Compte rendu

Commission
des affaires étrangères

– Audition, ouverte à la presse et conjointe avec la commission de la défense nationale et des forces armées, de M. Charles Fries, secrétaire général-adjoint du service européen pour l’action extérieure de l’Union européenne, sur l’Europe de la défense.              2

 

 

 

 


Mercredi
30 avril 2025

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 53

session ordinaire 2024-2025

Co-présidence
de M. Bruno Fuchs,
président de la commission des affaires étrangères, et de
M. Jean-Michel Jacques,
président de la commission de la défense nationale et des forces armées


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La commission procède à l’audition, ouverte à la presse et conjointe avec la commission de la défense nationale et des forces armées, de M. Charles Fries, secrétaire général-adjoint du service européen pour l’action extérieure de l’Union européenne, sur l’Europe de la défense.

La séance est ouverte à 9 h 00.

Co-présidence de M. Bruno Fuchs, président de la commission des affaires étrangères,
et de M. Jean-Michel Jacques, président de la commission de la défense nationale
et des forces armées.

M. le président Jean-Michel Jacques, président de la commission de la défense nationale et des forces armées. Mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis dans le cadre de nos travaux consacrés à l’Europe de la défense et nous avons le plaisir d’accueillir M. Charles Fries, secrétaire général-adjoint du service européen pour l’action extérieure (SEAE) de l’Union européenne (UE).

Cette audition est réalisée de manière conjointe avec la commission des affaires étrangères.

Monsieur Charles Fries, vous avez accompli une brillante carrière au sein du Quai d’Orsay, qui vous a vu devenir successivement ambassadeur de France en République tchèque, au Maroc et en Turquie. Désormais responsable de la politique de défense et de sécurité commune au SEAE, vous êtes au cœur de tous les dossiers sensibles, de la préparation de la Boussole stratégique à la mise en œuvre du soutien militaire à l’Ukraine, en passant par la création des nouvelles missions militaires européennes telles qu’Aspides, l’opération militaire navale destinée à protéger le trafic maritime en mer Rouge.

Compte tenu de la tension qui caractérise désormais les relations entre les États-Unis et l’Ukraine, mais aussi des incertitudes quant à leur devenir, l’Union européenne se retrouve en première ligne pour soutenir ce pays face à l’agression russe. Ce sujet pose la question de notre capacité, mais aussi de notre volonté de faire, alors que des voix sont dissonantes. S’agissant plus largement des relations avec les États-Unis, les décisions et déclarations récentes du président Trump laissent planer une ombre sur la fiabilité de ce pays en tant qu’allié et rendent nécessaire une redéfinition des relations transatlantiques.

L’espace de manœuvre est étroit entre conserver le lien avec l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et renforcer le pilier européen de l’Alliance atlantique. Vous nous parlerez sans doute de ces éléments.

M. le président Bruno Fuchs, président de la commission des affaires étrangères. Monsieur le secrétaire général-adjoint, votre audition porte sur un sujet d’intérêt mutuel pour nos deux commissions. En vertu de l’article 42 du traité de l’Union européenne, la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) inclut la définition progressive d’une politique de défense commune de l’Union. Une clause d’assistance mutuelle est même prévue au cas où un État membre ferait l’objet d’une agression armée sur son territoire.

À la suite du déclenchement de la guerre en Ukraine et de la nouvelle donne géopolitique induite notamment par l’arrivée de la nouvelle administration américaine, cette PSDC a connu des changements majeurs, qui se sont accélérés ces dernières semaines. Cette audition a pour objet d’évoquer les défis provoqués par cette nouvelle donne. D’abord, les appareils militaires de l’Union et de la plupart des États membres restent encore embryonnaires. À titre d’illustration, l’Union européenne ne dispose pas de structure de commandement adaptée pour faire face à un conflit de haute intensité, contrairement à l’OTAN.

Ensuite, en dépit d’un budget spécifique limité, la problématique de financement de l’autonomie stratégique européenne est loin de faire consensus. Le programme européen pour l’industrie de défense (EDIP), visant à définir la façon dont les Européens pourraient produire ensemble de l’armement, n’a toujours pas été adopté. La question d’un emprunt commun pour financer le vaste chantier de l’industrie de défense européenne est également envisagée. Mais plusieurs États membres, dont les Pays-Bas, ne souhaitent pas ouvrir ce sujet politiquement sensible.

Enfin, la base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE) est dans l’immédiat limitée par ses capacités de production : les retards de livraison de munitions à l’Ukraine en sont l’illustration. Il ne s’agit pas seulement d’augmenter les capacités de production mais de revoir totalement les chaînes d’approvisionnement et les processus de fabrication. L’année 2025 marquera-t-elle le début d’une véritable Europe de la défense ?

En dépit des reproches récurrents provenant d’outre-Atlantique, les budgets de défense européens n’ont rien de ridicule. Combinés, les budgets de défense des Vingt-sept représentent 312 milliards de dollars en 2023, soit l’équivalent du deuxième budget militaire au monde après celui des États-Unis – 916 milliards de dollars –, devant ceux de la Chine – 296 milliards de dollars – et de la Russie – 109 milliards de dollars.

L’Union européenne dispose donc du potentiel d’une véritable puissance mondiale sur le plan militaire. Le problème porte sur une trop faible interopérabilité des vingt-sept armées européennes. Pour européaniser les équipements, il faudrait européaniser les dépenses et les productions industrielles. Comment y parvenir ? Comment l’Union européenne peut-elle accompagner et orienter les efforts nationaux ? Il est donc urgent de répondre de façon opérationnelle, de mettre en œuvre des politiques publiques européennes, afin de relever ces défis.

M. Charles Fries, secrétaire général-adjoint du service européen pour l’action extérieure de l’Union européenne. Je suis très heureux de m’exprimer devant vos deux commissions dans le cadre de ce cycle d’auditions consacré à l’Europe de la défense. En poste depuis cinq ans au SEAE, j’ai pu voir combien les thématiques sécuritaires et militaires étaient montées en puissance dans l’agenda européen. Renforcer la sécurité et la défense de l’Europe constitue la priorité de la nouvelle haute représentante, Mme Kallas, et l’UE possède désormais un commissaire à la défense. De plus, le Parlement européen dispose d’une commission de la défense de plein exercice et les chefs d’État et de gouvernement abordent maintenant ce sujet quasiment à tous les Conseils européens.

Où en est aujourd’hui l’Europe de la défense ? Il est fréquemment rappelé que l’Europe ne progresse que sous le choc d’une crise, qu’elle ne sait faire preuve d’audace que lorsqu’elle est acculée et a le couteau sous la gorge. De fait, la guerre en Ukraine a constitué un puissant accélérateur sur les sujets de défense : l’Union européenne a financé pour la première fois la livraison d’armes à un pays en guerre, a mis en place la plus grosse mission militaire de son histoire – puisque nous avons formé jusqu’à présent 74 000 soldats ukrainiens – et elle s’est dotée de nouveaux outils budgétaires pour encourager les États membres à acheter ensemble des matériels de défense et pour soutenir l’industrie d’armement dans le secteur des missiles et des munitions.

Ceci était inimaginable avant le 24 février 2022. Il s’agit donc de progrès incontestables mais encore très insuffisants, car ils ne font pas oublier l’urgence et l’ampleur des défis à relever.

Le premier défi concerne le sort de l’Ukraine. Depuis plus de trois ans, nous disons que la Russie fait peser une menace existentielle, non seulement sur ce pays mais aussi sur la sécurité européenne. Si la Russie devait l’emporter, nous pensons à Bruxelles qu’elle ne s’arrêterait pas là et poursuivrait ses desseins impérialistes et de retour aux sphères d’influence de l’époque soviétique. En conséquence, l’Union européenne se mobilise très fortement depuis le début du conflit. Nous sommes le plus gros donateur à l’Ukraine, à hauteur de 145 milliards d’euros, dont environ 50 milliards d’euros en soutien militaire. Nous sommes les plus impliqués dans la formation de l’armée ukrainienne et le plus important investisseur étranger dans l’industrie de défense de l’Ukraine, grâce aux revenus issus des avoirs russes gelés.

Le deuxième défi a trait à notre propre défense. La préoccupation aujourd’hui dominante à Bruxelles est que nous devons nous préparer à une possible attaque russe avant la fin de la décennie, un scénario ouvertement envisagé par plusieurs agences nationales de renseignement. Il s’agit là d’une évolution importante par rapport à la façon dont on parlait jusqu’à présent de l’Europe de la défense. Pour simplifier, on considérait que la défense de l’Europe était assurée par l’OTAN au titre de la défense collective et que l’Europe se concentrait surtout sur la gestion de crises à l’extérieur de ses frontières pour protéger ses partenaires et stabiliser son voisinage. Cela demeure en partie le cas. Nous avons lancé, par exemple, l’an dernier l’opération Aspides pour assurer la liberté de navigation en mer Rouge et, il y a quelques semaines, nous avons réactivé notre mission à Rafah, où des policiers et gendarmes européens ont facilité le passage de Palestiniens de Gaza vers l’Égypte. Cependant, la pensée dominante aujourd’hui à Bruxelles n’est plus vraiment de donner la priorité à l’opérationnel extérieur mais aux questions capacitaires et industrielles. Désormais, la défense de l’Union européenne elle-même est en jeu, et non plus seulement sa capacité de projection hors zone, d’où l’importance attachée à ce que l’action menée au niveau de l’Union européenne soit bien complémentaire de l’OTAN.

