Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

 

  Examen de la seconde partie du projet du projet de loi finances pour 2025 (n° 324) (M. Charles de Courson, rapporteur général) ; examen et vote sur les crédits des missions :

  Économie: .......................................3

-Développement des entreprises et régulations ; Plan « France Très haut débit » ; Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés (M. Jacques Oberti, rapporteur spécial)

-Statistiques et études économiques ; Stratégies économiques ; Accords monétaires internationaux (M. Michel Castellani, rapporteur spécial)

-Commerce extérieur (M. Franck Allisio, rapporteur spécial)

-Tourisme (M. Jocelyn Dessigny, rapporteur spécial)

  Investir pour la France de 2030 ; Plan de relance (M. Carlos Martens Bilongo, rapporteur spécial):  28

  Remboursements et dégrèvements (Mme Christine Pires-Beaune, rapporteure spéciale) 33

  Régimes sociaux et de retraite ; Pensions (M. Aurélien Le Coq, rapporteur spécial) 37

  mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ; Développement agricole et rural (M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial) 40

  Présences en réunion................................43

 


Lundi
28 octobre 2024

Séance de 15 heures

Compte rendu n° 029

session ordinaire de 2024-2025

 

Présidence de

M. Éric Coquerel,

Président

puis de

Mme Véronique Louwagie,

Vice-Présidente

et de

M. Éric Coquerel,

Président  


  1 

La commission examine la seconde partie du projet du projet de loi finances pour 2025 (n° 324) (M. Charles de Courson, rapporteur général)

M. le président Éric Coquerel. Notre ordre du jour appelle le début de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2025.

Nous devons examiner l’ensemble des trente-quatre missions du budget général, des deux budgets annexes et des douze comptes d’affectation spéciale et comptes de concours financiers, en vue des séances publiques qui débuteront au cours de la semaine du 4 novembre. Le Gouvernement devant programmer la suite de l’examen de la première partie du PLF en séance au cours de cette même semaine du 4 novembre, nous ne savons pas encore si les missions programmées les mardi 5, mercredi 6 et jeudi 7 novembre ne seront pas repoussées à des dates ultérieures, qui pourraient être les samedi 9, dimanche 10, samedi 16 et dimanche 17 novembre. La conférence des présidents, qui se tiendra demain matin, devrait nous donner des précisions.

Au seuil des quinze réunions de la commission des finances qui sont programmées jusqu’à lundi prochain, il est nécessaire de rappeler le contexte et les principes d’organisation de l’examen des crédits du PLF pour 2025.

Les commissions saisies pour avis se réunissent avant ou après notre commission, ce qui ne pose pas problème dans la mesure où les PLF sont examinés en séance publique dans le texte du Gouvernement et non pas dans celui de la commission. À cette occasion, certaines commissions pour avis auditionnent les ministres. Notre commission réservera bien sûr le meilleur accueil aux rapporteurs pour avis, qui, dans les cas où leur commission se serait réunie avant nous, pourront nous présenter et défendre les amendements qu’elle aura pu adopter sur les crédits ou les articles rattachés.

La discussion en commission des finances sera structurée autour des unités de vote de la discussion budgétaire que sont les différentes missions du budget général, les budgets annexes et les comptes spéciaux. Je donnerai d’abord la parole aux rapporteurs spéciaux pour un propos liminaire d’une durée maximale de cinq minutes. Je précise qu’en cas de binôme, les deux rapporteurs spéciaux devront se partager cette durée. Les rapporteurs pour avis, s’ils le souhaitent, pourront alors intervenir pendant deux minutes. Nous en viendrons ensuite aux crédits des différentes missions, avec l’examen d’éventuels amendements de crédits. Le rapporteur spécial donnera son avis sur les crédits, puis les groupes pourront intervenir pour une explication de vote, avant le vote sur ces crédits. Vous comprendrez qu’avec quarante-huit votes et onze groupes, il faudra que chacun adapte la durée de son intervention en fonction du déroulement de nos réunions et de ce qui aura été dit lors de la discussion des amendements.

Il nous restera alors à examiner d’éventuels amendements à l’état G, relatif aux objectifs et indicateurs de performance, puis, le cas échéant, aux articles rattachés ou aux amendements portant articles additionnels rattachés. Il peut arriver que des amendements ayant été présentés comme des articles additionnels rattachés à une mission aient été jugés comme devant trouver leur place parmi les articles non rattachés. Ces amendements ne seront pas appelés dans le cadre de l’examen des missions mais, comme les années précédentes, au moment de l’examen des articles non rattachés.

À cette heure, déjà plus de 2 000 amendements ont été déposés en commission sur la seconde partie du PLF, alors que les délais de dépôt n’ont pas expiré pour toutes les missions. Sans doute demeurerons-nous en retrait des près de 3 000 amendements déposés l’an dernier. On peut toutefois d’ores et déjà noter que le nombre d’amendements est très largement supérieur à celui des années antérieures – il y en avait par exemple 1 234 à l’automne 2022. Il est donc nécessaire de limiter à une minute toutes les interventions sur les amendements pour avoir une chance de terminer dans les temps l’examen des différentes missions.

Nous examinons cet après-midi la mission Économie, à laquelle sont rattachés les comptes de concours financiers Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés et Accords monétaires internationaux, les missions Investir pour la France de 2030, Plan de relance, Remboursements et dégrèvements et Régimes sociaux et de retraite, ainsi que le compte d’affectation spéciale Pensions.

 

Mission Économie ; comptes de concours financiers Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés et Accords monétaires internationaux (MM. Jacques Oberti, Michel Castellani, Franck Allisio et Jocelyn Dessigny, rapporteurs spéciaux)

 

M. Jacques Oberti, rapporteur spécial (Développement des entreprises et régulations ; Plan France très haut débit ; Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés). Mon rapport concerne les crédits de deux des cinq programmes de la mission Économie : le programme 134, Développement des entreprises et régulations dont les crédits de paiement (CP) et les autorisations d’engagement (AE) sont en baisse de 10 %, s’établissant à 2,4 milliards d’euros – et le programme 343, Plan France très haut débit.

Premier constat : nous assistons à des suppressions de crédits guidées exclusivement par des motifs budgétaires, sans évaluation préalable des conséquences, et qui mettent en péril des dispositifs qui ont pourtant montré leur utilité et leur rentabilité. Nous pouvons notamment déplorer la suppression des crédits en faveur de l’activité de garantie et d’accompagnement de Bpifrance. L’enveloppe – 100 millions pour 2024 – était loin de creuser le déficit et permettait d’économiser des ressources publiques par un effet de levier sur les financements privés. C’est par ce biais que plus de 1 200 quartiers prioritaires de la politique de la ville ont bénéficié de 2,3 milliards sur quatre ans.

Autre constat : le budget proposé présente un réel danger pour le réseau des chambres de commerce et d’industrie (CCI) et des chambres de métiers et de l’artisanat (CMA) en raison d’une baisse du plafond des taxes affectées de 40 millions pour les premières et de 20 millions pour les secondes, malgré l’engagement pluriannuel de l’État dans le PLF pour 2024. Les CCI, qui ont déjà absorbé une réduction de 60 % de leurs recettes fiscales depuis 2013, sont incapables d’encaisser cette nouvelle baisse. Moins de moyens, c’est moins d’accompagnement, donc moins de développement et d’emplois dans tous les secteurs d’activité.

Nous constatons le même abandon de l’État en ce qui concerne trois des quatre services publics de La Poste : le service universitaire universel postal ; les missions d’aménagement du territoire et donc les agences postales communales ; l’aide au transport de la presse. Aucune baisse de crédits, certes, mais la persistance d’une sous-compensation qui conduit à un déficit net global de plus de 1 milliard chaque année pour l’ensemble des services publics de La Poste. En matière de distribution de la presse, le déficit s’est aggravé – on peut se demander pourquoi ce serait à La Poste d’assumer cette politique. Plus globalement, la pression exercée sur les finances de l’établissement envoie un très mauvais message, alors qu’il assure à certains endroits le seul service public existant. Surtout, derrière les chiffres du déficit, ce sont des milliers d’employés qui craignent pour leur avenir professionnel, en ayant en tête la douloureuse expérience de France Télécom – même s’il existe des pistes d’évolution dans un contexte d’effondrement du courrier papier.

Enfin, nous constatons une baisse inquiétante des crédits du programme 343, Plan France très haut débit : les AE et les CP baissent respectivement de 50 % et de 46 %. Le budget proposé met en péril le déploiement de la fibre, nécessaire pour organiser la fermeture progressive du réseau cuivre. Le retard se creuse pour certains territoires comme Mayotte, où aucune AE n’est prévue au budget pour 2025. Ce budget met aussi en péril le dispositif des conseillers numériques France Services – qui n’ont rien à voir avec les maisons France Services : le réseau de 4 000 conseillers va être réduit de 60 %. Au-delà d’un abandon des usagers, il est question ici de perte de droits et de réduction drastique des actions en faveur d’un numérique plus responsable.

Un mot sur le compte de concours financier Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés, dont le programme 862, Prêts pour le développement économique et social, principal dispositif de soutien de l’État aux entreprises en difficulté, suscite une réelle inquiétude : son budget passe de 86 à 25 millions. En revanche, l’État maintient au-dessus de 1 milliard son engagement en faveur de la compensation carbone et de l’accompagnement des entreprises électro-intensives, sans lequel notre modèle européen ne tiendrait pas, dans le contexte mondial des coûts de l’énergie.

On coupe dans les budgets de ces programmes sans se préoccuper des répercussions sur l’action économique, l’emploi et les citoyens – et je n’ai pas pu vous parler de contrôle, d’efficience ou de conditionnalité. Il est d’ailleurs à craindre que des baisses supplémentaires ne soient proposées par voie d’amendements. Je vous invite donc à rejeter les crédits de ces programmes.

M. Michel Castellani, rapporteur spécial (Statistiques et études économiques ; Stratégies économiques ; Accords monétaires internationaux). Le programme 220, Statistiques et études économiques, porte sur le budget de l’Insee. Ses crédits sont globalement stables, même si certaines actions accusent des baisses marquées. Comme chacun sait, l’Insee fournit les analyses économiques, démographiques et sociales qui fondent nos politiques publiques. En 2025 et pour la première fois depuis douze ans, l’Insee va ainsi publier une grande enquête sur les SDF, très attendue par les acteurs du secteur. Confronté à une demande croissante d’études, l’Insee doit pouvoir compter sur des moyens préservés, ce qui est le cas dans le présent budget puisque ses crédits sont stables, à 470 millions. J’appelle cependant votre attention sur un point particulier : en raison d’un contexte social et sécuritaire très tendu à Mayotte, les enquêteurs de l’Insee doivent renoncer à se rendre dans certaines parties du territoire. La qualité des études en pâtit et les enquêtes obligatoires au regard du droit européen sont retardées.

Le programme 305, Stratégies économiques, finance la direction générale du Trésor, la compensation versée à la Banque de France pour les missions exercées pour le compte de l’État, la compensation versée au groupe La Poste pour la réalisation de la mission d’accessibilité bancaire, et le soutien à l’économie sociale, solidaire et responsable (ESSR).

La mission d’accessibilité bancaire dévolue à La Poste agit comme un parapet contre la marginalisation bancaire. Elle ouvre à près de 1,4 million de personnes qui rencontrent des difficultés particulières un accès au livret A, qui fonctionne alors pratiquement comme un compte courant. Cependant, cette activité de La Poste est structurellement sous-compensée par l’État : la trajectoire de financement de la compensation prévoit une réduction de l’enveloppe de 5 % par an jusqu’en 2026. Le projet de budget respecte cette trajectoire, ce qui est un minimum.

J’en viens à la direction générale du Trésor et à l’élaboration des prévisions économiques. Les indicateurs de performance du programme sont ceux qui mesurent la fiabilité des prévisions de croissance et des recettes fiscales du Gouvernement. Au vu de la situation financière actuelle, nous dirons que ces indicateurs semblent pouvoir être améliorés. L’écart entre les prévisions de croissance du Gouvernement et celles des instituts de référence est apprécié sur cinq ans, ce qui rend non apparents les écarts majeurs sur une année. Pour les prévisions de recettes fiscales, aucune cible n’est associée à l’indicateur. C’est pourquoi je proposerai un amendement visant à préciser ces indicateurs.

La Banque de France a connu une nette hausse du nombre de dossiers de surendettement : 12 % de demandes supplémentaires au cours des cinq premiers mois de 2024. Le PLF pour 2025 prévoit donc un relèvement de la compensation versée par l’État, ce qui explique la légère progression des crédits du programme 305.

Enfin, les modestes crédits de l’ESSR – moins de 17 millions – sont en baisse de 25 %. Or ils servent au financement des têtes de réseau qui effectuent un travail de coordination et d’animation auprès de petites structures s’appuyant sur le bénévolat et quelques salariés seulement. Il est nécessaire de maintenir un financement stable, fut-il modeste, pour ce réseau complémentaire de l’économie lucrative, qui assure des activités de solidarité et d’éducation populaire et culturelle dans les territoires les plus fragilisés.

M. Franck Allisio, rapporteur spécial (Commerce extérieur). Si l’état du commerce extérieur français s’est quelque peu amélioré en 2023 après le déficit abyssal de 2022, la situation n’en reste pas moins alarmante : la balance commerciale était déficitaire de 98,7 milliards en 2023. Face à cela, les quelque 275 millions du budget alloués aux dispositifs de soutien à l’export, excepté le cas intermédiaire des prêts du Trésor que j’évoquerai par la suite, ne peuvent évidemment pas peser. C’est ce qu’écrit la Cour des comptes dans un rapport publié en octobre 2022 : « Ces soutiens publics à l’export, dont l’ampleur reste limitée, ne peuvent par eux seuls accroître la performance du commerce extérieur ».

L’action 07 Développement international des entreprises et attractivité du territoire du programme 134 comprend des crédits au bénéfice d’opérateurs en charge de l’internationalisation de l’économie française. Les CP sont en baisse de plus de 5,3 %, du fait de la réduction de 10 millions de la subvention pour charges de service public attribuée à Business France. Les activités de cet opérateur sont en grande partie rentables, notamment celles qui sont relatives au volontariat international en entreprise (VIE). Sa fusion avec Atout France pourrait l’aider à réaliser l’effort demandé, rendu nécessaire par la situation de nos finances publiques, grâce à la rationalisation des réseaux à l’étranger des deux opérateurs.

L’action 04 Développement international de l’économie française du programme 114 de la mission Engagements financiers de l’État regroupe les dispositifs de garantie aux entreprises exportatrices. Ses CP sont en baisse de 10,4 %, à quelque 100 millions, principalement du fait d’une réduction du déficit du dispositif d’assurance prospection.

Cette année, j’ai souhaité mentionner le programme 851, Prêts du Trésor à des États étrangers en vue de faciliter la vente de biens et de services concourant au développement du commerce extérieur de la France. Par le biais de prêts concessionnels et de prêts directs, l’État français apporte un soutien à des projets stratégiques d’infrastructures, notamment dans des pays étrangers, tout en conditionnant cette aide au recours à des entreprises françaises. Dans un contexte de concurrence internationale accrue où l’aide publique au développement prend souvent la forme d’une aide liée, il me semblait important de souligner l’utilité de cet outil qui permet de garantir une forme de réciprocité dans l’aide apportée à des pays étrangers.

L’existence de ces dispositifs ne saurait cependant masquer l’incapacité chronique de la France à améliorer structurellement sa performance économique à l’international. Il est affligeant de constater que nous faisons figure d’exception parmi nos voisins, qui sont presque tous parvenus à rétablir un excédent commercial. L’accumulation des déficits du commerce extérieur a des conséquences concrètes pour nos concitoyens, contribuant à l’appauvrissement relatif de notre pays et à sa stagnation économique.

