Compte rendu
Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire
– Examen de la seconde partie du projet du projet de loi finances pour 2025 (n° 324) (M. Charles de Courson, rapporteur général) ; examen et vote sur les crédits des missions :
– Sport, jeunesse et vie associative (M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial) 2
– Engagements financiers de l’État (M. Kevin Mauvieux, rapporteur spécial) 27
– Participations financières de l’État ; Prêts et avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics (M. Philippe Brun, rapporteur spécial) 36
– Présences en réunion...........................44
Mercredi
30 octobre 2024
Séance de 21 heures
Compte rendu n° 035
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Éric Coquerel,
Président
— 1 —
La commission examine la seconde partie du projet du projet de loi finances pour 2025 (n° 324) (M. Charles de Courson, rapporteur général)
Mission Sport, jeunesse et vie associative (M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial)
M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. Les crédits de la mission Sport, jeunesse et vie associative pour 2025 baissent de 84 millions en autorisations d’engagement (AE) et de 131 millions en crédits de paiement (CP), soit une diminution de 4,9 % et 12,8 %.
Ces chiffres sont toutefois à relativiser. Si l’on prend en compte le décret d’annulation de février 2024, on note une augmentation de 6,3 % en AE et de 2,6 % en CP par rapport aux crédits disponibles après annulation.
Les dotations du programme Jeunesse et vie associative progressent de 4 % avec 36 millions supplémentaires, et même de 21 % compte tenu de l’annulation de 130 millions en 2024. Ces crédits permettent de maintenir les objectifs pour l’ensemble des dispositifs : les 80 millions d’euros supplémentaires destinés au service civique ont vocation à financer 150 000 contrats, un nombre identique à l’année 2024 ; 66 000 jeunes devraient bénéficier du SNU (service national universel) comme cette année ; 40 millions sont consacrés aux colos apprenantes.
Je salue le soutien important de l’État à la vie associative : tous ministères confondus, les associations bénéficient de 11,7 milliards de subventions. Le programme comprend également 4,7 milliards de dépenses fiscales et 68 millions destinés au FDVA (fonds pour le développement de la vie associative).
Le Gouvernement a toutefois annoncé son intention de déposer un amendement visant à réduire de 55 millions les crédits du programme sans plus de précision sur les actions concernées.
Le programme 350 Jeux olympiques et paralympiques 2024, pour sa dernière année, est doté de 3 millions en AE et de 48 millions en CP, conformément à la trajectoire prévue.
Les subventions au Cojop (Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques) ayant toutes été versées ces trois dernières années, seule la Solideo (Société de livraison des ouvrages olympiques) bénéficie de crédits résiduels afin de garantir le financement de l’héritage matériel des Jeux. Il s’agit par exemple de l’installation des dix-huit bassins de natation en Seine-Saint-Denis.
L’été 2024 a été une grande réussite pour le monde sportif et plus largement pour l’image de la France. Pourtant, le programme 219 Sport supporte l’essentiel des baisses de crédits de la mission. Les CP diminuent ainsi de 182 millions, soit plus de 23 %. Cela s’explique pour un tiers – 59 millions – par l’extinction des dispositifs exceptionnels mis en place pendant les Jeux : les primes aux médaillés, le programme Gagner en France, la grande cause nationale ou encore la billetterie populaire. En outre, les crédits de l’action Développement du sport de haut niveau, qui a démontré son efficacité pendant les Jeux, restent stables avec 313 millions.
La baisse de 116 millions des crédits du programme affecte tout particulièrement le plan « 5 000 terrains de sport - Génération 2024 » qui permet la construction et la rénovation des équipements sportifs de nos territoires. Alors que 9,4 millions ont été annulés en exécution, le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 ne comporte aucun crédit tandis que la prévision pour 2026 ne réintègre pas les 100 millions initialement prévus. On peut donc s’interroger sur la pérennité de ce plan pourtant plébiscité par les acteurs du monde sportif et les collectivités territoriales, celles-ci finançant en moyenne 45 % des équipements.
De même, les crédits alloués au pass’sport sont réduits de 10 millions à la faveur d’une révision de son ciblage. Pourtant, toutes les personnes auditionnées me l’ont confirmée, il devrait connaître une utilisation record, grâce aux Jeux, avec 1,7 voire 1,8 million de jeunes bénéficiaires.
Si les baisses de crédits répondent à la nécessité de garantir la viabilité de nos finances publiques, on ne peut pas faire fi des actions engagées ces dernières années afin de développer le sport pour tous. C’est la raison pour laquelle j’avais déposé un amendement sur la première partie visant à relever de 116 millions le plafond de la taxe sur les paris sportifs en ligne affectés à l’Agence nationale du sport (ANS), amendement qui a été adopté. Je présenterai tout à l’heure son pendant dans la seconde partie. Je vous invite à l’adopter afin que le budget du sport s’inscrive dans l’héritage des Jeux olympiques et paralympiques.
Mme Florence Herouin-Léautey, rapporteure pour avis au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation (Jeunesse et vie associative). La hausse des crédits du programme 163 est en trompe-l’œil puisqu’elle sert à reconstituer la trésorerie de l’Agence du service civique pour 81 millions. Cette revalorisation permet tout juste de maintenir l’objectif des années précédentes, à savoir proposer 150 000 missions à de jeunes volontaires.
Les crédits des trois autres actions diminuent, en particulier et de manière significative ceux dédiés au SNU. Après six années de balbutiements expérimentaux non concluants, ces crédits devraient décroître de 20 % pour s’établir à 128 millions. Le ministre nous a d’ailleurs indiqué hier qu’il envisageait une baisse supplémentaire de 49 millions, faisant passer de 66 000 à 35 000 le nombre de jeunes pouvant effectuer un séjour dit de cohésion.
Le SNU n’a ni suscité l’engagement espéré, ni favorisé la mixité, ni renforcé la cohésion de la nation. En résumé, c’est un zéro pointé pour l’intérêt général et l’émancipation. En revanche, il a englouti allègrement chaque année des sommes considérables pour un faible nombre de bénéficiaires – très loin des 800 000 jeunes qui constituent une classe d’âge. Une seule solution s’impose à ce stade : le supprimer et réaffecter ses crédits pour soutenir le monde associatif, en particulier les associations d’éducation populaire.
L’action en faveur de la jeunesse pâtit par ailleurs de la multiplication des dispositifs, se recoupant parfois, relevant de ministères différents souvent, et rendant l’ensemble illisible pour tout le monde, à commencer par les principaux intéressés, les jeunes, leurs familles et les associations d’éducation populaire. Or un empilement de dispositifs ne fait pas une politique publique. Songez à la coexistence des vacances apprenantes relevant du ministère de l’éducation nationale, des colos apprenantes relevant du programme 163, et désormais du pass colo, géré par les caisses d’allocations familiales (CAF) qui s’ajoute au dispositif Vacaf.
Si la dotation des colos apprenantes reste stable avec 40 millions, le dispositif mériterait d’être repensé de manière à éviter la confusion et à encourager davantage les départs.
Une grande loi d’orientation en faveur de la jeunesse, de l’éducation populaire et du monde associatif serait l’occasion de passer en revue et d’harmoniser l’ensemble des politiques.
La partie thématique de mon rapport traite des mouvements d’éducation populaire, de ses valeurs et de l’intérêt qu’il conserve plus que jamais. Nous devons mener une politique beaucoup plus volontariste ; dresser un inventaire du patrimoine bâti et créer un fonds d’aide à la pierre pour sa rénovation et sa mise aux normes ; manifester un soutien résolu aux associations, qui organisent des séjours pour les mineurs en les accompagnant dans l’élaboration de leurs projets plutôt qu’en leur imposant d’entrer dans des dispositifs conçus sans eux et parfois contraires à leur philosophie.
Article 42 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-CF312 de M. Matthias Renault
M. Matthias Renault (RN). L’objet de l’amendement est d’intégrer l’ANS au sein de la direction des sports du ministère. Nous avons là un exemple criant de doublon entre un groupement d’intérêt public et une direction d’administration centrale. La Cour des comptes a d’ailleurs publié en 2022 un rapport assez critique sur l’ANS et la nouvelle gouvernance nationale du sport.
Quant à l’argument du pilotage du sport de haut niveau, le rôle de l’ANS est loin d’être convaincant alors que celui de l’Insep (Institut national du sport, de l’expertise et de la performance) et du réseau des Creps (centre de ressources, d’expertise et de performance sportive) est bien identifié.
L’amendement a une triple visée : des économies, la rationalisation des structures administratives et l’amélioration de la gouvernance du sport.
M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. Le projet de loi de finances n’est pas le lieu idoine pour supprimer une instance telle que l’ANS. En outre, la suppression des crédits qui lui sont dévolus ne ferait qu’affaiblir la politique en faveur du monde sportif.
L’ANS emploie des personnes de qualité. La réussite des Jeux et les performances du haut niveau en témoignent.
Les interrogations sur le fonctionnement et le financement de l’ANS ainsi que sur la gouvernance du sport sont légitimes mais elles ne peuvent trouver de réponse dans la suppression pure et simple de crédits. Avis défavorable.
M. Nicolas Sansu (GDR). Chacun sait que l’ANS est un objet non identifié depuis que les régions ont renoncé à s’y impliquer. Mais cela n’a pas de sens de retirer ainsi 31 millions ; ce n’est pas l’ANS qui en sera privée mais la politique sportive.
M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. L’ANS a été créée pour répondre à l’aspiration du monde sportif à une gouvernance partagée. Son évaluation entre parfaitement dans nos missions.
M. Matthias Renault (RN). L’ANS a succédé au CNDS (Centre national pour le développement du sport) dont la fonction consistait à subventionner les équipements sportifs dans les territoires. La DETR (dotation d’équipement des territoires ruraux), la DSIL (dotation de soutien à l’investissement local) et les collectivités territoriales ont pris le relais en la matière.
Il y a aujourd’hui une confusion entre les missions de l’ANS, d’un côté le financement d’équipements sportifs, de l’autre, le prétendu pilotage du sport de haut niveau.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CF1931 de M. Carlos Martens Bilongo, II-CF1908 de M. Christophe Proença, II-CF2418 de M. Benjamin Dirx, II-CF575 de Mme Soumya Bourouaha, II-CF2419 de M. Benjamin Dirx, II-CF572 de M. Frédéric Maillot, II-CF2571 de la commission des affaires culturelles et II-CF2420 M. Benjamin Dirx (discussion commune)
M. Carlos Martens Bilongo (LFI-NFP). Pour prolonger l’engouement des JO et rendre le sport plus populaire, il est proposé d’adopter un plan national d’urgence pour la construction et la rénovation des équipements sportifs – stades, piscines et gymnases – en partenariat avec les collectivités territoriales.
En la matière, la Seine-Saint-Denis est un département sous-doté avec un énorme retard à combler. Mais le plan a vocation s’appliquer à tout le territoire. L’ensemble des Français doivent pouvoir pratiquer le sport, en sécurité, dans des infrastructures dignes de ce nom.
M. Pierrick Courbon (SOC). Afin de poursuivre la promotion du sport pour tous, l’amendement II-CF1908 vise à augmenter de 150 millions les moyens dévolus au financement d’équipements sportifs.
M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. L’amendement II-CF2418 tend à rehausser de 116 millions d’euros – montant du surplus de taxe affectée à l’ANS voté en première partie – les crédits du programme Sport.
Ces crédits supplémentaires ont vocation à compenser notamment la perte de 10 millions sur le pass’sport ; de 6 millions de taxes affectées à l’ANS ; et de 100 millions sur le plan Génération 2024.
Les amendements II-CF2419 et II-CF2420 sont des amendements de repli.
M. Nicolas Sansu (GDR). L’amendement II-CF575 est identique à celui du rapporteur. Il s’agit d’affecter les recettes que nous avons votées en première partie en déplafonnant la taxe sur les paris sportifs afin de conforter ce qui est mis à mal par le projet de budget – les équipements sportifs, les animateurs, etc.
M. Carlos Martens Bilongo (LFI-NFP). L’amendement adopté par la commission des affaires culturelles est un amendement de repli puisqu’il propose un plan d’urgence pour les équipements sportifs situés exclusivement en outre-mer.
De grands sportifs ayant porté le maillot de l’équipe de France – Teddy Riner, Marie-Jo Pérec – sont issus des territoires d’outre-mer. Or les équipements sportifs y sont totalement obsolètes. La continuité territoriale devrait être respectée pour les sportifs du quotidien dans ces territoires pourvoyeurs de magnifiques champions.
M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. Nous sommes tous ici défenseurs du sport et nous aimerions tous pouvoir lui donner les 500 millions supplémentaires que propose le premier amendement. Mais le programme Sport représente au total 694 millions en AE et 593 en CP. Il serait plus raisonnable d’adopter les amendements II-CF2418 et II-CF575 qui sont le pendant de l’amendement adopté en première partie et qui permettent de corriger la baisse des crédits.
Le plan Génération 2024 concernait les équipements sportifs de proximité dans les territoires ruraux et les quartiers prioritaires de la politique de la ville, dans lesquels la part de l’État dans le financement dépasse 50 %, ainsi que les outre-mer où la prise en charge se situe entre 80 % et 100 %. Malgré ce financement de l’État, les collectivités ne s’emparent pas toutes du dispositif pour d’autres raisons.
M. Nicolas Sansu (GDR). En adoptant un amendement prélevant 500 millions sur le programme Jeunesse et vie associative, nous risquons de ne pas pouvoir mener la discussion à son terme puisque celui-ci n’est doté que de 900 millions en CP.
M. Pierrick Courbon (SOC). L’amendement adopté par la commission des affaires culturelles propose un entre-deux, avec 150 millions. Il permet de concilier raison budgétaire et ambition pour le sport.
M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. L’amendement adopté sur la première partie prévoit une hausse du plafond de la taxe sur les paris sportifs mais aussi du taux de la taxe à due concurrence du nouveau plafond – cela représente une augmentation de six points.
Dans la discussion sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), d’autres amendements demandent une hausse de la taxe sur les paris sportifs sans affecter son produit au sport. Nous devons tous être attentifs à ce que le monde du sport bénéficie bien des recettes supplémentaires.
M. Pierrick Courbon (SOC). Les amendements que nous avons déposés en première partie visant à rehausser de manière plus significative le plafond de la taxe sur les paris sportifs n’ont pas encore été examinés.
Soyons plus ambitieux ! Le sport ne profite pas assez du dynamisme des paris sportifs et du rendement exponentiel de la taxe. Le déplafonnement de la taxe permettrait largement de financer les 150 millions que demande l’amendement II-CF1908.
Mme Claire Marais-Beuil (RN). Toutes les collectivités rêvent de superbes équipements sportifs mais prenons garde à ne pas leur faire un cadeau empoisonné. En effet, certaines d’entre elles auront des difficultés à assumer les coûts de fonctionnement et d’entretien alors que leurs dotations diminuent.