Le troisième défi porte sur les conséquences du retour de Donald Trump au pouvoir. Depuis des années, les États-Unis nous répètent les deux mêmes messages : d’une part, nous devons investir davantage dans notre défense pour mieux partager le fardeau transatlantique ; d’autre part, la priorité américaine n’est plus l’Europe mais l’Indopacifique et la menace chinoise. Or, l’élément marquant des cent premiers jours de l’administration Trump concerne la vigueur des attaques contre l’Union européenne et notre modèle démocratique, l’incertitude des choix diplomatiques américains et les doutes liés à la solidité du lien transatlantique. Nous vivons donc désormais un moment de vérité pour l’Europe. Nous voulons bien sûr préserver un lien aussi fort que possible avec les États-Unis mais l’Europe doit aussi se préparer à se défendre avec « moins d’Amérique ».

Dans ce contexte, je discerne trois grands chantiers, trois grandes priorités, pour les prochains mois.

La première concerne la poursuite de notre soutien militaire à l’Ukraine, pour placer ce pays dans la meilleure position possible lors des négociations de paix. À cet effet, Mme Kallas a souhaité, parmi ses premières initiatives, mobiliser les Européens, pour que leur aide militaire à l’Ukraine soit en 2025 supérieure à celle de 2024, afin notamment de pallier le désengagement américain. De fait, nous sommes déjà à environ 23 milliards d’euros d’engagements contre 20 milliards d’euros en 2024.

Par ailleurs, afin de répondre à une demande urgente du président Zelensky, la haute représentante a proposé que deux millions d’obus de large calibre soient livrés à l’Ukraine dès que possible. Cette année, nous avons déjà atteint les deux-tiers de cet objectif et nous espérons combler l’écart dans les prochains mois. Cet effort particulier sur les munitions d’artillerie ne nous fait pas pour autant oublier tous les autres besoins ukrainiens. Je pense notamment au système de défense antiaérienne, à la guerre électronique ou à l’équipement de leurs brigades. Ce soutien militaire renforcé, tout comme la pression accrue placée sur la Russie et ses alliés à travers nos sanctions, doivent permettre d’éviter qu’un éventuel accord sur l’Ukraine ne se fasse au détriment de ce pays et de l’Europe. Dans ce cadre, il importe de définir des garanties de sécurité robustes et crédibles.

Dans ce contexte, nous soutenons à Bruxelles les efforts menés par la France et le Royaume-Uni pour bâtir une coalition de pays volontaires qui pourraient dissuader la Russie de lancer à l’avenir une nouvelle agression contre son voisin. Nous souhaitons que l’Union européenne puisse prendre sa part à cet effort collectif en y contribuant elle-même avec ses propres instruments. Nous allons ainsi proposer aux États membres une contribution sur trois sujets concrets. Puisque la première garantie de sécurité des Ukrainiens résidera dans la puissance de leur propre armée, l’UE pourrait jouer tout son rôle en continuant de former, équiper, conseiller, moderniser l’armée ukrainienne via notre mission d’assistance militaire EUMAM. Par ailleurs, nous pouvons aussi utiliser notre mission civile déjà présente sur place pour renforcer la sécurité et la résilience intérieure du pays. Un autre axe concerne le renforcement de l’industrie de défense ukrainienne. Ayant déjà investi sur place 1,4 milliard d’euros grâce aux revenus des avoirs russes gelés, l’Union européenne souhaite favoriser les coopérations entre industries de défense ukrainienne et européenne, en favorisant les coproductions et en associant ce pays à toutes nos initiatives de défense.

Au-delà de notre assistance militaire, je rappelle que nous soutenons tous les efforts en cours pour parvenir à une paix juste et durable avec comme première étape un cessez-le-feu complet et sans condition. L’Union européenne dispose d’atouts essentiels pour s’imposer comme un acteur incontournable dans la mise en œuvre de tout éventuel accord de paix, à travers sa politique de sanction à l’égard de la Russie – nous travaillons d’ailleurs à l’adoption prochaine d’un dix-septième paquet de sanctions –, le sort réservé aux avoirs russes gelés, l’importance de son soutien économique et financier et, bien évidemment, la perspective d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne, qui représentera in fine – en complément de celle à l’OTAN – la meilleure garantie de sécurité que nous pourrons lui offrir.

La deuxième grande priorité des prochains mois et des prochaines années réside, selon moi, dans le réarmement de l’Europe. À la suite des rapports Letta et Draghi, le diagnostic est clair : face aux menaces qui pèsent sur la sécurité de l’Europe, nous devons dépenser plus et mieux – donc ensemble – pour notre défense et enfin dépenser européen en renforçant notre industrie de défense, ce qui permettra de moins acheter à l’étranger et de limiter les restrictions à l’usage de type ITAR (International Traffic in Arms Regulations). Il s’agit d’ailleurs de l’un des enseignements de la guerre en Ukraine : nous, Européens, redécouvrons que le volume et la masse comptent autant que l’excellence technologique de nos armements et que produire en Europe constitue un élément essentiel de souveraineté et de dissuasion.

Dans ce contexte, le Conseil européen a salué le mois dernier les propositions présentées par la présidente de la Commission afin de permettre aux États membres d’investir jusqu’à 800 milliards d’euros lors des quatre prochaines années, en assouplissant les critères du Pacte de stabilité pour les investissements de défense et en mettant sur la table un nouvel instrument de prêts de 150 milliards d’euros appelé SAFE (Security Action For Europe), soit des prêts offerts aux États membres qui souhaitent investir à plusieurs dans des domaines prioritaires comme les frappes dans la profondeur, la défense antimissile ou la guerre électronique.

Cette avancée sur les financements a servi de socle au Livre blanc sur l’avenir de la défense européenne. Présenté par Mme Kallas et M. Kubilius, ce document vise plusieurs objectifs : inciter les États membres à présenter des projets concrets de développement et d’acquisition en commun à financer à l’échelle de l’Union, muscler notre industrie de défense en lui donnant davantage de prévisibilité et lui permettre de produire davantage et plus rapidement grâce à une meilleure agrégation de la demande. Des décisions importantes devront être prises d’ici cet été afin de mettre en œuvre ce Livre blanc. Je pense notamment à l’adoption du programme européen pour l’industrie de la défense (EDIP), à celle de SAFE et, je l’espère, d’une première liste de projets capacitaires précis. Je mentionne également le rôle accru que devrait jouer la Banque européenne d’investissement (BEI) et le secteur bancaire pour soutenir l’effort massif à produire. Le débat sur le financement de la défense n’est pas clos car la Commission européenne transmettra cet été sa proposition de nouveau cadre financier pluriannuel pour la période 2028-2034 et il est probable que les crédits budgétaires affectés à la défense seront en forte hausse.

Au-delà, des questions politiques essentielles se poseront dans les prochains mois pour définir les contours de cette Europe de la défense. Tout d’abord, les lignes de force ont clairement bougé au sein des Vingt-sept. Le thème d’une Europe souveraine et d’une autonomie stratégique européenne, poussé depuis des années par la France, revient en force depuis quelques semaines dans le débat public, avec notamment les prises de position inédites du futur chancelier allemand. Je rappelle que le secrétaire d’État américain à la défense a indiqué en février à Bruxelles que les troupes américaines ne resteraient pas éternellement en Europe et que les Européens devaient s’occuper d’eux-mêmes, c’est-à-dire de la défense conventionnelle de l’Europe, pendant que les Américains s’occuperaient de la Chine.

La première question à résoudre dans les prochains mois consistera donc, à mes yeux, à savoir si et comment s’opérera ce rééquilibrage au sein de l’Alliance atlantique et les conséquences pour les Européens, le but consistant à renforcer le pilier européen de l’OTAN. À cet effet, l’Union européenne souhaite utiliser ces instruments normatifs et financiers pour aider les vingt-trois États membres qui sont aussi membres de l’Alliance à mieux remplir leurs objectifs capacitaires au sein de l’OTAN, ce qui contribuera à renforcer la défense collective et à illustrer la bonne complémentarité entre les deux organisations. En pratique, cela suppose pour les Européens de combler leur retard capacitaire par rapport aux Américains et de développer ensemble des projets prioritaires à l’échelle de l’Union. Cela prendra beaucoup de temps et l’enjeu consistera à pouvoir opérer ce rééquilibrage de façon ordonnée, afin que le désengagement progressif des Américains, s’il se confirme, soit accompagné d’une montée en puissance des Européens.

La deuxième question porte sur la manière la plus efficace de réduire nos dépendances stratégiques et la place donnée à nos partenaires dans le renforcement de notre industrie de défense européenne. Il y a là un sujet diviseur au sein de l’Union, comme on le voit avec l’actuelle négociation des critères d’éligibilité pour les programmes EDIP et SAFE. Pour simplifier, le débat est le suivant : l’argent du contribuable européen doit-il être réservé à des entreprises qui fabriquent des équipements dont la conception reste européenne ou peut-il être aussi versé à des usines qui produisent en Europe sous licence étrangère et avec des restrictions à l’usage ? Quelle doit être la part minimale de composants d’origine européenne dans un matériel de défense acheté conjointement ?

Il s’agit là d’une discussion difficile car de nombreux États membres disposent d’entreprises de défense très intégrées, avec des partenaires situés en dehors de l’Union, et veulent donc disposer de critères d’éligibilité qui puissent rester souples. La place du Royaume-Uni est ici toute particulière, compte tenu de son imbrication avec l’industrie des États membres et de la volonté de Londres et Bruxelles de relancer la coopération en matière de défense, sujet qui sera à l’ordre du jour du premier sommet Union européenne-Royaume-Uni prévu le 19 mai prochain.

Le dernier enjeu concerne l’importance de la bonne mise en œuvre de tous ces nouveaux instruments décidés au niveau européen. Il est capital de rappeler que l’Union européenne n’est évidemment pas là pour se substituer aux États qui restent les seuls maîtres de leur politique de défense, qu’elle n’intervient que pour les encourager à travailler davantage ensemble, en offrant des cadres juridiques et financiers pour faciliter des coopérations ou des investissements conjoints. In fine, les États membres sont toujours à la manœuvre car ces instruments ne sont efficaces que s’il existe une véritable volonté politique de les utiliser.