Le décrochage français est bien réel : la part des exportations françaises dans le commerce extérieur a été divisée par deux en vingt ans. C’est ainsi que l’Italie réalise un volume d’exportation supérieur au nôtre, alors que son PIB représente 70 % du PIB français. Les causes structurelles du déficit extérieur sont connues : destruction de notre outil industriel et délocalisations ; perte de compétitivité de nos entreprises due au poids de la fiscalité sur le travail ; érosion de l’innovation ; préférence française pour la consommation plutôt que pour la production. Rares sont les secteurs préservés, à part le luxe ou l’aéronautique. En juin dernier, lors du Printemps de l’évaluation, je faisais le constat du déclassement important de la France en matière agricole.

Il n’y a pas de solution miracle : le rétablissement de notre commerce extérieur nécessitera du temps et un véritable courage politique. Toutefois, des mesures de bon sens peuvent être prises. Je réitérerai donc les recommandations faites l’année dernière.

Tout d’abord, il faut définir une politique claire pour le commerce extérieur, ce qui passe forcément par la création d’un ministère de plein exercice, en lien avec l’administration du ministère de l’économie. La mise sous tutelle infondée de cette politique par le Quai d’Orsay laisse à penser que le commerce extérieur dépend principalement de nos relations diplomatiques. Même si le réseau du Quai d’Orsay a un rôle à jouer, il est évident que la performance de notre commerce extérieur passe d’abord par le renforcement de la compétitivité et de l’innovation en France.

Ensuite, la politique de soutien au commerce extérieur a besoin de stabilité et de cohérence, à l’opposé de ce que nous observons à Bruxelles. Ainsi, la Commission et le Conseil ont décidé d’imposer une surtaxe aux véhicules électriques chinois importés, ce qui est nécessaire – mais après avoir eux-mêmes ouvert les vannes aux produits chinois et condamné à mort notre industrie automobile en interdisant la vente de véhicules thermiques dans dix ans sans y avoir préparé nos industries.

Surtout, il faut revoir en profondeur la structure de notre politique commerciale, en menant une politique transversale. Un nouveau plan export ne suffira pas, sachant que les effets de celui qui avait été lancé à l’été 2023 ne se matérialisent toujours pas.

Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur les crédits de la mission Économie.

M. Jocelyn Dessigny, rapporteur spécial (Tourisme). Le secteur du tourisme, vital pour notre pays, est en grande souffrance. Dans une étude publiée le 10 octobre, l’Insee dresse un tableau pessimiste : en 2024, la fréquentation estivale des hébergements collectifs a baissé de 2,7 % par rapport à l’année précédente ; en Île-de-France, malgré les Jeux olympiques et les promesses, la fréquentation touristique a même reculé de 7,8 %. Le message des nombreux acteurs du tourisme rencontrés est clair : confrontés à des difficultés de recrutement et à l’augmentation du prix de l’énergie, ils ont le sentiment croissant de ne pas bénéficier du soutien de l’État. Ce secteur représente pourtant 3 % du PIB et 7 % de l’emploi en France. Il fait vivre de nombreuses familles, apporte de la joie à de nombreuses autres et contribue à la fierté que l’on tire d’être français, y compris à l’international. Insuffisante, la politique du Gouvernement ne répond ni aux attentes des professionnels ni à celle des territoires.

Premier point : les crédits budgétaires alloués à cette politique sont insuffisants et illisibles. Depuis la suppression du document de politique transversale en 2023, les crédits dédiés au tourisme ne font l’objet ni d’un programme ni d’un document budgétaire spécifique. Il est difficile de déterminer quels fonds y sont vraiment dédiés, où et comment ils sont utilisés. Sur le terrain, les acteurs locaux rencontrent la même difficulté et ne savent plus vers quelle instance se tourner pour obtenir de l’aide. Les communes et les départements prennent souvent le relais, en fonction de leurs capacités financières, ce qui renforce les inégalités territoriales. En dépit de cette illisibilité, j’ai identifié 935 millions en AE et 971 millions en CP dans ce PLF. Quelque 90 % des AE relèvent de la contribution de l’État à la valorisation du patrimoine. Pour couvrir toutes les autres facettes du tourisme – montagne, littoral, randonnée –, il ne reste que 41 millions. C’est trop peu pour un secteur qui représente 3 % du PIB et qui apporte 66 milliards de recettes par an grâce au seul tourisme international.

Deuxième point : les plans d’action mis en œuvre peinent à convaincre. En l’absence d’évaluation, il est ainsi difficile de se prononcer sur l’efficacité du plan Destination France, qui a reçu 1,9 milliard depuis sa création en 2022. Pire, c’est un défi de trouver ce qui a été concrètement financé. Il en va de même pour le plan lancé en 2023 en réponse à la pénurie de personnel saisonnier dans le secteur, qui ne suscite guère l’adhésion des professionnels : il est peu connu et les mesures arrivent souvent en décalage par rapport aux besoins.

Troisième point : la question de la suppression pure et simple d’Atout France, bras armé de l’État dans le domaine, doit être posée, tant l’efficacité de cet opérateur – qui dispose d’un budget de 29,10 millions – me paraît contestable. En attendant, sa fusion avec Business France, opérateur en charge du soutien des entreprises à l’international, m’apparaît souhaitable. Elle procède de la même nécessité qui doit nous conduire à simplifier le paysage administratif et à nous assurer que l’État agit efficacement et ne disperse pas les deniers publics.

Enfin, j’aimerais insister sur un sujet qui me paraît crucial : le manque patent de coordination entre les acteurs étatiques et les territoires, notamment en ce qui concerne la valorisation patrimoniale, atout considérable pour le tourisme, qui représente 90 % du budget. Comment expliquer que la restauration du château de Villers-Cotterêts, à laquelle l’État a contribué à hauteur de 218 millions, ait si peu de retombées économiques pour les restaurateurs, les hôteliers et le reste du département l’Aisne ? Pourquoi un touriste étranger qui vient dans l’Aisne pour visiter la Cité internationale de la langue française rate-t-il les châteaux de Pierrefonds et de Coucy et ne s’aventure-t-il pas sur la route touristique du champagne ? Le même constat pourrait être dressé dans bien d’autres territoires.

Le secteur touristique mérite une politique cohérente et lisible, soutenue par des actions évaluées et efficaces. Les insuffisances de l’État invitent à s’interroger sur le bon échelon pour mener une politique touristique efficace, capable de soutenir tous nos territoires et de profiter à nos concitoyens. C’est sans doute au niveau local, celui des départements ou des communes, que cette politique trouvera son efficacité. Encore faut-il que ces collectivités disposent des moyens nécessaires pour agir de manière ambitieuse et adaptée aux réalités du terrain.

Il m’est donc difficile de donner un avis favorable à ce budget.

M. Paul Midy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques (Économie sociale et solidaire). On peut avoir trois ambitions pour l’économie sociale et solidaire (ESS).

La première est d’accompagner plus fortement les acteurs du secteur, alors que les crédits risquent de diminuer. Il faut distinguer deux enveloppes de taille très différentes : les 15 milliards de crédits de l’État aux acteurs de l’ESS, dont 9 milliards sous forme de subventions aux associations ; et la vingtaine de millions de crédits budgétaires pour l’accompagnement des acteurs de l’ESS, qui font l’objet de cet avis. À un moment donc où les 15 milliards dispersés entre différents programmes et actions vont certainement diminuer, il faut d’autant plus mettre l’accent sur les crédits d’accompagnement des acteurs de l’ESS.

Deuxième ambition, qui dépasse les crédits de cette action : mettre en lumière ce qu’apportent les acteurs de l’ESS à notre économie et à notre société et les intégrer durablement dans le droit commun. En raison de leur particularité juridique – société commerciale de l’ESS, entreprise solidaire d’utilité sociale ou autre – nombre d’acteurs du secteur ne bénéficient pas des aides aux entreprises ou à d’autres types d’organisations. Le minimum serait de parvenir à les intégrer dans le droit commun.

Troisième ambition : dix ans après l’adoption de la loi Hamon, qui avait structuré le secteur de l’ESS, il faut se projeter vers les dix prochaines années. Nous avons proposé un plan de mobilisation nationale visant à doubler l’importance du secteur grâce à des financements importants. Alors qu’environ 80 % des crédits du plan France 2030 sont engagés, j’ai proposé de lancer un plan France 2050, doté de 100 milliards dédiés à l’innovation, avec un axe spécifique sur l’innovation sociale qui n’est pas vraiment traitée dans France 2030.

Nous avons émis un avis négatif sur les crédits compris dans ce périmètre, car ils sont en forte baisse alors qu’ils devraient au minimum être maintenus.

 

Article 42 et Etat B : Crédits du budget général

Amendements II-CF125 de M. Philippe Juvin, II-CF276 de M. Matthias Renault et IICF377 de Mme Mélanie Thomin (discussion commune)

M. Philippe Juvin (DR). Puisque nous manquons d’argent, nous devons dépenser moins. C’est pourquoi je vous propose de supprimer la principale subvention de Business France, issue du programme Développement des entreprises et régulations, d’un montant de 90,744 millions d’euros. Business France est un opérateur peu efficace et très coûteux. Dans un rapport de 2021, la Cour des comptes indique que « près d’une entreprise sur deux accompagnée par Business France estime n’avoir pas obtenu de commande ou conclu de contrat à la suite de l’accompagnement reçu de l’établissement public. »

L’action de l’opérateur mérite d’être replacée dans le cadre global du commerce extérieur : sur un montant d’exportations qui dépasse les 500 milliards, il en génère 3 milliards soit 1,5 %. La structure est néanmoins très coûteuse : 1 493 équivalents temps plein (ETP) avec un coût unitaire moyen des salaires de 73 400 euros, tandis que les vingt plus hauts revenus se paient en moyenne 200 000 euros par an. Deux cent mille euros d’argent public !

Je pense que tous ces gens sans doute très sympathiques mais pas très efficaces peuvent se débrouiller pour fonctionner avec leurs ressources propres, un budget qui était de 168 millions en 2020.

M. Franck Allisio, rapporteur spécial. C’est vrai, réduire les dépenses des opérateurs de l’État est une nécessité et je souhaite aussi réduire les crédits accordés à Business France, compte tenu notamment de la capacité de cet opérateur à développer ses ressources propres, qui représentent environ 55 % de son budget.

Cependant, je ne pense pas que la suppression totale de Business France soit souhaitable, au vu notamment de l’expertise qu’il a cumulée en France et à l’étranger, avec l’alimentation continue de comptes clients, et en raison de ses activités d’accompagnement des TPE et PME (très petites, petites et moyennes entreprises) ainsi que de notre jeunesse, avec le volontariat international en entreprise. Une réflexion devrait toutefois être engagée sur l’efficacité de notre action et sur les possibilités de mutualisation avec les autres acteurs du soutien à l’investissement, en France et à l’export.

Je suis favorable à l’amendement II-CF276, qui réduit les crédits. Quant au II-CF377, l’état de nos finances publiques ne permet pas de continuer à financer à un niveau aussi élevé les opérateurs de l’État, dont le poids croissant est aujourd’hui insoutenable et injustifié. Par ailleurs, la Cour des comptes, dans son rapport d’octobre 2022 sur les dispositifs de soutien à l’exportation, révèle que les effets sur le commerce extérieur de ces dispositifs, dont ceux de Business France, sont modestes. Il faut donc établir des priorités pour l’action et la dépense publiques.

L’amélioration de notre balance commerciale doit passer par une politique transversale permettant de rétablir la compétitivité des entreprises, et non par la multiplication de dispositifs disparates à l’impact marginal. Je défends donc la réduction des crédits alloués à Business France et donne un avis défavorable aux autres amendements.

M. Philippe Brun (SOC). L’amendement de M. Juvin nous a beaucoup étonnés. Nous y voyons un réquisitoire contre le bilan du ministre du budget, qui était directeur général de Business France durant les deux dernières années.

Nous ne voterons pas ces amendements, car la France accuse un important déficit commercial. Tous les grands pays du monde ont des agences de développement économique international pour soutenir leurs entreprises à l’export, et réduire ces moyens serait aggraver encore plus le déficit commercial abyssal de notre pays.

Mme Véronique Louwagie (DR). Je me réjouis de la décision du Premier ministre de rapprocher Business France, qui aide les entreprises françaises à se développer à l’étranger, et Atout France, chargée de la promotion touristique de la France à l’étranger, dans un objectif de simplification, de mutualisation et de déconcentration. Il est important de vouloir dépenser moins et mieux.

J’observe au demeurant, en totale contradiction avec les arguments de M. Philippe Brun, que les 90 millions de réduction des crédits de proposés par M. Juvin sur la mission Économie correspondent exactement à l’engagement du Gouvernement évoqué hier soir.

M. Jacques Oberti, rapporteur spécial. Cent millions pour 3 milliards, ce n’est pas si mal dans un contexte où nous avons besoin de reconquérir des marchés à l’étranger, par exemple pour ce qui concerne les véhicules électriques – sans compter la formation de nos jeunes à l’international, qui a un effet de levier très important. On peut certes chercher des marges de progrès et de réorganisation, mais ce n’est pas dans un contexte de mutations nécessaires qu’il faut couper les crédits. Mon avis est défavorable sur les amendements IICF125 et II-CF276, et favorable à l’amendement II-CF377.

M. Philippe Juvin (DR). Premièrement, Business France est très peu efficace – lisez le rapport de la Cour des comptes. Deuxièmement, trouvez-vous vraiment normal que la moyenne de ses vingt plus hauts revenus soit de 200 000 euros, donnés par les Français ? Pas moi. Troisièmement, tous les grands pays disposent de « machins » semblables, à cette différence près qu’ils sont plus efficaces. Trois milliards d’exportations sur 500, cela fait 1,5 %. Et je répète que Business France a des ressources propres, qu’il peut mobiliser. Il n’y a donc pas de raison que ce soient les Français qui paient.

La commission rejette successivement les amendements II-CF125 et II-CF276.

L’amendement II-CF377 est retiré.

Amendement II-CF1106 de M. Robert Le Bourgeois

M. Robert Le Bourgeois (RN). Les journaux qui ne sont pas subventionnés, ou peu, soulignent souvent que le système d’aide à la presse, notamment au transport de presse, est injuste. Il bénéficie à de grands groupes qui sont déjà largement sous perfusion et dont certains pourraient assumer eux-mêmes les coûts liés aux transports, alors que d’autres titres sont à peine soutenus, malgré les prétendues aides à la pluralité. Par ailleurs, les aides au transport bénéficient principalement aux abonnés, le prix de l’abonnement étant ainsi réduit, alors qu’en parallèle les grands titres ont de plus en plus tendance à restreindre l’accès à leurs articles en ligne.

Le décret du 24 février dernier instituant une aide à l’exemplaire pour les titres de presse postée ou portée indique que cette aide est possible dans la limite des crédits ouverts à ce titre en loi de finances. Il est donc proposé de mettre fin à ce système d’aide au transport de presse et d’inviter ses bénéficiaires à développer des modèles économiques viables et indépendants de la dépense publique.

M. Jacques Oberti, rapporteur spécial. Proposer une telle mesure est une erreur. On peut réfléchir au fait que les éditeurs ne paient pas réellement le coût du transport, mais ce dont il est question ici est de compenser à La Poste le coût qui lui est imposé dans le cadre du service public. Si l’on ne touche pas à la grille tarifaire et qu’on supprime les aides, on aggrave un déficit déjà abyssal. Avis défavorable.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). En première partie du projet de loi de finances, le Rassemblement national a fait des propositions pour faire contribuer les services numériques qui accèdent gratuitement à nos biens publics, notamment à notre réseau numérique. Nous considérons qu’il est possible de faire contribuer les gens qui ont affaibli la presse papier sans qu’il revienne toujours au contribuable de payer toutes les externalités négatives des uns et des autres. Voilà vingt ans qu’on nous dit qu’il faut réfléchir à une réforme qui ne vient pas. Le déficit est abyssal. Les impôts ne peuvent pas pallier en permanence toutes les imperfections du marché.