M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. Le rendement de la taxe sur les paris sportifs devrait s’élever à 213 millions. Cela ne suffit pas à financer la hausse des crédits que vous demandez.
Madame Marais-Beuil, les équipements de proximité demandent un entretien plutôt léger. L’an dernier, votre collègue Julien Odoul avait réclamé des équipements pour les territoires ruraux en regrettant le prétendu privilège dont jouissait la Seine-Saint-Denis. Les amendements concernent tant les territoires ruraux et que les QPV.
L’amendement II-CF1931 ayant été retiré, la commission adopte l’amendement II‑CF1908.
Les autres amendements tombent.
Amendement II-CF2583 de la commission des affaires culturelles
M. Pierrick Courbon (SOC). Il s’agit d’un amendement d’appel dont l’objet est de promouvoir le design actif qui permet de développer la pratique sportive, hors des terrains de sport, par le biais des aménagements urbains. Il traduit la volonté collective de faire bouger la France et les Français.
M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. Votre amendement est satisfait par l’adoption de l’amendement précédent puisque le plan Génération 2024 prévoit des actions en faveur du design actif. 30 millions sont ainsi dédiés à l’aménagement de 1 500 équipements dans les cours d’école. Par ailleurs, certaines fédérations proposent des équipements intégrant du design actif.
M. Pierrick Courbon (SOC). L’amendement vise à soutenir les collectivités, il ne concerne pas les écoles. Il n’est donc pas satisfait.
M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. Le plan Génération 2024 s’adresse dans 90 % des cas aux collectivités. Je maintiens que l’amendement est satisfait.
Je vous invite tous à faire preuve de modération dans les dépenses afin que nos amendements soient repris dans le texte définitif.
La commission adopte l’amendement.
Amendements II-CF574 de M. Frédéric Maillot et II-CF2421 de M. Benjamin Dirx (discussion commune)
M. Nicolas Sansu (GDR). L’amendement tend à indexer les dotations de l’ANS sur l’inflation.
M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. Il est largement satisfait par le vote précédent. Je vous invite à le retirer.
Les amendements sont retirés.
Amendements II-CF1098 de M. François Ruffin, II-CF573 de Mme Soumya Bourouaha et II-CF2422 de M. Benjamin Dirx (discussion commune)
M. Jean-Claude Raux (EcoS). Selon le rapport annuel de la Défenseure des droits de 2023 consacré au droit des enfants aux loisirs, au sport et à la culture, le coût des activités sportives reste le premier frein à leur accès pour tous les enfants.
Une autre étude de 2023 confirme que chez les enfants âgés de 6 à 14 ans, les non-pratiquants sont environ deux fois plus nombreux parmi les enfants d’ouvriers non qualifiés – 43 % – que parmi les enfants de cadres et de professions intellectuelles supérieures – 19 %.
Pour mettre fin à ces inégalités sociales et garantir l’accès au sport à tous les enfants, il est proposé de relever de 50 à 75 euros le montant pris en charge par le pass’sport.
M. Nicolas Sansu (GDR). Il s’agit d’augmenter les moyens dévolus au pass’sport afin de pouvoir répondre à toutes les demandes. Avant de rehausser le montant du pass’sport, essayons déjà de satisfaire tous les besoins.
M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. Je retire l’amendement II-CF2422 car il est satisfait.
Le pass’sport a été créé, à la sortie du covid, pour aider les fédérations sportives à retrouver des licenciés et pour inciter les jeunes à faire du sport. Il a été mis en place très rapidement. La première année, tous les crédits n’ont pas été consommés. La sous-exécution s’est répétée chaque année si bien que les crédits ont été abaissés à 85 millions l’année dernière. Pour utiliser l’intégralité de l’enveloppe, l’idée avait été émise de rehausser le montant pris en charge par le pass’sport.
Cette année, les crédits baissent de nouveau de 10 millions d’euros alors que le pass’sport a connu un regain d’intérêt à la suite des Jeux olympiques, mais nous n’atteindrons pas les deux millions de jeunes bénéficiaires escomptés.
L’amendement II-CF1098 représente un doublement du coût du dispositif. Mon avis est donc défavorable. Quant à l’amendement II-CF573, il est satisfait par ce que nous avons déjà voté.
M. le président Éric Coquerel. Je comprends que le dispositif ne rencontre pas le succès espéré. Sait-on pourquoi ? Le dispositif est-il vraiment adapté au but recherché, auquel j’adhère, à savoir encourager les jeunes à devenir licenciés d’une fédération sportive ?
M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. Vous avez raison, nous devons réfléchir à l’évolution du pass’sport. Que voulons-nous ? Que le plus grand nombre possible de jeunes fasse du sport. 17 millions de personnes font du sport dans le cadre fédéral et une proportion équivalente en fait hors des fédérations, ce qui les exclut du pass’sport.
Il y a plusieurs pistes évoquées dans des amendements à venir, telles que l’extension à l’Usep et à l’Unss, à laquelle je suis plutôt favorable, ou encore la modification de la tranche d’âge éligible.
M. le président Éric Coquerel. Je serai heureux d’avoir les retours des députés qui s’intéressent au sport sur l’efficacité de cet outil.
L’amendement II-CF2422 ayant été retiré, la commission rejette successivement les autres amendements.
Amendements identiques II-CF2552 de la commission des affaires culturelles et II‑CF1589 de M. Christophe Proença
M. Pierrick Courbon (SOC). Il s’agit de créer un pass’sport scolaire afin de soutenir le sport scolaire dont ont la charge deux fédérations sportives – l’Union sportive de l’enseignement du premier degré (Usep) et l’Union nationale du sport scolaire (UNSS). J’ai cru comprendre que le rapporteur n’y était pas défavorable.
À la différence des années précédentes, nous serons en surexécution cette année du fait des Jeux olympiques. Nous n’avons donc pas besoin de 23 millions. En revanche, des notes de service doivent autoriser à inclure l’UNSS et l’Usep dans le dispositif.
M. Nicolas Sansu (GDR). La bonne solution est plutôt la gratuité de l’UNSS et de l’Usep pour les collégiens et les élèves du primaire. Dans ce cas, il n’y a pas besoin du pass’sport ; une dotation à l’UNSS et à l’Usep suffit. Ce fonctionnement aurait le mérite d’être universel et d’éviter de devoir traiter des dossiers un à un – les référents de l’UNSS ont mieux à faire.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques II-CF2573 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation et II-CF1562 de M. Pierrick Courbon
M. Pierrick Courbon (SOC). Nous souhaitons étendre le pass’sport aux enfants de moins de 6 ans, afin d’encourager les activités d’éveil qui contribuent à lutter contre l’obésité précoce et à développer la psychomotricité. L’intention ne suffit pas, monsieur le rapporteur spécial, il faut y mettre les moyens.
M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. Je suis favorable à l’extension du pass’sport aux moins de 6 ans, mais cela ne justifie pas 10 millions d’euros supplémentaires ; c’est sans commune mesure avec la part que ces enfants représentent dans les licenciés. Avis défavorable.
M. le président Éric Coquerel. Le problème est surtout qu’il n’y a pas assez de professeurs d’éducation physique et sportive (EPS) et d’heures de sport à l’école. L’organisation du sport a totalement régressé au fil des ans. J’ai l’impression que nous cherchons des solutions artificielles à un problème de fond.
Mme Véronique Louwagie (DR). Nous devons accorder beaucoup plus d’importance au sport, qui crée un environnement social de partage, mais augmenter les crédits ne suffira pas pour améliorer le dispositif. Il faut une volonté politique affirmée.
Mme Claire Marais-Beuil (RN). On ne peut qu’être favorable à ce que les enfants fassent du sport, mais rares sont les clubs qui acceptent les plus petits.
M. Pierrick Courbon (SOC). L’offre est peut-être insuffisante – d’où la nécessité de soutenir les associations sportives –, il n’en reste pas moins que de nombreuses familles souhaitent inscrire leurs enfants de moins de 6 ans dans des clubs, mais se heurtent à des freins financiers.
M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. Les 100 millions du pass’sport n’ont déjà pas été entièrement consommés, et vous voudriez consacrer 10 % des crédits aux moins de 6 ans : c’est surdimensionné. Il suffit de diffuser des notes de service demandant d’accepter les enfants de cet âge.
La commission rejette les amendements.
Amendement II-CF2574 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation
M. Pierrick Courbon (SOC). Nous proposons de doubler l’enveloppe de 1 million consacrée à la promotion du sport étudiant.
M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. Les étudiants bénéficient déjà du pass’sport. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendements identiques II-CF1183 de M. Jean-Claude Raux et II-CF2575 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation
M. Jean-Claude Raux (EcoS). Le PLF accorde 7 millions aux quelque 500 maisons sport-santé, qui remplissent deux missions : informer le public et l’orienter vers des activités physiques et sportives à des fins de santé ; former les professionnels de santé, du social, du sport et de l'activité physique adaptée. Ce budget est certes en hausse, mais il reste insuffisant pour assurer la pérennité des maisons : leur niveau médian d'accompagnement public et de 12 000 euros, alors que les besoins sont de l’ordre de 50 000 euros. Nous proposons d'abonder leur budget de 9 millions.
M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. Les maisons sport-santé montent en charge et n’ont pas besoin de crédits supplémentaires. L’enjeu est surtout de les faire connaître des médecins et de la population.
La commission adopte les amendements.
Amendement II-CF2577 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation
M. Carlos Martens Bilongo (LFI-NFP). L’engagement de rendre les équipements sportifs totalement accessibles aux personnes en situation de handicap doit être tenu. Parent pauvre de notre patrimoine sportif, le handisport ne dispose que de très peu de structures adaptées. La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées imposait pourtant l’accessibilité des équipements à compter de 2015. Le baromètre national des pratiques sportives de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep) soulignait en 2022 que 53 % des personnes en situation de handicap ne pratiquaient pas d’activité physique et sportive régulière, contre 41 % de la population générale. Il faut déployer les moyens nécessaires pour rendre accessibles l’ensemble des équipements sportifs.
M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. Il est évidemment essentiel de soutenir la pratique sportive des personnes en situation de handicap – les Jeux paralympiques ont eu valeur d’exemple. En tant qu’établissements recevant du public (ERP), les installations sportives sont déjà tenues d’être accessibles à ce public. Avec 5 millions de crédits, nous pourrons à peine créer deux ou trois gymnases. Il faut aller beaucoup plus loin, voire prévoir un plan spécifique. Le plan Génération 2024 peut y contribuer, de même que les collectivités locales à travers les dotations d’équipement des territoires ruraux (DETR) et les dotations de soutien à l’investissement local (DSIL).
M. Charles Sitzenstuhl (EPR). La mise en accessibilité doit surtout passer par les subventions « classiques » que sont la DETR et la DSIL. J’insiste aussi sur le fait que les clubs n’ont pas les moyens d’acquérir du matériel pour les sportifs porteurs d’un handicap. Très peu de crédits sont fléchés à cet effet.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF2578 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation
M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. Avis défavorable. Pour information, vous avez voté plus de 165 millions de crédits supplémentaires depuis le début de nos travaux. Or, je le répète, saupoudrer des millions ne permet pas nécessairement de répondre aux besoins.
La commission adopte l’amendement.
L’amendement II-CF2423 tombe.
Amendements II-CF1555 M. Pierrick Courbon, II-CF2568 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation et II-CF571 de Mme Soumya Bourouaha (discussion commune)
M. Pierrick Courbon (SOC). Depuis qu’elle a été remplacée par le fonds pour le développement de la vie associative (FDVA), la réserve parlementaire est devenue, en réalité, une réserve préfectorale aux critères d’attribution obscurs. Cet outil est néanmoins apprécié par les associations, car il est l’un des seuls à leur offrir des subventions de fonctionnement. Nous proposons de l’abonder de 77 millions.
M. Nicolas Sansu (GDR). Je serai plus raisonnable que mes collègues socialistes révolutionnaires puisque je me contenterai de 17 millions… Les députés membres du FDVA le savent : nous n’arrivons pas à traiter toutes les demandes, même les plus intéressantes. La règle appliquée par certains départements, voulant qu’une association ne soit pas servie deux années de suite, est contraignante.
M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. Le FDVA 2 a été doté de 25 millions la première année, puis de 50 millions grâce à la reprise des comptes en déshérence. Il a ensuite été pérennisé, et ses crédits ont été portés à 70 millions ; à titre de comparaison, les associations percevaient 50 millions au titre de la réserve parlementaire. Il est rare que le FDVA finance le fonctionnement des associations ; il est généralement attribué à des projets précis. Nous pouvons nous interroger sur la manière dont il est administré – à certains égards, il est plus obscur que la réserve parlementaire. Une mission d’évaluation mériterait de s’y intéresser. Quoi qu’il en soit, je ne suis pas favorable aux augmentations de crédits que vous proposez.
Mme Perrine Goulet (Dem). Dans certains territoires, le FDVA est attribué en toute clarté. Son règlement précise qu’une association peut en bénéficier deux années de suite – pas plus –, y compris pour son fonctionnement. Avant de lancer une mission d’évaluation, il faut commencer par rappeler ces règles.
M. Pierrick Courbon (SOC). Dans mon département, le processus de décision n’est pas vraiment collégial. Nous recevons 15 % de dossiers en plus chaque année, pour 460 000 euros de crédits disponibles et plus de 3 millions de subventions appelées. Mon amendement ambitieux est donc justifié.
La commission adopte l’amendement II-CF1555.
En conséquence, les autres amendements tombent.
Amendements II-CF1920 de M. Aly Diouara et II-CF1821 de Mme Danielle Simonnet (discussion commune)
M. Carlos Martens Bilongo (LFI-NFP). Nous souhaitons créer un fonds de soutien aux structures et associations d’éducation populaire pour les jeunes, y compris pour celles qui détiennent l’agrément Jeunesse et éducation populaire (JEP) et pour les maisons des jeunes et de la culture (MJC).
La crise énergétique et l’inflation imposent de compenser les baisses substantielles de ressources de ces acteurs. L’État doit soutenir les associations les plus fragilisées par l’inflation – en 2023, selon l’Insee, les prix ont augmenté de 4,9 %. Alors que nous fêtons le quatre-vingt-unième anniversaire de l’agrément JEP, nous devons soutenir les associations agréées afin qu’ils poursuivent leurs activités indispensables d’éducation populaire.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Le budget soutient déjà les têtes de réseau nationales, mais notre amendement insiste sur l’aide à accorder aux réseaux intermédiaires qui accompagnent les associations agréées JEP. Nous proposons d’y affecter 2,4 millions supplémentaires. Il est capital de soutenir les associations locales qui œuvrent en faveur de la citoyenneté, de la santé mentale, de la mobilité et de l’émancipation des jeunes – et j’en passe.