Il revient donc aux États membres, dans le prolongement du Livre blanc, de présenter ensemble de nouveaux projets capacitaires qui correspondent aux besoins prioritaires de leurs armées, à l’image de ce qui a été réalisé avec l’avion ravitailleur MRTT (Multi Role Tanker Transport). Il leur revient également de fournir les moyens et équipements nécessaires pour que le déploiement opérationnel en matière de PSDC soit efficace. Or nous savons que nous rencontrons parfois des difficultés de génération de force, notamment pour nos opérations maritimes. De plus, la volonté politique des États membres sera aussi déterminante pour recourir un jour à la nouvelle capacité de déploiement rapide de l’Union européenne, opérationnelle à partir de cette année, et qui pourra projeter jusqu’à 5 000 militaires. Il faut que les États membres acceptent davantage la prise de risque attachée à ce type de déploiement et puissent fournir les ressources nécessaires pour que ce nouvel instrument soit utilisé efficacement.

En conclusion, contrairement à la France, de nombreux États membres ne voulaient pas jusqu’à présent pousser trop loin l’Europe de la défense, de peur que son renforcement puisse être perçu comme se réalisant automatiquement au détriment du lien transatlantique, ce qui les conduisait à privilégier les achats américains par rapport aux coopérations européennes. Nous avons aujourd’hui une nouvelle donne stratégique, en Europe et outre-Atlantique, qui rebat les cartes du débat. Mais soyons lucides, ce débat ne fait que commencer. Il sera fortement influencé par l’issue de la guerre en Ukraine et par les prises de position de Washington sur la poursuite de son engagement militaire en Europe. Enfin, les prochains mois seront très importants pour mettre en musique les ambitions portées par les institutions européennes pour faire progresser l’Europe de la défense. Dans ce contexte, j’espère que nous parviendrons, sous l’impulsion notamment de la France, de l’Allemagne et de la Pologne, à prendre les bonnes décisions pour un véritable sursaut stratégique de l’Europe.

M. le président Jean-Michel Jacques. Je vous remercie. Non seulement les États-Unis disent à l’Europe qu’elle doit se protéger avec une Amérique moins présente mais nous constatons aussi que cet allié est également désormais moins fiable.

Les orateurs des groupes politiques vont à présent s’exprimer.

M. Kévin Pfeffer (RN). L’Europe ne progresse que lors des crises. Je dirais plutôt, au nom de mon groupe, que la Commission européenne utilise chaque crise pour s’approprier des compétences qui ne sont pas les siennes. La guerre d’agression de la Russie en Ukraine ne fait pas exception. Le mois dernier, Mme von der Leyen a présenté un plan pour renforcer les capacités militaires de l’Union européenne, avec en affichage près de 800 milliards d’euros pour accélérer le réarmement du continent. Cependant seulement 150 milliards d’euros concernent des prêts aux États pour des projets de défense communs dans le cadre du programme SAFE, les 650 autres milliards d’euros concernant simplement une autorisation pour les États de s’endetter pour leur défense.

Si les objectifs sont louables, ce plan ne peut pas obtenir notre soutien pour une raison principale : il n’existe aucune préférence européenne prévue pour les achats de défense. Tant que des partenaires européens choisiront d’acheter du matériel américain plutôt que du matériel français ou européen, on ne pourra pas parler d’Europe de la défense. Les exemples récents le prouvent encore. Par exemple, le nouveau contrat de coalition en Allemagne n’envisage pas de priorité européenne alors qu’il prévoit l’achat massif de nouveaux matériels. Dans le même ordre d’idées, le 23 avril, le premier ministre belge a encore confirmé l’achat de nouveaux avions F-35 américains. De fait, le ciel militaire européen est américanisé à plus de 90 %, puisque treize pays européens ont choisi les avions F-35 mais seulement deux le Rafale français. Au-delà des vœux pieux et des annonces d’affichage, l’Europe de la défense et l’autonomie stratégique européenne ne sont décidément pas pour aujourd’hui.

Monsieur le Secrétaire général-adjoint, je souhaite vous poser deux questions sur les 150 milliards d’euros de prêts du programme SAFE. D’abord, les taux d’intérêts seront-ils harmonisés à l’échelle européenne et si tel est le cas, à quel niveau ? Ensuite, ce programme favorise les investissements de défense à condition que les achats soient mutualisés entre au moins deux pays, dont l’un d’eux seulement doit être membre de l’Union européenne. Des pays extérieurs à l’Union pourront donc être associés, ouvrant la voie à de possibles contradictions stratégiques. Quelles seront les contreparties demandées aux pays non membres pour pouvoir bénéficier de ce programme ?

M. Charles Fries. Il est faux de dire que la Commission européenne s’approprie des compétences qu’elle n’a pas. À Bruxelles, de nombreux juristes entourent la Commission, le Conseil et le Parlement européen et s’assurent que la Commission agit scrupuleusement dans le respect de ses prérogatives. J’en veux pour preuve que tous les instruments récents qui ont été adoptés, comme le Fonds européen de la défense (FED), l’Acte de soutien à la production de munitions (ASAP) ou l’instrument visant à renforcer l’industrie européenne de la défense au moyen d’acquisitions conjointes (EDIRPA) ont été proposés sur la base juridique de l’article 173 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui relève de la politique industrielle. Or ces instruments ont été adoptés à l’unanimité du Conseil mais aussi par le Parlement européen. Le pouvoir de la Commission et de la haute représentante consiste à formuler des propositions mais, in fine, ce sont toujours les États membres et le Parlement européen, quand il est colégislateur, qui décident.

Ensuite, l’instrument SAFE permettrait aux États membres de recevoir des prêts de la Commission, qui peut emprunter à des taux très intéressants car elle dispose d’un très bon rating. Lorsque cet instrument a été présenté, une vingtaine d’États membres se sont déclarés potentiellement intéressés car les taux seraient inférieurs à ceux auxquels ils peuvent emprunter. Par ailleurs, il s’agit effectivement d’encourager les acquisitions conjointes, seul moyen d’obtenir de l’interopérabilité, des économies d’échelle, de meilleurs prix. Dépenser ensemble permet ainsi de réduire la fragmentation du marché de l’armement.

Je précise que les prêts ne seront accordés qu’aux États membres. Des acquisitions conjointes pourront être réalisées entre États membres, qui pourront également associer la Norvège et l’Ukraine. Il serait par exemple possible d’envisager un projet éligible à SAFE présenté par la France et l’Ukraine. Cela me semble aller tout à fait dans la bonne direction puisque l’objectif consiste à intégrer la BITD ukrainienne dans la BITDE. Il a également été envisagé d’inclure des pays candidats ou des pays qui concluent avec l’Union européenne des partenariats de sécurité de défense, dont le Royaume-Uni.

Des ouvertures existent mais elles sont conduites de manière très contrôlée. Par exemple, si le Royaume-Uni conclut un partenariat de sécurité et de défense avec l’Union européenne, il pourra effectivement acheter conjointement avec un État membre. Mais pour que des entreprises basées au Royaume-Uni puissent être éligibles, il faudra préalablement passer un deuxième accord avec l’Union européenne pour vérifier les questions que vous mentionnez sur la sécurité des chaînes d’approvisionnement et s’assurer que le Royaume-Uni apportera sa contribution au budget.

M. Yannick Chenevard (EPR). En premier lieu, je souhaite adresser une pensée à nos amis légionnaires en cette date anniversaire de la bataille de Camerone, qui s’est déroulée le 30 avril 1863, durant laquelle 63 légionnaires ont sacrifié leur vie pour tenir face à 3 000 Mexicains,

Monsieur le secrétaire général-adjoint, nous assistons en ce moment à un basculement des alliances et nous pouvons très clairement nous demander si un membre de l’OTAN ne serait pas en train de passer à l’Est. Selon l’Agence européenne de la défense (AED), le budget consolidé de l’Europe en matière de défense s’élève à 326 milliards d’euros en 2024, soit le deuxième budget au monde, derrière les États-Unis.

Les outils se sont multipliés : politique étrangère et de sécurité commune (PESC), PSDC, EDIP, coopération structurée permanente (CSP ou Pesco), Boussole stratégique, SAFE, pour n’en citer que quelques-uns. Cependant, on peut s’interroger sur la définition d’une ligne européenne extrêmement claire et compréhensible. Ensuite, l’OTAN peut perdre l’un de ses membres et 100 à 150 bombes nucléaires américaines sont aujourd’hui présentes sur le territoire de cinq pays européens. Si nous voulons accroître l’autonomie stratégique de l’Europe, comment étendre une dissuasion nucléaire, sous contrôle du seul pays européen doté, c’est-à-dire la France, si les Américains devaient finalement s’en aller ?

M. Charles Fries. Depuis des années, les Américains nous demandent effectivement un partage du fardeau et, depuis quelques semaines, ils vont plus loin en parlant d’un transfert de responsabilités, évoqué par M. Pete Hegseth, le secrétaire à la défense des États-Unis. J’ai participé à la réunion de l’OTAN à Bruxelles où M. Marco Rubio a néanmoins confirmé, début avril, l’engagement des Américains à rester dans l’Alliance et leur soutien à l’article 5 du traité de Washington. Un sommet de l’OTAN est prévu en juin et devrait permettre d’en savoir plus. Pour l’instant, il n’y a pas de traduction dans les faits d’un désengagement américain de l’Alliance mais nous devons nous préparer à un tel scénario. Indépendamment de la décision des États-Unis, nous devons renforcer nos capacités de défense, ce qui sera à la fois bénéfique pour nous-mêmes mais aussi pour l’Alliance. Nous voulons simultanément être capables de défendre nos valeurs et nos intérêts de façon autonome.

