Compte rendu
Commission
des affaires étrangères
– Audition, ouverte à la presse, de M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de l’Europe, sur la place et le rôle de l’Europe à l’ère de l’administration Trump II. 2
Mercredi
12 février 2025
Séance de 15 heures
Compte rendu n° 35
session ordinaire 2024-2025
Présidence
de M. Bruno Fuchs, Président
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La commission procède à l’audition, ouverte à la presse, de M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de l’Europe.
La séance est ouverte à 15 h 05.
Présidence de M. Bruno Fuchs, président.
M. le président Bruno Fuchs. Mes chers collègues, nous avons le plaisir de recevoir cet après-midi Monsieur Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe.
Monsieur le ministre, nous sommes heureux de saluer la présence au Gouvernement d’un ancien membre de cette commission. Vous aviez accepté, sur le principe, de venir devant nous au mois de décembre. Malheureusement, pour les raisons que chacun connaît, le contexte politique de fin d’année n’avait pas permis de concrétiser votre audition.
Nous remédions aujourd’hui à cette carence, à un moment qui n’en est pas moins important puisqu’il est désormais acquis que le retour aux affaires du président Trump, dont le second mandat vient de débuter, va avoir des répercussions fondamentales à bien des égards pour l’Union européenne (UE) et ses États membres ainsi que, plus largement, pour l’ensemble du continent européen et le monde.
L’exemple des revendications du président américain sur le Groenland, territoire autonome constitutif du Danemark, État membre de l’UE, est à cet égard éclairant. Je ne doute pas que vous nous apporterez des éclaircissements sur la réponse de l’Union à de telles velléités de la part d’un pays ami et réputé allié jusqu’à présent.
Dans un même ordre d’idées, l’annonce par Donald Trump ces jours-ci d’une majoration de 25 % des droits de douane sur tout l’acier et l’aluminium entrant aux États-Unis – y compris celui en provenance de l’UE donc – laisse entrevoir un possible bras de fer commercial euro-atlantique dans les semaines à venir. Après une période d’attente, la position de l’Union européenne semble aujourd’hui plus ferme et soutenue par la quasi-intégralité des États membres. Vos analyses sur ce point seront à n’en pas douter bienvenues.
La Pologne, qui a pris le 1er janvier la présidence semestrielle de l’Union, a placé son mandat sous le slogan « Sécurité, Europe ! ». Les priorités affichées par Varsovie ne sont pas sans convergences avec celles de la France et c’est heureux. Le sommet informel des chefs d’État et de gouvernement qui s’est tenu le 3 février sur les enjeux de l’Europe de la défense illustre une forme de réveil des Vingt-sept en la matière. Reste néanmoins à transformer l’essai car nous sommes encore très loin de ce qu’il faudrait faire pour avoir un véritable impact sur la scène internationale et une plus grande influence géopolitique.
Néanmoins, l’agenda européen des mois et années à venir ne se résume pas à ces seuls enjeux. Les discussions sur le prochain cadre financier pluriannuel 2028-2034 vont débuter. La traduction des rapports Letta et Draghi sur l’avenir du marché intérieur et la compétitivité européenne va entrer dans une phase plus concrète, afin de permettre à l’Union de ne pas décrocher par rapport à ses grands compétiteurs. Les orientations commerciales du bloc communautaire, à commencer par le projet d’accord de libre-échange avec le Mercosur, interpellent quant à elles de plus en plus au sein de notre commission et de l’Assemblée nationale.
De manière générale, tant l’UE que l’Europe au sens plus large se trouvent aujourd’hui face à un besoin de sursaut collectif pour garantir leur avenir. La France a toujours été un moteur dans la construction de l'Europe, comme on le voit aujourd’hui avec le sommet sur l'intelligence artificielle, à la dimension à la fois française et européenne. Se pose donc la question du couple franco-allemand. Peut-on encore longtemps accepter qu’il y ait des divergences de points de vue publics aussi fortes que celles concernant les droits de douane, par exemple sur les véhicules électriques ? Cette dissonance majeure a affaibli l’Europe.
La question de la possible atomisation de l’Europe se pose également, puisque les positions de nombre d’États commencent à diverger.
Enfin, nous souhaiterions que vous nous indiquiez comment les péripéties budgétaires de notre pays des derniers mois sont perçues par nos partenaires et la Commission européenne. Cela a-t-il affaibli la position de la France ? Ou bien est-elle toujours en mesure de donner des orientations que d’autres pays ont envie de suivre ?
M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de l’Europe. Je suis très heureux, à l’occasion de cet échange, de retrouver la commission des affaires étrangères, au sein de laquelle nombre de visages me sont familiers.
J’essaierai d’être le plus concis possible, afin de permettre ensuite un échange au sujet des différentes priorités qui se dessinent pour ce réveil stratégique européen, ce sursaut collectif dont vous avez parlé face à l’accélération des défis géopolitiques et économiques pour notre continent, en réaction aussi à la nouvelle administration américaine.
Le monde ne nous attend pas et les choses s’accélèrent autour de nous. Les règles du jeu changent. Les États-Unis et la Chine investissent massivement dans l’intelligence artificielle, redoublent de fermeté sur les questions commerciales en utilisant, dans le cas des États-Unis, des critères de sécurité nationale pour imposer des tarifs douaniers, y compris à leurs principaux partenaires commerciaux et alliés.
Sur le continent européen, à nos portes, des troupes nord-coréennes se battent aujourd’hui aux côtés des Russes, contre les Ukrainiens. Le président des États-Unis menace l’intégrité territoriale de certains de nos partenaires, comme le Danemark, avec la question du Groenland, que vous avez mentionnée.
Cela implique donc une réponse collective, unie et déterminée de la part des Européens. Vous avez souligné les axes qui doivent structurer notre réponse.
De façon préliminaire, je rappellerai simplement que les Américains sont nos alliés, que nous avons des intérêts communs et que nous continuerons à travailler ensemble. Pendant la transition de pouvoir américaine, le président de la République a d’ailleurs reçu le président Trump, en marge de la cérémonie de réouverture de Notre-Dame, afin d’avoir un échange avec le président Zelensky.
Le président des États-Unis défendra toujours les intérêts des Américains ; c’est son droit et même sa responsabilité. À nous de défendre les intérêts de notre pays et de faire entendre notre voix en Europe, afin de proposer une réponse collective à la hauteur de ces enjeux.
J’évoquerai certaines priorités en la matière. Cependant, avant de regarder ce que font les Américains, les Chinois et les autres ou de nous interroger sur la relation transatlantique, il faut souligner que la réponse se trouve chez nous, dans notre capacité à prendre en main notre destin européen et à investir dans la compétitivité et la réindustrialisation de notre continent.
Le rapport Draghi souligne que, depuis trente ans, les Américains ont généré deux fois plus de produit intérieur brut (PIB) par habitant que les Européens. En 2008, nos PIB étaient au même niveau. Aujourd’hui, celui des Américains est de 30 % supérieur, ce qui s’explique principalement par le différentiel d’investissement dans les domaines de la technologie, du numérique, de l’IA ou du quantique, qui ont provoqué des gains de productivité majeurs.
Le rapport Draghi estime le retard d’investissement en Europe – et donc la nécessité d’investissements publics comme privés – à environ 800 milliards d’euros par an, dans la décarbonation, la défense et la technologie. Le sommet pour l’intelligence artificielle organisé ces deux derniers jours a permis d’annoncer 109 milliards d’euros d’investissements en France et 50 milliards d’euros d’investissements supplémentaires de la part de la Commission européenne. À cet égard, il montre un début de réponse au défi majeur de soutien de l’innovation et de renforcement de notre souveraineté technologique.
Cette réponse ne passera pas seulement par la régulation, c’est-à-dire la défense de nos normes, de nos principes et de nos démocraties, mais aussi par la maîtrise du savoir‑faire technologique et donc par l’investissement massif, le soutien à l’innovation et la simplification de nos procédures.
Pour cette raison, nous avons lancé, avec le commissaire Séjourné, notamment, un chantier de simplification de règlements qui pèsent sur nos entreprises, en particulier nos petites et moyennes entreprises (PME), dont la CSRD (Corporate sustainability reporting directive) et la CSDDD (Corporate sustainability due diligence directive), que nous pourrons évoquer plus en détail.
Nous souhaitons aussi apporter davantage de flexibilité à la réalisation de nos objectifs dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe. Les ministres Marc Ferracci, Agnès Pannier‑Runacher et moi‑même poursuivons actuellement nos efforts pour obtenir de la Commission européenne le lissage et la suspension des amendes imposées à nos constructeurs automobiles en 2025.
La situation est en effet ubuesque : afin de tenir nos objectifs – louables et nécessaires pour la compétitivité, l’autonomie stratégique de notre continent européen, la décarbonation, et donc la réduction de notre dépendance à l’égard des États-Unis, de la Chine ou de la Russie –, on demande aujourd’hui à nos constructeurs automobiles d’acheter des bons d’émissions de carbone à Tesla et Beyond your dreams (BYD), c’est-à-dire de subventionner la concurrence.
Dans ce type de situation, il importe naturellement, d’introduire de la flexibilité, du pragmatisme et du bon sens dans notre capacité à tenir ces objectifs : simplification, investissement, unification du marché unique, unification des marchés de capitaux, union bancaire, vingt-huitième régime de droit des affaires doivent permettre aux entreprises qui le souhaitent – PME, start-up, jeunes entreprises innovantes – de pouvoir exporter et se développer au niveau du continent européen, sans avoir à affronter les barrières réglementaires, assurantielles et juridiques trop lourdes qui pèsent sur le marché de l’Union européenne.