M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. Ces associations, qu’il faut effectivement défendre, bénéficient déjà de 7,3 millions de subventions au titre du programme Jeunesse et vie associative, auxquels s’ajoutent 10 millions de financements locaux. Elles sont les uniques bénéficiaires des 9 325 postes financés par le fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire (Fonjep) à hauteur de 78 millions – dont 37 millions pour la présente mission –, et sont prioritaires dans d’autres missions. Votre amendement me paraît donc satisfait. Avis défavorable.
M. Nicolas Sansu (GDR). Nous sommes très attentifs aux réseaux et associations d’éducation populaire, mais je doute qu’on puisse dépenser 98 millions de plus en leur faveur en une année, comme le proposent nos collègues – ils inscrivent en effet cette somme en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP). Il serait plus raisonnable de prévoir ce montant en AE, et le tiers en CP.
Une remarque enfin : tout à l’heure, nous avons vidé le programme Jeunesse et vie associative pour remplir le programme Sport, or nous faisons maintenant le contraire.
M. le président Éric Coquerel. Il y a encore de la marge !
Successivement, la commission rejette l’amendement II-CF1920 et adopte l’amendement II-CF1821.
Amendements identiques II-CF2569 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation et II-CF1919 de M. Aly Diouara
M. Carlos Martens Bilongo (LFI-NFP). Nous proposons de créer un fonds public de soutien à l’emploi associatif, destiné à financer partiellement les salaires des associations à vocation sociale, culturelle, environnementale et sportive dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Ce fonds permettrait de soulager les associations de la charge salariale et de pérenniser les emplois dans un secteur qui joue un rôle crucial pour la cohésion sociale, l’accès à la culture, la préservation de l’environnement et la promotion du sport pour tous.
M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. De nombreux dispositifs existent déjà pour les associations qui œuvrent dans les QPV, comme le dispositif « 1 000 emplois socio-sportifs » ou l’enveloppe de 10 millions de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). J’ajoute que nous en sommes à 247 millions supplémentaires pour la mission. Avis défavorable.
La commission adopte les amendements.
Contre les avis du rapporteur spécial, la commission adopte successivement l’amendement II-CF1926 de M. Carlos Martens Bilongo ainsi que les amendements identiques II-CF2548 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation et II-CF1185 de M. Jean-Claude Raux.
Amendement II-CF1572 de Mme Léa Balage El Mariky
M. Jean-Claude Raux (EcoS). Il s’agit de renforcer les moyens alloués aux têtes de réseaux associatifs nationales et régionales. Ces structures jouent un rôle essentiel dans le développement des dynamiques associatives et l’accompagnement des associations ; elles sont des interlocutrices essentielles des pouvoirs publics. Dans un contexte de financements en chute libre, nous avons besoin de têtes de réseaux fortes pour répondre aux difficultés du monde associatif. Les montants que leur accorde le PLF restent faibles, à 659 000 euros. C’est pourquoi nous demandons le fléchage d’une ligne de financement dédiée à hauteur de 1,5 million. Nous demanderons au Gouvernement de lever ce gage.
M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. Les têtes de réseaux ont déjà accès à des fonds. Avis défavorable.
Pour information, les amendements qui viennent d’être adoptés ont gonflé les crédits destinés aux associations respectivement de 3 millions et 2,5 millions. J’avoue être un peu attristé. Je sais que vous vous investissez énormément dans ces sujets. Vous pouvez continuer à voter des grandes lignes de crédits à tour de bras, mais nous savons pertinemment qu’elles ne pourront pas être reprises. Quel est l’intérêt ? Je préférerais travailler les programmes avec plus de précision. Ce n’est pas au niveau de la mission.
M. le président Éric Coquerel. Je comprends vos arguments, et je sais que vous défendez une augmentation raisonnable du budget, mais il est légitime que l’opposition vote les budgets qu’elle juge nécessaires pour le sport. À l’exception des sommes investies pour les Jeux olympiques et paralympiques, le budget du sport est en chute libre depuis des années. L’organisation du sport en France n’a cessé de s’affaiblir. Vous ne pouvez pas nous empêcher d’envoyer un signal fort ; il n’y a pas de raison que l’opposition se conforme aux intentions austéritaires du Gouvernement. Au reste, les crédits que nous votons sont acceptables et justifiés par les besoins. Le mouvement associatif n’est pas assez soutenu, alors que l’État s’est largement défaussé sur lui.
M. Sébastien Delogu (LFI-NFP). Vous trouvez peut-être désolant ou inutile d’accorder des moyens au sport, mais allez voir les associations ! À Marseille, les associations de football n’ont même pas de chasubles ni de ballons pour les enfants. Il faut le voir pour le croire ! Des associations essaient d’intégrer les enfants dans la société française grâce au sport mais n’y arrivent pas, faute de moyens. Puisque nous sommes majoritaires, nous votons les moyens nécessaires pour soutenir la vie associative et le sport.
M. Charles Rodwell (EPR). Je partage les propos de M. Delogu, à la nuance près que certains amendements vident une partie du budget de la jeunesse et de la vie associative pour alimenter celui du sport, tandis que d’autres amendements font exactement le contraire. Nous devrions être plus cohérents.
Mme Véronique Louwagie (DR). Il ne suffit pas d’affecter des moyens financiers à une politique publique pour qu’elle s’améliore. Je comprends parfaitement votre volonté d’insuffler des politiques différentes, mais ce n’est pas en votant des crédits supplémentaires – parfois exorbitants – que vous y parviendrez. Nous abordons des sujets très intéressants, mais à ce compte, nos discussions n’ont plus guère de sens.
M. le président Éric Coquerel. L’organisation du sport en France résulte d’un compromis trouvé dans les années 1960 entre les gaullistes et les communistes, sous l’égide du colonel Crespin. À l’inverse de ce qui existe dans le monde anglo-saxon, le modèle français se caractérise par une forte intervention de l’État et des directions départementales de la jeunesse et des sports. Il a été progressivement affaibli, depuis de nombreuses années, et a même fini par se disloquer. Dès lors, l’organisation du sport repose beaucoup sur les associations – en tout cas pour ce qui concerne la pratique encadrée, car une pratique de masse est apparue dans le même temps. Pour ma part, je milite pour le retour à une forte intervention de l’État dans l’encadrement sportif, mais puisque tel n’est pas le cas, le financement du sport passe notamment par les subventions aux associations. Nous ne sommes pas responsables de ce problème structurel.
M. Delogu l’a dit, les associations et les clubs qui organisent la pratique sportive sont dans un état dramatique. Un jeune désireux de faire du sport se heurte à de grandes difficultés car nous manquons de stades, de piscines et même de bénévoles. Nous allons certes abonder le budget de plusieurs millions, mais notre action est dérisoire : ce sont des centaines de millions qui seraient nécessaires ! Le sport est aussi important que la culture, car il permet l’émancipation. De ce point de vue, la France n’est pas une grande nation sportive.
Mme Véronique Louwagie (DR). Vous avez raison, mais nous sommes ici à la commission des finances : nous votons des crédits budgétaires. Avons-nous vocation à décider des politiques qui seront menées dans tel ou tel domaine ? J’avais compris que les propositions en matière économique relevaient de la commission des affaires économiques, que la politique du sport était discutée à la commission des affaires culturelles… Dans le cadre de l’examen de la seconde partie du PLF, notre rôle est de répartir des crédits, pas de déterminer des politiques publiques. À quoi bon abonder les crédits d’une mission si les politiques menées ne sont pas en adéquation avec les budgets accordés ?
M. Pierrick Courbon (SOC). En effet, madame Louwagie, nous voulons changer un certain nombre de politiques publiques. C’est bien pour cela que nous sommes dans l’opposition, alors que vous appartenez à une pseudo-majorité.
Vous ne pouvez pas dire que nous ne voulons que dépenser. Le débat budgétaire auquel nous nous livrons est assez ubuesque : nous discutons d’un certain nombre de dépenses alors même que l’Assemblée nationale n’a pas achevé l’examen de la partie recettes. Nous avons évoqué certaines pistes pour lesquelles le Gouvernement n’a, semble-t-il, pas encore rendu d’arbitrage défavorable – je pense par exemple au relèvement des plafonds des taxes affectées au sport, qui pourrait s’accompagner d’une hausse de la fiscalité sur les paris sportifs. De même, lorsque nous discuterons du service national universel (SNU), nous proposerons de réaffecter certains crédits aux politiques en faveur de la jeunesse.
De façon très pragmatique, nous ne sommes pas là pour renverser la table. M. Delogu a parlé de gamins qui n’ont pas de chasubles ni de ballons. Ce n’est pas en augmentant de 3 millions des subventions versées au titre du FDVA que nous allons changer une politique publique ! Les demandes sont bien supérieures aux crédits que nous votons. Je défendrai tout à l’heure un amendement visant à rehausser la dotation du fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire (Fonjep) : là encore, je partirai des réalités du terrain et j’essaierai d’agir dans le cadre de politiques qui existent, que nous défendons mais qui n’ont pas les moyens de leurs ambitions.
M. Didier Padey (Dem). Le Premier ministre a été assez clair s’agissant de la situation de la France, dont nous sommes obligés de tenir compte. Nous ne pouvons pas voter tout ce qui nous fait plaisir.
Je viens du privé. Dans l’entreprise où je travaillais, nous avons dû renoncer à certains déplacements parce que nous n’avions pas réalisé suffisamment de ventes. Hier après-midi, nous avons augmenté les dépenses de 7 milliards d’euros, cet après-midi de 15 milliards, et on parle maintenant de plusieurs dizaines de millions supplémentaires… Il faut faire des choix. Nous sommes évidemment d’accord avec vous s’agissant des besoins, mais la situation budgétaire ne nous permet plus de tout accepter.
M. le président Éric Coquerel. Nous assumons nos choix : nous avons voté 60 milliards de recettes supplémentaires et, tout à l’heure, il va être proposé de supprimer le SNU, ce qui rapporterait encore 6 milliards. Comme dans le privé – d’où je viens moi aussi, mais qui obéit à une autre logique –, nous cherchons des recettes pour financer nos dépenses.
M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. Monsieur Delogu, vous n’êtes peut-être pas un habitué de notre commission, mais vous ne pouvez pas m’interpeller comme vous l’avez fait en sous-entendant que je ne connais pas les associations ni le monde sportif. Je ne vous raconterai pas ma vie privée, mais sachez qu’elle a toujours été liée au sport. Depuis que je suis rapporteur spécial, les travaux menés dans le cadre du Printemps de l’évaluation ont abouti à un premier plan « 5 000 terrains de sport », qui s’est prolongé en un plan « 5 000 équipements – Génération 2024 », et à une mesure équivalant au déplafonnement de la taxe Buffet. Lors de la discussion de la première partie du PLF, nous avons obtenu une avancée concernant la taxe sur les paris sportifs, et j’ai bon espoir que nous puissions aller encore plus loin. Par ailleurs, j’ai fait adopter, il y a quelques années, un amendement visant à pérenniser l’affectation au FDVA d’une partie des encours des comptes en déshérence. En revanche, les derniers amendements que la commission vient d’adopter auront pour effet de diminuer les crédits du sport. Je vous mets d’ailleurs au défi de citer un seul amendement, parmi ceux que vous avez votés, qui permettra à vos clubs d’avoir des chasubles. Il n’y en a pas un !
La commission adopte l’amendement.
Amendements II-CF1922 de M. Idir Boumertit, II-CF1561 de M. Pierrick Courbon, II-CF1182 de M. Jean-Claude Raux, II-CF1800 de Mme Danielle Simonnet, II-CF1556 de M. Pierrick Courbon et II-CF2558 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation (discussion commune)
M. Pierrick Courbon (SOC). Mon amendement II-CF1561 vise à pérenniser les crédits du Fonjep Jeunes.
M. Jean-Claude Raux (EcoS). Du fait de la fin du plan de relance, les 2 000 postes Fonjep créés entre 2021 et 2023, qui bénéficient au 1,5 million d’associations de notre pays, n’ont pas été pérennisés. Mon amendement II-CF1182 vise à les prolonger en portant la ligne qui leur est dédiée à son montant de l’année dernière, soit 7,2 millions d’euros.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Le Fonjep assure le versement de subventions d’appui au secteur associatif. Aussi un « poste Fonjep » désigne-t-il une subvention pluriannuelle attribuée pour soutenir un projet associatif global développé par un salarié.
Le montant d’un poste Fonjep, qui n’a pas été réévalué depuis vingt ans, est de 7 164 euros. Il ne représente que 16,75 % du montant moyen annuel du salaire, ce qui est très loin des recommandations de la Cour des comptes, laquelle préconisait en 2016 d’atteindre 30 % afin d’assurer un réel effet de levier. Notre amendement II-CF1800, extrêmement modeste, vise donc à relever le montant d’un poste Fonjep à 10 000 euros par an.
M. Pierrick Courbon (SOC). Mon amendement II-CF1556 est similaire. Après vingt ans sans évolution, il semble tout à fait justifié de demander une revalorisation. Les postes Fonjep sont bénéfiques à plusieurs niveaux : ils sont indispensables tant à nos associations, en particulier lorsque les usagers réclament une professionnalisation de l’encadrement, qu’aux jeunes qui les occupent, à qui ils mettent le pied à l’étrier. En cela, ils constituent aussi un véritable outil d’insertion professionnelle.
M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. Le Fonjep Jeunes a été créé dans le cadre du plan de relance pour une durée de trois ans. Si nous cherchons à prolonger tous les dispositifs exceptionnels, la situation va devenir compliquée ! Je ne peux donc pas soutenir ces amendements.
S’agissant du Fonjep classique, sa dotation n’a pas été réduite de 10,9 millions d’euros, contrairement à ce qu’indique l’exposé sommaire de l’amendement II-CF1922. L’enveloppe est maintenue à son niveau de l’année dernière, soit 37,4 millions. J’ajoute que d’autres missions contribuent au financement du Fonjep, de sorte que la dotation totale du fonds s’élève à 78 millions. Pour toutes ces raisons, je considère que vos amendements sont satisfaits : je leur donne donc un avis défavorable.
M. le président Éric Coquerel. Vous expliquez que le Fonjep Jeunes, qui avait été créé pour une durée limitée, est en train de s’éteindre. Cela pose-t-il des problèmes sur le terrain ?
M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. Je n’ai eu aucun retour en ce sens. Du reste, le Fonjep classique est toujours en vigueur.
La commission adopte l’amendement II-CF1922.
En conséquence, les amendements II-CF1561, II-CF1182, II-CF1800, II-CF1556 et II-CF2558 tombent.
Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission rejette l’amendement II-CF2559 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
Amendement II-CF1563 de M. Pierrick Courbon
M. Pierrick Courbon (SOC). Nous proposons de créer un fonds d’adaptation et de mise aux normes des structures de loisirs et de vacances collectives à destination des collectivités locales et des associations d’éducation populaire propriétaires de tels sites.