M. Charles de Courson, rapporteur général. On ne peut pas discuter des aides à la presse par petits morceaux : elles recouvrent à la fois les aides au transport, le système fiscal dérogatoire des journalistes, et les systèmes d’amortissement et de super-amortissement dont bénéficie la presse. S’il faut procéder à des modifications, ce doit être dans un cadre global, sans quoi nous ferons plus de mal que de bien.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF274 de M. Matthias Renault

M. Matthias Renault (RN). Il vise à réinternaliser l’Agence nationale des fréquences (ANFR), établissement public administratif créé en 1997 pour gérer le domaine public des fréquences radioélectriques. L’idée n’est pas de supprimer les missions de l’ANFR, mais de les intégrer soit, avec d’autres opérateurs, au sein de ce qui pourrait être une nouvelle Datar (délégation à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale), soit au sein de la direction générale des entreprises.

M. Jacques Oberti, rapporteur spécial. Nous voyons un intérêt majeur à ce que cet opérateur reste indépendant, afin d’éviter que l’État fasse lui-même les questions et les réponses dans un domaine essentielle pour la protection des libertés publiques. L’ANFR compte des représentants de l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) et de l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse) ainsi qu’un certain nombre de membres issus du secteur qui apportent une certaine indépendance. En outre, elle doit pouvoir conserver une souplesse nécessaire pour les collectivités territoriales et les élus locaux. Nous souhaitons que l’ANFR conserve son statut. Avis défavorable.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Pourquoi, dans une démocratie, l’État ne pourrait-il pas répondre à ces questions ? Les fréquences sont un bien public et nous sommes élus par le peuple : l’État et la démocratie français sont tout à fait habilités à décider des fréquences qui seront utilisées – c’est du reste ce que nous avons fait pendant des décennies. Que certains courants politiques soient favorables à la privatisation des biens publics et considèrent que l’État n’a pas à s’en mêler, que le petit milieu doit s’organiser, au passage en se payant sur la bête, je le condamne mais je le comprends. En revanche, je ne comprends pas pourquoi une certaine gauche ne combat pas cette sorte de mise en parallèle de pouvoirs régaliens relevant de décisions démocratiques, comme si c’était une honte que des élus du peuple gèrent des biens publics. Je reste stupéfait. On sait d’où ça vient – notamment des années 1990 et de M. Strauss-Kahn – mais je ne comprends pas qu’il n’y ait pas de droit d’inventaire en la matière. C’est très étrange.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF2071 de M. Jacques Oberti, amendements identiques II-CF50 de la commission des affaires économiques, II-CF895 de M. Emmanuel Duplessy et II-CF1059 de Mme Claire Lejeune, amendement II-CF1071 de Mme Claire Lejeune (discussion commune)

M. Jacques Oberti, rapporteur spécial. Face au déficit abyssal de La Poste – 1 milliard par an sur les quatre services publics dont elle est chargée – l’amendement IICF2071 tend à rappeler un principe de réalité. À défaut de dégager 1 milliard d’un coup, ce qui ne changerait du reste pas grand-chose à la dette accumulée, je propose de consacrer 300 millions pour permettre d’amorcer un processus de clarification des trois services publics qui relèvent de mon rapport : le service universel postal, l’aménagement du territoire, qui a défrayé la chronique, et la distribution de la presse. Nous avons besoin d’y voir clair.

M. Charles Fournier (EcoS). L’amendement II-CF895, identique à celui de la commission des affaires économiques, vise à réorienter les 130 millions d’économies réalisées par La Poste grâce à une réorganisation de ses services vers sa mission d’aménagement du territoire, afin de garantir une présence des services postaux à proximité de nos concitoyens, notamment dans les territoires les plus éloignés, ruraux ou périphériques.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Nous proposons en effet d’augmenter les subventions attribuées à La Poste pour sa mission d’aménagement du territoire, en réorientant à cet effet les 130 millions économisés à la suite de la réforme de janvier 2023, qui consiste en un changement du mode d’organisation du travail opéré sur le dos des travailleurs de La Poste et au prix d’une dégradation de ce service. L’amendement II-CF1071 est de repli.

M. Jacques Oberti, rapporteur spécial. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement II-CF2071.

En conséquence, les autres amendements tombent.

L’amendement II-CF121 de M. Christophe Naegelen et les amendements II-CF2072 et II-CF2074 de M. Jacques Oberti sont retirés.

Amendements II-CF325 de M. Matthias Renault et II-CF1074 de M. Manuel Bompard (discussion commune)

M. Matthias Renault (RN). L’amendement II-CF325 vise à réinternaliser au sein de la direction générale des entreprises l’Arcep, successeur de l’Autorité de régulation des télécommunications créée en 1997 sous la pression de l’ouverture à la concurrence des télécoms et de La Poste, et qui faisait suite au ministère des postes et télécommunications. On ne voit pas pourquoi il devrait s’agir d’une autorité administrative indépendante, surtout dans sa mission de régulation de La Poste, service public historique qui est aujourd’hui un service d’intérêt économique général.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). L’amendement II-CF1074 vise à augmenter de 10 % le budget de l’Arcep, très insuffisant pour assurer un fonctionnement et une efficacité corrects compte tenu de l’inflation et des nouvelles missions qui lui sont régulièrement confiées.

M. Jacques Oberti, rapporteur spécial. Avis défavorable à l’amendement II-CF325, car nous avons besoin de cette structure très opérationnelle, et cela d’autant plus que nous basculons vers des raccordements complexes. Avis favorable à l’amendement II-CF1074.

La commission rejette l’amendement II-CF325 et adopte l’amendement II-CF1074.

Amendement II-CF2002 de M. Jacques Oberti

M. Jacques Oberti, rapporteur spécial. Bpifrance, la Banque publique d’investissement, disposait jusqu’à 2024 de 100 millions destinés à assurer l’accompagnement durable d’entreprises et à apporter des financements, particulièrement dans les quartiers défavorisés relevant de la politique de la ville, avec les dispositifs essentiels que sont Quartiers 2030 et Entrepreneuriat Quartiers 2030. Or aucune ligne n’est prévue à ce titre dans le budget pour 2025, ce que nous ne saurions valider. Qui plus est, nous ne serions plus financeurs des actions que Bpifrance pourrait réaliser et ne pourrions plus orienter sa politique. Cet amendement vise donc à restituer 98 millions à Bpifrance, ce qui aura un effet de levier très important.

M. le président Éric Coquerel. Je soutiens pleinement le maintien de cette ligne budgétaire, car l’action de Bpifrance est fondamentale dans les quartiers populaires.

Mme Véronique Louwagie (DR). Cet amendement vise-t-il seulement la politique visant les quartiers prioritaires de la politique de la ville, ou aussi les garanties aux emprunts contractés par des entreprises ?

M. Jacques Oberti, rapporteur spécial. Sauf erreur, les deux.

M. Charles Rodwell (EPR). Nous déposerons en séance un amendement à ce propos, qui a rejeté ici parce qu’il était mal modulé. Il s’agira de compenser cette hausse par la transformation de certaines subventions en avances remboursables, à hauteur de 500 à 600 millions, en vue de financer la stratégie Quartiers 20230, mais aussi de dérisquer certains investissements fondamentaux. Les investissements privés ne peuvent aller seuls et la transformation de ces subventions en avances remboursables, qui pèseront moins sur le contribuable, nous permettra de compenser cette hausse de crédits portée par certains de nos collègues, dont Jean-René Cazeneuve dans notre groupe.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques II-CF1175 de Mme Julie Ozenne et II-CF1085 de Mme Alma Dufour

M. Charles Fournier (EcoS). Entre 2007 et 2022, plus de 900 emplois ont été supprimés à la DGCCRF, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Nous avons pourtant cruellement besoin d’elle, tant pour faire rentrer des recettes en cas de fraude que pour contrôler l’application des lois concernant les consommateurs. La réduction drastique des moyens de la DGCCRF l’empêche de réaliser ses missions. L’amendement II-CF1175 vise donc à rétablir 400 emplois, soit la moitié seulement de ceux qui ont été supprimés, pour qu’elle puisse exercer ses fonctions dans de bonnes conditions.

Mme Alma Dufour (LFI-NFP). La DGCCRF est un outil fondamental pour notre économie. Plus on libéralise les échanges et plus on augmente l’économie mondialisée, plus il faut des autorités qui contrôlent ce qui se passe dans cette jungle, que je connais bien pour avoir longtemps travaillé sur le e-commerce. Le développement de l’activité a fait exploser le nombre des missions de la DGCCRF. Alors qu’un prix peut changer une fois par jour dans un supermarché, il peut changer des milliers de fois sur internet ! Avec la complexification des échanges et les nouveaux instruments existants, la DGCCRF doit avoir les moyens d’assurer sa mission de contrôle. Pour ne citer que quelques exemples emblématiques de son utilité, c’est elle qui a épinglé Wish pour l’importation de produits qui ne respectaient pas les normes sanitaires et de sécurité applicables en France, ce qui a même donné lieu au bannissement du site pendant un certain temps. C’est elle également qui a très récemment épinglé Veolia, McDonald’s, Showroomprivé et Leclerc, qui faisaient traîner les paiements à leurs fournisseurs, notamment des PME industrielles, leur causant des problèmes de trésorerie. Il est donc absolument crucial d’augmenter ses crédits.

M. Jacques Oberti, rapporteur spécial. Avis favorable.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Notre groupe soutient le principe de ces amendements.

La commission adopte les amendements.

Amendement II-CF1524 de M. Robert Le Bourgeois

M. Robert Le Bourgeois (RN). Il vise à supprimer les crédits d’organismes dont l’objectif peut paraître opaque et les résultats insuffisamment caractérisés. Si les centres techniques et organismes assimilés sont financés par des taxes affectées, trois d’entre eux bénéficient en outre d’une subvention. Il s’agit du R3iLab, ou Réseau innovation immatérielle pour l’industrie, dont la dernière activité recensée remonte à janvier 2024, du Lab by IFTH, plateforme technique de l’Institut français du textile et de l’habillement, dont les activités restent assez mystérieuses, et du Centre technique de la teinturerie et du nettoyage, duquel on ne sait pas précisément ce que finance la subvention.

Globalement, nous n’avons aucun retour quant au bon usage des deniers publics. Dans le cas présent, ce sont près de 7 millions qui partent on ne sait trop où ni pourquoi, et que l’amendement propose logiquement de supprimer.

M. Jacques Oberti, rapporteur spécial. Sans évaluation préalable, il est prématuré de demander la suppression de ces organismes. Un rapport de 2019 de l’Inspection générale des finances montre d’ailleurs l’efficacité des centres techniques. Nous avons également des exemples de cas où leur action est louable et doit se poursuivre. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Présidence de Mme Véronique Louwagie, vice-présidente de la commission.

Amendement II-CF339 de M. Dominique Potier

M. Stéphane Delautrette (SOC). Il vise à rétablir à leur niveau antérieur les crédits dévolus à l’Association française de normalisation (Afnor). La normalisation est un important facteur de compétitivité pour nos entreprises et l’Afnor, qui a pour rôle de défendre nos industriels et les positions françaises en matière de normalisation, doit pouvoir faire entendre sa voix dans tout le processus à l’échelle internationale.

M. Jacques Oberti, rapporteur spécial. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-CF275 de M. Matthias Renault et II-CF378 de M. Laurent Lhardit (discussion commune)

M. Matthias Renault (RN). Il est souhaitable qu’Atout France fusionne avec Bpifrance. Atout France a de toute façon du plomb dans l’aile depuis le discours de politique générale de Michel Barnier, qui annonçait une fusion avec au moins Business France. Depuis 2019, ce groupement d’intérêts économiques, qui a une mission d’observation du marché touristique et de prospective, a des problèmes assez importants de direction et des crédits en baisse. Ses missions internationales ont par ailleurs été critiquées notamment par la Cour des comptes. Quel que soit donc le point de chute d’Atout France, cet amendement envisage une fusion.

M. Jocelyn Dessigny, rapporteur spécial. Je m’étonne moi aussi de l’augmentation continue dans le budget de l’État de la charge financière des opérateurs, passée à 81 milliards en 2024. Ils manquent pourtant cruellement d’efficacité. Les responsables d’Atout France, que nous avons auditionnés, peinent à expliquer ce que fait précisément l’agence. La direction générale des entreprises elle-même se dit favorable à une fusion, à tout le moins. À défaut d’une suppression d’Atout France, une baisse drastique de son budget me semble inéluctable. Avis favorable.

M. Jacques Oberti, rapporteur spécial. Il me semble prématuré de supprimer l’ensemble des financements d’Atout France. Ce qu’il faut envisager, c’est sa complémentarité avec Business France, d’autant plus au sortir des Jeux olympiques et paralympiques de Paris qui ont constitué un moment important pour le tourisme. On peut certes miser sur des économies par la suite, mais la restructuration exigera des moyens. Avis défavorable.

M. Jocelyn Dessigny, rapporteur spécial. Atout France n’a eu aucune activité spécifique supplémentaire en lien avec les JOP. Ses responsables nous indiquent simplement qu’ils accompagnent les acteurs touristiques, sans plus de précisions. Ils n’ont pas su non plus détailler leurs effectifs à l’international. Il y a vraiment de quoi s’interroger et je défendrai en séance un amendement visant à supprimer Atout France.

M. Matthias Renault (RN). Cette proposition fait directement écho à une annonce de Michel Barnier lors de sa déclaration de politique générale : je regrette qu’à défaut d’être favorables à notre amendement, les groupes gouvernementaux ne nous apportent pas plus de précisions.

Mme Véronique Louwagie, présidente. Sachez que j’ai évoqué cette annonce au début de notre réunion, pour m’en réjouir : les actions de simplification et de mutualisation qui permettent de dépenser moins, mais mieux, vont dans le bon sens.

M. Charles Rodwell (EPR). Notre groupe s’opposera à cet amendement. Matthias Renault a évoqué à tort Bpifrance au lieu de Business France, dont la fusion avec Atout France est déjà engagée ; la rationalisation budgétaire interviendra à l’issue du rapprochement.

Mme Véronique Louwagie, présidente. J’ajoute que nous venons d’examiner un amendement de Philippe Juvin qui aurait réduit de 90 millions les crédits du programme Développement des entreprises et régulations, dans la droite ligne du plan annoncé hier par le Gouvernement pour économiser 5 milliards d’euros supplémentaires.

L’amendement II-CF378 est retiré.

La commission rejette l’amendement II-CF275.

Amendement II-CF1765 de M. Paul Midy

M. Paul Midy, rapporteur pour avis. Dix ans après sa création, la French Tech est très éloignée de la caricature qui en est faite par certains. Maintenant, il y a des start-up partout – 70 % sont implantées en dehors de l’Île-de-France – et sur tous les sujets. Néanmoins, il reste du travail à faire pour embarquer les entrepreneurs des milieux modestes et des quartiers. Le présent amendement propose d’abonder les moyens alloués au programme French Tech Tremplin, qui les accompagne avec succès dans leurs projets de création d’entreprise, ce qui est bon pour l’emploi, pour l’innovation et pour la cohésion sociale.

M. Jacques Oberti, rapporteur spécial. Bpifrance soutient ce programme, qui entre dans le cadre du plan Quartiers 2030. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF1768 de M. Paul Midy

M. Paul Midy, rapporteur pour avis. Le présent amendement vise à accroître les moyens alloués au programme Tech pour toutes, un beau programme d’accompagnement par des bourses, qu’il faut massifier pour lutter contre les biais de genre et embarquer les jeunes femmes dans les métiers de la tech. Le secteur du numérique ne compte que 20 % de femmes. Nous aurons besoin de tous les cerveaux pour développer ce secteur d’avenir qui offre des opportunités d’emplois gigantesques et touche à des enjeux comme l’intelligence artificielle.