Comme vous le voyez concernant ces sujets économiques, nous portons auprès de la Commission européenne l’exigence d’une accélération face à l’urgence de la pression et de la compétition internationales. Bien sûr, le marché européen, les talents européens, le marché de 450 millions d’individus, ainsi que toutes les entreprises et les innovateurs qui se trouvent sur notre continent constituent un atout et une occasion formidable pour notre pays : donnons-nous les moyens d’être à la hauteur de cette concurrence internationale.
J’ai commencé par les volets de la compétitivité et de l’économie car ils seront au cœur de notre action auprès de la Commission européenne, cette année comme les suivantes.
Concernant la défense, une guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine se déroule effectivement à nos portes. Cela fait trois ans que nous donnons aux Ukrainiens les moyens de se défendre. Ils le font de façon héroïque, non seulement pour protéger leur liberté et leur souveraineté face à l’agression de la Russie mais aussi, bien sûr, pour assurer la sécurité du flanc Est de l’Europe. Aujourd’hui, les Ukrainiens défendent la sécurité de tous les Européens face à l'agression russe. Cependant, alors que des questions se posent au sujet des orientations géopolitiques des États-Unis et de l’avenir de l’Alliance atlantique, il incombe aux Européens de prendre en charge leur propre sécurité, d’assumer leurs responsabilités, de rehausser leurs ambitions en matière de défense.
Cela passe d’abord par l’augmentation de nos budgets nationaux. Je souligne qu’en France, au cours des deux mandats du président Macron, nous aurons doublé le budget de la défense. Je me félicite d’ailleurs que la loi de programmation militaire, portée l’an dernier par le ministre Lecornu et qui a permis de poursuivre cet effort, ait fait l’objet d’un large soutien transpartisan à l’Assemblée nationale et que cette augmentation soit préservée dans ce budget comme dans les futurs budgets. Une fois de plus, il en va de la sécurité et de la souveraineté de notre pays.
Au-delà de cette hausse des crédits, observée aussi chez nos voisins – face à la menace, Allemagne, Pologne, États baltes et nombre d’autres États européens augmentent leurs budgets nationaux, ce qui est bienvenu –, nous pouvons, au niveau européen, renforcer les coopérations industrielles et trouver de nouveaux modes de financement. Nous avons aujourd’hui ces débats, qu’il s’agisse de la possibilité d’utiliser des fonds existants comme le mécanisme européen de stabilité ou de créer de nouveaux emprunts, tels les eurobonds. L’ancienne première ministre estonienne, Kaja Kallas, aujourd’hui haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, avait ainsi suggéré l’émission d'un emprunt de 100 milliards d’euros afin de financer le développement de capacités en commun au niveau européen. Je pense que ces propositions vont dans le bon sens.
Vous avez aussi évoqué la négociation qui s’ouvre au sujet du prochain cadre financier pluriannuel (CFP) de l’Union européenne. Elle sera l'occasion de faire entendre la voix française et d’accroître les ambitions de l’Union européenne en matière de défense et de spatial. Nous exprimerons clairement nos exigences, à commencer par la préférence européenne : le principe très simple selon lequel l’argent du contribuable européen doit soutenir l’industrie de défense européenne et non subventionner celle des États-Unis ou de la Corée du Sud. Il s’agit là d’un enjeu de souveraineté mais aussi de visibilité pour nos industriels : si nous leur demandons de monter en capacités, d’investir pour ouvrir des usines et d’augmenter leurs cadences, il faut pouvoir leur donner cette visibilité concernant les ressources.
Enjeu de souveraineté encore s’agissant de la maîtrise du savoir-faire technologique, qui va au-delà de la présence d’usines sur le continent européen. Ces débats ont actuellement lieu au sein d’EDIP – le programme européen pour l’industrie de la défense –, qui prévoit 1 milliard d’euros d’acquisitions de matériels militaires. Il en va de même pour la maîtrise de l’usage des technologies, comme le montrent les normes ITAR (International traffic in arms regulations), concernant l’exportation de matériels militaires américains : elles permettent aux Américains de contrôler à distance l’usage d’une arme, y compris lorsque celle-ci ne compte que quelques pourcents de leurs composants.
La France porte et continuera à porter cette voix dans les négociations, avec le ministre Lecornu, moi-même et le président de la République. Cela a d’ailleurs été le cas lors de la « retraite » informelle que vous avez évoquée et qui a eu lieu à Bruxelles, il y a deux semaines de cela, même si, comme l’ont fait observer certains journalistes, le terme de retraite n'était peut-être pas le plus approprié pour évoquer les enjeux militaires du continent.
Alors que le monde change rapidement et brutalement, l’enjeu pour nous, les Européens, dans ce moment de réveil stratégique, consiste à changer de logiciel dans la façon dont nous gérons nos relations avec les alliés, à assumer des rapports de force – avec nos alliés, nos partenaires et, bien sûr, nos adversaires – et à sortir d’une forme de naïveté, en particulier sur le plan commercial.
Nous souhaitons commercer avec les Américains, notre principal partenaire commercial. La guerre commerciale et le protectionnisme ne sont dans l’intérêt de personne. Nous ferons entendre notre voix et défendrons nos intérêts comme nous avons su le faire dans le passé, notamment en 2016, alors que l’on prédisait l’effondrement et la division des Européens, face au Brexit, ou dans le cadre de la négociation commerciale avec la première administration Trump.
Ces dernières années, largement sous l’impulsion de la France, l’Union européenne s’est dotée d’outils permettant de renforcer ses capacités de rétorsion commerciale et d’instruments anti-coercitifs pour protéger l’un des siens lorsqu’il est menacé ou sous pression. La Lituanie en a ainsi bénéficié alors qu’elle faisait l’objet d’une pression majeure de la part de la Chine parce qu’elle avait renforcé ses relations avec Taïwan. De même, il y a quelques mois à peine, la Commission européenne a mis en place, avec notre soutien, des barrières tarifaires sur les véhicules électriques chinois. Face à une concurrence déloyale – en l’occurrence la Chine subventionne massivement cette industrie –, il n’y a aucune raison de ne pas nous défendre.
Certes, l’Union européenne est fondée sur le libre-échange et l’ouverture mais dans le respect de certains principes – la défense de nos intérêts et de l'équité commerciale –, ceux-là mêmes que nous défendons lorsque nous nous opposons à l’accord avec le Mercosur tel qu’il est aujourd'hui négocié par la Commission européenne. Lorsque l’on impose des normes à nos agriculteurs et à nos entreprises et que l’on signe des accords commerciaux avec des pays où les agriculteurs ne sont pas soumis à ces standards, nous mettons les nôtres dans une situation de concurrence déloyale. C’est pour cela que nous faisons entendre la voix de la France. Je constate d’ailleurs, en écoutant la Pologne, l’Italie et d’autres pays européens, que ces préoccupations sont partagées par nombre de nos partenaires.
Au-delà des mesures concernant l’investissement et le renforcement de nos capacités, au niveau tant national qu’européen, il s’agit donc d’assumer ces rapports de force qui permettent de défendre nos intérêts, de sortir d’une certaine naïveté et d’être, en somme, plus carnivores qu’herbivores, dans un monde clairement carnivore comme l’a dit récemment le président de la République. La France portera cette voix au niveau européen.
À cet égard, je me félicite du ton de fermeté adopté par la Commission européenne ces derniers jours lorsqu’elle a notamment réagi à la menace américaine de tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium à partir du 30 mars. La France soutiendra ce ton et cette réaction de fermeté et d’unité des Européens pour défendre nos intérêts.
M. le président Bruno Fuchs. Je vous remercie pour ce propos introductif. Une force de frappe européenne en matière de politique étrangère est-elle envisageable ? Dans la plupart des grands conflits – en Ukraine comme au Proche‑Orient – les États mènent, chacun pour leur compte, de façon tout à fait légitime, les discussions en matière de politique étrangère. Alors que je recevais ce matin la ministre des affaires étrangères de la République démocratique du Congo (RDC), nous nous sommes interrogés sur la capacité de l’Europe à peser sur une solution de cessez-le-feu et de paix dans la région des Grands Lacs, qui est en train de s’enflammer. Ces trois exemples illustrent à quel point une politique étrangère européenne plus cohérente, plus forte, plus significative, aurait un effet sur la réalité et sur le poids de notre action à l’étranger.
M. Benjamin Haddad, ministre. Les questions de politique étrangère et de défense relèvent en effet de la souveraineté des États et nécessitent donc l'unanimité lors des négociations au Conseil. Cela ne nous empêche pas de trouver des consensus avec nos partenaires, en particulier lorsque nous voyons que nos intérêts convergent.
Depuis trois ans, on nous répète que les Européens vont se diviser sur la question de l’Ukraine. Or nous avons su maintenir les livraisons d’armes et notre unité sur les sanctions. En réalité, la Russie fait peser une menace sur la sécurité de l’ensemble du continent. Elle s’attaque aussi à nos intérêts en Afrique comme ailleurs.
Sur nombre de sujets, nous avons fait entendre notre voix, ainsi que celle de la France. Je pense notamment au Moyen-Orient, où les négociations pour un cessez-le-feu au Liban ont été menées avec nos partenaires américains.
Quant à la défense, elle sera toujours, bien sûr, une prérogative souveraine et nationale. En revanche, cela ne nous empêche pas, au-delà de l’augmentation de nos budgets nationaux, de dégager des financements communs et de mettre en place des programmes d’investissements et de coopérations industrielles au niveau européen. Cela est dans l’intérêt de tous, au vu notamment des redondances de nombreux systèmes d’armement européens, qui entravent l’efficacité de notre réponse collective.
M. le président Bruno Fuchs. Je donne à présent la parole aux représentants des groupes politiques.
M. Bertrand Bouyx (HOR). Véritable révolution, l’intelligence artificielle transforme en profondeur tous les secteurs : santé, énergie, transport, industrie, culture.
