ?

En matière de délivrance des LPC, y a-t-il des enseignements à tirer de la disparité qu’on observe en Afrique francophone, avec des taux variant de 25 % dans certains pays à 50 % en Côte d’Ivoire ?

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. J’ai choisi comme thème de mon rapport les LPC. S’agissant des métiers en tension, tous les décrets d’application de la loi de janvier 2024 n’ont pas encore été pris. Avant de dresser un bilan de ces mesures et de penser à une autre loi, il faut les appliquer. Il faut aussi que nous transposions le pacte européen sur la migration et l’asile afin de renforcer notre pression, dans le dialogue, sur les pays concernés, notamment en matière de LPC.

*

Article 42 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-AE47 de Mme Alexandra Masson

Mme Alexandra Masson (RN). Cet amendement vise à diminuer de 50 % le budget alloué à l’allocation pour demandeur d’asile et de 10 % les crédits d’hébergement, pour une économie totale de 80 millions d’euros. Cette baisse s’inscrit dans une politique globale de contrôle de l’immigration qui doit permettre d’économiser 16 milliards d’euros par an, selon les estimations du contre-budget du Rassemblement national.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Avis défavorable. La fluctuation de l’ADA est due au nombre d’arrivants sur notre sol et non à l’augmentation de l’allocation versée.

On ne peut pas faire n’importe quoi. Notre droit est encadré par le droit européen. La directive « accueil » de 2013 fixe des normes minimales pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale, en matière d’hébergement ou d’allocations financières. Il serait déraisonnable de diminuer le montant de l’ADA, qui est de 6,80 euros par jour. Au-delà de la question humanitaire, rogner sur l’hébergement et l’allocation, c’est prendre le risque de voir s’installer des campements sauvages et, avec eux, le développement de trafics et de l’insécurité. Cela risquerait aussi d’aboutir à un empiétement sur d’autres dispositifs d’hébergement d’urgence ou de mise à l’abri.

L’ADA est versée en contrepartie de la signature d’un contrat avec l’OFII, qui intègre ces personnes dans un circuit de prise en charge, éventuellement jusqu’au retour volontaire. Dans le domaine de l’asile, il y a largement matière à progrès, dans l’éloignement des déboutés comme dans l’accueil, qui doit être digne.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE45 de Mme Alexandra Masson

Mme Alexandra Masson (RN). Cet amendement vise à augmenter de 100 millions d’euros le budget alloué aux CRA, essentiels dans la lutte contre l’immigration irrégulière, afin de lancer la construction de nouvelles places supplémentaires. Dans ma circonscription, le CRA de Nice compte soixante places alors qu’il en faudrait au minimum deux cents. Cette proposition s’inscrit dans la politique globale de contrôle de l’immigration que nous promouvons dans notre contre-budget, qui sanctuarise des crédits votés dans la loi immigration de janvier 2024. Nous invitons le Gouvernement à lever le gage.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Avis défavorable. L’action sur laquelle vous souhaitez prélever 100 millions est celle qui finance l’OFII, opérateur essentiel et bien géré. L’augmentation des places en CRA est déjà prévue, puisque leur nombre passera de 1 959 à 3 000 d’ici à 2027. Un CRA sera construit à Olivet et celui de Perpignan sera étendu.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE46 de Mme Alexandra Masson

Mme Alexandra Masson (RN). Le Gouvernement a diminué de plus de 126 millions d’euros le budget alloué aux retours forcés et volontaires des migrants illégaux ; nous proposons de l’augmenter de 100 millions, toujours dans le cadre d’une politique globale de contrôle de l’immigration. Depuis le 2 février 2024 et la décision du Conseil d’État d’annuler la disposition permettant d’opposer des refus d’entrée, la lutte contre l’immigration est entravée. Au poste-frontière de Menton, la PAF ne peut retenir que quatre heures les migrants arrivés illégalement sur le territoire français si l’Italie ne veut plus les admettre de nouveau.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Là encore, vous souhaitez prélever 100 millions sur l’action qui finance l’OFII, l’organisme même qui gère l’aide au retour volontaire des étrangers en situation irrégulière, que vous dites vouloir augmenter. Quant aux retours contraints, mon rapport montre que les obstacles ne sont pas d’ordre financier mais relèvent de difficultés juridiques et de l’état de nos relations bilatérales avec les pays.

M. Michel Herbillon (DR). Il est difficile de se prononcer sur cet amendement, comme d’ailleurs sur le précédent, puisque nous attendons un amendement du Gouvernement relatif à ces crédits. C’est la raison pour laquelle nous voterons contre.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE59 de M. Julien Gokel

M. Pierre Pribetich (SOC). Protéger une personne victime de persécutions ou menacée dans son pays consiste à lui offrir l’asile – non seulement le droit mais, mieux encore, l’exercice de ce droit. L’amendement vise à renforcer l’action de l’État en faveur de la création de places d’hébergement d’urgence pour les demandeurs d’asile en compensant la baisse de 71,2 millions d’euros prévue pour 2025.

Comment ne pas accueillir « n’importe comment », accueillir mieux, avec 6 179 places de moins ? Pour conformer notre droit d’asile à la convention de Genève de 1951 et à notre Constitution, nous devons garantir un hébergement digne et de qualité, et nous montrer ainsi à la hauteur des valeurs et principes défendus par la France sur la scène internationale.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Avis défavorable. On doit accueillir mieux en accueillant moins. La réduction des délais de traitement des demandes d’asile va se poursuivre en 2025, grâce aux 29 ETP supplémentaires alloués à l’OFPRA. Les importants efforts d’optimisation du pilotage du parc d’hébergement ont permis de réduire les indisponibilités et les occupations indues, et ainsi contribué à faire progresser la part des demandeurs d’asile hébergés au sein du parc spécialisé financé par la mission budgétaire. Après plusieurs années d’augmentation sensible, la taille de ce parc s’est stabilisée en 2024.

Pour l’hébergement d’urgence, privilégier l’hébergement en logement plutôt que des nuitées d’hôtel permet de réaliser des économies. Il faut donc investir en ce sens.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE56 de Mme Alexandra Masson

M. Marc de Fleurian (RN). La submersion migratoire que subit notre pays, sous sa forme légale ou illégale, rencontre une apathie politique que les Français sont de plus en plus nombreux à rejeter. Ils ont exprimé ce refus dans les urnes, faisant du Rassemblement national la première force politique de notre Assemblée.

Dans une démarche symbolique, cet amendement proposé par Alexandra Masson, députée de Menton, à la frontière Sud de notre pays, est cosigné et défendu par votre serviteur, député de Calais, à sa frontière Nord. Il vise à abonder de 50 millions d’euros les crédits de l’action Lutter contre l’immigration irrégulière, en minorant d’autant les crédits de l’action Intégration des étrangers primo-arrivants du programme Intégration et accès à la nationalité française. Nous contestons d’ailleurs les termes de cet intitulé : l’accès à la nationalité française ne saurait être l’aboutissement d’une intégration. Les Français souhaitent pouvoir reconnaître comme compatriotes seulement ceux qui auront fait l’effort difficile d’une assimilation volontaire à notre nation.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Avis défavorable. La lutte contre l’immigration irrégulière est évidemment un sujet majeur. Certes les crédits sont en baisse cette année mais le ministre de l’intérieur a annoncé un amendement gouvernemental pour les rehausser.

S’agissant du durcissement des conditions de délivrance des visas, j’espère vous avoir convaincu que ce n’était pas une solution. En tout cas, l’expérience tentée vis-à-vis des pays du Maghreb est loin d’avoir été concluante. Quant aux retours contraints, les insuffisances ne sont pas dues à un problème de financement mais bien à des difficultés d’ordres juridique et diplomatique avec les États de départ.

M. Frédéric Petit (Dem). La réduction des délais d’examen des demandes conduit mathématiquement à une réduction du nombre de demandeurs d’asile, puisque les refus sont délivrés plus rapidement. Du reste, peut-on parler de submersion lorsque 30 % seulement des demandeurs d’asile obtiennent in fine le statut de réfugié, soit quelques dizaines de milliers de personnes ?

M. Marc de Fleurian (RN). Quelques dizaines de milliers chaque année !

M. Frédéric Petit (Dem). Ce n’est pas beaucoup, au regard des 500 000 étudiants étrangers que nous cherchons à attirer en France à l’horizon 2025 !

M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Le Rassemblement national, dans ses comptes, fait un amalgame entre droit d’asile et immigration. Les demandeurs d’asile ne cherchent pas à migrer ; ils cherchent une terre de refuge le temps que la tempête passe dans leur pays. Ils sont très nombreux à y retourner lorsque la situation le permet, c’est-à-dire quand ils n’y sont plus en danger de mort.

J’espère vivement que notre gouvernement continuera de considérer qu’être une femme en Afghanistan, par exemple, justifie à soi seul l’obtention de droit du statut de réfugié dans notre pays. Ce sera notre fierté.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE57 de Mme Alexandra Masson

Mme Alexandra Masson (RN). Cet amendement tend à augmenter de 50 millions d’euros le budget alloué à la lutte contre l’immigration clandestine à Mayotte. Avec 26 000 migrants retenus en 2022, le CRA de ce département a concentré, à lui seul, 60 % des placements dans les vingt-cinq centres de métropole et d’outre-mer. Selon le préfet de Mayotte, près de 2 979 migrants ont été interceptés en mer en 2023, en augmentation de 29 % par rapport à 2022 et de 286 % par rapport à 2020.

Majoritairement alimentée par les filières d’immigration irrégulière, l’immigration à Mayotte pèse sur tous les aspects de la vie économique, sociale et culturelle du département. Ce fléau y dégrade fortement la sécurité et met en danger la cohésion sociale. Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), la moitié des habitants du département ne possède pas la nationalité française. Cette situation est intolérable.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, la forte hausse des crédits de l’action 03 les années passées a permis une nette augmentation des places en CRA. Il faudra néanmoins rester vigilants lors des prochains exercices budgétaires.

À l’évidence, nos compatriotes de Mayotte vivent une situation extrêmement difficile : explosion démographique, insécurité, pénuries, saturation des services publics et atteintes à l’environnement sont, nous le savons, autant de conséquences directes de l’immigration incontrôlée depuis les Comores. Je ne prétends pas avoir une solution miracle à ce problème majeur mais ce n’est, en tout cas, pas un simple transfert budgétaire qui va régler la situation. Mieux vaudrait améliorer la politique de détection et d’interception de l’immigration autour de l’île ou encore lutter contre la fraude documentaire pour l’obtention du droit au séjour ou de la nationalité.