M. Jacques Oberti, rapporteur spécial. Avis favorable : nous manquons cruellement de femmes dans le monde du numérique.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Ce n’est pas parce qu’une cause est bonne qu’elle doit être soutenue par de l’argent public. Si le secteur veut compenser son retard dans la féminisation, le Medef et les autres syndicats patronaux ont suffisamment d’argent pour le financer eux-mêmes, sans attendre une défiscalisation ou une subvention.

M. Paul Midy, rapporteur pour avis. Si certains ne sont pas convaincus par l’enjeu éthique de l’égalité entre les femmes et les hommes, sans doute le seront-ils par celui de l’efficacité économique : c’est en étant les meilleurs dans le domaine de l’intelligence artificielle que nous remporterons les guerres de demain. Or, pour cela, nous ne pouvons pas nous priver de la moitié des cerveaux.

La commission adopte l’amendement.

Amendements II-CF2073 de M. Jacques Oberti et II-CF1072 de M. Manuel Bompard (discussion commune)

M. Jacques Oberti, rapporteur spécial. Nous proposons d’abonder de 50 millions le plan France très haut débit, qui ne dispose pour l’instant d’aucune autorisation d’engagement pour 2025 : il s’agit de déployer les réseaux dans des territoires très en retard de ce point de vue, comme la Bretagne et Mayotte.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Nous souhaitons nous aussi revenir sur la coupe budgétaire qu’a subie le plan France très haut débit, dont les crédits seront inférieurs de 45 millions à ce qui avait été annoncé dans la dernière loi de finances. L’accès à internet est un enjeu crucial d’égalité. Tant qu’il n’est pas garanti pour tous, dans l’ensemble du territoire, avancer à marche forcée vers la dématérialisation est une hypocrisie. L’objectif de généralisation de la fibre fin 2025 paraît désormais hors de portée.

M. Jacques Oberti, rapporteur spécial. Avis favorable.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Notre groupe votera cet amendement. Nous comprenons que des territoires comme Mayotte, dont l’économie est sinistrée, aient besoin d’être aidés. Nous avons plus de mal à le comprendre néanmoins pour un territoire prospère comme la Bretagne. Aucun service économique ne peut-il être déployé sans subvention dans notre pays ? Avec le haut débit, les opérateurs vont vendre des abonnements et gagner un argent fou, mais c’est toujours au contribuable de payer !

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Je comprends la remarque de M. Tanguy, mais les opérateurs privés ne s’intéressent qu’aux territoires les plus peuplés. Sans intervention des pouvoirs publics, ceux dont la population est plus faible subissent une inégalité flagrante. On déploie sans problème la 5G à Paris mais on n’a toujours pas la 4G dans les Combrailles !

M. Jacques Oberti, rapporteur spécial. Il ne s’agit pas uniquement de l’accès au très haut débit aux entreprises, mais de l’ensemble des usagers. En milieu rural, le déploiement des réseaux est financé par l’État, la région, le département et le bloc communal. Alors que l’on entre aujourd’hui dans la phase des raccordements complexes, ce déploiement va être différé faute des budgets suffisants. Cela va accroître les inégalités territoriales, ce qui est inacceptable.

Mme Véronique Louwagie, présidente. Vous avez raison de rappeler que les départements et les régions apportent un soutien considérable au développement de ces infrastructures.

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Les collectivités ont justement besoin de prévisibilité. Couper dans les budgets alors que des programmes sont engagés n’est pas une bonne façon d’agir.

Mme Véronique Louwagie, présidente. Je partage ce point de vue.

La commission adopte l’amendement II-CF2073.

En conséquence, l’amendement II-CF1072 tombe.

Amendement II-CF1664 de M. Jacques Oberti

M. Jacques Oberti, rapporteur spécial. À l’issue de la pandémie de covid-19 a été déployé un réseau de conseillers numériques France Services itinérants, dont le financement était assuré par l’État à hauteur de 80 millions et complété par les associations et collectivités y faisant appel. Depuis 2022, ces conseillers ont réalisé près de 4,5 millions d’interventions auprès des usagers, permettant aux plus éloignés du numérique de réaliser des démarches administratives et limitant ainsi les pertes de droits, comme l’a relevé le Défenseur des droits. Or le budget de 28 millions prévu dans le PLF pour 2025 conduirait à passer de 4 000 conseillers à 1 600, ce qui serait une catastrophe. Nous vous proposons de mobiliser 50 millions pour l’éviter.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF1086 de Mme Claire Lejeune

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Nous proposons de renforcer les moyens d’action de l’Insee, dont la mission est cruciale pour la définition et la conduite des politiques publiques – et le sera davantage à l’avenir, si l’État en vient à assurer de véritables fonctions de planification. En effet, si les crédits de paiement sont stables, les autorisations d’engagement baissent d’environ 3 % alors que l’Institut assume de nouvelles missions, comme la contribution à Eurostat, et que la dématérialisation systématique des enquêtes s’opère souvent au détriment de leur qualité. Enfin, le cofinancement auquel l’Institut est parfois contraint va à l’encontre de son obligation d’indépendance.

M. Michel Castellani, rapporteur spécial. La baisse progressive de la dotation de l’Insee a manifestement accru la charge de travail et dégradé les conditions de travail de ses agents. Le fait qu’il ne puisse plus assumer qu’un nombre limité de nouveaux travaux, une fois les enquêtes européennes conduites, me semble aussi préoccupant. Cependant, les crédits de paiement demeurent stables en 2025 et la réduction des autorisations d’engagement ne conduit qu’au report de projets d’investissements informatiques. Avis de sagesse.

La commission adopte l'amendement.

Amendements II-CF1521 de M. Robert Le Bourgeois, II-CF1864 et II-CF1897 de M. Charles Fournier, II-CF1815 de M. Boris Tavernier, II-CF2070 de M. Michel Castellani, II-CF1164 de Mme Stella Dupont, II-CF374 de Mme Valérie Rossi, II-CF55 et II-CF56 de la commission des affaires économiques (discussion commune)

M. Robert Le Bourgeois (RN). L’économie sociale et solidaire bénéficie de très nombreux financements de l’État. Elle a ainsi perçu 10 milliards en 2022, et même 17 milliards si l’on inclut l’intervention des banques publiques. Une telle débauche de moyens révèle que de nombreux acteurs n'ont pas un modèle de développement viable. Nous proposons donc de revenir non pas sur le principe de l’allocation de crédits à l’ESS, mais spécifiquement sur les 15 millions qui lui sont alloués dans le cadre de l’action 04, Économie sociale, solidaire et responsable, du programme 305. Nous souhaitons ainsi inviter le secteur à remettre en question son modèle pour le rendre plus viable et beaucoup moins dépendant de la dépense publique.

M. Charles Fournier (EcoS). Je considère au contraire que les crédits alloués à l’ESS sont ridicules et propose, dans un amendement d’appel, de les abonder de 500 millions. On évoque un soutien global de 17 milliards mais l’économique classique, elle, perçoit près de 200 milliards ! La plus subventionnée n’est donc pas celle que l’on croit. L’ESS pèse 10 % des emplois et même jusqu’à 19 % dans les territoires ruraux. Vous avez tort de vouloir déshabiller la seule économie qui accepte encore de s’implanter dans les territoires désertés par l’économie classique.

L’amendement de repli II-CF1897 propose un soutien à hauteur de 20 millions, et le II-CF1815 à hauteur de 10 millions : ils sont, vous le voyez, plus raisonnables.

M. Michel Castellani, rapporteur spécial. L’ESS représente 10 % du PIB et près de 14 % des emplois privés. Je propose donc une hausse des crédits permettant de rattraper leur stagnation durant les années d’inflation.

Mme Stella Dupont (NI). L’économie sociale et solidaire rassemble les entreprises qui cherchent à concilier solidarité, performance économique et utilité sociale. Elle joue un rôle important dans les territoires, notamment en matière sociale et écologique. Son poids très significatif dans l’économie de notre pays vient d’être rappelé. Le soutien de l’État permet le développement de la filière, au travers des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire (Cress) mais aussi des pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) et des dispositifs locaux d’accompagnement (DLA). Je propose de revenir partiellement sur la baisse de 25 % des CP prévus par le PLF, grâce à un apport supplémentaire de 5 millions d’euros.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Convaincu de l’importance de l’ESS, notre groupe ne comprend pas la baisse des crédits qui lui sont affectés et propose de les rehausser. Notre amendement peut être considéré comme étant de repli par rapport à ceux de nos collègues, plus ambitieux, que nous soutiendrons aussi.

M. Paul Midy, rapporteur pour avis. Alors que les crédits globaux alloués à l’ESS sont en baisse, il est important de ne pas rogner sur les budgets d’accompagnement des acteurs dans le moment difficile qu’ils vont traverser. L’amendement II-CF55 propose une augmentation de 400 000 euros du budget alloué aux têtes de réseau et le II-CF56 une hausse de 300 000 euros pour les PTCE. Tous deux ont été adoptés par la commission des affaires économiques.

M. Michel Castellani, rapporteur spécial. Les acteurs de l’économie ont des profils très divers. Les holdings, multinationales et grandes entreprises et les TPE et PME composent l’essentiel du panorama. Celui-ci est modestement complété par l’ESS, dont les objectifs sont par définition solidaires et sociaux : elle permet d’animer les territoires et surtout d’intégrer des hommes et des femmes qui, sinon, seraient marginalisés. Nous souhaitons donc que les crédits alloués à son fonctionnement augmentent, et j’avais pour ma part proposé un abondement de 5 millions.

Je donne donc un avis défavorable au premier amendement de la série et un avis globalement favorable aux autres, en rappelant toutefois nos contraintes budgétaires : l’amendement de 500 millions serait sans doute difficile à financer !

M. Charles Rodwell (EPR). Vous proposez de dégager ces 500 millions, cher collègue Fournier, en ponctionnant d’autant le programme Développement des entreprises et régulations. Sur les budgets de quels opérateurs et de quelles missions de régulation entendez-vous prélever cette somme ?

M. Charles Fournier (EcoS). Comme je l’indique dans l’exposé sommaire, je souhaite évidemment que le Gouvernement débloque la somme nécessaire afin qu’il n’y ait pas à ponctionner un autre programme.

J’ajoute un élément au débat : les responsables de l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire, que j’ai auditionnés, estiment que la baisse de 25 % du budget consacré à l’ESS aboutirait à la suppression de 180 000 emplois à très court terme, ainsi qu’à la disparition de nombreux services du quotidien. N’oublions pas non plus que l’ESS permet entre autres la reprise d’entreprises en difficulté sous forme de sociétés coopératives et participatives, comme ce fut le cas pour Duralex. Il me paraît aberrant de vouloir supprimer la seule ligne budgétaire qui lui est dédiée.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). On peut être favorable à l’ESS tout en considérant que l’État central n’a pas à la subventionner. Philosophiquement, son objet est plutôt de trouver ses propres voies de financement – sans quoi, elle devient une économie étatisée ! À force de considérer que l’État doit être présent partout, du déploiement de la fibre à la moindre petite épicerie solidaire, plus rien n’a de sens et nos finances publiques finissent dans le rouge.

Mme Alma Dufour (LFI-NFP). Ce secteur, qui emploie 14 % des salariés du secteur privé et jusqu’à 19 % en secteur rural, ne doit pas être méprisé. Le fait qu’un secteur ne soit pas rentable ne signifie pas qu’il n’est pas essentiel. Vous admettez volontiers que l’on subventionne la production agricole, par exemple. En effet, le fonctionnement actuel de l’économie de marché empêche certaines activités de trouver leur rentabilité, alors qu’elles apportent un service à la population. Par exemple, les collectivités ont besoin des ateliers de réparation, des recycleries ou des associations engagées dans le projet Territoires zéro chômeur de longue durée, mais leur situation financière ne leur permet pas de les subventionner. Supprimer des crédits, ce serait les abandonner sur le bord de la route.

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Nous retirons l’amendement II-CF374 au profit du II-CF1897.

M. Charles Fournier (EcoS). Je retire quant à moi l’amendement d’appel II-CF1864 – celui des 500 millions d’euros. Mais, si ce montant est jugé excessif par certains, je redis qu’il est à la hauteur des besoins de l’ESS !

M. Michel Castellani, rapporteur spécial. Je réitère mon soutien à l’économie sociale et solidaire. Vous soulevez une question essentielle, monsieur Tanguy : celle du rapport entre initiative privée et soutien public. Or le soutien à l’ESS va profiter à une grande partie de l’économie française. D’ailleurs, si l’on veut commencer à s’interroger sur les destinataires des financements publics, c’est une véritable révolution qu’il va falloir opérer !

Les amendements II-CF374 et II-CF1864 sont retirés.

La commission rejette l’amendement II-CF1521 puis adopte l’amendement IICF1897.

En conséquence, les autres amendements tombent.

Amendement II-CF1546 de M. Charles Fournier

M. Charles Fournier (EcoS). Il vise à soutenir les manufactures de proximité. Ces tiers lieux ou ateliers de fabrication partagés, qui facilitent l’activité artisanale et celle des PME-PMI, particulièrement dans les territoires ruraux, sont d’un grand intérêt pour l’aménagement du territoire.

M. Michel Castellani, rapporteur spécial. Je partage votre intérêt pour ces tiers lieux qui soutiennent la production industrielle et artisanale locale. Ce sont des lieux de rencontre féconds et innovants pour beaucoup de jeunes de qualité. Néanmoins, les manufactures de proximité relèvent de la mission Cohésion des territoires et non de la mission Économie. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Philippe Juvin (DR). Je n’ai trouvé aucune évaluation sérieuse des manufactures de proximité, en dehors de celles produites par les destinataires des subventions. Par ailleurs, l’objectif du programme en 2024 n’était pas d’en labelliser de nouvelles mais de renforcer celles déjà labellisées ; en clair, les structures existantes ont besoin d’une nouvelle injection d’argent public. J’ai un doute sur leur efficacité réelle. Je voterai contre l'amendement.

La commission rejette l'amendement.

Amendement II-CF976 de M. Karim Benbrahim, amendements identiques II-CF1067 de Mme Gabrielle Cathala et II-CF1523 de M. Charles Fournier (discussion commune)

Mme Alma Dufour (LFI-NFP). Le débat sur le pacte Dutreil a beaucoup agité l’hémicycle, la semaine dernière ; nous avions déposé un amendement visant à réserver le dispositif aux TPE et PME, qui n’a pas été adopté. Nous n’avons pas de tabou sur la transmission des entreprises. L'amendement II-CF1067 vise à encourager la reprise des entreprises par les salariés en cas d’absence de repreneur, ce qui concerne 30 000 entreprises par an. Leur projet se heurte souvent à un manque de moyens financiers, faute d’accompagnement par les organismes de crédit. Il est souhaitable d’intéresser les salariés à la survie de l’emploi sur le territoire. C’est un pas en avant vers un autre modèle.

M. Charles Fournier (EcoS). Nous proposons de créer un fonds dédié à la reprise des entreprises par les salariés et une garantie sur les prêts personnels contractés par les salariés. Bon nombre de transmissions se font dans la difficulté ; nous voulons faciliter cette modalité de reprise.

M. Michel Castellani, rapporteur spécial. C’est vrai, la participation des salariés à l’organisation de la production est un beau projet de société. Néanmoins, les amendements ne prévoient que 5 millions, alors que des centaines de milliers d’entreprises sont potentiellement concernées. Il faut mieux définir les objectifs de l'amendement, par exemple dans le cadre d’une expérimentation, afin que les fonds ne se dispersent pas inutilement sans produire de conséquences pérennes. Avis de sagesse.