Avec un investissement de plus de 100 milliards d’euros, notre pays se donne les moyens d’accélérer son développement et de viser une place de leader mondial dans le domaine de l’intelligence artificielle. Grâce à ce plan d’investissement, la France se dote d’infrastructures de pointe, stimule la recherche et favorise l’essor des start-up spécialisées.
Le développement de centres de données ultraperformants et le soutien accru aux entreprises technologiques généreront des milliers d’emplois hautement qualifiés à travers tout le territoire, renforçant ainsi notre compétitivité à l’échelle internationale. L’implication d’acteurs internationaux de premier plan, tels que le Canada et les Émirats arabes unis, témoignent de l’attractivité et de la crédibilité de la France en tant que terre d’innovation dans les domaines de l’IA.
À une époque où l’IA est largement dominée par les États-Unis et la Chine, il était essentiel que la France et l’Europe bâtissent leur propre modèle, afin d’assurer leur indépendance technologique et stratégique. Quelques législations commencent à voir le jour pour encadrer et soutenir le développement de l’IA. Même si l’Europe s’intéresse à cette question depuis des années, le règlement européen sur l’intelligence artificielle (Artificial intelligence Act) du 13 juin 2024 est le premier acte législatif réglementant l’IA. Le Conseil de l’Europe a par ailleurs lui aussi adopté, le 17 mai 2024, une charte visant à garantir une intelligence artificielle respectueuse des droits fondamentaux.
L'Union européenne intensifie ses efforts pour attirer les acteurs de l’intelligence artificielle sur son territoire et ses initiatives portent leurs fruits. Les projets annoncés représentent des investissements de plusieurs dizaines de milliards d’euros. Toutefois, ces engagements visent avant tout à rattraper le retard accumulé. Je souhaiterais donc vous interroger sur la stratégie adoptée par l’Europe pour valoriser l’IA tout en assurant un encadrement adapté face à la montée en puissance des autres États dans ce domaine.
M. Benjamin Haddad, ministre. L’IA est au cœur de ce que doit être la réponse européenne à l’administration Trump. En effet, on évoque souvent la défense ou la géopolitique mais l’intelligence artificielle n’est pas seulement une question de compétitivité économique, de création d’emplois ou de révolution dans des domaines comme la santé ou le travail : c’est aussi un enjeu de souveraineté.
Ce qui s'est passé à Paris ces deux derniers jours – l’annonce de 109 milliards d’euros d’investissements en France et les nouvelles initiatives lancées par l’Union européenne dont les 50 milliards d’euros qui portent à 200 milliards ses investissements – représente un succès diplomatique majeur pour notre pays. Cela crée aussi une nouvelle dynamique à l’échelle européenne.
Nous avons beaucoup insisté sur les avancées des États‑Unis ou de la Chine dans ce domaine mais n’oublions pas que nous avons des talents extraordinaires en Europe – en France pour commencer –, aussi bien dans l’IA que dans le quantique : chercheurs, mathématiciens, centres universitaires mais aussi entreprises et start-up. Donnons-leur les moyens de trouver les voies de financement en Europe. Cela passe par ces nouveaux investissements mais aussi par l’union des marchés de capitaux. Je le rappelle, 300 milliards d’euros d’investissements européens partent chaque année aux États-Unis. En outre, l’épargne dormante sur les livrets A ou les comptes bancaires européens pourrait aussi soutenir ces pépites et cet écosystème innovant.
Par ailleurs, comme le montre, ces dernières semaines, l’irruption de DeepSeek dans le monde de l’IA, rien n’est joué en ce domaine. Elle prouve à ceux qui voulaient croire à une fatalité et à une avance irrattrapable des Américains que, dans un monde qui connaît en peu de temps des accélérations exponentielles, de nouveaux acteurs peuvent émerger et, en plus, changer les règles du jeu avec, par exemple, une consommation énergétique moindre. À cet égard, et comme nous l’ont d’ailleurs dit nombre d’entrepreneurs présents à Paris ces deux derniers jours, avec notre énergie décarbonée, grâce notamment au nucléaire, nous aurons un avantage compétitif avec des investissements a priori moindres que ceux d’OpenAI par exemple. Il y a donc des possibilités extraordinaires dans ce domaine si nous savons y mettre les moyens.
Enfin, avec l’IA Act (Artificial intelligence Act), concernant l’usage des technologies, et le règlement DSA (Digital service Act), pour les plateformes numériques nous avons beaucoup développé, ces dernières années, un cadre de régulation utile pour lutter à la fois contre les ingérences, la manipulation des algorithmes, la désinformation et la haine en ligne, le principe étant que ce qui est illégal dans le monde réel l’est aussi dans le monde virtuel. Cependant, à côté de ce cadre de régulation, nous avons aussi besoin de l’innovation, sans laquelle il n’y a pas de souveraineté, ni même de régulation, dans la mesure où nous dépendons des innovations des autres. Dans les prochaines années, nous allons donc mettre l’accent sur ce domaine.
M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Comme vous le savez, le président de la République a reconnu, au mois de juillet, pendant la trêve olympique, la marocanité du Sahara occidental. Quelques mois plus tard, la justice européenne a considéré qu’il fallait rompre l’accord entre l’Union européenne et le Maroc car celui-ci intégrait le Sahara occidental, fait illégal en droit international. Enfin, voilà deux semaines, le Conseil d’État français a décidé que les fruits et légumes des étals de nos marchés en provenance du Sahara occidental devaient être étiquetés « Sahara occidental » et non « Maroc ».
Le droit s’impose à nous. Je vous invite, monsieur le ministre, à informer le président de la République de l’ensemble de ces évolutions qu’il n'a peut-être pas eu le temps ou le loisir de suivre et à rappeler que le droit international nous guide dans les relations internationales.
Le second sujet que je souhaite aborder concerne l’accord entre l’Union européenne et Israël. Notre groupe vous a interpellé à plusieurs reprises sur ce point en faisant valoir qu’il était peut-être temps de suspendre cet accord, pour participer à l’élaboration d’une solution acceptable.
Aujourd’hui, les solutions qui se profilent ne semblent pas très acceptables. Je ne reviens pas sur les propos du président Trump, bien que l’on n'entende pas beaucoup de voix s'élever au sujet de son idée d’une bande de Gaza reconstruite façon station balnéaire, avec une belle plage sur laquelle les riches iraient se faire bronzer, avec des milliards d’investissements. Cela a donné lieu à peu de réactions, y compris de l'Union européenne. J’espère que vous allez réagir avec vigueur lors de cette réunion.
Ne pensez-vous pas – et ma demande est « soft » – que nous pourrions menacer de suspendre les accords européens pour contraindre les acteurs à se mettre autour de la table et à se parler ? Y a-t-il, en Europe, des forces qui bloquent cette pratique diplomatique ? Moi, je préfère faire parler les accords commerciaux ou la diplomatie plutôt que les armes.
M. le président Bruno Fuchs. Je crois devoir rappeler à ce sujet que les propositions du président Trump ont plutôt suscité de nombreuses réactions, quasi unanimes.
M. Benjamin Haddad, ministre. Monsieur Lecoq, je m’étonne de vous entendre dire qu’il n’y a pas eu de réaction française, alors qu’aucun pays européen, voire aucun pays au monde, n’a été, au cours de la dernière année et demie, aussi actif que la France pour trouver les voies de la diplomatie, du dialogue régional et les conditions d’un cessez-le-feu au Moyen-Orient. J’espère que vous vous êtes félicité que notre pays ait joué un rôle moteur dans la négociation du cessez-le-feu au Liban, puis dans le déblocage de la situation politique chez nos amis libanais, avec une implication personnelle permanente du président de la République et du ministre des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. Pas plus tard que ce matin, le président de la République s’est encore exprimé sur la question de Gaza, en rappelant l’attachement indéfectible de la France à la solution politique à deux États, à la sécurité d’Israël et des Israéliens et au règlement de cette question.
Je partage les inquiétudes sur les déclarations récentes du président Trump. Cependant, la voix de la France et celle des Européens est entendue. Une fois encore, nos diplomates se sont mobilisés sur le terrain afin de trouver les termes de ce cessez-le-feu, poursuivant leur travail dans les ambassades, dans les conditions difficiles que l’on sait dans la région ; rendons-leur hommage à cet égard.
Concernant la question du Sahara occidental, la France a en effet une relation privilégiée et profonde avec nos amis marocains, d’où cette reconnaissance du caractère marocain du Sahara occidental. Voilà la voix que nous faisons entendre en Europe et j’ai déjà rappelé que, sur les sujets de politique étrangère, nous avions parfois des voix différentes, des débats au sein de l'Union européenne.
Nous continuerons cependant à faire entendre nos intérêts et notre voix au sein de l’Union européenne, sur la question du Proche-Orient comme sur la question de la relation privilégiée avec le Maroc comme avec tous les partenaires de la France.
Mme Marine Le Pen (RN). Depuis l’élection de Donald Trump, chaque jour apporte son lot d’annonces, notamment de sanctions commerciales que l’administration américaine entend mettre en œuvre, y compris à l’égard de l’Union européenne, dont le solde commercial avec les États-Unis – il est bon de le rappeler – est excédentaire de 180 milliards d’euros.
Il y a cependant un petit problème : ce chiffre ne donne qu’une vision très parcellaire de la situation, puisque l’Allemagne affiche un excédent de 71 milliards et la France un déficit de 4 milliards. Ainsi, les excédents produits par nos secteurs d’excellence – aéronautique, produits pharmaceutiques, vins, spiritueux – ne suffisent pas à compenser les importations.
