Compte rendu
Commission
des affaires étrangères
– Audition, ouverte à la presse, de M. Fahad M. Alruwaily, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Royaume d’Arabie saoudite en France. 2
Mercredi
18 juin 2025
Séance de 11 heures
Compte rendu n° 74
session ordinaire 2024-2025
Présidence
de M. Bruno Fuchs,
Président
— 1 —
La commission procède à l’audition, ouverte à la presse, de M. Fahad M. Alruwaily, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Royaume d’Arabie saoudite en France.
La séance est ouverte à 11 heures 10.
Présidence de M. Bruno Fuchs, président.
M. le président Bruno Fuchs. Chers collègues, nous recevons ce matin M. Fahad M. Alruwaily, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Royaume d’Arabie saoudite en France. Monsieur l’ambassadeur, je vous remercie pour votre présence.
Initialement, nous entendions articuler votre audition avec la conférence internationale de haut niveau pour le règlement pacifique de la question de Palestine et la mise en œuvre de la solution à deux États, qui devait se tenir aujourd’hui même à New York à l’initiative de votre pays et de la France. Cet événement a été reporté mais cela renforce davantage la nécessité de développer notre vision commune pour une paix durable au Proche et au Moyen-Orient.
Votre venue nous offre également l’occasion de vous interroger sur la relation bilatérale entre la France et votre pays, acteur clé du Moyen-Orient sur un grand nombre de sujets, notamment géopolitiques. En effet, la force politique de la diplomatie du Royaume d’Arabie saoudite est incontestable dans de nombreux dossiers, comme nous l’avons vu au Liban, en Syrie, du Liban, en Iran et dans tout le Golfe arabo-persique.
Depuis une dizaine d’années, le Royaume d’Arabie saoudite a pris le virage d’une modernisation importante dans de nombreux domaines. Parallèlement, les autorités saoudiennes ont fait le choix stratégique de diversifier leurs partenariats et de jouer un rôle diplomatique accru. Votre pays est une puissance régionale qui compte, comme en attestent récemment le choix des États-Unis et de la Russie de reprendre leurs contacts directs à Riyad ou encore le rôle déterminant joué par le prince héritier Mohammed ben Salmane, notamment lors de la venue du président Trump dans votre pays au mois de mai, pour la consolidation de la stabilité et la reconstruction au Liban et en Syrie.
L’Arabie saoudite est le deuxième partenaire commercial de la France au Moyen-Orient : de 2019 à 2023, les exportations françaises ont augmenté de 38 %, passant de 3 milliards d’euros à un peu moins de 4,2 milliards d’euros. Nos liens se développent et se renforcent, dans le sillage de la mise en œuvre de la Vision 2030, et en particulier du programme « Quality of Life » – relatif au sport, à la culture, au divertissement et au tourisme –, qui multiplie les perspectives de coopération et de rayonnement culturel, notamment en lien avec les grands projets, comme AlUla, Neom ou encore Red Sea. J’ai reçu hier une délégation parlementaire saoudienne, qui a exprimé à plusieurs reprises le souhait de voir cette coopération se renforcer avec la France et les investissements français en Arabie saoudite se multiplier.
En matière de politique étrangère, nos deux pays convergent dans leur volonté d’établir des ponts et de favoriser un dialogue productif sur des dossiers difficiles, mais essentiels, avec une vision du monde fondée sur le multilatéralisme, sur laquelle je crois que nous nous rejoignons.
Je salue la position d’équilibre du Royaume d’Arabie saoudite à l’égard de l’existence de l’État d’Israël, puisque Riyad ne conteste aucunement le droit à l’existence et à la sécurité de l’État hébreu. Alors que votre pays n’est pas partie prenante aux accords d’Abraham, vous pourrez peut-être nous indiquer les conditions et critères qui pourraient décider les autorités saoudiennes à s’y adjoindre à l’avenir.
La conférence qui devait se tenir ces jours-ci à New York visait à conjurer une tendance historiquement critique pour la paix au Proche-Orient. Sa préparation minutieuse a donné lieu à des résultats tangibles, que ce soit à travers la lettre du président Abbas condamnant le Hamas et engageant l’Autorité palestinienne à des réformes nécessaires ou à travers la position d’États musulmans, comme l’Indonésie, prêts à reconnaître Israël si la solution à deux États voyait le jour. Ces résultats sont le fruit des efforts combinés de nos deux diplomaties et il faut s’en féliciter.
Enfin, je ne saurais clore ce mot introductif sans évoquer notre préoccupation commune à l’égard de la situation régionale née des opérations militaires engagées vendredi dernier sur le sol iranien. Quelle est la position de votre pays à cet égard ? Quelles sont les attentes de vos autorités vis-à-vis des différents protagonistes et quel rôle entendent-elles jouer pour un apaisement ? Je pense que ces interrogations sont partagées par mes collègues et par l’ensemble des citoyens du monde, inquiets de voir la situation dégénérer fortement dans cette région, avec des conséquences pour tous.
M. Fahad M. Alruwaily, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Royaume d’Arabie saoudite en France. Je suis heureux de me trouver parmi vous aujourd’hui. Cette rencontre représente une opportunité importante d’échanger sur les développements actuels.
L’Arabie saoudite et la France entretiennent un partenariat historique, qui ne cesse de se développer et de se renforcer.
Je souhaite commencer par une brève présentation de la Vision 2030, adoptée en Arabie saoudite en 2016. Cette stratégie incarne une ambition stratégique conçue et portée par Son Altesse Royale le prince Mohammed ben Salmane, visant à construire un avenir fondé sur la diversification économique, l’innovation sociale et le développement durable.
Le Royaume connaît un grand succès et réalise des progrès significatifs dans tous les domaines. À titre d’exemple, l’Arabie saoudite se classe aujourd’hui au quarantième rang mondial, selon l’indice de développement humain (IDH) établi l’année dernière par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), qui évalue 193 pays. Notre pays figure désormais dans la première liste de la catégorie des nations à très haut développement humain. Ainsi, l’espérance de vie à la naissance en Arabie saoudite atteignait 78,8 ans l’année dernière, contre environ 48 ans en 1965, lorsque je suis né, ce qui témoigne de l’impact des investissements dans le secteur de la santé.