Avis défavorable.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Même si ce territoire entretient avec la France des liens très particuliers et très anciens, le statut de Mayotte pose question au regard du droit international. Il s’agit de savoir s’il faut favoriser les déplacements entre les trois îles des Comores et l’île de Mayotte, comme ils se pratiquent depuis des siècles, ou mener une politique de type « mur de Berlin » ? Personne n’a jamais réussi à enfermer un peuple et, plutôt que de vouloir construire un mur, engager une réflexion sur les déplacements des populations dans cette zone serait bien plus intelligent.

M. Guillaume Bigot (RN). Pour m’être rendu aux Comores dans le cadre de la préparation de l’avis budgétaire que je présenterai bientôt à la commission, je peux dire que, malgré tout l’argent investi, le projet de transport maritime inter-îles au sein de l’archipel n’est toujours pas opérationnel.

Par ailleurs, l’histoire de Mayotte, c’est aussi celle des rapts de femmes dont se sont rendus coupables les sultans batailleurs comoriens, un épisode bien documenté dans les livres d’histoire. Quand on cite l’histoire, il faut la connaître !

Mme Dominique Voynet (EcoS). Manifestement, ce n’est pas votre cas !

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE60 de M. Julien Gokel

M. Pierre Pribetich (SOC). Le coût de la vie augmente considérablement mais le montant de l’ADA n’évolue pas. Il est – j’ai honte de le dire – de 6,80 euros par jour auxquels s’ajoutent 7,40 euros lorsque l’étranger ne bénéficie pas d’hébergement – la moitié des demandeurs d’asile ne pouvant être hébergés dans le cadre du dispositif national d’accueil, ils sont 60 000 à les toucher. Mais où se loger à Paris avec seulement 230 euros par mois ?

Si on veut éviter l’émergence de bidonvilles et accueillir les réfugiés avec la dignité et le respect dus à tout être humain, il faut mener une politique digne de la tradition d’accueil de notre pays. Cet amendement vise donc à augmenter de 20 millions d’euros le budget consacré à l’allocation pour les demandeurs d’asile, afin de compenser l’inflation.

Penser arrêter les flux est une illusion : aucune barrière, aucun mur, aucun système n’arrivera jamais à endiguer ces phénomènes de diffusion. Ils s’accentueront même avec la crise climatique. Mme Meloni a essayé d’empêcher les flux vers l’Italie et ils se sont dirigés vers d’autres pays européens, comme la Grèce et l’Espagne. C’est donc avant tout une politique globale qu’il faut mener, en particulier en matière d’aide au développement, en accompagnement des politiques migratoires.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Je souscris complètement à votre conclusion : ce ne sont pas les murs qui arrêteront l’immigration mais un dialogue ferme et franc avec les pays d’origine.

L’amendement du RN tendait à réduire le budget de l’ADA ; le vôtre tend à l’augmenter pour tenir compte de l’inflation, évaluée par l’INSEE à 1,6 % pour 2024. Je pense que la vérité se situe à mi-chemin.

Les montants d’ADA que vous avez rappelés correspondent à des montants individuels : ils augmentent en fonction du nombre de membres de la famille, selon un barème qui respecte les normes prévues par la directive européenne d’accueil des demandeurs d’asile.

Avis défavorable.

M. Sébastien Chenu (RN). Notre collègue socialiste voudrait toujours plus de places, toujours plus de crédits, toujours plus d’allocations. Avec une telle logique, on fait déménager le continent africain sur le continent européen. Ce n’est ni possible, ni souhaitable. De telles logiques représentent un vrai danger pour l’Europe, et plus particulièrement pour notre pays.

L’angélisme de la réponse mi-chèvre, mi-chou de la rapporteure pour avis dénote un refus total d’affronter ces problématiques assurément d’avenir. Il y aura bien des migrations climatiques et on ne peut pas se contenter de réponses aussi faibles, et encore moins accepter des logiques aussi dangereuses que celles développées par M. Pribetich.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE58 de Mme Alexandra Masson

Mme Alexandra Masson (RN). Dans un rapport de janvier 2024, le président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, indiquait que la France ne consacre pas suffisamment de moyens à la lutte contre l’immigration clandestine. Par une décision du 2 février 2024, le Conseil d’État a pourtant interdit le refus d’entrée aux frontières, entravant lourdement l’action de la PAF, de la gendarmerie nationale et de toutes les forces engagées dans la lutte contre l’immigration clandestine, regroupées sous l’appellation de border force.

Dans mon département des Alpes-Maritimes, les nouvelles procédures de réadmission vers l’Italie provoquent un engorgement des zones de rétention. À l’inverse du Gouvernement, qui propose de diminuer les moyens alloués aux zones d’attente de la PAF, cet amendement tend à les augmenter de 10 millions d’euros.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Je répète qu’il est très important d’aider à s’intégrer les étrangers présents sur notre sol qui le souhaitent, notamment les demandeurs d’asile, en leur permettant d’apprendre notre langue et de travailler.

S’agissant du contrôle aux frontières intérieures, le directeur général-adjoint de la PAF m’a confirmé que l’arrêt du Conseil d’État ajoutait une contrainte supplémentaire, alors que d’autres pays, comme l’Allemagne, ne sont pas tenus par cette jurisprudence sur la directive « retour ». C’est une question importante, dont le Gouvernement doit se saisir, mais qu’un simple transfert de crédits ne réglera pas.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE69 de M. Sébastien Chenu

M. Sébastien Chenu (RN). L’état catastrophique dans lequel les gouvernements successifs ont laissé les finances publiques fait que beaucoup d’efforts sont demandés aux Français. Dès lors, nous pensons qu’il faut recentrer les priorités budgétaires sur leurs préoccupations, aux premiers rangs desquelles la recherche d’un logement décent.

Les investissements français doivent avant tout bénéficier aux Français. Or 1,3 million d’euros sont inscrits à l’action 16 pour la transformation des foyers de travailleurs migrants en résidences sociales – un terme intéressant –, alors même qu’un plan pluriannuel lancé en 1997 a déjà permis d’y rénover 75 000 places. Nous considérons que le développement de foyers pour les enfants ou les femmes en difficulté est davantage prioritaire. Cet amendement vise donc à minorer de 1,3 million les crédits de l’action 16 en AE et en CP.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. L’amendement II-AE69 tend plutôt à minorer de 50 millions d’euros l’action 12, dont les crédits de paiement sont déjà en baisse. J’y suis défavorable.

L’exposé sommaire est d’ailleurs un peu trompeur : le meilleur accès à la reconnaissance des diplômes ou la promotion de l’activité des femmes n’ont jamais été présentés comme les objectifs essentiels de cette action. Il s’agit plutôt d’aspects qui avaient été sous-estimés et sur lesquels le Gouvernement souhaite agir. L’action 12 finance l’important programme AGIR, dont les résultats en matière de logement et d’emploi des réfugiés sont très encourageants.

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Après avoir proposé de supprimer intégralement les crédits alloués aux politiques d’intégration, qui permettent, par exemple, de financer les cours de français ou d’initiation aux valeurs de la France et de la République, vous voulez maintenant supprimer les crédits dédiés à la rénovation des foyers de travailleurs migrants, où s’entassent depuis les années 1970 et 1980 des personnes venues reconstruire la France après la guerre.

Votre vision, c’est simplement la stigmatisation de tous les étrangers et la suppression de toute immigration. Ne venez pas dire ensuite que vous voulez des étrangers bien intégrés ou que vous faites une différence entre ceux qui commettent des délits et les autres. Toutes vos propositions ce matin prouvent, au contraire, que vous êtes xénophobes et hostiles à toute immigration.

Mme Liliana Tanguy (EPR). À l’inverse du RN, le groupe EPR réaffirme son engagement en faveur de l’intégration des étrangers par la langue et le travail. Il n’est donc pas question d’affaiblir les dispositifs mettant en œuvre ces deux voies essentielles.

M. Sébastien Chenu (RN). Les personnes qui vivent dans les foyers de migrants ne sont évidemment pas celles arrivées en France il y a cinquante ans. Pour en avoir visité, je sais que de tels cas, quand ils existent, sont tout à fait marginaux. Tout ce qui est excessif est insignifiant, vous venez encore de nous le démontrer.

Nous avons visiblement beaucoup de mal à nous entendre pour construire un budget pour la France, ruinée par les années de macronisme. Il y a des priorités : à Denain, dans ma circonscription, c’est la demande de logements. Je n’ai d’ailleurs pas dit qu’il fallait tout arrêter ; simplement, des rénovations ont déjà été faites et nous assumons de nous tourner vers d’autres priorités.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE48 de Mme Alexandra Masson

Mme Alexandra Masson (RN). L’immigration massive met en péril les finances publiques. Cet amendement, qui vise à diminuer de 37 millions d’euros le budget alloué à l’accueil et à l’intégration des migrants, participe de la politique globale de contrôle de l’immigration promue par le contre-budget présenté par Jean-Philippe Tanguy, qui permettrait d’économiser 16 milliards d’euros par an.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Vous proposez de réduire la subvention de l’OFII. Or cet organisme s’occupe certes de l’accueil des personnes ayant obtenu un droit de séjour à titre professionnel ou familial mais aussi de l’aide au retour volontaire qui, je le rappelle, reste moins coûteuse qu’un retour contraint.

Pour information, l’addition des propositions du RN aboutirait à diminuer de plus de 300 millions d’euros un programme qui n’en est doté que de 268. Il faut vraiment travailler plus sérieusement !

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE68 de M. Sébastien Chenu

M. Sébastien Chenu (RN). Quand on lègue les comptes d’un pays dans un tel état, avec de tels dérapages budgétaires, on ne donne pas de leçons ! En matière de connaissance de ses dossiers, chacun devrait faire preuve d’humilité.

Voici un nouvel amendement visant à réduire des crédits : ceux de l’action 12, dédiés à l’apprentissage du français en présentiel. Les techniques modernes permettraient de dispenser cet apprentissage en ligne et, ainsi, de réaliser des économies. D’où cette proposition de minoration de 50 000 euros.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. J’avais choisi de ne pas le souligner mais, puisque vous persistez à nous donner des leçons, je vous signale que vous avez interverti la défense des amendements II-AE69 et II-AE68.

Ce dernier porte sur les foyers de travailleurs migrants, dont nous avons déjà débattu. Pour ma part, je suis favorable à la poursuite du plan de transformation des foyers en résidences sociales lancé en 1997, qui permettra d’héberger les travailleurs migrants dans des conditions décentes.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE61 de M. Julien Gokel

M. Julien Gokel (SOC). Les chiffres alarmants et dramatiques des décès en mer Méditerranée et dans la Manche commandent que les États européens reprennent l’initiative en matière de recherche et de sauvetage. Actuellement, ces opérations sont assurées par des associations. Si, en mer, le devoir d’assistance s’impose à tout capitaine de navire, la coordination des opérations et la désignation d’un port sûr relèvent des États côtiers.

Cet amendement, déjà adopté en commission des lois, vise à créer un programme dédié aux opérations de recherche et de sauvetage en mer et à le doter de 20 millions d’euros.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Les 20 millions en question seraient ponctionnés sur le programme même où votre amendement précédent les aurait transférés.

