Compte rendu
Commission
des affaires étrangères
– Examen, ouvert à la presse, du rapport d’information sur les ressources naturelles stratégiques et les terres rares (M. Jérôme Buisson, rapporteur). 2
Mercredi
18 décembre 2024
Séance de 9 heures
Compte rendu n° 23
session ordinaire 2024-2025
Présidence
de M. Bruno Fuchs,
Président
— 1 —
La commission procède à l’examen, ouvert à la presse, du rapport d’information sur les ressources naturelles stratégiques et les terres rares de M. Jérôme Buisson.
La séance est ouverte à 9 h 00.
Présidence de M. Bruno Fuchs, président.
M. le président Bruno Fuchs. Avant d’en venir à l’ordre du jour, je voudrais avoir un mot sur les terribles conséquences du cyclone tropical Chido qui a frappé Mayotte. Nous vivons dans notre chair l’ensemble des conséquences dramatiques de ce cyclone tropical. En hommage à toutes les victimes disparues, je souhaiterais, mes chers collègues, observer une minute de silence au sein de cette commission.
Les membres de la commission observent une minute de silence.
L’ordre du jour appelle ce matin l’examen du rapport d’information de notre collègue Jérôme Buisson sur les ressources naturelles stratégiques et les terres rares. Le rendu de ce rapport a été décalé une première fois en raison de la dissolution de l’Assemblée nationale, puis une deuxième fois lors du vote de la censure. Je réitère nos remerciements à M. Buisson d’avoir accepté ces reports successifs. Nous sommes enfin réunis pour exprimer l’avis de la commission sur ce rapport d’information, débuté en binôme avec l’ancienne députée Stéphanie Kochert.
Je rappellerais d’abord que la présidente de la Commission européenne soulignait, il y a deux ans maintenant, devant le Parlement européen, que : « Le lithium et les terres rares seront bientôt plus importants encore que le pétrole et le gaz […]. Le seul problème est qu’actuellement un unique pays contrôle la quasi-totalité du marché ». Ces quelques mots résument finalement assez bien les défis et enjeux auxquels s’est intéressé le rapport qui va nous être présenté. De fait, le déploiement des énergies renouvelables et de l’électrification des transports dans le monde repose aujourd’hui sur un certain nombre de ressources naturelles clés. En ce sens, ces ressources revêtent une valeur stratégique tant elles façonnent l’avenir de l’économie mondiale.
L’importance de l’accès à ces ressources conduit à une profonde remise en cause des équilibres géopolitiques et énergétiques mondiaux. Extrêmement concentrée autour de quelques États et entreprises, l’organisation des chaînes de valeur de ces ressources, depuis leur extraction jusqu’à leur utilisation et leur recyclage, crée des effets de dépendance, dont la pandémie de coronavirus et la guerre en Ukraine ont rappelé les dangers. À titre d’illustration, la Chine produit actuellement 60 % des terres rares du monde et elle détient 36 % de leurs réserves ainsi que 90 % des éléments de terres rares transformés. Les exemples de ce type pourraient se multiplier, l’hyperconcentration des chaînes de valeur des ressources stratégiques étant la règle. Dans tous les cas, la Chine s’impose comme un acteur incontournable en la matière.
En France, à la suite de la publication du rapport de Philippe Varin en janvier 2022, une délégation interministérielle aux approvisionnements en minerais et métaux stratégiques a été créée. Son responsable a d’ailleurs été auditionné le 15 mars 2023 par cette commission. L’une de ses premières décisions a consisté à lancer un inventaire des ressources présentes dans le sous-sol français, placé sous la responsabilité du bureau de recherches géologiques et minières, dont les résultats devraient aboutir d’ici cinq ans environ.
Parallèlement, des mesures de soutien aux projets industriels et aux approvisionnements sur le long terme dans les filières de minerais et métaux stratégiques ont été prises, à travers notamment l’institution d’un crédit d’impôt au titre des investissements dans l’industrie verte (C3IV).
Enfin, dans le cadre de la « diplomatie des métaux », notre pays a signé six partenariats bilatéraux sur les métaux critiques, avec le Canada, le Québec, l’Australie, la République démocratique du Congo, le Kazakhstan et la Mongolie.
En tout état de cause, nous ne sommes qu’au début d’une véritable révolution économique et industrielle, aux implications géopolitiques majeures.
Monsieur le rapporteur, dans le cadre de votre travail, vous avez procédé à de nombreuses auditions et vous vous êtes rendu en Suède et en République démocratique du Congo. Je vous cède la parole pour la présentation de ce rapport, qui ne manquera pas de susciter une grande attention de la part de l’ensemble des membres de la commission.
M. Jérôme Buisson, rapporteur. Monsieur le président, mes chers collègues, j’aimerais tout d’abord avoir un mot pour notre ancienne collègue, Mme Stéphanie Kochert –que je remercie et salue – avec laquelle j’ai travaillé de concert pour la grande majorité des travaux qui ont mené à ce rapport.
Il me revient aujourd’hui de vous présenter les conclusions des travaux que j’ai menés depuis plusieurs mois sur les approvisionnements en ressources stratégiques et en métaux critiques utilisés dans le cadre de la double transition écologique et numérique, ce qui constitue peut-être le sujet central du XXIe siècle.
Ceux-ci sont, en effet, indispensables à la fabrication de véhicules électrifiés, au développement de l’énergie nucléaire, éolienne, solaire, de l’hydrogène ou encore de l’électronique et de l’aéronautique.
Cette question n’est pas nouvelle et s’inscrit dans le sillage d’une réflexion plus large sur les vulnérabilités de notre pays et de l’Union européenne, ainsi que leurs dépendances à l’égard de puissances étrangères aux stratégies commerciales plus ou moins coopératives.
Pour autant, son importance ne s’est révélée que récemment, à l’aune de diverses crises d’approvisionnement.
La crise liée à la pandémie de Covid‑19 a mis en lumière des difficultés liées au développement et à l’allongement des chaînes de valeur mondiales. Les confinements décidés à travers le monde ont parfois entravé l’offre des pays, en engendrant de nombreux problèmes d’approvisionnement d’intrants et en bloquant les étapes aval de fabrication des produits utilisant ces intrants.
Plus récemment, la guerre menée en Ukraine a confirmé la fragilité de l’Union européenne vis-à-vis de la Russie, qui représentait, il n’y a pas si longtemps encore, une part importante des approvisionnements énergétiques européens pour les trois énergies fossiles : pétrole, gaz naturel et charbon.
Cette prise de conscience entre en résonance avec l’évolution, depuis une dizaine d’années, de la doctrine de notre politique industrielle, en théorie du moins. L’appropriation politique de l’objectif d’autonomie stratégique – ou de souveraineté stratégique, selon le vocable utilisé – en est sans doute l’aboutissement le plus révélateur. Il reste à en évaluer la mise en œuvre concrète, qui laisse encore à désirer.
Or, les chaînes de valeur des ressources stratégiques n’échappent pas à ces vulnérabilités, alors même que leur accès devient un enjeu structurant de l’économie mondiale.
Les transitions énergétiques et numériques sont incontestablement « métallivores ». La consommation mondiale de ressources stratégiques devrait croître de manière exponentielle dans les années à venir. L’humanité pourrait extraire, d’ici le milieu du XXIe siècle, autant de ressources métalliques qu’elle en a consommées depuis le début de l’âge de fer pour couvrir ses besoins.
Certains minéraux et métaux seront plus particulièrement sollicités. C’est le cas du cuivre, le grand métal de la révolution énergétique dont la demande pourrait quadrupler à court terme, tant il est actuellement indispensable à la construction de véhicules électriques et pour raccorder les bornes de recharge au réseau électrique. De même, la consommation en lithium pourrait être multipliée par quarante d’ici le milieu du siècle, celle du graphite et du cobalt par vingt-cinq et celle des terres rares par sept.
Au regard de ces éléments, plusieurs conclusions s’imposent.
L’état des réserves mondiales en ressources stratégiques devrait permettre de couvrir globalement l’augmentation de la demande, mais le principal enjeu sera d’être capable de produire à un rythme suffisamment rapide pour suivre celui de la transition énergétique. En effet, le développement d’un projet d’extraction permettant d’exploiter une ressource – une fois celle-ci identifiée – prend du temps, parfois jusqu’à vingt ans. Les projets d’usines de transformation sont également à concevoir sur le temps long, tout comme la qualification des matériaux correspondants à une innovation technologique.
Les quantités requises dans le futur demanderont des investissements colossaux dans l’industrie minérale à l’échelle mondiale, qui dépasseront les 1 000 milliards de dollars. La difficulté à mobiliser de tels investissements pourrait, là encore, freiner le rythme de croissance de l’offre mondiale.
Toutefois, la principale inquiétude demeure liée à l’organisation des chaînes de valeur et d’approvisionnement des minerais et métaux stratégiques. Leur structuration présente, en effet, des degrés de concentration géographique et capitalistique largement supérieurs à celui du pétrole, au bénéfice de la Chine. Cette dernière produit ainsi actuellement 60 % des terres rares du monde, détient 36 % de leurs réserves et 90 % des éléments de terres rares transformés, ce qui signifie qu’elle importe des terres rares d’autres pays et les transforme sur son territoire. Cette position dominante est ancienne : les efforts déployés par Pékin pour intégrer l’économie chinoise à la mondialisation lui ont permis d’ « inonder » le marché d’éléments de terres rares à prix bas et de devenir ainsi son premier producteur mondial dès les années 1990.