En matière d’éducation, nos universités occupent aujourd’hui les premières places de notre région selon les classements indépendants internationaux, comme le Shanghai Ranking, et font partie des meilleurs établissements du monde au niveau académique. Chaque année, leur position monte dans ces classements.
Le Royaume est également un membre efficace et engagé du G20, des initiatives des Nations unies, de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) et de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), en contribuant aux efforts collectifs en matière de développement durable, de sécurité énergétique, de lutte contre le changement climatique et de promotion de la culture.
La Vision 2030 constitue un cadre de transformation ambitieuse, guidée par des valeurs d’ouverture, de responsabilité et de progrès partagés. Elle reflète la volonté du Royaume de jouer un rôle actif et constructif sur la scène régionale et internationale, tout en affirmant son identité, sa souveraineté et sa capacité à répondre aux aspirations de ses citoyens.
Les relations entre l’Arabie saoudite et la France reposent sur une coopération historique, fondée sur un dialogue politique régulier, des échanges culturels soutenus et un partenariat économique en constante évolution. Depuis plusieurs décennies, Riyad et Paris entretiennent des relations bilatérales dynamiques portées par une vision partagée du développement, de la diversification économique et de la stabilité régionale.
Notre partenariat économique s’est considérablement renforcé à la faveur de la stratégie Vision 2030. La France constitue un partenaire important pour accompagner cette transformation. Elle est présente dans de nombreux secteurs clés, tels que l’énergie, le transport, la santé, les infrastructures, le tourisme, la culture, la technologie, ainsi que l’éducation et la formation.
Les échanges entre nos deux pays sont solides et poursuivent leur croissance chaque année dans tous les domaines. Aux secteurs classiques, comme l’énergie et l’industrie, s’en ajoutent désormais de nouveaux, comme les technologies, la cybersécurité ou encore le secteur pharmaceutique.
Plusieurs entreprises françaises de premier plan sont des partenaires importants en Arabie saoudite. Elles contribuent au développement de projets emblématiques inscrits dans la Vision 2030, notamment le développement d’AlUla, Neom, le métro de Riyad, le projet de la mer Rouge et les infrastructures énergétiques de nouvelle génération.
Ce partenariat ne se limite pas aux grandes entreprises. La coopération s’étend également aux secteurs des technologies et de l’innovation. Pas plus tard que la semaine dernière, une importante délégation d’une vingtaine d’entreprises saoudiennes participait au salon VivaTech.
Nous avons travaillé ensemble en vue de la conférence sur la solution à deux États et poursuivons ce travail en faveur d’une stabilité solide et durable pour la région.
La diplomatie saoudienne, qui se développe dans le cadre de Vision 2030, ne se limite pas à une dimension économique mais traduit également une ambition politique. Notre pays développe son rôle d’acteur régional et global, en coopération avec ses partenaires, au premier rang desquels la France.
Lors de la dernière visite du président Emmanuel Macron, en décembre dernier, nous avons signé un accord de partenariat stratégique particulièrement important, qui insiste sur nos coopérations dans les domaines politique, économique, sécuritaire et culturel. Nous œuvrons pour l’application et l’implémentation de cet accord.
La Vision 2030 consacre une place importante à la diversification des ressources et de l’énergie, domaines dans lesquels nous collaborons avec nos partenaires français. Le secteur culturel revêt également une grande importance, avec de nombreux partenariats établis avec la France.
Dans le domaine académique et de la formation, nous accueillons plusieurs filiales d’écoles françaises. En ce moment même, une importante délégation académique saoudienne, comprenant quatre présidents d’université, le président du conseil de l’éducation académique et le président du service sanitaire, effectue une visite de trois à quatre jours pour développer les partenariats et inviter des universités françaises à établir des filières en Arabie saoudite. Cette démarche rencontre un vif succès. Nous accueillons également des instituts spécialisés, comme l’institut Cordon Bleu ou l’école Ferrandi Paris, qui ont signé des accords pour ouvrir des filières en Arabie saoudite.
Enfin, sur le plan diplomatique, notre pays a de nombreux partenariats. Nous fondons notre diplomatie sur le respect du droit international et de la Charte des Nations unies et œuvrons en faveur de solutions durables et d’une région pacifique, homogène, intégrée et capable de vivre ensemble.
M. le président Bruno Fuchs. Je cède la parole aux représentants des groupes politiques.
M. Michel Herbillon (DR). Je tiens à souligner l’extraordinaire développement de votre pays dans tous les domaines, qu’il s’agisse du plan économique, culturel, touristique ou patrimonial. Je souhaite également souligner l’importance et la qualité des relations bilatérales entre nos deux pays, raison pour laquelle nous nous réjouissons de vous accueillir ce matin.
Votre présence intervient dans un contexte particulièrement sensible pour le Moyen-Orient et pour le monde entier, en raison du regain des tensions entre Israël et l’Iran.
Cette semaine devait initialement être marquée par une conférence de l’Organisation des Nations unies (ONU) sur la solution à deux États, coprésidée par la France et l’Arabie saoudite. Cette réunion a été reportée pour des raisons « logistiques et sécuritaires », eu égard à la situation actuelle.
Le président de la République française devait annoncer la reconnaissance de l’État palestinien par la France. Permettez-moi, au nom de mon groupe politique de la Droite Républicaine, de réaffirmer que la reconnaissance de l’État palestinien nous paraît prématurée si des conditions ne sont pas réunies.
Premièrement, tous les otages encore détenus par le Hamas doivent être libérés et les dépouilles des victimes doivent être restituées à leurs familles. Deuxièmement, le Hamas doit être démantelé, afin qu’il ne soit plus en mesure de nuire. Troisièmement, l’Autorité palestinienne doit être profondément réformée pour qu’elle redevienne une interlocutrice légitime. Enfin, quatrièmement, la sécurité d’Israël doit être assurée et garantie par les pays arabes de la région.
La position traditionnelle de la France et de mon groupe politique est la suivante : nous sommes favorables à la reconnaissance de l’État palestinien mais uniquement lorsque ces conditions seront satisfaites. Pensez-vous que ces quatre conditions pourraient être réunies avant l’éventualité d’une nouvelle réunion à l’ONU ?