Nous avons auditionné des acteurs de l’éducation populaire et échangé avec eux à propos du droit aux vacances, de l’accès aux loisirs et de l’organisation des colonies. Au-delà des besoins financiers, la question de l’état du bâti d’accueil est souvent revenue. La mise aux normes des bâtiments appartenant aux collectivités locales pose un véritable problème, et ce n’est pas le traitement qui attend ces dernières qui va arranger les choses. Quant aux bâtiments appartenant aux associations, ils sont aussi vieillissants et cumulent les difficultés. La création d’un fonds dédié permettrait d’accélérer les travaux de modernisation de ces immeubles, s’agissant également de leur accessibilité aux personnes à mobilité réduite (PMR).
M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. Là encore, votre amendement ne porte pas sur la bonne mission. Des aides existent déjà – je pense notamment à l’aide nationale à l’investissement en accueils de loisirs sans hébergement (ALSH), qui peut atteindre 300 000 euros. S’agissant des bâtiments appartenant aux collectivités territoriales, il conviendrait plutôt de mobiliser la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) ou la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL).
M. le président Éric Coquerel. De telles dépenses relatives au bâti doivent-elles être imputées sur le budget des sports ? Je me pose également la question.
M. Pierrick Courbon (SOC). Je n’ai pas de réponse définitive à vous apporter, mais à chaque fois que nous proposons des aides au profit des collectivités locales, on nous renvoie à la DETR et à la DSIL. Vous voyez pourtant l’évolution de ces dotations dans vos départements… Si elles pouvaient financer toutes les dépenses, cela se saurait ! Tout le monde se renvoie donc systématiquement la patate chaude : voilà pourquoi personne ne rénove les centres de loisirs depuis cinquante ans.
M. Nicolas Sansu (GDR). J’entends la demande de nos collègues socialistes, mais leur amendement porte sur des investissements qui incombent aux collectivités locales, lesquelles sont déjà soumises à de nombreuses obligations. S’il s’agissait de rénover des propriétés de l’État, cela se défendrait évidemment. De même, il conviendrait d’aider les associations à faire des travaux dans leurs bâtiments. En revanche, je n’aime pas que l’on dise aux collectivités ce qu’elles doivent faire.
La commission adopte l’amendement.
Amendements identiques II-CF2560 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation et II-CF1180 de M. Jean-Claude Raux
M. Jean-Claude Raux (EcoS). Nous sommes préoccupés par la crise de recrutement dans le secteur de l’animation, qui persiste bien que le nombre de candidats au brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur (Bafa) augmente. Les aides permettant d’accéder à ce diplôme existent, mais elles sont peu lisibles. Le coût de la formation, qui peut atteindre 1 200 euros, constitue un obstacle pour de nombreux jeunes intéressés : aussi proposons-nous de la rendre gratuite, sous conditions de ressources. Grâce à notre amendement, le Bafa serait accessible gratuitement à plus de 20 000 jeunes par an.
M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. Des aides sont déjà accordées, que ce soit par la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), par les caisses d’allocations familiales (CAF) ou par des collectivités locales, ce qui permet à certains jeunes d’accéder à cette formation gratuitement – je le vois moi-même dans ma circonscription.
Depuis tout à l’heure, nous sommes passés de 282 à 412 millions de dépenses supplémentaires. Ce n’est pas raisonnable. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Contre l’avis du rapporteur spécial, la commission adopte les amendements identiques II-CF2565 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation et II-CF1147 de M. Jean-Claude Raux.
Amendements identiques II-CF2563 et II-CF2564 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation
M. Pierrick Courbon (SOC). Au-delà de l’enjeu financier, nous plaidons pour un regroupement des dispositifs visant à encourager le départ des jeunes en vacances. Les colos apprenantes, le pass colo et les vacances apprenantes ont le même objectif, mais leur coexistence est source de complexité. La commission des affaires culturelles s’est donc prononcée ce matin en faveur de leur fusion, à des fins d’amélioration de la lisibilité, de simplification mais aussi de massification. N’hésitez pas à sous-amender notre amendement, monsieur le rapporteur spécial, si cela peut emporter votre avis favorable.
M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. Je ne vois pas comment 20 millions d’euros peuvent nous aider à simplifier et à fusionner ces dispositifs.
M. Pierrick Courbon (SOC). Les 20 millions serviront à la massification. Plus que le montant proposé, c’est l’esprit de l’amendement qui importe.
M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. Les amendements d’appel sont généralement chiffrés à 1 euro.
À la fin de notre discussion budgétaire, le rapporteur spécial que je suis devra essayer de négocier certaines choses avec le Gouvernement. Or il sera impossible de négocier toutes les mesures que la commission vient d’adopter. Le résultat de vos votes, c’est que rien ne sera négociable.
M. le président Éric Coquerel. S’il y a des choses à négocier, le Gouvernement choisira parmi les amendements. Or l’amendement II-CF1908, adopté tout à l’heure par la commission, n’est que 30 millions d’euros plus cher que celui que vous défendiez : cela ne devrait donc pas être trop difficile…
Nous venons d’adopter deux amendements identiques prévoyant 10 millions en faveur des colos apprenantes. Ne pouvons-nous pas considérer que la demande de M. Courbon est satisfaite ?
La commission rejette les amendements.
Amendement II-CF288 de M. Matthias Renault
M. Matthias Renault (RN). Au-delà de la nécessaire rationalisation des agences, nous proposons de diminuer de 120 millions les crédits alloués à l’Agence du service civique. Un récent rapport de la Cour des comptes a étrillé ce dispositif qui n’a jamais été soumis au législateur, dont nous connaissons assez mal les modalités et les objectifs, et dont le coût a dérapé alors que nous cherchons à faire des économies.
Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission rejette l’amendement.
Amendements II-CF1118 de M. Benjamin Lucas-Lundy, II-CF1176 de M. Jean-Claude Raux, II-CF25 de Mme Sylvie Bonnet, II-CF1557 de M. Pierrick Courbon, II-CF1923 de M. Idir Boumertit, II-CF1928 de M. Carlos Martens Bilongo, II-CF570 de M. Frédéric Maillot et II-CF1177 de M. Jean-Claude Raux (discussion commune)
M. Jean-Claude Raux (EcoS). Il est temps d’abandonner le service national universel. Depuis plus de deux ans, je ne cesse de dénoncer cette fausse bonne idée, l’unique et inique promesse présidentielle à destination des jeunes, ce paravent bleu, blanc, rouge masquant une absence de vision en matière de jeunesse.
Le SNU, cela ne marche pas – le Gouvernement le reconnaît, en quelque sorte, en diminuant son budget pour 2025. Malgré une communication appuyée et une entrée forcée dans les lycées, les objectifs n’ont jamais été atteints. La mixité promise n’a pas été au rendez-vous. La généralisation du dispositif n’a toujours été qu’une chimère.
La Cour des comptes a confirmé ce que nous répétions sans relâche, soulignant les coûts démesurés et irresponsables d’une promesse de généralisation absolument intenable. En effet, le SNU coûte cher – encore 128 millions cette année, qui seraient bien plus utiles ailleurs. Je me réjouis qu’un consensus semble enfin se former autour de la suppression de ce gadget présidentiel : nous allons pouvoir faire bénéficier de ces sommes notre pays et sa jeunesse.
Mme Véronique Louwagie (DR). Dans un rapport publié en septembre, la Cour des comptes a dressé un bilan assez sévère des premières sessions du SNU. Elle estime que ce dispositif, peu lisible, mal piloté et sans horizon clair, devrait faire l’objet d’une clarification. Elle déplore qu’en matière de mixité sociale et d’engagement, le SNU n’a pas du tout atteint ses objectifs, puisque les jeunes dont les parents servent ou ont servi dans les corps en uniforme ainsi que les jeunes issus de catégories socioprofessionnelles plus favorisées sont, depuis 2019, surreprésentés.
Pour 2025, le budget alloué au SNU s’élève à 128,3 millions d’euros, un montant qui permettrait de financer 66 000 séjours. Nous proposons tout bonnement de supprimer cette dépense et d’affecter prioritairement les crédits ainsi dégagés au désendettement de l’État – en cela, notre amendement II-CF25 se distingue de ceux de nos collègues.
M. Pierrick Courbon (SOC). Nous réitérons notre ferme opposition au SNU, dont le déploiement s’est effectué, ces dernières années, au détriment du nécessaire soutien aux structures d’éducation populaire, à la vie associative et au développement du service civique – un dispositif que nous soutenons. Le diagnostic posé sur le SNU devient de plus en plus consensuel, comme le montre le récent rapport de la Cour des comptes, qui a confirmé que le dispositif avait raté sa cible, qu’il était une hérésie budgétaire et que la promesse de sa généralisation était financièrement intenable. Contrairement à celui que vient de défendre Mme Louwagie, notre amendement II-CF1557 n’affecte pas les crédits au désendettement de l’État, mais tout simplement à la jeunesse, à la vie associative et à l’éducation populaire, dont les besoins sont immenses.
Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). Nous souhaitons dénoncer la gabegie que représente le SNU, auquel nous préférerions un service citoyen obligatoire, tourné vers des objectifs d’utilité sociale et d’accomplissement individuel, avec une trajectoire d’insertion.
Le SNU propose-t-il une mise à niveau gratuite des jeunes qui ont décroché du système scolaire ou qui sont en difficulté ? Une formation gratuite à la conduite ? Une rémunération au Smic ? Non, rien de tout cela – mais c’est ce que nous proposons. Nous ne voulons pas d’un stage archaïque reposant sur une vision fantasmée de la jeunesse d’antan. Le SNU macronien, dont le naufrage n’est plus à démontrer, accapare les moyens alloués au monde associatif et à l’éducation populaire, qui ont pourtant un vrai savoir-faire dans les actions destinées à la jeunesse, qui donnent corps à de réels projets éducatifs, sportifs, solidaires ou culturels, et qui contribuent à la cohésion sociale.
Je note que le Sénat, dont la majorité est de droite et du centre, a également proposé de supprimer le SNU, et que le ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative a lui-même reconnu lundi, sur Sud Radio, qu’il n’avait pas les moyens de généraliser le SNU et que ce dispositif était en panne.
M. Jérôme Legavre (LFI-NFP). Je suis atterré par le sort réservé à la jeunesse. On supprime massivement des heures de cours, on organise un choc des savoirs pour trier les élèves, on met en place la sélection avec Parcoursup, et on consacre des sommes énormes au déploiement d’un SNU visant à embrigader la jeunesse.
L’an dernier, en Seine-Saint-Denis, parents et professeurs se sont massivement mobilisés afin de réclamer des moyens supplémentaires pour l’école. En moyenne, dans mon département, un jeune perd en tout et pour tout un an et demi de scolarité, parce que l’école manque de tout. Alors que les jeunes manquent d’équipements sportifs, on débloque des fonds en faveur du SNU, pour les embrigader. Ce contraste est particulièrement choquant et scandaleux.
Nous recevons en ce moment même, en provenance de quantité de villes, des images absolument insupportables de centaines de jeunes faisant la queue pour bénéficier d’une aide alimentaire sans laquelle ils ne peuvent pas se nourrir. L’argent consacré au SNU, en pure perte et dans un but que nous condamnons, serait bien mieux employé pour financer une garantie autonomie destinée à la jeunesse. C’est ce que nous revendiquons.
M. Nicolas Sansu (GDR). Je me joins aux nombreuses voix qui se sont exprimées, bien au-delà des différents groupes du Nouveau Front populaire, pour démontrer l’inutilité et l’inefficacité du SNU, ainsi que la gabegie suscitée par ce dispositif.
Je propose que nous nous ralliions tous à l’amendement II-CF1557, qui est le plus clair et qui permettra à notre rapporteur spécial de gagner 128 millions d’euros. Cela le rendra plus à l’aise pour négocier avec le Gouvernement.
M. Jean-Claude Raux (EcoS). Le groupe Écologiste et social retire les amendements II-CF1118 et II-CF1177.
M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. Je vous rejoins sur un point : il est évident que nous avons un problème de pilotage du SNU. En revanche, je ne souscris pas aux mots que vous avez employés. J’ai entendu parler d’embrigadement : ce n’est pas du tout l’objectif du dispositif, qui est plutôt louable. Il n’empêche que nous voyons, dans nos territoires, une différence entre ce que nous pouvions imaginer et ce qu’attendent les jeunes. Je suis toujours assez surpris de constater que beaucoup de participants espèrent vivre une expérience plutôt militaire, alors que ce n’était pas du tout l’objectif initial.
Par ailleurs, je vous ai annoncé en début de réunion une baisse supplémentaire de 55 millions des crédits de la mission Sport, jeunesse et vie associative, sans que je sache pour le moment quelle action sera affectée – peut-être le SNU, puisque le ministre en a parlé en commission des affaires culturelles. J’aimerais avoir cette information en séance, même si nous savons tous qu’il sera très compliqué d’arriver à cette étape. On ne peut pas rester dans l’entre-deux. Certes, des actions ont été engagées et des séjours doivent être organisés cette année, ce qui nécessitera des crédits… En attendant de savoir ce que le Gouvernement compte faire du SNU, je donne un avis défavorable à tous les amendements.
M. le président Éric Coquerel. Pour ma part, je suis assez d’accord avec M. Sansu : je soutiens donc l’amendement II-CF1557, dont l’adoption aiderait notre rapporteur spécial puisqu’elle lui rapporterait 128 millions.
La commission rejette successivement les amendements II-CF1176 et II-CF25, puis elle adopte l’amendement II-CF1557, les amendements II-CF1118 et II-CF1177 ayant été retirés.
En conséquence, les amendements II-CF1923, II-CF1928 et II-CF570 tombent.
Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission rejette successivement les amendements II-CF1100 de M. François Ruffin et II-CF1938 de M. Raphaël Arnault.
L’amendement II-CF1921 de M. Aly Diouara est retiré.
Amendement II-CF612 de Mme Marie Pochon
M. Jean-Claude Raux (EcoS). Nous proposons de créer un fonds d’aide au permis de conduire ciblant les jeunes habitant dans les communes rurales suivant la définition de l’INSEE. Faciliter la mobilité, c’est souvent faciliter l’emploi pour les jeunes ruraux. C’est aussi une mesure d’égalité entre les femmes et les hommes.
M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. Il existe déjà plusieurs dispositifs : une aide de 500 euros pour les apprentis, la gratuité pour les volontaires du SNU et des aides spécifiques des collectivités territoriales. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF2581 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation
M. Carlos Martens Bilongo (LFI-NFP). Nous proposons un plan national de lutte contre les violences sexistes et sexuelles (VSS) dans le sport. Le milieu sportif peut être propice aux agressions, étant donné qu’il existe, par nature, un déséquilibre dans le rapport de force entre les entraîneurs et les athlètes, quel que soit leur âge.
M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. Le ministère des sports m’a confirmé avoir appliqué la plupart des recommandations de la commission d’enquête relative à l’identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport. Par exemple, quatre fédérations seront contrôlées en 2025 sous l’angle spécifique des VSS. Un soutien financier est prévu pour les associations proposant une offre d’accompagnement aux victimes de VSS dans le sport. En outre, 20 ETP d’inspecteurs de la jeunesse et des sports spécifiquement chargés des VSS dans le sport ont été créés en 2023 et 36 ETP en 2024. Il est nécessaire que le reste des actions à engager passe davantage par des modifications législatives plutôt que par des dotations supplémentaires. Avis défavorable.