Un tel scénario s’observe également dans le cas du cobalt, utilisé dans des domaines stratégiques. Or, 70 % de sa production provient aujourd’hui de la République démocratique du Congo et repose sur quelques entreprises seulement, toutes étrangères, dont d’importants groupes chinois. Le raffinage du cobalt est encore plus dépendant des opérateurs chinois puisqu’ils contrôlent 50 % du volume mondial de cobalt raffiné.
Les exemples de ce type pourraient se multiplier, l’hyperconcentration des chaînes de valeur étant la règle. Dans tous les cas, la Chine s’impose comme un acteur incontournable. Or, cette géographie n’est pas seulement influencée par des facteurs géologiques : elle doit aussi beaucoup à la poursuite d’une politique de long terme menée par Pékin et débutée dès les années 1980 sur le marché des terres rares. Il s’agit alors pour la Chine d’assurer son indépendance industrielle à travers la construction d’entreprises verticalement intégrées et contrôlant les chaînes de valeur sur lesquelles elles sont installées, de soutenir son développement économique et de construire un outil militaire fondé sur une industrie de pointe. Cette stratégie repose sur des investissements massifs opérés sur les actifs miniers, les réserves ainsi que les infrastructures énergétiques, de transports et de télécommunications. Elle est complétée, depuis le début des années 2000, par la poursuite d’une politique de sécurisation de ses approvisionnements en matières premières. C’est dans ce cadre que la Chine s’est rapprochée de plusieurs États africains producteurs de ressources.
Cette situation est problématique à plus d’un titre.
Elle permet à la Chine et à quelques entreprises de contrôler l’avenir de la production industrielle associée aux révolutions numérique et écologique et d’utiliser les ressources stratégiques comme un outil de rétorsion à l’égard de ses partenaires économiques. La restriction des exportations chinoises de terres rares observée en 2010 trouvait sa source dans un différend entre la Chine et le Japon autour des îles Senkaku, administrées par le Japon, mais revendiquées par la Chine. Le contrôle des exportations de graphite, instauré à la fin de l’année 2023, répondait à une même logique de représailles, à l’encontre cette fois des États-Unis, qui entendaient prohiber l’exportation vers la Chine de puces recourant aux technologies de l’intelligence artificielle. Le 16 novembre dernier, le ministère de l’économie chinois a annoncé souhaiter introduire de nouvelles restrictions d’exportations sur le tungstène, le magnésium et l’aluminium.
Dans ce contexte, les États producteurs et consommateurs de ressources stratégiques tentent de se repositionner sur les chaînes de valeur pour en rééquilibrer le fonctionnement et en tirer un meilleur profit.
Un grand nombre de pays producteurs cherchent aujourd’hui à mieux profiter de la présence de ressources stratégiques sur leur territoire. Pour eux, l’enjeu est au moins triple : éviter que le secteur primaire ne domine de nouveau leur économie, investir davantage dans l’aval de la chaîne de valeur monopolisé, pour l’heure, par la Chine, et contourner les aléas des évolutions technologiques, qui risquent de causer la perte de leurs actifs miniers.
On peut penser à l’Indonésie, premier producteur et deuxième exportateur mondial d’étain, qui met en place une forme de nationalisme industriel.
Cette politique doit d’autant plus nous intéresser qu’elle n’est pas sans lien avec la crise du nickel que connaît la Nouvelle‑Calédonie, fortement impactée par la baisse tendancielle des prix de cette ressource sous l’effet de l’augmentation de la production indonésienne et du différentiel du coût de l’électricité entre nos deux pays.
C’est aussi le cas en République démocratique du Congo, qui a modifié son code minier dans un sens plus favorable à ses intérêts, renégocie certains des contrats passés par des entreprises chinoises, et cherche à diversifier ses partenariats économiques pour contrebalancer la présence de capitaux chinois.
Face à l’émergence de ces nouveaux rapports de force internationaux, les pays consommateurs très dépendants définissent progressivement des stratégies qui ne sont pas centrées sur les seuls minerais et métaux, mais visent plus largement la résilience de leurs chaînes de valeur industrielle.
Ces stratégies doivent permettre de mieux identifier leurs besoins, de diversifier leurs sources d’approvisionnement et d’ouvrir de nouvelles mines sur leur territoire. En ce sens, la transition écologique est aussi une révolution industrielle.
Dans le cas de l’Union européenne, le Conseil et le Parlement ont adopté tout récemment un accord, le Critical Raw Materials Act, qui laisse entrevoir l’avènement d’une réelle stratégie européenne en termes de matières premières critiques.
Faisant suite à la déclaration de Versailles de 2022, ce règlement fixe une série d’objectifs à l’horizon 2030 : l’extraction, la transformation et le recyclage opérés dans l’Union européenne doivent couvrir respectivement 10 %, 40 % et 15 % de sa consommation annuelle. Par ailleurs, pas plus de 65 % de la consommation annuelle de chaque matière première stratégique dans l’Union ne doit provenir, à n’importe quel stade de transformation pertinent, d’un seul pays tiers.
Parallèlement, l’Europe poursuit une politique partenariale avec de nombreux États, à l’instar de l’Argentine, de l’Afrique du Sud, du Canada, du Chili, du Groenland et du Kazakhstan. Ces accords visent non seulement l’accès à la ressource, mais cherchent aussi à promouvoir le développement des industries extractives et de transformation en respectant des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance stricts.
Quant à la France, sa prise de conscience est aussi très récente. À la suite de la remise au gouvernement du rapport de M. Philippe Varin, en janvier 2022, notre pays a progressivement dessiné les contours d’une stratégie nationale sur les minerais et les métaux critiques. Il a ainsi créé des institutions spécifiques chargées d’en assurer le pilotage et la mise en œuvre, à l’instar de la délégation interministérielle aux approvisionnements en minerais et métaux stratégiques (DIAMMS). L’une de ses premières décisions a consisté à mener un inventaire des ressources présentes dans le sous-sol français placé sous la responsabilité du bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), dont les résultats devraient aboutir d’ici cinq ans environ.
La France tente également de renforcer son soutien aux projets industriels dans les filières des minerais et métaux stratégiques et la conclusion de contrats d’approvisionnement à long terme (offtakes).
Elle a développé différents outils parmi lesquels le C3IV, qui permet de soutenir financièrement dans le pays les projets des chaînes de valeur relatives aux batteries, éoliennes, panneaux solaires et pompes à chaleur, ainsi qu’un fonds d’investissement dédié aux minerais et métaux critiques. Ce dernier poursuit l’objectif d’une levée d’au moins 2 milliards d’euros, dont 500 millions d’euros de crédits de l’État mobilisés à travers France 2030 d’ici à la fin de l’année 2024.
Enfin, une grande part de son action internationale consiste à conclure des partenariats stratégiques bilatéraux dans le cadre de sa « diplomatie des métaux ».
En 2023, notre pays a par exemple signé six partenariats bilatéraux sur les métaux critiques, avec le Canada, le Québec, l’Australie, la République démocratique du Congo, le Kazakhstan et la Mongolie.
Ces politiques n’en sont toutefois qu’à leurs débuts et sont loin de disposer de l’élan politique et des moyens financiers mobilisés par certains États, comme le Japon et les États‑Unis. Si leurs orientations vont dans le bon sens, il est désormais urgent qu’elles montent en puissance. Ceux qui n’investissent pas dès aujourd’hui ce sujet seront probablement incapables de rattraper leur retard d’ici quelques années.
Or, plusieurs défis restent encore à relever pour y parvenir.
D’abord, il est nécessaire de rassurer et de convaincre les populations de l’importance d’investir dans nos chaînes de valeur et des avantages qui en découleront. Trop souvent, des années de mauvaises pratiques, un manque de sensibilisation aux enjeux associés aux ressources stratégiques et des idées fausses quant à l’industrie minière du XXIe siècle jouent contre nos propres intérêts.
La France, et plus largement l’Europe, ne manquent pourtant pas d’atouts. Elles disposent de règles permettant d’encadrer les activités minières qui doivent se conformer à des normes environnementales, sociales et de gouvernance exigeantes. Renationaliser une partie de nos chaînes de valeur permet ainsi de ne pas exporter notre pollution dans des pays pour lesquels la protection de l’environnement et de la biodiversité n’est pas toujours une priorité, quelles qu’en soient les raisons.
Il est nécessaire de mieux faire connaître ce corpus législatif et la réalité de ce qu’est l’industrie minière du XXIe siècle dans les pays développés.
J’ai pu me rendre en Suède, grand pays minier européen, et visiter l’immense mine souterraine de la ville de Kiruna, en Laponie. Tout est fait pour réduire ses impacts sur l’environnement depuis l’exploitation de ses ressources en profondeur jusqu’à l’électrification des machines-outils utilisées. Les emplois proposés ne ressemblent en rien aux scènes de Germinal. Il s’agit plutôt de techniciens qualifiés et bien rémunérés, qui contrôlent à distance l’extraction mécanique des minerais.
Il est nécessaire que nous communiquions autour des métiers de l’industrie minière et des secteurs associés tout en investissant dans la constitution de filières de qualité permettant de couvrir les besoins de nos entreprises.
L’ensemble de ces mesures, associées à une meilleure valorisation des retombées locales des projets miniers et industriels, devrait permettre de lever bien des craintes. Le soutien public aux projets miniers est également décisif pour permettre leur réalisation dans des délais raisonnables, qu’il s’agisse de leur apporter une aide financière conséquente ou de lever certains obstacles administratifs.