M. Fahad M. Alruwaily. L’Arabie saoudite et la France ont œuvré ensemble sur ce point. La France, qui demeure un partenaire pour la paix au Moyen-Orient, a accueilli plusieurs conférences et rencontres en vue de cet objectif et a participé à tous les efforts visant une solution définitive et durable à ce conflit qui perdure depuis soixante-dix ans.
Si nous avons été contraints de reporter la conférence coprésidée par l’Arabie saoudite et la France en raison de la situation actuelle, elle n’a pas pour autant été annulée. La conférence reste programmée, le groupe de travail poursuit sa mission et les objectifs demeurent inchangés. Nous envisageons de fixer prochainement une nouvelle date dès que la situation s’éclaircira.
Je crois que nous partageons les mêmes objectifs. Le président de la République française a publié la lettre reçue du président de l’Autorité palestinienne, M. Abbas, évoquant plusieurs points concernant les réformes et la situation sur le territoire palestinien.
Nous affirmons constamment que la sécurité constitue un droit légitime pour tous les peuples de la région, comme pour tous les peuples du monde. L’humanité y est parvenue dans de nombreuses autres régions du monde et il n’est nullement impossible de garantir la paix, la stabilité et l’intégration pour tous les peuples de notre région, berceau de nombreuses civilisations, cultures et religions.
M. Michel Herbillon (DR). Les quatre conditions nécessaires pour assurer le succès de cette conférence vous paraissent-elles aujourd’hui réunies, monsieur l’ambassadeur ?
M. Fahad M. Alruwaily. Un travail considérable a été accompli sur les plans diplomatique, technique et juridique. Des groupes de travail issus de plusieurs pays ont contribué à l’élaboration d’un document appelé à être soumis aux participants à la conférence. Ne connaissant pas le contenu de celui-ci, je pourrais vous fournir davantage d’informations qu’en contactant mes collègues à New York, qui collaborent avec la représentation française.
Je tiens à souligner notre détermination à faire de cette conférence un véritable succès. Nous avions fixé une date définitive et notre Conseil des ministres s’est félicité, il y a environ un mois, du grand soutien manifesté par de nombreux pays en faveur de cet événement.
Mme Dominique Voynet (EcoS). Dire que le Moyen-Orient est en crise est un euphémisme. La guerre sévit partout : écrasement de Gaza, déstabilisation du Liban, guerre civile au Yémen, changement de régime en Syrie et escalade militaire entre Israël et l’Iran.
Dans ce contexte, l’Arabie saoudite se montre plutôt discrète. Vous avez condamné en termes très modérés l’agression terroriste du Hamas contre des civils israéliens et la violence de la riposte israélienne, qui a causé des dizaines de milliers de morts et de blessés à Gaza.
En collaboration avec la France, vous avez organisé une conférence, bienvenue, sur la possibilité d’une reconnaissance de l’État palestinien. Cette conférence est depuis tombée à l’eau, Israël ayant entre-temps attaqué l’Iran.
Le Hamas et le Hezbollah sont exsangues. Le régime d’Assad est tombé, et même les milices irakiennes s’en désolidarisent. Nous assistons actuellement à l’effondrement de l’Iran, hier encore considérée comme la grande puissance régionale. Ces conflits régionaux ont largement épargné votre pays, allié historique et privilégié des Américains.
Quel rôle l’Arabie saoudite compte-t-elle prendre dans la région ? Quelle influence comptez-vous exercer sur le nouveau régime syrien ? Au Liban, l’affaiblissement du Hezbollah sert-il les intérêts de vos soutiens, et par conséquent les vôtres ? Enfin, concernant la Palestine, quel rôle comptez-vous jouer lorsqu’un cessez-le-feu durable sera – espérons-le – décrété ? Quelles demandes Donald Trump vous a-t-il adressées à ce sujet ?
J’aborderai maintenant un sujet en apparence intérieur mais central, en ce qu’il impacte l’image de votre pays en Europe et dans le monde : le sort réservé aux travailleurs immigrés dans votre pays. En août 2023, Human Rights Watch révélait la mort de centaines de migrants éthiopiens abattus par les gardes-frontières saoudiens alors qu’ils tentaient de franchir la frontière avec le Yémen. Ces faits d’une extrême gravité sont demeurés sans suite judiciaire connue. Plus récemment, en juin 2025, une coalition syndicale représentant trente-six pays a déposé plainte contre l’Arabie saoudite auprès de l’Organisation internationale du travail (OIT). Cette plainte dénonce les mauvais traitements infligés aux travailleurs étrangers, notamment en provenance d’Afrique, dans les secteurs du bâtiment, de l’hôtellerie ou du travail domestique. Les accusations portent sur des cas documentés de traite, de travail forcé, de violences sexuelles et de salaires non versés.
L’Arabie saoudite s’est engagée à mettre en œuvre des réformes, notamment par la signature d’un accord de coopération avec l’OIT, facilitant le changement d’emploi, instaurant un salaire minimum et prévoyant l’indemnisation des accidents du travail. Cependant, selon les syndicats et plusieurs organisations non gouvernementales (ONG), ces réformes demeurent largement insuffisantes au regard de l’ampleur des abus. Quelles garanties concrètes pouvez-vous offrir à la communauté internationale pour que les droits fondamentaux des travailleurs migrants soient enfin pleinement respectés en Arabie saoudite ?
M. Fahad M. Alruwaily. Concernant l’aspect diplomatique et international, je ne partage pas votre pessimisme. Nous avons obtenu de nombreux succès et notre travail commun se poursuit. Nous avons exprimé notre position sur toutes les questions importantes. Notre diplomatie établit des contacts à tous les niveaux. Son Altesse Royale le prince héritier a engagé de multiples échanges et communications sur l’ensemble des problématiques régionales et internationales, avec des résultats tangibles. Nous avons également accueilli des négociations concernant la guerre en Ukraine.
Quant à la situation régionale, dès le premier jour, nous avons organisé un sommet réunissant les pays arabes et islamiques. Nous avons constitué une commission ministérielle, présidée par notre ministre des affaires étrangères, qui a déployé d’importants efforts diplomatiques pour rechercher une solution. Nous avons également obtenu l’accord des Nations unies pour la conférence coprésidée par l’Arabie saoudite et la France, bénéficiant d’un large soutien international. Au Liban, nous avons déjà enregistré des progrès significatifs et demeurons optimistes quant à l’amélioration de la situation, avec la perspective d’un gouvernement stable œuvrant au service de son peuple. Concernant la Syrie, nous agissons pour venir en aide au peuple syrien, qui a enduré de grandes souffrances.