La France n’a pas attendu cet amendement pour se préoccuper des naufrages en Méditerranée et dans la Manche.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Et à Mayotte, avec les kwassa-kwassa !

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure pour avis. Absolument.

L’un des grands objectifs de la politique migratoire est précisément d’éviter ces drames, en dissuadant les franchissements irréguliers, en empêchant les départs et en organisant des voies d’immigration légale. Depuis janvier, quinze naufrages ont causé la mort de cinquante et une personnes dans la Manche et en mer du Nord. Les réseaux de passeurs en sont évidemment responsables. Pour réduire le risque d’être repérés, ils modifient leurs pratiques, par exemple en utilisant des points de départ à l’intérieur des terres, et font prendre de plus en plus de risques aux migrants en les entassant sur des small boats surchargés et sous-gonflés.

La France coopère avec le Royaume-Uni et a mobilisé des moyens très importants pour renforcer la surveillance et les capacités d’intervention – avions, hélicoptères, drones et bateaux –, afin d’empêcher ces traversées. Sur les huit premiers mois de l’année, vingt-trois filières d’immigration vers le Royaume-Uni ont été démantelées et plus d’une centaine de trafiquants, interpellés.

La commission rejette l’amendement.

Puis, la commission émet un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission Immigration, asile et intégration.

*

La réunion est suspendue de 11 h 20 à 11 h 25.

******

Mme Laetitia Saint-Paul, présidente. Les crédits de l’audiovisuel extérieur sont inscrits dans une nouvelle mission du budget général, dénommée Audiovisuel public. Au sein de cette enveloppe, notre commission s’intéresse plus particulièrement aux moyens accordés à France Médias Monde (FMM) et TV5 Monde, vecteurs audiovisuels essentiels au rayonnement et à l’influence de notre pays à l’international. Dans le projet de loi de finances, leurs dotations respectives sont portées à 304,9 millions d’euros, en hausse de 1,2 %, et à 84,2 millions, en hausse de 0,9 %.

Notre rapporteur pour avis, qui a récemment examiné, avec Jean-François Portarrieu, le projet de contrat d’objectifs et de moyens (COM) entre l’État et France Médias Monde pour la période 2024-2028, a logiquement choisi de porter son attention sur la déclinaison du COM dans le PLF. Ce choix apparaît d’autant plus cohérent que le budget de l’État est le juge de paix de chaque COM.

M. Alain David, rapporteur pour avis. Notre audiovisuel extérieur, qui s’appuie sur le groupe France Médias Monde – composé de France 24, Radio France Internationale (RFI) et Monte Carlo Doualiya (MCD) – et sur la chaîne multilatérale TV5 Monde, est un atout pour le rayonnement de la France et de la Francophonie. Nous y consacrons moins de 10 % du financement de l’audiovisuel public.

Le projet de budget pour France Médias Monde confirme les craintes que j’avais exprimées lors de l’examen du projet de COM. La dotation dite « socle », de 302 millions d’euros, augmente de 1,2 % mais une partie de cette hausse résulte de la stricte compensation des conséquences fiscales de la suppression de la redevance télé, à savoir l’application de la taxe sur les salaires et la fin de la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Le reste ne permet de faire face ni à l’inflation, ni aux effets de change, qui pénalisent beaucoup plus l’audiovisuel extérieur que les chaînes nationales.

Les dotations de l’État à France Médias Monde ont baissé en valeur absolue entre 2018 et 2022 et n’ont augmenté ensuite que pour compenser les effets fiscaux de la suppression de la redevance. Le groupe s’est adapté grâce à l’application de plans de départs volontaires et au retrait de certains réseaux de distribution. Dépourvue de marges de manœuvre, France Médias Monde est « à l’os » ; elle ne pourra présenter de comptes à l’équilibre si elle continue de financer les charges d’activité de ses rédactions et ses investissements.

Le montant inscrit dans le PLF pour 2025 est inférieur de 4 millions à la trajectoire du COM. En tenant compte des montants prévisionnels des années suivantes, l’écart approcherait 19 millions en 2027. France Médias Monde ne peut absorber une telle baisse alors qu’elle produit en continu près de 200 heures de programmes quotidiens dans différentes langues et sur des supports variés.

Le Gouvernement se borne à indiquer dans le PLF que le projet de COM devra être revu à l’aune du niveau de dotation retenu pour 2025 et ne renseigne aucun des indicateurs du projet annuel de performance. Une telle anomalie prouve que la dotation résulte d’une démarche de rabot budgétaire et non d’une stratégie. Plus que jamais, France Médias Monde a besoin de financements à la hauteur des enjeux géopolitiques, dans un contexte de guerre informationnelle et de défiance à l’égard des médias occidentaux. Sans financement suffisant, nous ne tiendrons pas notre rang face à une concurrence féroce : celle de nos partenaires, dont les dotations sont souvent bien plus élevées – 100 millions supplémentaires pour la Deutsche Welle, dont le budget était le même que celui de FMM il y a dix ans –, et celle des États autoritaires qui utilisent leur audiovisuel à des fins de désinformation, parfois à l’encontre de la France.

Alors que les bons résultats d’audience prouvent la réussite des stratégies conduites depuis plusieurs années, le Gouvernement est mal avisé de priver le groupe des moyens de poursuivre son développement, d’investir dans le numérique et d’améliorer les perspectives de ses collaborateurs.

Concernant la modernisation technique, le PLF ajoute une difficulté, avec une enveloppe budgétaire distincte dénommée Programme de transformation. Introduite l’an passé, cette dotation, assortie d’une clause de revoyure, devait attribuer à FMM 5 millions d’euros en 2024, autant en 2025 et 3 millions en 2026. Dès le début de l’année 2024, sur le fondement des promesses de l’État figurant dans le projet de COM, le groupe a engagé, sur fonds propres, d’importantes dépenses de modernisation numérique. Or il n’a reçu que 1,4 million d’euros en 2024 et seulement 2 millions sont inscrits pour 2025 : le compte n’y est pas. À rebours des engagements de l’État, cette dotation est donc une variable d’ajustement et ne permet pas de mener à bien les projets de transformation. Comment s’engager si les rentrées d’argent sont illusoires ? Ce problème concerne également les autres sociétés de l’audiovisuel public.

Le projet de budget présente toutefois deux motifs de satisfaction. Tout d’abord, le Gouvernement a fini par se rallier à la demande exprimée depuis deux ans par le Parlement : nous allons pouvoir modifier la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) avant l’adoption définitive du PLF, afin de maintenir un financement par affectation de ressources, qui est une garantie d’indépendance. Cela lèvera une hypothèque qui pesait lourdement sur France Médias Monde. Cependant, l’affectation d’une part de TVA reste une solution de second rang par rapport à une réforme ambitieuse consistant à rétablir une contribution progressive à l’audiovisuel public en fonction du niveau de revenus.

Par ailleurs, je souhaite saluer l’engagement du Quai d’Orsay, qui a inscrit 4,2 millions d’euros dans la mission Aide publique au développement pour contribuer à des projets de proximité expressément prévus par le COM 2024-2028 : un décrochage de proximité de France 24 à Dakar, réalisé par des journalistes africains francophones et proposant des contenus numériques tournés vers les jeunesses africaines les plus exposées à la désinformation ; un projet régional de production de contenus numériques en langue arabe pour France 24 et MCD à Beyrouth, dont l’inauguration est imminente et pour lequel FMM prend toutes les précautions de sécurité que la situation exige ; la pérennisation de la rédaction de RFI en ukrainien à Bucarest, qui accueille des journalistes en exil. Nous devons veiller à ce que les coupes supplémentaires des crédits de l’APD envisagées par le Gouvernement ne compromettent pas ces projets justifiés par le contexte géopolitique.

Avec une contribution de 84,2 millions d’euros, nous sommes, parmi cinq autres États et régions francophones, le premier financeur de TV5 Monde, opérateur officiel de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). La contribution de la France pour 2025 sera inférieure de 400 000 euros au montant arrêté lors de la dernière réunion des représentants des gouvernements bailleurs. Cet écart de 0,5 % peut sembler modique mais il aura un effet négatif sur le financement global de TV5 Monde, en raison de son effet de ricochet sur les contributions des partenaires : toute forme de désengagement de notre part pousse nos partenaires à l’attentisme.

Entre 2018 et 2022, nous avons versé chaque année une contribution inférieure à notre quote-part et nous devons solder près de 3 millions d’euros d’arriérés. Sans le supplément de 4,2 millions correspondant à la cotisation de Monaco, qui a adhéré en 2021, TV5 Monde n’aurait pu faire face aux surcoûts liés à l’inflation. Faute de perspectives d’augmentation significative des contributions des États bailleurs, la chaîne vient d’engager un nouveau plan d’économies en renonçant à des vecteurs de diffusion.

TV5 Monde joue pourtant un rôle majeur, tant dans le rayonnement de la langue française et la promotion des cultures francophones, grâce à ses excellentes audiences, que dans la création audiovisuelle en Afrique, grâce à sa programmation très suivie, à ses investissements dans des films et des séries et au Fonds Francophonie TV5MONDEPlus, qui alimente sa plateforme numérique.

La nouvelle présidente de TV5 Monde, Mme Kim Younes, nommée le 2 octobre, devra mettre en œuvre deux décisions prises lors du sommet de la Francophonie de Villers-Cotterêts.

Il s’agit d’abord de renforcer la distribution de la chaîne jeunesse TiVi5 Monde au Maghreb, où existe un fort potentiel pour ce média de qualité en langue française, alimenté par des séries d’animation coproduites en France, en Afrique et au Maghreb. Nous devons agir vite pour ne pas être balayés par les offres américaines.

Il s’agit ensuite de mieux refléter la diversité de la Francophonie en faisant entrer des États africains dans la gouvernance, composée exclusivement d’États francophones du Nord. Le seuil minimal d’adhésion d’un demi-neuvième, soit 4,2 millions d’euros par an, constitue un obstacle financier, mais TV5 Monde élabore une proposition originale d’adhésion simultanée de sept États africains, qui partageraient les coûts d’adhésion et une présence tournante dans la gouvernance. La nouvelle contribution africaine sera orientée vers des productions et des coopérations en Afrique. Ces nouveaux partenaires devront respecter les plus hauts standards en matière d’indépendance éditoriale, de déontologie journalistique et de pluralisme de l’information, conformément à la charte de TV5 Monde.

France Médias Monde et TV5 Monde sont des atouts considérables pour le rayonnement international de la France et le dynamisme de l’espace francophone. Quelques économies modiques et transitoires risquent de se payer très cher en perte d’influence. Nous pouvons encore redresser la barre ; il faut adresser au Gouvernement des signaux très clairs.