Sur le plan financier, l’Union européenne doit faire plus et mieux à la fois pour mobiliser l’ensemble des instances aptes à soutenir des projets européens, à l’instar de la banque européenne d’investissement (BEI), et pour encourager les États membres à sécuriser leurs chaînes d’approvisionnement en ressources stratégiques en leur permettant de subventionner tout projet concourant à cet objectif.
Toutefois, l’échelle naturelle d’une stratégie industrielle est nationale et, à ce titre, la France ne doit pas attendre les seuls financements d’organes européens. Elle doit déployer des financements ciblés pour redévelopper l’activité minière et métallurgique.
En période budgétaire contrainte, l’argent public ne peut être la seule source de financements, c’est pourquoi il est nécessaire de mobiliser une partie de l’épargne des Français au moyen d’un produit d’épargne à rendement intéressant et possiblement garanti par l’État.
Un point était au centre de la plupart des auditions : le prix de l’énergie rend aujourd’hui impossible toute démarche de réindustrialisation. Le domaine minier et la métallurgie sont très électro-intensifs. Tout développement de ces secteurs passera donc par une baisse des coûts de l’énergie et une augmentation significative de notre production électrique. C’est pourquoi il est indispensable que notre pays fasse usage de l’avantage comparatif que lui confère notre parc électronucléaire pour la réindustrialisation que nous souhaitons tous.
Il est également indispensable de simplifier les démarches administratives et les temps de consultations préalables à la réalisation d’un projet minier ou géothermique, qui peuvent parfois prendre jusqu’à deux ans en France.
Cet effort de simplification doit être mené aussi bien à l’échelle nationale qu’au niveau européen.
Il faut, par exemple, comme c’est déjà le cas dans les relations entre les citoyens et l’administration, et, comme il est envisagé de le faire pour les agriculteurs, adopter une stratégie de guichet unique centralisant les demandes d’autorisation et la classification des projets. Les procédures, par nature déjà complexes, sont encore alourdies par l’existence de multiples interlocuteurs qui peuvent même avoir des exigences ou donner des avis qui se contredisent.
L’ancien premier ministre Michel Barnier avait commencé à faire un pas vers la simplification des procédures en évoquant une exemption pour les projets industriels des restrictions du zéro artificialisation nette (ZAN) et des interventions de la commission nationale du débat public. Sur ce point, il faut aller vite et fort.
Pour autant, je suis bien conscient que l’autosuffisance, si elle est souhaitable, demeure un objectif aujourd’hui inatteignable.
Cela signifie que nous devons être particulièrement attentifs à diversifier nos chaînes d’approvisionnement. Certains pays membres ou proches de l’Union européenne, comme la Suède et la Norvège, disposent de ressources importantes et souhaitent nouer des alliances. Plus largement, ce sont nos relations avec le Brésil, la Russie, l’Indonésie, la Chine et l’Afrique du Sud (BRICS) que nous devons repenser selon une doctrine beaucoup plus claire et exigeante.
Deux points d’attention méritent toutefois d’être soulevés.
D’une part, on ne peut exclure une montée en puissance de la concurrence entre États consommateurs, y compris au sein de l’Union européenne. L’élection du président Donald Trump aux États-Unis et la possible imposition de nouvelles taxes douanières sur les importations françaises sont là pour le rappeler. Il est donc essentiel d’organiser autant que possible la compétition économique et de favoriser les alliances interétatiques en matière de coopération industrielle, de financements communs, voire d’achats groupés.
D’autre part, il est crucial de mieux protéger notre marché et nos industries naissantes. Il est inconcevable d’importer des ressources issues de pays s’affranchissant de toutes les règles environnementales, sociales et de gouvernance que l’Europe s’impose ou subventionnant abondamment leur production. Les surtaxes à l’importation de véhicules électriques chinois sont un début, mais il est dommage qu’elles interviennent si tardivement.
La naïveté ne peut être de mise dans ce domaine. Il est urgent de rétablir une forme d’équité dans nos échanges sans tomber dans les travers d’une guerre commerciale à outrance, mais il faut se rendre à l’évidence : les grandes puissances commerciales du monde ne respectent pas les règles de l’organisation mondiale du commerce (OMC). Il est impératif que nous arrêtions d’être l’idiot du village global.
Avec ce rapport, nous devons tirer la sonnette d’alarme : nous accusons maintenant un retard technologique par rapport à la Chine et aux États-Unis. Il faut que nous saisissions l’opportunité de redévelopper une filière minière et métallurgique nous permettant de remonter et de contrôler autant que possible les chaînes de valeur.
Mais, vous l’aurez compris, mes chers collègues, rien n’est inéluctable et nous avons les moyens de rétablir une forme d’équilibre dans l’organisation du marché mondial des ressources stratégiques.
Cela doit nous permettre de réindustrialiser nos territoires, de créer des emplois locaux valorisés et d’asseoir durablement notre souveraineté économique à l’heure où notre industrie est malmenée et où les plans sociaux se multiplient.
Évidemment, cela demande des investissements importants alors que l’état de nos finances publiques inquiète. Toutefois, je suis persuadé que « le jeu en vaut la chandelle ». Surtout, je voudrais rappeler avec force que nos objectifs environnementaux et climatiques commandent une telle réindustrialisation, même si ce constat est sans doute contre-intuitif.
Soyons clairs : je ne suis pas contre l’efficacité énergétique ni le développement d’une filière de recyclage robuste, mais il est illusoire de croire qu’il s’agit de solutions miracles pour l’avenir, étant donné qu’elles reposent sur de futures innovations technologiques. Elles sont bien plutôt complémentaires à l’exploitation des ressources stratégiques.
Pour conclure, je voudrais souligner que, le rapport Varin n’ayant pas été rendu public, le présent rapport, s’il était publié, serait le premier rapport public dédié à la question cruciale des ressources naturelles stratégiques.
Il me semble indispensable que la représentation nationale se saisisse de ce sujet fondamental pour la prospérité de notre pays dans le siècle à venir et que nous montrions qu’au-delà des échéances immédiates, la politique consiste aussi et surtout à avoir une vision d’avenir pour donner un cap à la Nation.
M. le président Bruno Fuchs. Je vous remercie d’avoir partagé avec nous les grands enjeux, déséquilibres et risques encourus par l’économie mondiale et par la France. Dans ce nouvel ordre mondial qui se dessine, il est d’autant plus important de trouver les bonnes réponses.
Je cède la parole aux orateurs de groupe pour leurs questions.
Mme Anne Bergantz (Dem). La question des terres rares constitue un enjeu géopolitique majeur, tant celles-ci sont devenues indispensables au développement industriel et technologique de notre pays. Les minerais et les métaux précieux font en effet l’objet d’une compétition accrue entre les États. Tous perçoivent l’impérieuse nécessité d’y accéder pour bénéficier des dernières innovations et, ainsi, garantir leur transition écologique et numérique.
Si de nombreux pays, tels que le Japon et les États-Unis, ont très vite compris et appris à gérer leur dépendance vis-à-vis des pays où se concentre l’essentiel de la production, il aura fallu attendre en France la pandémie de Covid-19 et la fermeture des frontières pour que nous prenions conscience du besoin de retrouver la maîtrise de nos approvisionnements.
Dans ce contexte, votre rapport présente des recommandations bienvenues qui doivent nous aider à renforcer notre autonomie stratégique, en accompagnant, par exemple, la relocalisation de projets industriels en France ou en soutenant la recherche et l’innovation. Vous proposez ainsi de réaliser un inventaire des ressources dont nous disposons sur le sol français, et en particulier dans l’Hexagone, où ont déjà pu être identifiés des stocks d’or, de fluorine, d’antimoine ou encore de zinc. L’ouverture de nouvelles mines, dans le respect de nos normes environnementales et sociales exigeantes, serait effectivement de nature à générer des retombées locales non négligeables, en termes d’emplois ou d’activité économique.
Comment convaincre les citoyens de l’importance de ces projets miniers pour notre souveraineté ? Comment répondre aux préoccupations légitimes que ces installations susciteront inévitablement en matière sanitaire, sociale ou environnementale ?
M. Jérôme Buisson, rapporteur. L’acceptabilité est effectivement un enjeu important. La France a été un pays minier, mais cette activité a été en déclin, puis a totalement disparu. La publication de ce rapport permettra de se saisir du sujet au niveau national. Nous avons un devoir d’information auprès du public pour poser les enjeux. Le public doit faire le lien entre la transition écologique, l’électrification demandée par une grande partie de la population, les politiques publiques, la relocalisation et le renouveau du secteur minier, dans le monde et en France. Il existe donc un important devoir de pédagogie, de consultation, d’explication et de retombées économiques, à un moment où des pans entiers de notre industrie vont se transformer, voire fermer.
M. Jean-François Portarrieu (HOR). Avec le développement des technologies liées à l’intelligence artificielle et à la transition énergétique, les questions de conflits d’usage vont forcément apparaître entre les différents acteurs stratégiques qui consomment les mêmes éléments. Cet essor généralisé, en France et partout dans le monde, entraînera probablement une hausse des prix des produits de consommation courante. Je voudrais savoir si vous avez étudié et évalué ce phénomène.
M. Jérôme Buisson, rapporteur. Nous n’avons pas évalué une possible augmentation des prix relative à ce phénomène. Le but du rapport était plutôt de donner des préconisations sur les mesures d’urgence à prendre pour que la France et l’Europe restent dans la compétition mondiale du renouveau minier et nous n’avons pas pris en compte l’inflation et l’augmentation des prix.