M. Carlos Martens Bilongo (LFI-NFP). Contrôler 4 fédérations sur les 120 est tout à fait insuffisant. Il est indispensable d’augmenter les crédits.
Mme Perrine Goulet (Dem). La mécanique n’étant pas encore rodée, nous ne pouvons pas contrôler plus de quatre fédérations pour l’instant. Ce n’est donc pas en mettant plus d’argent que l’on ira plus vite. J’en profite pour rappeler l’existence de la plateforme Signal sports.
La commission adopte l’amendement.
M. le président Éric Coquerel. Nous passons aux explications de vote.
M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. Je suis très embêté, car habituellement les crédits de cette mission sont examinés de façon collégiale. Nous avons tout de même réussi à voter un amendement important sur les paris sportifs. En revanche, je m’interroge sur la suppression du SNU. Comment allons-nous financer les stages en 2025 ? Je m’abstiendrai.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous ne voterons pas ces crédits. Comme je l’ai dit dans les médias, je n’ai aucun commentaire à faire sur l’attitude des groupes, chacun étant libre. Néanmoins, vous avez dit à gauche qu’étant donné que vous étiez majoritaires vous pouviez adopter ce que vous vouliez. Voilà une drôle d’attitude pour des gens qui défendent la VIe République ! C’est ce que faisaient les macronistes auparavant, tout comme François Hollande ou Nicolas Sarkozy : ce qu’ils voulaient. Se restreindre quand on est majoritaire relève du principe démocratique.
M. Charles Rodwell (EPR). Au vu de l’accumulation des dépenses et du manque de cohérence dans les amendements adoptés, nous voterons contre ces crédits.
M. Carlos Martens Bilongo (LFI-NFP). Quelle hypocrisie pour une année olympique ! On a félicité les sportifs professionnels et on abandonne ceux du quotidien. On demande des moyens, on passe pour des irresponsables. Notre défense d’un amendement sur les équipements sportifs dans les outre-mer n’a pas suscité votre adhésion, alors que vous vous êtes sûrement réjouis des exploits de Teddy Riner ou de Marie-José Pérec. En Seine-Saint-Denis, du fait du manque d’équipements, un jeune sur deux ne sait pas nager. Les Jeux olympiques n’ont pas permis de combler le retard immense dont ce département souffre. Nous avons su accueillir toutes les nations du monde mais nous sommes incapables d’offrir les moyens nécessaires à nos propres enfants. Il était logique de supprimer le SNU au vu de la faiblesse de ses résultats. Et si nous sommes majoritaires dans cette commission, c’est parce que nous sommes arrivés en tête le 7 juillet dernier. Nous voterons pour ces crédits.
M. Pierrick Courbon (SOC). Le budget de départ était inacceptable, pour ce qui était censé être une partie de l’héritage des Jeux olympiques. Ce soir, nous n’avons fait que corriger son manque d’ambition, qu’il s’agisse de la construction d’équipements sportifs, du FDVA ou du Fonjep. Monsieur le rapporteur spécial, je comprends votre inconfort, tiraillé que vous êtes entre votre adhésion à nos mesures et la difficile négociation à venir. Nous avons élaboré un nouvel équilibre des dépenses et des recettes. Le SNU fait l’objet de critiques quasiment unanimes. Quant aux paris sportifs, l’argent du sport doit aller au sport.
Mme Véronique Louwagie (DR). Le sport, la vie associative et la jeunesse devraient nous rassembler. Le sport participe à la mixité sociale dont nous avons besoin. C’est aussi un sujet de santé publique. Les associations contribuent à la vitalité de nos territoires ; elles sont également un lien social, intergénérationnel. Nous avons vécu de bons moments pendant les Jeux olympiques, dans une nation unie. Pourtant, ce soir, nous avons assisté à l’adoption d’amendements démesurés qui ont complètement dénaturé la mission. En commission des finances, nous ne pouvons pas établir et changer des politiques publiques mais manifester des orientations. Nous voterons contre les crédits.
M. Jean-Claude Raux (EcoS). Nous n’allons pas fanfaronner, parce que nous nous faisons peu d’illusions sur la suite des travaux. Je ne ressens pas pour autant la culpabilité que l’on voudrait nous imposer : j’ai l’impression que nous avons défendu des causes justes et que nous avons voté en fonction des priorités exprimées par le terrain. Je relève des avancées bienvenues pour les associations, la jeunesse, pour l’éducation populaire, le sport pour tous. Nous réclamions de longue date la suppression du SNU. Nous voterons pour ces crédits.
Mme Perrine Goulet (Dem). Normalement, sur ce type de budget, nous parvenons à nous mettre d’accord pour choisir deux ou trois points que nous souhaitons tous défendre afin de peser dans la négociation. Or nous avons adopté des amendements qui ne sont même pas en lien avec la mission. On a voté un catalogue sans queue ni tête, qui donne de faux espoirs, puisque vous allez faire croire que ces mesures resteront, alors que ce ne sera pas le cas. Nous nous retrouvons dépouillés de notre pouvoir de négociation, parce qu’il n’y aura rien à garder et tout à jeter.
M. Christophe Plassard (HOR). J’avais prévu de parler du succès des JO, notamment dans la perspective de ceux de 2030. Le sport est aussi un outil de rayonnement national. C’est également un élément de sociabilisation, d’intégration des jeunes dans la société. Il y avait dans le budget initial des dispositifs intéressants comme les trente minutes d’activité physique quotidiennes à l’école ou les deux heures de sport supplémentaires. Pour observer d’autres pays européens, on sait que le sport à l’école peut être un véhicule de succès pour nos jeunes et pour l’esprit sportif en général.
Les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité du sport n’ont assurément pas eu cours ce soir… Le SNU, par exemple, a été qualifié d’embrigadement. Cela n’a plus rien à voir avec un examen financier du travail de nos collègues en commission des affaires culturelles. Le groupe Horizons ne peut que s’opposer à ce budget qui a été complètement défiguré.
M. Nicolas Sansu (GDR). Au contraire, il me semble qu’il est proche de celui qui est sorti de la commission des affaires culturelles… Il comporte des avancées sur le déplafonnement des taxes sur les paris sportifs, le FDVA et les aides du Fonjep. Monsieur le rapporteur spécial, je vous rassure : l’an passé, nous étions à 1,81 milliard de crédits de paiement. Ce soir, nous sommes à 1,9 milliard. N’en rajoutons pas, il n’y a pas mort d’homme !
M. le président Éric Coquerel. On nous avait dit que les Jeux olympiques participeraient du vaste projet de dessiner une nation sportive. Les crédits du sport diminuent de 18,14 %, en tenant compte de l’inflation. Nous avons fait en sorte qu’un tiers des recettes soient affectées aux dépenses, les autres recettes venant des amendements votés dans la première partie du budget. Les amendements de ce soir n’avaient rien de déraisonnable. Nous n’avons fait que rectifier les deux baisses successives des crédits.
Monsieur Tanguy, ce qui est anormal, c’est que nous soyons si facilement majoritaires, parce qu’une partie de la commission n’est pas là. Mais on ne peut pas nous en vouloir de défendre des positions liées à un programme. Nous n’allons pas nous autocensurer sur des dépenses que nous jugeons nécessaires.
La commission adopte les crédits de la mission modifiés.
Article 45 et état G : Objectifs et indicateurs de performance
Amendements identiques II-CF2584 et II-CF2590 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation
M. Pierrick Courbon (SOC). Nous proposons d’ajouter deux indicateurs de performance à l’objectif 1 du programme 219, l’un pour mesurer la part des communes sous-dotées en équipements sportifs publics et l’autre celle des communes surdotées en équipements sportifs privés.
M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. Le plan 5 000 équipements – Génération 2024 devait permettre d’intervenir sur les territoires carencés, tout en offrant une plateforme recensant toutes nos structures sportives, Data ES. Si nous devons disposer d’indicateurs, quels sont les critères qui définissent un territoire carencé ? Sagesse.
La commission adopte les amendements.
Après l’article 64
Amendement II-CF2424 de M. Benjamin Dirx
M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. C’est une demande de rapport sur le service civique.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF798 de Mme Sabrina Sebaihi
M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. Sagesse.
La commission adopte l’amendement.
Amendements identiques II-CF2570 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation et II-CF1679 de M. Pouria Amirshahi
M. Pouria Amirshahi (EcoS). La loi sur le séparatisme, prise dans l’hystérie du moment, était identitaire et sécuritaire, stigmatisant au passage plus de 6 millions de nos compatriotes. Elle avait fait l’objet de réserves de la part de plusieurs de nos institutions : le Défenseur des droits, le Haut Conseil à la vie associative et la Commission nationale consultative des droits de l’homme. Le contrat d’engagement républicain a étendu le champ du soupçon et a directement mis en cause le fait associatif. Gérald Darmanin avait même menacé de remettre en question le financement de la Ligue des droits de l’homme ! Après trois ans d’application, nous n’avons aucun bilan de ce dispositif qui n’a renforcé ni la lutte contre le terrorisme ni le fait solidaire et associatif. Cet amendement très raisonnable vise seulement à demander un rapport d’évaluation sur une disposition très déraisonnable dont les militants écologistes et des droits de l’homme ont été les premières cibles.
M. Benjamin Dirx, rapporteur spécial. Avis défavorable.
La commission adopte les amendements.
Contre l’avis du rapporteur spécial, elle adopte l’amendement II-CF2586 de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
M. le président Éric Coquerel. Pour votre information, nous avons voté 570 millions d’euros de budget supplémentaire, mais 128 millions ont été rendus grâce à la suppression du SNU.
Mission Engagements financiers de l’État (M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial)
M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial. Les crédits de la mission Engagements financiers de l’État proposés pour 2025 s’élèvent à 61,3 milliards d’euros. Contrairement à ceux que nous venons d’examiner, ces crédits sont en hausse, et ce n’est malheureusement pas une bonne nouvelle ! En effet, composés très majoritairement de la charge de la dette de l’État, ils sont cette année encore le deuxième poste de dépenses après l’enseignement scolaire. Au total, les dépenses liées à la charge de la dette dépasseraient les crédits alloués à la mission Défense, hors contributions aux pensions.
Ces chiffres donnent le vertige et mettent en évidence la dégradation de notre situation financière. Si les crédits de cette mission avaient atteint un niveau historiquement bas en 2020 – 36 milliards d’euros – à une période d’inflation faible et de taux d’intérêt négatifs, l’absence de sérieux des gouvernements successifs dans la gestion des finances publiques nous a menés de dérapage budgétaire en dérapage budgétaire et se traduit aujourd’hui par une explosion incontrôlée de la charge de la dette. Les crédits de la mission devraient ainsi atteindre 77 milliards d’euros à horizon de 2027, pesant durablement sur les marges de manœuvre financières de l’État.
La hausse des crédits de la mission est essentiellement portée par le programme 117 Charge de la dette et trésorerie de l’État, qui comprend 88 % des crédits de la mission. Les crédits alloués à ce programme s’élèvent à 54,2 milliards d’euros en 2025, en hausse de 2,8 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2024 et de 4,2 milliards d’euros par rapport à la prévision actualisée pour 2024. Après une année de stabilité en trompe-l’œil dopée par le reflux de l’inflation, la charge de la dette repartirait à la hausse sous un triple effet.
D’une part, si la modération du coût de la provision pour charge d’indexation des obligations assimilables du Trésor indexées sur l’inflation (OATi) devait se poursuivre en 2025, cette provision s’établirait néanmoins à 5,8 milliards d’euros, soit à un niveau structurellement plus élevé que celui connu avant 2022. Entre 2022 et 2023, le recours à des OATi a entraîné un surcoût d’environ 20 milliards d’euros pour l’État, effaçant tous les gains que le programme d’émission d’OATi avait procurés depuis 1999.
La perte nette pour l’État devrait progressivement s’alourdir en 2024 et en 2025, sous le poids d’une inflation structurellement plus élevée qu’avant 2022. Je réitère la proposition, issue de mes travaux antérieurs, d’éteindre progressivement le recours aux OATi, qui n’ont pas démontré leur caractère contracyclique. L’Allemagne, consciente du risque que font courir ces émissions, a décidé d’y mettre fin en 2023. Le Royaume-Uni, pourtant pionnier en ce domaine, réduit progressivement et drastiquement son recours à ces instruments. La France ne doit pas aller à contre-courant.
Malgré les baisses récentes des taux directeurs de la Banque centrale européenne (BCE), la France se finance désormais dans un contexte marqué par des taux d’intérêt haussiers, qui atteignent un niveau élevé – on anticipe un taux de 3,6 % fin 2025. Dès l’année prochaine, la charge de la dette devrait s’alourdir, par ce seul effet taux, de 1,7 milliard d’euros, soit l’équivalent du budget de la mission Sport, jeunesse et vie associative.
Enfin, et surtout, la charge de la dette s’alourdirait mécaniquement, l’année prochaine, de 4,3 milliards d’euros, du fait de la hausse du volume de la dette. Ce phénomène est le résultat de deux années de dérapage budgétaire ; les prévisions macroéconomiques, en particulier de recettes, étaient trop optimistes – point sur lequel je vous avais alertés. Les déficits publics de 5,5 % en 2023 et de 6,1 % cette année, à contre-courant de la situation de tous nos voisins, ont provoqué une dégradation sans précédent des conditions de financement de la France. Le spread – ou écart de taux d’intérêt – avec l’Allemagne a augmenté de 30 points de base depuis le printemps et frôle désormais 0,8 % ; nous nous trouvons ainsi dans une position plus défavorable que le Portugal, l’Espagne et même la Grèce.
Les trois principales agences de notation ont successivement fait part de leurs inquiétudes concernant la trajectoire financière de la France, soit en abaissant la notation de notre dette, soit en lui adossant une trajectoire négative. L’absence de sérieux budgétaire des gouvernements successifs remet donc en cause la qualité de la signature française, qui était pourtant son premier atout dans l’accès à des conditions de financement avantageuses. Elle risque de susciter un effet boule de neige sur la dette publique, qui pourrait devenir incontrôlable.
Les autres programmes de la mission concernent des montants de crédits sensiblement moindres. Le programme 369 Amortissement de la dette liée à la covid-19, qui retrace l’amortissement de 165 milliards d’euros de dette covid, serait doté de 5,2 milliards d’euros en 2025. Si ce programme n’est qu’un jeu d’écritures comptables dénué de tout effet sur le niveau d’endettement et ses conditions de remboursement, je note toutefois que les dotations sont en baisse par rapport aux prévisions, ce qui remet en cause le calendrier d’amortissement à l’horizon 2042 que le Gouvernement s’était fixé. Paradoxalement, un programme destiné à montrer le sérieux budgétaire du Gouvernement est devenu l’illustration de son incapacité à tenir ses engagements en matière de finances publiques.