Nous reconnaissons l’existence de nombreux problèmes complexes à l’échelle de la région. Cette situation n’est pas nouvelle au Moyen-Orient mais notre diplomatie repose sur un principe : les conflits et les moyens militaires ne peuvent résoudre les problèmes. Le dialogue, la diplomatie, les pourparlers et les négociations constituent les voies pour résoudre ces problèmes. Trouver des solutions n’est nullement impossible. Ainsi, au Yémen, un accord de paix a été conclu entre le gouvernement légitime et les Houthis, avec le soutien de l’Arabie saoudite et des pays de la région. Espérons que le peuple yéménite retrouvera la paix ainsi que la stabilité et qu’il reprendra son développement économique.
Concernant les travailleurs étrangers et immigrés, environ 12 millions d’expatriés vivent actuellement dans notre pays, y sont très heureux et jouissent de tous leurs droits. Nous appliquons un code du travail très strict pour protéger les droits des travailleurs. Naturellement, parmi ces 12 millions de personnes, des problèmes surviennent occasionnellement mais ceux-ci sont traités efficacement par notre système judiciaire. Notre législation se développe, notamment avec l’adoption récente d’un droit spécifique pour les travailleurs domestiques. Certaines exceptions sont parfois signalées par des ONG, des médias ou sur les réseaux sociaux, mais je vous assure qu’aucun cas n’est laissé sans traitement approprié.
Nous développons nos droits et nos accords avec les pays partenaires d’où proviennent majoritairement ces travailleurs étrangers. Nous avons signé de nombreux accords concernant leurs droits, leurs salaires et leurs contrats. Les pays d’origine se montrent satisfaits du traitement réservé à leurs citoyens dans notre pays et du respect de leurs droits.
M. Frédéric Petit (Dem). Je salue le rôle de plus en plus solide assumé par votre pays dans la région.
Comment évaluez-vous aujourd’hui l’avenir de l’outil multilatéral que constituent les accords d’Abraham, après les événements survenus en Syrie en 2024 et ce qu’il se passe en Iran ? Ces accords, dont la dénomination même est intéressante, commencent à prendre une dimension multilatérale. Comment envisagez-vous leur avenir ? Quelle est votre vision de leur évolution cette année, particulièrement au regard des événements en Syrie, qui ont rapproché l’intégration éventuelle de ce pays dans un tel mécanisme, et au regard de ceux en Iran, qui ont peut-être fait disparaître une menace ? Je rappelle que les accords d’Abraham ne sont pas utilisés, développés et reconnus de la même manière dans les différents pays européens.
M. Fahad M. Alruwaily. Concernant les accords d’Abraham, je considère qu’il s’agit d’une décision prise par des États souverains. Comme vous le savez, l’Arabie saoudite fut le premier pays à proposer une initiative de paix : dès 2002, nous avons présenté cette initiative pour un accord de paix, d’intégration et de normalisation, conditionné à la création d’un État pour le peuple palestinien. Nous défendons depuis longtemps la solution à deux États et portons le souhait que les peuples vivent ensemble en paix et en sécurité, tout en étant intégrés.
Pour le moment, la situation demeure instable et manque de clarté. Notre ambition est d’établir un accord de paix durable qui servira les intérêts des peuples de la région sur le long terme. Comment pourrions-nous développer des partenariats ou des projets stratégiques sans garantie quant à la pérennité d’un accord et d’une intégration régionale ? Notre position a toujours consisté à rechercher une solution fondée sur la coexistence pacifique et sécuritaire de deux États. Cette approche reste défendue par notre gouvernement et nos partenaires.
M. le président Bruno Fuchs. Pour prolonger la question de M. Petit et reprendre une interrogation de mon propos liminaire, l’Arabie saoudite sera-t-elle prête à signer un jour les accords d’Abraham ? Existe-t-il des conditions préalables à votre engagement dans ces accords ?
M. Fahad M. Alruwaily. Je ne dispose pas d’informations spécifiques à ce sujet. En tout état de cause, un accord pour la paix devra reposer sur la solution à deux États, incluant un État palestinien.
M. Jean-Paul Lecoq (GDR). J’appartiens à un groupe parlementaire qui défend la reconnaissance inconditionnelle de l’État palestinien. Nous considérons que le droit international et le droit à l’autodétermination des peuples doivent s’appliquer universellement.
Vous représentez un pays entouré par des États, comme la Libye, l’Irak, la Syrie et aujourd’hui l’Iran, où certaines puissances se sont arrogé le droit de décider qui devait ou ne devait pas gouverner. À votre place, je m’inquiéterais pour l’avenir au regard de la géographie. Votre attachement à la diplomatie vous honore et constitue le chemin à privilégier, quand d’autres rejettent cette approche.
L’État d’Israël présente cette particularité historique de ne respecter ni le droit international, ni les résolutions des Nations unies, ni sa signature des accords. En tant que diplomate représentant un pays appelé à jouer un rôle influent à l’avenir dans cette région, comment appréhendez-vous cette problématique très particulière concernant le respect des engagements pris ou la possibilité d’en prendre de nouveaux ?
Nous savons que la paix dans la région repose sur l’existence de deux États mais, pour coexister pacifiquement, ces derniers doivent être d’accord pour vivre en paix. L’actualité montre que tous ne privilégient pas le chemin diplomatique. J’aimerais connaître votre position sur ce point et comprendre votre analyse pour l’avenir.
L’intervention en Iran commence à voiler la situation à Gaza. Or, les massacres et le génocide se poursuivent pendant que les médias se concentrent sur le nouvel événement qu’est le conflit entre Israël et l’Iran. Pensez-vous que la conférence qui a été reportée demeure légitime et réalisable dans un avenir proche ?
M. Fahad M. Alruwaily. En diplomatie, un principe s’impose : les pays doivent œuvrer ensemble et aucune nation ne peut élaborer des solutions isolément. Je crois profondément en la diplomatie du multilatéralisme et au respect du droit international, de la Charte des Nations unies et de la légitimité internationale. Nous devons travailler collectivement avec l’ensemble des partenaires au niveau mondial. L’ONU constitue une organisation très importante ayant réussi à résoudre de nombreux conflits et continuant de remplir sa mission.