Toutefois, le rapport aborde tout de même ce sujet, car une augmentation des exigences sociales et environnementales – poussée par la France – entraînera forcément une augmentation des prix des minéraux. En outre, l’augmentation du prix de l’énergie décarbonée utilisée pour extraire les minéraux va aussi dans le sens d’une augmentation des prix. Il s’agira peut-être d’une conséquence naturelle et mondiale, car les standards d’extraction des minéraux monteront dans tous les pays, avec une harmonisation des critères, notamment au niveau du code minier.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Les terres rares ne sont pas des ressources renouvelables. Le développement du recyclage sera assurément nécessaire à l’avenir et la recherche doit être poussée en ce domaine, en particulier sur les petits appareils, où il est difficile d’extraire ces très petites quantités de métaux. Le plan France 2030 semblait y consacrer des fonds. Qu’en est-il dans cette période d’instabilité budgétaire ? Une stratégie européenne de recyclage pourrait mener, pour certains métaux, à l’autosuffisance. Pourtant, nos projets d’usine de recyclage semblent abandonnés, comme à Dunkerque.
L’un des enjeux est la collecte des déchets électroniques. Nous avons réussi à organiser la collecte des ampoules usagées, avec un taux de 77 % de recyclage en 2021. Nous pourrions le faire pour d’autres métaux. Par exemple, d’après l’école polytechnique de Zurich, il serait possible d’extraire de l’europium, nécessaire à la fabrication d’écrans, lors du recyclage des ampoules.
Par ailleurs, vous parlez de développer l’extraction des terres rares chez nos alliés. Qui sont-ils ? Et jusqu’à quand le seront-ils ? L’uranium du Niger nous semblait par exemple acquis il y a quelques mois ou années. Peut-on vraiment compter sur la République démocratique du Congo ou sur le Burundi ? L’Europe est en position de dépendance vis-à-vis de l’étranger.
Il y a évidemment des pistes dans votre rapport. Je trouve d’ailleurs intéressant et presque drôle que ce soit vous qui deveniez porte-parole d’une solution européenne. Il est en effet nécessaire d’agir à ce niveau pour une stratégie de stockage de métaux rares, et non plus avec une simple déclaration pays par pays. L’idée de stock stratégique est donc vraiment intéressante. Un manque de coordination nous coûte collectivement.
La production en France, comme en Europe, se doit de conserver les plus hauts standards environnementaux. Sous couvert de simplification, vous remettez une fois de plus le ZAN en cause et souhaitez alléger le code de l’environnement. Si je suis à peu près convaincue qu’il faudra revenir sur les modalités de mise en place du ZAN, je souligne qu’il est nécessaire de le faire dans un cadre global et responsable – et non au coup par coup, comme semblait le proposer le projet de loi relatif à la simplification de la vie économique du gouvernement Attal, qui s’attachait davantage à détricoter les normes environnementales qu’à simplifier.
Concernant l’exemple de la Guyane, que vous citez, le Sénat, dont la majorité ne peut pas être considérée comme étant composée d’écologistes intégristes, s’était élevé contre le détricotage des normes environnementales sur ce territoire. Nous devons vraiment veiller à une protection de notre environnement et de nos espaces.
Il est donc nécessaire de limiter notre dépendance par le stockage, de nous assurer de la diversité de nos approvisionnements, d’agir en faveur d’une stratégie de recyclage et d’exiger de nos partenaires une protection des espaces naturels similaire à la nôtre comme un préalable.
M. Jérôme Buisson, rapporteur. Le recyclage est effectivement un enjeu important, mais il pose pour le moment de nombreux problèmes.
Tout d’abord, concernant les batteries, nous n’avons pas atteint, dans certains cas, la masse critique nécessaire pour être rentables, d’où l’arrêt de certaines usines de recyclage. Les batteries ont encore une durée de vie d’environ dix ans. Elles seront éventuellement utilisées pour du stockage d’énergie dans un deuxième temps, même si elles ont perdu une part de leur capacité. Nous aurons donc un stock de batteries à utiliser pour le recyclage dans dix ans ou peut-être un peu plus.
Il faut évidemment que les ventes de voitures électriques poursuivent leur expansion et ne soient pas entravées par le choix des consommateurs ou par une baisse des subventions de l’État, pour des raisons budgétaires ou autres.
Il existe également un problème de collecte à mettre en place, car il ne s’agit pas simplement de construire une usine de recyclage, mais de construire toute une filière de recyclage avec la collecte. Certains éléments posent problème ou ne se recyclent pas. Par exemple, les pales d’éoliennes posent des difficultés de recyclage.
La miniaturisation est complexe. Les industriels indiquent qu’ils sont, pour l’instant, incapables de recycler les quelques microgrammes de terres rares qui se trouvent dans les téléphones portables ou dans les tablettes.
Les progrès industriels et technologiques mettent en danger la filière de recyclage, car leurs avancées font diminuer les quantités nécessaires de terres rares et de métaux. Ces progrès entrent en contradiction avec une industrie du recyclage qui a besoin, quant à elle, de plus en plus de produits à recycler.
Il faut évidemment aller vers des filières de recyclage, les aider – voire les subventionner – et agir au mieux pour qu’elles existent. En effet, une part du recyclage doit rester locale, ce qui fait partie des objectifs européens. Toutefois, cela sera très insuffisant au regard du phénomène de croissance des besoins de terres rares et de métaux critiques que nous connaissons. Le recyclage prendra sa part, mais nous ne parviendrons jamais à l’autosuffisance, sauf peut-être pour certaines terres rares très particulières, dont la quantité nécessaire n’est que de quelques kilos chaque année en France.
Par ailleurs, vous avez évoqué une contradiction de ma part sur la France et l’Europe. J’ai pourtant insisté dans mon rapport sur le fait que la stratégie devait être définie au niveau national, car nous ne savons pas qui seront nos alliés de demain, ce qui est aussi valable au niveau européen. Il faut donc certainement une stratégie de stockage au niveau national, comme au Japon et aux États-Unis. Toutefois, il ne faut se priver d’aucun levier, car nous sommes dans une urgence industrielle et technologique. Si nous ne prenons pas le train au bon moment, nous resterons sur le quai de la gare. Ainsi, tous les leviers européens qui peuvent exister sont également les bienvenus.
Enfin, il n’y a pas de détricotage des normes environnementales, mais il peut y avoir tout de même une simplification administrative, qui pourrait entrer en contradiction avec d’importants délais de recours. En effet, il va falloir décider si nous sommes dans une priorité nationale s’agissant des ressources stratégiques. Je note que la simplification administrative et environnementale vous a moins dérangée quand elle était relative à l’installation d’éoliennes. En outre, je rappelle que l’installation de mines concerne souvent les sites d’anciennes mines.
M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Je me félicite que notre commission ait diligenté la possibilité de rédiger ce rapport intéressant, qui nous documente sur des enjeux qui appellent une réflexion sur notre attitude politique. Demain, dirons-nous que nous sommes en concurrence avec des États ou que nous avons le devoir de coopérer avec eux ? Ce n’est pas la même chose.
Les Américains considèrent que tous leurs concurrents sont leurs ennemis potentiels. Nous pourrions avoir une attitude différente et adopter une logique de coopération, pour les terres rares, mais aussi pour le reste, car nous avons besoin d’écrire l’histoire autrement. Nous avons commencé à le faire sur les enjeux climatiques, en nous disant qu’il fallait parler, construire ou encore réfléchir à des normes. Votre rapport pourrait aussi contribuer à affirmer que nous devrions coopérer sur les questions de matières premières rares, situées dans des Etats qui méritent que nous nous intéressions à eux et que nous les aidions.
Vous utilisez à plusieurs reprises le mot « nationalisation », qui concerne pour vous uniquement le territoire national, tandis qu’il signifie pour moi qu’une production est portée par la Nation, mais pas forcément sur le territoire national. Nous devrions peut-être réfléchir à ces deux possibilités.
En effet, nous voyons bien que, quand le marché n’est pas intéressé par quelque chose parce que cela ne rapporte pas assez, il est nécessaire que la force publique prenne la main, car l’intérêt général est en jeu. Nous devons porter l’idée que la puissance publique a besoin de s’intéresser et d’investir.
Vous suggérez, parmi vos recommandations, des soutiens financiers, y compris des participations, qui me semblent en effet salutaires.
Je suis député d’une zone et d’une circonscription très industrielles. L’acceptabilité est essentielle. Toutefois, nous avons réduit les capacités d’acceptabilité des populations par la fiscalité, en supprimant la taxe professionnelle et le lien fiscal entre une industrie et son territoire. Toute cette chaîne est à réfléchir si nous souhaitons favoriser l’acceptabilité d’une industrie sur un territoire.
M. Jérôme Buisson, rapporteur. Nous rêverions tous d’un monde où la coopération prendrait le pas sur la concurrence, mais nous sommes dans un monde capitaliste. Même la Chine, pays communiste, s’est mise au capitalisme, prouvant qu’il s’agit de l’un des systèmes qui marchent le mieux.
Des enjeux viennent effectivement limiter la coopération entre pays.
Tout d’abord, sur ces terres rares et ces métaux critiques, il existe des enjeux militaires, ainsi que des enjeux industriels liés au leadership, autour desquels se joue une compétition acharnée.
Je pense que la coopération se fera de manière bilatérale, trilatérale ou parfois avec davantage de parties, en fonction des intérêts des pays, qui se regroupent souvent par secteurs géographiques. Ainsi, certains pays européens coopéreront entre eux, ce qui est déjà le cas, car nous avons des accords bilatéraux avec certains pays.