La dotation du programme 114 Appels en garantie de l’État poursuit sa décrue pour atteindre 985 millions d’euros en 2025, soit une baisse de 48,2 % par rapport à 2024 sous l’effet de la diminution des appels en garantie au titre des prêts garantis par l’État (PGE). Cette prévision demeure toutefois soumise à une forte incertitude, compte tenu de l’environnement inflationniste.
La majorité des crédits de la mission sont évaluatifs, l’État étant tenu d’honorer ses engagements en matière de charge de la dette. Cependant, mon avis sera défavorable, compte tenu de la croissance incontrôlée de l’endettement et de la charge de la dette, corollaire d’une gestion des finances publiques marquée par des écarts croissants entre les prévisions et l’exécution.
Article 42 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-CF1111 de M. Manuel Bompard
M. le président Éric Coquerel. Pendant le covid, une part de la dette, issue des aides de l’État, a été cantonnée au sein de la Cades (Caisse d’amortissement de la dette sociale). Or, la dette sociale, contrairement à la dette de l’État, ne peut pas rouler, ce qui nous oblige à en rembourser une grande partie chaque année. Si l’État s’était endetté d’un même montant, il paierait la charge de la dette mais ne serait pas contraint de rembourser le stock. Ce choix se justifie d’autant moins qu’il s’agit d’une politique publique de l’État et non d’une politique sociale. Aussi l’amendement vise-t-il à minorer de 5,153 milliards d’euros en CP l’action 01 du programme 369 Amortissement de la dette de l’État liée à la covid-19, de façon à nous redonner des marges financières.
M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial. Je suis très critique à l’égard du cantonnement de la dette covid, qui n’est rien d’autre qu’une manœuvre comptable d’affichage du Gouvernement et qui n’a aucun effet sur le niveau d’endettement public global – une dette reste une dette. Toutefois, je ne suis pas favorable à votre amendement, pour trois raisons.
Premièrement, dans l’exposé sommaire, vous confondez le transfert de 136 milliards de dette à la Cades, opéré par la loi organique du 7 août 2020 – qui a prolongé la durée de vie de cette caisse jusqu’en 2033 – et la création par le PLF (projet de loi de finances) pour 2022 du programme 369 Amortissement de la dette de l’État liée à la covid-19, à partir d’une estimation de la dette covid de 165 milliards d’euros. En supprimant ce programme, vous ne mettriez pas fin à l’affectation de la dette à la Cades.
Deuxièmement, on ne peut pas dire que l’État se prive du pouvoir de rouler la dette en affectant celle-ci à une autre entité. En effet, toutes les sommes que l’État affecte à la Cades amoindrissent ses recettes, ce qui accroît son endettement, tant sur la part covid que sur le reste. L’État continue donc bien à rouler la dette.
Troisièmement, s’agissant de votre critique de la CRDS (contribution pour le remboursement de la dette sociale), qui est un impôt affecté à la Cades jusqu’à l’extinction de cette dernière, je me félicite que votre groupe prône, une fois n’est pas coutume, une baisse d’impôt. Toutefois, l’amendement ne porte pas sur la Cades mais sur le programme 369.
Pour l’ensemble de ces raisons, j’émets un avis défavorable.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Monsieur le rapporteur spécial, quelle part des 165 milliards d’euros reste-t-il à amortir, et jusqu’à quelle date ? Quelle proportion représentent les intérêts et le capital dans l’abondement annuel de près de 5 milliards du programme 369 ? Il serait logique que cette dette soit traitée comme les autres dettes. Mes chers collègues, vous n’avez pas voté l’amendement que j’avais déposé sur la loi organique, il y a quelques années, visant à ce que le remboursement de la dette soit considéré comme une opération budgétaire, alors qu’actuellement, il est défini comme une opération de trésorerie, ce qui est une aberration comptable. Seul le remboursement des intérêts figure au budget de l’État. L’exception est constituée par ces 165 milliards, placés dans une section de la Cades, que nous subventionnons en vue du remboursement du capital et des intérêts. Seuls les intérêts devraient y figurer : il faudrait déduire de l’abondement annuel d’environ 5 milliards le capital remboursé. C’est pourquoi je ne suis pas favorable à l’amendement.
M. le président Éric Coquerel. Vous avez raison sur cet aspect technique, que je découvre. Cela étant, je maintiens que cela aurait dû être une dette normale de l’État et que nous devrions seulement rembourser les intérêts. Nous nous privons de moyens.
Mme Véronique Louwagie (DR). Le projet annuel de performances (PAP) évoque, non la Cades, mais la Caisse de la dette publique. S’agit-il de la même entité ? J’avais cru comprendre qu’une partie de la dette sociale liée à la covid-19 avait été affectée à la Cades mais, en l’occurrence, le PAP évoque la dette de l’État. Par ailleurs, aucune autorisation d’engagement n’est indiquée pour l’amortissement de la dette liée à la covid-19 dans le cadre du programme 369. Pourtant, on nous parle d’un échelonnement de 2022 à 2042. Pouvez-vous nous apporter des précisions à ce sujet ?
M. David Amiel (EPR). Si l’on considère la question sous l’angle de la gouvernance et du pilotage de nos politiques publiques, on peut se demander s’il était utile ou non de cantonner la dette. En revanche, d’un point de vue macroéconomique, cela ne change rien pour nos finances publiques. Si ces 5 milliards d’euros n’étaient pas affectés à la Cades, ils abonderaient le budget général : l’émission de dette serait plus faible dans le cadre du budget général alors qu’actuellement, ces sommes réduisent la dette placée au sein de la Cades. C’est exactement équivalent. La seule chose qui compte est le solde des dépenses et des recettes, autrement dit le niveau global de la dette publique, toutes administrations confondues.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). J’espère que ces échanges conduiront au dépôt d’un amendement, en vue de la séance, que, le cas échéant, nous soutiendrons. Je suis choqué par le fait que le Gouvernement oblitère systématiquement l’amortissement de la dette covid en communiquant le chiffre de 55 milliards d’euros, ce qui fausse grandement l’information de nos concitoyens et le débat public. Il faudrait l’inviter à publier le vrai chiffre, qui est 61 milliards.
M. le président Éric Coquerel. Je maintiens cet amendement à titre d’appel, mais il faudra le retravailler en vue de la séance.
M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial. Monsieur le rapporteur général, la dette covid doit être remboursée d’ici à 2042. À la fin 2024, 150 milliards d’euros restent à rembourser, et il devrait en rester 144,9 à la fin 2025. Nous n’avons pas d’information sur la part que représentent les intérêts. Le fait que la dette covid soit séparée n’apporte rien à l’État : c’est une opération comptable qui a un objet exclusivement politique.
Madame Louwagie, la dette covid est gérée par la Caisse de la dette publique, qui est une sorte de doublon de l’Agence France Trésor (AFT), distinct de la Cades.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CF1097 de M. Manuel Bompard
Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Par cet amendement d’appel, nous demandons la constitution d’une équipe chargée d’établir un plancher de détention de la dette souveraine, qui s’imposerait aux banques privées et aux assurances opérant en France. Le Gouvernement lance l’alerte sur l’insoutenabilité de la dette française, mais on s’attaque peu au fond du problème, qui est la structure de la dette. Alors que, dans les années 1970, celle-ci était majoritairement aux mains de résidents nationaux, elle est à présent détenue, à 53 %, par des structures situées à l’étranger. L’élévation du plancher de détention de la dette souveraine par les établissements précités permettrait de mieux la contrôler et de la rendre plus soutenable. À l’heure actuelle, les détenteurs établis à l’étranger ont une influence sur le montant des intérêts.
M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial. Je partage votre préoccupation. Lors du Printemps de l’évaluation, je me suis efforcé de déterminer qui détenait la dette française. Or, force est de constater que l’on n’en sait rien, car le code monétaire et financier ne permet pas aux personnes publiques de demander aux détenteurs réels de la dette de révéler leur identité. On sait simplement que la dette est détenue majoritairement par des non-résidents, ce qui constitue un danger potentiel pour notre souveraineté. Avant d’appliquer le dispositif que vous proposez, il me paraît nécessaire d’étudier son impact potentiel, car la qualité de la signature française est en jeu. Avis défavorable.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Voilà plusieurs années que nous demandons ces informations. Nous avons même auditionné les gestionnaires de la dette publique pour savoir qui la détient, mais on nous a répondu qu’il était impossible de le déterminer. On sait simplement que des acteurs étrangers en possèdent entre 50 et 55 % – le chiffre varie chaque année. Les masses en jeu sont énormes : l’État français émet cette année un peu plus de 300 milliards d’euros, qui correspondent au déficit, qui dépasse 150 milliards, et au remboursement de 150 milliards d’euros de dette. Nous sommes le premier emprunteur européen. Nous ne parviendrions pas à nous financer sur le seul marché français. En effet, l’épargne des ménages français s’élève à 220 milliards d’euros, soit environ 18 % de leur revenu ; nous épuiserions toute l’épargne des ménages – comme c’est le cas au Japon – et une partie de celle des entreprises.
M. Nicolas Sansu (GDR). Je suis très favorable à cet amendement d’appel, qui replace dans le débat public la question du circuit du Trésor. Monsieur le rapporteur spécial, j’avais rédigé, en 2015, avec MM. Buisine et Gorges, un rapport sur la détention de la dette dans le cadre de la mission d’évaluation et de contrôle (MEC). L’internalisation et le contrôle d’une partie de la dette, y compris à l’échelon européen – sous l’égide de la BCE – sont une question essentielle pour assurer notre souveraineté et réduire la charge de la dette. Monsieur le rapporteur général, si l’on englobe le livret A et l’assurance vie, les placements des Français atteignent 3 000 milliards d’euros. On ne pourra pas faire l’économie de ce type de dispositif car, à livrer toute notre dette aux marchés financiers, on nourrit la chaudière qui va nous tuer.
M. Matthias Renault (RN). Kévin Mauvieux a effectué des contrôles sur pièces et sur place à l’AFT et à la Banque de France pour essayer d’obtenir, non pas des données nominatives, mais un tableau indiquant, pour chaque pays, les montants de dette française détenus. Manifestement, ces données relèvent du secret d’État. Concrètement, des spécialistes en valeurs du Trésor répondent aux adjudications de l’AFT puis ces acteurs, que l’on pourrait qualifier de grossistes de la dette, la revendent par petits bouts sur le marché secondaire. L’AFT et la Banque de France affirment ne pas savoir ce que devient alors notre dette. C’est faux, puisque les spécialistes en valeurs du Trésor font des rapports réguliers à l’AFT, dans lesquels ils fournissent ces informations. En outre, la Banque de France abrite une salle des marchés, où cette information est connue. Enfin, les journalistes peuvent mener des investigations poussées au sein de la base financière Bloomberg, par exemple, dans laquelle il est possible de localiser la dette française.
M. David Amiel (EPR). On cite souvent le cas du Japon mais il faut rappeler que ce pays a des excédents commerciaux considérables, qui lui permettent d’accumuler de l’épargne et des créances vis-à-vis du reste du monde. Il peut ainsi détenir sa propre dette publique, comme le capital et la dette de ses entreprises, tout en investissant à l’étranger. Nous ne sommes pas dans la même situation. On peut vouloir réorienter massivement l’épargne des Français vers la dette publique, mais cela se fera au détriment de la dette privée de nos entreprises. Il faut plutôt s’assigner des objectifs relatifs à la quantité d’épargne et à la croissance si l’on veut répondre aux enjeux de financement de la dette publique et de la dette privée.
Par ailleurs, je rappelle que nous avons connu une crise majeure dans la zone euro parce que les banques détenaient massivement des titres de dette publique. L’État et les banques ont plongé de pair, comme on l’a vu en Italie, en Grèce et en Espagne. La réflexion sur la détention des titres de dette publique par le système bancaire doit être menée à l’échelon européen et prendre en compte une dimension assurantielle. Dans le cas contraire, en cas de crise financière, l’État et les banques tomberaient en même temps.
M. le président Éric Coquerel. Cela a tout de même été fait, à un niveau supérieur à 20 %, pendant la crise du covid, puisque la BCE a prêté aux États par le biais des banques centrales.
M. David Amiel (EPR). C’était la BCE, pas les banques de second rang.
M. Charles de Courson, rapporteur général. La BCE a détenu 25 à 30 % de la dette publique française.
M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial. Lorsque j’ai essayé de creuser la question, lors du Printemps de l’évaluation, j’ai constaté que deux doctrines étaient en présence. Selon la première, qui émane principalement du Trésor, il ne faut pas que l’on sache qui détient la dette car, si un pays ou des investisseurs se retirent, cette information déstabiliserait les marchés. En vertu de la seconde, qui est développée par des économistes que j’ai auditionnés, on peut divulguer la nationalité des investisseurs sans risquer de déstabiliser le marché mais il ne faut pas révéler l’identité précise des personnes. Pour ma part, je souhaite connaître la nationalité et le statut juridique des investisseurs. À ce sujet, il m’a été répondu qu’il est techniquement impossible d’obtenir ces informations. Or, nous avons auditionné Euronext, qui nous a indiqué qu’on pouvait facilement avoir accès, en quarante-huit heures, à la cartographie précise des endroits où étaient détenus les titres de dette française. Autrement dit, on peut le savoir si on en a la volonté.
La commission rejette l’amendement.
M. le président Éric Coquerel. Quel est votre avis sur les crédits de la mission, monsieur le rapporteur spécial ?
M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial. Mon avis demeure défavorable. La charge de la dette explose et contraint les politiques gouvernementales de par sa structure et son mode de gestion.
M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux explications de vote.
Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Si la charge de la dette représente 7 % du budget de l’État, le problème n’a jamais été la dette publique en soi, car celle-ci est d’une tout autre nature que celle d’un ménage. Le problème vient du fait que les dépenses publiques financées par la dette sont employées, de manière récurrente, pour sauver des marchés plutôt que pour servir l’intérêt des Français : c’est toute la différence entre la dette utile et illégitime, que notre président a exposée dans Lâchez-nous la dette !
La question est de savoir pour qui roule notre dette. Nous avons contracté des déficits non pas parce que nous aurions construit trop d’écoles et d’hôpitaux, non pas parce que nous aurions trop bien formé nos enseignants et nos médecins, mais bien parce que l’argent des Français a été mis au service des intérêts privés. Cet argent a été utilisé pour résorber les crises provoquées par le système capitaliste, qu’elles soient économiques et financières ou d’ordre sanitaire ; il a été employé pour soutenir massivement les grandes entreprises, qui reçoivent 200 milliards d’euros par an en cadeaux fiscaux et en aides ; il devrait en plus servir à payer le coût immense de la dette écologique que l’inaction climatique des sept années de macronisme nous a fait subir. L’argent des Français a servi à ce grand dispositif d’assistanat du capitalisme qu’est la dépense publique telle que conçue par Emmanuel Macron. Laurent Saint-Martin faisait mine, dans l’hémicycle, d’ignorer ce qu’est le néolibéralisme. Ce dernier, en réalité, ne se traduit pas par la rétractation de la sphère publique mais, au contraire, voit l’État devenir, à grand renfort de milliards, un acteur de marché comme les autres, qui crée et vend ses produits de dette, construisant par là sa prison dans laquelle il enferme les Français.