Mme Alma Dufour (LFI-NFP). Compte tenu des tensions budgétaires actuelles, il s’agit d’un amendement d’appel. Il faut que davantage d’entreprises suivent l’exemple de Duralex. Je rappelle qu’il y a désormais plus de fermetures que d’ouvertures d’usines en France.

M. Philippe Juvin (DR). Il y a quelques jours, nos collègues disaient dans l’hémicycle que l’exonération de droits de succession sur la transmission des entreprises était scandaleuse, qu’il s’agissait d’un héritage indu et qu’il fallait taxer le chef d’entreprise. Et ils déplorent maintenant que 30 000 entreprises disparaissent chaque année, faute de repreneur ! Au lieu de faire financer les reprises par la puissance publique, laissons ceux qui ont créé et géré leur entreprise la transmettre à qui ils le souhaitent.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous soutiendrons l'amendement d’Alma Dufour. Il y a une réflexion à mener sur la transmission des entreprises aux salariés. La littérature économique sur le sujet est assez pauvre ; il y a beaucoup d’idéologie, d’un côté comme de l’autre, entre ceux qui refusent par principe de comprendre les raisons des échecs et ceux qui refusent aux salariés le droit de diriger leur entreprise. Nous gagnerions à comprendre ce qui n’a pas fonctionné par le passé pour déterminer si un accompagnement est nécessaire. Nous devons encourager le succès économique de ce modèle de gestion qui permet de dépasser l’opposition entre capital et travail.

La commission adopte l'amendement II-CF976.

En conséquence, les autres amendements tombent.

Amendement II-CF1536 de M. Charles Fournier

M. Charles Fournier (EcoS). Il vise à soutenir financièrement les têtes de réseau du mouvement associatif, qui jouent un rôle important dans l’accompagnement des associations.

M. Michel Castellani, rapporteur spécial. Je suis favorable au renforcement des moyens de l’ESS, mais il faut tenir compte de la situation des finances publiques. Plusieurs amendements viennent d’être adoptés en réponse à l’inflation. Avis de sagesse.

La commission rejette l'amendement.

Amendements II-CF379 de Mme Valérie Rossi, II-CF896 de M. Emmanuel Duplessy, II-CF54 de la commission des affaires économiques et II-CF1048 de Mme Claire Lejeune (discussion commune)

M. Stéphane Delautrette (SOC). Les débats en séance ont mis en lumière la nécessité d’accompagner les entreprises dans leur transition vers l’économie sociale et solidaire ou, du moins, d’identifier les secteurs dans lesquels cet accompagnement est nécessaire. La loi de 2014 sur l’ESS a confié aux chambres régionales de l’économie sociale et solidaire une mission territoriale justement pour combler la défaillance de l’État en matière d’accompagnement de proximité. Pour rebondir sur la nécessité évoquée par M. Tanguy de recenser les succès et les échecs, elles ont aussi une mission d’observation et de consolidation. Nous proposons d’abonder les crédits de ces organismes d’intérêt public. Depuis sept ans, on a tendance à malmener les corps intermédiaires qui remplissent une mission d’accompagnement au plus près des besoins du territoire.

M. Charles Fournier (EcoS). L’amendement II-CF896 propose la même chose, avec un montant plus bas. Je suis pour que l’on adopte le mieux-disant !

M. Paul Midy, rapporteur pour avis. L'amendement adopté sur ma proposition par la commission des affaires économiques vise à soutenir les Cress dans leur mission d’accompagnement, dans le contexte de la réduction des 15 milliards qui bénéficient de façon globale à l’ESS.

M. Michel Castellani, rapporteur spécial. Les Cress sont des acteurs visibles dans les territoires qui orientent les entreprises de l’ESS vers les dispositifs de soutien disponibles et mobilisent l’ensemble de la chaîne d’accompagnement autour d’un parcours commun. En Nouvelle-Aquitaine, la Cress assiste plus de 3 000 structures. Avis favorables.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Nous retirons l'amendement II-CF379 au profit de celui de la commission des affaires économiques.

L’amendement II-CF379 ayant été retiré, la commission adopte l'amendement IICF896.

En conséquence, les autres amendements tombent.

Amendements identiques II-CF46 de la commission des affaires économiques et IICF1058 de M. Manuel Bompard, amendements identiques II-CF47 de la commission des affaires économiques et II-CF364 de Mme Valérie Rossi, amendement II-CF897 de M. Emmanuel Duplessy (discussion commune)

M. Paul Midy, rapporteur pour avis. Les amendements II-CF46 et II-CF47 ont été proposés respectivement par La France insoumise et par le groupe socialiste en commission des affaires économiques. À titre personnel, je maintiens l’avis de sagesse que je leur avais donné. Nous devrons accélérer la conversion des entreprises à l’ESS ; toutefois, compte tenu de la contrainte budgétaire, je suggère de concentrer pour l’instant les crédits sur l’accompagnement des acteurs existants.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). L’économie sociale et solidaire favorise l’épanouissement des salariés au travail et oriente l’économie vers la transition écologique. L'amendement II-CF1058 propose la création d’un fonds de conversion des entreprises à l’ESS pour cadrer l’investissement public au service de l’intérêt général ; ce fonds permettrait notamment un investissement en prise de capital dans les structures de l’ESS.

Nous avons encore la possibilité d’accroître les crédits du PLF en augmentant les recettes. Pour cela, j’invite chacun à soutenir nos propositions en séance la semaine prochaine !

M. Michel Castellani, rapporteur spécial. Comme le fonds destiné à accompagner la reprise des entreprises par les salariés, c’est un projet louable et pertinent. Néanmoins, les 2 millions qui y sont alloués sont sans rapport avec le nombre d’entreprises concernées. Il faut inscrire le dispositif dans une politique cohérente pour produire des effets sur le terrain. Sagesse.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques II-CF52 de la commission des affaires économiques et IICF1041 de M. Manuel Bompard

M. Paul Midy, rapporteur pour avis. L'amendement de la commission des affaires économiques vise à soutenir les dispositifs locaux d’accompagnement.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Il s’agit en effet d’augmenter de 1,5 million l’enveloppe dédiée aux DLA. L’ESS, que nous louons tous pour ses avantages et sa dimension territoriale, a besoin de ces fonds pour allonger le dispositif d’accompagnement, actuellement fixé à quatre jours, et pour faire face à une demande qui augmente. L’enveloppe n’a pas évolué depuis vingt ans alors que le secteur est en forte croissance.

M. Michel Castellani, rapporteur spécial. Ces amendements vont dans le bon sens. Le dispositif local d'accompagnement est un outil ciblé, qui associe la direction départementale du travail et de l’emploi et de la formation professionnelle, les collectivités territoriales et la Caisse des dépôts. La hausse proposée est raisonnable et correspond à l’avis rendu par le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire. Avis favorable.

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Les DLA sont un outil précieux pour accompagner les associations, notamment celles qui rencontrent des difficultés de gestion, qu’il s’agisse de leur objet associatif ou du management de leurs salariés. Les associations sont le trésor des collectivités territoriales, elles font vivre nos territoires ; sans elles, nous, les élus locaux, ne serions pas grand-chose. Il est indispensable de soutenir un dispositif qui sauve plusieurs milliers d’emplois chaque année.

La commission rejette les amendements.

Amendements II-CF1049 de Mme Alma Dufour et II-CF375 de Mme Valérie Rossi (discussion commune)

M. Michel Castellani, rapporteur spécial. Avis favorable. Les acteurs de l'ESS, bien que solidement implantés dans les territoires, ont rarement l’occasion de remplir leurs missions naturelles. Ces amendements devraient rendre plus lisible et plus cohérente l'action de l'État en faveur de l'ESS.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-CF376 de Mme Valérie Rossi et II-CF1050 de Mme Claire Lejeune (discussion commune)

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Je propose la création d’un programme d’accompagnement national pour favoriser l’accès des entreprises de l’ESS aux fonds du plan France 2030, lesquels sont octroyés par appels à projets. Il est compliqué d’accéder à ce type de financement pour les petites structures de l’ESS qui ont peu de salariés à y consacrer. Il faut remédier à cette inégalité pour permettre aux petites et moyennes structures de jouer à armes égales avec les plus grosses.

M. Michel Castellani, rapporteur spécial. Il ne me semble pas que le non-recours au plan France 2030 par les entreprises de l'ESS s'explique en premier lieu par une insuffisance d'accompagnement. Le plan se décrit lui-même comme conçu pour cibler « les acteurs émergents et innovants à fort potentiel (start-up et licornes de demain) » : ce n'est pas un domaine où l'ESS peut espérer participer à des appels à projets. Avis défavorable.

M. Charles Fournier (EcoS). En tant que rapporteur pour avis sur la mission Investir pour la France de 2030, je soutiens ces amendements. La France de 2030 ne se construira pas uniquement par l’innovation technologique, mais aussi par l’innovation sociale, à laquelle les entreprises de l’ESS apportent une forte valeur ajoutée. Une économie qui pèse autant mérite de participer à un programme qui définira l’avenir de notre pays. Il serait utile de créer un programme d’intermédiation pour faciliter les candidatures de ces entreprises, qui n’ont pas toujours la trésorerie suffisante ou les moyens humains de traiter des dossiers si complexes.

M. Charles Rodwell (EPR). Notre groupe votera contre. Les CCI, les préfectures – via un sous-préfet à l’investissement – et les agglomérations sont déjà associées à l’accompagnement des entreprises pour France 2030. En outre, nous avons tiré les leçons des difficultés des entreprises à accéder aux financements des plans d’investissement d’avenir (PIA) sous Nicolas Sarkozy et François Hollande : nous sommes passés d’une stricte logique d’appel d’offres à une démarche d’appel à manifestation d’intérêt, ce qui a ouvert le champ des possibles pour les PME, les entreprises de taille intermédiaire et les entreprises de l’ESS.

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Ces amendements me laissent perplexe : c’est aux Cress de réaliser cet accompagnement et il serait plus judicieux de renforcer leurs moyens. En revanche, monsieur le rapporteur spécial, le plan France 2030 inclut aussi la transition écologique, dans laquelle beaucoup d’acteurs de l’ESS sont mobilisés. Le fait que l’ESS ne soit pas suffisamment structurée et solide pour répondre à des appels à projets de cette envergure est un vrai problème.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques II-CF689 de M. Alexandre Loubet et II-CF1761 de la commission des affaires économiques

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Il s’agit d’un amendement adopté en commission des affaires économiques avec le soutien des députés de la Droite républicaine et l’abstention de la gauche, qui propose la constitution d’un fonds souverain qui permettra aux épargnants français de tout milieu et de toute origine de placer leur capital à un taux de rendement supérieur à celui du livret A, tout en investissant dans des opérations participant à la transition énergétique. Le fonds aurait vocation à posséder les infrastructures et les biens publics, à investir dans la rénovation thermique ou dans des technologies à fort potentiel comme l’hydrogène, et à lancer un grand plan de fret ferroviaire, puisque le capital privé ne semble pas intéressé par ces projets d’intérêt général. J’espère que l'idée fera consensus. Ce fonds serait le garant du pouvoir d’achat des épargnants et de la souveraineté de la France, malheureusement trop exposée aux attaques des fonds étrangers.

M. Jacques Oberti, rapporteur spécial. Cet amendement risque de se heurter au droit européen, qui interdit les distorsions de concurrence entre pays membres. La Banque des territoires a souligné la difficulté d’assurer l’équilibre économique d’un tel dispositif sur une période de quatre ans. Enfin, il existe quatre fonds de Bpifrance ouverts aux particuliers. Mieux vaut renforcer les dispositifs existants. Avis défavorable.

M. Philippe Juvin (DR). Je soutiendrai cet amendement. L’existence d’un fonds souverain est une condition de notre souveraineté, un moyen de compléter le système de retraite par répartition et d’effectuer des investissements de long terme. L’argument de la distorsion de concurrence ne tient pas puisque le fonds souverain le plus performant au monde est le fonds norvégien, dont la valeur est supérieure au PIB de l’Espagne, et que la Norvège applique la totalité de la réglementation européenne.

M. Thomas Cazenave (EPR). Il existe déjà des fonds souverains, gérés par la Caisse des dépôts et par ses filiales ainsi que par Bpifrance. Je ne crois pas qu’un fonds de 1 million réponde aux besoins d’investissement dans la rénovation, la décarbonation et les transports collectifs. Mieux vaut s’appuyer sur des dispositifs qui ont fait leurs preuves.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Il ne s’agit pas de créer un fonds de 1 million d'euros, mais de lancer la structure. Le fonds sera abondé évidemment par les épargnants français.

La commission rejette les amendements.

Amendement II-CF2003 de M. Jacques Oberti

M. Jacques Oberti, rapporteur spécial. Il vise à respecter la parole donnée dans le PLF pour 2024 aux chambres de métiers et de l’artisanat et aux chambres de commerce et d’industrie, dont les moyens ont été réduits de 60 % depuis 2013. En matière de création d’emplois, si nous ne voulons pas qu’il pleuve toujours là où le sol est déjà mouillé, il faut accompagner les entreprises au mieux dans tous les secteurs d’activité. L'amendement demande 40 millions pour les CCI et 20 millions pour les CMA.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Je suis d’accord sur le fond, mais cet amendement devrait être déposé à l’article 33, où figurent les 40 millions de l’abaissement du plafond de la contribution aux chambres de commerce et les 20 millions de la réduction de la taxe affectée aux chambres des métiers. Nous pouvons toujours le voter, mais à titre indicatif.

M. Philippe Juvin (DR). Les CMA et les CCI sont utiles, nous n’en disconvenons pas. Mais pourquoi faudrait-il les soutenir avec de l’argent public ? Voici ce qu’écrit la Cour des comptes : « Des interrogations persistent sur la capacité des chambres consulaires à développer des prestations facturées à un niveau suffisant pour assurer leur équilibre économique dans un contexte de baisse des taxes qui leur sont affectées. » Elle recommande qu’elles aillent chercher de l’argent. Puis elle conclut : « Une évaluation complète et sans tabou de l’utilité des réseaux consulaires pour les entreprises est indispensable. Elle devra permettre de vérifier la légitimité du maintien du financement public qui leur est accordé. » N’en ajoutons pas ce soir.

M. Michel Castellani, rapporteur spécial. Les chambres consulaires accomplissent un travail indispensable, en particulier dans les territoires fragiles. C’est le cas dans ma circonscription. La remarque de M. Juvin vaut surtout dans les territoires moteurs, où se situent des entreprises puissantes – et ils sont peu nombreux. Je suis plutôt favorable à ces amendements.

M. Charles Fournier (EcoS). À poursuivre le concours Lépine de la suppression des opérateurs, nous risquons de nous retrouver dans une situation ubuesque. Les CCI et les CMA jouent un rôle essentiel. Leurs fonds propres ont déjà été ponctionnés et la régionalisation a réduit leurs effectifs. Le tissu des PME et des PMI a besoin de soutien local et le travail des chambres est nécessaire, notamment pour accomplir la bifurcation écologique. Il ne faut pas modifier la trajectoire.

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Ces dernières années, nous avons demandé des efforts importants aux chambres consulaires, qu’elles ont consentis. Le Gouvernement avait garanti la visibilité de leurs moyens sur plusieurs années. Je ne comprends pas qu’on y revienne.

Monsieur Juvin, si nous devions suivre toutes les recommandations de la Cour des comptes, nous réduirions certains crédits d’impôt accordés aux entreprises et aux ménages, comme le crédit d’impôt recherche (CIR) et le crédit d’impôt services à la personne (Cisap). Ce serait un vrai facteur d’économies.