Mme Laetitia Saint-Paul, présidente. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Je regrette que la France réduise sa contribution au budget de TV5 Monde, alors qu’elle préside l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), pour deux ans, et qu’elle a organisé le dernier sommet international de la Francophonie, à l’occasion duquel nous avons constaté à quel point cette chaîne est essentielle et appréciée, notamment en Afrique – le projet d’intégrer des pays africains à sa gouvernance est d’ailleurs particulièrement pertinent. Diminuer la contribution française envoie un mauvais signal au moment où il serait préférable de donner de la force et de l’élan à la Francophonie.

S’agissant du financement de France Médias Monde, il faudrait en effet une réforme ambitieuse pour rétablir une ressource affectée. Le versement d’une part de la TVA en compensation de la disparition de la contribution à l’audiovisuel public permettait de maintenir un semblant d’indépendance par rapport à l’Exécutif ; cela ne sera plus le cas. France Médias Monde sera désormais considérée, à tort ou à raison, comme un instrument du Quai d’Orsay et du Gouvernement, c’est-à-dire de la politique étrangère de la France en Afrique, dont il serait fastidieux de rappeler tous les errements – citons quand même le soutien aux dictatures guinéenne et tchadienne, qui répriment leurs oppositions, ou encore l’inaction au Nord-Kivu face aux milices du M23 financées par le Rwanda.

Nous devons continuer à attribuer des crédits à FMM. Surtout, nous devons poser fortement la question de son indépendance – notamment financière – car, même si le projet de fusion de l’audiovisuel public semble avoir du plomb dans l’aile, il n’a pas été annulé par le Gouvernement.

En l’absence d’éléments concrets constitutifs d’une politique ambitieuse pour notre diplomatie d’influence, le groupe LFI-NFP ne votera pas les crédits de la mission Audiovisuel public portant sur l’audiovisuel extérieur.

M. Alain David, rapporteur pour avis. Une proposition de loi organique portant réforme du financement de l’audiovisuel public vient d’être votée au Sénat, en présence et avec l’approbation de la ministre de la culture, Rachida Dati. Puisqu’elle réglerait en partie le problème du financement de l’audiovisuel extérieur, j’espère qu’elle sera largement adoptée par notre Assemblée le mois prochain.

Par ailleurs, la diminution de 400 000 euros de la dotation à TV5 Monde a une incidence sur les autres partenaires, qui réduisent à leur tour leur contribution, ce qui finit par grever considérablement le budget de la chaîne.

M. Pierre Pribetich (SOC). Nous devons en effet envoyer des signaux très clairs et inviter le Gouvernement à être plus précis quant à ses priorités pour l’audiovisuel public. Celui-ci doit être considéré comme un enjeu de rayonnement international et une source de dynamisme pour l’espace francophone.

Dans un contexte de guerre informationnelle, voire de désinformation et d’ingérence démocratique, il convient de garantir à la fois la qualité et l’indépendance de l’information délivrée. Je regrette le manque d’ambition du Gouvernement pour défendre un service audiovisuel public fort, doté de moyens conséquents pour accomplir ses missions. Après des années de coupes budgétaires décidées par les gouvernements successifs d’Emmanuel Macron, il convient d’assurer aux entreprises de l’audiovisuel public des financements clairs à la hauteur de leur mission. Alors que nous assistons à une mutation réelle des usages dans un paysage médiatique très mouvant, celles-ci ont plus que jamais besoin d’évoluer et de se transformer. Les coupes budgétaires ont une incidence sur leurs lignes éditoriales, entraînant un manque criant de visibilité pour produire ces informations.

Le groupe Socialistes et apparentés est fermement opposé à la budgétisation, ainsi qu’au projet de fusion des entreprises de l’audiovisuel public. Sa préférence va à l’instauration d’une contribution progressive à l’audiovisuel public plutôt qu’à l’affectation d’une fraction de la TVA. Le Gouvernement doit l’assumer clairement : ce projet est purement et simplement une mesure d’économie. Dans le contexte de la fragilisation de l’audiovisuel public, nous demandons, avec les entreprises concernées, que les dotations allouées au titre des projets de transformation prioritaires soient dirigées vers les programmes socles, afin d’être sanctuarisées pour l’année 2025.

M. Alain David, rapporteur pour avis. Je pourrais reprendre mot pour mot ces propos. Ils dépeignent parfaitement le désengagement – à tout le moins, le peu d’engagement – de l’État vis-à-vis de structures audiovisuelles, qui œuvrent pourtant au rayonnement de la France.

M. Michel Herbillon (DR). Alors que la guerre informationnelle est devenue centrale, le groupe France Médias Monde et TV5 Monde diffusent dans le monde entier des émissions de qualité, porteuses d’une information libre, indépendante, vérifiée et équilibrée. Le groupe Droite Républicaine remercie l’ensemble des collaborateurs de France Médias Monde pour ce travail indispensable.

Dans un contexte budgétaire particulièrement difficile, chacune des dotations proposées pour FMM et TV5 Monde augmente, témoignant du soutien de l’État à ces médias indispensables. J’entends la vive inquiétude du rapporteur pour avis mais nous devons raison garder. Bien sûr, la suppression de la contribution à l’audiovisuel public a provoqué des effets fiscaux négatifs, que l’État se doit de compenser. Bien sûr aussi, FMM fait face, comme l’ensemble des opérateurs de l’État, aux surcoûts provoqués par l’inflation. Toutefois, sa dotation socle augmente de 17,8 millions d’euros, hors effets fiscaux, par rapport au budget exécuté en 2022, soit une hausse de 7 %. Dès lors, les crédits proposés n’hypothèquent en rien la poursuite de ses activités, auxquelles le groupe Droite Républicaine est attaché.

De la même manière, la proposition de dotation socle pour TV5 Monde augmente à nouveau. J’entends cependant les craintes quant à l’éventuel désengagement de nos partenaires en raison de la baisse de 0,5 % de notre contribution à son financement public global.

Loin de ceux qui font preuve d’irresponsabilité budgétaire, notre groupe votera en faveur de ces crédits.

M. Alain David, rapporteur pour avis. La hausse de la dotation socle pour TV5 Monde dépasse tout juste les 2 millions d’euros ; les 17,8 millions que vous évoquez s’étalent sur plusieurs années. Je déplore l’absence de respect des engagements pris par l’État sur la partie variable de la dotation, au fil des ans. Nous examinerons un amendement visant à sanctuariser la dotation par le transfert vers la dotation socle d’une partie de ces engagements.

Je comprends votre optimisme en tant que défenseur du Gouvernement mais il n’en demeure pas moins que l’audiovisuel extérieur est en grand danger.

Mme Clémentine Autain (EcoS). Les dotations de l’audiovisuel public en général et de l’audiovisuel extérieur en particulier baissent ; nous le découvrons sans surprise car il était prévisible que la suppression de la redevance, taxe affectée et gage d’indépendance vis-à-vis du Gouvernement, ne serait pas compensée. Il est urgent de rétablir une redevance, que je souhaiterais plus progressive, puisque le rapport d’Alain David montre clairement que les crédits prévus ne permettent pas de faire vivre ces médias correctement.

L’augmentation des crédits de France Médias Monde est tellement faible qu’elle ne permet même pas de compenser l’inflation ; c’est donc une baisse. Quant à TV5 Monde, elle est devenue quasiment dépendante de la contribution de Monaco ; c’est délirant !

Alors qu’il y a des enjeux de masse salariale, qu’il faudrait investir dans le numérique et dans la production d’informations plus approfondies, exigeante en temps, on coupe sèchement dans les budgets. Alors que le contexte international est tendu et qu’une guerre informationnelle est en cours, il est particulièrement dangereux de ne pouvoir assurer des missions de veille, d’alerte et de réponses aux fakes news. Pendant que les budgets de nos chaînes sont rabotés, les régimes autoritaires consacrent aux leurs des ressources croissantes.

Les crédits pour 2025 ne témoignent pas d’une stratégie mais d’une obsession pour la réduction de la dépense publique, qui laisse faire le marché au mépris des biens communs, et l’information en est un essentiel.

M. Alain David, rapporteur pour avis. Les pays membres du conseil d’administration de TV5 Monde observent sa situation financière et les décisions de la France. Celle-ci diminuera sa contribution de 400 000 euros en 2025 ; le risque est grand que d’autres pays membres prennent des décisions semblables. Il y a donc un grand intérêt à rechercher de nouveaux pays partenaires, non seulement pour renforcer l’implantation en Afrique mais aussi pour apporter de nouvelles ressources. En tout état de cause, la France doit maintenir son rayonnement dans ce média et sa suprématie dans la transmission de ses valeurs.

M. Frédéric Petit (Dem). Je partage de nombreuses positions avec le rapporteur pour avis, à l’exception de celle qu’il vient de mentionner : la France ne doit jamais avoir une position de suprématie en matière de Francophonie.

TV5 Monde n’appartient pas à la France. La diminution de notre contribution est malheureuse mais ce que la France a obtenu en Afrique ressemble à un investissement, puisque 80 % de l’activité de la chaîne y provient de son audience et pourraient être démultipliées en intensifiant le travail avec des pays africains membres de la Francophonie. Par ailleurs, merci d’avoir parlé de la rédaction en ukrainien de RFI, installée dans ma circonscription ; la France mène là une action magnifique.

France Médias Monde est une chaîne de télévision d’État française qui produit quatre éditions : française, anglaise, arabe et espagnole. Elle n’est pourtant pas disponible sur les réseaux hertziens en France ; on semble préférer que certains de nos concitoyens s’informent auprès de médias qatariens plutôt qu’auprès d’une chaîne française bien informée, diffusée en langue arabe. Rectifier cette anomalie ne coûterait rien mais aurait toute son importance.

Le groupe Les Démocrates s’abstiendra. Indépendamment de la réforme de l’audiovisuel public, dont nous sommes tous d’accord pour dire qu’elle doit préserver l’indépendance des lignes éditoriales, nous devons nous attacher à rétablir l’équilibre entre l’audiovisuel public, que j’appelle intérieur, dont le budget s’élève à 4 milliards d’euros, et l’audiovisuel extérieur, dont les productions sont de meilleures qualités et qui porte la voix de la France dans le monde. Il ne devrait pas être si compliqué de trouver 4 à 5 millions d’euros pour FMM.

M. Alain David, rapporteur pour avis. Avec RFI, ce sont même vingt et une langues qui sont pratiquées dans l’audiovisuel extérieur. Cela donne une idée du potentiel de développement de l’audience et d’influence de France Médias Monde.

Je souscris à vos propos et je partage vos doutes. Le groupe Socialistes et apparentés votera d’ailleurs contre ces crédits, parce que nous ne pouvons être d’accord avec une politique de coups de rabot perpétuels. La légère augmentation prévue pour 2025 intervient après plusieurs années de réduction sans qu’on sache quand le rattrapage sera envisagé.