Nous voterons contre votre dette illégitime et irresponsable.
M. Philippe Brun (SOC). Nous voterons contre ces crédits.
Mme Véronique Louwagie (DR). Nous voterons en faveur des crédits de cette mission qui, comme son nom l’indique, concerne les engagements de l’État. S’y opposer reviendrait à remettre en cause la signature de la France et la crédibilité de notre pays. Cela étant, nous tenons à souligner la hausse particulièrement inquiétante de la charge de la dette, qui atteindra 54 milliards d’euros en 2025. C’est, d’ores et déjà, le deuxième poste de dépenses de l’État, devant la défense. Cela devrait tous nous alerter, dans un contexte géopolitique des plus instables, d’autant plus qu’elle devrait s’élever à 69 milliards d’euros en 2027, soit à un niveau supérieur au budget de l’éducation nationale. Nous serons tous d’accord, je pense, pour dresser ce constat d’échec. Moody’s a maintenu la note de la dette française, la semaine dernière, en prévoyant toutefois une trajectoire négative, signe d’un manque de confiance dans la capacité du pays à engager des réformes de fond pour résorber le déficit. Cela doit nous inciter à engager le redressement de nos finances publiques par un plan massif de réduction des dépenses que nous appelons de nos vœux pour sortir de cette spirale infernale. Ce n’est pas une question comptable mais un enjeu de souveraineté.
Mme Christine Arrighi (EcoS). Sur la base du constat dressé par Mme Louwagie, nous voterons contre les crédits. Il nous faut engager les réformes de fond en faveur de la transition écologique.
M. Christophe Plassard (HOR). Comme dans la rue, il faut remettre de l’ordre dans les comptes. En franchissant le cap des 50 milliards d’euros en 2025, la charge de la dette dépasse certains budgets, dont celui de la défense. Honorer les engagements financiers de l’État est essentiel si l’on veut continuer à emprunter à un taux raisonnable.
Cela étant, rappelons que l’augmentation de la dette est allée de pair avec celle du PIB. Par ailleurs, nous ne pouvions pas laisser des milliers de PME mettre la clé sous la porte pendant la crise sanitaire. Nous assumons les choix accomplis, mais il ne faut pas confondre l’ordre dans les comptes et l’orthodoxie budgétaire. Le covid a coûté 165 milliards d’euros d’aides aux Français et engendré 155 milliards d’euros de pertes fiscales. Une fois que l’activité a repris, nous avons connu une inflation record, dont on ne pouvait, là encore, laisser les Français subir seuls la charge. L’État a pris à nouveau ses responsabilités, et les mêmes qui hurlent aujourd’hui au dérapage exigeaient il y a encore un an que la puissance publique compense toutes les hausses de prix.
Cependant, il faut être responsable : ces engagements doivent être assumés. C’est tout l’enjeu de cette mission budgétaire. Le respect de la parole donnée par la France nous permet de bénéficier encore de taux raisonnables. Il y va de notre crédibilité internationale. Nous l’avions préservée, lorsqu’Édouard Philippe était Premier ministre : rappelons en effet que la procédure de déficit excessif engagée contre notre pays avait été abandonnée en 2018. Nous aiderons l’actuel Premier ministre à poursuivre ces efforts en votant en faveur de ces crédits budgétaires.
M. Charles de Courson (LIOT). Il me paraît difficile de voter contre ces crédits. En tout état de cause, quel que soit notre vote, les créanciers de l’État français sont en droit d’exiger le paiement des intérêts et le remboursement du capital. Notre vote sera donc, bien entendu, positif.
Le temps est fini où l’on s’endettait à un coût pratiquement nul, et ce nouvel état sera durable. La situation anormale que l’on a connue pendant quelques années était liée à la politique de la BCE qui, pour soutenir l’économie, a émis massivement de la monnaie, ce qui a fait s’effondrer les taux d’intérêt. Nous sommes revenus à des taux normaux, de l’ordre de 3 %, à rapporter à une inflation de 1,5 %. Nous allons payer très cher la politique d’endettement à tout-va. Sur les 2 500 milliards d’euros de la dette de l’État, 1 000 ont été contractés au cours des sept dernières années, les 1 500 milliards d’euros antérieurs étant imputables à plusieurs majorités. Soyons raisonnables et assumons le passé.
M. Nicolas Sansu (GDR). La dette est un formidable instrument pour contraindre les services publics et empêcher de répondre aux besoins sociaux et humains. Nous savons tous qu’elle a été entretenue. Des investissements dans la transition écologique devraient être sortis de la dette et financés par la BCE. Nos collègues du bloc central nous disent qu’il faut faire attention à la dette tout en faisant voter la suppression de l’article 11 du PLF et de l’article 6 du PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale). Autrement dit, vous n’assumez pas les mesures que propose le Gouvernement pour réduire le déficit. Il faut faire preuve d’un minimum de cohérence. Nous voterons contre ces crédits.
La commission rejette les crédits de la mission Engagements financiers de l’État.
Article 45 et état G : Objectifs et indicateurs de performance
Amendement II-CF380 de M. Kévin Mauvieux
M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial. Cet amendement vise à enrichir les indicateurs de performance de la mission Engagements financiers de l’État en y incluant le montant des primes et des décotes, ainsi que la nationalité et la classification des détenteurs de la dette française. Les primes et les décotes peuvent donner une vision déformée du montant de la dette.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Je suis tout à fait favorable à cette mesure, qui permettra de mettre au jour le montant effectif de la dette. Je me suis battu pendant des années pour que l’on indique clairement le montant des primes et des décotes d’émission, qui s’élèvent à près de 40 milliards d’euros.
La commission adopte l’amendement.
Après l’article 60
Amendement II-CF617 de M. Charles de Courson
M. Charles de Courson, rapporteur général. Actuellement, le Parlement n’exerce aucun contrôle sur les activités de l’AFT. Je propose qu’un député et un sénateur siègent au sein de son comité stratégique afin de rendre compte de l’organisation de l’agence et de sa stratégie en matière d’émission des obligations souveraines. La Cour des comptes avait estimé, à l’issue de l’audit qu’elle y avait mené, que la dette française était globalement bien gérée, avec prudence, dans une perspective de long terme.
Toutefois, on peut s’interroger, par exemple, sur le bien-fondé du recours à des produits indexés sur l’inflation, que l’Allemagne a décidé de ne plus émettre. Nous devrions adopter la même position, compte tenu du risque auquel cela nous expose. À l’heure actuelle, près d’un dixième de notre dette est indexé. Il me paraît anormal qu’aucun parlementaire ne soit présent pour suivre ces questions. Lorsqu’on interroge les gestionnaires, par exemple sur la maturité d’un titre ou sur l’indexation, ils nous répondent que c’est ce que demande le marché. Or, ils ne sont pas obligés de suivre le marché s’ils estiment que cela nous fait courir un danger. Cela mérite un vrai débat.
M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial. Je donnerai, comme l’année dernière, un avis favorable sur cet amendement. La plus grande transparence doit régner sur les questions soumises à l’examen des parlementaires et, en particulier, sur la dette de l’État. Il est primordial que le Parlement puisse donner son avis sur une décision telle que l’émission d’OATi – qui représentent 10,8 % de notre dette –, d’autant plus que les investisseurs sont nombreux à vouloir acheter des obligations classiques – la demande étant deux à trois fois supérieure à l’offre.
M. le président Éric Coquerel. Je voterai pour cet amendement. Toutefois, comme on le prévoit pour la Caisse des dépôts, il faudrait que la présidente de l’Assemblée nationale et le président du Sénat nomment, chacun, deux membres de leur assemblée respective, l’un appartenant à la majorité, l’autre à l’opposition. Je sous-amende l’amendement en ce sens.
La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous-amendé.
Amendement II-CF381 de M. Kévin Mauvieux
M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial. Cet amendement demande au Gouvernement la remise d’un rapport, dans un délai de six mois, sur les OATi, notamment sur le coût des intérêts annuels versés par l’État. Il s’agit de savoir précisément le surcoût qu’a entraîné l’émission d’OATi lorsque les taux étaient négatifs. Cela va dans le sens de la proposition de loi que j’ai déposée il y a près de deux ans pour interdire les OATi.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF1092 de M. Manuel Bompard
Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Cet amendement vise à ce que le Gouvernement remette un rapport permettant d’évaluer l’impact de l’introduction d’un plancher de détention de dette pour les banques et les assurances qui opèrent en France. Le rapport devra détailler les conséquences de ce mécanisme sur les taux d’emprunt et la sensibilité de la dette souveraine aux potentielles attaques spéculatives.
M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial. Je suis favorable à cette demande de rapport. Plus nous aurons d’éléments tangibles sur les détenteurs de la dette et les conséquences d’une modification de la structure de la détention de la dette, plus nous pourrons agir de manière cohérente et responsable. Lorsque nous demandons que les résidents obtiennent la priorité pour la détention de titres, l’AFT et le Gouvernement nous répondent souvent que cela accroîtrait les risques et augmenterait les taux, car nous aurions moins d’investisseurs et, partant, moins de liquidités. Certains, dont je fais partie, doutent du bien-fondé de cette objection.
La commission adopte l’amendement.
Compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État ; Compte de concours financiers Prêts et avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics (M. Philippe Brun, rapporteur spécial)
M. Philippe Brun, rapporteur spécial. En préambule, monsieur le président, nous devrons réfléchir, et le groupe Socialistes et apparentés aura des propositions à vous faire dans le cadre du Printemps de l’évaluation, à une modification de l’organisation de nos débats sur la deuxième partie. Il y a sans doute trop de réunions, ce qui nous amène à débattre de sujets aussi importants que celui-ci à des horaires très avancés.
Les crédits du compte d’affectation spéciale (CAS) Participations financières de l’État, sont d’un montant proche de ceux ouverts par la loi de finances pour 2024 : 9,569 milliards d’euros, soit une baisse de 293 millions d’euros, autrement dit 3 %. Cette stabilité ne doit cependant pas occulter l’évolution très différenciée des crédits respectifs des deux programmes du CAS.
Les crédits du programme 731 Opérations en capital intéressant les participations financières de l’État augmentent de 30,4 %, soit un peu plus de 1 milliard d’euros, pour atteindre 4,42 milliards d’euros. La transparence n’est toujours pas au rendez-vous. Nous ne savons pas quelles opérations seront menées par l’Agence de participations de l’État (APE). 2,66 milliards d’euros sont inscrits pour les opérations en capital susceptibles d’intervenir en 2025 et ayant principalement pour l’objet la défense d’intérêts stratégiques ; ce sont plus de 2 milliards d’euros à la main du Gouvernement, du Premier ministre, du Président de la République et du secrétaire général de l’Élysée, qui s‘intéresse beaucoup à ces questions, 2 milliards d’euros qui pourront être décaissés à tout moment. Hors ces opérations pour l’instant confidentielles, on note 1,3 milliard d’euros pour des investissements en fonds propres au titre du troisième programme d’investissement d’avenir (PIA 3) et du plan France 2030 ainsi que 102 millions d’euros pour des dotations à un certain nombre de fonds, la plus importante, d’un montant de 40 millions d’euros, étant destinée au fonds de soutien aux industries agroalimentaires.
L’APE indique néanmoins que son activité patrimoniale en 2025 sera susceptible de s’étendre au-delà des seules marges de financement assurées par les crédits ouverts par la loi de finances, en mobilisant le report de solde – le montant de celui-ci pourrait être compris entre 2,6 et 3,1 milliards d’euros. En effet, au-delà des opérations, confidentielles ou non, que je viens d’évoquer, d’autres opérations d’ores et déjà identifiées par l’APE seront financées à partir du report de solde sur 2025. Ce sont notamment la souscription de l’État à une augmentation de capital d’IN Groupe, l’ancienne Imprimerie nationale, entreprise publique dédiée à la création de titres et documents sécurisés ; la possible et souhaitable acquisition d’une partie des activités du groupe Atos ; l’intervention de l’État au capital de la société Nokia Submarine Networks Holding (NSNH).
Je rappelle que mon collègue Marleix et moi-même avons été les premiers à appeler l’attention de l’État sur la situation du groupe Atos et la nécessité d’une nationalisation de certains actifs stratégiques de ce groupe. Notre commission avait voté un amendement en ce sens. Je me félicite que l’État nous ait entendus malgré le recours à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, puisqu’une acquisition dont le périmètre est dévoilé peu à peu dans la presse est prévue. Ces activités stratégiques ne sauraient passer sous pavillon étranger, il convient de les protéger.
Les crédits du programme 732 Désendettement de l’État et d’établissements publics de l’État, qui a pour objet l’amortissement de la dette publique liée au covid, diminuent sensiblement – de plus de 1,3 milliard d’euros, soit 20,4 % –, pour s’établir à 5,15 milliards d’euros. Ce programme est alimenté par un versement du budget général.
Le CAS est présenté à l’équilibre, mais, si les recettes incluent le produit des cessions de participations financières, elles ne comprennent pas les dividendes du portefeuille de participations de l’État. Cette exclusion est regrettable en ce qu’elle prive le Parlement de la possibilité de se prononcer sur l’utilisation de ces dividendes, dont le montant devrait, en 2025, s’élever à 2,5 milliards d’euros – je le rappelle à certains députés de la majorité qui envisagent de nouvelles privatisations d’entreprises très rentables.
Je continue de déplorer que les indicateurs visant à mesurer la performance proprement financière ne soient, une nouvelle fois, renseignés ni pour l’année en cours ni pour l’année à venir. J’avais interrogé le 21 mai dernier, ici même, le ministre des comptes publics, M. Thomas Cazenave, redevenu depuis notre collègue, qui s’était engagé à nous communiquer les indicateurs « rentabilité opérationnelle des capitaux employés » (Roce), « suivi et maîtrise de l’endettement » et « taux de rendement de l’actionnaire » mais le projet annuel de performances ne comporte ni cible pour l’année à venir, ni indication de la réalisation pour l’année en cours. Ce n’est pas satisfaisant.
Le compte de concours financier (CCF) Prêts et avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics représente 10,42 milliards d’euros de crédits de paiement, montant en légère baisse de 1 %.
Pour l’ensemble des raisons que je viens de développer, je vous propose de vous abstenir sur le CAS Participations financières de l’État et de voter en faveur CCF Prêts et avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics.
M. le président Éric Coquerel. J’attends avec impatience les propositions du groupe Socialistes mais le simple respect de la loi organique devrait déjà nous aider à améliorer une situation dont je pâtis comme vous, cher collègue.