Mme Véronique Louwagie, présidente. Il faut être clair et donner de la visibilité aux chambres consulaires. Une restructuration est sans doute nécessaire, mais on ne peut pas amputer chaque année leurs moyens sans établir un panorama global du dispositif. Par ailleurs, nous devons réfléchir à l’accompagnement des entreprises. Il en existe à tous les niveaux – la région, les communautés de communes, parfois le pays, les structures d’aide et les chambres consulaires – et les entreprises ne s’y retrouvent pas.

M. Jacques Oberti, rapporteur spécial. Les chambres jouent un rôle essentiel. CCI France publie chaque année un rapport d’activité qui analyse l’effet de levier des aides dispensées. Quant au rapport de la Cour des comptes, il a été pris en considération pour élaborer la trajectoire définie dans le PLF pour 2024 ; or les moyens proposés sont en dessous.

Les partenariats avec les chambres sont indispensables. On l’a vu pendant la pandémie, lorsqu’elles ont contacté toutes les entreprises pour renforcer l’efficacité des aides. C’est particulièrement vrai dans les domaines du numérique et de l’emploi. À cet égard, la CMA demande un fort soutien en matière d’apprentissage.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-CF2001 de M. Jacques Oberti

M. Jacques Oberti, rapporteur spécial. Le présent amendement vise à rétablir à hauteur de 9 millions le soutien aux pôles de compétitivité, qui s’appuient sur le tissu économique local pour favoriser l’innovation et soutenir le développement économique et donc les emplois de demain. Ces dernières années, l’État s’est largement désengagé et les initiatives ont été confiées aux régions et aux intercommunalités. Il est essentiel qu’il reste mobilisé.

La commission rejette l’amendement.

Mme Véronique Louwagie, présidente. Nous en venons aux explications de vote sur les crédits de la mission. Auparavant, des amendements ayant été adoptés, je demande aux rapporteurs spéciaux de nous redire leur avis.

M. Jacques Oberti, rapporteur spécial. Malgré une petite déception concernant les conseillers numériques, un certain nombre d’amendements adoptés vont dans le bon sens. Avis favorable.

M. Michel Castellani, rapporteur spécial. Favorable pour les programmes 220 et 305.

M. Jocelyn Dessigny, rapporteur spécial. Avis défavorable.

M. Franck Allisio, rapporteur spécial. Défavorable.

M. Charles Rodwell (EPR). Les dépenses ont augmenté de près de 200 millions. Nous voterons donc contre les crédits de la mission.

Mme Alma Dufour (LFI-NFP). Les membres du groupe La France insoumise auraient voté contre les crédits si les coupes budgétaires annoncées avaient été maintenues, mais des améliorations ont été apportées notamment concernant La Poste, la DGCCRF et le plan France très haut débit. Leur montant reste insuffisant pour l’économie sociale et solidaire, mais nous voterons pour leur adoption.

M. Laurent Baumel (SOC). Eu égard aux corrections significatives qui ont été apportées, nous avons décidé de voter pour ces crédits.

Mme Véronique Louwagie, présidente. Les membres du groupe Droite républicaine, qui envisageaient de voter pour les crédits de la mission, voteront contre en raison des modifications apportées.

M. Charles Fournier (EcoS). Au total, avec les 300 millions alloués à La Poste, nous avons rehaussé les crédits de 500 millions. Certaines modifications sont essentielles, comme le soutien aux chambres consulaires, à l’économie sociale et solidaire, à la reprise des entreprises par les salariés, au plan France très haut débit et aux programmes que mène Bpifrance dans les quartiers. Notre pays connaît des difficultés ; ces impulsions sont nécessaires. Nous voterons donc pour les crédits.

Mme Sophie Mette (Dem). En raison des changements apportés, les membres de notre groupe ne soutiennent pas les crédits de la mission.

M. Michel Castellani, rapporteur spécial. Les programment sont désormais conformes aux attentes des membres du groupe LIOT, qui voteront pour les crédits.

M. Vincent Trébuchet (UDR). Les dépenses ont été considérablement alourdies ; nous voterons contre les crédits.

La commission rejette les crédits de la mission Économie.

 

Après l’article 60

Amendements identiques II-CF48 de la commission des affaires économiques, IICF1061 de Mme Alma Dufour et II-CF1484 de Mme Julie Ozenne

Mme Alma Dufour (LFI-NFP). Il s’agit de créer un document de politique transversale relatif à l’économie sociale et solidaire : nous avons besoin d’informations précises et claires sur les financements consacrés à ce domaine majeur. Cela ne coûte rien mais servira l’évaluation des politiques publiques.

M. Michel Castellani, rapporteur spécial. Avis favorable. L’effort que l’État consent en faveur de l’ESS ne se limite pas au programme 305. Le secteur, majeur, bénéficie également de mesures générales mais la documentation disponible ne donne pas une vision claire des financements qui lui sont consacrés.

La commission adopte les amendements.

Mme Véronique Louwagie, présidente. Nous en venons aux crédits des comptes de concours financiers. Je constate qu’il n’y a ni amendements, ni explications de vote.

La commission adopte les crédits du compte de concours financier Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés non modifiés.

Elle adopte les crédits du compte de concours financier Accords monétaires internationaux non modifiés.

 

Missions Investir pour la France de 2030 et Plan de relance (M. Carlos Martens Bilongo, rapporteur spécial)

M. Carlos Martens Bilongo, rapporteur spécial. Les missions Investir pour la France de 2030 et Plan de relance ont toutes deux un rôle de soutien à l’économie. Elles ne sont pas dotées de crédits de personnel et couvrent uniquement des dépenses de fonctionnement, d’investissement et d’intervention. Par ailleurs, elles se caractérisent par le décaissement de l’ensemble des autorisations d’engagement lors de leur création : le projet de loi de finances pour 2025 ne contient donc que des crédits de paiement.

La mission Plan de relance a été créée en 2021 à la suite de la crise de la Covid-19. La plupart des crédits engagés ont déjà été décaissés. Le montant des CP atteint ainsi 169 millions, contre 1,4 milliard l’an passé. Cette baisse de 88 % s’explique par la suppression du programme 364, Cohésion, dont les crédits étaient résiduels, et par la baisse de 90 % des crédits du programme 362, Écologie, essentiellement destinés à financer la rénovation énergétique des bâtiments publics. En effet, la plupart des travaux s’achèveront fin 2024 . Il est prévu que des reports de crédits 2024 sur 2025 servent à solder les opérations en cours. Pourtant, dans son analyse de l’exécution budgétaire de 2023, la Cour des comptes a dénoncé l’abus des reports dans cette mission. En effet, cette pratique est de nature à fausser la sincérité des informations fournies au Parlement lors de l’examen du projet de loi de finances.

Les crédits de la mission Investir pour la France de 2030 diminuent également, passant de 7,7 milliards d’euros à 5,8 milliards d’euros, soit une baisse de 25 %. Les programmes 421, 422 et 423 financent le troisième volet du programme d’investissements d’avenir (PIA 3), en cours d’achèvement. Ils ne représentent plus que 11 % des crédits de la mission, soit 648 millions d’euros. Les programmes 424 et 425, dotés de 5 milliards, rassemblent les 89 % restants. Ils financent le plan France 2030, qui a été intégré à l’architecture du quatrième volet du programme d’investissements d’avenir (PIA 4), engagé en 2021. Les crédits du programme 425 diminuent de 53 %, ce qui s’explique notamment par la réduction des crédits de l’action 03, Aides à l’innovation « bottom-up » (fonds propres), qui financent les start-up.

On peut saluer la création d’un outil de planification. Toutefois, ni les choix d’investissement faits ni la méthode retenue ne conviennent pour relever les défis qui s’imposent à nous. Le plan France 2030 a été déployé dans un contexte où les moyens alloués au secteur privé augmentent quand les efforts demandés au secteur public sont toujours plus importants. Or il faudra investir massivement dans les services publics pour réussir la transition écologique. De plus, France 2030 n’est pas un outil de planification écologique – la sobriété énergétique en est absente. Enfin, les bénéficiaires des subventions ne sont soumis à aucun engagement dans les domaines de l’écologie, ni de l’emploi : rien n’est fait pour s’assurer que les entreprises qui perçoivent des aides ne licencient pas ni ne délocalisent.

J’émets un avis défavorable à l’adoption des crédits de ces deux missions.

M. Charles Fournier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Personne ne nie la nécessité d’un programme d’investissement pour préparer l’avenir. Le problème est que le plan France 2030 aligne dix objectifs sans vision structurante. Certains thèmes en sont absents : ainsi, la sobriété énergétique n’apparaît ni dans les objectifs, ni dans les leviers. Les problèmes émergents ne sont pas non plus pris en considération, à l’instar des polluants éternels. Par ailleurs, on saisit mal la place de France 2030 parmi les outils de planification.

J’ajoute que la transparence est insuffisante s’agissant des critères d’attribution des fonds et des conditions posées. Certains projets reçoivent des sommes pharaoniques – 3 milliards pour l’un d’entre eux – sans que l’on connaisse les contreparties associées. Le Parlement devrait les évaluer plus souvent, pour entretenir la discussion sur notre vision de la France de 2030. Enfin, j’ai soulevé dans mon rapport pour avis la question des matériaux critiques, qui sont déterminants pour la transition. Il est souhaitable que le Parlement s’en saisisse de manière explicite.

J’émets un avis défavorable à l’adoption de ces crédits, en raison non de leur montant, mais du contenu même des programmes financés.

 

Article 42 et état B : Crédits du budget général

Mme Véronique Louwagie, présidente. En l’absence d’amendements sur les crédits de la mission Investir pour la France de 2030, nous en venons aux explications de vote.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Le Rassemblement national n’utiliserait sans doute pas ces crédits de la même manière, néanmoins nous voterons pour : la politique du pire ne sert à rien.

J’ai toutefois enquêté sur le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne : les fonds européens se sont substitués à ceux du plan de relance français au lieu de s’y ajouter, ce qui aurait renforcé l’effet de levier. Il y a un problème de gestion des finances publiques, puisqu’un plan voté cette année sera financé par des remboursements qui interviendront à partir de 2028. Le sympathique titre de Plan de relance cache une mauvaise information du Parlement et des contribuables sur l’argent consacré à la relance et sur les conditions de remboursement des fonds concernés.

M. David Amiel (EPR). Nous voterons pour les crédits.

Mme Véronique Louwagie, présidente. Les membres du groupe Droite républicaine soutiennent les crédits de la mission. Les baisses budgétaires ont été ciblées afin de concentrer les ressources sur les actions les plus efficaces pour soutenir la compétitivité. La mission Investir pour la France de 2030 constitue un pilier stratégique du plan d’investissement public destiné à transformer les secteurs clés de l’économie française à l’horizon 2030. Issu des précédents programmes d’investissement d’avenir, ce dernier vise à placer la France en tête de domaines stratégiques comme l’industrie, l’écologie, la santé et l’innovation technologique.

M. Charles Fournier, rapporteur pour avis. Pour toutes les raisons que je vous ai déjà exposées, et parce qu’ils ne sont pas parvenus à déterminer si le montant des crédits de paiement prévu pour 2025 était à la hauteur des projets concernés, les membres du groupe Écologiste et social sont défavorables à l’adoption des crédits.

Mme Sophie Mette (Dem). Nous voterons pour les crédits de la mission.

M. Vincent Trébuchet (UDR). Les membres de notre groupe s’abstiendront. Il est nécessaire que la France persévère dans son soutien aux investissements pour l’avenir mais nous avons besoin de redresser les comptes publics. Nous saluons la baisse de certains crédits, en particulier dans les programmes 421, 424 et 425, mais les programmes 422 et 423 connaissent une hausse significative – ils se montent respectivement à 243 et 185 millions. Nous devons faire des économies, non continuer à alourdir le déficit.

La commission rejette les crédits de la mission Investir pour la France de 2030.

 

Présidence de M. Éric Coquerel, président de la commission

Article 45 et état G : Objectifs et indicateurs de performance

Amendement II-CF1492 de M. Charles Fournier

M. Charles Fournier, rapporteur pour avis. Comme le précédent gouvernement, nous nourrissons l’ambition commune d’atteindre la sobriété énergétique. Le présent amendement vise à l’inscrire au nombre des objectifs et indicateurs de performance.

Contre l’avis du rapporteur spécial, la commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF1773 de la commission des affaires économiques

M. Charles Fournier, rapporteur pour avis. Au moment même où la commission des affaires économiques discutait du plan France relance, le groupe minier Eramet annonçait qu’il abandonnait son projet de recyclage à Dunkerque, faute de modèle économique. Cet amendement tend à soutenir le recyclage, indispensable à une réindustrialisation verte, en lui associant un objectif et un indicateur de performance.

Contre l’avis du rapporteur spécial, la commission rejette l’amendement.

 

Après l’article 60

Amendement II-CF736 de Mme Eva Sas

Mme Eva Sas (EcoS). Parce que nous sommes favorables à l’instauration de contreparties systématiques au versement des aides publiques, le présent amendement vise à obliger les entreprises à publier leur bilan carbone, lorsqu’elles y sont assujetties, pour prétendre aux crédits de la mission Investir pour la France de 2030. Nous avions adopté un amendement similaire l’an dernier, mais qui a été raboté par le 49.3 : la mesure ne s’applique plus qu’aux aides à la transition écologique. Je souligne que 60 % des entreprises tenues de publier leur bilan carbone s’en exemptent. On ne peut pas faire moins que leur demander de respecter leurs obligations légales.

Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission adopte l’amendement.

Amendements identiques II-CF1087 de M. Laurent Alexandre et II-CF1781 de la commission des affaires économiques

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Dans le cadre de France 2030, nous proposons, de conditionner le versement des aides publiques aux grandes entreprises. Laurent Alexandre avait fait adopter le même amendement l’an dernier avant que le 49.3 ne le balaie.

Il s’agit de soumettre les aides du plan France 2030 au respect par les grandes entreprises de trois engagements : le maintien de leur activité dans le territoire national pendant au moins dix ans après la perception du financement ; le maintien des effectifs salariés au niveau de ceux de l’année d’attribution des crédits ; et la définition d’une stratégie industrielle conjointe entre l’opérateur et l’entreprise bénéficiaire.

M. Charles Fournier, rapporteur pour avis. La commission des affaires économiques a adopté le même amendement. Je suis d’ailleurs étonné qu’il ne soit pas appelé en premier, mais ma collègue Lejeune l’a très bien défendu.

M. Carlos Martens Bilongo, rapporteur spécial. Des milliards d’argent public financent des investissements pour la décarbonation de l’industrie. Ainsi, le site d’ArcelorMittal de Dunkerque, qui emploie près de 3 000 personnes, a reçu une subvention de près de 1 milliard – mais le projet n’avance pas et les salariés s’inquiètent de la pérennité de l’activité. Avis très favorable.

La commission adopte les amendements.

Amendement II-CF1088 de Mme Alma Dufour

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Cet amendement vise à exclure du bénéfice des aides publiques de la mission Investir pour la France de 2030 les entreprises qui réaliseraient des superprofits. Nous proposons de faire des économies avec cette mesure qui ne pénaliserait que les grandes entreprises très riches.

L’État doit-il apporter un concours de 5 millions à l’installation d’un système d’économie d’énergie par une grande entreprise pétrolière qui dégage des dizaines de milliards d’euros de bénéfices chaque année ?