La vraie question que nous nous posons – chat échaudé craint l’eau froide ; or nous avons déjà vu cela les années précédentes – est la suivante : les entreprises françaises vont-elles être les victimes collatérales de sanctions qui visent à réduire les excédents commerciaux allemands ? En clair, Sanofi, Airbus ou LVMH risquent-ils de payer la facture de BMW ou de Volkswagen ?
Cette situation appelle évidemment un sursaut politique car, avec 9 % d’industries dans notre PIB, alors que des fermetures d’usines sont annoncées chaque jour, que notre agriculture est mise en péril par la concurrence internationale déloyale – ce qui n’a pas empêché Mme von der Leyen de signer les accords avec le Mercosur –, la France est obligée de sortir de sa passivité. La langue que parle Donald Trump semble, pour vous comme pour la Commission européenne, être une langue étrangère : c’est la langue de la puissance. Évidemment, cela peut parfois écorcher les oreilles mais le problème c’est que l’on en a perdu l’usage. Elle est désormais parlée dans le monde entier, par tous ceux conscients de la nouvelle donne du commerce mondial.
Nous, nous ne l’avons pas oubliée. C’est pour cela que nous avons réclamé l’exclusion de l’agriculture de tout accord de libre-échange, la mise en place de la priorité nationale, ou au moins européenne, dans les marchés publics, une politique d’allégement drastique des normes et de la fiscalité qui plombent l’économie française et qui seule pourrait permettre de mettre en œuvre la reconquête de notre marché intérieur.
Ma question est donc la suivante : quel est votre plan d’action urgent pour protéger nos entreprises et ne pas laisser la Commission européenne être le seul interlocuteur, avec tous les risques que j’ai précédemment évoqués, alors que la France semble incapable ne serait‑ce que de s’opposer clairement à la scission de l’accord avec le Mercosur voulue par la Commission ?
M. Benjamin Haddad, ministre. Oui, il faut parler la langue de la puissance, défendre nos intérêts et assumer des rapports de force avec les États-Unis et avec tous ceux qui voudraient remettre en cause nos intérêts.
La meilleure façon de le faire consiste à procéder au niveau européen, à rester unis, à faire peser le poids économique des 450 millions d’Européens et l’argument commercial qu’il représente pour les États-Unis dans ce rapport de force.
Nous l’avons fait en 2016, dans deux circonstances. D’abord, lors des négociations du Brexit, alors que l’on disait déjà que les Européens allaient se diviser face à la Grande‑Bretagne. Il n’en a rien été et nous en voyons aujourd’hui les effets pour celle-ci. Ensuite et surtout, lors de la négociation avec les États-Unis – rappelons le rôle alors joué par Jean‑Claude Juncker, avec l’appui de la France –, lorsque l’administration Trump avait brandi la menace de droits de douane contre l’Union européenne. Nous avions alors montré les instruments de rétorsion commerciale dont disposait l’Union européenne dans un certain nombre de secteurs importants pour l’économie américaine, ce qui avait permis une désescalade : voilà donc bien la meilleure façon de faire comprendre à notre partenaire américain qu’une guerre commerciale ne serait dans l’intérêt de personne.
En effet, sous l’impulsion de la France, nous avons renforcé les instruments européens de rétorsion commerciale, anti-coercitifs, afin de pouvoir réagir sans attendre l’issue de procédures interminables, à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) par exemple, comme cela était autrefois le cas ; voilà la naïveté commerciale que j’évoquais. Nous pouvons aujourd’hui réagir immédiatement, par exemple dès le 30 mars, si les tarifs douaniers américains venaient à être mis en place contre l’Union européenne. Cette réaction pourra être rapide, comme cela a été le cas pour les véhicules électriques chinois. Nous avons en effet su imposer des tarifs douaniers sur ce secteur, massivement subventionné par la Chine. Nul besoin d’ailleurs de l’unanimité, puisque la majorité suffit pour prendre ces mesures. Cela nous a permis de défendre les intérêts de nos constructeurs automobiles, de nos entreprises, de notre industrie face à cette concurrence déloyale de la Chine.
Nous serions beaucoup plus faibles et isolés si nous nous rendions à Washington en rang dispersé. Les Européens – y compris d’ailleurs, Madame le Pen, certains de vos partenaires – comprennent bien l’intérêt de cette réponse unie, qui permet d’assumer un rapport de force ferme avec les États-Unis et de défendre nos intérêts. C’est ce que nous avons fait et que nous continuerons à faire : voilà la voix que porte aujourd’hui la France auprès de la Commission européenne.
Mme Marine Le Pen (RN). Votre réponse me fait penser à cette phrase de Sacha Guitry : « Le mariage c’est résoudre à deux les problèmes qu’on n’aurait pas eus tout seul ». Monsieur le ministre, allons-nous payer ? Nos entreprises vont-elles payer les excédents allemands ? Voilà la vraie question. Certes, l’Union européenne représente 450 millions de consommateurs ; cependant, notre agriculture, par exemple, va‑t‑elle être sacrifiée, comme d’habitude, sur l’autel des exportations des voitures allemandes ? Je pense que beaucoup de Français se posent cette question.
M. Benjamin Haddad, ministre. La France ne se porte pas mieux si ses voisins et partenaires commerciaux européens sont eux-mêmes affaiblis et ciblés par des tarifs douaniers américains. Nous avons su défendre nos intérêts ; il ne s’agit pas d’un jeu à somme nulle. Nous avons davantage intérêt à répondre de façon collective, en Européens, en assumant des rapports de force, comme nous l’avons fait sur la question des véhicules électriques chinois et dans les négociations commerciales avec les États-Unis en 2016.
Ne croyez pas que nous sommes faibles ; cessons l’autoflagellation. Nous sommes capables de peser économiquement, d’imposer des peines économiques aux États-Unis et à nos partenaires commerciaux si nous nous en donnons les moyens, si nous restons unis et si nous savons activer les instruments de rétorsion commerciale dont s’est dotée la Commission européenne ces dernières années.
Au-delà de la question commerciale, s’agissant de la compétitivité, c’est aussi au niveau européen que nous pouvons permettre à nos entreprises de se développer, d’exporter, de se financer. Nos agriculteurs, d’ailleurs, exportent aujourd’hui en Europe leurs produits de qualité en profitant du marché unique agricole européen.
Le niveau européen permet donc à la fois de défendre nos intérêts et d’ouvrir des opportunités économiques à nos entreprises. Appeler à la division et à la bilatéralisation des relations avec les États-Unis – comme vous semblez le faire, Madame Le Pen, sans sortir vos propos de leur contexte – correspond exactement à ce que souhaitent les Américains. L’administration Trump va ainsi chercher à nous retourner les uns contre les autres, à jouer avec les capitales plutôt qu’à avoir un dialogue structuré avec l’Union européenne.
Pourquoi croyez-vous que les États-Unis chercheront cette division et cette bilatéralisation ? Précisément parce qu’ils voient que cela servira leur intérêt, et non le nôtre, dans la relation commerciale. Nous avons donc intérêt à peser de façon collective, unie et déterminée dans la négociation qui va s'ouvrir.
Mme Marie-Ange Rousselot (EPR). Votre présence, monsieur le ministre, nous permet d’évoquer entre autres la question des ingérences étrangères, sujet central et structurant mais aussi très quotidien pour tous les Français, pour nos libertés, nos institutions et nos choix de société.
Depuis l’élection de Donald Trump, nous constatons que, si les États-Unis restent un allié militaire et diplomatique de premier plan, la ligne politique et morale américaine s’éloigne drastiquement des lignes française et européenne. Depuis la prise de fonction du nouveau président américain, les tentatives d’influence sur les affaires politiques et électorales européennes se multiplient. Nous avons pu le voir avec les interventions assumées et très fortes d’Elon Musk au Royaume-Uni, en soutien au British National Party, ou en Allemagne, en soutien à l’AfD (Alternative für Deutschland).
De manière générale, on perçoit un regard de prédation à l’égard des affaires électorales européennes. Les États-Unis, la Russie, mais aussi d’autres pays plus inattendus tels que l’Azerbaïdjan profitent de l’instabilité de nos démocraties pour tenter de manipuler nos élections et influencer l’opinion publique, comme ce fut le cas au printemps dernier, en Nouvelle-Calédonie.
Que pouvons-nous faire ? Les interdictions ponctuelles des plateformes comme TikTok ou autres sont insuffisantes face aux attaques systémiques et extrêmement agressives. Il est urgent de prendre notre destin et nos libertés en main. Il est urgent de renforcer nos institutions et notre droit. Il est urgent d’adapter nos outils numériques pour détecter les attaques extérieures et lutter efficacement contre.
À ce titre, nous devons affirmer une Europe qui ne soit pas seulement un marché mais une puissance capable de se faire respecter. Cela passe par un discours plus ferme envers nos alliés, partenaires et concurrents. Il est temps de penser une réponse diplomatique européenne unissant des pays comme la France ou l’Allemagne, mais aussi des nations aux intérêts parfois divergents comme la Hongrie ou la Pologne.
Nous en avons le talent, la puissance et l’occasion. Il est temps d’en avoir collectivement la volonté. La France doit inciter l'Europe à passer d’une posture défensive à une posture offensive, pour empêcher que les régimes hostiles puissent influencer les élections et les affaires intérieures comme cela s’est vu en Roumanie ou en Géorgie.
Quels sont les possibilités d’action et les leviers spécifiques de la France pour agir tant au niveau national qu’au niveau européen pour nous défendre face à ces actions hostiles ?