Concernant l’acceptabilité, il faut absolument qu’il y ait des retombées sur les territoires où se trouvent ces industries, ce qui est essentiel et demandé par les collectivités, mais aussi par la population. Dans certains pays, tels que le Congo ou la Suède, des redevances plus importantes permettent aux collectivités, à l’État et aux populations locales de s’y retrouver financièrement. De plus, cette industrie permettra la création d’emplois qualifiés, par laquelle passe également l’acceptabilité.
M. Vincent Trébuchet (UDR). La France industrielle se trouve dans une situation préoccupante, car elle est devenue vulnérable face à des acteurs comme la Chine, qui domine les chaînes d’approvisionnement des ressources naturelles stratégiques. Les constats dressés par le rapport que nous examinons sont sans appel. La Chine contrôle 60 % de la production mondiale de terres rares et 90 % de leur raffinage. À l’inverse, les industries européennes dépendent presque exclusivement d’importations, même pour des ressources essentielles, comme le lithium et le cobalt, indispensables aux batteries et aux technologies numériques.
Cette dépendance est exacerbée par l’affaiblissement de notre diplomatie économique, en particulier en Afrique et au Moyen-Orient. Comment ne pas s’alerter de la situation au Niger et de l’annonce de la suspension de la production d’uranium par la filiale d’Orano le 31 octobre ? Là où nous avions autrefois des partenariats stratégiques cruciaux, nous sommes désormais en recul.
Pour répondre à ces défis, le groupe Union des démocrates pour la République propose plusieurs axes.
Le premier axe est de rebâtir des alliances stratégiques. La France doit renouer des partenariats solides avec les pays producteurs et nos territoires ultramarins représentent des atouts sous-exploités qu’il est urgent de valoriser.
Le deuxième axe est de conditionner nos aides et investissements. L’aide publique au développement doit devenir un levier stratégique, conditionnée à des engagements clairs sur l’accès prioritaire aux ressources critiques pour la France.
Le troisième axe est de renforcer notre diplomatie économique. Dans les pays producteurs, chaque ambassade devrait intégrer des experts spécialisés en ressources stratégiques, capables de négocier directement des partenariats industriels et miniers. À ce titre, notre groupe avait proposé un amendement au projet de loi de finances (PLF) pour 2025 visant à augmenter les crédits alloués à notre diplomatie économique.
Enfin, le quatrième axe est de sécuriser nos approvisionnements en renforçant la confiance des entreprises. Face à la montée des tensions géopolitiques, les entreprises européennes hésitent à investir dans des zones à risque, notamment dans le secteur minier. Et bien que des institutions comme la BEI ou la banque européenne pour la reconstruction et le développement puissent offrir des assurances contre ces risques, leur déploiement reste insuffisant. Il est donc essentiel de renforcer ces mécanismes d’assurance pour sécuriser les investissements européens et soutenir la diversification stratégique des chaînes d’approvisionnement.
En outre, inspirons-nous des exemples étrangers, comme le Japon. Ce pays dépourvu de ressources naturelles significatives a su investir dans des mines à l’étranger et développer des technologies de recyclage et de raffinage, devenant un acteur incontournable des chaînes d’approvisionnement mondiales.
Il est impératif de hisser la diplomatie économique au rang de priorité nationale à la hauteur des défis stratégiques qui se dressent devant nous.
M. Jérôme Buisson, rapporteur. Le constat est effectivement alarmant. La prédominance de la Chine est presque sans partage dans ce domaine.
La situation au Niger a été anticipée par le groupe Orano. Les sources d’approvisionnement ont été diversifiées sur l’uranium, avec des partenariats hors de la zone d’influence de la sphère sino-russe. Nous avons donc maintenant des partenariats avec l’Australie et le Kazakhstan.
Je rappelle tout même que, contrairement aux terres rares et aux métaux critiques, la France dispose d’un stock d’uranium d’environ six ans.
Le sujet du renforcement de la confiance des entreprises est souvent revenu lors des entretiens. Il n’est pas certain que les investissements, de l’ordre du million d’euros, aboutissent, car, au moment de la mise en œuvre d’un investissement, la matière première peut très bien avoir changé, de même que le contexte politique. Les Chinois ont résolu ce problème parce que l’État compense les pertes. Or, en France, nous demandons aux entreprises de prendre ce risque, qui est important, voire trop important, à leurs yeux pour l’instant.
Mme Laurence Robert-Dehault (RN). Je vous remercie de ce travail significatif qui met en lumière les enjeux que recouvrent l’approvisionnement et la maîtrise des chaînes de production des ressources stratégiques sur la nécessaire réindustrialisation de la France et de l’Europe.
L’Union européenne est relativement mal-née en ressources minières stratégiques, qui sont indispensables aux transitions numériques et écologiques qu’elle impose à ses États membres. Cette réalité n’est pas pour autant une fatalité. Le Japon est également mal doté, mais il a réussi à diversifier ses partenaires pour réduire sa dépendance à la Chine grâce à une politique volontariste.
En France et dans l’Union européenne, la prise de conscience fut tardive, sans toutefois que cela ne conduise à la mise en œuvre d’une véritable politique industrielle ou d’une stratégie cohérente en matière d’approvisionnement.
Outre ces problématiques d’approvisionnement, en l’état actuel du coût de l’énergie, les industries européennes et françaises vont droit dans le mur. Alors que la Chine a investi massivement pour diversifier ses sources d’énergie et que les États-Unis ont atteint l’indépendance énergétique, l’Union européenne, sous l’égide de l’Allemagne, s’est échinée à détruire l’avantage comparatif que nous avions grâce à notre énergie nucléaire. En cause, une promotion aveugle et idéologique de la production d’électricité d’origine renouvelable, ainsi qu’un mécanisme européen de fixation des prix qui a conduit à l’augmentation artificielle du prix de l’électricité.
L’Allemagne commence à prendre conscience de l’impasse dans laquelle elle s’est fourvoyée dans les années 2000 avec l’arrivée au pouvoir de la coalition rouge-vert, qui s’est aujourd’hui muée en humiliation nationale, avec 500 milliards d’euros pour installer des forêts d’éoliennes pour un bilan environnemental et économique désastreux. Elle a entraîné avec elle la France, incapable de défendre son industrie nucléaire au niveau européen.
Quelles sont, selon vous, les mesures à mettre en place rapidement pour améliorer la compétitivité de nos industries ?
M. Jérôme Buisson, rapporteur. L’industrie française pâtit effectivement des conséquences de choix politiques désastreux qui ont été opérés au cours des dernières décennies, à savoir le désinvestissement dans le domaine du nucléaire, tant au niveau de la recherche qu’au niveau de la construction de centrales au profit d’énergies renouvelables – dont la production est intermittente –, mais aussi l’adoption du mécanisme européen de fixation des prix de l’électricité, qui indexe le prix de l’électricité au coût de production de la dernière centrale productrice, souvent une centrale à gaz.
Ce système s’est mué en piège à l’issue de l’invasion russe de l’Ukraine et de l’embargo européen sur les produits énergétiques russes. Le prix du gaz et, conséquemment, de l’électricité est donc très élevé en Europe en comparaison de nos concurrents. D’ailleurs, les mines de nickel ferment en Nouvelle-Calédonie en partie à cause du coût de l’énergie, qui contraint le développement des industries, et tout particulièrement de celles qui sont énergo-intensives comme la métallurgie.
Je souhaite aussi souligner le fait que nous avons non seulement un problème de prix de l’électricité, mais aussi un problème de quantité de la production. Pour industrialiser, il faut produire plus d’électricité.
L’énergie sera donc en effet l’un des grands défis auxquels nous devrons faire face dans la bataille pour la réindustrialisation.
Mme Amélia Lakrafi (EPR). Je vous remercie pour ce rapport qui aborde un sujet stratégique et majeur, particulièrement sensible dans ma circonscription, incluant des pays comme la République démocratique du Congo, la Zambie ou encore le Rwanda. J’ai une pensée particulière pour Marielle de Sarnez, pour qui ce sujet était absolument crucial et qui y a beaucoup travaillé en tant qu’eurodéputée.
Alors que l’on prend enfin conscience de l’importance des terres rares et des ressources stratégiques, j’ai été frappée par le peu d’intérêt qu’y portaient encore très récemment nos pouvoirs publics. Ces minerais pourtant absolument indispensables à notre quotidien ont été longuement négligés et il aura fallu des crises, comme la pandémie de Covid-19 ou la guerre en Ukraine, pour révéler notre dépendance et – pire encore – notre retard stratégique. En 2020, j’ai été stupéfaite d’apprendre la suppression d’un poste de chef de service économique à Kinshasa, remplacé par un volontaire. Ce choix, révélateur d’une certaine négligence sur le sujet, a heureusement été réparé depuis.
Je souhaite également déconstruire certaines idées reçues souvent utilisées contre notre pays. Contrairement à ce qu’affirment certains influenceurs ou personnalités en Afrique, la France n’est pas un acteur majeur dans l’exploitation des ressources minières sur le continent. En République démocratique du Congo, par exemple, ce sont le Canada et la Chine qui dominent le secteur minier, avec notamment l’Australie et les États-Unis, alors que la France ne figure même pas dans le top 10. Les logiques de prédation, comme celles du groupe Wagner en République centrafricaine, sont des stratégies organisées et délibérées, bien éloignées des actions de la France. Ces faits montrent que notre image de puissance néocoloniale prédatrice, véhiculée parfois même dans cette assemblée, est totalement infondée.