L’idée d’un pilier européen au sein de l’OTAN consiste précisément à voir comment l’Union européenne peut proposer des instruments qui permettront aux vingt-trois membres de l’UE également membres de l’OTAN de devenir de meilleurs alliés. Ces instruments sont également positifs pour l’industrie française. Ils permettent d’augmenter les capacités et d’inciter les États membres à établir des projets. Plus nous montrerons aux Américains que nous sommes un partenaire sérieux, crédible et que nous augmentons la proportion de nos dépenses de défense dans notre produit intérieur brut (PIB), plus ils seront incités à demeurer dans une Alliance reposant sur un partenariat plus équilibré.

M. le président Jean-Michel Jacques. Monsieur le secrétaire général-adjoint, vous n’avez pas tout à fait répondu à la question concernant le nucléaire.

M. Charles Fries. Dans le prolongement des positions des chefs d’État précédents, le président de la République française a indiqué que la défense des intérêts vitaux de la nation comportait une dimension européenne et qu’il souhaitait lancer un dialogue stratégique sur ce sujet. Dans le contexte actuel, les propos du futur chancelier Merz et de nos interlocuteurs polonais étaient positifs mais il n’a jamais été question d’européaniser la force de frappe française. Il n’existe aucun débat à ce sujet. Lorsque le Livre blanc sur la défense parle de dissuasion, il s’agit uniquement du renforcement des capacités de dissuasion conventionnelle.

M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). La première interrogation face à la politique aujourd’hui menée par l’Union européenne dans le cadre de la politique de défense concerne son inscription dans le cadre otanien. De fait, la Boussole stratégique en matière de sécurité et de défense, qui tient lieu de document de référence du SEAE, indique que la défense de l’Union européenne est complémentaire à celle de l’OTAN, qui reste le fondement de la défense collective pour ses membres. Compte tenu de l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, de ses prises de position erratiques et de l’escalade dans laquelle il compte s’engager manifestement, notamment sur le front asiatique et Pacifique, est-il toujours raisonnable d’inscrire notre politique internationale et la politique de défense qui lui est liée dans les pas des États-Unis d’Amérique ?

Ensuite, il est beaucoup question d’autonomie stratégique européenne aujourd’hui mais qu’en est-il réellement, puisque l’objectif d’augmenter de 1,5 point de PIB sur quatre ans les dépenses de défense correspond en réalité aux exigences de Donald Trump concernant les pays européens membres de l’OTAN ? Peut-on parler d’autonomie stratégique dès lors que l’on obéit immédiatement – tout en prétendant faire le contraire – aux exigences des États-Unis ?

De même, nous ne pouvons qu’être surpris de l’exception accordée aux dépenses de défense quant au respect des 3 % de déficit. Pourquoi n’est-ce pas le cas pour les besoins sociaux et écologiques qui sont tout aussi pressants pour les citoyens et qui, par ailleurs, pourraient peut-être éviter l’arrivée au pouvoir dans certains pays européens de régimes favorables à nos adversaires ?

Quelles sont les garanties que les matériels militaires ne seront pas achetés auprès de pays étrangers ? À ce sujet, la Pologne a annoncé le 31 mars dernier avoir signé un contrat de 2 milliards de dollars avec les États-Unis.

Enfin, quel bilan tirez-vous des sanctions économiques contre la Russie, qui ne sont pas parvenues manifestement à mettre l’économie russe à genoux comme il en était question ?

M. Charles Fries. L’OTAN demeure le fondement de la défense collective de l’Europe, comme le stipulent les traités. J’ai déjà évoqué l’engagement des États-Unis dans l’Alliance, réaffirmé récemment par le secrétaire d’État américain.

M. Pierre Pribetich (SOC). Même financièrement ?

M. Charles Fries. Sur le plan financier, lors des prochaines semaines, nous discuterons, dans le cadre de l’OTAN, de l’adoption du nouveau processus de planification de défense (NDPP), en lien avec les objectifs capacitaires, qui annoncera des efforts plus importants demandés aux Européens et aux Canadiens afin de mieux partager le « fardeau ».

Nous accroissons nos dépenses de défense, non pas à cause du président Trump mais à cause du président Poutine : la menace russe nous pousse aussi à ouvrir les yeux et à augmenter ces dépenses car nous avons trop longtemps sous-investi dans notre appareil militaire depuis la fin de la guerre froide. De fait, l’autonomie stratégique et une Alliance forte ne sont pas contradictoires mais complémentaires. Nous avons mis en place des projets pour acquérir les fameuses capacités critiques qui sont aujourd’hui dominantes du côté américain, qu’il s’agisse des avions ravitailleurs, du renseignement, de la surveillance ou du transport stratégique.

Par ailleurs, en tant qu’Européens, nous devons développer ensemble de nouveaux projets phares : des flagship projects dans le jargon bruxellois. Ils peuvent concerner le cyber, l’intelligence artificielle, la guerre électronique. Nous devons mettre en place de façon commune des projets qui permettront aux Européens d’être in fine à la fois meilleurs pour eux-mêmes et en même temps de meilleurs alliés au sein de l’OTAN.

Enfin, j’estime que les sanctions européennes à l’égard de la Russie fonctionnent. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les Russes, notamment lors de leurs contacts avec les Américains, souhaitent que certaines d’entre elles puissent être levées aussi rapidement que possible.

M. le président Bruno Fuchs. Lors de son intervention, M. Cadalen a cité le cas de la Pologne, qui a récemment annoncé un contrat d’achat de matériel militaire avec les États-Unis. Le rapport Draghi est assez clair à ce propos : entre juin 2022 et juin 2023, 78 % des dépenses d’approvisionnement et d’armement ont été effectuées auprès de fournisseurs non européens, dont 63 % auprès des États-Unis. Pouvez-vous évoquer ce sujet, à l’heure où il est question de solidarité européenne et surtout de cohérence avec la stratégie de l’UE ?

M. Charles Fries. Ce chiffre illustre bien le fait que lorsque les Européens achètent, ils le font un peu trop souvent seuls et à l’étranger. Aujourd’hui, les Européens achètent ensemble seulement 18 % du montant total des investissements qu’ils effectuent, ce qui signifie que 82 % de ces dépenses sont réalisées dans une logique purement nationale.

Vous avez évoqué le cas de la Pologne : il y a quelques mois, l’un de mes interlocuteurs polonais m’a indiqué qu’il avait besoin de regarnir rapidement ses stocks après avoir donné nombre de ses équipements à l’Ukraine en 2022 et 2023. Selon lui, les Polonais s’étaient alors tournés vers des équipements européens mais ces derniers n’étaient pas immédiatement disponibles, raison pour laquelle ils s’étaient alors orientés vers des fournisseurs américains et sud-coréens. Il faut entendre ce discours.

Simultanément, il faut également raisonner dans une logique de moyen terme, pour privilégier des matériels européens que nous devons être capables de développer ensemble, pour être plus autonomes et renforcer notre BITDE. De fait, acheter à chaque fois sur étagères à l’étranger ne nous permettra pas de réduire nos dépendances stratégiques. Nous nous efforçons de résoudre ce dilemme entre achats immédiats à l’étranger et projets d’acquisition européens, avec des partenaires.

M. Thierry Sother (SOC). En 2016, l’élection de Donald Trump a été perçue comme le signal, sinon l’occasion, de construire la souveraineté de l’Union européenne. L’occasion avait alors été ratée et notre continent n’avait pas diminué sa dépendance aux États-Unis, vieil allié et première puissance mondiale.

Mais depuis le début de son second mandat, Donald Trump a multiplié les invitations, parfois peu diplomatiques, à l’indépendance. Comme vous l’avez évoqué, l’Europe avance en temps de crise mais, pour préparer cette nouvelle étape, n’attendons pas la prochaine crise majeure et anticipons. La guerre en Ukraine a considérablement renforcé les liens qui unissent les Européens entre eux devant une menace commune.

Vous avez présenté les garanties de défense mais pourriez-vous nous indiquer comment l’Europe se prépare en matière d’engagement ou de gestion de crise à un conflit de grande envergure, notamment en matière d’hybridité ?

Enfin, je souhaite vous interroger sur un sujet récurrent et ancien : la capacité de déplacement rapide de l’Union européenne. Les deux groupements tactiques annoncés comme pleinement opérationnels en janvier dernier sont très loin des objectifs initiaux. De plus, pour pouvoir les engager, encore faut-il obtenir l’accord des vingt-sept États membres. Pouvez-vous nous en dire plus concernant la gouvernance avant et après l’engagement ? La capacité de déploiement rapide est-elle envisagée dans les hypothèses de réaction ou de garantie de défense des Européens dans la guerre en Ukraine ?

M. Charles Fries. L’hybridité est devenue un sujet majeur, à la fois en France mais aussi à Bruxelles, dans la mesure où nous assistons à une intensification des attaques hybrides, en particulier en provenance de la Russie, dans le but de nous diviser et de nous déstabiliser. Nous avons pu le constater à travers des campagnes de désinformation, des actes de sabotage, des incendies, des tentatives d’assassinat, l’utilisation des migrations pour faire pression sur certains pays de l’Union européenne ou des interférences dans les élections, comme récemment en Moldavie et Roumanie.

Comment l’UE a-t-elle agi dans ce champ lors des dernières années ? D’abord, avant de pouvoir bien réagir, il fallait disposer d’une meilleure connaissance du phénomène et des techniques utilisées par ces acteurs malveillants. Tel est le rôle de la capacité unique d’analyse du renseignement de l’UE (SIAC). Au-delà, il importe de travailler à une plus grande résilience de nos sociétés et de nos économies. Je pense notamment aux actions entreprises pour mieux protéger les câbles sous-marins, en particulier en mer Baltique.

