Compte rendu
Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire
– Examen de la seconde partie du projet du projet de loi finances pour 2025 (n° 324) (M. Charles de Courson, rapporteur général) ; examen et vote sur les crédits des missions :
– Santé (Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale)....2
– Cohésion des territoires :........................28
- Logement et hébergement d’urgence (M. François Jolivet, rapporteur spécial)
- Politique des territoires (M. David Guiraud, rapporteur spécial)
- Aménagement des territoires (M. Laurent Baumel et Sophie Mette, rapporteurs spéciaux)
– Présences en réunion...........................53
Lundi
4 novembre 2024
Séance de 15 heures
Compte rendu n° 041
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Éric Coquerel,
Président
— 1 —
La commission examine la seconde partie du projet du projet de loi finances pour 2025 (n° 324) (M. Charles de Courson, rapporteur général)
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Depuis 2023, la mission Santé regroupe trois programmes : le programme 183, Protection maladie, qui finance les différentes composantes de l’aide médicale de l’État (AME) et, de façon plus marginale, le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante ; le programme 204, Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins, qui soutient d’autres actions dans le domaine de la santé ; et le programme 379, qui sert de canal budgétaire au reversement des recettes de la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR) de l’Union européenne au titre du volet investissement du Ségur de la santé. Ce dernier programme a vocation à s’éteindre en 2026, d’où la forte baisse des crédits ouverts cette année. Les cibles et jalons conditionnant le versement des crédits européens en la matière sont atteignables.
Au total, les autorisations d’engagement (AE) des programmes 204 et 183 atteignent 1 557 millions d’euros, soit une hausse de 5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024.
S’agissant du programme 204, la baisse des crédits, qui passent de 267 à 229 millions, est à relativiser puisqu’elle inclut les 20 millions annulés en début d’année 2024. Ceux-ci ont principalement été répercutés sur l’action 11, Pilotage de la politique de santé publique, dont le budget diminue de 17 %.
De la même façon, la clôture du fonds de concours créé en réponse à la crise sanitaire, qui avait contribué à la hausse des crédits du programme depuis 2020, entraîne une baisse de 66 % des crédits de l’action 16, Veille et sécurité sanitaire. La réaffectation de crédits qui en résulte explique la hausse de 24 % observée pour l’action 19, Modernisation de l'offre de soins, qui finance notamment l’agence de santé de Wallis-et-Futuna.
Toujours dans le programme 204, la dotation de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est maintenue à 32,4 millions, dont 8 millions au titre des indemnisations liées aux vaccinations obligatoires et aux mesures sanitaires d’urgence et 24,4 millions pour les victimes de la Dépakine. L’intégralité des crédits prévus pour 2024 ayant été consommés dès le mois d’octobre, la question de la revalorisation de cette dotation se pose. La direction générale de la santé estime que 3,3 millions supplémentaires seront nécessaires pour traiter tous les dossiers de 2024 liés à la Dépakine, en raison de demandes plus dynamiques que prévu – dont on ne peut que se féliciter, puisqu’elles montrent que les campagnes de communication à destination des victimes potentielles ont atteint leurs objectifs. Il conviendrait que le ministère en tire les conséquences.
J’en viens au programme 183, qui explique à lui seul la hausse de 5 % que j’ai évoquée. L’AME représente 80 % des crédits de la mission Santé, soit 1 319 millions, en hausse de 9,21 % par rapport à 2024. Force est de constater que les mesures de gestion et de contrôle prises depuis 2020 ne suffisent pas à contrebalancer la progression continue du nombre d’étrangers en situation irrégulière éligibles à cette prestation.
Dès lors, ni les annulations de crédits décidées en début d’année, ni l’intention du Gouvernement de geler des crédits par un amendement au projet de loi de finances (PLF) ne garantissent un contrôle plus étroit de la dépense. Il s’agit d’une prestation de guichet qui est engagée du seul fait de la progression du nombre de bénéficiaires et des soins et médicaments éligibles. Le budget prévu pour 2024 est d’ailleurs déjà largement dépassé : la dépense pour l’AME devrait s’établir au moins à 1 288 millions, soit 80 de plus qu’escompté. En comptant les 50 millions annulés par décret, la créance de l’État auprès de l’assurance maladie au titre de l’AME s’établira donc à près de 130 millions.
Un gel des crédits sans réforme du dispositif ne constituerait qu’une vaine mesure d’affichage. Au 31 mars 2024, le nombre de bénéficiaires de l’AME de droit commun s'établissait à 459 397, soit une hausse de 8,7 % par rapport au premier trimestre 2023, dans la continuité de la tendance observée depuis la mi-2021. J’avais d’ailleurs déposé en septembre dernier une proposition de loi visant à retranscrire les recommandations de nature législative contenues dans le rapport Évin-Stefanini.
Si aucun amendement réduisant les crédits budgétaires n’était adopté, je ne saurais être favorable à l’adoption des crédits de la mission Santé.
Article 42 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-CF1103 de Mme Sandra Regol
Mme Sandra Regol (EcoS). Depuis 2022, à Strasbourg, les femmes enceintes se voient délivrer une « ordonnance verte », au titre d’un programme visant à lutter contre les perturbateurs endocriniens en fournissant gratuitement à des familles à faibles revenus, pendant sept mois, des paniers de fruits et légumes bios et locaux. Depuis cette année, une tarification progressive, couvrant de deux à sept mois de grossesse, est également proposée.
Ce programme, en voie d’être adopté par une vingtaine de villes en France, comme Trappes ou Montpellier, permet de miser sur la prévention, en maniant la carotte plutôt que le bâton, de créer des emplois – une dizaine à Strasbourg pour la seule première phase – et surtout de nourrir des familles, de les protéger et de transformer leur consommation.
Nous proposons de le généraliser, en demandant au Gouvernement de lever le gage.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Le programme 204 finance déjà des actions d’information et de prévention. Par ailleurs, l’enveloppe proposée me paraît élevée. Le principe d’une expérimentation me semble très intéressant, mais, avant de généraliser le dispositif, il faudrait pouvoir tirer un bilan rigoureux du dispositif déployé à Strasbourg, qui ne date que de novembre 2022. Avis défavorable.
Mme Sandra Regol (EcoS). Les bilans existent. Ils ont permis d’engager les phases 2 puis 3 du dispositif et ont incité d’autres villes à s’engager. J’entends néanmoins votre argument concernant le montant proposé dans l’amendement. Je propose donc de le retirer afin que nous puissions trouver une formulation qui vous convienne en vue de la séance publique.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Je suis tout à fait disposée à travailler sur cette question avec vous s’il existe un bilan rigoureux sur lequel nous appuyer.
L’amendement est retiré.
Amendement II-CF1105 de Mme Sandra Regol
Mme Sandra Regol (EcoS). Il vise à prévoir le remboursement intégral des protections menstruelles, dont la charge génère pour les femmes une inégalité sociale et économique – sans même parler de la taxe rose, qui rend la plupart des produits d’hygiène féminins beaucoup plus onéreux que leurs équivalents masculins. On estimait en 2021 que 2 millions de femmes se trouvaient en situation de précarité menstruelle, et leur nombre a quasiment doublé en 2023, à 3,8 millions. Rembourser ces protections nécessaires à toutes les femmes est une priorité.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Un remboursement existe déjà pour les femmes les plus précaires, notamment les étudiantes. Il est prévu dans le PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale). Il me paraît préférable d’en rester à ce vecteur budgétaire pour ne pas multiplier les sources de financement, au risque de perdre le sens et la traçabilité de la prise en charge. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendements II-CF2851 de M. Sébastien Peytavie, II-CF2479 de Mme Véronique Louwagie et II-CF1953 de Mme Marie-Charlotte Garin (discussion commune)
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Plus de 3 millions de femmes et personnes menstruées sont atteintes d’endométriose en France – nous connaissons tous au moins une personne concernée. Provoquant des douleurs atroces, des troubles digestifs et des difficultés à tomber enceinte, cette maladie n’a toujours pas de traitement et les personnes atteintes connaissent une errance médicale qui dure en moyenne dix ans.
Un test diagnostique récemment créé, l’Endotest, permet d’éviter le recours à la cœlioscopie, qui n’est plus recommandée en raison des risques qu’elle fait encourir aux patientes. La Haute Autorité de santé (HAS) a récemment donné un avis favorable à sa prise en charge dans le cadre du forfait innovation. Seulement, l’accès ne serait possible qu’en deuxième intention et resterait pour l’heure réservé à 2 000 femmes, alors qu’elles sont 500 000 à attendre un diagnostic.
L’errance médicale a non seulement un coût pour l'assurance maladie, mais aussi et surtout des conséquences psychologiques et physiques pour les malades. Les femmes n’ont pas à être la variable d’ajustement du Gouvernement dans sa recherche d’économies. Alors que certaines douleurs peuvent être équivalentes à celle d’une crise cardiaque, nous devons prendre en charge les outils de diagnostic les plus efficaces et rapides pour leur éviter des années d’errance supplémentaires.
L’amendement de Marie-Charlotte Garin est un amendement de repli.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. L’endométriose est une pathologie encore méconnue. Beaucoup de femmes ne savent pas qu’elles en sont atteintes, et mon amendement vise à renforcer la prévention. L’Organisation mondiale de la santé estime que l’endométriose touche près de 10 % des femmes et des filles en âge de procréer à l’échelle mondiale, soit 190 millions de personnes. J’avais aussi déposé en juillet 2023 une proposition de loi pour développer la prévention, en rappelant qu’une enseigne nationale de distribution avait fait un grand pas en devenant le premier employeur à instaurer un congé payé spécifique de douze jours pour les employées atteintes d’endométriose.
L’amendement de M. Peytavie propose une enveloppe de 20 millions, contre 1 million pour le mien. Ce montant me paraît suffisant dans un premier temps. Je demande le retrait des autres amendements au profit du mien.
M. le président Éric Coquerel. Comment une telle différence s’explique-t-elle ?
M. Sébastien Peytavie (EcoS). La somme que nous proposons ouvre l’accès des 500 000 femmes concernées à l’Endotest.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Mon amendement, beaucoup plus général, porte sur le déploiement d’un dispositif de communication et d’information. Il me semble important, avant tout, de faire connaître cette pathologie et d’y sensibiliser les femmes, qui peuvent en être atteintes sans le savoir.
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Notre souhait n’est pas d’informer sur la maladie, mais de permettre l’accès à un test qui existe et qui est recommandé par la HAS, mais qui a un coût. L’objectif est d’éviter tous les autres examens, qui sont très douloureux et parfois lourds de conséquences pour les femmes. Lorsque j’avais présenté cet amendement l’année dernière, on m’avait conseillé d’attendre les recommandations de la HAS. Elles sont désormais connues.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. La mise à disposition de l’Endotest relève du PLFSS, comme toutes les prises en charge par l'assurance maladie. La mission Santé du PLF a seulement vocation à financer des actions de prévention, d’étude ou d'information à destination des citoyens.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Si cet amendement relève du PLFSS, pourquoi a-t-il été déclaré recevable ? Promouvoir une vraie politique de prévention suppose de rendre les tests accessibles, pas simplement de faire de la communication.
M. le président Éric Coquerel. Le contrôle de recevabilité effectué par la commission des finances concerne la forme, et non le fond : je ne déclare pas un amendement irrecevable parce qu’il porte sur la mauvaise mission ou sur le mauvais texte, mais parce qu’il présente un problème de forme ou contrevient à l’article 40 de la Constitution. Je confirme néanmoins que les remboursements assurés par la sécurité sociale relèvent du PLFSS – c’est d’ailleurs pour cette raison que le budget de la mission Santé du PLF est relativement restreint.
La commission adopte successivement les amendements II-CF2851 et II-CF2479.
En conséquence, l’amendement II-CF1953 tombe.
Amendements identiques II-CF2026 de Mme Marie-Charlotte Garin et II-CF2828 de Mme Karine Lebon
Mme Eva Sas (EcoS). Nous souhaitons pérenniser les financements consacrés aux 101 maisons des femmes, à hauteur de 20 millions d’euros.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Vous soulignez à juste titre l’importance d’une prise en charge spécifique des femmes exposées à des violences conjugales. Les maisons des femmes proposent un accompagnement global, personnalisé et surtout coordonné à toutes les victimes de violences, en s’appuyant notamment sur le réseau hospitalier. Trois de ces structures sont en service au sein de l’AP-HP. Vous reprenez l’évaluation de l’Igas (Inspection générale des affaires sociales) qui, en 2017, estimait à 200 000 euros le coût annuel minimal de chaque structure, et proposez une enveloppe de 20 millions pour assurer leur fonctionnement dans chaque département. Avis favorable.
La commission adopte les amendements.
Amendement II-CF1942 de Mme Marie-Charlotte Garin
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Cet amendement vise à améliorer l’accompagnement des femmes enceintes, dont 75 % déclarent avoir eu besoin d’aide face au stress pendant la grossesse. Nous proposons donc, dans la continuité de l’important travail fourni au cours du quinquennat précédent par notre ancienne collègue Paula Forteza, une prise en charge intégrale pour les femmes enceintes et les jeunes mamans.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Là encore, cet amendement, qui touche à la prise en charge psychologique des femmes enceintes, n’a pas sa place dans le PLF, mais dans le PLFSS. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF1943 de Mme Marie-Charlotte Garin
Mme Christine Arrighi (EcoS). Il s’agit ici d’accompagner les femmes en cas de fausse couche – un enjeu parfaitement compris par la Nouvelle-Zélande qui accorde, depuis mars 2021, un congé spécial de trois jours à la personne traversant cette épreuve et à son conjoint. Le présent amendement, déjà adopté l'an dernier en première lecture par la commission des finances, fait lui aussi suite au travail mené par Paula Forteza, sur la base des difficultés pratiques, physiques et psychologiques dont témoignent les femmes.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Vous proposez de créer un nouveau programme intitulé Congé spécial en cas de fausse couche, qui serait doté de 2 millions. Une telle mesure relève encore une fois du PLFSS, comme toutes les prises en charge au titre d’un arrêt maladie, d’un congé maternité, d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Demande de retrait ou avis défavorable.