M. Jean-François Portarrieu (HOR). Les coûts fixes de France Médias Monde présentent une rigidité particulièrement importante qui tient à un modèle économique original reposant sur les compétences de ses équipes et la qualité de ses contenus : le groupe produit chaque jour 200 heures de programmes en vingt et une langues. Depuis le début de son histoire, celui-ci s’est construit dans un cadre budgétaire contraint et sous-dimensionné par rapport à ses concurrents internationaux. Au cours des dix dernières années, il a dû engager trois plans de départs volontaires. Sur la période 2018-2023, il a dû revoir fortement à la baisse – de 18 % environ – les coûts de ses réseaux de distribution et de diffusion. Des économies massives ont été réalisées sur l’ensemble des frais de fonctionnement « jusqu’à l’os », selon votre expression que je partage.

France Médias Monde reste une référence avec 255 millions de téléspectateurs, auditeurs et internautes partout dans le monde. Cependant, si la contrainte budgétaire qui pèse depuis l’origine sur l’audiovisuel extérieur est maintenue, la France finira par dévisser dans le paysage audiovisuel mondial, en pleine guerre de l’information. Nous devons rester vigilants et préserver l’originalité du modèle de notre audiovisuel public extérieur.

M. Alain David, rapporteur pour avis. La Deutsche Welle exige de France Médias Monde une indépendance en matière budgétaire pour poursuivre leur collaboration. La succession des coups de rabot a occasionné une réduction drastique de la masse salariale, qui est désormais critique. Les licenciements pour raison économique se sont succédé et si les effectifs sont désormais stables, la situation demeure délicate. Faute de visibilité, le groupe a perdu des collaborateurs de qualité, qui ont préféré des emplois plus stables, indépendants des variations des dotations annuelles de l’État.

Plus globalement, il est difficile de gérer un organisme comme France Médias Monde sans visibilité budgétaire, non seulement pour la masse salariale mais aussi pour lancer de nouveaux projets ou des restructurations.

M. Laurent Mazaury (LIOT). J’ai le plaisir d’être président d’une chaîne de télévision locale. L’échelle n’est pas la même mais les contraintes budgétaires conduisent aux mêmes décisions.

Le premier type de décision est la réduction des productions qui, dans le cas de France Médias Monde, signifie que la voix de la France sera moins entendue.

Le deuxième est la réduction de la masse salariale par des départs subis de journalistes et de personnels techniques – souvent les meilleurs – ou par des licenciements concernant ceux qui ont plus d’ancienneté et donc plus d’expérience.

Voilà ce qui pourrait arriver à France Médias Monde demain – le fonctionnement de TV5 Monde est différent et offre des garanties contre les baisses de crédits – car les baisses de dotation obligent à agir sur les frais de fonctionnement pour éviter la disparition du média.

Je regrette que l’accès à France Médias Monde ne soit pas plus facile sur le réseau hertzien, au sens large, car ce média est également un vecteur fort d’intégration des populations récemment arrivées sur notre territoire.

Pour toutes ces raisons, je m’abstiendrai.

M. Alain David, rapporteur pour avis. Il est nécessaire de sécuriser le programme de transformation, qui peut varier chaque année, afin de donner de la visibilité à France Médias Monde. Nous présenterons des amendements en ce sens.

Mme Marine Hamelet (RN). La privatisation de l’audiovisuel public que nous proposons permettrait de dégager une économie totale de 3,2 milliards d’euros par an sur les crédits alloués à France Télévisions et à Radio France. Elle renforcerait la compétitivité de l’audiovisuel français sur la scène internationale grâce à un assouplissement des règles anti-concentration pour permettre l’émergence de grands groupes français capables de rivaliser avec les géants du numérique et de promouvoir l’exception culturelle française.

TV5 Monde et France Médias Monde seraient exclus de cette réforme en raison de leur rôle essentiel dans le rayonnement de la France. Les audiences cumulées des médias du groupe France Médias Monde sont en nette hausse, en partie grâce à une entrée réussie sur les plateformes numériques. Néanmoins, le projet annuel de performance indique que la part d’opinions favorables évaluant les valeurs d’expertise, d’objectivité et de référence des médias est en baisse dans toutes les parties du monde, sauf au Moyen-Orient.

La rigueur budgétaire du groupe est depuis des années dans le viseur de la Cour des comptes, s’agissant de l’observation des règles de la commande publique, des recrutements et de la rémunération des journalistes, ainsi que de sa gouvernance compliquée en raison de la double tutelle et du manque de dialogue.

Chaque euro dépensé doit être utile pour la France et les Français. Il est insupportable que certains journalistes du groupe continuent à donner un écho à des discours antifrançais.

M. Alain David, rapporteur pour avis. Ce dernier point est réglé : certains journalistes ont été rappelés à l’ordre de l’éthique journalistique par France Médias Monde, qui s’est en outre séparée d’un journaliste.

Avec la privatisation, ce ne serait plus la voix de la France mais celle de Bolloré ! Nous préférons la voix de la France.

Mme Liliana Tanguy (EPR). Dans le contexte actuel de durcissement de la guerre informationnelle, nous devons renforcer notre pouvoir d’influence grâce à notre audiovisuel public extérieur.

Nous saluons le travail remarquable réalisé par les équipes de France Médias Monde et de TV5 Monde : progression des audiences de 20 % entre 2019 et 2023, amélioration des performances numériques et renforcement de la présence internationale.

Notre groupe votera en faveur des crédits qui sont en hausse marginale, malgré le contexte budgétaire contraint, mais nous attendons l’amendement du Gouvernement précisant l’impact des économies supplémentaires qui ont été annoncées.

Dans le cadre des projets de proximité financés par le programme 209, Solidarité à l’égard des pays en développement, un hub doit être mis en place progressivement à Bucarest afin de pérenniser la rédaction numérique en ukrainien. Pouvez-vous apporter des précisions sur ce projet ?

M. Alain David, rapporteur pour avis. Bucarest a été choisi car RFI y est déjà fortement implantée. France Médias Monde affiche une grande confiance dans cette collaboration.

Il est également prévu d’installer une antenne à Beyrouth, le lancement effectif étant en suspens pour d’évidentes raisons de sécurité.

Mme Laetitia Saint-Paul, présidente. Nous passons aux interventions et questions posées à titre individuel.

Mme Amélia Lakrafi (EPR). Je souhaite exprimer ma préoccupation concernant les efforts financiers demandés à France Médias Monde, qui suscitent en son sein bien des inquiétudes. J’ajoute que, dans le contexte actuel de guerre informationnelle, TV5 Monde est un atout stratégique de notre pays. Nous devons prendre garde à ne pas envoyer un signal de désintérêt pour ces médias.

M. Alain David, rapporteur pour avis. Je partage votre préoccupation.

M. Frédéric Petit (Dem). Je précise que les raisons de notre abstention sont liées au manque d’équilibre du budget de l’audiovisuel public, qui alloue 4 milliards d’euros aux médias nationaux et seulement 300 millions d’euros aux médias tournés vers l’international, qui portent la voix de la France. Pourquoi ne pas se passer de quelques programmes nationaux, dont la qualité est aléatoire, pour trouver les quelques millions qui manquent à France Médias Monde ?

M. Alain David, rapporteur pour avis. Le Royaume-Uni avec BBC World et l’Allemagne avec Deutsche Welle ont bien compris l’intérêt de soutenir leurs médias internationaux pour le rayonnement de leur pays dans le monde.

*

Article 42 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-AE73 de Mme Marine Hamelet

Mme Marine Hamelet (RN). Cet amendement propose de diminuer les crédits de France Télévisions et de Radio France, respectivement, de 150 millions et 50 millions d’euros afin de les inciter à une gestion plus responsable en recentrant leurs activités et en revoyant leur modèle économique. Ces entités se sont dispersées en créant des chaînes et des fréquences redondantes. Les économies ici proposées sont nécessaires et entièrement neutres pour le quotidien des Français. Avec cet amendement, nous entendons poser les bases d’une réflexion plus large sur l’audiovisuel public.

M. Alain David, rapporteur pour avis. Vous proposez de démanteler le service public audiovisuel, alors qu’il est de qualité et que les Français y sont attachés. Avis défavorable.

M. Frédéric Petit (Dem). Je suis contre cet amendement mais il me donne l’occasion de rappeler qu’il ne manque que 6 millions d’euros à France Médias Monde pour pouvoir produire des programmes et porter la voix de la France dans vingt et une langues. Il n’existe pas de programmes en peul à vendre, il faut les produire.

M. Alain David, rapporteur pour avis. Je suis tenté de dire « chiche ! » à nos collègues qui soutiennent le Gouvernement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE74 de M. Pierre Pribetich

M. Pierre Pribetich (SOC). Cet amendement vise à sécuriser les crédits alloués aux entreprises de l’audiovisuel public en transférant les crédits de transformation de chaque société vers leur programme socle. Il s’agit d’assurer à chacune de ces sociétés un financement certain et prévisible alors qu’elles font face à de nombreuses incertitudes sur leur financement après des années de coupes budgétaires.

M. Alain David, rapporteur pour avis. Le programme de transformation a subi des coupes budgétaires importantes en 2024 – 20 millions d’euros en moins – et les montants inscrits pour 2025 sont très inférieurs à ce à quoi l’État s’était engagé. Il faut donc garantir que l’État ne piochera pas dans ce programme. Cet amendement permet de sécuriser les financements. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE75 de M. Alain David

M. Alain David, rapporteur pour avis. Cet amendement suit la même logique de sécurisation que l’amendement précédent mais son périmètre est limité à France Médias Monde. Il propose d’inscrire 2 millions d’euros de crédits directement sur sa dotation de base, plutôt que sur le programme de transformation.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE71 de Mme Marine Hamelet

Mme Marine Hamelet (RN). Cet amendement vise à retirer 1 million d’euros de la dotation de France Médias Monde au titre de son financement et de sa participation au pilotage du site InfoMigrants. Les journalistes de ce site ont fait l’objet de plusieurs recadrages, notamment sur des prises de position plus que contestables sur le conflit israélo-palestinien. Ils continuent à publier des articles insultants pour les Français.

M. Alain David, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Votre amendement contribue à alimenter les fantasmes dont InfoMigrants est l’objet. Loin de promouvoir la migration illégale vers l’Europe, ce site permet de lutter contre la désinformation dont les migrants sont victimes, où qu’ils se trouvent. Fruit d’une coopération entre France Médias Monde, Deutsche Welle et l’agence de presse italienne Ansa, le site – dont France Médias Monde est le coordinateur – est financé par la Commission européenne.

Réduire son financement aurait pour seul effet de fragiliser un fleuron français de l’information.

La commission rejette l’amendement.

Puis, la commission émet un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission Audiovisuel public relatifs à l’Audiovisuel extérieur.