M. Carlos Martens Bilongo, rapporteur spécial. Avis favorable.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). La taxation des superprofits peut être légitime, mais l’amendement me paraît contre-productif. Si Total reçoit une aide à l’étranger pour y réaliser un investissement, celui-ci sera perdu pour la France : vous pouvez considérer que c’est immoral, cela ne change rien. Cet amendement est donc idéologique et contraire aux intérêts économiques du pays. Si vous arrivez un jour au pouvoir, vous ne serez pas très contents d’avoir perdu des années d’investissements parce que vous vous serez fait plaisir en votant cet amendement.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Il est toujours difficile pour vous de mettre les grandes entreprises à contribution, mais l’amendement ne cible que les sociétés réalisant de superprofits : il n’est pas acceptable qu’elles continuent à percevoir de l’argent public pour des investissements qu’elles pourraient financer sur leurs fonds propres. Nous avons également déposé de nombreux amendements visant à taxer le versement des dividendes afin d’inciter ces entreprises à privilégier l’investissement productif.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-CF1089 de Mme Claire Lejeune

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Cet amendement vise à conditionner le versement des aides de France 2030 au déploiement d’un forfait mobilité durable par le bénéficiaire.

M. Carlos Martens Bilongo, rapporteur spécial. Avis favorable.

Mme Véronique Louwagie (DR). L’amendement II-CF1088 exclut certaines entreprises du bénéfice des crédits de la mission et le II-CF1089 fixe aux sociétés certaines obligations pour y avoir accès. C’est vraiment se tromper de combat : l’objectif de la mission est d’aider les entreprises et de soutenir l’économie !

Les grandes entreprises confient de nombreuses missions à des sous-traitants dans les territoires. De telles dispositions porteront des coups très durs à des sociétés qui ne pourront plus contribuer à développer l’économie. Votre souhait de réduire des crédits budgétaires dont la vocation est d’aider le tissu économique me choque.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-CF737 de Mme Eva Sas

Mme Eva Sas (EcoS). Dans la continuité du II-CF736, cet amendement a pour objet de conditionner les subventions publiques aux entreprises par le respect de la directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD), laquelle impose à plus de 50 000 entreprises de publier un rapport extra-financier détaillant l’impact environnemental, social et sociétal de leur activité. La directive européenne exige que les entreprises précisent leurs efforts de réduction de leur impact en carbone et démontrent leur alignement sur l’objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré Celsius. Les premiers rapports de durabilité devront être publiés d’ici à janvier 2025. Il est impératif de s’assurer que la loi soit strictement appliquée.

Je m’inquiète des propos du Premier ministre, qui a annoncé une forme de moratoire sur l’application de cette directive CSRD. Outre qu’il s’agit d’une compétence européenne, le déploiement de cette norme est essentiel pour assurer la transparence et l’engagement des entreprises dans la lutte contre le dérèglement climatique. La perspective d’un report en la matière nous inquiète fortement.

M. Carlos Martens Bilongo, rapporteur spécial. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF1862 de la commission des affaires économiques

M. Charles Fournier, rapporteur pour avis. France 2030 couvre le sujet déterminant des matériaux critiques, lequel échappe quelque peu au contrôle démocratique. Le rapport de Philippe Varin n’a jamais été présenté au Parlement. J’ai bataillé pour l’obtenir et j’ai reçu un exemplaire dont plusieurs parties étaient floutées. Mais des industriels disposent de la version exhaustive à laquelle les parlementaires n’ont pas accès… Il y a là un vrai problème.

Allons-nous rouvrir des mines ou importer du lithium de Chine ? Quel type de souveraineté souhaitons-nous ? Un sujet aussi important ne peut pas échapper au contrôle des citoyens. L’amendement vise à demander, par le biais d’un rapport, l’instauration d’une concertation sur cette question qui emporte toute la transition énergétique et la réindustrialisation de notre pays.

M. Carlos Martens Bilongo, rapporteur spécial. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF1674 de M. Jacques Oberti

M. Jacques Oberti (SOC). Cet amendement vise à demander au Gouvernement un rapport pour évaluer l’impact de la mission dans un secteur très particulier, celui des démonstrateurs de la ville durable.

M. Carlos Martens Bilongo, rapporteur spécial. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux crédits de la mission Plan de relance, qui ne font l’objet d’aucun amendement, ni d’explications de vote.

La commission adopte les crédits de la mission Plan de relance non modifiés.

 

Mission Remboursements et dégrèvements (Mme Christine Pirès Beaune, rapporteure spéciale)

Mme Christine Pirès Beaune, rapporteure spéciale. La mission Remboursements et dégrèvements occupe une place à part dans le budget général de l’État. C’est la mission la plus importante en termes de volume mais ses crédits ne correspondent pas, à proprement parler, à des dépenses mais à des moindres recettes. La mission retrace ainsi l’ensemble des restitutions que l’administration fiscale est conduite à verser aux contribuables, qu’il s’agisse du fonctionnement normal de l’imposition en question – par exemple, la TVA –, de l’application d’un avantage fiscal comme le crédit d’impôt ou encore d’une correction du montant dû par le contribuable, ce qui arrive notamment à la suite de contentieux.

Le PLF pour 2025 prévoit que les remboursements et dégrèvements dépasseront légèrement les 147 milliards, ce qui ne représente pas loin de 30 % des recettes fiscales brutes. Ce montant est en augmentation de 6,7 milliards par rapport à l’évaluation faite en loi de finances pour 2024, soit une hausse de 4,7 %. Le montant des remboursements et dégrèvements ayant trait aux seuls impôts d’État, objets du programme 200, atteindra un record historique.

Cette progression importante est essentiellement due aux restitutions liées à la « mécanique de l’impôt » : elle témoigne d’une prévision en hausse des remboursements d’excédents d’acompte d’impôt sur les sociétés (IS), de crédits de TVA ainsi que de trop-perçus d’impôt sur le revenu.

S’agissant des excédents d’impôt sur les sociétés, le PLF anticipe un bond d’un peu plus de 4 milliards. En réalité, cela traduit d’abord une sous-estimation des remboursements au cours de cette année, de l’ordre de 7 milliards. Cette différence s’explique par la révision à la baisse particulièrement importante de la prévision de croissance du bénéfice fiscal en 2023, laquelle n’a pas dépassé 1 % alors qu’elle était attendue à 14 %. Pour la direction générale des finances publiques (DGFiP), l’erreur d’estimation du bénéfice fiscal au niveau agrégé n’explique pas tout : il y aurait aussi le constat d’une forte dispersion des bases imposables des sociétés, autrement dit une évolution hétérogène de celles-ci selon le secteur d’activité ou la taille de l’entreprise.

L’impact de ces erreurs de prévision est fort. Le dynamisme des restitutions d’impôt sur les sociétés au titre de la mécanique de l’impôt est en effet responsable de la majeure partie de la hausse des crédits de la mission.

Il faut également relever la hausse de 1,4 milliard des remboursements de trop-perçus d’impôt sur le revenu du fait de l’indexation du barème sur l’inflation. Quant aux restitutions de crédits de TVA, ils devraient augmenter d’environ 1 milliard, une progression relativement modeste sur un montant total de 80 milliards.

Au-delà des remboursements liés à la mécanique de l’impôt, j’observe une hausse de 1 milliard des restitutions consécutives à l’application de crédits d’impôt, essentiellement le crédit d’impôt pour les services à la personne (Cisap) et le crédit d’impôt pour dépenses de recherche (CIR). Ces deux dépenses fiscales devraient coûter aux finances publiques respectivement 6,9 et 7,8 milliards. Comme vous le savez, leur réforme a fait l’objet de longs débats lors de l’examen de la première partie du PLF en commission, mais aussi en séance pour ce qui concerne le Cisap. Je ne peux que redire mon étonnement devant le souhait du Gouvernement de ne pas vouloir réduire le coût de ces dispositifs alors qu’il cherche à réaliser des économies pour contenir le déficit.

Enfin, quelques mots sur le programme 201, Remboursements et dégrèvements d’impôts locaux, qui ne regroupe plus que 3 % des crédits de la mission du fait des réformes de la fiscalité locale des dernières années, notamment la suppression de la taxe d’habitation (TH). Leur hausse ne devrait atteindre qu’une centaine de millions d’euros, ce qui est évidemment modeste par rapport aux ordres de grandeur de la mission. Ils incluent tout de même une augmentation de 42 % des dégrèvements de taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS), conséquence des dysfonctionnements du déploiement de la plateforme « Gérer mes biens immobiliers » à l’été 2023, lesquels ont conduit l’État à dégrever environ 900 millions de plus que prévu au cours de cette année. J’en profite, monsieur le président, pour rappeler que j’aimerais présenter le rapport de la mission d’information sur la question dont j’étais la co-rapporteure avant la dissolution de notre assemblée.

En conclusion, et malgré ces observations, je vous invite à voter les crédits de cette mission, c’est-à-dire à en prendre acte. Je vous rappelle, en effet, que ces crédits sont évaluatifs et ne sont que la conséquence des mesures fiscales en vigueur.

M. le président Éric Coquerel. S’agissant du rapport de la mission d’information, je sollicite à nouveau nos collègues du groupe Ensemble pour la République pour nommer un co-rapporteur en remplacement de M. Robin Reda.

 

Article 42 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-CF1336 de M. Aurélien Le Coq

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Il vise à assurer la cohérence entre la réduction des niches fiscales sur l’impôt sur les sociétés, qui doit impérativement être faite dans la première partie du PLF, et les crédits évaluatifs de la mission Remboursements et dégrèvements.

Alors que la prévision des recettes de l’IS en 2024 était de 91,3 milliards, celles-ci ne seront probablement que de 84 milliards, soit un manque à gagner de plus de 7 milliards pour l’État. Les attentes pour 2025 sont encore plus pessimistes puisque le produit de l’IS ne devrait pas dépasser 79 milliards.

Malgré cette baisse en valeur, les remboursements aux entreprises croissent de près de 4,2 milliards. S’il ne s’agissait que de remboursements et de dégrèvements mécaniques, ces montants devraient suivre la même trajectoire baissière. Dit autrement, les prévisions du Gouvernement montrent l’augmentation du coût des niches fiscales sur l’IS.

Nous proposons donc d’assurer une cohérence entre les remboursements et le produit de l’impôt et de diminuer les premiers afin de réaliser des économies.

Mme Christine Pirès Beaune, rapporteure spéciale. Je partage évidemment votre inquiétude sur l’augmentation considérable du coût du CIR au cours des dernières années – nous sommes plusieurs à avoir déposé des amendements pour en réduire le coût. Cela étant dit, les crédits de la mission Remboursements et dégrèvements ne sont qu’évaluatifs : quel que soit leur montant, un crédit d’impôt devra être payé. Pour réduire le coût des niches, il faut adopter les amendements portant sur les crédits d’impôt en première partie du PLF, pas sur cette mission. Je vous demande donc de retirer l’amendement. À défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux explications de vote.

M. Mickaël Bouloux (SOC). Suivant la recommandation de notre rapporteure spéciale, nous voterons en faveur de ces crédits. Autrement dit, nous prenons acte de leur montant, mais sans soutenir la politique fiscale qu’ils reflètent.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Que les remboursements de THRS atteignent 130 millions alors que le produit de la taxe est de l’ordre de 1 milliard montre à quel point le dispositif « Gérer mes biens immobiliers » est un échec : personne n’y a rien compris et l’on se retrouve avec des remboursements de l’ordre de 13 % du produit du prélèvement !

Mme Christine Pirès Beaune, rapporteure spéciale. Vous avez raison. C’est pour cela que j’avais demandé l’instauration d’une mission d’information, dont j’aimerais vraiment vous présenter le rapport. Je souhaite tout de même défendre les fonctionnaires de la DGFiP, car les problèmes ne sont que la conséquence de l’absence d’évaluation et d’étude d’impact de la réforme de la THRS. Les agents ont dû gérer un nombre énorme de réclamations et la situation n’est pas du tout satisfaisante.

La commission adopte les crédits de la mission Remboursements et dégrèvements non modifiés.

 

Article 45 et état G : Objectifs et indicateurs de performance

Amendement II-CF819 de Mme Christine Pirès Beaune

Mme Christine Pirès Beaune, rapporteure spéciale. Adopté l’année dernière par notre commission, cet amendement vise à doter le programme 201 d’un nouvel objectif assorti d’un indicateur de performance.

Le but est de mesurer le nombre de dégrèvements de taxes foncières liés à une erreur d’attribution, dont l’origine provient souvent des délais d’enregistrement des mutations immobilières par les services de la publicité foncière, lesquels ont perdu beaucoup d’effectifs. Le délai de mise à jour du fichier immobilier était passé de quatre-vingt-quatre jours en 2017 à plus de cent vingt jours au milieu de l’année 2022. Il s’est heureusement réduit mais il convient de faire de la diminution des contentieux un objectif du programme 201, d’autant que ce dernier ne compte plus qu’un indicateur, qui plus est désuet depuis la réforme de la TH.

Mme Véronique Louwagie (DR). Je tiens à vous féliciter, madame la rapporteure spéciale, d’avancer une proposition de cette nature. Cette approche est plus valorisante pour l’Assemblée nationale que la sempiternelle demande de rapports au Gouvernement. La commission des finances doit en effet privilégier les dispositifs d’évaluation.

La commission adopte l’amendement.

 

Après l’article 64

Amendement II-CF821 de Mme Christine Pirès Beaune

Mme Christine Pirès Beaune, rapporteure spéciale. Celui-ci aussi avait été adopté par la commission l’an dernier. Il vise à compléter les informations communiquées au Parlement par le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie au sujet des remises et des transactions à titre gracieux, des règlements d’ensemble et des conventions judiciaires d’intérêt public, car le rapport annuel sur la question est extrêmement léger. Dans son rapport public de 2018, la Cour des comptes rappelait que le règlement d’ensemble était une pratique dépourvue de fondement légal et estimait nécessaire de clarifier le dispositif. Il serait utile que les présidents des commissions des finances du Parlement et leurs deux rapporteurs généraux disposent de davantage d’éléments afin éventuellement d’agir.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-CF818 de Mme Christine Pirès Beaune

Mme Christine Pirès Beaune, rapporteure spéciale. Le président, le rapporteur général et les députés de Corse ont signé cet amendement dont l’objet est de demander, à la suite d’une mission que nous avions conduite, la rédaction d’un rapport d’évaluation que je ne suis pas capable de faire seule sur le crédit d’impôt pour investissements en Corse (CIIC). La commission a adopté quelques amendements à la première partie du PLF sur le sujet, mais il nous manque des éléments sur ce crédit d’impôt.

La commission adopte l’amendement.

 

 

Mission Régimes sociaux et de retraite et compte d’affectation spéciale Pensions (M. Aurélien Le Coq, rapporteur spécial)

M. Aurélien Le Coq, rapporteur spécial. Je tiens tout d’abord à souligner les conditions particulières dans lesquelles l’ensemble des rapports spéciaux ont dû être élaborés, dues au retard pris par le Gouvernement pour transmettre le PLF à l’Assemblée nationale. Nous avons dû organiser la plupart des auditions dans la précipitation, notamment celle avec la direction du budget, et certaines d’entre elles n’ont tout simplement pas pu se tenir, à mon grand regret.

Mon rapport spécial porte sur le compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions, pour les fonctionnaires civils ou militaires retraités, et sur la mission Régimes sociaux et de retraite, autrement dit les régimes spéciaux.

En 2025, les crédits du CAS Pensions s’élèveront à 68,5 milliards, en hausse de 900 millions en un an, soit + 1,3 %, bien loin de l’inflation. Historiquement, le CAS Pensions répond à l’engagement pris par l’État à l’égard des fonctionnaires de payer leurs pensions. Le Gouvernement remet en cause cet engagement en décidant de décaler la date de revalorisation des pensions du 1er janvier au 1er juillet : ainsi, 850 millions ne seront pas versés aux pensions de la fonction publique d’État. À titre d’information, une revalorisation au 1er janvier des seules pensions inférieures ou égales à 1 200 euros n’aurait représenté que 85 millions. Non seulement le Gouvernement fait les poches des retraités de la fonction publique, mais il n’épargne même pas les plus précaires, le tout pour une économie modique ! Cela est particulièrement dramatique si on prend en compte les dizaines de milliards de recettes supplémentaires que nous sommes parvenus à faire adopter par amendement en séance publique.