Mme Christine Arrighi (EcoS). Cette réponse nous a déjà été donnée l’an dernier, mais nous n’avons pas avancé, faute de point d’entrée dans le PLFSS. Dans quel cadre pourrions-nous présenter ce type d’amendements ?
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Effectivement, il faudrait prévoir non seulement un financement spécifique dans le PLFSS, mais aussi une disposition législative pour créer le dispositif. Le mieux serait sans doute de déposer une proposition de loi en ce sens, peut-être à l’occasion d’une niche parlementaire. Une telle mesure ne relève en tout cas aucunement de la mission Santé du PLF.
Mme Christine Arrighi (EcoS). Nous maintenons donc notre amendement, tout en envisageant une proposition de loi transpartisane, sans quoi l’initiative n’aboutira pas alors même que cette préoccupation semble partagée par de nombreux députés.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF2857 de M. Sébastien Peytavie
M. Sébastien Peytavie (EcoS). La santé psychique de nombre de nos concitoyens, notamment celle des jeunes, s’est fortement dégradée depuis la crise du covid. Nous proposons de développer la formation aux premiers secours en santé mentale, qui permet de former au repérage des troubles et à l’aide aux personnes qui sont en proie à une crise. Cette formation, lancée en 2001 en Australie, a été dispensée en France à plus de 115 000 personnes par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), notamment à des professionnels travaillant avec des jeunes. Si elle ne doit en aucun cas se substituer à une politique de prise en charge psychologique ambitieuse, elle est toutefois d’intérêt public pour porter secours dans des situations d’urgence, comme une tentative de suicide ou une crise psychotique.
Nous souhaitons donc élargir le déploiement de cette formation afin de former 200 000 personnes supplémentaires en 2025.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Vous avez raison de souligner l’importance de cette question, notamment pour les jeunes. Je me réjouis d’ailleurs que le Premier ministre ait fait de la santé mentale une grande cause nationale en 2025.
Le programme 204 a vocation à soutenir le dispositif de veille et d’information publique sur la santé mentale. Vous proposez des actions dont vous soulignez vous-même que certaines sont déjà financées par la CPAM. Je vous renvoie donc une nouvelle fois au PLFSS, ou à une proposition de loi dédiée. Avis défavorable.
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Le PLFSS n’offre strictement aucune porte d’entrée sur la santé mentale. Par ailleurs, il est bien question ici de prévention, puisqu’il s’agit de former à la détection des urgences.
M. le président Éric Coquerel. Je précise à l’intention de ceux qui nous écoutent qu’il n’est pas possible de déposer des amendements de crédits sur le PLFSS.
M. Nicolas Sansu (GDR). La question de la santé mentale ne saurait se résumer à des soins : elle relève avant tout de la prévention. Il ne suffit pas d’ériger la santé mentale en grande cause nationale, il faut prévoit des actions concrètes. Nous soutiendrons donc cet amendement – Yannick Monnet a d’ailleurs déposé un amendement II-CF2829 allant dans le même sens.
M. le président Éric Coquerel. Nous avons heureusement adopté plusieurs amendements, dans le cadre du PLF, pour améliorer la prévention dans le milieu scolaire, étudiant, ou carcéral. J’espère qu’ils seront conservés dans le texte final, puisque le Gouvernement affirme faire de ce thème une priorité.
Mme Chantal Jourdan (SOC). J’exprime à mon tour mon soutien à cet amendement. Le dispositif défendu a fait ses preuves et contribue à atténuer la stigmatisation du trouble psychique, ce qui est très important pour favoriser la cohésion de la société et mieux comprendre les situations qui peuvent se présenter.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. L’action 14 du programme 204 consacre déjà 1 million aux actions de promotion du bien-être mental, de prévention et de repérage précoce du suicide, et de formation au secourisme en santé mentale. Les 50 millions que vous proposez, pour conduire des actions dont vous indiquez vous-même que certaines relèvent de la CPAM, me paraissent démesurés.
Mme Christine Arrighi (EcoS). Ni le PLF ni le PLFSS ne contiennent la moindre disposition concernant ce qui est censé constituer la grande cause de l’année 2025. Doit-on en conclure que la santé mentale peut attendre ? Au vu de la situation des hôpitaux psychiatriques et des soins en santé mentale dans leur ensemble, il serait vraiment inconséquent de faire des annonces pareilles sans prévoir les crédits correspondants avant 2026 au mieux.
La commission adopte l’amendement.
L’amendement II-CF2829 de M. Yannick Monnet est retiré.
Amendement II-CF2636 de M. Abdelkader Lahmar
M. Abdelkader Lahmar (LFI-NFP). Cet amendement, inspiré par les travaux de la Fédération Addiction, vise à allouer enfin les moyens suffisants à la prévention des addictions et à la prise en charge des personnes dépendantes. Nous consacrons plus de 2 milliards par an à des mesures répressives sans obtenir de résultats concrets en matière de consommation de drogue. Alors que le budget de la répression a augmenté de 72 % depuis 2018 et que 80 % de l'activité des forces de l’ordre est concentrée sur les consommateurs, au détriment de la lutte contre les trafics, la France figure parmi les pays européens où la consommation de cannabis est la plus répandue, tandis que la consommation de MDMA dépasse la moyenne européenne et que celle de cocaïne continue d’augmenter.
Bref, la politique actuelle ne fonctionne pas. Peut-être est-il temps de la compléter par une politique de prévention des addictions, pour enfin réduire l’usage des drogues. Nous proposons ainsi de créditer de 50 millions l’action 14, Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades, du programme 204, en gageant ce transfert sur le programme 379. Il aurait cependant été plus logique de prélever les ressources nécessaires sur les budgets dédiés à la répression, raison pour laquelle nous appelons le Gouvernement à lever le gage.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Certains des crédits du programme 204 visent à soutenir la lutte contre les conduites addictives, dans le cadre d’une stratégie interministérielle définie pour la période 2023-2027. À ce titre, diverses associations reçoivent des financements.
En revanche, la prise en charge effective des personnes dépendantes relève, pour une large partie, de l’assurance maladie, donc du PLFSS, dans le cadre d’un parcours de soins approprié. La hausse des crédits que vous proposez est trop massive pour la mission Santé.
Je précise par ailleurs qu’un jaune budgétaire fait état de toutes les actions consacrées à la prévention en santé, y compris celles qui dépendent d’autres missions ou d’autres textes, comme le fonds de lutte contre les addictions.
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). La France a un sérieux problème en matière de consommation de drogue et la politique menée n’est pas la bonne. Cet amendement doit donc être compris comme un appel au Gouvernement à changer de vision. Nous ne faisons presque que de la répression, et le nombre de consommateurs ne diminue pas : il faut donc appréhender le problème différemment, comme le font de nombreux pays européens, notamment le Portugal, en considérant l’addiction comme une pathologie, c'est-à-dire comme un phénomène à accompagner plutôt qu’à réprimer. Les résultats sont bien meilleurs et nous ne serions pas dans la situation que nous connaissons aujourd’hui, y compris en matière d’insécurité liée aux narcotrafics.
La somme proposée est certes importante, mais l’enjeu l’est aussi.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Des actions de prévention sont prévues dans un grand nombre de missions budgétaires, par exemple dans le domaine de l’éducation. Mais je maintiens que la somme de 50 millions me semble excessive. Je serai d’un autre avis pour d’autres amendements qui seront examinés plus tard.
M. le président Éric Coquerel. Nous sommes en train de préparer une proposition de loi visant à prendre exemple sur le modèle portugais, qui présente la particularité d’avoir confié la gestion de ces questions au ministère de la santé et non au ministère de l’intérieur. Je vous invite à vous pencher sur les résultats obtenus par le Portugal en matière de consommation de drogue : ils sont absolument stupéfiants.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF2847 de M. Sébastien Peytavie
M. Sébastien Peytavie (EcoS). L’alcool, qui est responsable de 41 000 décès chaque année, est la deuxième cause de mortalité évitable en France. Il est temps d’en faire un enjeu de santé publique. La consommation d’alcool favorise la survenue de cancers, de maladies cardiovasculaires, de la dépendance ; à court terme, elle est à l’origine d’un tiers des accidents mortels. Le coût social de l’alcool s’élève à plus de 102 milliards.
Rappelons que le vin fait courir exactement les mêmes risques d’alcoolisme que les alcools forts. Il a les mêmes propriétés et les mêmes effets. Je le précise car certains ont pu prétendre, au cours du débat sur le PLFSS, que certains alcools sont moins nocifs que d’autres – surtout ceux qui confortent nos filières, a-t-on pu comprendre.
Mon amendement vise à financer, à hauteur de 3 millions, une campagne nationale d’information sur l’addiction à l’alcool, afin d’endiguer ce fléau. Dès qu’il est question d’instaurer une taxe comportementale – sur la consommation de sucre, d’alcool ou de tabac par exemple – on nous rétorque qu’il faut l’accompagner d’une campagne de prévention. Voilà l’occasion de passer des paroles aux actes.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Vous avez raison, il faut sensibiliser la population aux risques que font courir ces addictions. Votre amendement me paraît bien calibré financièrement. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF2848 de M. Sébastien Peytavie
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Cet amendement vise à lancer une campagne de sensibilisation aux risques liés à la surconsommation de sucre et de promotion d’une alimentation saine. On sait que 94 % des aliments destinés aux enfants sont trop sucrés. Aujourd’hui, un enfant a mangé autant de sucre à 8 ans que ses grands-parents en ont consommé leur vie durant ! La surconsommation de sucre a été qualifiée de « poison » par la ministre de la santé le 29 octobre. Face à cet enjeu de santé publique, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail recommande de prendre des mesures visant à limiter l’incitation à la consommation de produits sucrés, par exemple en menant des campagnes de prévention.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Vous proposez d’allouer 3 millions au financement de cette campagne. Le problème de la surconsommation de sucre met en lumière celui de l’obésité, qui s’étend parmi la jeunesse. Je ne peux donc que soutenir cette initiative. Toutefois, de telles campagnes sont déjà financées sur les crédits de l’action 15, notamment dans le cadre du programme national nutrition santé. Dans un contexte de contrainte budgétaire, il me semble possible de poursuivre cet objectif sans augmenter les crédits de l’action 17, qui est déjà financée. Sagesse.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF2593 de Mme Brigitte Liso
Mme Brigitte Liso (EPR). Cet amendement vise à financer une campagne de prévention nationale sur les risques liés à la pratique du chemsex, en augmentant de 300 000 euros le budget alloué au programme Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins. Cette pratique dangereuse, qui consiste à prolonger les rapports sexuels grâce aux effets psychoactifs de certaines molécules, est en constante progression : elle touche, selon les estimations, entre 100 000 et 200 000 personnes. Le chemsex a des effets notables en matière de santé publique : il favorise la transmission de maladies sexuelles et de troubles tels que la dépression, l’addiction ou l’isolement. La prévention est toujours préférable au remède. Cette campagne d’information serait non seulement utile aux personnes pratiquantes mais aussi à celles qui seraient tentées par l’expérience.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. La pratique à risque du chemsex se répand dans certains milieux festifs, en particulier chez les jeunes. Les 300 000 euros que vous proposez d’affecter à cette campagne me paraissent bien calibrés et présenteraient une réelle utilité. Nous sommes à la croisée de la santé sexuelle et de la lutte contre les addictions. Avis favorable.
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Je soutiens cet amendement. Madame Liso, vous aviez déposé, sur ce sujet, une proposition de résolution que j’avais signée. L’actualité, depuis quelques mois, nous montre les dangers que recèle cette pratique et toutes les formes d’addiction qu’elle est susceptible de favoriser. Votre proposition me paraît tout à fait raisonnable et d’intérêt public.
M. le président Éric Coquerel. Je voterai cet amendement, même si l’on peut considérer qu’il a été satisfait par l’amendement II-CF2636, qui alloue des crédits nettement supérieurs à la lutte contre les addictions. Je constate, comme vous, la dangerosité de ces drogues.
Mme Brigitte Liso (EPR). Il faut souligner, en effet, le faible coût de cet amendement et l’importance qui s’attache au traitement de ce problème. Je vais redéposer une proposition de résolution transpartisane sur cette question, qui devrait bientôt être à l’étude.
La commission adopte l’amendement.
Amendements II-CF567 et II-CF568 de Mme Mereana Reid Arbelot
M. Emmanuel Tjibaou (GDR). Plus de 600 cas de cancer sont diagnostiqués en Polynésie chaque année, dont le traitement représente une dépense de plus de 100 millions ; 40 % de cette somme proviennent des molécules, dispositifs médicaux et analyses dits onéreux. Leur coût est pris en charge par la Caisse de prévoyance sociale de Polynésie. Aussi ces amendements visent-ils à transférer 20 millions, ou, en repli, 10 millions du programme 183 au programme 204.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Le financement des actions spécifiques à la lutte contre le cancer et contre d’autres maladies liées au vieillissement est assuré, à hauteur de 45 millions, par l’action 14, dont les crédits sont un léger repli. La stratégie décennale de lutte contre le cancer est conduite par l’Inca (Institut national du cancer), qui a été doté de 1,74 milliard pour la première période, qui court jusqu’en 2025. L’Institut doit réaliser une évaluation à mi-parcours de cette stratégie. Dans l’attente de cette étude, je ne vois pas l’intérêt d’abonder des crédits que l’Inca n’a, pour l’heure, pas sollicités. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement II-CF567.