Un troisième élément, moins connu mais tout autant essentiel, réside dans notre faculté à désormais pouvoir adopter des sanctions. À titre d’exemple, nous avons approuvé en octobre dernier un régime pour sanctionner les auteurs russes d’attaques hybrides, qui a été mis en pratique en décembre, lorsque nous avons sanctionné seize individus et trois entités russes par le gel de leurs avoirs et des interdictions de voyager en Europe. Ils ont été sanctionnés, car nous avions la preuve que le service de renseignement militaire russe – le GRU – avait mené des actions de sabotage et qu’un certain nombre d’individus avaient conduit des campagnes de désinformation en Europe et en Afrique.

Un dernier instrument aussi a été annoncé par Mme Kallas lors de sa visite en Moldavie. Au-delà des sanctions, nous avons mis en place des équipes hybrides de réaction rapide : nous déployons rapidement des experts qui viennent en aide à des pays qui demandent le soutien de l’Union européenne parce qu’ils se sentent attaqués ou potentiellement attaqués, en particulier à l’occasion d’élections. Des interférences russes sont déjà intervenues par le passé, notamment en Moldavie, pays qui sera à nouveau exposé lors des prochaines élections législatives. Nous aiderons ce pays à protéger ses infrastructures électorales et numériques contre la désinformation en ligne.

Ensuite, la capacité de déployer rapidement jusqu’à 5 000 hommes constitue le résultat principal et le plus concret de la Boussole stratégique. En 1999, à Helsinki, l’objectif affiché portait sur 60 000 hommes mais nous avons dû nous adapter aux nouvelles priorités, qui portent plus, aujourd’hui, sur la capacité industrielle mentionnée dans le Livre blanc de la défense. Pour rendre effective et crédible cette capacité de déploiement rapide, nous couplons des effectifs à des moyens capacitaires associés, comme le transport stratégique ou des capacités spatiales.

Depuis 2023, des exercices réels ont également lieu pour entraîner cette capacité de déploiement rapide, qui est désormais opérationnelle depuis 2025. Nous avons également préparé des scénarios de déploiement. Nous estimons que cette capacité de déploiement rapide pourrait être un jour utilisée, si les Vingt-sept sont d’accord, dans le cas d’une opération d’évacuation de citoyens européens lors d’une crise, à l’instar de celles qui ont eu lieu en Afghanistan en 2021 ou au Soudan en 2023. Contrairement au fameux battlegroups, les groupements tactiques créés en 2007 et qui n’ont jamais été utilisés, je pense que nous avons mis en place, ici, un instrument bien configuré, qui est désormais opérationnel.

M. Michel Herbillon (DR). Je souhaite d’abord exprimer au nom du groupe de la Droite Républicaine notre plus forte désapprobation concernant la visite de la haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères, Mme Kaja Kallas, en Azerbaïdjan, vendredi dernier. Cette visite est ainsi intervenue le lendemain même de la commémoration du cent dixième anniversaire du génocide arménien, quelques mois après l’épuration ethnique dans le Haut-Karabakh. Je n’oublie pas non plus les récentes tentatives d’ingérence de l’Azerbaïdjan à l’encontre de la France, notamment en Nouvelle-Calédonie, ni les responsables politiques arméniens de la République d’Artsakh actuellement emprisonnés arbitrairement au détriment de tout respect du droit international. Cette visite officielle, ponctuée par une rencontre avec M. Ilham Aliyev, constitue une faute morale et politique grave que nous condamnons avec la plus grande fermeté.

Pour en revenir à l’Europe de la défense, le Parlement européen a adopté en commission le texte EDIP. Il s’agit d’une excellente nouvelle, qui permettra de financer l’achat de matériel militaire s’il contient au minimum 70 % de composants européens. Cela constitue un début pour retrouver la maîtrise de nos équipements militaires et pour réduire nos dépendances. Néanmoins, ce programme est aujourd’hui insuffisamment doté du point de vue financier, avec seulement 1,5 milliard d’euros de budget alloué. Notre collègue François-Xavier Bellamy, rapporteur de ce texte au Parlement européen, propose d’utiliser 20 milliards d’euros du programme SAFE pour financer EDIP. Soutenez-vous cette proposition ? Préconisez-vous une autre manière, afin d’abonder EDIP ? Enfin, quelles sont, à vos yeux, les actions concrètes prioritaires pour accélérer l’Europe de la défense, à la lumière des divergences actuelles entre pays membres ?

M. Charles Fries. La haute représentante a très clairement indiqué, y compris publiquement, que la relation entre l’Azerbaïdjan et l’Union européenne devait s’établir en respectant tous les États membres et nos principes fondamentaux, dont l’État de droit ou les droits de l’Homme. Elle a par ailleurs salué la normalisation en cours entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, pays dans lequel elle se rendra également.

S’agissant d’EDIP, vous avez cité la position du Parlement européen qui vise à établir à 70 % le seuil minimum de composants européens, quand la Commission européenne penche plutôt pour 65 %. Nous verrons désormais quelle sera la décision du Conseil européen. Quoi qu’il en soit, il est nécessaire d’établir un seuil élevé si nous voulons muscler la BITDE. Je partage par ailleurs avec vous l’idée, qui a d’ailleurs été pointée tant par l’ancien commissaire Breton que l’actuel commissaire Kubilius, que le programme est à ce jour insuffisamment doté, à 1,5 milliard d’euros. Cependant, nous devons composer avec les limites que nous impose le cadre budgétaire. J’espère que le prochain cadre financier pluriannuel (CFP) permettra d’augmenter très sensiblement les crédits destinés à la défense.

La proposition du Parlement européen d’utiliser 20 milliards d’euros du programme SAFE pour financer EDIP sera discutée dans le cadre du trilogue, dès que le Conseil européen aura adopté sa position sur les fameux critères d’éligibilité.

S’agissant des actions concrètes, je ne souhaite pas établir une longue liste. Il s’agit, d’abord, de mettre en œuvre ce que nous avons proposé. La balle est désormais dans le camp des États membres, qui doivent s’accorder sur le fait de travailler davantage ensemble. La présidence polonaise du Conseil de l’UE souhaite adopter SAFE et EDIP d’ici la fin juin, ce qui nous permettrait de passer utilement aux travaux pratiques.

Mme Catherine Hervieu (EcoS). Le groupe Écologiste et Social tient tout d’abord à rappeler son soutien à l’Ukraine et souhaite que celui-ci soit pérenne, notamment grâce à la mobilisation des actifs russes gelés dans le respect du droit international. Nous souhaitons donc continuer la formation des forces armées ukrainiennes, fournir matériels et équipements, développer le partage de renseignements et renforcer la présence de troupes d’États membres de l’Union européenne sur le flanc Est.

Ce soutien militaire est couplé à un soutien appuyé à la diplomatie. La coopération, notamment entre la France et le Royaume-Uni, pour mobiliser des pays volontaires en constitue un exemple. L’Allemagne est en train de se saisir de ces enjeux. La Pologne et les pays baltes constituent également des acteurs indispensables pour construire notre défense européenne. Les États membres de l’UE avancent sur l’organisation et la planification de leur défense commune et autonome, en érigeant en priorités les questions capacitaires et industrielles.

L’amplification des coopérations entre les différentes industries de défense européennes est indispensable. La réduction de nos dépendances stratégiques représente un objectif majeur aux niveaux de l’énergie, du renseignement, du numérique, de l’intelligence artificielle et de la logistique. Il est envisagé que les dépenses militaires atteignent environ 3,5 % du PIB, chiffre qui sera précisé en juin au sommet de l’OTAN à La Haye. Cette augmentation des dépenses demeure un enjeu majeur dans un contexte de déficit public significatif mais pour lequel le consentement de la population est primordial.

Nous insistons sur la nécessité de mieux dépenser, notamment en priorisant les achats européens, les acquisitions en commun financées à l’échelle européenne. Les dépenses affectées augmenteront donc en conséquence. Comment les États pourront-ils suivre cette tendance ? Pourriez-vous esquisser l’orientation que prendra le nouveau cadre financier pluriannuel pour la période 2028-2034 ? Enfin, pourriez-vous nous donner un état des lieux de la mission EUBAM Rafah réactivée, étant donné l’aggravation de jour en jour des conditions de vie des Palestiniens à Gaza ?

M. Charles Fries. Les propositions de la Commission européenne concernant le prochain cadre financier pluriannuel pour la période 2028-2034 ne sont pas attendues avant cet été. Il est donc trop tôt pour vous donner une tendance, même si le commissaire polonais en charge de ce dossier devrait a priori proposer une augmentation des crédits destinés à la défense, avec le soutien du collège. Dans le cadre actuel couvrant la période 2021-2027, l’enveloppe consacrée aux programmes de défense s’établit à 10 milliards d’euros.

Le plan ReArm Europe présenté par la Commission européenne au mois de mars a subi quelques critiques, selon lesquelles il ne contenait pas suffisamment de subventions. Les deux points essentiels concernaient l’utilisation de la clause de sauvegarde du pacte de stabilité – c’est-à-dire l’argent national qui peut être engagé sans subir les critères de Maastricht – et l’instrument SAFE, c’est-à-dire des prêts. Le prochain cadre financier permettra de répondre partiellement auxdites critiques.

La mission EUBAM Rafah a permis d’exfiltrer plus de 4 000 personnes en provenance de Gaza, qui ont pu traverser le fameux point de passage et se diriger vers l’Égypte entre le 1er février et le 18 mars, jour où le cessez-le-feu a hélas été rompu. Parmi ces 4 000 personnes, 1 700 nécessitaient des soins médicaux et ont pu être hospitalisées en Égypte. Le fait que nous ayons pu conserver cette présence et la réactiver très rapidement a été salué par toutes les parties. Nous espérons donc, dès que le cessez-le-feu reprendra, que nous pourrons à nouveau faciliter le passage des Palestiniens de Gaza vers l’Égypte.