Article 45 et état G : Objectifs et indicateurs de performance

Amendement II-AE70 de Mme Marine Hamelet

Mme Marine Hamelet (RN). Cet amendement propose d’ajouter un indicateur de performance au programme 375, afin d’évaluer la part des ressources propres – recettes publicitaires, parrainages et abonnements – de France Médias Monde.

Le contrat d’objectifs et de moyens pour la période 2024-2028 prévoit une hausse des ressources propres de seulement 6 % alors que les dotations publiques devraient augmenter de 17 %. Dans ces conditions, la part des ressources propres dans les ressources totales du groupe baissera de 0,5 %. Elle est pourtant un bon indicateur de la performance d’un média et de l’accueil de son audience.

M. Alain David, rapporteur pour avis. L’indicateur que vous proposez est redondant puisque le dispositif en place permet déjà de suivre l’évolution du montant des ressources propres. Un indicateur de performance doit être un outil d’analyse et non un prétexte à des postures politiques.

La commission rejette l’amendement.

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Mme Laetitia Saint-Paul, présidente. Les moyens de la mission Économie dans le projet de loi de finances pour 2025 se chiffrent à environ 3,9 milliards d’euros, en baisse de 9,3 %.

Notre rapporteur pour avis a choisi de consacrer la partie thématique de ses travaux aux défis rencontrés par la filière aéronautique. L’aéronautique civile et militaire dégage les excédents les plus importants de la balance commerciale française avec un résultat net supérieur à 23 milliards d’euros ces dernières années, plaçant la France au rang de deuxième exportateur mondial avec 22 % du marché mondial, derrière les États-Unis, avec 35 %. Contrairement à des secteurs comme l’agroalimentaire ou l’automobile, notre pays a même vu sa part de marché augmenter de 8 points en dix ans.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Les crédits du commerce extérieur visent à consolider la position de la France sur les marchés internationaux et à soutenir nos entreprises dans un environnement mondial de plus en plus complexe et tendu.

En 2023, les échanges commerciaux, qui représentent environ 30 milliards d’euros, ont diminué au total de 3 % par rapport à l’année précédente. Si le commerce des services a progressé de 8 %, grâce à une forte reprise du tourisme, celui des biens a diminué de 5 % en raison notamment du maintien de l’inflation à un niveau élevé, de la hausse des taux d’intérêt et des tensions géopolitiques, en particulier le conflit en Ukraine. Ces éléments ont entraîné une demande réduite, en particulier dans les économies développées, et ont également affecté les échanges en Asie de l’Est et en Amérique latine.

L’Organisation mondiale du commerce (OMC) et le Fonds monétaire international (FMI) prévoient une reprise du commerce mondial en 2024. Le commerce des marchandises, qui n’a crû que de 0,8 % en 2023, devrait croître de 2,6 à 3,3 %. Cette reprise devrait être soutenue par une baisse de l’inflation et des taux d’intérêt et une augmentation de l’activité économique.

En 2023, le déficit commercial de la France est passé sous la barre des 100 milliards d’euros, se plaçant à 99,3 milliards contre 162,7 milliards en 2022, grâce à une baisse des importations d’environ 7 % et à une légère hausse des exportations d’environ 1,5 %. En revanche, le déficit énergétique, à 68,7 milliards, continue de peser et représente 69 % du déficit global.

Au cours du premier trimestre de 2024, le déficit commercial s’est encore réduit, atteignant 17,6 milliards d’euros, soit une amélioration de 2,7 milliards par rapport au trimestre précédent. Ce résultat s’explique par une réduction continue des importations, notamment dans le secteur énergétique, ainsi que par une légère augmentation des exportations, particulièrement dans les secteurs des produits chimiques et cosmétiques. Toutefois, le déficit reste encore supérieur au niveau enregistré en 2019, avant la crise du Covid.

Au premier semestre 2024, la France comptait 149 600 entreprises exportatrices, soit une augmentation de 3 200 entreprises par rapport au premier semestre 2023. Cette augmentation traduit un regain d’intérêt des entreprises françaises pour les marchés étrangers, malgré un environnement économique global marqué par des incertitudes géopolitiques et économiques. Les principaux groupes français ne constituent que 3 % de ce total mais concentrent 53 % des exportations françaises, alors que les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) représentent 79 % des entreprises exportatrices mais seulement 23 % des montants exportés.

Le député toulousain que je suis a choisi pour thème de son rapport la filière aéronautique, qui constitue le premier poste de notre commerce extérieur. Grâce à la reprise du transport aérien mondial, ses exportations ont progressé de 16,7 % pour atteindre 55,9 milliards d’euros. L’excédent du secteur aéronautique s’établit ainsi à environ 31 milliards, en hausse de 5,8 milliards par rapport à 2022. Ce niveau très élevé reste néanmoins inférieur à la période d’avant le Covid. Le poids de l’aéronautique dans les exportations françaises a légèrement augmenté, passant de 8,2 % en 2022 à 9,4 % en 2023. La filière aéronautique française est donc un moteur essentiel de la croissance économique.

La reprise spectaculaire du trafic aérien international, en hausse de 37 % en 2023, a ravivé la demande et a permis à Airbus de consolider sa pole position. Le constructeur européen a enregistré 2 094 commandes nettes d’avions commerciaux en 2023, soit une augmentation de 155 % par rapport à l’année précédente, avec 820 avions. Ce carnet de commandes exceptionnel assure près de dix années de production à Airbus et à ses sous-traitants, offrant ainsi une stabilité et une visibilité à long terme pour l’ensemble de notre filière aéronautique et ses 200 000 emplois, directs et induits.

De manière un peu paradoxale, ces commandes massives, bien qu’essentielles pour la croissance et les emplois de la filière, posent plusieurs défis structurels et opérationnels touchant l’ensemble de la chaîne de production. Parmi les difficultés rencontrées figurent les tensions croissantes sur les approvisionnements, la nécessaire réorganisation des sous-traitants et la pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Ces facteurs risquent de ralentir la montée en cadence de la production, voire de compromettre la capacité de nos entreprises à répondre dans les délais aux attentes de leurs clients.

Pour mieux appréhender ces défis, je me suis rendu chez Airbus Atlantic à Saint-Nazaire, succursale qui est directement concernée par les enjeux pesant sur la filière aéronautique. Les difficultés de Boeing, à première vue bénéfiques pour le constructeur européen, ne sont pas une bonne nouvelle, les deux avionneurs partageant des fournisseurs de composants et de matériaux. Les perturbations chez Boeing affectent la santé financière de ses fournisseurs et, indirectement, la chaîne d’approvisionnement d’Airbus. À plus long terme, c’est l’incitation à l’innovation qui pourrait être touchée.

Un autre obstacle à la montée en cadence est la pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Pour que la filière conserve son premier rang et continue à rééquilibrer la balance commerciale, le soutien des pouvoirs publics doit être constant et prendre plusieurs formes : le renforcement des investissements publics dans la recherche ; la facilitation de l’accès au financement pour les sous-traitants ; l’encouragement fort à la formation professionnelle et à l’apprentissage.

En conclusion, je vous invite à adopter les crédits du commerce extérieur et de la diplomatie économique de la mission Économie.

Mme Laetitia Saint-Paul, présidente. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Pascale Got (SOC). Regrettant les réductions de crédits alloués à plusieurs opérateurs, nous proposerons de rehausser le financement de Business France au niveau de 2024 car la baisse prévue de 10 millions d’euros n’envoie pas un bon signal pour l’accompagnement à l’export des très petites entreprises (TPE) et des ETI. Concernant l’Association française de normalisation (Afnor), nous défendrons également un amendement visant à rétablir les crédits à leur niveau de 2024. Enfin, la baisse du financement de la Banque publique d’investissement (BPIFrance) empêchera celle-ci d’aider les PME à s’implanter dans des régions plus risquées mais stratégiques pour notre économie.

Nous proposons de créer une mission d’information visant à identifier les réels bénéficiaires du plan Osez l’export, et à en mesurer l’ampleur.

Le rapprochement de Business France et d’Atout France annoncé par le premier ministre a pris de court les professionnels du tourisme et provoque l’inquiétude. Nous proposons un amendement visant à annuler la réduction de 32 ETP au détriment d’Atout France.

En conclusion, les réductions budgétaires fragilisent notre soutien au commerce extérieur et à la diplomatie économique. Il importe de renforcer, et non de diminuer, les moyens accordés aux acteurs stratégiques afin d’assurer le rayonnement de notre économie à l’international.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Je vous répondrai sur le rapprochement Business France-Atout France et sur l’Afnor quand nous examinerons vos amendements.

Concernant le plan Osez l’export, je partage assez votre avis. Le dispositif de volontariat international en entreprise (VIE), qui concerne 1 239 entreprises et 7 645 personnes, fonctionne bien. De même, la prise en charge du coût de la location d’un stand lors de foires et de salons est passée de 17 % à 30 %. Je suis d’accord pour que l’on évalue la pertinence et l’efficience de ce plan – on ne m’a pas dit ce qui fonctionne moins bien.

Mme Clémentine Autain (EcoS). Vous avez choisi de consacrer votre rapport thématique à l’aéronautique sans jamais évoquer le réchauffement climatique, sur lequel ce secteur a un impact considérable. Nous ne partageons pas votre vision de l’économie qui n’envisage son développement que sous l’angle de la dérégulation généralisée. Nous pensons, au contraire, qu’il faut partir des besoins de la population et que les échanges commerciaux doivent prendre en considération l’impératif écologique.

Si le déficit commercial est en résorption, cela tient surtout à la performance des grandes entreprises : 3 % des entreprises concentrent 53 % des exportations françaises, alors que les PME, qui constituent 79 % des entreprises exportatrices, n’en représentent que 23 %. Il est important que notre tissu de TPE-PME profite des échanges dans une logique de relocalisation de l’économie. Le commerce est nécessaire, pas le grand déménagement du monde.

Alors que tout cela est assez complexe à gérer, nous manquons d’outils adaptés. Les crédits de Business France passent de 4,8 millions à 3,8 millions d’euros – encore faudrait-il savoir ce que fait cet opérateur. Les termes de « subvention pour charges de service public » montrent déjà que quelque chose ne tourne pas rond : le business ne peut pas être un objectif en soi. Il faudrait redéfinir entièrement le concept de commerce extérieur, en prenant en considération la lutte indispensable contre le réchauffement climatique.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Je ne fais qu’émettre un avis sur un document que je n’ai pas moi-même rédigé. Si le PLF n’évoque pas les questions que vous avez soulevées, ce n’est pas de mon fait.