Le partenariat entre nos deux peuples s’avère exemplaire. Nous ne devons pas céder au pessimisme car nous sommes proches de trouver des solutions.
Je crois que les populations de notre région aspirent à la paix et à la sécurité, auxquelles elles ont droit et qu’elles souhaitent garantir l’avenir de leurs enfants, ainsi que des générations futures. La situation dans notre région demeure complexe, comme elle l’a toujours été. Cependant, nous devons intensifier nos efforts diplomatiques, particulièrement aux niveaux bilatéral, régional et multilatéral, avec les Nations unies. Si la situation est complexe, nous devons toutefois préserver l’espoir de poursuivre notre travail en démontrant nos capacités d’action sur les plans diplomatique, juridique et sécuritaire, grâce à notre coopération et à notre coordination.
Mme Dieynaba Diop (SOC). Notre échange intervient dans un contexte international marqué par des souffrances humanitaires insoutenables à Gaza et par les récentes attaques entre Israël et l’Iran, situation qui exige une réponse urgente de la communauté internationale.
Je souhaite d’abord saluer l’initiative portée par plusieurs pays arabes, dont l’Arabie saoudite, en faveur d’un plan de reconstruction de Gaza. Cette démarche souligne la volonté régionale de bâtir une paix durable. Nous savons cependant qu’aucune reconstruction n’est envisageable sans un cessez-le-feu immédiat et pérenne.
Le groupe Socialistes et apparentés appelle de façon claire à l’arrêt des combats, à la protection des civils mais également à la cessation des violations du droit international et humanitaire. Nous demandons la libération immédiate de tous les otages détenus par le Hamas, afin qu’ils puissent retrouver leurs familles. Nous demandons également la libération des prisonniers palestiniens détenus par Israël, notamment des femmes et des mineurs, en violation de la quatrième convention de Genève. Enfin, nous réclamons la levée du blocus humanitaire imposé à Gaza par le gouvernement de Netanyahou. Il est inacceptable que l’acheminement de l’aide vitale pour des milliers de familles continue d’être entravé.
Nous savons depuis longtemps que la reconnaissance d’un État palestinien est indispensable pour construire une solution à deux États. Les hésitations du président Macron à reconnaître l’État de Palestine sont notamment liées à l’attitude du président Trump, dont nous connaissons désormais parfaitement la diplomatie transactionnelle. De quels leviers disposez-vous pour infléchir la position américaine ?
M. Fahad M. Alruwaily. Concernant la situation à Gaza, nous avons, dès le premier jour, entrepris un travail avec l’ensemble de nos partenaires, aux niveaux diplomatique, politique et humanitaire. Le fonds d’aide humanitaire du roi Salmane a déployé beaucoup d’efforts dans les domaines alimentaire, humanitaire et médical. Cette action se poursuit avec les partenaires de la région. Nous apportons également un soutien significatif à l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), une agence dont la mission est très importante, et poursuivons notre collaboration avec nos partenaires.
Nous entretenons un partenariat stratégique avec les États-Unis. Le président Trump s’est rendu en Arabie saoudite. Nous travaillons intensément avec ce partenaire essentiel sur les questions régionales, tout comme nous le faisons avec la France et d’autres partenaires.
Nous constatons que la communauté internationale reconnaît la nécessité de trouver une solution définitive, durable et pacifique à la question palestinienne. Pour les détails, nous pourrons toujours parvenir à des solutions et à des accords.
M. le président Bruno Fuchs. Vous entretenez un partenariat stratégique avec les États-Unis mais une divergence manifeste subsiste sur la solution à deux États. Disposez-vous de moyens de pression ou de conviction pour amener les États-Unis vers une position plus proche de la vôtre ?
M. Fahad M. Alruwaily. Notre dialogue se poursuit avec nos amis américains, de même qu’au niveau des Nations unies et du Conseil de sécurité, ainsi qu’avec nos autres partenaires. Nous espérons parvenir à un accord. Les États-Unis représentent un partenaire crucial sur cette question et doivent nous aider dans l’élaboration d’une solution définitive et durable.
M. Stéphane Rambaud (RN). En France, nous aimons donner des leçons mais nous devrions parfois faire preuve d’humilité. Le Royaume d’Arabie saoudite a pris, il y a plus de dix ans, une décision que la France n’a malheureusement toujours pas le courage d’assumer : interdire les Frères musulmans, les qualifier d’organisation terroriste et combattre sans faux-semblant leur idéologie mortifère.
Ce choix courageux, acté en mars 2014, repose sur un constat lucide : la confrérie ne constitue pas une mouvance religieuse mais une matrice idéologique, politique et sociale du radicalisme islamiste. Elle infiltre, manipule et recrute. Son objectif unique consiste à islamiser les sociétés par le bas jusqu’à faire tomber leurs institutions.
Pendant que votre pays purgeait ses structures éducatives, religieuses et associatives de l’influence frériste, pendant que vous rompiez vos liens avec le Qatar pour son soutien à ces réseaux, la France continuait à tergiverser. Chez nous, les Frères musulmans avancent masqués. Ils tissent leur toile dans nos banlieues, infiltrent les associations, obtiennent des subventions publiques et parfois même l’assentiment d’élus complices ou aveugles. Votre stratégie démontre qu’une action efficace reste possible lorsqu’il existe une volonté politique claire.
Quelle collaboration avec votre pays pouvons-nous établir afin de travailler à combattre les fléaux auxquels nous devons faire face ?
M. Fahad M. Alruwaily. La réponse à cette question importante s’avère complexe. L’Arabie saoudite interdit la politisation de l’Islam. Notre pays prône les véritables valeurs de l’Islam : tolérance, ouverture et dialogue.
Il y a quelques années, notre pays a créé le Centre Etidal, institution internationale qui œuvre activement contre l’extrémisme et le radicalisme.
Nous avons également créé un centre international pour le dialogue interreligieux, aujourd’hui basé à Lisbonne au Portugal, qui déploie des efforts pour favoriser les échanges entre les différentes confessions. Cet établissement a travaillé avec d’autres organisations, notamment la Ligue islamique mondiale, dont le siège se trouve à La Mecque. Ensemble, nous avons organisé de nombreuses conférences réunissant à Riyad des représentants de toutes les principales religions du monde.