M. Benjamin Haddad, ministre. Vous avez raison de souligner la menace que représentent aujourd’hui les ingérences étrangères, amplifiées par les plateformes de réseaux sociaux. S’agissant de l’exemple d'un candidat populiste pro-russe, via TikTok, lors de la récente élection en Roumanie, j’encourage tous les députés à lire le rapport de Viginum, le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères, publié la semaine dernière. Il fait apparaître que lors de l’élection présidentielle roumaine, le nom du candidat évoqué s’est même retrouvé le huitième plus utilisé sur la plateforme TikTok au niveau global, ce qui montre l’amplification artificielle du phénomène.
On pense aussi, bien sûr, à la manipulation des algorithmes sur X et à la question de la transparence de ces algorithmes. À cet égard, nous nous sommes dotés, ces dernières années, d’instruments au niveau européen : le DSA exige ainsi une modération des contenus et une responsabilité de la part des plateformes, afin de lutter contre la haine en ligne, l’antisémitisme, le racisme et la désinformation manifeste. Sont notamment concernées la prolifération des deep fakes et des fausses vidéos, la manipulation des algorithmes ou encore les ingérences.
Le message que nous faisons passer auprès de la Commission européenne consiste donc à utiliser ces instruments face aux risques systémiques que peuvent représenter ces plateformes. Il convient par conséquent de poursuivre les enquêtes en cours concernant les différentes plateformes et, le cas échéant, d’adopter des sanctions.
Il ne s’agit ni plus ni moins que de faire respecter notre droit : lorsque vous investissez en Europe, vous devez respecter les règles européennes. Et il en va de même, bien sûr, lorsque des entreprises européennes investissent ailleurs. De la même façon, le règlement sur l’intelligence artificielle (AI Act), déjà mentionné, permet d’encadrer certains usages de la technologie.
Au-delà de cette question de la régulation, je voudrais de nouveau insister sur la nécessité de l’investissement et de l’innovation. Avec X ou TikTok, nous voyons bien que nous nous sommes rendus dépendants de plateformes numériques étrangères. Si nous voulons reprendre le contrôle de notre souveraineté technologique, il faut faire en sorte que l’innovation se fasse en Europe en donnant les moyens à nos créateurs et à nos entrepreneurs de se développer et que les industries d’avenir – si tant est qu’on puisse encore les appeler ainsi –, tels l’intelligence artificielle et le quantique, dépendent de normes d’usage non pas définies par les autres mais élaborées sur le continent européen. Voilà la meilleure façon de nous défendre. Il s’agit d’un enjeu de sécurité nationale, pas seulement d’économie.
Mme Pascale Got (SOC). Trump II est pour le moins inquiétant, tant pour l’Union européenne que pour les grands équilibres mondiaux. S’il est vrai que l’Europe s’est construite autour de l’objectif de la paix et de la réglementation, je pense qu’elle doit mieux s’affirmer, notamment pour défendre son autonomie stratégique. Elle doit le faire sans se départir du respect du droit international et du droit humanitaire mais en reconnaissant que la vision du monde du président américain n’est pas la nôtre.
Pour ma part, je souhaite vous interroger sur l’offensive financière de Donald Trump avec la cryptomonnaie. L’Europe doit protéger sa souveraineté monétaire face à la montée en puissance des cryptos, qui deviennent déjà des valeurs refuges, voire des monnaies nationales dans certains pays. Le soutien du président américain au stablecoin, indexé sur le dollar et accessible mondialement, pourrait conduire à l’émergence d’un nouvel outil de paiement made in USA. Cela rend d’autant plus urgent le projet d’euro numérique de la Banque centrale européenne.
Face à un président américain très favorable aux cryptomonnaies, comment l’Union européenne peut-elle à la fois trouver une régulation bien pensée, entre réglementation stricte et innovation rapide, et assurer la protection des consommateurs et la stabilité du marché ?
M. Benjamin Haddad, ministre. Votre question est intéressante à plusieurs égards. D’abord, vous avez raison de souligner la prolifération des cryptomonnaies, activement encouragée par l’administration Trump. Pour cette raison, nous soutenons la réflexion actuellement menée par la Banque centrale européenne au sujet de la création d’un euro numérique. Au-delà de ce sujet, on voit à quel point la question monétaire, souvent abordée sous un angle uniquement économique, devient aussi un enjeu de sécurité et de souveraineté.
La zone euro n’est pas complètement terminée, que l’on pense à l’intégration fiscale comme à la capacité à générer de l’emprunt commun ou des transferts au niveau européen, nécessaires pour devenir une zone monétaire optimale, de réserve internationale. Or il s’agit aussi d’un enjeu pour protéger l’Europe face à la prépondérance du dollar, notamment utilisée ces dernières années pour imposer l’extraterritorialité du droit américain.
On voit ainsi à quel point, aux États-Unis, le département du Trésor est aujourd’hui intégré aux enjeux de politique étrangère. À ce titre, le discours d’adieu de la secrétaire au commerce de l’administration Biden est significatif de cette continuité dans le protectionnisme et dans une forme d’unilatéralisme entre les administrations Obama, Trump, Biden puis Trump II : Gina Raimondo a parlé de son département du commerce comme de la « Tech and National security Agency ». Dans les années 1990, on aurait parlé d’accords de libre-échange, d’accords gagnant-gagnant, de relations commerciales. Aujourd’hui, on lit ces questions économiques et commerciales à travers cet enjeu technologique, qui est un enjeu de sécurité nationale.
Cela exige là encore, de la part des Européens, un changement de logiciel intellectuel : il faut intégrer cette dimension de souveraineté, de sécurité nationale, d’autonomie stratégique à la réflexion sur nos enjeux monétaires, économiques ou commerciaux.
M. Arnaud Le Gall (LFI-NFP). On l’a dit, je ne vais pas enfoncer une porte ouverte : le domaine numérique est central dans les questions de souveraineté. L’annonce des 109 milliards d’euros d’investissements, lors du sommet sur l’intelligence artificielle de Paris, ne suffit cependant pas à bâtir une stratégie de souveraineté. D’ailleurs, je note qu’il ne s’agit, pour l’instant, que d’effets d’annonce, un certain nombre de projets n’étant pas confirmés.
Par ailleurs, nombre d’investisseurs pour ces 109 milliards sont de grands groupes, liés aux géants de la Tech aux États-Unis. Ainsi, Mistral est allié à Microsoft. Quant au groupe émirati qui compte investir 50 milliards dans une école d’IA en France, il est lié au projet Stargate. L’empilement de milliards, avéré ou fictif, ne constitue donc pas une stratégie de souveraineté à lui seul.
Lorsqu’on rentre dans les détails, il y a tout lieu d’être inquiets. Certes, nous disposons d’un savoir-faire, tout le monde le sait. Mais, au sommet de l’IA, je n’ai rien vu de sérieux concernant la question matricielle du contrôle des données. À l’heure actuelle, les données sur tous les citoyens sont captées par milliards par les grandes plateformes, puisqu’elles sont aujourd’hui le seul produit qui offre une valeur ajoutée. Il s’agit donc d’un modèle de prédation : ce n’est pas autre chose.
Lorsqu’on sait, en outre, que les modèles de données qui génèrent la plus grande valeur ajoutée concernent par exemple les données de santé, il y a tout lieu d’être inquiets au vu des pratiques qui ont eu cours en France avec Health Data Hub, et je n’ai pas connaissance d’un changement de stratégie radicale dans ce domaine.
Il est donc très dangereux de livrer nos données aux géants de la Tech d’autant que, vous l’avez dit vous-même, la régulation est une chose, le contrôle matériel en est une autre : tant que l’on ne contrôle pas les infrastructures, on ne peut rien faire. Le risque est de devenir une colonie numérique, pendant numérique des menaces de colonisation physique, territoriale, qui pèsent par exemple sur le Groenland.
Il y a tout lieu d’être inquiets concernant la question de la régulation, lorsque l’on sait que la France a poussé à sa baisse, notamment sur l’IA générative, celle qui génère le plus de fake news venant de TikTok, X, de n’importe quel opérateur ou diffusées par l’un d’eux. Il s’agit d’un sujet central. Vous avez évoqué ce qui s’est passé en Roumanie ; on peut très bien imaginer que la même chose se produise en France.
Les gens comme Elon Musk, Larry Ellison ou même Sam Altman ne feront aucun cadeau le jour où nous serons en conflit d’intérêts avec eux et ils peuvent détruire notre débat démocratique. Il y a donc tout lieu d’être inquiets. Pourquoi la France a-t-elle poussé à la baisse la régulation en matière d’IA générative au prétexte de préserver l’innovation ? Il y a pourtant longtemps que ces gens-là n’innovent plus : il s’agit en vérité de prédation. Quid des agences de gouvernance privées que le président entend monter en la matière à la place des Parlements ou de l’Organisation des Nations unies (ONU) ? Nous n’en avons pas tellement entendu parler pendant le sommet.
Ma question sera donc simple : quelle est votre stratégie en matière de cloud souverain et de construction d’infrastructures que nous maîtriserions, et non pas simplement de relations commerciales avec les gens de la Tech US qui nous exposent à une colonisation numérique ? Est-ce qu’Amazon est toujours partie prenante pour élaborer les solutions de paiement de l’euro numérique ? L’ancien directeur de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) m’avait dit que c’était un scandale, or nous n’avons pas eu de réponse claire de la Commission européenne à ce sujet.
M. Benjamin Haddad, ministre. Je ne m’attendais pas à ce que vous vous félicitiez du succès diplomatique et économique remporté par notre pays ces deux derniers jours ; je soulignerai cependant que les éléments que vous évoquez – la souveraineté technologique, la maîtrise de domaines stratégiques comme le cloud ou l’intelligence artificielle – ne se décrètent pas.