En conséquence, l’amendement II-CF568 tombe.
Amendement II-CF2607 de Mme Marianne Maximi
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Cet amendement d’appel vise à augmenter la dotation de l’Inca afin de soutenir la recherche sur les cancers pédiatriques. Une enquête du Monde, publiée il y a deux semaines, a mis en évidence un lien entre la pollution de l’environnement et la multiplication des cancers pédiatriques, notamment près de La Rochelle, où des traces de pesticides ont été retrouvées dans les urines et les cheveux de plus de soixante-dix enfants. Certains de ces pesticides sont pourtant interdits, dont l’un depuis 1970 ! Il s’agit d’un véritable problème de santé publique. En février 2021, Emmanuel Macron a annoncé en grande pompe une stratégie contre les cancers, qui s’est vu affecter un budget de 1,74 milliard sur dix ans. Toutefois, aucun fléchage n’a été prévu vers les cancers pédiatriques. En outre, les subventions octroyées à l’Inca ont diminué de 300 000 euros en 2023 et de 6 millions en 2024 ; elles stagneront en 2025, ce qui équivaut à une baisse en termes réels.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Il s’agit évidemment d’une question essentielle. La dotation de l’Inca a été recalibrée à hauteur de 34,5 millions en 2024, afin de prendre en compte l’évolution des besoins et le niveau de trésorerie de l’Institut. La subvention pour 2025 n’a pas augmenté compte tenu d’un ajustement au regard de ces mêmes besoins. Avis défavorable.
M. le président Éric Coquerel. L’amendement ne peut être mis aux voix, faute de crédits disponibles.
L’amendement II-CF2607 tombe.
Amendements II-CF563 et II-CF565 de Mme Mereana Reid Arbelot
M. Nicolas Sansu (GDR). Face au coût des évacuations sanitaires en Polynésie, l’amendement II-CF563 vise à financer, à hauteur de 8 millions, la création d’une structure mobile d’urgence et de réanimation par hélicoptère (héliSmur). L’amendement de repli II‑CF565 propose un abondement de 4 millions.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Je rappelle que la Polynésie française est compétente et autonome en matière de protection sociale, grâce notamment à sa Caisse de prévoyance sociale, qui est dotée d’une autonomie financière et placée sous la tutelle du gouvernement de la Polynésie française. Une éventuelle prise en charge au nom de la solidarité nationale me paraît injustifiée sans évaluation précise d’un manque de financement qui mettrait en péril les ressources de la Caisse. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement II-CF563.
En conséquence, l’amendement II-CF565 tombe.
Amendement II-CF2846 de M. Sébastien Peytavie
M. Sébastien Peytavie (EcoS). L’espérance de vie en bonne santé est la durée de vie moyenne en bonne santé, c’est-à-dire sans limitation irréversible d’activité dans la vie quotidienne ni incapacité. Si nous disposons de données à l’échelle nationale et départementale, qui révèlent des différences selon le niveau de vie et le genre, il n’existe pas d’informations plus fines sur la mesure de l’espérance de vie en bonne santé en fonction des zones d’habitation et des quartiers – par exemple, à côté d’une vigne ou d’un périphérique. France Stratégie estime que les difficultés dans la mesure des inégalités environnementales tiennent aujourd’hui largement aux difficultés d’accès à des données homogènes selon les territoires et la nature des pollutions.
Disposer de telles données permettrait d’analyser plus finement la sur-représentation des catégories sociales les plus défavorisées dans les territoires les plus exposés au risque de pollution. Cela s’inscrit dans la perspective de l’approche One Health, qui vise à la connaissance de l’ensemble des facteurs environnementaux, psycho-sociaux, socio-économiques, professionnels et comportementaux et de leur interaction au cours du temps selon les territoires afin de mieux gérer les risques pour la santé. Nous proposons de renforcer l’action Pilotage de la politique de santé publique pour développer les études sur l’espérance de vie en bonne santé selon les territoires.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Cet amendement s’inscrit dans le cadre des missions de financement, d’étude et de recherche en santé publique qui relèvent de l’action Pilotage de la politique de santé publique. De telles études impliquent principalement l’exploitation, à partir d’une commande spécifique, de données statistiques existantes pour affiner les analyses. Un abondement de 5 millions me paraît un peu excessif pour atteindre l’objectif que vous énoncez, dont je ne conteste pas, par ailleurs, la pertinence – une évaluation beaucoup plus précise étant en effet nécessaire en matière d’espérance de vie. Sagesse.
M. François Jolivet (HOR). Ce qui est certain, c’est que les territoires qui ont le moins de médecins sont ceux où l’on meurt le plus jeune. L’Insee affine les données jusqu’à l’échelle de l’îlot : on n’y distingue pas tout, mais on sait à quel âge les personnes décèdent à tel endroit, par exemple dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Vous auriez déjà des réponses dans ces travaux. Ils ne mesurent certes pas l’impact d’ouvrages tels que les lignes électriques, les zones de pollution ou les décharges publiques, mais l’Insee est capable de cartographier ce que vous voulez autour des éléments que vous souhaitez.
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Les représentants de l’Insee que j’ai auditionnés l’année dernière ont effectivement dit qu’ils pouvaient le faire. En Angleterre, on mesure des zones beaucoup plus précises. Des données très fines permettent aux élus locaux de prendre des décisions beaucoup plus éclairées.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF2879 de M. Sébastien Peytavie
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Nous appelons à prendre dès maintenant le virage de la prévention et de la préservation de la santé environnementale, grande absente du PLF. Nous passons, en moyenne, 90 % de notre temps à l’intérieur. Or le foyer, s’il devrait être synonyme de sûreté, est un aussi un lieu privilégié d’empoisonnement : l’air que nous y respirons est cinq à neuf fois plus pollué que l’air extérieur. Et les maladies chroniques directement liées à la pollution de l’air frappent plus fortement les plus précaires d’entre nous, et renforcent les inégalités d’espérance de vie.
Afin de diagnostiquer, traiter et prévenir durablement les problématiques liées, nous proposons la création d’équipes mobiles de diagnostic et de soin en santé environnementale, composées de professionnels de santé et d’experts en pollution intérieure. Ces équipes, qui existent depuis vingt-cinq ans à Bruxelles et s’appellent des « ambulances vertes », auraient pour tâche de réaliser un diagnostic environnemental des logements et, si nécessaire, de définir un protocole de réduction de la contamination intérieure et un parcours de soins en cas de surexposition. Parmi les personnes prises en charge à Bruxelles, 57 % déclarent se sentir en meilleure santé.
Ce dispositif de l’ambulance verte pourrait jouer un rôle-clé de prévention, en particulier à l’égard des ménages en précarité énergétique.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Les crédits ouverts dans le cadre de la mission Santé au titre de la santé environnementale s’élèvent à 3,55 millions, ce qui peut sembler insuffisant au regard de l’enjeu. Néanmoins, les 50 millions que vous proposez me paraissent démesurés. Par ailleurs, il me paraît préférable d’expérimenter la mesure que vous proposez plutôt que de la généraliser d’emblée. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF1328 de Mme Eva Sas
Mme Eva Sas (EcoS). Il s’agit de créer un programme de recherche sur les conséquences du dérèglement climatique sur la santé. Les vagues de chaleur, les pluies extrêmes, les sécheresses ont des effets sur notre santé. Les inondations exposent à davantage de maladies infectieuses. Les fortes chaleurs induisent une surmortalité, tout comme les sécheresses. De façon plus générale, les aléas climatiques favorisent la prolifération d’espèces microbiennes, animales et végétales, qui peuvent provoquer allergies et intoxications. Toutefois, peu de recherches sont menées pour anticiper les conséquences du dérèglement climatique sur notre santé et faire face à ces nouveaux risques sanitaires. C’est pourquoi nous proposons la création de ce programme, qui s’inscrit dans le cadre d’un vaste plan d’adaptation au changement climatique, sur lequel nous avons travaillé avec l’I4CE (Institut de l’économie pour le climat).
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Ces questions concernent davantage la mission Recherche que le programme 204, qui est orienté vers la veille sanitaire.
La commission adopte l’amendement.
M. le président Éric Coquerel. Dans la discussion commune qui suit, quatre amendements tombent faute de crédits disponibles sur les lignes considérées.
Les amendements II-CF1382 de M. Éric Ciotti et II-CF2156 de M. Anthony Boulogne et II-CF2669 et II-CF2672 de M. Hendrik Davi tombent.
Amendements II-CF2301 de M. Anthony Boulogne, II-CF2836 de Mme Véronique Louwagie, II-CF2302 de M. Anthony Boulogne, II-CF3057 de Mme Véronique Louwagie, II‑CF2630 de M. Abdelkader Lahmar et II-CF2462 de M. Arthur Delaporte (discussion commune)
M. Anthony Boulogne (RN). Les crédits affectés à l’aide médicale de l’État ont explosé en l’espace de quinze ans, passant de 535 millions dans le PLF pour 2010 à 1,3 milliard inscrit pour 2025. Entre la loi de finances pour 2024 et le présent PLF, on constate encore une augmentation de 111 millions. Comment va-t-on expliquer aux Français qu’ils doivent faire des efforts mais que dans le même temps, on continue à financer l’aide aux clandestins ? Alors que nombre de nos compatriotes n’ont pas les moyens de se soigner, il est scandaleux que les clandestins soient pris en charge gratuitement et bénéficient de soins de confort aux frais du contribuable. Le Rassemblement national propose de transformer l’AME en une aide médicale d’urgence (AMU) destinée à la prise en charge des soins vitaux immédiats.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Par l’amendement II-CF2836, je propose une diminution de 400 millions des crédits de l’AME, mais je précise que cela n’a de sens que si cela s’accompagne d’une modification de la politique menée. En effet, il s’agit d’une prestation à guichet ouvert : si les crédits consommés dépassent les crédits budgétaires, comme cela s’est produit en 2024, l’État doit rembourser la différence à la sécurité sociale. Parallèlement à cette diminution des crédits, je vous proposerai donc, par l’amendement II‑CF2837, d’exclure du champ d’application de l’AME le forfait hospitalier et de réduire le montant d’un certain nombre de prestations.
L’amendement II-CF3057 est un amendement de repli qui a pour objet de réduire les crédits de l’AME de 108 millions.
M. Abdelkader Lahmar (LFI-NFP). Sous la pression de l’extrême droite, le Gouvernement a annoncé un gel des moyens de l’AME pour 2025. Le bleu budgétaire précise pourtant que le principal déterminant des dépenses d’AME est le nombre de bénéficiaires. Il est donc absurde de geler le budget alors que le nombre de bénéficiaires a progressé de 20 % entre janvier 2022 et janvier 2024.
Il faut absolument en finir avec les fake news : non, l’AME ne crée pas d’appel d’air ; elle n’est pas utilisée pour des soins de confort ; elle n’est pas la cause des désordres budgétaires, puisqu’elle représente moins de 0,5 % de nos dépenses de santé ; enfin, elle n’engendre pas de fraude massive : la fraude représente 0,06 % du budget qui lui est alloué. En revanche, elle se caractérise avant tout par un non-recours de plus de 50 % des personnes éligibles. Elle constitue par ailleurs un impératif de santé publique.
Nous déplorons que ce dispositif fasse l’objet d’une telle instrumentalisation du Gouvernement, des médias et de l’extrême droite alors qu’il bénéficie au bout du compte à l’ensemble de la population. Il ne faut pas geler l’AME, mais plutôt faire en sorte que toutes les personnes qui y ont droit puissent y accéder. Qui est prêt à prendre la responsabilité qu’une personne meure, demain, sur le perron d’un hôpital, parce qu’étant étrangère et sans papiers on lui aura refusé des soins ? Si quelqu’un ici y est prêt, qu’il le dise !
Mme Béatrice Bellay (SOC). J’abonde dans le sens de ce qui vient d’être dit. Il faut voir, dans l’AME, une mesure de protection des Françaises et des Français. Elle ne crée aucun appel d’air, si ce n’est en faveur de la solidarité et de la sécurité sanitaire, tant des personnes étrangères présentes sur le territoire que de tous nos compatriotes.
M. Philippe Juvin (DR). D’abord, les amendements que Véronique Louwagie a défendus ne prévoient pas la suppression de l’AME. Il n’est évidemment pas question de ne pas soigner les gens, que ce soit pour une jambe cassée ou une insuffisance cardiaque. Ensuite, quant à la question de savoir si l’AME crée ou non un appel d’air, je vous citerai deux chiffres extraits du rapport que l’Igas et l’IGF (Inspection générale des finances) ont consacré à cette question en 2019 : 43 % des patients en AME bénéficiant d’une dialyse et 25 % des patients en AME sous chimiothérapie disent être venus en France pour bénéficier de ces traitements. Vous pouvez faire ce que vous voulez de cette donnée, mais on ne peut pas la nier.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Au 31 mars 2024, le nombre de bénéficiaires de l’AME de droit commun s’élevait à 459 397, en hausse de 8,7 % sur un an. Si l’on y inclut les soins urgents – pour les étrangers non éligibles à l’AME – cela représente quasiment 480 000 bénéficiaires, un chiffre en hausse de 62 % par rapport à 2014. On ne peut pas occulter cela.