Article 44 et état D : Crédits des comptes d'affectation spéciale et des comptes de concours financiers
Amendement II-CF1194 de M. Manuel Bompard
Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). L’amendement vise à nationaliser Opella, filiale de Sanofi qui produit le Doliprane.
Sous Macron, le nombre de signalements de ruptures de stock de médicaments est passé de 400 en 2016 à 3 700 en 2023. Ce sont à la fois la santé publique et la souveraineté sanitaire qui sont en jeu.
Nous ne pouvons pas nous contenter de l’annonce du Gouvernement d’une entrée de l’État au capital à hauteur de 2 % alors qu’il faut 50 % du capital pour détenir le contrôle. L’État est actionnaire à 14 % de Renault mais il n’a pas le pouvoir de l’empêcher de délocaliser ou de rompre avec des sous-traitants.
Au-delà des dangers sanitaires, si l’autre moitié d’Opella est mise en vente, le risque est grand de voir le prix du Doliprane augmenter considérablement.
M. Philippe Brun, rapporteur spécial. Il faut davantage protéger l’entreprise en usant du décret Montebourg – les articles R. 151-3 et suivants du code monétaire et financier permettent de contrôler les investissements dans des secteurs stratégiques.
L’article 40 de la Constitution vous interdit de nationaliser Opella. En revanche, je vous invite à demander au Gouvernement, comme nous l’avons écrit dans la Tribune du dimanche, de recourir au décret Montebourg pour protéger nos intérêts stratégiques et empêcher le passage sous pavillon étranger de cette belle entreprise française plutôt qu’une nationalisation brute, d’autant que les produits vendus ne sont pas tous pharmaceutiques.
Voilà pourquoi mon avis sera plutôt défavorable.
M. le président Éric Coquerel. Il s’agit bien sûr d’un amendement d’appel. Cette affaire pose néanmoins la question d’un prix public du médicament dès lors qu’il ne s’agit pas d’un produit comme les autres.
Les problèmes d’approvisionnement, qui concernent aussi des entreprises françaises pour lesquelles le décret Montebourg serait inopérant, sont liés aux règles du marché : si un médicament s’avère plus rentable, l’entreprise réoriente sa production et abandonne d’autres médicaments qui nous sont pourtant essentiels. C’est le cas du Doliprane qui a été absent des pharmacies à un moment donné et dont le principe actif est toujours fabriqué en Chine.
On ne peut pas livrer tous les médicaments à la loi du marché. On peut imaginer qu’une partie du crédit d’impôt recherche serve à financer un fonds dédié à protéger certains d’entre eux. Je note d’ailleurs que le Doliprane est rentable, peut-être pas assez pour des entreprises dont les exigences en la matière sont dictées par la bourse, mais suffisamment pour une entreprise d’État.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous partageons l’objectif de l’amendement ainsi que les remarques du rapporteur spécial.
J’ai une question à laquelle Bercy n’a jamais répondu : dans quelles conditions l’État peut-il obtenir une golden share, une action préférentielle, au titre de ses participations ? Cela avait été le cas dans la joint-venture pour les turbines Arabelle, issue du rachat par General Electric.
Si l’État français redevenait stratège, pourrait-on envisager de s’appuyer sur la pharmacie centrale des armées qui possède la capacité de produire des médicaments sans brevet à très grande échelle ?
M. Charles de Courson, rapporteur général. L’amendement n’est-il pas dépassé depuis l’accord annoncé dans lequel l’État prendrait une participation de 2 % ?
M. le président Éric Coquerel. Selon le comité d’entreprise, rien n’a été signé à ce jour.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il faudrait interroger le Gouvernement, notamment sur le coût de cette participation qui sera imputée sur les crédits que nous examinons.
Chaque année, c’est la même chose, la direction du Trésor refuse de nous dévoiler les opérations qu’elle envisage dans le cadre du programme 731 Opérations en capital intéressant les participations financières de l'État, à moins que le rapporteur spécial n’ait cette fois obtenu des informations.
Mme Véronique Louwagie (DR). Nous partageons votre préoccupation quant à la souveraineté de la France en matière de production de médicaments. Toutefois, certains composants sont fabriqués en Chine ; une nationalisation ne résoudra donc pas tous les problèmes de souveraineté.
Par ailleurs, je me réjouis que vous fassiez la promotion du crédit d’impôt recherche et que vous reconnaissiez qu’il peut être utile dans certaines situations, monsieur le président !
M. le président Éric Coquerel. J’ai surtout proposé d’en reprendre une partie !
Mme Véronique Louwagie (DR). Il faut savoir que les laboratoires pharmaceutiques vendent les médicaments moins cher en France qu’ailleurs. Nous ne sommes donc pas un marché prioritaire, ce qui nous met en difficulté en cas de pénurie. Ce sujet est rarement souligné ; il devrait être abordé dans le cadre des négociations entre l’État et les industries pharmaceutiques.
M. Philippe Brun, rapporteur spécial. La France n’est effectivement pas le marché le plus rentable pour les médicaments, notamment pour ceux qui ont un générique, mais le Doliprane n’a jamais été génériqué au sens du code de la sécurité sociale : quand un médecin prescrit du Doliprane, le pharmacien n’a pas le droit de le remplacer par un générique. Cette particularité a fait l’objet d’une négociation annuelle, avec chantage à l’emploi de la part de Sanofi. Chaque année, le ministère de la santé demandait la générication du Doliprane pour alléger les comptes de la sécurité sociale, et chaque année, le ministère de l’industrie menait le combat inverse pour maintenir la production du Doliprane en France, à Lisieux. En contrepartie de la non-générication, Sanofi s’est engagé à se fournir en principes actifs français. L’État a dépensé 150 millions d’euros pour relocaliser cette production près de Toulouse. Nous craignons qu’Opella ne respecte pas cet engagement de produire en France. Il n’est stratégique de produire du Doliprane en France que si l’on utilise des principes actifs français. C’est ce que nous devons défendre.
La solution proposée par l’État est-elle satisfaisante ? Détenir une partie du capital d’une entreprise n’empêche pas les drames. Dans mon département de l’Eure, l’usine Compin, qui fabriquait des sièges pour la SNCF et Alstom depuis le début du XXe siècle, a délocalisé sa production au Portugal ; Bpifrance en était pourtant actionnaire à hauteur de 8 %. Le fait que l’État possède 8 %, 10 % ou 12 % d’Opella n’est pas une garantie.
Il serait plus efficace de menacer d’appliquer le décret Montebourg relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable. La France y recourt peu – cinq transactions ont été bloquées depuis 2014 –, au contraire des États-Unis qui emploient davantage à un mécanisme similaire et bloquent une trentaine de transactions chaque année.
J’estime personnellement que la nationalisation totale d’Opella n’aurait pas de logique, puisque cette entreprise fabrique davantage des produits de beauté que des produits pharmaceutiques.
M. le président Éric Coquerel. Nous avons bien conscience qu’il s’agit d’un amendement d’appel.
La commission adopte l’amendement II-CF1194.
En conséquence, l’amendement II-CF1200 tombe.
Amendement II-CF1214 de Mme Claire Lejeune
Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Nous appelons à la création d’un fonds de reprise pour les sous-traitants automobiles, afin d’apporter des réponses à la grave crise que la filière automobile française traverse. L’État doit s’investir pour ne pas que cette filière casse des emplois et délocalise à tout-va. Les enjeux industriels, écologiques et sociaux sont immenses.
M. Philippe Brun, rapporteur spécial. Avis favorable. Nous le voyons tous dans nos circonscriptions : la filière automobile rencontre d’immenses difficultés et supprime de très nombreux emplois. Un récent article des Échos recensait ainsi des départs volontaires chez Continental à Rambouillet et Toulouse, la liquidation judiciaire de MA France, une procédure de sauvegarde chez Walor dans les Ardennes, ou encore la fermeture du site Bosch de Mondeville programmée en 2026. Vous en appelez à une solidarité de filière, à l’instar du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. La création d’un fonds doté de 50 millions d’euros me semble donc une bonne idée.
La commission adopte l’amendement.
M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux explications de vote des groupes sur les crédits de la mission Participations financières de l’État.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous nous abstiendrons. Et j’attends toujours une réponse concernant la golden share, monsieur le rapporteur spécial.
M. Philippe Brun, rapporteur spécial. Le code monétaire et financier, modifié par la loi Pacte, s’applique en la matière. Les conditions sont donc les mêmes que celles dont bénéficiait jadis l’État, et les mêmes que dans le privé. La question des droits de vote doubles se pose par ailleurs.
M. David Amiel (EPR). Nous voterons contre les crédits de la mission tels qu’ils ont été amendés. Les participations de l’État sont une question sérieuse qui mérite un vrai débat. Il n’est pas sérieux de déposer des amendements visant à nationaliser Sanofi – et même si nous le voulions, les crédits prévus sont très loin du compte.
Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Compte tenu de l’adoption de nos amendements, nous voterons ces crédits.
M. Mickaël Bouloux (SOC). Avis favorable.
Mme Véronique Louwagie (DR). L’adoption de l’amendement II-CF1194 visant la nationalisation d’Opella n’a pas beaucoup de sens, puisqu’elle a abondé de 5 milliards d’euros un programme dont le montant initial était inférieur à 4,5 milliards d’euros. J’ai bien entendu qu’il s’agissait d’un amendement d’appel mais, dans ces conditions, nous voterons contre les crédits du compte d’affectation spéciale.
Mme Christine Arrighi (EcoS). Quant à nous, nous voterons pour.
M. Didier Padey (Dem). Compte tenu des amendements adoptés, nous voterons contre. En votant l’amendement II-CF1214, vous entendez aider l’industrie automobile française ; or, cet après-midi, vous avez alloué 2 milliards d’euros à l’électrification de la flotte automobile de notre pays, ce qui revient à aider l’industrie chinoise. En réalité, vous votez tout et son contraire.
M. Christophe Plassard (HOR). Pour les raisons exposées par Mme Louwagie, nous voterons contre ces crédits.
M. Charles de Courson (LIOT). Je ne vois pas l’intérêt d’avoir adopté l’amendement II-CF1194 – à moins qu’il ne s’agisse d’un amendement d’appel… Vous avez abondé de 5 milliards d’euros un programme déjà doté de 4,4 milliards d’euros, dont nous n’avons jamais perçu l’utilité. L’État a tout ce qu’il faut pour prendre des participations financières, d’autant qu’il peut aussi utiliser des crédits inscrits ailleurs, par exemple dans le budget de la défense. Du reste, il n’est pas toujours utile d’augmenter la part de l’État dans le capital d’une entreprise : dans le système de la golden share, applicable dans un certain nombre de secteurs stratégiques déterminés par décret – la défense et l’industrie pharmaceutique, par exemple –, il suffit d’acheter une action, ce qui ne coûte pas cher, pour obtenir des pouvoirs considérables.
M. Nicolas Sansu (GDR). Je voterai pour ces crédits, étant entendu que l’amendement II-CF1194 est un amendement d’appel, qui ne permettra pas de tout régler.
M. le président Éric Coquerel. J’ai dit et répété qu’il s’agissait d’un amendement d’appel. Alors que ce budget ne sera probablement pas discuté en séance, la situation des salariés de Sanofi et de notre industrie pharmaceutique est suffisamment grave pour que nous envoyions un signal au Gouvernement.
Monsieur Padey, il n’y a aucune contradiction entre les deux votes que nous avons exprimés. Nous avons dit qu’il fallait envisager une remise à plat du soutien apporté à l’industrie automobile française en tenant compte de tous les paramètres, y compris des délocalisations.
M. Didier Padey (Dem). Les parkings des constructeurs chinois sont remplis de véhicules prêts à être livrés en Europe.
La commission adopte les crédits du compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État, modifiés.
Après l’article 60
Amendement II-CF1428 de M. Philippe Brun
M. Philippe Brun, rapporteur spécial. Notre proposition de loi relative à EDF, définitivement adoptée par l’Assemblée nationale et le Sénat, prévoyait en première et en deuxième lectures la cession de 2 % du capital du groupe à ses salariés. En vertu de l’accord trouvé avec le Gouvernement, nous avons retiré cette disposition du texte final, mais je souhaite la réintroduire ici par amendement, considérant que notre commission y avait été favorable.
Pourquoi développer l’actionnariat salarié ? Il convient d’abord de suivre l’orientation définie par la loi Pacte, qui fixe un objectif de 10 % du capital détenu par des actionnaires salariés d’ici à 2030. Cependant, la présence de salariés au sein du conseil d’administration d’EDF constitue aussi un garde-fou utile, qui garantira la prise en compte de l’intérêt général et nous protégera d’un éventuel démantèlement du groupe, dans la mesure où les salariés auront la possibilité d’exiger la communication de toutes les informations disponibles. L’État étant aujourd’hui l’unique actionnaire d’EDF, il a les mains libres pour mener toutes les opérations qu’il souhaite.
La commission adopte l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur spécial, elle adopte les amendements identiques II‑CF2506 de la commission du développement durable et II-CF429 de M. Sylvain Carrière, puis, successivement, les amendements II-CF2252 de M. Aurélien Saintoul et II‑CF2255 de M. Bastien Lachaud.
Compte de concours financiers Prêts et avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics (M. Philippe Brun, rapporteur spécial)
Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission adopte les crédits du compte de concours financiers Prêts et avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics, non modifiés.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 30 octobre 2024 à 21 heures
Présents. - M. David Amiel, Mme Christine Arrighi, M. Carlos Martens Bilongo, M. Mickaël Bouloux, M. Philippe Brun, M. Michel Castellani, M. Bérenger Cernon, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Sébastien Delogu, M. Jocelyn Dessigny, M. Benjamin Dirx, M. Denis Fégné, Mme Mathilde Feld, M. Emmanuel Fouquart, Mme Perrine Goulet, Mme Chantal Jourdan, M. Tristan Lahais, M. Jérôme Legavre, Mme Claire Lejeune, Mme Véronique Louwagie, Mme Claire Marais-Beuil, M. Emmanuel Maurel, M. Kévin Mauvieux, Mme Marianne Maximi, Mme Estelle Mercier, M. Jacques Oberti, Mme Julie Ozenne, M. Christophe Plassard, M. Nicolas Ray, M. Matthias Renault, M. Charles Rodwell, M. Alexandre Sabatou, M. Emeric Salmon, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, M. Charles Sitzenstuhl, Mme Ersilia Soudais, M. Jean-Philippe Tanguy
Excusés. - M. Jean-Paul Mattei, Mme Yaël Ménaché, M. Nicolas Metzdorf, Mme Sophie Pantel
Assistaient également à la réunion. - M. Pouria Amirshahi, M. Idir Boumertit, M. Sylvain Carrière, M. Pierrick Courbon, M. Aly Diouara, M. Julien Dive, Mme Florence Herouin-Léautey, M. Benjamin Lucas-Lundy, M. Didier Padey, M. Jean-Claude Raux, Mme Danielle Simonnet