M. Frédéric Petit (Dem). Monsieur le secrétaire général-adjoint, je vous remercie pour vos propos, qui prouvent que lorsque l’on travaille et que l’on s’écoute, il est possible de réaliser des actions de plus en plus claires et de plus en plus partagées. En tant qu’élu de la septième circonscription des Français de l’étranger habitant en Allemagne, en Europe centrale et dans les Balkans, je souhaite vous interroger sur l’impact de l’Europe de la défense quant aux perspectives d’élargissement aux pays des Balkans occidentaux. En matière de procédures et d’échéances, n’existe-t-il pas des enjeux liés à ce « réveil stratégique », ce bouleversement dans nos habitudes ? Il me semble qu’ils pourraient nous conduire à envisager l’accélération des procédures d’adhésion.

M. Charles Fries. Je partage largement votre analyse. L’avenir de ces pays est dans l’UE mais, au-delà de l’élargissement, il est également important de les arrimer à nos actions en matière de sécurité et de défense, dans la mesure où la stabilité des Balkans a aussi un impact direct sur notre propre stabilité. L’Union est d’ailleurs active dans cette région, notamment à travers la mission Althea, présente en Bosnie-Herzégovine depuis 2004 et qui contribue à un environnement sécurisé de ce pays. Nous conduisons également une mission de PSDC au Kosovo depuis très longtemps : nous aidons ce pays en matière d’État de droit et de justice, afin qu’il se rapproche des normes européennes.

Ensuite, la Facilité européenne pour la paix a constitué un véritable tournant pour la politique étrangère et de sécurité de l’Union européenne : pour la première fois, un instrument a été mis à la disposition du haut représentant pour financer directement des équipements – létaux ou non létaux – pour nos partenaires. Les Balkans en ont beaucoup profité : de nombreux projets sont soutenus par la FEP pour aider ces pays à monter en puissance et renforcer leur sécurité.

Enfin, il faut mentionner un nouvel instrument : les partenariats de sécurité et de défense, que j’évoquais précédemment pour le Royaume-Uni, avec lequel nous espérons conclure prochainement. Nous avons déjà établi un tel partenariat avec deux pays des Balkans : la Macédoine du Nord et l’Albanie.

M. Xavier Lacombe (HOR). L’Europe est à un tournant et l’heure est grave. Face aux défis que nous connaissons, une volonté commune d’avancer vers une plus grande autonomie stratégique émerge enfin. Le désengagement progressif des États-Unis et la guerre en Ukraine nous rappellent que notre sécurité ne va plus de soi. Dans ce contexte, nous pouvons nous réjouir du Livre blanc pour une défense européenne et du lancement du plan ReArm Europe.

Renforcer nos capacités, soutenir notre industrie, structurer un marché européen et continuer à aider l’Ukraine constituent des changements nécessaires. À ce titre, je souhaite revenir sur un point précis du Livre blanc : le renforcement des partenariats avec des pays partageant nos valeurs. Quels sont ces pays ? Comment comptez-vous articuler ces coopérations avec nos priorités stratégiques ?

Au-delà, il faut penser à l’Europe de manière plus large : une Europe tournée vers son environnement proche au-delà du flanc Est. À ce titre, la Méditerranée constitue un espace stratégique majeur, marqué par des enjeux en matière de migrations, de terrorisme, de routes maritimes ou d’énergie. Prévoyez-vous de nouer des partenariats solides avec les différents pays pour sécuriser un espace vital ? Enfin, la mer constitue un théâtre stratégique essentiel, en raison des flux commerciaux, des ressources sous-marines ou des câbles numériques. Quelle place est-elle donnée dans le Livre blanc et le plan ReArm Europe au renforcement des capacités navales européennes ? Comment associer pleinement notre excellente industrie française à cette ambition maritime ?

M. Charles Fries. À travers les projets contenus dans le Livre blanc, et notamment les nouveaux instruments proposés par la Commission européenne, nous voulons renforcer la BITDE mais nous sommes aussi ouverts à des partenariats, par exemple avec l’Ukraine et la Norvège. Nous avons également proposé que des pays candidats à l’adhésion ou des pays qui concluent des partenariats de sécurité et de défense puissent être éligibles à SAFE. Ainsi, quinze pays pourraient potentiellement participer à des acquisitions communes avec les États membres dans le cadre de SAFE, étant précisé qu’ils ne recevraient pas de prêts. En massifiant la demande, il est possible d’obtenir une meilleure offre, à des prix plus attractifs. Si les entreprises de ces pays veulent intégrer le programme, la Commission a proposé de conclure au préalable un accord pour préciser les modalités de participation de ces entreprises.

Enfin, le renforcement des capacités navales fait aussi naturellement partie des objectifs du Livre blanc et figure parmi les domaines capacitaires prioritaires identifiés par les Vingt-sept.

M. Laurent Mazaury (LIOT). Le deuxième mandat du président Trump, ses décisions unilatérales et mouvantes ne cessent d’inquiéter et nous conduisent à prendre nos responsabilités, notamment en matière de défense. L’Europe a décidé d’accélérer en matière de défense et a annoncé le plan ReArm Europe, doté de 800 milliards d’euros. Néanmoins, il semble qu’il ait fallu changer le nom de cette initiative aujourd’hui, dénommée « ReArm Europe/Préparation à l’horizon 2030 », à la suite de critiques, notamment formulées par les premiers ministres italiens et espagnols, qui ne se retrouvaient pas dans cette conception de la défense tournée vers l’armement. En effet, le premier ministre espagnol a par exemple indiqué qu’il n’appréciait pas le terme de « réarmement », qu’il trouvait incomplet, alors que la défense doit être approchée dans une vision plus globale, comprenant la sécurité.

Par ailleurs, si les pays européens s’accordent sur la nécessité de se défendre de façon plus collective et souveraine, tous ne poursuivent pas les mêmes priorités nationales. Nous le constatons notamment à travers les discussions en cours entre la France et la Pologne, qui devraient signer un traité bilatéral de défense au mois de mai. Cela témoigne d’une nouvelle dynamique de la Pologne, qui est plus confrontée que certains autres pays européens à la guerre en Ukraine. La Pologne semble donc changer de paradigme concernant son attachement historique à la protection américaine.

Dans ce contexte, comment favoriser une plus grande unité entre les pays européens en matière de défense tout en garantissant leur souveraineté nationale sur ces sujets ? Autrement dit, comment mettre en place une défense européenne mobilisable de façon rapide et concertée sans bâtir une politique étrangère européenne qui n’est pas prévue par les traités ? De fait, cela semble difficilement conciliable avec les volontés de souveraineté individuelle de chaque État membre, dont en premier lieu la France ? Ce point apparaît d’autant plus sensible que nous sommes le seul pays de l’UE doté d’une capacité nucléaire.

M. Charles Fries. Vous avez très bien résumé la difficulté de l’exercice : il faut « faire l’Europe » mais sans défaire chaque État membre, qui reste maître de sa politique de défense, c’est-à-dire du déploiement de ses troupes ou de sa politique d’acquisition. L’Europe n’est pas prescriptrice : sa logique consiste à inciter les pays à travailler entre eux, en mettant à leur disposition des instruments, en particulier des instruments financiers.

M. Édouard Bénard (GDR). Le service européen pour l’action extérieure incarne la volonté de l’Union européenne de se doter d’un outil diplomatique unifié pour affirmer sa présence sur la scène internationale. À ce titre, votre voix est légitimement plus sollicitée et plus écoutée ces derniers temps. Au regard des récents développements concernant ReArm Europe, je m’interroge sur la cohérence et les implications stratégiques de cette initiative car ce plan visant à mobiliser jusqu’à 800 milliards d’euros pour renforcer les capacités militaires de l’Union européenne a pour objectif affiché de réduire la dépendance de l’Europe vis-à-vis des alliés extérieurs, notamment après la suspension de l’aide militaire américaine à l’Ukraine.

Cependant, la majorité des orateurs m’ayant précédé ont largement étayé nos interrogations – c’est un euphémisme – quant à l’insuffisance des initiatives visant à encourager les acquisitions conjointes et à soutenir la production européenne afin de nous « dé-vassaliser » en quelque sorte. Par-delà le volet purement industriel sur le capacitaire, je vous avoue ne pas parvenir à comprendre l’obstination consistant à vouloir renforcer le pilier européen de l’OTAN, qui est réaffirmée dans le Livre blanc de la défense et que vous avez réitérée ce matin.

Même si l’on parle d’un pilier européen, l’OTAN demeure une alliance faisant fi de la bascule des centres géostratégiques du monde, mais surtout une alliance fondamentalement dominée par les États-Unis. Le commandement militaire suprême est toujours américain et les orientations stratégiques sont largement influencées par les priorités de Washington. En renforçant ce pilier, l’Europe ne gagne pas en autonomie mais elle consolide sa subordination stratégique. Comment la Commission européenne entend-elle garantir que les investissements massifs annoncés dans le cadre du plan ReArm Europe bénéficieront effectivement à l’industrie de défense européenne, renforçant ainsi l’autonomie stratégique de l’Union, plutôt que de perpétuer une dépendance vis-à-vis de fournisseurs non européens ?

M. Charles Fries. Il existe clairement de nombreux éléments de préférence européenne dans tous les instruments dont nous discutons, c’est-à-dire le FED, ASAP, EDIRPA et, maintenant, EDIP et SAFE, en cours de négociation. Les instruments communautaires que nous proposons sont financés par l’argent du contribuable européen et ont vocation à être dirigés vers des entreprises sous contrôle européen, établies sur le territoire de l’Union européenne, dont la structure de management et les infrastructures se trouvent sur le territoire de l’UE.