Dans leur rapport, MM. Évin et Stefanini appelaient de leurs vœux un certain nombre de modifications. Pour eux, le dispositif ne constitue pas un appel d’air, mais conduit les personnes qui en bénéficient à rester plus longtemps sur le territoire en situation irrégulière. Il s’agit en effet du système le plus généreux d’Europe – constat déjà dressé en 2019 par l’IGF et l’Igas. MM. Évin et Stefanini regrettent de n’avoir pu mener à son terme l’étude des différences entre le dispositif français et les autres mécanismes européens, Mme Borne ayant souhaité recevoir le rapport un peu plus tôt que prévu.
Je ne donnerai pas d’avis favorable aux amendements qui visent à supprimer l’AME ou à réduire ses crédits car, comme je l’ai dit, il s’agit d’une politique à guichet ouvert. Je ne serai pas non plus favorable aux amendements qui ont pour objet de les augmenter, car nous devons prendre en compte l’acceptabilité de ce dispositif de la part d’un certain nombre de nos concitoyens. Je vous propose donc d’adopter mon amendement II-CF2836, ou, à titre de repli, le II-CF3057, mais dans l’optique d’adopter aussi le II-CF2837.
M. Gérault Verny (UDR). Je rappelle que le Sénat a voté, en novembre 2023, la suppression de l’AME et son remplacement par l’AMU. Contrairement à ce que certains veulent laisser croire, l’AME ne concerne pas seulement les soins d’urgence. Elle prend en charge à 100 % les prestations de soins médicaux et dentaires – ce qui n’est pas offert à la majorité des Français –, les médicaments, les frais d’analyses, d’hospitalisation et chirurgicaux, la contraception et l’IVG, ainsi que certains soins de confort comme les opérations pour les oreilles décollées, les prothèses de genou et d’épaule, l’opération de la cataracte. (Exclamations.) Vous pouvez le contester, mais c’est la réalité. L’AME crée un appel d’air et devrait être remplacée par une aide médicale d’urgence.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Le groupe Écologiste et social appelle évidemment à voter contre tous les amendements qui visent à remettre en cause l’AME ou à réduire ses crédits. Je suis profondément scandalisée par ce que j’entends. Chers collègues, comment pouvez-vous ne pas comprendre, après la crise du covid, que le fait de soigner tout le monde, sans aucune condition, est une exigence de santé publique ? Lorsque l’Espagne a réduit le nombre de bénéficiaires de cette aide, elle a subi une augmentation très forte des maladies infectieuses, et la surmortalité des personnes sans papiers s’est accrue de 15 %. Cela a fragilisé tout le monde, car les microbes ne connaissent pas de carte de séjour.
Ensuite, quelle inhumanité que de prétendre que certains traversent mers et montagnes et mettent leur vie en péril pour un problème d’oreilles décollées ! Qui peut croire cela ? Toutes les études montrent qu’il n’y a aucun appel d’air. Ces gens ne quittent pas leur pays après avoir fait une étude comparative des différents systèmes de santé.
Mme Chantal Jourdan (SOC). Notre groupe s’oppose à toute réduction de l’AME. Une tribune d’un collectif de médecins a récemment souligné d’une part qu’il fallait répondre dignement aux besoins des malades, et d’autre part que la suppression de l’AME mettrait en danger l’ensemble de la population.
M. David Amiel (EPR). L’AME est en effet un dispositif qui a vocation à protéger non seulement ses bénéficiaires, mais l’ensemble de la population.
Nous disposons d’un grand nombre d’études récentes sur le sujet, la dernière en date étant le rapport transpartisan de Claude Évin et Patrick Stefanini.
Ce rapport montre tout d’abord que l’AME ne provoque pas d’appel d’air migratoire, contrairement à l’argument qui est souvent avancé.
Il précise ensuite que, dans le cas où l’AME serait restreinte à une aide d’urgence, la définition de cette urgence poserait des difficultés redoutables. Cette dernière dépend en effet de nombreux facteurs, dont l’état de santé du patient ou la possibilité d’aggravation des pathologies si elles ne sont pas prises en charge à temps. Prendre cette décision serait donc selon moi totalement contre-productif – en plus d’être inhumain.
C’est la raison pour laquelle notre groupe s’opposera aux amendements qui s’en prennent à l’AME. Si la commission des finances passait autant de temps sur chacune des autres politiques de l’État, je suis sûr que le déficit se porterait mieux !
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Les amendements qui proposent de réduire l’AME ne sont pas gagés. Il s’agit donc tout bonnement d’une coupe budgétaire, ce qui en dit long sur la considération accordée à la mission Santé.
Le véritable problème de l’AME réside surtout dans le non-recours. Mme Louwagie a parlé d’acceptabilité sociale, mais qui crée de la défiance ? Ceux qui instrumentalisent cette politique, qui représente peu de chose dans le budget de l’État mais qui a un rôle essentiel en matière de santé publique pour les habitants du pays et ceux qui viennent y chercher refuge. Mieux vaudrait se pencher sur la manière de mieux garantir l’accès aux soins.
Je voudrais bien que l’on me présente quelqu’un qui a traversé la Méditerranée pour se faire poser un anneau gastrique. Cela n’existe pas ! Les exemples que vous donnez sont très rares et ils n’existent que parce qu’il y avait une prescription médicale – ce qui en dit long encore une fois sur la considération que vous portez aux professionnels qui l’ont faite.
M. Frédéric Falcon (RN). La position du Rassemblement national est purement économique. Nous aimerions pouvoir soigner tout le monde, mais cela n’est plus possible compte tenu de l’état des finances publiques.
Dans d’autres grandes démocraties, comme le Canada et les États-Unis, les étrangers qui n’ont pas les moyens de subvenir à leurs besoins sont tout simplement raccompagnés à la frontière. Le Canada de M. Trudeau n’accorde pas de visas d’entrée à ceux qui risquent d’être un poids pour le système de santé. Est-ce pour autant un pays fasciste ? Non, les Canadiens sont tout simplement rationnels.
Mme Sophie Mette (Dem). Notre groupe est très attaché à l’AME, qui protège des risques sanitaires. C’est une question de santé publique.
M. Nicolas Sansu (GDR). Tout d’abord, l’obligation de soigner les malades s’impose à tous les professionnels de santé.
Ensuite, on ne peut pas comparer notre système fondé sur la solidarité à ceux des États-Unis ou du Canada, qui reposent sur l’assurance privée.
Quant au lien essentiel entre l’AME et la sécurité sanitaire, il a déjà été largement souligné.
Enfin, l’AME représente 1,3 milliard sur 235 milliards de dépenses de santé. Il faut cesser de faire croire que c’est elle qui en péril l’assurance maladie.
La rapporteure spéciale a indiqué qu’il y avait eu un dépassement de crédits en 2024. Pourrait-elle en préciser l’ampleur ? Si l’on en tient compte, peut-être les crédits prévus pour 2025 sont-ils tout simplement stables.
M. François Jolivet (HOR). Le groupe Horizons et indépendants est attaché à l’AME, même si elle change de nom. Ce qui compte, c’est le panier de soins. Édouard Philippe l’avait déjà baissé de manière massive en 2018. Sans doute y a-t-il encore des choses à revoir, même si cela relève du symbole.
En revanche, nous nous interrogeons beaucoup sur l’AME à titre humanitaire, qui repose sur des conventions internationales et permet à des personnes de se faire soigner en France si elles n’accèdent pas à certains soins nécessaires dans leur pays. Tout cela est très bien, mais beaucoup d’États dont ces patients sont originaires ne procèdent pas aux remboursements prévus et leurs dettes s’accumulent.
La France est aussi l’un des rares pays à ne pas exiger certaines vaccinations pour obtenir un visa. Il faudrait peut-être l’envisager, pour mieux prévenir les maladies infectieuses.
Les consulats français délèguent de plus en plus souvent la délivrance des visas à des sociétés privées. De ce fait, on a connaissance de la situation des bénéficiaires une fois qu’ils sont en France.
Enfin, en plus des visas humanitaires, nous délivrons des visas de court séjour pour motif de santé, qui permettent aussi de bénéficier de l’AME. Il serait opportun de rendre nos modalités d’accueil pour raisons de santé plus lisibles, tant pour les services de l’État que pour les Français.
M. le président Éric Coquerel. Un étranger en situation irrégulière sur deux n’a pas recours à l’AME.
En 2018, on a identifié trente-huit cas de fraude. Dans son rapport de 2023, Véronique Louwagie répertoriait huit cas d’utilisation de l’AME pour des interventions esthétiques – dont Mme Maximi a raison de souligner qu’elles sont parfois prescrites pour des raisons qui ne sont pas seulement esthétiques.
Le budget de l’AME représente 0,47 % des dépenses de l’assurance maladie. L’aide a déjà été restreinte puisque sont prévus un délai de carence, une participation aux frais et un délai de neuf mois avant d’accéder à des soins dits non urgents, comme une opération de la cataracte ou la pose d’une prothèse de hanche ou du genou.
Si l’on propose encore des restrictions, on videra l’AME de sa substance – avec pour conséquence que l’AMU sera de plus en plus utilisée, car des pathologies qui n’ont pas été traitées suffisamment tôt finiront par nécessiter des soins d’urgence. Autrement dit, les restrictions à l’AME ne sont pas une mesure d’économie, sans même parler des risques de propagation des maladies infectieuses.
La remise en question de l’AME relève en réalité davantage de considérations sur la politique migratoire – et l’on connaît les propositions du Rassemblement national en la matière – que de questions économiques ou sanitaires.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Philippe Juvin et François Jolivet ont évoqué le panier de soins de l’AME. Il est proche de celui de la protection universelle maladie, avec une prise en charge à 100 %. Qu’est-ce qui est exclu de l’AME ? Les cures thermales, tout ce qui concerne la procréation médicalement assistée et les médicaments à service médical rendu faible. La véritable question est de savoir si tout cela répond aux besoins urgents et aux risques de contagion. Je pense que l’on pourrait revoir ce panier, et tel est l’objet de mon amendement II-CF2837 et du II-CF133 de M. Juvin, dont nous discuterons plus tard.
En 2023, cinq patients ont été pris en charge dans le cadre de l’AME pour des opérations de changement de genre. On peut se demander si ce type d’opérations coûteuses doit être couvert.
S’agissant de la lutte contre la propagation des maladies infectieuses, qui est un des principaux objets de l’AME, on n’a pas observé de difficultés plus importantes dans les pays voisins où le panier de soins est moins large.
Madame Simonnet, un grand nombre de bénéficiaires de l’aide sont arrivés de manière régulière en France, puis restés au-delà de la durée de validité de leur titre de séjour. Claude Évin et Patrick Stefanini ont très bien décrit ce phénomène dans leur rapport, tout en indiquant clairement que l’AME ne provoquait pas un appel d’air. En revanche, ils incitent à combattre les filières qui sont dédiées précisément aux soins par le biais de l’AME. L’une d’entre elles a récemment été détectée par les médecins du centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers.
La commission rejette les amendements II-CF2301, II-CF2836, II-CF2302 et II‑CF3057.
Elle adopte l’amendement II-CF2630.
En conséquence, l’amendement II-CF2462 tombe.
Amendement II-CF2813 de M. Abdelkader Lahmar
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Cet amendement d’appel est destiné à alerter sur l’état de l’hôpital public et notamment sur le niveau de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) pour 2024. La croissance de ce dernier est inférieure à 3 % ce qui, comme l’indique la Cour des comptes, implique de vigoureuses mesures d’économie à court terme.
La Macronie s’en prend une nouvelle fois au niveau des dépenses de santé et à l’hôpital, qui fait déjà face à d’immenses difficultés. Les soignants le tiennent à bout de bras alors qu’ils sont eux-mêmes à bout – 40 % des médecins des CHU présentent des signes de fatigue psychologique et de burn-out – tandis que l’absence de compensation de l’inflation représente un manque à gagner de 1,3 milliard pour les hôpitaux
Cet amendement propose donc de revaloriser l’Ondam de 500 millions. Toutefois, je vais le retirer car son gage conduirait à prélever l’intégralité des crédits des programmes Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins et Protection maladie.
L’amendement est retiré.
Amendement II-CF2633 de M. Abdelkader Lahmar
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). L’amendement propose d’allouer 650 millions aux Ehpad pour compenser les effets de l’inflation. Qu’ils soient hospitaliers ou territoriaux, ces établissements connaissent une grave crise liée à la hausse des prix de l’énergie et des denrées alimentaires, mais aussi aux mesures décidées dans le cadre du Ségur de la santé, qui n’ont pas été compensées par l’État.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Ce sujet relève du PLFSS. D’une part, la cinquième branche dédiée à l’autonomie a été fondée en 2020. Elle est financée par une quote-part de la contribution sociale généralisée (CSG), à hauteur de 2,6 milliards. D’autre part, la contribution de l’Ondam aux prestations médico-sociales couvre tout ce qui relève de la gestion des Ehpad. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF2631 de Mme Marianne Maximi
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Avec cet amendement, nous proposons de financer des revalorisations salariales dans les professions de la santé, mais aussi du secteur social, sanitaire et médico-social, en élargissant le nombre des bénéficiaires de la prime Ségur.
Après l’annonce de cette prime, beaucoup en ont été exclus, notamment les plus précaires et les moins diplômés. Elle est par ailleurs loin d’être suffisante pour résoudre la crise d’attractivité d’un secteur très peu rémunéré, et très féminisé.
En 2022, un amendement avait permis de l’étendre aux personnels des centres de santé gérés par des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale – c’est la « prime Coquerel » – mais le travail doit être poursuivi afin de ne laisser personne sur le bord du chemin.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Ce sujet est abordé chaque année. C’est normal, car il ne faut pas oublier tous ceux qui travaillent au service des plus fragiles. Cependant, toutes les questions de revalorisation salariale pour les personnels de santé relèvent du PLFSS. Avis défavorable.