M. Arnaud Le Gall (LFI-NFP). Je n’ai jamais dit que cela se décrétait…
M. Benjamin Haddad, ministre. Cela ne sera pas tout à fait en phase avec votre philosophie économique mais c’est aussi en soutenant nos entreprises, nos start-up, nos acteurs privés, nos investisseurs, que nous pouvons le faire. C’est aussi en poussant l’union des marchés de capitaux, en faisant en sorte que les 300 milliards d’euros d'investissements qui partent aujourd’hui aux États-Unis – peut‑être parce qu’ils y trouvent des débouchés plus rentables – soutiennent plutôt notre écosystème, nos talents, nos pépites en Europe.
Voilà la dynamique qu’a lancée le sommet IA ! Réjouissons-nous que l’on vienne investir en France et que, depuis sept ans déjà, notre pays soit le plus attractif pour les investissements étrangers en Europe. Nous avons démontré une fois de plus l’attractivité de notre écosystème, de nos chercheurs, de nos entreprises pour le reste du monde.
Certes, je vous rejoins, le cash ne fait pas à lui seul une stratégie. En revanche, l’ouverture de data centers, l’investissement dans la formation, en France comme en Europe, le fait de pouvoir s’appuyer sur une énergie décarbonée abondante – notamment grâce au nucléaire, relancé ces dernières années par la France et le président de la République – constituent une stratégie de long terme, pour être à la hauteur cette compétition internationale dans l’intelligence artificielle. Maîtriser la souveraineté technologique passe aussi par l’innovation, pas seulement par la régulation.
M. Arnaud Le Gall (LFI-NFP). J’ai parlé de contrôle des infrastructures, pas de régulation.
M. Benjamin Haddad, ministre. Vous évoquiez l’exemple de la Roumanie : nous avons précisément développé des instruments qu’il faut maintenant utiliser pour protéger l'intégralité de nos démocraties, de notre État de droit et nos processus électoraux. C’est le message que le ministre des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, et moi-même avons fait passer à la commissaire Virkkunen à plusieurs reprises ces dernières semaines, y compris à Paris ces derniers jours.
Mais c’est aussi par l’investissement et l’innovation que nous assurerons notre souveraineté, comme l’a montré ce sommet de l’IA.
M. Arnaud Le Gall (LFI-NFP). Monsieur le ministre répond habilement ! Il faut bien sûr investir et innover, là n’est pas la question. La question est : avec qui ? Vous ne me ferez pas croire que vous construirez des infrastructures souveraines en travaillant avec les acteurs centraux du projet Stargate. Par ailleurs, vous n’avez pas répondu à ma question concernant Amazon, peut‑être parce que vous n’avez vous-même pas la réponse, comme d’ailleurs Thierry Breton avant vous.
M. Michel Herbillon (DR). Je vous remercie, monsieur le ministre, de venir devant notre commission dans un moment particulièrement instable sur le plan des relations internationales. En effet, comme nous le pressentions, le début du second mandat du président Trump est marqué par un certain nombre de déclarations tonitruantes qui viennent bousculer les relations internationales sur un ensemble de sujets : l’Ukraine, Gaza, la politique commerciale et les droits de douane, une certaine remise en cause du multilatéralisme et la décision de sortir des accords de Paris.
Concernant les tensions commerciales, le président américain a annoncé lundi vouloir instaurer des droits de douane de 25 % sur l’acier et l’aluminium importés aux États‑Unis, ce qui pourrait provoquer des délocalisations hors de France mais également d’Europe. Face à ces menaces, la présidente de la Commission européenne a indiqué que le relèvement des droits de douane ne resterait pas sans réponse et donnerait lieu à « des contre-mesures fermes et proportionnées ».
Concrètement, au-delà des discours et des mots, quels sont les leviers de négociation privilégiés par la France pour éviter une guerre commerciale avec les États-Unis ? Par ailleurs, le secrétaire général de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), le premier ministre britannique et les vingt‑sept dirigeants des pays de l’Union européenne se sont réunis à Bruxelles, ce lundi 3 février, pour un sommet informel consacré à la défense européenne. Face aux nombreuses menaces, face au risque de désengagement des États-Unis tant vis-à-vis de l’Ukraine que de l’OTAN, cette situation exige que l’Europe repense son action et renforce son autonomie stratégique.
Pour y parvenir, la presse se fait l’écho d’un grand emprunt européen qui pourrait être lancé. On évoque la réaffectation de fonds inutilisés issus d’autres programmes de l’Union européenne ou une certaine flexibilité qui permettrait aux États membres d’exclure leurs dépenses de défense de leurs dépenses nationales. Alors qu’un Livre blanc présentera les propositions de la Commission européenne à la mi-mars, pouvez-vous nous indiquer quelles sont les solutions préconisées par la France ?
Sur ces questions commerciales comme de défense, je vous accorde qu’il y a un réveil stratégique de l’Europe. Oui, il faut changer de logiciel et sortir de la naïveté mais nous avons aussi besoin de réponses concrètes. Je reprendrai de mémoire la formule citée par Robert Waterman dans le célèbre In Search of Excellence : « ce que vous faites fait tellement de bruit que je ne peux pas entendre ce que vous dites ».
M. Benjamin Haddad, ministre. En réponse à votre seconde question, plusieurs voies sont explorées. Une fois de plus, la France prône le rehaussement des ambitions européennes sur les questions de défense, avec comme ligne claire la préférence européenne et donc le soutien à nos industries de défense européennes, avec la maîtrise du savoir-faire technologique aussi bien que des normes d’usage.
Concernant les voies de financement, l’idée d’un grand emprunt européen avait en effet été lancée par Kaja Kallas et reprise, alors, par le commissaire européen Thierry Breton. Cependant, ces prochaines semaines, les échéances électorales en Europe – qui ne vous auront pas échappé – auront un effet sur le type de consensus que nous pourrons dégager à ce sujet.
Lors de la crise du Covid, nous avions considéré qu’il y avait là un enjeu existentiel pour l’Europe et pour les économies européennes et nous avions su trouver un consensus sur le plan de relance européen de 750 milliards d’euros. Un emprunt européen d’un montant de 100 milliards avait alors été envisagé pour investir dans des capacités communes. Créer des eurobonds semble donc une idée de bon sens.
Parmi les autres voies explorées, objets de discussions lors du sommet européen informel de la retraite du 3 février, notons en effet l’utilisation de fonds aujourd’hui inutilisés ou sous-utilisés, comme le mécanisme européen de stabilité. À moyen et long termes, le cadre financier pluriannuel fait aussi l’objet de propositions françaises pour l’élaboration du Livre blanc : nous pourrions augmenter le budget de l’Union européenne. Voilà pour les fonds publics.
Il serait aussi possible de donner aux fonds privés les moyens d’investir dans la défense par les mécanismes déjà évoqués : l’Union des marchés de capitaux, la simplification de la réglementation, le fait d’inciter les acteurs institutionnels à investir davantage dans la défense, par exemple la Banque européenne d’investissement – nous avons d’ailleurs modifié son mandat afin qu’elle puisse investir dans la défense ou dans le nucléaire, ce qui n’était autrefois pas le cas ; désormais, nous l’encourageons à soutenir les projets industriels de défense.
En réponse à votre première question, nous avons en effet développé des instruments et nous verrons quelle décision prendra l’administration Trump sur l’acier et l’aluminium après le 30 mars, échéance de l’exemption de droits de douane déjà décidée lors de la première administration Trump. Dans nombre de secteurs, nous disposons non seulement des moyens de rétorsion déjà utilisés lors de la première administration Trump, à l’époque de la Commission Juncker, mais nous avons depuis renforcé les capacités européennes, à la fois par des mesures anti-coercitives et par des tarifs douaniers, comme ceux que nous avons utilisés sur les véhicules électriques chinois.
Si les mesures américaines étaient confirmées, nous pourrions donc agir vite, au niveau européen, comme l’a déjà annoncé la Commission européenne. Cela étant, et vous l’avez souligné, la meilleure façon d’éviter cette guerre commerciale est de signaler clairement à notre partenaire américain que nous pouvons nous aussi défendre nos intérêts et nous faire respecter.
M. le président Bruno Fuchs. La parole revient désormais aux collègues souhaitant s’exprimer ou poser une question à titre individuel.
M. Kévin Pfeffer (RN). Il y aurait beaucoup à dire sur ce que nous avons entendu cet après-midi, par exemple que notre réponse forte face à l’administration Trump serait l’installation de serveurs sur notre territoire, financés par d’autres. Cela pourrait avoir des conséquences sur notre politique extérieure, je pense aux Émirats arabes unis. Comment d’ailleurs ces serveurs seront-ils alimentés, alors qu’il y a moins d’un an encore, le gouvernement alertait sur de possibles coupures d’électricité l’hiver ? À la clé, il n’y aurait en outre qu’un très faible nombre d’emplois, peut-être moins d’un millier.
Il y aurait aussi beaucoup à dire lorsque vous vous réjouissez que l’UE engage un « rapport de force » diplomatique avec les États-Unis, celui-là même que le gouvernement refuse d’utiliser en France, par exemple avec l’Algérie.
Le Rassemblement national, par la voix de Jordan Bardella, a demandé au Parlement européen la suspension du Pacte vert, urgence face au discours offensif de Donald Trump. Ce Pacte vert, monstre technocratique, bureaucratique, normatif, bras armé de l’écologie punitive en Europe, menace notre industrie automobile – française et européenne –, nos agriculteurs et notre souveraineté alimentaire en imposant une véritable décroissance agricole. Pourquoi s’obstiner à défendre ce véritable boulet accroché au pied de nos entreprises et de nos agriculteurs européens ? Tous font entendre leur exaspération partout en Europe. Ne les entendez-vous pas ?