Cela n’exclut pas que des filiales de groupes étrangers puissent bénéficier de financements européens. Par exemple, une trentaine de filiales britanniques établies sur le territoire de l’UE ont été éligibles jusqu’à présent aux instruments de défense européens. Cependant, l’idée est bien la suivante : l’argent européen doit rester pour les Européens et ne pas alimenter des entreprises à l’extérieur.

Enfin, je considère qu’il est important de renforcer le pilier européen de l’OTAN. Si l’Europe est plus forte au sein de l’Alliance, elle n’en sera que plus crédible ; simultanément, l’Alliance sera plus forte grâce au meilleur partage du fardeau.

M. Bernard Chaix (UDR). Monsieur le secrétaire général-adjoint, votre mission est d’une très grande complexité, puisqu’elle consiste à établir une feuille de route géostratégique commune pour vingt-sept pays, alors que l’alignement de nos agendas géopolitiques n’est pas évident. Pour les pays baltes ou la Pologne, la Russie constitue la première menace, quand la Turquie intimide la Grèce et occupe 30 % du territoire de Chypre. En France, nous sommes d’abord préoccupés par le terrorisme islamiste et les ingérences étrangères en Nouvelle-Calédonie. Sans doctrine commune, sans intérêts vitaux communs, sans l’existence d’une communauté de destin, la défense européenne est-elle possible ?

Au groupe UDR, nous ne sommes pas défavorables au réarmement du continent, bien au contraire. Le plan de 800 milliards d’euros aurait pu être l’occasion pour notre BITD nationale de gagner des parts de marché. Mais nous constatons qu’en 2024, 79 % des équipements militaires fournis aux pays européens ont été achetés en dehors de l’Union européenne. La semaine dernière, la Belgique a annoncé des achats supplémentaires d’avions F‑35 ; la force aérienne portugaise semble aussi privilégier l’option américaine, tout comme le Danemark, l’Allemagne et tant d’autres.

Ces décisions constituent une impasse pour l’établissement d’une autonomie stratégique européenne. La dépendance à des technologies étrangères rendra cet horizon toujours plus lointain. En revanche, la position du Parlement européen sur le règlement EDIP s’avère plutôt rassurante : un minimum de 70 % de contenus européens a été fixé ; le matériel doit être conçu en Europe et totalement émancipé d’un régime d’extraterritorialité juridique qui pourrait empêcher son utilisation. Il s’agit là de trois exigences essentielles. Alors que la France sera plutôt isolée lors des négociations, la Commission européenne sera-t-elle son alliée pour le maintien de ses exigences ?

M. Charles Fries. La discussion sur les critères d’éligibilité constitue un sujet complexe. La Commission européenne a formulé des propositions qui contiennent des éléments de préférence européenne. Le nouvel instrument SAFE introduit, par exemple, la notion d’autorité de conception : pour certains composants complexes, il faut non seulement avoir une part minimale de composants européens mais il faut, en plus, que l’entreprise dispose de l’autorité de conception, c’est-à-dire de la capacité de pouvoir utiliser et modifier l’équipement comme elle le souhaite, sans être soumise à une puissance tierce. Ainsi, c’est parce que MBDA possédait l’autorité de conception que l’entreprise a pu donner des missiles Scalp à l’Ukraine, lesquels ont été très facilement installés sur des chasseurs de type soviétique. De fait, ce concept d’autorité de conception est très soutenu par les industriels européens, par l’association des industries aérospatiales et de défense de l’Europe (ASD).

Sur ces sujets, il existe en général une très grande convergence entre ce que propose la Commission européenne et ce qu’a toujours défendu la France. À mon sens, le problème ne porte pas sur la Commission mais sur l’évolution de la négociation à vingt-sept : certains États, à l’image de l’Italie, veulent des critères souples, flexibles et ouverts parce que leur industrie possède des liens historiques forts avec des partenaires extérieurs à l’UE, particulièrement le partenaire américain. Il faut trouver un compromis entre des critères très stricts, où tous les matériels seraient uniquement européens, et les réalités du paysage industriel actuel, où chaque État membre a son histoire propre et souhaite pouvoir conserver des liens avec des entreprises non européennes. Ces discussions sont en cours à Bruxelles.

M. le président Bruno Fuchs. Nous passons maintenant à une séquence d’une dizaine de questions complémentaires formulées à titre individuel, en procédant par séries de questions regroupées.

M. Lionel Vuibert (NI). Je souhaite à mon tour aborder la question de la préférence européenne en matière de dépenses de défense. Élu d’un territoire fortement industriel tourné vers l’automobile, je peux témoigner de l’attente de ces investissements massifs dans le secteur de la défense. Au-delà de l’attribution des marchés que vous avez déjà abordée, beaucoup pensent qu’une communication adaptée renforcerait la compréhension et l’adhésion des populations à ces politiques européennes. Je souscris entièrement aux enjeux que vous avez décrits mais nous avons également besoin de faire adhérer les populations à cette politique et à cette prise de conscience d’une défense européenne. Nous y parviendrions d’autant mieux que nous pourrions les traduire en termes d’activité économique pour les territoires.

M. Jean-Louis Thiériot (DR). Nous sommes régulièrement confrontés au problème des exportations d’armements intra-européennes et des règles qui les régissent. Il semble que des projets de réforme dans ce domaine soient d’actualité. Pouvez-vous nous en dire plus ? Quelles sont les propositions envisagées, afin de rendre notre BITDE plus efficace ?

M. Guillaume Bigot (RN). Si je résume vos propos, vous indiquez que tout changera en matière d’autonomie stratégique. Pourtant rien n’a changé depuis 2022, puisque 78 % des achats d’équipements militaires ont été effectués en dehors de l’UE. De même, nous attendons toujours les deux millions d’obus promis par M. Breton. Vous nous dites que tout changera en raison de la volte-face des États-Unis mais vous continuez à expliquer que cette stratégie d’autonomie européenne doit aussi complaire aux États-Unis, ce qui me paraît assez surprenant. Vous nous dites également que tout changera grâce à une force de déploiement de 5 000 hommes dans un conflit de haute intensité qui mobilise des centaines de milliers d’hommes.

Au fond, mon interrogation porte sur la méthodologie démocratique. En Europe, continent qui a vu naître la démocratie, la procédure veut que les élus, qui disposent de la légitimité démocratique, décident et que leurs décisions soient mises en œuvre ou en musique par des fonctionnaires comme vous, ou par la Commission européenne, organe de liaison. Or il apparaît très clairement, en vous écoutant et en écoutant les autorités de la Commission depuis quelque temps, qu’une partition comportant des décisions extrêmement structurantes et lourdes en matière financière, est écrite ailleurs et que nous, les élus, sommes supposés la suivre ou l’avaliser.

M. Charles Fries. Je partage vos propos : l’argent du contribuable européen doit être dépensé en Europe. Ensuite, il s’agit naturellement de rentrer dans le détail des modalités, concernant les filiales, le pourcentage de composants, l’autorité de conception.

Monsieur Thiériot, il est exact que le commissaire Kubilius a annoncé de futures propositions afin de progresser sur la question du marché intérieur des produits de défense.

Le contrôle des exportations en dehors de l’Union européenne demeure une compétence nationale. Le contrôle intra-européen constitue un sujet différent, plus compliqué. La France présente des sensibilités particulières sur ce sujet délicat et discute actuellement de cet aspect avec la Commission européenne.

S’agissant des deux millions d’obus, il convient de préciser les choses. Il y a deux ans, un plan d’un million d’obus avait été établi, sur proposition de Mme Kallas, alors première ministre d’Estonie. Ce plan avait subi un retard initial mais il avait fonctionné. Nous avions d’ailleurs été extrêmement créatifs : en six semaines, l’AED, la Commission et le SEAE s’étaient alignés et les vingt-sept États membres s’étaient accordés sur un financement de 2,5 milliards d’euros. Les deux millions d’obus constituent un nouvel objectif, qui est déjà rempli aux deux-tiers à ce jour.

Enfin, les 5 000 hommes de la capacité de déploiement rapide ne sont pas dédiés à la défense collective mais à la gestion de crise à l’extérieur de nos frontières.

M. Sébastien Saint-Pasteur (SOC). Nous avons beaucoup évoqué le plan de réarmement de l’Union européenne. Lorsque l’on rentre dans le détail, il est question de relation avec le pacte de stabilité et de croissance, de recours aux marchés obligataires mais, au-delà des outils, des inquiétudes émergent quant à la méthode employée. La Commission européenne propose en effet de contourner le Parlement européen en s’appuyant sur l’article 122 du traité de fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), une forme de « 49.3 » européen pour accélérer la mise en œuvre de ce plan.

Cette approche soulève des questions fondamentales sur la légitimité démocratique des décisions en matière de défense. Elle pose également un problème majeur car le lien armée-nation ne pourra se réaliser sans transparence ni un respect scrupuleux de la démocratie, d’autant plus lorsque nos rivaux veulent en saper durablement les fondements à travers une guerre hybride, larvée. Doit-on donc passer par l’article 122 du TFUE ? Je vous invite à partager votre vision sur la manière de concilier efficacité stratégique et transparence démocratique dans la mise en œuvre de ce plan. À défaut, nous désespérerons les europhiles et nous alimenterons les europhobes.

Mme Christine Engrand (NI). L’Union européenne déploie actuellement des missions civiles et militaires sur le continent africain, représentant plus de 60 % de son engagement extérieur en matière de sécurité. Pourtant, malgré cette présence significative au Sahel, en Libye, en Somalie ou encore en Mozambique, les résultats restent limités et la France, tout comme l’Europe, voit son influence reculer au profit d’acteurs comme la Russie, la Chine ou même la Turquie. Dès lors, nous pouvons nous interroger sur la pertinence de maintenir ces dispositifs coûteux en hommes, en moyens et en crédibilité, alors que de nombreux gouvernements locaux rejettent désormais la coopération européenne comme nous l’avons vu au Mali ou au Burkina Faso, préférant des partenariats alternatifs, parfois d’ailleurs contraires à nos valeurs.