M. le président Éric Coquerel. Pour éviter justement de passer par le PLFSS, le financement de la prime destinée aux personnels des centres de santé communaux a été assuré par une dotation supplémentaire pour les collectivités concernées, chargées de la répartir entre les intéressés. Cela a dans l’ensemble fonctionné, mais ce n’est pas un mécanisme pérenne, et cela ne marche pas pour les centres gérés par les départements par exemple. Il faudra bien trouver un mécanisme qui permette d’étendre cette prime et de la pérenniser.
M. François Jolivet (HOR). La demande légitime de Mme Maximi est satisfaite par un accord de branche signé en juin 2024 par Mme Vautrin, alors ministre du travail, de la santé et des solidarités. Je sais que sa mise en œuvre est complexe, mais les ressources nécessaires seront dégagées en fin de gestion pour permettre une application rétroactive à compter du 1er janvier 2024. Les crédits inscrits dans le PLF pour 2025 permettent quant à eux de financer la mesure l’année prochaine.
C’est la raison pour laquelle je m’abstiendrai sur cet amendement.
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Un accord a bien été signé, mais il ne s’applique pas aux départements ni au secteur associatif agréé. On laisse donc aux employeurs le soin d’appliquer des revalorisations salariales à budget constant. Départements de France a déjà indiqué que cet engagement sera impossible à tenir en raison des difficultés budgétaires des collectivités.
Il faut que l’État prenne sa part de responsabilité lorsqu’il prend de telles mesures.
M. François Jolivet (HOR). Certes, mais lors d’un accord de branche, on n’a jamais consulté préalablement tous les membres de la filière pour savoir s’ils pouvaient faire face à l’augmentation envisagée. Les collectivités concernées ne peuvent pas s’abstraire de l’accord, sous peine de perdre à chaque fois qu’une action serait intentée. C’est ainsi que cela se passe pour toutes les entreprises en France lorsqu’un tel accord est signé. Il faut que chacun assume ses responsabilités.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF2632 de M. Abdelkader Lahmar
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). C’est encore un amendement d’appel quant à la crise que connaissent les métiers du soin et du lien, très largement féminisés. Il s’agit en l’occurrence d’un plan de revalorisation des soignants de l’hôpital public.
Quinze services du CHU de Clermont-Ferrand sont en grève depuis le mois dernier, tant pour des raisons de souffrance au travail que pour des questions salariales – dont l’importance ne doit pas être minorée. Le compte n’y est pas et l’on voit que le phénomène de souffrance s’étend et devient explosif. Il est de notre devoir de parlementaires d’y répondre. La crise du covid a montré que ce secteur était essentiel. Quatre ans après, il ne s’agirait pas de l’oublier.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Votre préoccupation est tout à fait légitime mais, encore une fois, la question de la rémunération des personnels soignants de l’hôpital public relève du PLFSS. Avis défavorable.
Mme Mélanie Thomin (SOC). Sans doute est-ce du ressort du PLFSS, mais il est temps que l’ensemble de la société se penche sur les grandes questions qui concernent les services publics, et en particulier l’hôpital, qui est au cœur de beaucoup d’enjeux. Ainsi, l’accès à l’hôpital devient une affaire d’aménagement du territoire : quand on n’a pas la chance d’avoir un service des urgences à proximité, on dépend d’un établissement de recours et cela change tout s’agissant de l’accès aux soins. Le plan proposé par cet amendement est intéressant car il permet de faire le lien avec ces autres enjeux.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF2634 de M. Abdelkader Lahmar
M. Abdelkader Lahmar (LFI-NFP). Le 13 janvier 2024, en visite au CHU de Dijon, l’ancien Premier ministre Gabriel Attal promettait 32 milliards d’investissements sur cinq ans pour l’hôpital public. Cette promesse est tout à fait pertinente au regard de la situation et nous proposons donc d’en planifier la réalisation.
Depuis 2013, la dotation aux amortissements est supérieure au taux d’investissement des hôpitaux. Autrement dit, les équipements vieillissent et ne sont pas remplacés à un rythme suffisant. C’est l’ensemble du système de santé publique, théoriquement gratuit, qui est menacé.
La santé publique est l’un des biens communs sacrés de la République. Il faut donc financer massivement cette politique en partant des besoins réels de la population. C’est pourquoi nous proposons de lancer la planification promise par Gabriel Attal en créant un nouveau programme Planification des investissements à l’hôpital public, doté à ce stade de 5 millions.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Les besoins sont en effet très importants, y compris dans les hôpitaux qui assurent les soins de premier recours. Toutefois, votre amendement n’a pas sa place dans le PLF. Le programme 379 constitue un simple canal budgétaire permettant de reverser des sommes de la FRR vers le budget de la sécurité sociale. Les investissements au titre du Ségur de la santé ne sont pas financés directement par le budget de l’État mais bien par celui de la sécurité sociale. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
M. le président Éric Coquerel. Les amendements II-CF2671 et II-CF2680 tombent car les crédits sur lesquels ils sont gagés sont épuisés.
Les amendements II-CF2671 et II-CF2680 de Mme Isabelle Santiago tombent.
Amendement II-CF2687 de Mme Isabelle Santiago
Mme Chantal Jourdan (SOC). Cet amendement vise à créer un fonds destiné à la prise en charge sanitaire des enfants protégés.
On estime que 14 % des enfants sont victimes de violences physiques, psychologiques ou sexuelles ou bien encore de négligence. Faute de soins adaptés, ces violences laissent des séquelles importantes et de tous ordres, et ont des conséquences pour le reste de la vie de ces enfants et parfois pour les générations suivantes.
Or seulement 10 % des enfants pris en charge par l’aide sociale à l’enfance (ASE) bénéficient d’une prise en charge sanitaire effective. L’amendement propose donc que tous bénéficient de soins de qualité.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. L’ASE relève de la compétence des départements, qui lui consacrent environ 9 milliards chaque année. Les crédits de la mission Santé peuvent servir éventuellement pour des études ou des activités de planification, mais ils ne peuvent en aucun cas financer des dispositifs de prise en charge. Avis défavorable.
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Je soutiens cet amendement.
Dans le gouvernement précédent, Charlotte Caubel avait annoncé en grande pompe la généralisation du dispositif « santé protégée ». Mais il y a des départements où l’ASE est en dysfonctionnement structurel, avec des mineurs protégés qui ne voient pas de médecin et qui ne sont pas à jour de leurs vaccins. La situation est catastrophique, alors que ces enfants sont confiés à l’État pour qu’il assure leur protection.
Même si cette politique publique a été décentralisée, l’État doit en être le garant et il est totalement défaillant. Ce qui est en train de se passer est vraiment très grave.
Mme Chantal Jourdan (SOC). Je constate dans mon département que ces enfants et leurs familles d’accueil ont de façon générale beaucoup de mal à accéder aux soins. Les services de la protection maternelle et infantile et les médecins libéraux ne répondent pas toujours en temps utile, tandis que les centres médico-psychologiques sont absolument complets. Tout se bouscule et ces enfants ne trouvent pas d’issue.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF1944 de Mme Marie-Charlotte Garin
Mme Christine Arrighi (EcoS). Chaque année, 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles, la plupart du temps dans le cadre familial. L’amendement vise à augmenter les crédits destinés à accompagner et à soigner ces enfants. Il est essentiel de doter les services compétents des ressources nécessaires pour former les professionnels, faciliter le signalement des cas de maltraitance et permettre à la justice de poursuivre ces crimes avec la diligence et le sérieux qu’ils requièrent.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Ce dispositif d’amélioration de la prise en charge psychologique et médicale des enfants victimes de violences a davantage sa place dans le PLFSS. Avis défavorable.
Mme Christine Arrighi (EcoS). Les départements sont dans une situation financière extrêmement difficile. Nous recevons tous des alertes au sujet de dysfonctionnements de l’ASE. Les professionnels sont désespérés de ne pas pouvoir accompagner les enfants autant que cela serait nécessaire.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF2666 de M. Hendrik Davi
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Cet amendement vise à créer une dotation exceptionnelle pour l’Établissement français du sang (EFS).
L’EFS a été créé le 1er janvier 2000 en application de la loi relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l’homme, qui a réorganisé en profondeur le système transfusionnel français. Or il est en grande difficulté depuis des années. Le manque de moyens est particulièrement préoccupant pour le don de plasma, sachant qu’il n’y a pas d’alternative aux médicaments dérivés de ce produit.
Le PLFSS pour 2024 a prévu une dotation de l’assurance maladie de 100 millions afin de sécuriser les activités essentielles de l’établissement, mais cela n’a pas permis de revenir sur la suppression de 150 postes, tandis qu’aucune solution pérenne de financement n’est prévue à ce jour pour le plasma.
Cet amendement vise à redonner à l’EFS les moyens dont il a besoin pour exercer l’ensemble de ses missions.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. L’EFS se finance en cédant des produits sanguins aux établissements de santé. Ses difficultés sont importantes et nous devons y répondre, mais cela relève du PLFSS. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF2616 de M. Éric Ciotti
M. Gérault Verny (UDR). Cet amendement vise à accélérer la mise en place de la carte Vitale biométrique en créant un nouveau programme à cet effet.
On compte 75 millions d’assurés sociaux pour 67 millions d’habitants, et 66 millions de consommateurs de soins alors que, selon la Cour des comptes, 16 % des Français n’en consomment pas dans une année. Le coût de la fraude sociale est évalué entre 14 et 40 milliards d’euros.
Il ne s’agit pas de stigmatiser qui que ce soit, mais de faire respecter les règles du jeu. Généraliser les cartes Vitale biométriques permettrait d’éviter un certain nombre de fraudes. C’est un amendement d’un petit montant qui pourrait rapporter beaucoup d’argent.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Ce sujet revient régulièrement. Nous avions d’ailleurs obtenu dans les années précédentes que le Gouvernement conserve un amendement sur ce point après application du 49.3.
Depuis lors, l’Igas a rendu un avis. Elle estime que le caractère proportionné du recours à la biométrie dans un objectif de lutte contre la fraude paraît difficile à établir, ce qui ferait peser un risque juridique majeur si cette mesure était retenue. De plus, son coût est estimé à plus de 1 milliard, ce qui n’apparaît pas proportionné à la fraude qu’elle permettrait d’éviter.
Les 50 millions que vous proposez seraient ainsi insuffisants pour permettre la généralisation de cette carte biométrique. Avis défavorable.
M. Nicolas Sansu (GDR). Je ne sais pas d’où provient l’estimation avancée par M. Verny : il est complètement farfelu d’évaluer la fraude sociale entre 14 et 40 milliards.
Dans 80 % des cas, celle-ci résulte de l’absence de versement de cotisations sociales. Généraliser la carte Vitale biométrique n’y changera rien, et ne permettra pas de récupérer les sommes dues !
M. Kévin Mauvieux (RN). On avance toujours des limites techniques ou juridiques lorsqu’il s’agit de lutter contre la fraude fiscale ou sociale. Nous soutiendrons cet amendement parce qu’il permettrait de récupérer plusieurs milliards.
Nous n’avons jamais prétendu que la fraude ne concernait que les cartes Vitale, mais il faut prendre les choses à bras-le-corps. La fraude liée aux cartes Vitale représenterait plus de 10 milliards selon la Cour des comptes. Nous avons besoin de cet argent alors que la France est surendettée et que nous sommes obligés faire des choix.
M. Gérault Verny (UDR). M. Sansu devrait éviter de faire des commentaires désobligeants. Le montant de 14 milliards figure dans le rapport de la Cour des comptes qui nous a été présenté ici même il y a quelques semaines.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Les 50 millions que vous proposez ne serviraient à rien : le coût de la généralisation de la carte Vitale biométrique est évalué à 1 milliard, qu’elle s’appuie sur la technique de l’empreinte digitale ou de la reconnaissance faciale.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CF2635 de Mme Marianne Maximi
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Le recrutement de médecins ne relève pas de la mission Santé. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux explications de vote sur les crédits de la mission Santé.
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Je suis défavorable à l’adoption de ces crédits. Nous devons absolument maîtriser l’accroissement de l’aide médicale de l’État, tant du point de vue du panier de soins que du nombre de bénéficiaires.
M. Kévin Mauvieux (RN). Le groupe Rassemblement national votera contre cette mission en raison des réaffectations réalisées par tous les amendements qui ont été adoptés. Ainsi, la commission augmente le budget de l’AME alors que son maintien constitue déjà pour nous une ligne rouge. On ne peut pas demander aux Français de cotiser toujours plus et d’être toujours moins remboursés alors qu’on augmente l’enveloppe destinée à des étrangers qui n’ont jamais cotisé.
M. David Amiel (EPR). Au vu des montants très importants de crédits supplémentaires qui ont été votés sans être financés, nous voterons contre ce budget.
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Nous voterons pour, car nous avons pu faire adopter des amendements modifiant en profondeur la politique de prévention, notamment en matière de lutte contre l’addiction, et augmentant le budget de l’AME. Ce budget répond ainsi bien mieux aux besoins de la population et des soignants.
Mme Mélanie Thomin (SOC). Nous voterons pour ces crédits. Les amendements adoptés sont indispensables, notamment ceux portant sur les politiques de prévention, sur l’hôpital public, sur l’aide sociale à l’enfance et sur l’augmentation du budget de l’AME.
M. Philippe Juvin (DR). La situation financière du pays est très grave. Si nous ne sommes pas capables de bâtir un budget sérieux, je me demande à quoi nous servons. Or nous venons d’augmenter la dépense au lieu de l’optimiser. L’exemple de l’aide médicale de l’État est incroyable : nous ne pourrons pas nous en sortir si nous poursuivons ainsi. Il faut dépenser moins et dépenser mieux.