Face à ce constat, je salue les initiatives mentionnées dans votre rapport, comme la création de la DIAMMS, le crédit d’impôt ou encore la relance du partenariat franco-congolais sur les métaux critiques.
Toutefois, face à l’avance considérable prise par des puissances comme la Chine ou les États-Unis, je m’interroge. Pouvons-nous réussir à avancer sur cette chaîne de valeur ? Les recommandations avancées dans votre rapport peuvent-elles nous aider à développer suffisamment vite ? À quelle échéance pouvons-nous espérer une autonomie partielle ou totale dans le domaine des métaux critiques, notamment en ce qui concerne leur rôle dans la transition énergétique ?
M. le président Bruno Fuchs. Vous indiquez, dans votre rapport, qu’il ne faut pas plus de 65 % à l’échelle européenne. Nous sommes très loin de l’autonomie avec ce chiffre extrêmement élevé.
M. Jérôme Buisson, rapporteur. Le constat est effectivement alarmant. Les enjeux sont énormes et il n’est pas certain que nous pourrons réussir, car des crises peuvent être devant nous. Nous prenons des mesures dans un environnement assez calme pour l’instant, mais nous pourrions très bien connaître une crise du type embargo total dans les semaines ou les mois à venir.
Il faut aller le plus vite possible. Beaucoup d’actions, qui vont dans le bon sens, se mettent en place, mais n’ont pas encore vraiment porté leurs fruits. Certains pays, notamment les États-Unis, arrivent à se mettre au travail plus rapidement. En République démocratique du Congo, il n’y a aucune mine française et très peu d’experts. Nous ne mettons donc pas encore assez de moyens sur cette urgence économique et industrielle.
En plus de la crise liée à la pandémie de Covid-19 et de la guerre en Ukraine, la loi imposant la fin du thermique en 2035 nous a également mis face à des échéances assez incroyables. Nous avons fixé nous-mêmes cette échéance qui semble pour certains industriels très compliquée à atteindre et qui met en difficulté la filière. Des entreprises seront effectivement soumises à des amendes de plusieurs dizaines de millions d’euros si elles ne respectent pas le calendrier fixé par l’Union européenne, alors même qu’elles n’ont déjà pas les moyens suffisants pour investir dans la transformation du parc thermique en électrique.
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Les terres rares portent bien leur nom, qui devrait être étendu à bien d’autres ressources. Leur détention, leur exploitation et leur vente constituent un enjeu géostratégique identifié qui fait pleinement partie de la recomposition en cours de l’ordre international. Ces différents éléments sont rares, comme le sont en définitive la plupart des matériaux de base qui fondent les processus de production actuels.
Si les terres rares portent bien leur nom, c’est qu’elles posent la question des limites au sein desquelles s’insère l’activité humaine. D’abord, il est décisif de penser la stratégie industrielle de la France et de l’Europe pour assurer une maîtrise de ces chaînes de valeur. Cela suppose d’assumer une planification écologique qui pose des actes concrets. L’Union européenne, par son attachement purement idéologique au libre-échange, s’est privée des moyens de sécuriser les approvisionnements et de construire des chaînes de production pertinentes, notamment pour la transition énergétique.
Une question d’importance est posée. Nous ne produisons presque pas de terres rares et les gisements européens sont faibles. La question des coopérations commerciales et industrielles à construire est ouverte, mais elle ne saurait ni se tenir dans le cadre d’une croyance aveugle dans le libre-échange ni au prétexte de la transition écologique. Je vous renvoie à ce propos à l’excellent ouvrage de Jean-Baptiste Fressoz, Sans transition : une nouvelle histoire de l’énergie, qui explique bien que l’idée même de transition énergétique est fausse. Nous ne sommes jamais passés, par exemple, du charbon au pétrole, car nous n’avons jamais autant consommé de ces deux combustibles.
Il est aujourd’hui nécessaire d’engager une bifurcation profonde de nos modes de production. Nous en aurions, selon les estimations actuelles, pour un peu plus de quatre siècles de production de terres rares au niveau mondial. Le surgissement du changement climatique, qui provoque des changements sur des dizaines de milliers d’années, nous oblige à penser : quatre siècles, et après ?
De quelque façon que nous prenions le problème de la production aujourd’hui, nous retrouvons la contradiction fondamentale de notre époque, entre, d’une part, les limites effectives et indéniables posées par la nature et, d’autre part, la logique d’accumulation et d’expansion productive du capitalisme. La réalité de l’écologie est là : le capitalisme n’est pas soutenable dans le temps. La question des terres rares, avec d’autres, nous le rappelle.
Il est nécessaire que la France s’affirme comme une puissance qui propose de sortir d’un modèle insoutenable qui a provoqué la sixième extinction des espèces de masse en cours et le changement climatique, dont nous commençons à peine à sentir les effets désastreux.
M. Jérôme Buisson, rapporteur. Les terres rares portent très mal leur nom, car elles existent en grande quantité sur terre, et sont notamment présentes en Europe et en France. Des gisements de terres rares faramineux viennent d’être découverts en Suède. En plus, l’avantage des métaux et de certaines terres rares est qu’ils se recyclent sans perdre leur qualité.
Ce qui pose problème est la concentration du raffinage de ces terres rares en Chine, car ce pays maîtrise in fine la distribution des terres rares dans le monde et s’en sert comme d’un outil pour arriver à ses fins politiques et industrielles.
Ensuite, les évolutions technologiques du capitalisme vont permettre de diminuer peu à peu ces besoins en quantité dans les appareils qui nous seront vendus.
Le problème actuel n’est donc pas la rareté des matériaux, mais surtout la concentration de la chaîne de valeur par certains pays, principalement la Chine, qui peuvent s’en servir comme d’un outil politique.
Enfin, nous vivons dans une société à tendance capitaliste – ce que l’on peut combattre, comme vous – et les gens ont besoin de produits. Vous ne voulez peut-être pas priver nos amis des pays en voie de développement du luxe de disposer de certains produits. Eux aussi en rêvent et finiront par en avoir.
Mme Pascale Got (SOC). La prédominance de certains pays sur la question des terres rares – notamment la Chine, à travers ses besoins, sa mainmise sur les ressources, l’ampleur de ses stockages stratégiques à travers le monde et sa politique portuaire – est très ancienne et crée en effet des tensions.
De plus, vous n’avez peut-être pas assez relevé l’existence d’une financiarisation croissante des marchés des matières premières, avec souvent de la spéculation qui amplifie le déséquilibre sur l’économie réelle et influe sur la formation des prix.
Quatre axes qui restent à travailler : la sécurisation de l’approvisionnement de la France et de l’Europe ; l’amélioration du fonctionnement des marchés physiques ; l’extension du périmètre de la régulation financière à toutes les opérations réalisées sur le marché des terres rares ; la création d’abus de marché sur les transactions des matières premières.
Pour sécuriser l’approvisionnement de l’Europe, la Commission européenne devrait, à mon sens, instaurer un système de réduction à l’exportation des terres rares, ainsi qu’une diplomatie des matières premières avec des accords de coopération, même si certains sont déjà réalisés. Elle pourrait également renforcer les missions du comité des métaux stratégiques auprès des industriels, pour les aider à prévenir des risques de rupture et sécuriser leur approvisionnement.
De plus, nous pourrions aussi mettre un terme aux exportations illégales des déchets contenant des terres rares et renforcer le contrôle de la communication des produits adossés à ces terres rares.
Nous avions rédigé avec Catherine Vautrin un rapport sur la spéculation des terres rares et, plus de dix ans après, beaucoup de préconisations, parmi nos trente-trois propositions, restent à réaliser, même si des avancées ont eu lieu en France et en Europe.
Quel est votre avis sur les quatre axes évoqués et les quelques mesures qui restent à prendre ?
M. Jérôme Buisson, rapporteur. Il faut effectivement absolument travailler sur la sécurisation des chaînes de valeur et des approvisionnements. Je n’ai pas bien compris votre propos sur la réduction des exportations, car l’Europe n’exporte pas ou peu de terres rares.
Mme Pascale Got (SOC). Ma question ne porte pas tant sur les terres rares en tant que produits uniques, mais plutôt sur l’exportation des instruments qui contiennent des terres rares. Or, nous savons qu’il existe des exportations illicites, vers la Chine notamment, via des réseaux parallèles.
M. Jérôme Buisson, rapporteur. La France exporte en effet beaucoup de déchets et de métaux. Nous n’avons pas les moyens de traiter tous ces déchets en France. De plus, les Chinois incluent parfois dans certains contrats, relatifs à la fabrication de batteries en Europe par exemple, un retour des éléments fabriqués en Chine. Il faut lutter contre ce type de clause. Dans la mesure où nous sommes dans une guerre commerciale, ils essaient de récupérer leurs déchets pour nous priver de ce potentiel de terres rares et de métaux critiques.
L’amélioration des marchés est en train de s’organiser, ce qui n’est pas simple. Des pays, comme l’Indonésie ou la Chine, créent leur propre marché financier pour avoir une maîtrise des cours des matières premières plus proche de leurs intérêts. Il s’agit d’une guerre des marchés entre les places financières européennes, américaines et maintenant asiatiques, voire de certains pays du Moyen-Orient. La France a peu de moyens de peser sur ce point.
Les quatre axes dont vous parlez sont en effet à travailler. Certains ne peuvent pas relever simplement d’une initiative française, mais nécessitent des initiatives internationales pour réguler les marchés mondiaux.