M. Benjamin Haddad, ministre. Que préconisez‑vous ? Acheter du gaz russe ? Nous n’avons pas la même situation énergétique que des pays comme les États-Unis, exportateurs, quant à eux, d’énergie fossile. La meilleure façon d’assurer, à terme, notre autonomie stratégique et la fin de nos dépendances par rapport à des partenaires – qu’il s’agisse des États-Unis, de la Russie ou d’autres exportateurs de gaz et de pétrole – est donc d’assurer aussi la compétitivité de nos secteurs économiques.
Comme nous l’avons vu au sommet de l’IA, un facteur de différenciation consiste précisément à investir massivement dans le nucléaire et le renouvelable, et donc à tenir ces objectifs environnementaux. C’est l’objet de l’agenda de simplification, avec la CSRD la CS3D et le CID (Clean Industrial Deal), présenté dans les prochaines semaines par le commissaire Séjourné.
Mettons des moyens dans la décarbonation, procédons à la simplification réglementaire, investissons, accompagnons nos industriels, soutenons nos agriculteurs, défendons nos intérêts face à la concurrence déloyale – les véhicules électriques chinois – et sachons mettre du pragmatisme et du bon sens dans la façon dont nous atteignons ces objectifs. Voilà pourquoi, avec les ministres Marc Ferracci et Agnès Pannier-Runnacher, nous avons demandé le lissage de ces amendes imposées de façon absurde à nos constructeurs automobiles, qui doivent payer des bons d’émissions carbone à des concurrents internationaux comme BYD et Tesla.
Nous pouvons faire les deux. Soyons ambitieux ! Soyons à la hauteur de cette ambition.
Mme Sylvie Josserand (RN). Tout comme Ursula von der Leyen, vous avez appelé de vos vœux à parfaire l’union des marchés de capitaux. Ce projet, imaginé dès 2014 par Jean-Claude Juncker, est censé favoriser le financement des entreprises européennes par les détenteurs d’épargne et de liquidités plutôt que par les banques. Selon Mme von der Leyen, l’Union européenne devrait s’inspirer du modèle pratiqué aux États-Unis, où les marchés financiers, grâce à leur profondeur et au volume des liquidités, constituent le principal mode de financement des entreprises.
L’élection de Donald Trump a provoqué une envolée des cours de la bourse aux États‑Unis, bourse séduite par le maître mot du nouveau président : liberté. Ma question est donc la suivante : si l’union des marchés de capitaux devait voir le jour dans l’Union européenne, serait-elle conçue comme un espace de liberté pour les épargnants dans le choix de leurs investissements, comme c’est le cas aux États-Unis, ou bien l’épargne privée serait-elle utilisée de manière dirigée au service de politiques décidées par Bruxelles, telle l’incitation verte ?
M. Benjamin Haddad, ministre. Ce n’est pas le libéral que je suis qui va vous dire qu’il faut diriger de façon autoritaire l’épargne privée. Au contraire, il faut lui permettre d’aller vers des acteurs européens qui ne demandent qu’à se financer, de soutenir notre économie, d’offrir les meilleures occasions aussi bien aux ménages qu’aux entreprises, avec la profondeur du marché européen. Nous avons aujourd’hui ce marché unique, une chance extraordinaire pour nos entreprises ou nos agriculteurs, qui exportent eux aussi.
Cependant, trop d’obstacles subsistent. Lorsque j’interroge des dirigeants de start‑up au sujet du marché européen, ils me disent que, lorsqu’ils ont réussi en France ou en Allemagne et qu’ils souhaitent développer leur activité au Portugal, en Espagne ou en Pologne, ils ont l’impression de recommencer à zéro : un cadre de régulation différent, un cadre juridique différent, un marché de capitaux différent, des banques qui n’appliquent pas les mêmes règles…
Nous avons ici la possibilité d’approfondir le dispositif, d’offrir des moyens de financement et, surtout, de leur simplifier la vie grâce à l’union des marchés de capitaux, à l’union bancaire et à un vingt-huitième droit des affaires, une idée d’Enrico Letta. En effet, nous avons actuellement vingt-sept droits des affaires, issus de plusieurs siècles de traditions juridiques nationales. Il ne s’agit donc pas de les harmoniser ou de les fondre mais d’en avoir un vingt‑huitième pour faciliter la vie des entreprises qui souhaitent exporter et se développer rapidement en Europe. Voilà donc l’objectif de cette union de marchés de capitaux : laisser davantage de possibilités pour se financer, tant aux ménages qu’aux entreprises.
M. Michel Guiniot (RN). La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé début janvier, dans le cadre de la boussole stratégique, vouloir réduire le poids des normes européennes, alors même qu’elle en a été l’architecte, voire le chef d’orchestre. Cette contradiction interroge : la Commission sera‑t‑elle capable de se remettre en cause ? Peut‑on y croire un seul instant ?
En 2023, Renault et le constructeur chinois Geely ont officialisé la création d’une coentreprise dédiée aux moteurs thermiques et hybrides, détenue à parts égales par les deux entreprises. C’est là donner les clés technologiques du thermique, tout en laissant la concurrence à bas coût chinoise sur l’électrique. Dans ce contexte, la France soutiendra‑t‑elle l’avancement de la clause de revoyure du règlement interdisant les véhicules thermiques en 2035, initialement prévue fin 2026 ? Le gouvernement est-il prêt à revoir cette clause et à en accélérer l’examen, pour permettre une réévaluation de cette interdiction ? Nombre de nos concitoyens sont extrêmement inquiets de ces dispositions.
M. Benjamin Haddad, ministre. Concernant le premier point : oui, nous y veillerons. La France porte clairement ce message ; le président de la République a évoqué une pause réglementaire. Un rapport de trois sénateurs, dont le président de la commission des affaires européennes du Sénat, M. Rapin, souligne que, ces cinq dernières années, l’Union européenne a produit environ 15 000 textes normatifs et réglementaires, contre 5 000 pour les États-Unis.
Cependant, le DSA, la défense de nos démocraties et de nos processus électoraux contre la manipulation des algorithmes ou les ingérences étrangères sont aussi des normes, protectrices celles-là. Il faut donc distinguer les différents types de normes, tout en gardant le cap, par exemple, sur la transition environnementale et énergétique, en accompagnant nos entreprises et en simplifiant le plus possible. Voilà l’objectif. C’est pourquoi nous avons, par exemple, demandé une suspension temporaire de l’application du CSRD et du CS3D : nous devrions en voir les résultats dans l’omnibus de simplification que la Commission européenne publiera dans les prochains jours. En effet, ces normes de reporting environnemental et de due diligence sont imposées aux entreprises, notamment à des PME, et ajoutent beaucoup de complexité. L’objectif d’assurer notamment la transparence des processus industriels sur l’empreinte carbone ou la protection des droits humains est certes louable mais il faut le viser de la façon la plus simple possible.
S’agissant de votre seconde question, nous avons notamment demandé le lissage des amendes prévues en 2025. En revanche, nous n’allons pas revenir sur l’objectif de 2035. Nos entreprises ne nous le demandent pas d’ailleurs. Or il faut partir de leurs demandes, en particulier celles des industriels français qui ont entrepris des investissements massifs, précisément pour être à la pointe de la transition dans l’électrique. L’enjeu consiste aujourd’hui à apporter du pragmatisme et à les protéger contre les aléas de marché et la concurrence étrangère déloyale, notamment chinoise.
M. Bertrand Bouyx (HOR). Je souhaite vous interroger sur la relation bilatérale entre la France et le Canada, et plus largement entre l’Europe et le Canada. À l’heure où Donald Trump précise ses ambitions et ses menaces contre le Canada, n’est-il pas temps de saisir cette occasion pour resserrer nos liens et nos partenariats avec ce pays frère ?
En mettant la focale sur le Groenland, l’Europe redécouvre en outre qu’elle possède une frontière commune avec le Canada. Quelles sont les perspectives de rapprochement avec ce pays allié dans un agenda futur ?
M. le président Bruno Fuchs. Il s’agit à la fois d’une opportunité mais aussi d’une demande de nos partenaires canadiens, en particulier depuis les propos du président Trump.
M. Benjamin Haddad, ministre. Je partage votre constat quant à l’opportunité d’approfondir nos relations avec le Canada.
J’ai évoqué les instruments de protection contre les menaces commerciales et de rétorsion anti‑coercitifs, ainsi que les mécanismes de compensation que nous avons renforcés au niveau européen ces trois dernières années. Cependant, il faut aussi souligner l’approfondissement des relations commerciales et la diversification des partenaires commerciaux de l’Union européenne : le CETA – l’accord économique et commercial global – a ainsi bénéficié à nos entreprises et à nos exportations ; une nouvelle génération d’accords de libre-échange, par exemple avec la Nouvelle-Zélande et le Chili, respecte notamment les clauses miroirs, les accords de Paris, la réciprocité sur les normes et les standards.
Nous soutenons donc l’approfondissement de ces relations commerciales, tout en affirmant clairement que l’Union européenne doit se protéger de la concurrence déloyale et assurer l’équité – le fameux level planning field – et, donc, ne pas imposer des normes et des standards qui ne sont pas respectés par nos partenaires, à nos agriculteurs en l’espèce dans le cas du Mercosur.
Avec le Canada, nous avons su faire respecter ces exigences et nous pensons possible l’approfondissement des relations politiques et économiques avec ce partenaire.
Mme Pascale Got (SOC). Trump I préfigurait Trump II, même si l’on espérait qu’il ne remporte pas sa deuxième élection. L’Europe avait donc eu un avant-goût des méthodes de son partenaire américain et, même si le résultat de l’élection avait été autre, le protectionnisme aurait subsisté. Il est donc logique que vous utilisiez beaucoup le futur dans vos réponses et que vous exprimiez beaucoup d’intentions. Cependant, eu égard aux déclarations quotidiennes et à l’urgence de la situation, on peine à voir des actions très concrètes à court terme, ainsi qu’un calendrier. Pourriez-vous nous apporter des précisions en la matière ?