Mme Christine Arrighi (EcoS). Ces amendements ont été adoptés du fait de l’absence de la minorité gouvernante. Ils sont utiles à la protection des enfants et des femmes. Nous n’avions pas d’autre choix que de les placer dans cette mission, parce que ce n’est pas possible dans le PLFSS – ce qui montre le peu d’intérêt que le Gouvernement porte à ces questions depuis des années.
Nous sommes fiers d’avoir écarté les amendements proposés par le Rassemblement national concernant l’AME. Ils s’en servent d’épouvantail, mais ils savent très bien qu’elle ne représente que 0,47 % du budget et que sa disparition ne changerait rien à la situation de la sécurité sociale. Nous voterons ce budget avec enthousiasme.
Mme Sophie Mette (Dem). Même si nous pouvons soutenir certains amendements concernant l’AME ou la protection des femmes et des enfants, une telle augmentation non financée du budget, qui s’élève désormais à 1,5 milliard, constitue un réel dérapage. Nous voterons contre.
M. François Jolivet (HOR). Le groupe Horizons est défavorable à l’adoption de ces crédits car nous avons manqué de sagesse dans le vote des amendements.
M. Nicolas Sansu (GDR). Le groupe GDR votera les crédits de cette mission. Je note que le Nouveau Front populaire mobilise ses troupes, ce qui n’est pas le cas du « socle commun » – même si M. Amiel est de permanence. Il serait bien qu’un véritable débat ait lieu.
Je suis en outre très satisfait que l’on n’ait pas affadi l’aide médicale de l’État, qui est un dispositif absolument essentiel.
M. le président Éric Coquerel. Le fait que nous ayons voté plusieurs amendements d’appel soulève la question de la possibilité de voter des amendements de crédits dans le cadre du PLFSS. Nous avons voté des augmentations disproportionnées parce que nous sommes coincés par cette limitation de l’initiative parlementaire.
La commission adopte les crédits de la mission Santé modifiés.
Après l’article 64
Amendements identiques II-CF2837 de Mme Véronique Louwagie et II-CF133 de M. Philippe Juvin ; amendements II-CF2483 et II-CF2484 de Mme Véronique Louwagie (discussion commune)
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Mes amendements visent à limiter le panier de soins de l’AME notamment aux soins urgents et concernant des pathologies sévères.
M. Philippe Juvin (DR). Il ne s’agit pas de remettre en cause l’AME mais de retirer du panier de soins la liste des affections prises en charge au bout de neuf mois, et d’appliquer à ses bénéficiaires la franchise des actes et médicaments applicable à tout allocataire de l’aide sociale. Même ainsi, le panier de soins de l’AME reste très supérieur à la moyenne européenne.
M. Matthias Renault (RN). Nous voterons pour ces amendements, qui correspondent à notre programme. Ce panier de soins réduit est déjà effectif pour les quelques personnes en situation irrégulière et qui ne sont pas bénéficiaires de l’AME que nos hôpitaux prennent en charge.
La réforme de l’AME avait été promise à l’issue de la loi « immigration » par Élisabeth Borne. Quant à Michel Barnier, on ne sait pas trop : selon lui, il n’y aurait ni tabou, ni totem… Il serait bon de savoir s’il prévoit un véhicule législatif pour réformer l’AME.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CF2835 de Mme Véronique Louwagie
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Il s’agit de rendre certaines données plus transparentes. Nous n’avons pas d’informations sur la nationalité des demandeurs et des bénéficiaires de l’AME, ni sur la nature des soins prodigués en fonction de la nationalité. Or ces éléments existent pour les demandeurs d’asile : leur recueil ne pose donc pas de difficulté juridique. Cela nous permettrait de lutter contre la fraude et d’assurer une meilleure transparence sur ce sujet.
La commission rejette l’amendement.
L’amendement II-CF2501 de Mme Véronique Louwagie est retiré.
Amendement II-CF2507 de Mme Véronique Louwagie
Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale. Il s’agit de demander un rapport sur l’extension à de nouvelles pathologies de l’éligibilité au dispositif Aeras, afin d’améliorer l’accès à l’assurance emprunteur des personnes qui ont été malades.
La commission adopte l’amendement.
Mission Cohésion des territoires (M. François Jolivet, M. David Guiraud, M. Laurent Baumel et Mme Sophie Mette, rapporteurs spéciaux)
M. François Jolivet, rapporteur spécial (Logement et hébergement d’urgence). Selon un très récent rapport du Conseil économique, social et environnemental, 58 % des Français métropolitains sont inquiets en raison de difficultés grandissantes pour accéder à un logement. Cette proportion atteint même 84 % en outre-mer, où elles constituent le premier fait générateur des crises sociales. Le logement, principale préoccupation de nos compatriotes, devant la santé et l’emploi, est la première sécurité des Français.
Depuis la hausse des taux d’intérêt, nous vivons une crise grave de la production de logements neufs. La disparition de pans entiers de la chaîne de production immobilière est une menace qu’il faut prendre au sérieux, pour les demandeurs en attente de logement comme pour les salariés du secteur. Un logement neuf génère deux équivalents temps plein ; la baisse de 200 000 logements annoncée pour 2025 se traduira par 400 000 demandeurs d’emploi en plus et une diminution de recettes de TVA de 8 milliards.
La production de logement social, dont 53 % a été réalisée par vente en l’état futur d’achèvement en 2023, est très menacée. Notre pacte social est en danger. Le diagnostic que je vous livre, conforté par les auditions des acteurs du secteur, nécessite à la fois un plan d’urgence et une réflexion de fond pour inventer un nouveau modèle de production de logement, qui encourage la détention longue et lui conserve son exclusive vocation familiale.
La prise de conscience tardive du Gouvernement – que j’avais alerté dès 2022 – est désormais réelle. La généralisation du prêt à taux zéro pendant trois ans sur tout le territoire constitue une réelle avancée pour les Français, y compris en zone rurale.
En revanche, je regrette que les amendements visant à orienter l’épargne privée pour sauver des opérations de promotion n’aient pas été votés. Certains dogmes ont la vie dure et font parfois oublier l’objectif – et tant pis pour l’économie de la construction, pour la production de logement social et pour les Français qui peinent à se loger ! Nous devons agir, car le secteur nous regarde.
Les programmes 135, 109 et 177 totalisent 22,6 milliards en autorisations d’engagement (AE) et 22,9 milliards en crédits de paiement (CP).
La revalorisation à hauteur de 3,5 % des aides au logement explique en grande part l’augmentation de près de 383 millions du programme 109. Cependant, j’alerte une nouvelle fois sur la faiblesse des moyens dédiés à la lutte contre la fraude, qui figure dans la convention d’objectifs et de gestion signée en 2022 avec le réseau des caisses d’allocations familiales.
Le programme 135 finance la politique prioritaire de rénovation énergétique des logements particuliers. Ses moyens sont conservés et le budget de MaPrimeRénov’ est enfin centralisé à un seul endroit.
L’objectif de 200 000 rénovations globales par an de passoires thermiques, soit les logements qui ont un diagnostic de performance énergétique (DPE) de niveau E, F ou G, est ambitieux. Des moyens ont été mis sur la table, mais le calendrier me semble toujours impossible à tenir. Nous n’avons ni les bras, ni les ressources. C’est pourquoi la question du desserrement du calendrier d’application du DPE doit être étudiée. Défendre des normes inapplicables fait monter la température politique sans régler la question climatique.
La réduction de l’enveloppe allouée à l’Agence nationale de l’habitat (Anah) s’adapte au déploiement progressif des piliers performance et efficacité de MaPrimeRénov’, conjugué avec la montée en charge de MonAccompagnateurRénov’ sur tout le territoire. Je regrette simplement la réduction des ambitions en matière de rénovation de logements sociaux, passées de 1,2 milliard sur trois ans, comme annoncé en 2023, à 350 millions sur deux ans.
Le programme 177 est devenu la voiture-balai de nombreuses insuffisances administratives. Les besoins de mise à l’abri demeurent très élevés et les capacités d’accueil sont soumises à une forte pression. Le parc d’hébergement d’urgence est donc maintenu à un niveau élevé en 2025, avec 203 000 places en moyenne.
Le déploiement du deuxième plan quinquennal « logement d’abord » se poursuivra en 2025 avec les programmes de création de 10 000 places en pension de famille, produit phare de cette politique, et 30 000 places en intermédiation locative. Cette stratégie a permis l’accès au logement de près de 600 000 personnes sans domicile depuis 2017. Enfin, les efforts de pilotage de la demande d’hébergement sont maintenus grâce à la modernisation des services intégrés d’accueil et d’orientation.
Je réserve mon avis sur le budget de la mission Cohésion des territoires dans l’attente de l’examen des amendements. J’en présenterai moi-même, car certaines sous-budgétisations sont préoccupantes.
M. David Guiraud, rapporteur spécial (Politique des territoires). Le mandat Macron a été marqué par une rupture spectaculaire avec la politique des territoires, le lien entre l’État et les collectivités, ou du moins leurs représentants, ayant été en partie brisé. Quant aux habitants, il n’y a pas un seul secteur du territoire – quartier, ville et campagne – qui n’ait pas connu une explosion de colère ou de désespoir, mais également formulé une certaine dose d’espoir pour que la politique de l’État envers les territoires change.
Les crédits consacrés à la politique des territoires sont répartis en trois programmes budgétaires. Le programme 112 finance le fonds national d’aménagement et de développement du territoire – subventions de l’État aux contrats de plan État-région, à France ruralités, aux maisons France Services (MFS), à Action cœur de ville, au déploiement de tiers-lieux, etc. Le programme 147 finance la politique de la ville. Le programme 162 finance une dizaine de plans territoriaux, notamment pour la Corse et les outre-mer.
Le PLF diminue de 21 % le financement de la politique des territoires. La baisse la plus marquée, soit 37 %, concerne le programme 112, tandis que le budget de la politique de la ville est réduit de 14 %.
S’agissant du programme 112, j’observe la réduction de la contribution de l’État aux contrats de plan État-région. Si les contrats signés ne sont pas remis en cause, le volume d’investissement sera néanmoins réduit. Les collectivités devront donc soit abandonner des projets, soit les financer davantage par elles-mêmes, ce qui, au vu de l’état de leurs finances et des efforts qu’on leur impose par ailleurs, me semble compromis.
Le deuxième enjeu tient à la réduction considérable, de 20 millions, du budget de l’ANCT (Agence nationale de la cohésion des territoires). Cela pose par ailleurs un problème de cohérence et de lisibilité, alors que ce budget avait été augmenté cette année pour recruter davantage d’experts en ingénierie territoriale.
Troisième enjeu : la préservation des enveloppes à la main des élus locaux. En effet, le budget des maisons France Services est augmenté, celui des Territoires d’industrie est doublé, et ceux des Petites Villes de demain et de Villages d’avenir sont maintenus.
Concernant la politique de la ville, je tiens à donner l’alerte. L’État supprime sa participation dans le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), participation qui ne se montait déjà qu’à 50 millions sur un programme de 1 milliard. L’avenir du NPNRU, qui s’étale jusqu’en 2027, est compromis, et la parole de l’État est affaiblie.
Par ailleurs, la plupart des programmes destinés aux quartiers prioritaires subissent une réduction drastique. Moins 19 millions pour le dispositif Cités éducatives, moins 5 millions pour les Quartiers d’été, moins 5 millions les Adultes-relais, moins 3,7 millions pour les Cités de l’emploi : on tape sur le droit aux vacances, à l’emploi, à l’éducation, aux services publics des habitants des quartiers populaires, ce qui me semble particulièrement préoccupant.
Le troisième programme est à peu près stable. Je note seulement la fin des crédits dédiés à la qualité des cours d’eau en Pays de la Loire, ainsi qu’une légère baisse de l’action 13 concernant le plan « sargasses » dans les outre-mer, en dépit des efforts qui doivent être faits. La baisse de l’action 8 consacrée au plan « chlordécone » devrait, elle, être compensée par un transfert en gestion.
Nombre de vos amendements traduisent une envie de retisser les liens avec les élus locaux. Je vous invite donc à préserver ce budget en revenant sur ses baisses. J’ai déposé des amendements qui sanctuarisent ces dotations et augmentent certains dispositifs.
Mme Sophie Mette, rapporteure spéciale (Aménagement des territoires). Nous avons le plaisir, M. Baumel et moi-même, d’inaugurer la première édition du rapport spécial consacré à l’ensemble de la politique de l’aménagement des territoires, à laquelle sont consacrés près de 10,5 milliards en autorisations d’engagement et de 8,3 milliards en crédits de paiement. Bien que nous soyons attentifs à l’enveloppe globale et à son évolution, nous avons jugé plus pertinent de concentrer nos travaux sur deux enjeux transversaux qui suscitent de fortes attentes de la part de nos concitoyens : l’accès à l’ingénierie territoriale pour les collectivités et le développement des maisons France Services.
Je laisserai à mon collègue le soin de développer cette question des maisons France Services. Je partage son constat : le socle est prometteur, ce dispositif est d’une importance cruciale dans la vie quotidienne des populations et mérite d’être pérennisé et approfondi.
Un constat différent s’impose pour ce qui concerne l’ingénierie territoriale. Les crédits qui lui sont affectés se caractérisent en premier lieu par leur illisibilité. Ils transitent par divers canaux budgétaires, dont la majorité est gérée par l’Agence nationale de la cohésion des territoires, et il est très difficile d’en obtenir une vision complète. L’information disponible est lacunaire, parfois contradictoire et aucun document budgétaire ne retrace de façon détaillée ces crédits et leur exécution.