Les mouvements radicaux et la politisation de l’Islam ne reflètent pas les valeurs de cette religion. Ces dérives représentent un grand danger, tant pour les populations des pays musulmans que pour le monde entier. Nous travaillons avec nos partenaires pour clarifier cette distinction.
Nous menons également des actions de sensibilisation auprès des populations pour faire connaître les véritables valeurs de l’Islam et dénoncer celles qui n’en relèvent pas et sont instrumentalisées par des groupes politiques comme couverture pour leurs objectifs propres.
M. le président Bruno Fuchs. Disposez-vous de méthodes spécifiques que vous avez mises en œuvre et sur lesquelles nous pourrions travailler en France ?
M. Fahad M. Alruwaily. Le Centre Etidal dispose notamment d’une composante numérique très avancée, qui assure le suivi des appels à la haine et à l’extrémisme sur les réseaux sociaux, phénomènes devenus aujourd’hui extrêmement dangereux et prégnants. Notre expérience est grande dans ce domaine.
En outre, la cybersécurité est particulièrement importante. L’Arabie saoudite figure parmi les pays les plus avancés en matière de cybersécurité et de numérique, domaines essentiels dans la lutte contre ces mouvements.
Mme Amélia Lakrafi (EPR). Je tiens tout d’abord à saluer l’initiative franco-saoudienne qui devait effectivement se tenir cette semaine à l’ONU et portait un espoir concret pour le monde entier, mais particulièrement pour les Palestiniens, avec une avancée sur la question de la reconnaissance de leur État. L’actualité a malheureusement entraîné le report de ce moment important. J’espère de tout mon cœur qu’il ne s’agit que d’un report.
L’Arabie saoudite constitue un pays majeur de ma circonscription où résident de nombreux Français. La population française y a plus que doublé depuis 2018. Ce pays joue un rôle déterminant dans la région, notamment en faveur de la stabilité.
En tant que membre fondatrice du comité de liaison transpartisan Israël-Palestine, aux côtés de nombreux collègues députés, je soutiens la mise en œuvre effective d’une solution à deux États, fondée sur une reconnaissance mutuelle et des relations équilibrées et apaisées entre Israël et ce futur État palestinien, ainsi qu’avec l’ensemble des pays arabes. Je vous remercie pour les réponses détaillées que vous avez déjà apportées à ce sujet.
Par ailleurs, je souhaiterais aborder le développement de la coopération culturelle et linguistique, notamment la promotion de la langue française et de la francophonie au sein du Royaume saoudien, qui illustre notre volonté commune de rapprocher nos sociétés.
Enfin, je voudrais évoquer les efforts du Royaume en matière de dialogue interreligieux et de coopération humanitaire, qui peuvent constituer des leviers essentiels pour la paix et la compréhension mutuelle dans la région.
Pourriez-vous nous faire part de votre vision et des priorités du Royaume concernant ces deux derniers axes ?
M. Fahad M. Alruwaily. Nous disposons d’excellentes écoles françaises de niveau régional à Riyad et à Djeddah. L’Alliance française a établi quatre écoles en Arabie saoudite, présentes dans toutes nos grandes villes. Notre coopération se déploie intensément dans les domaines culturel et académique. Le projet de développement d’AlUla constitue un exemple symbolique de notre coopération culturelle et éducative.
De nombreux boursiers saoudiens poursuivent leurs études en France, particulièrement dans le secteur médical mais également dans les domaines du droit et de la culture, avec une formation en français. Je peux affirmer qu’à leur retour, ils figurent parmi les meilleurs diplômés grâce à leur formation académique.
Une importante délégation académique composée de représentants de nos grandes universités conduit actuellement des discussions avec leurs homologues des prestigieuses universités françaises afin de renforcer cette coopération. Ils procèdent à la signature de plusieurs accords visant à consolider la coopération et les échanges académiques et éducatifs. De nombreux projets se développent donc dans le domaine de la formation.
De même, des étudiants viennent régulièrement en France pour leur formation, grâce aux partenariats entre notre ministère du tourisme et les autorités éducatives françaises. Un accord a été signé avec le Festival de Cannes il y a deux ou trois ans. Notre secteur cinématographique saoudien connaît un essor important.
Concernant le dialogue des civilisations que vous avez évoqué, l’Arabie saoudite demeure le berceau des lieux islamiques et s’attache à promouvoir les véritables valeurs de l’Islam : l’ouverture, le dialogue, la tolérance et le vivre-ensemble. Nous participons activement à toutes les initiatives, organisations et alliances internationales, qu’elles soient officielles, gouvernementales ou non gouvernementales. Nous travaillons également avec diverses organisations, notamment la Ligue islamique mondiale et nos propres centres saoudiens, comme le Centre Etidal ou le Centre international roi Abdallah à Lisbonne. Nous organisons de nombreuses initiatives et conférences. J’estime que nous avons obtenu de bons résultats avec nos partenaires pour diffuser ces idées et promouvoir une éducation de qualité dans ces domaines.
M. Arnaud Le Gall (LFI-NFP). Il y a encore quelques années, des relations extrêmement vives opposaient votre pays à l’Iran, générant des tensions jusqu’au sein du Conseil de coopération du golfe. À cette époque, un rapprochement assumé et revendiqué s’opérait avec Israël, notamment au nom de la préservation de la stabilité régionale.
Désormais, nous observons des évolutions, amorcées depuis plusieurs années mais qui s’accélèrent. Je pense notamment à la rencontre entre délégations officielles de l’Iran et l’Arabie saoudite à Pékin en 2023, ainsi qu’aux termes assez forts employés par votre pays pour dénoncer l’attaque israélienne contre l’Iran ces derniers jours. Je n’avais pas souvenir d’un communiqué de l’Arabie saoudite évoquant l’Iran comme un « pays frère ». Je perçois cela comme un soutien entre États, et non comme un soutien entre régimes.
Dès lors que la nature de la guerre engagée par Israël contre l’Iran révèle son véritable visage, il apparaît qu’il ne s’agit pas de s’attaquer aux infrastructures nucléaires – que l’on sait extrêmement partielles et assez peu opérationnelles dans leur dimension militaire – mais désormais de provoquer un changement de régime.