La DIAMMS essaie de conseiller les entreprises françaises, avec des experts, afin qu’elles puissent mieux s’implanter et se défendre dans ce marché très concurrentiel et stratégique.
Mme Véronique Besse (NI). Je vous remercie pour ce travail très éclairant. À l’heure du numérique et de la transition écologique, les métaux stratégiques, et tout particulièrement des terres rares, sont devenus essentiels au point d’être des leviers d’actions géopolitiques et de pouvoir redessiner les rapports de forces internationaux.
Bien entendu, nous partageons tous cette inquiétude face à notre dépendance à la production étrangère, et notamment chinoise. En tant que Français, puis en tant qu’Européens, il est de notre devoir de repenser notre stratégie pour assurer notre souveraineté. Nous avons un retard à rattraper d’urgence si nous voulons retrouver notre indépendance.
Vos propositions en faveur de l’émergence et du développement d’une filière européenne, voire française, sont donc légitimes.
Cette nouvelle stratégie doit prendre en compte l’acceptabilité sociale des projets miniers et industriels. En effet, le développement des projets industriels pourrait se faire sur des terres fertiles. À titre d’exemple, la carte du potentiel minier de la métropole dévoile une concentration de certaines substances dans l’Ouest de la France. Or, cette région est aussi connue pour être une terre d’élevage avec des agriculteurs qui peinent parfois à s’installer ou à s’agrandir. De plus, les projets miniers sont de grands consommateurs d’eau et risquent de devenir des concurrents des agriculteurs pour l’accès à l’eau, surtout en période estivale lorsque les besoins sont les plus importants. N’existe-t-il pas un risque de rivalité entre les projets agricoles et les projets industriels ?
Par ailleurs, je souhaite également vous alerter sur les réactions parfois épidermiques d’associations militantes, qui s’opposent par principe ou par idéologie à certains projets. Leur opposition se fait non seulement suivant les voies réglementaires, pour retarder des projets, mais aussi en s’en prenant directement aux outils et aux infrastructures. Au-delà des simplifications administratives, quelles sont les pistes réglementaires pour assurer la sûreté des biens et des personnes ?
M. Jérôme Buisson, rapporteur. Je pense que le Mercosur fera plus de mal à l’agriculture que le renouveau des projets miniers en France. La plupart des projets miniers, comme dans l’Allier, se font sur des mines déjà existantes. Il peut effectivement y avoir de la prospection ailleurs. Dans votre circonscription, il peut exister un empiétement sur des terres agricoles, car les mines ne sont pas hors-sol. Ce point devra évidemment être encadré, limité et faire l’objet de lois spéciales pour limiter ces problématiques, comme pour les projets liés aux énergies renouvelables. Le caractère souterrain de la plupart des mines actuelles résout une partie du problème.
Dès qu’un projet se monte, il génère des opposants. Il en sera de même pour les mines, avec des impacts différents. Toutefois, une partie de la population locale sera informée par les procédures prévues. De plus, la question de l’après est régie par le droit positif et un industriel ne peut pas repartir en laissant un trou béant sans s’occuper de la pollution résiduelle qui pourrait subsister, ce qui peut rassurer la population.
Enfin, les opposants politiques, qui viennent parfois d’Allemagne ou d’ailleurs pour s’opposer à un projet en France, doivent être surveillés, encadrés par la loi et répondre de leurs actes s’ils commettent des actions répréhensibles.
M. le président Bruno Fuchs. Je cède maintenant la parole aux députés pour leurs questions.
M. Jorys Bovet (RN). Dans ma circonscription de l’Allier, à Échassières, un projet d’extraction de lithium a vu le jour. Ce projet doit permettre la production de lithium pour 700 000 batteries de véhicules par an, soit la moitié de la production automobile française, et contribuer ainsi à la transition énergétique. L’exploitation minière est un enjeu de souveraineté énergétique, mais également un sujet d’indépendance financière. Ce projet a bénéficié de soutien public dans le cadre du plan France Relance et de France 2030 pour la recherche et le développement. Néanmoins, ces financements n’atteignent pas le coût exorbitant d’un milliard d’euros représenté par le projet.
Pensez-vous que l’État apporte un soutien suffisant aux entreprises ? Dans quelle mesure les pouvoirs publics pourraient-ils faciliter la mise en place de ce type de projet ?
Aujourd’hui, la Chine est le premier producteur de batteries. Pourrions-nous récupérer une part de son marché économique, au moins au niveau européen ? Le leader chinois, BYD Auto, a investi dans l’acquisition de mines de lithium pour sécuriser son approvisionnement, une étape stratégique qui permet une indépendance de l’entreprise. Devrions-nous sensibiliser notre industrie automobile, un secteur qui souffre beaucoup ces dernières années, à en faire de même ?
M. Jérôme Buisson, rapporteur. Il est en effet nécessaire que les pouvoirs publics se mobilisent pour l’industrie minière, en passant par une simplification radicale des démarches permettant une réduction des délais nécessaires pour la mise en place d’un projet ; une réduction du nombre d’interlocuteurs ; une intensification du soutien financier public pour être compétitif par rapport aux Américains via des crédits d’impôt ; un déblocage des investissements privés que peut représenter l’épargne, par exemple en proposant des produits attractifs et garantis.
Nous avons besoin d’un État stratège.
Concernant les parts de marché de la Chine dans le domaine des batteries, nous devons protéger notre marché et les industries naissantes avec des barrières douanières, renforcer notre compétitivité-coût, notamment sur l’énergie, et rattraper notre retard technologique important.
Enfin, il me semble que la prise de conscience s’opère dans le secteur automobile. Par exemple, Stellantis investit maintenant dans l’industrie minière. L’enjeu réside donc dans la généralisation de cette prise de conscience à toutes les industries concernées et la matérialisation en actions concrètes en travaillant sur la chaîne d’approvisionnement.
M. Pierre Pribetich (SOC). Vous avez évoqué la stratégie nationale avec, notamment, des partenariats stratégiques bilatéraux.
Je suis très étonné de ne pas trouver, parmi ces partenariats, le Japon. En effet, le Japon recherche, depuis 1966, des nodules polymétalliques, qui sont des galets de métaux situés dans les abysses, à plusieurs milliers de mètres sous l’eau, contenant des métaux aussi divers que l’europium, le terbium, l’yttrium, le dysprosium, mais aussi du cobalt et du manganèse.
En 2016, près de l’île de Minamitori-shima, 16 millions de tonnes ont été recensées, permettant au Japon d’être totalement indépendant vis-à-vis de l’approvisionnement chinois. Ces boues prélevées à moins 5 000 mètres sous la mer posent de très nombreux problèmes écologiques d’extraction.
Pourquoi ce volet sur les nodules polymétalliques, qui sont une source d’approvisionnement gigantesque, n’est-il pas évoqué dans votre rapport ?
M. le président Bruno Fuchs. Je rappelle que cette commission se demandera comment accompagner la diplomatie française et les acteurs français à l’exposition universelle d’Osaka en 2025.
M. Jérôme Buisson, rapporteur. Plusieurs pages du rapport sont consacrées au Japon et à ces nodules polymétalliques. Le Japon convoite ses ressources et a une avance technologique très importante concernant la possibilité de récupérer ces nodules polymétalliques dans les grands fonds. Ils n’en sont pas encore au stade de l’exploitation, mais de l’expérimentation d’inventions technologiques pour pouvoir aller à ces profondeurs et voir s’il serait intéressant de les récupérer. Le Japon s’engage donc effectivement dans cette direction.
La France n’a pour l’instant pas choisi cette possibilité, bien que nous ayons aussi certainement, avec notre espace maritime, de nombreux gisements possibles. D’une certaine façon, la France préserve ses stocks futurs, qu’elle ira éventuellement chercher s’il n’y a pas de contradictions avec les fonds marins et la biodiversité.
La France aurait peut-être tout intérêt à se rapprocher du Japon pour pouvoir maîtriser cette technologie et ne pas se retrouver dans dix ou vingt ans avec un retard technologique pour pouvoir exploiter ces ressources s’il existe un besoin et si cela est possible.
M. Perceval Gaillard (LFI-NFP). Aujourd’hui, seul 1 % des terres rares est recyclé. L’Union européenne a récemment pris conscience de l’enjeu que pouvait représenter le recyclage et a fixé l’objectif d’augmenter de 15 % les capacités de recyclage des matériaux critiques, dont les terres rares, notamment pour développer une industrie de production d’aimants permanents.
Selon le site du gouvernement consacré à ce sujet, la France bénéficie d’un certain nombre d’atouts. Quatre entreprises françaises, notamment, ont développé des technologies innovantes qui permettent de mieux séparer les terres rares, tout en diminuant les coûts en eau et en énergie et en minimisant les impacts environnementaux. Le recyclage permettrait a priori à la France et à l’Europe d’être productrice de terres rares recyclées et donc de baisser un peu la dépendance vis-à-vis des grands pays producteurs.
Où en sommes-nous concrètement du recyclage des terres rares en France ? Par ailleurs, quel serait le rôle des outre-mer en la matière ?
M. Jérôme Buisson, rapporteur. Les aimants permanents représentent un enjeu parce que la Chine détient au moins 90 % du marché. Les gros aimants permanents sont essentiels pour les éoliennes, tandis que les petits le sont pour les moteurs électriques.