Quelles mesures l’UE prend-elle pour garantir que ces missions en Afrique respectent parfaitement les priorités et la souveraineté des pays partenaires ? Au lieu de s’imposer comme un acteur extérieur, dans quelle mesure l’UE prend-elle en compte les retours d’expérience des missions précédentes pour adapter sa stratégie et maximiser son impact ? L’Union européenne dispose-t-elle encore d’une réelle stratégie sur ce continent ? Sommes-nous définitivement hors-jeu ?

Mme Laurence Robert-Dehault (RN). Monsieur le secrétaire général-adjoint, vous avez décrit un moment de vérité pour l’Europe, confrontée à une bascule géostratégique. Vous estimez que la guerre en Ukraine a agi comme un coup de fouet stratégique, plaçant la défense au cœur de l’agenda européen. Parmi vos priorités figurent le réarmement massif de l’Europe et la réduction de notre dépendance stratégique, notamment en renforçant l’industrie européenne de défense. Pourtant, les pratiques actuelles de plusieurs États membres témoignent d’une fragmentation persistante et parfois des choix contraires à l’objectif d’autonomie stratégique. Comment rendre vos ambitions compatibles avec la tendance allemande à préférer l’armement américain ? Des pistes sont-elles évoquées au niveau européen pour rendre tangible le fameux couple franco-allemand ?

M. Charles Fries. Le Parlement européen a contesté la base juridique retenue par la Commission européenne pour SAFE, c’est-à-dire l’article 122 du TFUE. Laissons ce débat juridique se dérouler ; nous verrons quelle est l’issue de ce contentieux.

Madame Engrand, vous estimez que les résultats des missions civiles et militaires étaient limités : je trouve votre jugement un peu sévère. Au Mozambique, nous avons formé onze compagnies de forces spéciales mozambicaines qui ont pu, ensuite, se rendre dans la fameuse région du Cabo Delgado, où il existait des groupes terroristes très puissants. La situation y est bien meilleure, notamment avec le soutien du Rwanda. En Centrafrique, notre mission a formé plus de 5 500 militaires et nous lançons cette année des programmes de formation des officiers et des sous-officiers. En Somalie, nous contribuons aussi à la montée en puissance de l’armée somalienne, afin qu’elle puisse prendre, le moment venu, le relais des forces de l’Union africaine qui sont déployées depuis de longues années.

Il est exact que la zone sahélienne est plus compliquée pour nous. Nous n’y avons plus de présence militaire en termes de PSDC : nous avons quitté le Mali et le Niger. À Bruxelles, nous réfléchissons à une nouvelle approche sur le Sahel. Un représentant spécial, M. Cravinho, ancien ministre des affaires étrangères portugais, a été nommé et soumettra bientôt des propositions qui intégreront naturellement un volet sécuritaire. Dans ce domaine, nous pouvons nous inspirer de notre action dans le golfe de Guinée, où nous ne déployons plus d’importantes missions mais un dispositif léger et flexible pour réaliser des formations répondant exactement aux demandes des pays hôtes : Ghana, Côte d’Ivoire, Bénin. La France y est d’ailleurs fortement impliquée.

Enfin, j’attends beaucoup du nouveau couple franco-allemand qui se mettra en place à partir de la semaine prochaine. Du point de vue d’un diplomate français, les déclarations du nouveau chancelier sont incroyablement positives. Ses propos sur l’indépendance de l’Europe ou son intérêt pour discuter avec la France de la dissuasion française étaient jusque-là impensables. Pour pouvoir aller de l’avant, l’Europe de la défense a besoin d’un accord franco-allemand mais aussi de la Pologne, dans le cadre du triangle de Weimar.

M. Laurent Jacobelli (RN). Monsieur le secrétaire général-adjoint, vous n’avez pas répondu à la question de mon collègue Guillaume Bigot. Néanmoins, je voudrais vous remercier, parce que vous avez tenu un langage assez clair, qui contredit ce qu’un certain nombre de dirigeants européens essayent de nous cacher : vous voulez reprendre la direction de notre politique étrangère et de notre défense. À ce titre, la nomination d’un commissaire européen à la défense, qui est une imposture selon l’article 4 du traité sur l’Union européenne, le montre bien.

Nous vous avons écouté et nous voyons bien qu’à travers l’industrie de défense, vous nous avez parlé de stratégie de défense, de stratégie internationale. J’ai une mauvaise nouvelle à vous transmettre monsieur le secrétaire général-adjoint : cela n’est pas votre rôle mais celui de M. Jean-Noël Barrot, ministre des affaires étrangères, et de M. Sébastien Lecornu, ministre des armées, sous la houlette du président de la République française, car il s’agit de domaines réservés. L’Union européenne se développe en volant des compétences nationales, vous nous en avez fait la preuve aujourd’hui. Ma question sera donc simple : quel traité, quelle légitimité démocratique vous ont conféré aujourd’hui la possibilité d’exprimer des visions internationales à la place du président de la République ?

M. le président Bruno Fuchs. Avant de vous laisser répondre à M. Laurent Jacobelli, je souhaite vous poser une dernière question. Comment intégrer dans ce dispositif le Royaume-Uni, qui semble aujourd’hui assez aligné sur la question d’une défense européenne au sens large ?

M. Charles Fries. Les États membres restent complètement responsables de leur politique de défense, en matière de doctrine, de déploiement des opérations ou de choix d’acquisition. De son côté, l’Union européenne propose des instruments pour aider ses États membres à travailler ensemble, s’ils le souhaitent. À titre d’exemple, grâce au programme EDIRPA, doté de 300 millions d’euros, nous avons contribué à un volume de commandes de 11 milliards d’euros, soit un effet de levier de trente-six. Nous ne nous substituons pas aux États membres ; nous ne leur imposons pas de politique étrangère. Le SEAE n’est pas un vingt-huitième ministère des affaires étrangères. Le rôle de Mme Kallas consiste simplement à forger du consensus, dans la mesure où les décisions de la politique étrangère et de sécurité commune et la PSDC requièrent l’unanimité.

Enfin, s’agissant du Royaume-Uni, un premier sommet post-Brexit sera organisé le 19 mai à Londres et les sujets de défense et de sécurité seront à l’ordre du jour. Le dialogue est déjà nourri, de manière informelle, en matière cyber et de contre-terrorisme. Des coopérations ont ainsi lieu en mer Rouge entre l’opération Aspides et l’opération Prosperity Guardian, de même qu’en Ukraine entre la mission EUMAM et l’opération Interflex. L’objectif du sommet consisterait idéalement à conclure un partenariat de sécurité de défense, qui fournira un cadre politique. Nous ne pouvons pas progresser sur l’Europe de la défense sans intégrer d’une manière ou d’une autre la valeur ajoutée que nous apportent les Britanniques.

M. le président Jean-Michel Jacques. Je vous remercie pour votre présence et vos propos, qui nous ont permis d’appréhender la problématique européenne. La France fait partie des pays ayant déjà consenti à de réels efforts, puisqu’elle va doubler son budget de défense en l’espace de dix ans. Nous disposons de l’arme nucléaire, exerçons un rôle important au sein du dispositif européen et nous sommes des alliés fiables. Nous l’avons toujours montré au cours de notre histoire et nous attendons que cela soit aussi le cas de nos autres alliés otaniens.

 

La séance est levée à 10 h 50.

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Membres présents ou excusés

Présents. M. Guillaume Bigot, M. Bertrand Bouyx, M. Jérôme Buisson, M. Pierre‑Yves Cadalen, M. Pierre Cordier, Mme Christelle D’Intorni, M. Alain David, Mme Sandra Delannoy, Mme Christine Engrand, M. Olivier Faure, M. Bruno Fuchs, M. Michel Guiniot, M. Michel Herbillon, Mme Sylvie Josserand, M. Xavier Lacombe, M. Jean-Paul Lecoq, M. Laurent Mazaury, M. Frédéric Petit, M. Kévin Pfeffer, M. Pierre Pribetich, M. Stéphane Rambaud, M. Franck Riester, Mme Laurence Robert-Dehault, M. Jean-Louis Roumégas, Mme Liliana Tanguy, Mme Dominique Voynet, M. Lionel Vuibert

Excusés.  M. Gabriel Attal, M. Hervé Berville, Mme Eléonore Caroit, M. Sébastien Chenu, M. Marc Fesneau, M. Nicolas Forissier, M. Perceval Gaillard, Mme Pascale Got, Mme Brigitte Klinkert, Mme Amélia Lakrafi, Mme Marine Le Pen, Mme Nathalie Oziol, Mme Mathilde Panot, Mme Marie-Ange Rousselot, Mme Sabrina Sebaihi, Mme Michèle Tabarot, M. Laurent Wauquiez, Mme Estelle Youssouffa

Assistaient également à la réunion.  Mme Farida Amrani, M. Édouard Bénard, M. Christophe Blanchet, Mme Anne-Laure Blin, M. Philippe Bonnecarrère, M. Hubert Brigand, M. Bernard Chaix, M. Yannick Chenevard, Mme Caroline Colombier, Mme Sophie Errante, Mme Stéphanie Galzy, M. Guillaume Garot, M. David Habib, Mme Catherine Hervieu, M. Laurent Jacobelli, M. Jean-Michel Jacques, M. Pascal Jenft, M. Loïc Kervran, M. Bastien Lachaud, M. Abdelkader Lahmar, Mme Lise Magnier, M. Sylvain Maillard, Mme Michèle Martinez, M. Thibaut Monnier, M. Aurélien Pradié, Mme Marie Récalde, M. Sébastien Saint-Pasteur, Mme Isabelle Santiago, M. Thierry Sother, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Sabine Thillaye, M. Romain Tonussi