À votre avis, quelles conséquences cette guerre pourrait-elle entraîner, notamment sur la stabilité régionale, si elle était menée à son terme ? Quelles répercussions pourrait-elle avoir sur le projet de conférence multilatérale aux Nations unies concernant la solution à deux États, pour laquelle la France et l’Arabie saoudite étaient les deux fers de lance ?
Plus généralement, sans chercher à vous interroger sur d’éventuelles divergences entre nos diplomaties sur ce sujet, il est assez manifeste que l’Arabie saoudite et la France ne tiennent pas le même discours concernant la guerre entre Israël et l’Iran. Comment envisagez-vous la poursuite de la coopération pour la stabilité régionale ? Et, selon vous, que devrait faire la France pour revenir au centre du jeu sur les questions de stabilité régionale au Proche-Orient ?
M. Fahad M. Alruwaily. Nous avons rétabli nos relations diplomatiques avec l’Iran il y a quelques années, sous le patronage de la Chine, et nous poursuivons notre dialogue sur les questions internationales, y compris le dossier nucléaire. Continuer ce dialogue, ces discussions et nos efforts diplomatiques constitue une obligation.
Cette guerre va malheureusement déstabiliser toute la région. Si l’on peut facilement déclencher un conflit, il devient parfois extrêmement complexe d’y mettre un terme. Nous espérons que les hostilités cesseront rapidement, avec un retour aux négociations pour trouver des solutions diplomatiques, pacifiques et durables.
Hier soir à New York, nos deux missions, saoudienne et française, ont publié un communiqué disponible sur notre site concernant le report de la conférence sur la solution à deux États. Ce communiqué indique en l’espèce : « Nous exprimons notre profonde préoccupation face à l’escalade actuelle et aux récents développements qui ont nécessité la suspension de la conférence internationale de haut niveau pour le règlement pacifique de la question de Palestine et la mise en œuvre de la solution des deux États. Ces événements confirment la validité des avertissements concernant la fragilité de la situation dans la région et l’urgence de rétablir le calme, de respecter le droit international et de renforcer les efforts diplomatiques. Dans ces circonstances critiques, nous ne pouvons que réaffirmer notre engagement total envers les objectifs de la conférence et notre volonté d’assurer la continuité de ces travaux et la réalisation de ces objectifs. ». Le travail diplomatique se poursuit ainsi sous l’impulsion de nos deux dirigeants et nous espérons qu’il continuera.
M. le président Bruno Fuchs. Je cède à présent la parole aux députés qui souhaitent intervenir et vous interroger à titre individuel.
M. Michel Guiniot (RN). À la suite de la détérioration des relations entre l’Iran et Israël, l’Iran menace de fermer le détroit d’Ormuz, par lequel transitent quotidiennement 20 millions de barils de pétrole. Si cette situation se présentait, serait-il envisageable pour l’Arabie saoudite de permettre le transit du pétrole par la mer Rouge, permettant ainsi au pétrole de continuer à affluer vers le monde ? La France pourrait utiliser sa base de Djibouti pour protéger ces transits.
Par ailleurs, la France et l’Arabie saoudite semblaient en bonne voie fin 2024 de conclure un contrat sur la vente de 54 avions de chasse Rafale. L’élection de M. Trump à la tête des Etats-Unis a potentiellement rebattu les cartes en ouvrant la possibilité pour l’Arabie saoudite d’acquérir des F-35. Qu’en sera-t-il, si toutefois vous disposez de cette information ?
Enfin, au-delà des contrats signés avec Airbus lors du Salon du Bourget pour l’aviation civile, avez-vous connaissance de projets de contrats concernant l’aviation militaire que vous pourriez nous communiquer ?
M. Fahad M. Alruwaily. Concernant la fermeture du détroit d’Ormuz, la situation géographique de notre région en fait un point crucial pour l’économie internationale, le transport maritime, l’énergie et la sécurité énergétique. Cette importance ne concerne pas uniquement l’Arabie saoudite et la région mais l’ensemble de l’économie mondiale. C’est pourquoi nous espérons que l’escalade dans ce conflit et cette guerre s’arrêteront rapidement, avec un retour aux négociations et aux discussions, importantes pour toutes les parties.
J’étais présent à l’ouverture du Salon du Bourget avec une importante délégation saoudienne, présidée par notre ministre des transports, accompagné du président de notre industrie de défense et du président de l’aviation civile. Notre nouvelle compagnie, Riyadh Air, a signé un accord pour l’acquisition de 127 avions avec Airbus, pour le volet civil. Le mois dernier, j’ai accompagné le président de notre grande compagnie, Saudi airlines, à Toulouse pour la signature d’un contrat avec Airbus. Nous développons de nombreuses coopérations dans le domaine aéronautique, conformément à notre Vision 2030, qui vise à encourager le tourisme et les échanges ainsi qu’à développer les infrastructures, le transport et la communication avec le monde entier.
Sur le plan militaire, je sais que des négociations sont en cours. Une délégation militaire de haut niveau était également présente au Salon du Bourget. Je ne dispose cependant pas de détails sur ce sujet. Des commissions techniques et militaires spécialisées étudient les différentes options afin de choisir la meilleure solution dans le cadre de nos partenariats et de notre coopération avec nos alliés.
M. le président Bruno Fuchs. Existe-t-il, selon vous, un scénario envisageant le blocage du détroit d’Ormuz ?
M. Fahad M. Alruwaily. Je ne peux pas me prononcer sur l’éventualité d’un tel blocage mais je tiens à souligner que cette situation serait très grave pour l’économie internationale ainsi que pour la stabilité régionale et mondiale.
Mme Christine Engrand (NI). L’Arabie saoudite occupe aujourd’hui une place incontournable dans les équilibres mondiaux. À la croisée de profondes mutations internes et de nouvelles ambitions internationales, le Royaume saoudien s’affiche comme un partenaire économique de premier plan mais aussi comme un acteur diplomatique et culturel de plus en plus actif.
La Vision 2030, portée par le prince héritier, transforme en profondeur le pays avec des projets colossaux, comme Neom ou AlUla, auxquels la France est étroitement associée. Nos relations bilatérales s’intensifient, tant sur le plan économique que culturel ou stratégique.