Sur le terrain, les acteurs locaux rencontrent la même difficulté. En dépit de la promesse d’un guichet unique, ils ne savent pas toujours vers quelles instances se tourner pour obtenir de l’aide. Bien souvent, ce sont les communes, les départements ou les régions qui prennent le relais, et ce avec des moyens inégaux qui accentuent les inégalités territoriales.
Les programmes tels que Petites Villes de demain, Action cœur de ville et Territoires d’industrie bénéficient d’une large publicité – une part significative des crédits est d’ailleurs consacrée à la communication. Cependant, il est souvent difficile d’évaluer l’efficacité réelle des crédits alloués à l’ingénierie territoriale. Ainsi, l’embauche d’un chef de projet peut être financée sans que l’on sache si ledit projet est réellement mené à terme.
Nous porterons donc une attention particulière à l’examen de l’exécution de ces crédits, y compris dans le cadre du Printemps de l’évaluation, afin de garantir que l’offre proposée par les différents acteurs soit cohérente, efficace sur le plan budgétaire et adaptée aux besoins des territoires.
M. Laurent Baumel, rapporteur spécial (Aménagement des territoires). Je partage le constat d’une offre d’ingénierie territoriale encore trop opaque et dont l’efficacité mérite d’être rigoureusement évaluée.
J’en viens au dispositif des maisons France Services, qui répond à un enjeu majeur : l’accès aux services publics et le maintien du lien social. Dans ma circonscription, dont la diversité des paysages – ruraux, périurbains et urbains – reflète celle de la France, j’ai pu constater la nécessité des MFS pour aider les usagers dans leurs démarches administratives. Le contexte de la dématérialisation croissante accentue la vulnérabilité de certains de nos concitoyens, pour des raisons multiples – générationnelles, éducatives, financières. En outre, ces espaces assurent très souvent, pour les populations les plus isolées, une fonction de maintien du lien social. Cet aspect, parfois négligé, est indissociable du service public.
L’État a su donner une première impulsion pour renforcer le maillage des maisons France Services. Entre 2020 et 2025, les crédits ont augmenté de 73 %, ce qui a permis de porter leur nombre à 2 700. Nous nous félicitons de la pérennisation du dispositif au sein du programme 112. Bien que l’ensemble des crédits du programme soit orienté à la baisse, ceux spécifiquement alloués aux MFS sont stables. J’insiste néanmoins sur l’importance de maintenir une ambition forte : si le socle de cette politique semble prometteur, il est crucial de le consolider et de ne pas sous-estimer les défis qui persistent.
Ainsi, il faut souligner l’existence d’un reste à charge significatif pour les porteurs de projet, qui sont souvent les collectivités locales. La Cour des comptes évalue le coût moyen d’une MFS à 120 000 euros. Pourtant, le soutien cumulé de l’État et des opérateurs ne dépasse pas 35 000 euros, ce qui laisse une lourde charge aux collectivités.
Il serait aussi pertinent d’accroître la notoriété de ces espaces, en renforçant les démarches d’aller-vers et en orientant systématiquement vers la maison France Services la plus proche lors de la consultation numérique d’un service public.
Enfin, il est essentiel de renforcer les moyens humains pour garantir l’ouverture des espaces à tous, notamment aux actifs, tout en veillant à la qualité de l’accueil. À ce titre, la formation des conseillers qui assurent l’interface avec le public est primordiale. Des ressources dédiées pour développer des compétences en matière d’accueil des usagers sont nécessaires. Nous proposerons ainsi d’augmenter les crédits alloués à ce dispositif et de renforcer les indicateurs qui permettent d’en évaluer l’efficacité.
Le sort réservé à nos amendements déterminera notre vote sur le budget de la mission.
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques (Logement et urbanisme). La commission des affaires économiques a été plutôt raisonnable en s’abstenant de toute hausse budgétaire significative qui pourrait aggraver la situation des finances publiques. J’ai veillé à ce que les amendements les plus coûteux, notamment ceux des membres du Nouveau Front populaire, qui pensent qu’un problème se résout nécessairement par la distribution de milliards ou la création d’une énième taxe, soient rejetés.
La crise budgétaire inédite que nous connaissons nous donne l’opportunité de réformer notre logiciel de pensée, en évaluant l’efficience de certaines dépenses et agences de l’État. Depuis près de quarante ans, la politique du logement est sous perfusion d’argent public. Si les dispositifs visant à encourager l’investissement immobilier, la construction de logements ou encore l’accession à la propriété doivent être maintenus, il est désormais nécessaire d’effectuer un travail sur les coûts de construction. En effet, les prix ne cessent de s’envoler sous l’effet des normes telles que la fameuse réglementation environnementale dite RE2020, que la France s’impose depuis le début de l’ère Macron.
Nous sortirons de la crise du logement en nous attaquant à la sur-réglementation qui asphyxie le secteur de la production de logements et qui organise la rareté, avec l’objectif ZAN (zéro artificialisation nette) et le DPE.
Article 42 et état B : Crédits du budget général
Amendements II-CF2802 de Mme Danielle Simonnet et II-CF2686 de M. David Guiraud (discussion commune)
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Nous proposons la mise en place d'une garantie universelle des loyers (GUL) car, avec l’explosion du nombre des expulsions locatives facilitées par la loi Kasbarian et la baisse des aides personnelles au logement (APL), la situation actuelle est problématique.
Un tel dispositif avait été créé par la loi Alur, mais aucun décret d’application n’a été publié. Nous proposons de le financer par une cotisation de 2 % à 2,5 % sur les revenus locatifs. Il coûterait, selon un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF), entre 245 et 994 millions et permettrait non seulement d'éviter les expulsions, mais aussi de garantir à toutes et tous l'accès à un logement digne, tout en garantissant aux propriétaires le paiement du loyer.
M. François Jolivet, rapporteur spécial. La garantie Visale donne déjà toute satisfaction et je ne suis pas certain que la GUL permettrait l’accès de tous à un logement digne. Il existe à Paris des dispositifs par lesquels la ville apporte sa garantie au paiement du loyer, mais ils ne sont pas suffisamment incitatifs pour les propriétaires. Je rappelle enfin que la GUL avait pour objectif de garantir le paiement des loyers issus d’un contrat et non d’un squat.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
M. Inaki Echaniz (SOC). La GUL aurait un coût moindre que les expulsions. Il faut donc favoriser le préventif plutôt que le répressif. La GUL est un dispositif d’accompagnement des propriétaires et des locataires en difficulté ; elle ne constitue pas un droit à ne pas payer son loyer. Elle pourrait donc permettre aux petits bailleurs privés de retrouver la confiance.
Par ailleurs, la garantie Visale est trop restreinte face à l’enjeu de l’accès durable à un logement, notamment pour les jeunes et les plus précaires.
M. François Jolivet, rapporteur spécial. La plupart des dossiers gérés par le fonds de solidarité pour le logement (FSL) concernent des retards de paiement de charges et non de loyers. Je ne suis donc pas sûr que la GUL soit le meilleur dispositif pour atteindre votre objectif.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). La loi Kasbarian n'est pas simplement une loi anti-squat puisqu’elle facilite également l’expulsion des locataires en retard de paiement et le nombre d’expulsions a d’ailleurs explosé. Je reconnais avec vous que les difficultés sont également liées à des retards de paiement de charges, mais la question est de savoir que faire face à cette situation. La GUL est une solution et elle a été votée par le Parlement. Il revient au Gouvernement de l’appliquer.
M. Frédéric Falcon, rapporteur pour avis. La GUL est une fausse bonne idée : non seulement elle bureaucratise encore davantage le marché locatif, mais en outre, avec cette nouvelle taxe, elle risque de braquer les propriétaires, qui retireront massivement leurs biens du marché. Je rappelle qu’à Paris, le nombre d’offres locatives a chuté de 75 % en trois ans.
La commission adopte l’amendement II-CF2802.
En conséquence, l’amendement II-CF2686 tombe.
Amendements II-CF2712 de M. François Piquemal et II-CF2799 de Mme Danielle Simonnet (discussion commune)
M. François Piquemal (LFI-NFP). Nous proposons de créer un fonds national d’aide à la quittance doté de 200 millions par an afin de permettre l'attribution effective des logements publics aux personnes défavorisées ou aux ressources modestes.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Mon amendement a le même objet. Grâce à ce fonds, aucun logement social ne serait plus refusé pour insuffisance de revenus.
M. François Jolivet, rapporteur spécial. Il existe déjà une aide personnalisée au logement dédiée aux logements HLM qui, il me semble, satisfait vos amendements. En effet, le taux d’effort est certes évalué pour l'attribution d’un logement HLM, mais l’aide au logement en est déduite alors que le coût du chauffage et de l’eau chaude y est ajouté.
La commission adopte l’amendement II-CF2712.
En conséquence, l’amendement II-CF2799 tombe.
Amendement II-CF2750 de M. François Piquemal
M. François Piquemal (LFI-NFP). Mon amendement prévoit la création d’un nouveau programme dédié à la prévention des expulsions locatives. Je rappelle que nous avons connu en 2023 une année record avec 21 500 ménages expulsés. Et la situation risque encore d’empirer avec la triste loi Kasbarian-Bergé.
M. François Jolivet, rapporteur spécial. Je rappelle que l'expulsion d’un logement HLM ne peut être prononcée que lorsque toute coopération du locataire a cessé et que, ce qui est également le cas dans le secteur marchand, une reprise du paiement des loyers avec moratoire suspend toute mesure d’expulsion. Les commissions de coordination des actions de prévention des expulsions (CCAPEX) fonctionnent plutôt bien.
Je ne comprends pas quel outil serait alimenté par les crédits prévus dans votre amendement. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
M. François Piquemal (LFI-NFP). Très peu de personnes faisant l’objet d’un jugement d'expulsion présentent un recours devant le tribunal. Les crédits seraient destinés à donner aux CCAPEX des moyens supplémentaires, y compris humains, afin d’éviter les jugements d’expulsion grâce à la médiation locative.
La commission adopte l’amendement.
Amendements identiques II-CF221 de la commission des affaires économiques, II‑CF349 de M. Inaki Echaniz et II-CF2431 de Mme Eva Sas, amendement II-CF2432 de Mme Eva Sas (discussion commune)
M. Inaki Echaniz (SOC). Les CCAPEX et les équipes mobiles de prévention des expulsions locatives font face à une surcharge de travail du fait de la hausse des procédures à la suite de la loi Kasbarian. Il est donc nécessaire d'augmenter leurs moyens. C’est ce que nous proposons avec cet amendement, qui prévoit des crédits de 15 millions à cette fin.
Je rappelle que cet amendement a été voté en commission des affaires économiques par le bloc gouvernemental.
Mme Eva Sas (EcoS). L’amendement II-CF2431, qui a été travaillé au sein de mon parlement de circonscription, vise à augmenter de 5,6 millions le budget alloué aux CCAPEX et aux équipes mobiles de prévention des expulsions locatives pour atteindre un budget de 15 millions. Je rappelle que, dans 58 % des cas, les situations d’impayé ont pour cause une diminution des ressources liée à un accident de la vie.
Les politiques publiques de prévention des expulsions locatives sont un échec. Pourtant, 36 % des ménages expulsés ont une dette locative inférieure à 10 000 euros. Dans ces cas, un accompagnement social peut éviter l’expulsion.
L’amendement II-CF2432 prévoit d’ajouter 1 million aux 5,6 millions de l’amendement précédent afin de financer la mise en place d’antennes sociojuridiques capables d’assurer un suivi rigoureux des dossiers des foyers menacés par une expulsion.
M. François Jolivet, rapporteur spécial. Le PLF 2025 prévoit déjà une enveloppe de 10 millions pour financer la création de 65 postes au sein des CCAPEX, afin de les aider à faire face à leurs nouvelles missions.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission adopte successivement les amendements.
Amendement II-CF1422 M. Robert Le Bourgeois, amendements identiques II-CF1933 de Mme Marie-Charlotte Garin, II-CF2471 de M. Stéphane Peu, II-CF2604 de Mme Elsa Faucillon et II-CF2844 de M. Arthur Delaporte, amendements II-CF3 de M. François Jolivet, II-CF2788 de M. David Guiraud, II-CF2165 de M. Stéphane Peu, II-CF1162 de Mme Stella Dupont, II-CF2787 de M. David Guiraud et II-CF367 de Mme Sandrine Runel, amendements identiques II-CF1936 de Mme Marie-Charlotte Garin, II-CF2605 de Mme Elsa Faucillon et II‑CF2860 de M. Arthur Delaporte, amendements II-CF365 de Mme Sandrine Runel et II‑CF2786 de M. François Piquemal (discussion commune)
M. Robert Le Bourgeois (RN). Depuis 2019, les bleus budgétaires du programme 177 ne contiennent aucune trace de l’accueil de clandestins et de demandeurs d’asile. En revanche, les jaunes budgétaires montrent que plus de 60 % des crédits de ce programme, gérés par la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal), sont consacrés à l’accueil et à l'hébergement des demandeurs d’asile et que 22 % des personnes accueillies sont en situation irrégulière. Le principe de l’inconditionnalité de l’accueil peut le justifier, mais la majorité des Français souhaitent réserver l’hébergement d’urgence aux personnes en situation régulière. J’ajoute que le programme 303 finance déjà l’accueil des demandeurs d’asile, à hauteur de 800 millions.
Nous proposons donc de supprimer une partie des crédits du programme 177. La Dihal n’est pas transparente quant à son usage des deniers publics – plus de 8 milliards consacrés à la politique de l’asile depuis 2019. Il est temps de clarifier les missions de chacun et leur financement.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). En France, 2 043 enfants, dont 467 de moins de 3 ans, sont contraints de dormir à la rue. Pour y faire face, le nombre de places en hébergement d’urgence est insuffisant. Après les premiers morts survenus dans la rue, le Gouvernement avait promis de débloquer 120 millions en début d’année, mais il ne l’a jamais fait alors que le budget 2024 est déjà inférieur de 100 millions au budget consommé en 2023.