Par ailleurs, en tant que membre de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), j’ai présenté en mai 2024 un rapport sur la décarbonation du secteur de l’aéronautique, autrement dit sur l’avion vert. Ce sujet me préoccupe mais il ne s’inscrit pas dans le cadre de cet avis budgétaire. Le trafic mondial aérien, selon le consensus scientifique, pèse pour environ 3 % dans les émissions de gaz à effet de serre. Chaque nouveau programme d’avion apporte un gain de consommation d’environ 30 %. Il faut donc favoriser la production de nouveaux avions plus sobres, qui permettront de renouveler la flotte et de moins polluer.

Mme Maud Petit (Dem). À l’exception de l’action 02, Développement international de l’économie française, du programme 305, Stratégies économiques, en hausse de 1,29 %, les moyens budgétaires alloués au commerce extérieur subissent une baisse. Cela touche aussi bien Business France et Atout France que le fonds d’études et d’aide au secteur privé.

La note de conjoncture du 10 octobre 2024 de l’INSEE montre que le moteur de l’économie n’est ni la consommation des ménages, ni l’investissement des entreprises, mais bien le commerce extérieur, qui contribue pour 1,3 point à la croissance du produit intérieur brut (PIB). Si le commerce extérieur se porte relativement mieux ces derniers mois, c’est en partie grâce au travail accompli par Business France et aux subventions stables qui lui ont été allouées dans le programme 134, Développement des entreprises et régulations, conformément au contrat d’objectifs et de moyens 2023-2026.

Cette année, cette subvention sera revue à la baisse de 10 %. S’il est compréhensible que la mission Économie prenne sa part dans la restriction des dépenses publiques, celle-ci est tout de même importante, même si c’est surtout de stabilité et de visibilité qu’a besoin Business France pour assumer ses missions de service public. Est-il possible de savoir si la baisse des crédits aura des répercussions sur le commerce extérieur ?

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Compte tenu de la baisse, le montant de la subvention de Business France reste tout de même supérieur à celui de 2022, la hausse de 2023 étant exceptionnelle. Si l’on considère, comme c’est mon cas et le vôtre, que cet opérateur s’acquitte pleinement de ses missions, on peut en effet s’interroger sur la volonté de le doter de ressources suffisantes. Nous y reviendrons lorsque nous examinerons l’amendement relatif à l’hypothèse d’un rapprochement avec Atout France.

Mme Sylvie Josserand (RN). Permettez-moi de ne pas partager votre optimisme. Certes, l’année 2023 fut meilleure que 2022 mais cette dernière, avec un déficit commercial de 163 milliards d’euros, fut la pire année de l’histoire économique récente. Avec 100 milliards, 2023 occupe donc la deuxième place sur la triste échelle des records les plus calamiteux.

Depuis le début des années 2000, le solde négatif constant de la balance commerciale des biens semble n’émouvoir personne. Cette situation est la conséquence de choix politiques suicidaires qui ont conduit à la désindustrialisation du pays, avec à sa suite des emplois perdus, des compétences sacrifiées et des outils de production détruits. Nous sommes devenus un pays de services, vulnérable à la moindre secousse géopolitique. Nous n’exportons plus et l’amélioration légère de notre balance est le fait de la baisse de nos importations, preuve que cela ne va pas très bien.

L’excuse du Covid ne peut être perpétuellement avancée. En 2023, l’Allemagne a enregistré un excédent commercial de 210 milliards d’euros. La réussite de la filière aéronautique ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. Si la facture énergétique pèse sur les entreprises françaises et affecte leur compétitivité à l’export, nous regrettons que la mission Économie ne s’attache pas à donner la priorité à leurs intérêts.

Les propositions du PLF ne semblent pas à la hauteur des enjeux et ne sont porteuses d’aucune rupture concrète avec les politiques antérieures. Dans ces conditions, nous voterons contre ces crédits.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Les chiffres sont en effet implacables. Nous venons enfin de passer sous la barre symbolique des 100 milliards d’euros de déficit, après avoir crevé le plafond. La lourdeur de la facture énergétique en est l’une des explications objectives. D’autres pays font mieux que nous, c’est possible, mais d’autres aussi font moins bien.

J’ai insisté sur le rôle du secteur aéronautique, qui est le premier poste à l’export, et sur les menaces qui planent sur lui. Quant à la souveraineté industrielle, nous y sommes tous sensibles. Il faut être très vigilants parce que les résultats sont assez fragiles, dans un environnement complexe à tous points de vue, géopolitique comme normatif.

Mme Amélia Lakrafi (EPR). Vous mettez en garde contre la diminution du nombre d’ETP subie par le réseau international de la direction générale du Trésor (DG Trésor), contre laquelle j’ai moi-même eu diverses occasions de protester. Cependant, depuis plus d’une dizaine d’années, le réseau opérationnel à l’étranger est bien celui de Business France, présent dans cinquante-trois pays, qui propose une large gamme de programmes, d’événements, de salons, et gère le dispositif VIE, si important pour les entreprises et les jeunes diplômés.

Je ne suis pas partisane d’une gestion exclusive de notre programme d’animation commerciale à l’étranger par Business France. Lorsque j’étais rapporteure pour avis sur les crédits du commerce extérieur, j’avais indiqué qu’il devait laisser une place aux acteurs du privé – opérateurs spécialisés du commerce international (OSCI), clubs d’affaires et chambres de commerce et d’industrie (CCI) à l’étranger. Toutefois, je ne suis pas favorable à la baisse de 11 millions de ses crédits, qui me semble bien trop importante. Il me paraît en effet essentiel de préserver son réseau à l’étranger, ainsi que les services en charge du VIE.

Cette baisse des crédits a-t-elle été évoquée lors de vos auditions préparatoires ? Comment était-elle justifiée par vos interlocuteurs ?

Par ailleurs, le premier ministre a avancé l’idée d’un rapprochement entre Business France et Atout France. Comment pourrait-il être opéré compte tenu des statuts très différents de ces deux organismes et dans un contexte budgétaire désormais très contraint pour Business France ?

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Nous aurions aimé auditionner le directeur général de Business France mais il occupe désormais d’autres fonctions, et d’autres acteurs, mais nous n’en avons pas eu le temps. Je partage votre inquiétude pour l’avenir.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Votre rapport rejoint la plupart des études réalisées sur la politique de commerce extérieur menée par la France depuis plus de vingt ans. En octobre 2022, un rapport de la Cour des comptes a ainsi souligné l’insuffisante performance de cette politique, impuissante à équilibrer la balance commerciale et incapable d’endiguer sa dégradation.

Menée sans discontinuer depuis les années 2000, cette politique combine deux tares originelles. L’une est la désindustrialisation, qui est le résultat des choix du capitalisme français et qui a réduit la part de l’industrie dans le PIB à moins de 14 %. L’autre est une politique d’export menée par les gouvernements libéraux ou moyennement socio-libéraux qui se sont succédés depuis 2002, consistant à créer des aides publiques plus coûteuses les unes que les autres – appui aux grands contrats, crédit d’impôt prospection, crédit d’impôt recherche, baisse des impôts de production. La stratégie de Roubaix de 2018, qui prétendait simplifier en déléguant à des opérateurs privés comme Business France, n’a pas permis de mettre fin à la multiplicité des acteurs et aux difficultés rencontrées. Aux services du ministère – DG mondialisation, DG des douanes et droits indirects, DG Trésor – s’ajoutent des opérateurs privés dont le travail est d’une qualité variable selon les pays. Pour deux ou trois exemples qui fonctionnent bien, combien d’échecs ?

Le problème, c’est que nous n’avons pas de stratégie de développement du commerce extérieur. On pourrait la fonder sur des indicateurs, des zones géographiques, des filières. Vous avez cité la filière aéronautique, qui est particulièrement soutenue, mais d’autres méritent d’être développées, comme celle du reconditionnement et de la récupération. Vous savez comme moi que, pour aider une filière, il faut de la formation professionnelle et de l’investissement de l’État. Je ne suis pas certaine que l’opérateur Business France soit le mieux placé pour faire de la diplomatie économique.

Votre vision est un peu optimiste à mon goût. La dégradation du commerce extérieur ne s’arrêtera pas tant qu’on ne changera pas de politique. Nous devons confier la diplomatie économique aux agents d’État qui savaient la faire. Il est malheureux que tout cela ait été détruit : il faut désormais tout reconstruire.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Je ne peux que partager le constat que vous faites de la lente et tendancielle désindustrialisation de notre pays. Je suis d’accord avec vous, les grands groupes trustent l’essentiel des dispositifs d’aide à l’export. Un effort tout particulier a été entamé avec le plan Osez l’export mais il faut davantage le pousser en faveur des ETI et des PME, qui se sentent parfois un peu désemparées devant la complexité de certains dispositifs.

Je ne connais pas bien la filière du reconditionnement mais il est vrai qu’il faut sortir de certains dogmes. Sans prêcher pour un désengagement du secteur aérien, je pense que nous aurions tout intérêt à soutenir un peu plus certaines filières d’avenir à l’export.

Mme Laetitia Saint-Paul, présidente. Nous en venons à présent aux interventions et aux questions posées à titre individuel.

M. Frédéric Petit (Dem). Business France, avec 1 500 agents à Bercy, et Atout France, avec 320 personnes également à Bercy, sont présents dans soixante pays. Le regroupement de ces deux opérateurs est déjà fait en Europe : les postes sont communs et un seul agent part exercer les deux missions.

Par ailleurs, les chambres de commerce à l’international sont des organismes contributifs, qui ne coûtent rien au budget français. Le poste de conseiller du commerce extérieur est en effet bénévole ; il faut même payer 800 euros de sa poche pour être nommé.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Je n’ai rien à ajouter.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Le crédit d’impôt recherche (CIR), qui a coûté 1 milliard d’euros en 2023, n’a pas d’impact sur les exportations selon la Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation dans un rapport paru en 2021. Avez-vous interrogé vos interlocuteurs sur la possibilité de conditionner le CIR aux fins de soutenir le développement des filières à l’export ?

Ne croyez-vous pas que l’accompagnement des ETI et des PME devrait se faire sur la durée ? Participer une fois à un salon ne sert à rien ; en revanche, être soutenu sur la durée, cela peut permettre de devenir un grand exportateur.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Nous n’avons malheureusement pas pu, compte tenu des délais qui nous étaient impartis, organiser toutes les auditions que nous souhaitions. Je ne peux donc répondre à votre question sur le CIR.

Je suis d’accord avec vous sur la nécessité de fournir un effort supplémentaire pour accompagner de manière plus pérenne les ETI et les PME car les grands groupes captent l’essentiel du dispositif grâce à leurs services dédiés à l’export.

Mme Amélia Lakrafi (EPR). Nous avons bien une stratégie export : la Team France Export (TFE), qui date de 2019 et est effective depuis 2020. Sur le terrain, on voit que cela fonctionne. Conseillers du commerce extérieur de la France, clubs d’affaires, conseils économiques travaillent en commun et se montrent plutôt efficaces – certes, plus ou moins selon les pays, mais l’initiative est très récente et il faut la laisser se poursuivre.