Pourtant, derrière cette modernisation, des questions de fond se posent concernant les droits humains et les conditions de certains projets sur place. Il ne s’agit pas ici de porter un jugement mais de comprendre ce nouveau visage du Royaume et de mesurer les implications de nos partenariats. La France ne peut être un partenaire passif : elle doit défendre ses intérêts mais également ses principes.
Quels engagements concrets l’Arabie saoudite prend-elle pour garantir le respect des droits humains dans le cadre de ces grands projets d’infrastructures ? Quel rôle la France peut-elle jouer pour que la coopération culturelle ne soit pas uniquement économique, mais également porteuse de dialogue et de liberté ?
M. Fahad M. Alruwaily. Je pourrai vous transmettre ultérieurement un rapport détaillé sur ce sujet, les contraintes de temps ne permettant pas d’aborder tous les aspects de cette question. Je tiens néanmoins à souligner que l’Arabie saoudite a accompli un travail important ces dernières années en matière de droits humains. Nous avons développé et réformé de nombreux droits et codes juridiques, avec des avancées significatives au niveau légal.
Nous adhérons à toutes les conventions importantes relatives aux droits de l’homme, de la femme, de l’enfant et des personnes handicapées. Notre code principal garantit la liberté d’expression ainsi que le droit au développement. La commission saoudienne des droits de l’homme, qui prévoit prochainement une visite en France et dans la région, reçoit des délégations de pays amis de l’Union européenne, avec lesquelles nous entretenons un bon dialogue. Nous avons présenté notre rapport périodique sur les droits de l’homme aux Nations unies, qui a été bien accueilli. Nous poursuivons notre travail en faveur des travailleurs et des familles. Nous constatons un bon développement, dont nous sommes satisfaits.
M. Alexis Jolly (RN). Les récents bombardements entre Israël et l’Iran marquent une nouvelle étape inquiétante dans l’escalade des tensions régionales. Votre pays occupe aujourd’hui une position singulière dans cet équilibre instable, à la fois rival historique de l’Iran, allié stratégique des États-Unis et désormais engagé dans un processus de normalisation de ses relations avec Israël. Face au risque d’aggravation d’une situation extrêmement grave au regard des forces engagées et de la puissance respective des belligérants et de leurs partenaires, comment votre gouvernement évalue-t-il les risques de déstabilisation pour l’Arabie saoudite elle-même ? Comment envisagez-vous de préserver l’équilibre fragile entre vos engagements diplomatiques récents et la nécessité de contenir un embrasement régional qui pourrait demain vous atteindre directement ?
M. Fahad M. Alruwaily. La situation est effectivement très grave et risque de déstabiliser toute la région, avec des conséquences potentiellement sévères à l’échelle mondiale. Ce conflit se déroule dans une zone déjà sensible et stratégiquement cruciale pour l’économie internationale.
Face à une guerre qui débute, l’unique solution est de poursuivre nos contacts et de tenter d’arrêter ce conflit. Nous devons absolument continuer les négociations, particulièrement sur les points de divergence entre les deux pays.
Nos engagements demeurent inchangés. La déclaration conjointe que nous avons rendue publique hier avec la représentation française aux Nations unies en témoigne. Dans notre région, nous devons traiter simultanément plusieurs problématiques, parfois liées. La seule voie possible consiste à poursuivre notre travail aux côtés de nos partenaires, notamment la France, et à intensifier nos efforts diplomatiques et de communication.
M. le président Bruno Fuchs. Je vous remercie. Votre exposé a permis d’éclairer votre vision de la situation actuelle au Proche et au Moyen-Orient et de souligner la force de nos relations bilatérales. Vous avez rappelé que nous partageons les mêmes engagements et la même vision multilatérale du monde, fondée sur le respect du droit international et sur une volonté commune de paix et de stabilité, particulièrement aujourd’hui au Proche et au Moyen-Orient. Sachez que nous sommes disposés à poursuivre et à intensifier nos efforts diplomatiques.
M. Fahad M. Alruwaily. Je suis honoré d’avoir pu m’exprimer devant votre commission aujourd’hui. Nous restons, avec le personnel de l’ambassade, à la disposition des députés qui souhaiteraient obtenir des informations complémentaires sur l’ensemble des sujets relatifs à l’Arabie saoudite. Si certaines questions suscitent votre intérêt, nous pouvons vous transmettre des données supplémentaires et organiser ultérieurement des réunions thématiques.
M. le président Bruno Fuchs. Je vous remercie de votre présence. Cette audition constituait une première opportune.
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La séance est levée à 12 h 30.
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Membres présents ou excusés
Présents. - M. Alexandre Allegret-Pilot, M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Clémentine Autain, Mme Véronique Besse, M. Bertrand Bouyx, M. Jérôme Buisson, M. Pierre-Yves Cadalen, M. Sébastien Chenu, Mme Christelle D'Intorni, M. Alain David, Mme Dieynaba Diop, Mme Stella Dupont, Mme Christine Engrand, M. Philippe Fait, M. Marc de Fleurian, M. Nicolas Forissier, M. Bruno Fuchs, M. Michel Guiniot, M. Stéphane Hablot, Mme Marine Hamelet, M. Michel Herbillon, M. Alexis Jolly, Mme Sylvie Josserand, Mme Amélia Lakrafi, M. Arnaud Le Gall, M. Jean-Paul Lecoq, M. Vincent Ledoux, M. Frédéric Petit, Mme Maud Petit, M. Pierre Pribetich, M. Stéphane Rambaud, M. Franck Riester, Mme Laurence Robert-Dehault, Mme Laetitia Saint-Paul, Mme Dominique Voynet, M. Lionel Vuibert
Excusés. - Mme Nadège Abomangoli, M. Hervé Berville, Mme Eléonore Caroit, M. Nicolas Dragon, M. Olivier Faure, M. Marc Fesneau, M. Perceval Gaillard, Mme Brigitte Klinkert, Mme Marine Le Pen, M. Laurent Mazaury, Mme Nathalie Oziol, Mme Mathilde Panot, M. Davy Rimane, Mme Sabrina Sebaihi, Mme Michèle Tabarot, Mme Liliana Tanguy, M. Laurent Wauquiez, Mme Estelle Youssouffa