M. Benjamin Haddad, ministre. Vaste question ! Voilà pourquoi j’ai distingué précédemment deux points.
Le premier concerne ce qui relève de la réponse directe dans la relation transatlantique. Il s’agit notamment de la question commerciale. Pour l’instant, aucune mesure n’a été prise. En tout état de cause, nous disposons des instruments pour y faire face et nous devrons répondre de façon unie, en assumant des rapports de force comme nous avons su le faire lors de la période Trump I, sur laquelle je reviens souvent.
Dans le second point, j’ai souligné qu’une partie majeure de la réponse dépendait de ce que nous voulions faire en Europe pour assurer notre compétitivité et réinvestir dans la réindustrialisation et l’innovation technologique.
Vous avez raison : le protectionnisme aurait existé quel que soit le candidat élu. Ainsi, le pivot vers l’Asie était déjà annoncé par Barack Obama, comme le protectionnisme, déjà observé sous l’administration Trump puis poursuivi par l’administration Biden. Je le rappelle, le Defense production Act a été décidé sans aucune coordination avec les Européens, au détriment de nos entreprises, avec des délocalisations vers les États-Unis et le soutien à la défiscalisation et aux entreprises américaines.
Il faut donc soutenir nos entrepreneurs et nos entreprises, et non la fiscalité sur les entreprises comme le suggère monsieur Le Gall. Cela passe aussi par le soutien à la compétitivité et, par conséquent, par l’unification des marchés de capitaux, la simplification, l’investissement, y compris dans la défense, ce que révèle le rapport Draghi. Celui-ci préconise en effet la nécessité de prévoir des investissements de 800 milliards par an, publics comme privés, dans ces différents secteurs, d’où les initiatives annoncées par la Commission européenne.
Vous avez raison, madame la députée, de souligner l’urgence d’aller plus vite. De fait, lorsque le président Trump prend une quarantaine de décrets exécutifs en une journée – même si certains sont retoqués par la justice et d’autres purement symboliques –, les processus européens nécessitent parfois des mois pour aboutir à des stratégies. Nous sommes nombreux à souhaiter une mise en œuvre plus rapide ; c’est précisément à cela que s’emploie la France aujourd’hui. Cela ne nous empêche pas d’ailleurs de proposer des réponses et des stratégies nationales : nous l’avons vu ces derniers jours avec le sommet sur l’IA et les investissements annoncés.
Mme Marine Le Pen (RN). Vous avez, comme d’autres d’ailleurs, beaucoup parlé d’ingérences étrangères. Je rappelle néanmoins qu’auditionnés devant une commission d’enquête, les patrons de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), de l’office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) et du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) nous ont indiqué qu’il n’y avait pas d’ingérences en France. Même le procureur du parquet national financier (PNF) a expliqué que les seules ingérences étaient américaines. Pourtant, la rapporteure de la commission a refusé d’enquêter sur les ingérences américaines. Je suppose que si cette commission avait lieu aujourd’hui, il y aurait très certainement une enquête sur celles-ci. Je souhaitais que l’on s’en souvienne.
Mon premier point concerne les data centers annoncés. Ce n’est pas manquer d’enthousiasme mais, si c’est comme les projets d’usines de batteries dont on a tant entendu parler et pour lesquels la réalité s’avère finalement moins brillante que ce que l’on nous avait vendu… Un aspect néanmoins n’est jamais évoqué et m’inquiète sur le plan public : il s’agit de l’électricité nécessaire au fonctionnement de ces data centers, extrêmement gourmands en énergie. Comment va‑t‑on les alimenter ? Qui va financer la construction de nouvelles centrales nucléaires ? Y aura-t-il une participation dans le cadre de ces investissements ? Je le rappelle, l’année dernière, on nous expliquait que des coupures d’électricité étaient possibles.
Par ailleurs, avez-vous été alerté par les professionnels sur le risque que l’IA ne devienne une nouvelle bulle technologique ? Cela nécessiterait une réflexion stratégique. Ainsi, lorsque DeepSeek a fait son annonce, Nvidia a perdu en une journée 400 milliards de capitalisation.
M. Benjamin Haddad, ministre. Sur les ingérences, les enquêtes de la Commission européenne au titre du DSA sur le risque systémique que pourraient faire peser certaines plateformes numériques américaines ont commencé avant l’administration Trump. Elles concernaient X, la manipulation des algorithmes, la fin de la modération de contenus sur la haine en ligne, la désinformation, l’utilisation des deep fakes. Certes, des cas spectaculaires, comme en Roumanie, aussi bien sur X que sur TikTok remettent sur le devant de la scène la question des ingérences étrangères via les plateformes numériques. Cependant, ce débat n’est pas nouveau et concernait déjà aussi bien les États‑Unis que la Russie, évoquée dans le cadre de la commission d’enquête parlementaire.
Je relierai votre question sur les data centers à celle sur Nvidia, qui fournit des infrastructures. Or, les entreprises qui produisent du langage ou des large language model (LLM), comme OpenIA, ont mieux résisté à l’arrivée de DeepSeek que des sociétés comme Nvidia.
L’émergence de DeepSeek a marqué l’arrivée de modèles de langage d’intelligence artificielle plus frugaux sur le plan énergétique, en tout cas d’après ce que l’on en sait pour l’instant et selon la communication de l’entreprise. À cet égard, la France peut se positionner comme un leader de ce modèle d’IA moins vorace, grâce à son abondante énergie nucléaire – elle est aujourd’hui exportatrice d’électricité – et à son mix énergétique.
Les analystes et les observateurs soulignent d’ailleurs que les restrictions américaines à l’exportation des chips ou microprocesseurs ont poussé les Chinois à innover avec des data centers moins voraces en énergie. L’Union européenne, notamment la France, peut utiliser cet angle concurrentiel.
M. Arnaud Le Gall (LFI-NFP). Monsieur le ministre, vous parlez en effet beaucoup du futur et peu du passé. Or les situations évoquées ne datent pas d’hier. À titre personnel, je me suis désolidarisé, il y a trois ans, du rapport du comité de suivi du plan de relance dont j’étais membre, regrettant que l’on subventionne des batteries chinoises et américaines. Il semblerait qu’on se préoccupe désormais du problème.
Lorsque nous avions demandé à monsieur Le Maire comment réagirait le gouvernement à l’Inflation réduction Act (IRA), il nous avait répondu : « Circulez, n’y a rien à voir, on est prêts, n’y a pas de sujet ». Or cela n’était pas vrai. Nous ne pouvons donc pas vous croire sur parole, pour la simple raison que le logiciel idéologique de l’Union européenne n’est actuellement pas en mesure de répondre aux défis. La doxa sur le libre-échange domine encore, ainsi qu’une allergie à toute forme de protectionnisme. C’est là un vrai problème et c’est pourquoi nous demandons des garanties.
M. Benjamin Haddad, ministre. Il s’agit davantage d’un constat que d’une question. Vous posez là l’exigence naturelle d’un parlementaire vis-à-vis du ministre et du ministre lui-même vis-à-vis de la Commission européenne. Je ne vous demande pas de me croire sur parole. Je répète que la détermination de la France est absolue, précisément pour pouvoir défendre nos intérêts et pousser la Commission européenne à défendre ceux des Européens dans les grands défis économiques, technologiques ou commerciaux qui s’ouvrent. Nous y veillerons.
Nous allons aujourd’hui dans la direction que souhaite la France, concernant aussi bien la boussole de compétitivité, le Clean industrial deal, la simplification que le discours ferme face à l’hypothèse de tarifs douaniers de la part de l’administration Trump. Cette direction est celle d’une Europe moins naïve, qui ne soit pas le dindon de la farce de la mondialisation et qui saura défendre ses intérêts. L’intérêt de la France, c’est aussi que les Européens restent unis, que l’Europe soit forte, et qu’elle fasse entendre sa voix. Il importe qu’elle n’arrive pas divisée et en rangs dispersés dans la concurrence internationale qui s’ouvre.
M. le président Bruno Fuchs. Merci, monsieur le ministre, d’avoir partagé ce moment avec nous. Nous retenons de cette audition la nécessité d’une Europe plus forte, plus puissante mais aussi beaucoup plus réactive et cohérente qu’elle ne l’est aujourd’hui. La France continuera à jouer son rôle, ainsi que cette commission, à vos côtés, en vous accompagnant, y compris si nécessaire par son contrôle, son discernement et ses critiques.
La séance est levée à 16 h 40.
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Membres présents ou excusés
Présents. – M. Bertrand Bouyx, M. Jorys Bovet, Mme Stella Dupont, M. Bruno Fuchs, Mme Pascale Got, M. Michel Guiniot, M. Michel Herbillon, M. Alexis Jolly, Mme Sylvie Josserand, Mme Brigitte Klinkert, M. Arnaud Le Gall, Mme Marine Le Pen, M. Jean-Paul Lecoq, M. Kévin Pfeffer, Mme Laurence Robert-Dehault, M. Lionel Vuibert
Excusés. – Mme Nadège Abomangoli, M. Guillaume Bigot, Mme Eléonore Caroit, Mme Christelle D'Intorni, M. Olivier Faure, M. Marc Fesneau, Mme Amélia Lakrafi, M. Laurent Mazaury, Mme Mathilde Panot, M. Davy Rimane, Mme Sabrina Sebaihi, M. Charles Sitzenstuhl, Mme Michèle Tabarot, M. Laurent Wauquiez, Mme Estelle Youssouffa
Assistaient également à la réunion. – Mme Marie-Ange Rousselot, Mme Liliana Tanguy