La France s’est en effet lancée dans la possibilité de recycler les aimants permanents, ce qui constitue une initiative très intéressante pour retrouver un peu d’autonomie sur ce domaine. Plusieurs projets de start-up sont en cours et élaborent des systèmes de recyclage de certaines terres rares. Le seul problème est la dispersion de ces terres rares dans des quantités infimes, qui se perdent et qui ne sont pas recyclables. Je précise qu’il est ici question de quantités de quelques kilos, loin des proportions des métaux critiques.
M. Guillaume Bigot (RN). Votre travail de grande qualité met en lumière l’irrationalité des objectifs imposés en matière de transition vers le tout électrique en matière de véhicules.
Vous indiquez par exemple que la demande mondiale en lithium, indispensable pour les batteries électriques, sera multipliée par quarante d’ici 2050. Cette augmentation brutale de la production va donc générer des émissions de CO2 considérables, ce qui vient contredire formellement l’objectif initial de réduction de ces émissions. Existe-t-il une évaluation précise des émissions de CO2 générées par l’extraction et la transformation du lithium, par exemple, nécessaires à cette transition ?
Par ailleurs, comment justifier la poursuite d’objectifs européens aussi irréalistes et absurdes que l’interdiction des véhicules thermiques d’ici 2035 ? Ne s’agit-il pas là d’une entreprise de destruction programmée de notre industrie automobile qui met volontairement en péril notre souveraineté industrielle ?
Albert Einstein disait : « Deux choses sont infinies : l’Univers et la bêtise humaine. Mais, en ce qui concerne l’Univers, je n’en ai pas encore acquis la certitude absolue. » Avec l’interdiction de la voiture thermique en 2035, avons-nous acquis la certitude de l’insondable bêtise de Bruxelles ?
M. Jérôme Buisson, rapporteur. Vous dénoncez à juste titre l’empreinte carbone importante de l’extraction et de la transformation de lithium. Selon l’entreprise Imerys, l’extraction d’une tonne de lithium en France émet 8 kilos de CO2 par tonne, contre 16 et 20 kilos de CO2 pour du lithium australien ou chinois. Pour la transformation, également énergo-intensive, cet écart sera encore plus grand, sans compter les émissions liées au transport des matières premières importées. La plus grande mesure écologique à prendre est donc bien entendu la relocalisation de ces activités industrielles en France.
Je vous rejoins sur la décision mortifère de l’interdiction des véhicules thermiques en 2035, qui ne sera efficace écologiquement que dans le cadre d’une politique puissante de réindustrialisation, mais fait en plus passer notre industrie automobile d’une technologie thermique que nous maîtrisons et que nous aurions pu améliorer à une technologie dans laquelle nous accusons un retard alarmant. En même temps, ce besoin de matières premières énorme, et donc du renouveau minier, est dû à l’application du programme écologique.
Mme Dominique Voynet (EcoS). En lisant votre rapport, j’avais le sentiment d’un travail sérieux, et même érudit. Puis les interventions des collègues de votre groupe – très polémiques et politiciennes – sont venues et c’était presque amusant de vous voir lire des réponses rédigées à l’avance sur le format ad hoc, qui permettent à votre parti de faire son miel d’un travail qui devrait être collectif. D’ailleurs, il n’y a jamais aucun débat ici, mais une succession de monologues qui servent essentiellement les préoccupations politiques des différents groupes.
Tout d’abord, nous devons nous poser de vraies questions. À quels besoins prioritaires entendons-nous répondre ? L’obsolescence frénétique de la plupart des objets de consommation courante est-elle raisonnable et supportable ? Il va falloir hiérarchiser nos priorités et répondre à des besoins de la communauté humaine plutôt qu’aux préoccupations consuméristes des adolescents consommateurs de TikTok.
Ensuite, nous avons octroyé des centaines de millions d’euros à des filières visant, en termes de recherche et de développement, à sécuriser, par exemple, le recours à l’énergie nucléaire. Pourquoi ne pourrions-nous pas le faire pour les terres rares ? Nous avons besoin de programmes européens, et peut-être même internationaux, nous permettant de gérer de façon responsable ces ressources. Il est absolument nécessaire de sortir de l’idéologie sur ce sujet.
Enfin, concernant la relocalisation des activités industrielles et minières, vous ne trouverez pas, dans mon parti, de personnes qui s’y opposent, car nous n’avons pas de satisfaction particulière à exporter la pollution, les nuisances, le travail des enfants et des prisonniers à l’autre bout du monde.
M. Jérôme Buisson, rapporteur. Le sujet est politique. Ainsi, ne vous étonnez pas que les réponses le soient également.
Vous évoquez la question de l’obsolescence programmée, qui est un sujet important, mais ce sont aussi les industriels qui y répondront sous la pression des consommateurs.
Toutefois, nous indiquons dans ce rapport que notre priorité est que la France reste un pays industriel, innovant, puissant et souverain dans cette compétition acharnée qu’on peut déplorer, mais qui existe.
La mise en commun de la recherche et du développement existe dans une certaine mesure, mais les brevets industriels sont protégés, secrets et nous ne sommes pas tout le temps dans la coopération. Même les relations entre les entreprises françaises et l’État, qui demandent de la transparence sur les stocks et les stratégies pour arriver à des chaînes de valeur, ne sont pas faciles, parce que les industriels veulent protéger leurs avantages compétitifs sur leur approvisionnement, leurs stocks et leurs secrets industriels. Nous sommes donc loin de cette vision idyllique que vous prônez. Nous pourrions la souhaiter, mais nous sommes confrontés à la réalité du monde et de la compétition entre les pays et entre les industries.
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). J’ai trouvé l’énoncé très scientifique du rapporteur, qui a évoqué « une société à tendance capitaliste », assez amusant.
Concernant le recyclage, vous pariez sur un progrès technique dans le temps. Or, au regard de l’histoire économique de ces deux derniers siècles et du rapport entre nos sociétés et l’environnement, nous constatons qu’à chaque fois que les processus techniques de production s’améliorent dans le cadre de l’économie capitaliste, la demande augmente ensuite. Ce phénomène s’appelle l’effet rebond. Vous ne pouvez donc pas dire que nous allons réussir à rester dans les limites posées par la nature grâce au progrès technique, car il est scientifiquement établi que c’est faux.
Nous connaissons la gravité considérable du changement climatique. Je ne dis pas qu’au sein de mon groupe, nous détenons toutes les réponses, mais, au moins, nous avons le mérite de constater la contradiction entre, d’un côté, le changement climatique et, de l’autre, les modes de production actuels. Ce n’est pas un petit point de détail, mais la question centrale de l’époque, qui doit être posée démocratiquement.
Vous disiez que les industriels agiront sous la pression des consommateurs. Il s’agit de la vision de la démocratie néo-libérale de Friedrich Hayek. Nous pensons, quant à nous, que la démocratie doit être décidée par les citoyens, ce qui s’appelle la République sociale et est une grande tradition française.
M. Jérôme Buisson, rapporteur. Nous n’avons en effet pas la même vision de la société. Je pars du constat des sociétés dans lesquelles nous vivons. Pour l’instant, il est vrai que nos sociétés ne vont pas vers la décroissance ou un retour en arrière sur certaines technologies et que nous consommons de plus en plus. On peut le regretter et le combattre, comme vous le faites. Néanmoins, pour l’instant, on doit faire avec ces constats. Ce n’est pas vraiment l’objet de notre rapport. Chacun a ses priorités et met les métaux précieux ainsi que les terres et pierres rares où il veut, que ce soit dans des bijoux ou des iPhones.
M. le président Bruno Fuchs. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour ce travail, en espérant qu’une partie importante des propositions puissent être retenues et mises en œuvre. Je rappelle que nous ferons un effort, au sein de cette commission, pour vous aider à la mise en œuvre d’une partie – la plus importante possible – de vos propositions.
Conformément à l’article 145 du Règlement de l’Assemblée nationale, à l’issue des échanges, la commission autorise la publication du rapport d’information qui lui a été présenté.
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La séance est levée à 10 h 45.
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Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Anne Bergantz, Mme Véronique Besse, M. Guillaume Bigot, Mme Élisabeth Borne, M. Bertrand Bouyx, M. Jorys Bovet, M. Jérôme Buisson, M. Sébastien Chenu, M. Alain David, Mme Dieynaba Diop, M. Marc de Fleurian, M. Nicolas Forissier, M. Bruno Fuchs, M. Perceval Gaillard, M. Julien Gokel, Mme Pascale Got, M. Stéphane Hablot, Mme Marine Hamelet, Mme Amélia Lakrafi, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Alexandra Masson, M. Kévin Pfeffer, M. Jean-François Portarrieu, M. Pierre Pribetich, M. Stéphane Rambaud, Mme Laurence Robert-Dehault, M. Jean-Louis Roumégas, Mme Marie-Ange Rousselot, Mme Laetitia Saint-Paul, M. Vincent Trébuchet, Mme Dominique Voynet
Excusés. - Mme Nadège Abomangoli, Mme Clémentine Autain, M. Hervé Berville, Mme Eléonore Caroit, M. Pierre Cordier, Mme Christelle D'Intorni, Mme Christine Engrand, M. Olivier Faure, Mme Clémence Guetté, M. Michel Guiniot, Mme Brigitte Klinkert, Mme Marine Le Pen, M. Laurent Marcangeli, M. Laurent Mazaury, Mme Mathilde Panot, Mme Sabrina Sebaihi, Mme Michèle Tabarot, Mme Liliana Tanguy, M. Laurent Wauquiez, Mme Estelle Youssouffa
Assistait également à la réunion. - M. Jean-Luc Warsmann