Quant au CIR, il représente 7 milliards d’euros, et non pas 1 milliard. De plus, il n’est pas destiné à soutenir l’export.

Mme Laetitia Saint-Paul, présidente. Nos exportations sont-elles toujours portées, en valeur, par l’aéronautique et, en volume, par l’agroalimentaire ? Est-ce encore une tendance lourde pour la décennie à venir ?

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. La première place est occupée par le secteur aéronautique ; la deuxième, par les parfums et cosmétiques ; la troisième par l’agroalimentaire. Certains signes indiquent que les difficultés du secteur agroalimentaire vont perdurer.

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Article 42 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-AE63 de Mme Sylvie Josserand

Mme Sylvie Josserand (RN). La Compagnie française des expositions (Cofrex), dont le seul actionnaire est l’État et qui est présidée par l’ancien député La République en marche Jacques Maire, a reçu 9,2 millions d’euros en 2023 et 2024 pour organiser l’Exposition universelle d’Osaka en 2025. Le PLF pour 2025 prévoit une nouvelle subvention de 2,74 millions, ce qui porterait le total à 12 millions. À titre de comparaison, la participation à l’Exposition universelle de Dubaï en 2020 s’était élevée à 6 millions, répartis sur la période 2018-2021. Dans un contexte de nécessaire rationalisation des dépenses publiques, une réduction du financement de 740 000 euros serait un compromis raisonnable.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. L’Allemagne consacrera près de 50 millions à l’Exposition universelle d’Osaka, soit cinq fois plus que la France. Cela contribuerait-il aux meilleurs résultats de l’Allemagne en matière de commerce extérieur ? On peut se poser la question.

Du reste, un effort de réduction est déjà consenti, puisque la contribution prévue en 2025 est inférieure à celle de 2024. Il ne serait pas raisonnable d’aller au-delà : cela nuirait à la promotion de nos entreprises et de notre pays dans un événement international majeur.

Avis défavorable.

M. Frédéric Petit (Dem). Le coût d’une exposition est pris en charge essentiellement par des cofinancements, pas par de l’argent public. Par ailleurs, Jacques Maire a certes été député mais, une fois son mandat terminé, il est retourné au métier qu’il a exercé pendant des décennies dans la diplomatie économique.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE66 de Mme Pascale Got

Mme Pascale Got (SOC). En cette période de concurrence exacerbée avec la Chine et les États-Unis, il est nécessaire de soutenir nos entreprises dans la modernisation de leurs outils et dans la recherche de nouveaux marchés. Nous proposons de revenir sur la baisse des crédits de Business France et de les rétablir à leur niveau de 2024.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Avis défavorable car il ne s’agit que d’un retour à la normale. Le budget prévu reste supérieur d’environ 6 millions d’euros à celui de 2022.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Le groupe La France insoumise se prononcera contre cet amendement car Business France n’incarne pas, à ses yeux, la diplomatie économique, contrairement à la DG mondialisation, dont c’était le métier. Celle-ci a été déshabillée au profit d’un opérateur privé qui ne sait faire que du business. Selon les acteurs de l’export que j’ai pu auditionner, cela fonctionne mal ; il n’y a pas de synergies, pas de cohérence et tout dépend de la volonté des gens sur place. Nous sommes favorables au retour à la situation antérieure.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE65 de Mme Pascale Got

Mme Pascale Got (SOC). La suppression de la subvention à l’Afnor constitue une erreur majeure, la bataille de la normalisation au niveau international étant stratégique pour nos acteurs économiques, en particulier industriels. Il est proposé de rétablir ces crédits à leur hauteur de 2024.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Nous avons retrouvé une partie des 6 millions d’euros en question : 2 millions sont inscrits à l’action 23 du programme 134, au titre des dépenses de normalisation et de contrôle. Par ailleurs, il faut se souvenir que l’Afnor se finance principalement par ses activités commerciales.

Avis plutôt défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE67 de Mme Pascale Got

Mme Pascale Got (SOC). Les Jeux olympiques ont offert à la France une véritable vitrine touristique. Il faut prolonger la dynamique ainsi créée et l’élargir. De nombreux partenariats existent entre des collectivités territoriales et Atout France, qui permettent de renforcer la visibilité de nos régions. Il convient donc d’annuler la réduction de 32 ETP chez cet opérateur.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Je suis un peu embêté du fait du projet de rapprochement avec Business France. Il faudra rester attentifs à ce qu’il n’altère pas la qualité du service. Avis de sagesse.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE62 de Mme Sylvie Josserand

Mme Sylvie Josserand (RN). Cet amendement vise à supprimer les crédits alloués à quatre entités dont l’objet est la promotion de l’économie dérégulée prônée par l’Union européenne.

L’association Bruegel est un think tank dont le siège est à Bruxelles et dont les publications et le site internet sont exclusivement rédigés en langue anglaise ; un financement par le contribuable français est-il opportun ? Présentée comme indépendante, cette association compte parmi ses fondateurs M. Jean Pisani-Ferry, l’économiste qui a supervisé le programme d’Emmanuel Macron en 2017. Elle a été présidée jusqu’à une période récente par M. Jean-Claude Trichet.

L’association Europe-Finances-Régulations se décrit comme « un think tank visant à élaborer des propositions sur les évolutions de la régulation et de l’organisation des marchés financiers pour faire valoir au niveau national, européen ou international, les vues de ‟l’Europe à 27ˮ ». Elle est présidée par Mme Pervenche Berès, députée européenne de 1994 à 2019.

Au regard de la situation financière préoccupante de notre pays, le financement de telles entités apparaît totalement contraire à l’objectif de maîtrise des finances publiques.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Le montant des contributions à ces quatre entités est déjà réduit de 75 % par rapport à 2024, ce qui représente un effort non négligeable. Par ailleurs, de nombreux chercheurs français travaillent dans ces institutions, qui participent au rayonnement intellectuel de notre pays. Je ne connais pas intimement tous les instituts que vous avez évoqués mais vous avez, par exemple, omis de préciser que le président honoraire de l’association Bruegel est Mario Monti. En revanche, je connais bien l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et, comme d’autres ici, je suis assez sensible à ses analyses. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE64 de Mme Pascale Got

Mme Pascale Got (SOC). Je propose de rétablir à leur niveau de 2024 les crédits destinés au développement de l’économie sociale et solidaire (ESS), un secteur moteur dans l’innovation sociale et territoriale, qui facilite la création d’emplois locaux durables et permet de lutter contre les inégalités. Ce modèle a fait la preuve de son efficacité sur tout le territoire, à travers des dispositifs de soutien aux entreprises sociales et de financement participatif, en France comme à l’étranger. Réduire ses moyens fragiliserait cette dynamique positive en faveur de la résilience économique, de l’inclusion sociale et de la transition écologique.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. L’ESS mérite toute notre attention. Ses résultats à l’export restent toutefois marginaux. Le secteur bénéficie déjà, dans le programme 134, de 16,8 millions d’euros en crédits de paiement et de 15,6 millions en autorisations d’engagement, ce qui, pour le seul segment de l’exportation, me semble non négligeable.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Je ne suis pas d’accord avec vous. L’ESS serait l’acteur territorial le plus efficace pour développer, par exemple, la filière du reconditionnement de produits numériques, une filière d’avenir, écologique et sociale. L’ESS est une économie d’avenir, grande pourvoyeuse d’emplois, à la forte vocation écologique et porteuse de valeurs de solidarité internationale. L’inciter à se tourner vers l’export aurait tout son sens.

Je sais bien que vous ne faites pas la politique du Gouvernement en la matière mais peut-être pourriez-vous réviser votre jugement personnel.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. L’amendement prévoit un transfert de crédits du programme Développement des entreprises et régulations vers le programme Stratégies économiques, quand vous prônez une hausse des crédits consacrés à l’ESS. Je suis tenu d’émettre un avis sur l’amendement déposé par notre collègue.

La commission rejette l’amendement.

Puis, la commission émet un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission Économie relatifs au commerce extérieur et à la diplomatie économique.

 

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Informations relatives à la commission

En ouverture de sa réunion, la commission désigne :

-          Mme Dieynaba Diop représentante de la commission au conseil d’administration de l’Agence pour l’enseignement du français à l’étranger (AEFE), sur le fondement de l’article 2 de la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État.

Lors de sa réunion, la commission nomme également :

-          Mme Éléonore Caroit et M. Guillaume Garot rapporteurs d’information sur l’enjeu alimentaire ;

-          Mme Amélia Lakrafi et M. Aurélien Taché rapporteurs d’information sur l’avenir de la Francophonie ;

-          M. Michel Herbillon rapporteur d’information sur les enjeux et la place de la France dans l’Indopacifique ;

-          M. Jérôme Buisson rapporteur d’information sur les ressources naturelles stratégiques et les terres rares.

 

La séance est levée à 13 h 20.

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Membres présents ou excusés

 

Présents. - M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Clémentine Autain, Mme Anne Bergantz, Mme Véronique Besse, M. Guillaume Bigot, Mme Élisabeth Borne, M. Bertrand Bouyx, M. Jorys Bovet, M. Jérôme Buisson, M. Sébastien Chenu, Mme Sophia Chikirou, M. Pierre Cordier, M. Gérald Darmanin, M. Alain David, Mme Dieynaba Diop, Mme Stella Dupont, M. Marc de Fleurian, M. Nicolas Forissier, M. Guillaume Garot, M. Julien Gokel, Mme Pascale Got, M. Michel Guiniot, Mme Marine Hamelet, M. Michel Herbillon, M. François Hollande, Mme Sylvie Josserand, Mme Brigitte Klinkert, Mme Amélia Lakrafi, M. Arnaud Le Gall, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Alexandra Masson, M. Laurent Mazaury, Mme Isabelle Mesnard, Mme Nathalie Oziol, M. Frédéric Petit, Mme Maud Petit, M. Kévin Pfeffer, M. Jean-François Portarrieu, M. Pierre Pribetich, M. Stéphane Rambaud, M. Franck Riester, M. Davy Rimane, Mme Laurence Robert-Dehault, M. Jean-Louis Roumégas, Mme Marie-Ange Rousselot, Mme Laetitia Saint-Paul, Mme Michèle Tabarot, M. Aurélien Taché, Mme Liliana Tanguy, Mme Dominique Voynet

 

Excusés. - Mme Nadège Abomangoli, M. Pierre-Yves Cadalen, Mme Éléonore Caroit, Mme Christelle D'Intorni, M. Olivier Faure, M. Bruno Fuchs, M. Perceval Gaillard, Mme Marine Le Pen, M. Laurent Marcangeli, Mme Mathilde Panot, M. Remi Provendier, Mme Sabrina Sebaihi, M. Laurent Wauquiez, Mme Estelle Youssouffa