Le solde cumulé du CAS Pensions semble se dégrader : excédentaire de 7,8 milliards en 2023, il devrait diminuer de 3,5 milliards en 2024 et de 1,1 milliard l’année prochaine. Cette détérioration s’explique par les politiques démographiques de la fonction publique fondées sur le tarissement des recrutements. En outre, le solde n’a pas beaucoup de sens puisqu’il se calcule à partir d’un taux de cotisation employeur des opérateurs publics qui va augmenter pour la première fois depuis dix ans et qui n’est autre qu’une variable d’équilibre de nature comptable : l’État cotise et verse en même temps, le CAS Pensions ne fonctionnant pas comme une caisse. L’augmentation du taux est l’effet conjugué du développement des primes, qui représentent en moyenne près d’un quart des rémunérations des fonctionnaires, et du gel du point d’indice entre 2010 et 2016 puis entre 2017 et 2022. L’une des solutions serait de revaloriser de 10 % le point d’indice. La seule question légitime sur les pensions est d’ailleurs celle de leur montant.

L’un des effets de la cotisation employeur est qu’elle est imputée sur certains budgets, certes pas ceux des ministères mais ceux de certains opérateurs publics, notamment les universités. L’effet de cette intégration est donc d’encourager les structures à contractualiser et à ne pas recruter de nouveaux fonctionnaires.

La question de l’incorporation des primes dans la rémunération et le calcul des retraites des fonctionnaires se pose, de même que celle de l’inégalité entre les femmes et les hommes. Depuis la réforme de 2003, la bonification des trimestres est différente entre les secteurs privé et public et le système de comptabilité désavantage les femmes fonctionnaires.

Je donne un avis défavorable à l’adoption des crédits du CAS Pensions à cause du décalage d’un semestre de la revalorisation des retraites par rapport à l’inflation.

 

Article 42 et état B : Crédits du budget général

L’amendement II-CF300 de M. Matthias Renault est retiré.

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Nous avions, l’année dernière, prévu de suivre en temps réel l’impact des différents amendements adoptés sur les programmes concernés. Cela sera-t-il le cas cette année ?

M. le président Éric Coquerel. Oui. Ce suivi est précieux, y compris pour les auteurs des amendements.

Mme Véronique Louwagie (DR). Le cas s’est présenté pour la mission Économie, pendant votre absence, monsieur le président.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux explications de vote sur les crédits de la mission.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous voterons contre ces crédits car nous souhaitons l’indexation des pensions, qu’elles soient supérieures ou inférieures aux 1 200 euros évoqués par le rapporteur spécial.

M. David Amiel (EPR). Notre groupe est favorable aux crédits de la mission, d’autant que le débat sur le niveau d’indexation des pensions aura lieu par ailleurs.

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Nous voterons contre ces crédits.

Mme Véronique Louwagie (DR). Le versement des pensions devant évidemment être maintenu, notre groupe votera ces crédits. Nous exprimons cependant des réserves quant au report de l’indexation sur l’inflation.

Mme Sophie Mette (Dem). Nous saluons l’intégration des crédits des régimes spéciaux de l’Opéra national de Paris et de la Comédie française dans la mission Régimes sociaux et de retraites. Nous sommes donc favorables à ces crédits.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Le rapporteur spécial a soulevé un problème déjà signalé par ses prédécesseurs, à savoir la nécessité de faire apparaître clairement la contribution de l’État et celle des autres employeurs. Si les retenues pour pension des personnels civils sont globalement alignées sur celles du régime général, le taux de cotisation employeur dont s’acquitte l’État a augmenté de 4 points, pour s’établir désormais à 78,28 %, ce qui pose un problème d'équité entre le régime général et celui applicable aux pensions civiles. En effet, quand les cotisations du régime général augmentent, la hausse est généralement partagée entre employeur et salariés, à l’issue de négociations. Définir un taux de cotisation identique pour des régimes qui ne présentent pas les mêmes avantages pose un problème de justice.

La situation des autres régimes accuse elle aussi un manque de cohérence. Pourquoi, par exemple, avoir décidé de maintenir les régimes de la Comédie française et de l’Opéra national de Paris mais de mettre en extinction ceux de la Banque de France ou de la Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaire ?

Malgré ces réserves, le groupe LIOT votera en faveur des crédits de la mission.

M. Gérault Verny (UDR). Nous sommes quant à nous défavorables à ces crédits.

La commission rejette les crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite.

 

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux crédits du compte d’affection spéciale Pensions.

Article 44 et état D : Crédits des comptes d’affectation spéciale et des comptes de concours financiers

Amendement II-CF1257 de M. Christophe Bex

Mme Alma Dufour (LFI-NFP). Nous proposons de dégager les moyens nécessaires à la revalorisation du point d’indice des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre. Ces pensions, exclusivement prises en charge par la solidarité nationale, doivent être à la hauteur des besoins matériels d'existence des anciens combattants qui ont fait don de leurs corps et de leur esprit à la nation, mais aussi des victimes civiles de la guerre ou d'actes de terrorisme commis depuis le 1er janvier 1982.

Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission adopte l’amendement.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux explications de vote sur les crédits du compte d’affectation spéciale.

Mme Christine Arrighi (EcoS). Les crédits de ce compte d’affectation spéciale, tout comme ceux de la mission Régimes sociaux et de retraite, sont essentiels pour garantir la pérennité de notre système et le versement de pensions dignes. Ce débat est d’autant plus crucial que les projections démographiques et les tensions budgétaires ne cessent de nous rappeler combien il est urgent de rendre notre système à la fois juste et durable.

Les retraites ne sont pas un coût pour l’État : elles constituent un pilier de notre pacte social. Nous devons donc veiller à ne pas les compromettre par des réformes purement comptables, qui viseraient à réduire les dépenses sans penser aux conséquences humaines et sociales ni aux effets sur l’adhésion collective à notre pacte républicain. Cette absence de vision à long terme, qui caractérise la politique du Gouvernement et dont ce budget constitue un exemple supplémentaire, risque de fragiliser les pensions et les acquis sociaux, alors même que la précarité des retraités s’accentue et que les inégalités se creusent. La demande de suppression de la récente réforme des retraites en témoigne.

Nous voterons pour les crédits proposés.

La commission adopte les crédits du compte d’affectation spéciale Pensions modifiés.

 

Mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales et compte d’affectation spéciale Développement agricole et rural (M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial)

M. Vincent Trébuchet, rapporteur spécial. L’examen du budget de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales revêt cette année une importance particulière, dont témoigne le nombre d’amendements déposés. Le secteur agricole s’est effet engagé l’hiver dernier dans une mobilisation historique, en réaction aux multiples difficultés auxquelles il doit faire face : rentabilité et compétitivité des exploitations, protection contre la concurrence internationale, renouvellement des générations, adaptation au changement climatique.

Du fait de la dissolution de l’Assemblée nationale en juin dernier, le projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture, certes très lacunaire, n’a pu être adopté, malgré l’urgence. Les promesses du précédent gouvernement ne sont pas toutes tenues, loin de là. Dès demain, peut-être dès ce soir, les agriculteurs sont prêts à redescendre sur les ronds-points – ils ont muré hier soir la préfecture de mon département, l’Ardèche –, et ce d’autant que l’Union européenne est en train d’aliéner notre souveraineté alimentaire et agricole, comme le montre l’accord sur le point d’être signé avec le Mercosur (Marché commun du Sud). Je lance un appel au Gouvernement : ce traité est le fruit de trente ans d’abandon de souveraineté depuis Maastricht. Ne capitulez pas une énième fois !

L’agriculture, symbole d’excellence et pilier de notre économie et de notre patrimoine, mérite toute notre attention et tout notre engagement. Elle est synonyme de qualité, de diversité, de savoir-faire. Les agriculteurs, véritables artisans de la terre, sont les garants de notre sécurité alimentaire.

Le budget que nous examinons ce soir doit être à la hauteur de tous ces enjeux. Il convient toutefois de le recontextualiser : la deuxième partie du PLF n’est qu’un instrument parmi d’autre du soutien à l'agriculture française. La mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales et le compte d’affectation spéciale Développement agricole et rural ne représentent que 19 % du budget total de l’agriculture, soit 4,6 milliards d’euros sur 25. Le reste des financements est constitué de crédits budgétaires d’autres missions et programmes – Recherche et enseignement supérieur, Enseignement technique agricole, Plan de relance –, d’allègements fiscaux et sociaux dont nous n'avons malheureusement pas pu discuter en séance publique, des charges de la MSA (Mutualité sociale agricole) et des près de 10 milliards d’aides attribuées par l’Union européenne dans le cadre de la PAC (politique agricole commune).

Sur le strict périmètre de la mission et du compte d’affectation spéciale, le budget diminue de 13 % en autorisations d’engagement et de 6,4 % en crédits de paiement, dans un contexte global de restrictions budgétaires. Nous ferions pourtant mieux de voter un PLF anticipant les crises au lieu de réagir en cours d’exercice budgétaire, comme nous le faisons désormais de façon récurrente.

La baisse observée est principalement liée à la chute de près de 50 % des crédits dédiés à la planification écologique. Lors des différentes auditions que j’ai conduites en tant que rapporteur spécial, aucune raison politique ou technique ne m’en a été donnée, peut-être parce qu’aucune étude d’impact n’a été menée sur les mesures déjà engagées. Le ministère lui-même s’est révélé totalement incapable de faire un retour sur la bonne utilisation des centaines de millions d’euros engagés les années précédentes. Les coupes budgétaires de cette année semblent tout aussi arbitraires, les administrations centrales donnant le sentiment d’avoir été à peine consultées, dans les conditions tout à fait inédites ayant présidé à l’élaboration de ce PLF.

Mon premier sentiment face au budget alloué à la planification écologique, qui connaît d’une année sur l’autre des variations gigantesques, avoisinant le milliard d’euros, ne peut être que l’étonnement. Je ne m’explique pas la légèreté dont témoignent tant sa construction que ses variations colossales, quand le reste du budget de la mission est géré avec une telle rigidité que les agriculteurs sont régulièrement contraints de descendre dans la rue pour obtenir des indemnisations de quelques millions d’euros. Ce contraste frise l’indécence.

Je donnerai donc un avis défavorable aux amendements tendant à renforcer cette partie du budget vert. Pour nous mettre à l’abri de ses fluctuations, lui redonner de la cohérence et offrir de la visibilité aux agriculteurs qui souhaitent s’engager dans la transition agroenvironnementale, nous devons privilégier les éléments déjà existants dans le budget consacré à l’agriculture, hors de la planification écologique. Je suis ainsi favorable à une hausse du budget national alloué par ailleurs aux mesures de transition agroécologique.

Le contexte sanitaire auquel sont confrontés les éleveurs, notamment l’épidémie de fièvre catarrhale ovine, appelle une deuxième remarque : le budget dédié à la lutte contre les maladies animales stagne. Le ministère semble enfermé dans une logique problématique de gestion de crise permanente. Alors qu’il est à peu près évident que l’épizootie engendrera des dépenses supplémentaires pour l’État, pourquoi ne pas prévoir dès à présent un budget qui en tienne compte ? En procédant comme nous le faisons, nous ne faisons que signifier aux éleveurs qu’ils devront une fois de plus se battre pour obtenir l’aide au déploiement des mesures sanitaires qui s’imposeront et l’indemnisation des pertes subies.

Plus généralement, le ministère de l’agriculture doit se doter de moyens suffisants pour prévenir les crises. Je me réjouis évidemment qu’il gagne souvent les arbitrages et puisse débloquer des crédits lorsque la situation l’exige, mais une stratégie de prévention permettrait de réduire le coût global de ces épisodes, surtout dans le domaine sanitaire. Je serai donc favorable à l‘augmentation des crédits alloués à la stratégie vaccinale du ministère.

Telle est donc la vision que je défendrai : beaucoup plus de sérieux et de bon sens dans la gestion des crédits alloués à la planification écologique ; un renforcement des mesures de lutte contre les maladies animales et d’indemnisation des pertes ; et une stratégie de prévention des risques plus affirmée.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques (Développement agricole et rural). Les débats nourris et constructifs qui se sont tenus en commission des affaires économiques à propos de cette mission témoignent de la volonté des parlementaires de tous bords de soutenir notre agriculture et de l’aider à relever les nombreux défis qui se présentent à elle, à commencer par celui de la transition agroécologique. Les amendements que la commission des affaires économiques a adoptés l’ont conduite à donner un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales, en l’assortissant de plusieurs réserves.

D’abord, alors que les crédits consacrés à la planification écologique diminuent fortement, le Gouvernement doit s’engager à définir une trajectoire de progression pour les trois prochaines années, avec l’objectif de consacrer à nouveau 1 milliard euros par an à l’accompagnement des filières dans la transition agroécologique.

Par ailleurs, cette baisse ne doit pas remettre en cause les crédits consacrés au plan de souveraineté de la filière fruits et légumes, qui doivent être sanctuarisés. Toute diminution du plafond d'emplois de l’Office national des forêts doit également être exclue.

Enfin, pour mieux répondre aux crises sanitaires, l’État doit définir, en lien avec les filières d’élevage, une doctrine d’accompagnement de la vaccination animale, en définissant des schémas de financement précis et adaptés à chaque filière. En ce sens, la commission des affaires économiques a adopté un amendement visant à augmenter de 150 millions les crédits de l’action 02 Lutte contre les maladies animales, protection et bien-être animal du programme 206 Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation. Intégrer ces dépenses à la loi de finances initiale plutôt que de les traiter en fin d’exercice serait une première étape pour inciter l’État à sortir de la logique de gestion de crise en matière de vaccination. Cet amendement a malheureusement été déclaré irrecevable par la commission des finances. Si vous pouviez m’éclairer sur les motifs de cette décision, je le retravaillerai en vue de la séance publique. Nous le devons aux agriculteurs.


Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

 

 

Réunion du lundi 28 octobre 2024 à 15 heures

Présents. - M. Franck Allisio, M. David Amiel, Mme Christine Arrighi, M. Jean-Pierre Bataille, M. Laurent Baumel, M. Jean-Didier Berger, M. Carlos Martens Bilongo, M. Anthony Boulogne, M. Mickaël Bouloux, M. Philippe Brun, M. Michel Castellani, M. Eddy Casterman, M. Thomas Cazenave, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Sébastien Delogu, M. Jocelyn Dessigny, Mme Alma Dufour, Mme Mathilde Feld, M. Emmanuel Fouquart, M. Charles Fournier, M. David Guiraud, M. Pierre Henriet, M. Philippe Juvin, Mme Constance Le Grip, M. Aurélien Le Coq, M. Mathieu Lefèvre, M. Jérôme Legavre, Mme Claire Lejeune, M. Philippe Lottiaux, Mme Véronique Louwagie, Mme Claire Marais-Beuil, M. Denis Masséglia, Mme Sophie Mette, M. Nicolas Metzdorf, M. Jacques Oberti, Mme Sophie Pantel, Mme Christine Pirès Beaune, M. Matthias Renault, M. Charles Rodwell, M. Alexandre Sabatou, M. Emeric Salmon, Mme Eva Sas, M. Jean-Philippe Tanguy, M. Vincent Trébuchet, M. Gérault Verny, M. Éric Woerth

Excusés. - M. Christian Baptiste, M. Jean-Paul Mattei, Mme Yaël Ménaché, M. Charles Sitzenstuhl, M. Emmanuel Tjibaou

Assistaient également à la réunion. - M. Stéphane Delautrette, Mme Stella Dupont, M. Jean-Luc Fugit, M. Robert Le Bourgeois, Mme Manon Meunier, M. Paul Midy, Mme Valérie Rossi