Nous proposons donc d'augmenter les crédits de l’hébergement d’urgence de 250 millions.
M. Stéphane Peu (GDR). Les salariés des associations d’hébergement d’urgence ont été, à juste titre, déclarés éligibles par le Ségur à une revalorisation de leur salaire. Cette revalorisation aurait dû être compensée par l’État, mais elle ne l’a pas été. La hausse des crédits prévue par les amendements identiques permettrait de le faire.
Mme Sandrine Runel (SOC). L’année dernière, la Nuit de la solidarité a dénombré plus de 3 500 personnes à la rue à Paris et, dans son rapport publié ce matin, le collectif Le Revers de la médaille dénombre 20 000 personnes en situation de rue. Il souligne par ailleurs que, sur les 260 expulsions réalisées pendant les Jeux olympiques, à peine un tiers de ces personnes se sont vues proposer une solution d’hébergement.
Nous proposons par cet amendement d’augmenter le nombre de place de 10 000.
M. François Jolivet, rapporteur spécial. Concernant l'hébergement d’urgence, le budget 2025 est la photocopie du budget 2024, mais 200 millions vont être débloqués avant la fin de l’année. Le budget 2025 ne me semble donc pas être sincère et je propose d’augmenter ses crédits de 200 millions.
M. François Piquemal (LFI-NFP). L’amendement II-CF2788 propose de financer 10 000 places supplémentaires à hauteur de 120 millions.
M. Stéphane Peu (GDR). Mon amendement a le même objet que le précédent.
Mme Stella Dupont (NI). Monsieur Le Bourgeois, les Français souhaitent que les arrivées et les départs des étrangers soient maîtrisés, mais ils souhaitent aussi un accueil digne et une reconduite hors de nos frontières réalisée dans le cadre de la loi et de nos engagements internationaux et européens. Les Français sont solidaires et ils ne souhaitent pas que des femmes, des enfants et des hommes se retrouvent à la rue le soir.
Les crédits sont insuffisants. Nous proposons donc de les augmenter. Il faut également davantage de visibilité. Cette politique est aujourd’hui conduite à la petite semaine.
M. François Piquemal (LFI-NFP). L’amendement II-CF2787 propose l’ouverture de 10 000 places supplémentaires.
Mme Sandrine Runel (SOC). Mon amendement a le même objet. Nous ne serons pas suffisamment nombreux pour dire que ces places manquent.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). L’amendement II-CF1936 propose lui aussi de créer 10 000 places supplémentaires. Il y a urgence.
Mme Sandrine Runel (SOC). L’amendement II-CF365 vise à augmenter les moyens de l’hébergement d’urgence et du logement adapté de 1,8 % afin de prendre en compte l’inflation, notamment des prix de l’énergie et de l’alimentation.
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). L’amendement II-CF2786 vise à mettre à l'abri les enfants et leur famille. Plus de 2 000 enfants sont à la rue, dont un quart de moins de 3 ans.
M. François Jolivet, rapporteur spécial. Je voudrais dire à l’attention de mon collègue du Rassemblement national que le débat porte non pas sur l'inconditionnalité de l’accueil, qui est une règle de vie, mais sur le programme 177, voiture-balai de toutes les insuffisances des administrations publiques, au premier rang desquelles figure le ministère de l’intérieur qui, tous les quatre-vingt-dix jours, remet à la rue les personnes qu’il accueille dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada). Il est ainsi également avec la politique d’aide sociale à l’enfance (ASE) pour les jeunes de 18 ans, sans contrat jeune majeur et en situation irrégulière comme les MNA, les sorties pénitentiaires – malgré les efforts des services pénitentiaires d’insertion et de probation (Spip) – et les sorties de centres psychothérapiques. Voilà les grandes sources d’approvisionnement de la rue.
Le programme 177, qui a doublé en sept ans, permet d’éviter que les gens ne meurent dans la rue. En l’abondant de 200 millions, comme je le propose, nous pourrons le maintenir par rapport à l’exercice 2024. Je ne peux pas donner un avis favorable aux amendements proposant simplement de créer des places d’hébergement d’urgence supplémentaires. Que ferait-on des personnes remises à la rue sans hébergement ? Doit-on se contenter de ramasser leur cadavre ?
La Dihal me semble assez transparente. Nous savons ainsi que, parmi les personnes vivant en centre d’hébergement, 20 % sont des étrangers régularisés qui ne trouvent pas de logement en raison de la crise de l'offre et environ 40 % sont des étrangers en situation irrégulière après avoir été déboutés du droit d’asile.
Je rappelle que le programme 177 finance non seulement l’hébergement d’urgence, mais également des choses qui fonctionnent, comme les pensions de famille, gérées par des associations qui agissent au nom de l’État.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis favorable à mon amendement et défavorable à tous les autres.
M. Nicolas Sansu (GDR). Je soutiens l’amendement de Stéphane Peu, car il ne prélève pas de crédits sur la politique de ville. Autrement, le risque est de voir les crédits de cette mission tellement réduits que nous ne pourrons plus rien faire.
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur spécial, vous avez laissé entendre que les sorties sèches de l’ASE concernaient les mineurs non accompagnés (MNA). Malheureusement, elles concernent également les enfants français. Beaucoup de départements n’appliquent pas la loi.
Mme Sandrine Runel (SOC). Monsieur le rapporteur spécial, je ne reviens pas sur vos remarques concernant le public des centres d’hébergement, et je vous invite à consulter les chiffres du Samu social. Je remarque que les 200 millions que vous proposez ne sont pas ventilés et je précise que nos amendements proposent, entre la prise en compte de l'inflation et la création de places, une augmentation de plus de 200 millions.
La commission rejette l’amendement II-CF1422.
L’amendement II-CF1933 est retiré.
La commission adopte les amendements identiques II-CF2471, II-CF2604 et II‑CF2844.
En conséquence, les autres amendements tombent.
Amendement II-CF2337 de Mme Sabrina Sebaihi
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Cet amendement vise à alerter sur la situation des hôtels sociaux, où les conditions de vie sont dramatiques, surtout pour les familles. Une véritable politique de construction de centres d’hébergement est nécessaire.
M. François Jolivet, rapporteur spécial. Les conditions que vous décrivez ne sont pas vraies pour tous les hôtels, puisque beaucoup ont été rachetés par les bailleurs.
Je vous propose de retirer votre amendement pour que nous ayons ce débat avec la ministre en séance.
La commission adopte l’amendement.
Amendements II-CF2338 de Mme Sabrina Sebaihi, II-CF2785 de M. David Guiraud et II-CF368 de Mme Sandrine Runel (discussion commune)
Mme Christine Arrighi (EcoS). Cet amendement propose d’augmenter la dotation spécifiquement destinée aux places d’hébergement pour les femmes victimes de violences. Leur situation est catastrophique. Chaque jour, 3 000 d’entre elles se retrouvent sans solution d’hébergement et 120 000 sont hébergées dans des structures temporaires.
Mme Sandrine Runel (SOC). Je rappelle que, tous les trois jours, une femme meurt sous les coups de son conjoint ou de son ex-conjoint, mais les femmes font face à de nombreuses difficultés pour quitter leur domicile : quatre femmes victimes de violences sur dix ne se voient proposer aucune place d'hébergement lorsqu'elles le demandent.
Nous proposons donc de créer 2 000 places d'hébergement spécialisées pour les femmes victimes de violences et leurs enfants en non-mixité.
M. François Jolivet, rapporteur spécial. Cette politique, qui est menée par le préfet au niveau départemental, vise à proposer à ces femmes un logement plutôt qu’un centre d’hébergement pour qu’elles puissent reconstruire leur vie.
Les centres d’hébergement offrent aujourd’hui près de 2 000 places en pré et post-maternité et 10 000 places pour les femmes victimes de violences conjugales, réparties de façon proportionnelle à la population sur l’ensemble du territoire.
Mme Sandrine Runel (SOC). Tout le monde préfère un logement individuel à une place en centre d’hébergement collectif, en particulier les femmes victimes de violence ! Mais après avoir quitté leur domicile dans l’urgence, elles doivent être prises en charge et sécurisées. À l’hôtel, elles sont livrées à elles-mêmes et laissées à la merci des auteurs des violences ; ce n’est évidemment pas aux hôteliers de les protéger.
On manque de places d’hébergement d’urgence pour permettre aux femmes victimes de violence de quitter leur domicile et d’être ensuite accompagnées vers un logement pérenne, comme l’a indiqué le centre d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF). Il n’y aurait pas plus de 100 féminicides par an si les places d’hébergement étaient en nombre suffisant.
La commission adopte l’amendement II-CF2338.
En conséquence, les amendements II-CF2785 et II-CF368 tombent.
Amendements identiques II-CF220 de la commission des affaires économiques et II‑CF2783 de M. François Piquemal
M. François Piquemal (LFI-NFP). Cet amendement vise à lancer un plan de formation à la prise en charge des femmes victimes de violences sexistes et sexuelles (VSS) à destination de 1 111 membres du personnel des SIAO, pour un coût de 15 332 euros.
M. François Jolivet, rapporteur spécial. La somme étant modeste, je pourrais être favorable à ces amendements. Toutefois, le SIAO ayant connu une modernisation importante en 2024, je ne doute pas que ses personnels aient été formés à l’utilisation de ce nouvel outil, désormais centralisé. Demande de retrait, sinon avis défavorable.
La commission adopte les amendements.
Amendement II-CF369 de Mme Sandrine Runel
Mme Sandrine Runel (SOC). Cet amendement vise à ajouter au parc d’hébergement 2 000 places supplémentaires dédiées aux personnes en situation de prostitution. La nouvelle stratégie interministérielle visant à lutter contre le système prostitutionnel, lancée en mai dernier, prévoit l’élargissement du périmètre d’attribution des places dédiées aux femmes victimes de violence à ces personnes. Elles pourraient en bénéficier en s’engageant à se désolidariser des réseaux et si elles ne sont pas déjà incluses dans le parcours de sortie de prostitution prévu par la loi de 2016.
M. François Jolivet, rapporteur spécial. Il n’y a pas de solution formalisée à ce problème sur le terrain. Avis de sagesse, bien que je trouve le montant important pour l’instauration de cette mesure.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF2477 de M. Stéphane Peu, amendements identiques II-610 de Mme Marie-Charlotte Garin et II-CF2784 de M. François Piquemal, amendement II-370 de Mme Sandrine Runel (discussion commune)
M. Stéphane Peu (GDR). Cet amendement porte sur un sujet auquel le président est sensible : les femmes enceintes ou sortant d’une maternité sans hébergement. Il vise à créer 1 000 places supplémentaires d’hébergement à leur intention.
L’été dernier, une soixantaine de femmes dormaient aux abords de l’hôpital Delafontaine à Saint-Denis, qui abrite la plus grande maternité publique d’Île-de-France. De 20 % à 30 % de ses lits sont occupés par des bed blockers, des femmes qui viennent d’accoucher et qui, faute d’hébergement, ne savent où aller avec leur nourrisson.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). D’après une enquête de 2021 de l’agence régionale de santé (ARS) d’Île-de-France, 4 000 femmes sortent chaque année de la maternité sans solution d’hébergement – la situation s’est aggravée depuis.
Plus récemment, dans le 6e baromètre des enfants à la rue de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) et de l’Unicef, on apprend que le 19 août 2024, les demandes d’hébergement pour 168 enfants de moins d’un an n’avaient pas été satisfaites par le 115, soit une hausse de 17 % par rapport à 2022 ; plus alarmant encore, 77 % de ces enfants avaient déjà dormi à la rue la veille de cette demande.
Nous retirons cependant l'amendement II-CF2784 au profit de celui de Stéphane Peu, dont la somme est plus importante et qui est gagé sur des crédits de l’urbanisme plutôt que de la politique de la ville.
Les amendements II-CF610, II-CF2784 et II-CF370 sont retirés.
M. François Jolivet, rapporteur spécial. Des places ont été créées pour accueillir des femmes, le plus souvent en situation irrégulière, en fin de grossesse ou ayant accouché. Ce problème ne concerne pas tout le territoire et le manque d’action des services de l’État pour lutter contre l’embolisation des services hospitaliers en Seine-Saint-Denis est incompréhensible. Je suis tenté de donner un avis de sagesse, mais les crédits existants devraient permettre de résoudre ce problème.
M. le président Éric Coquerel. Avec Stéphane Peu, nous avons alerté le préfet de Seine-Saint-Denis et le ministère de la santé. Ce dernier nous avait promis de régler la situation, mais force est de constater qu’elle ne l’est pas.
M. Stéphane Peu (GDR). La structure d’hébergement qui accueillait les femmes dans cette situation en Seine-Saint-Denis a été fermée par le préfet en juin 2023, faute de crédits. Désormais, pour régler le problème, l’ARS répartit les accouchements dans les différentes maternités, ce qui n’est pas satisfaisant : une femme suivie à l’hôpital Delafontaine par exemple, sera orientée vers une autre maternité, entravant son suivi prénatal et postnatal. De plus, il n’est pas acceptable que des femmes, en fin de grossesse ou juste après leur accouchement, se retrouvent à la rue ou dans des structures précaires.
Mme Christine Arrighi (EcoS). Monsieur le rapporteur spécial, cette situation n’est pas circonscrite à la Seine-Saint-Denis : le Tarn-et-Garonne est également concerné. À cet égard, je vous invite à regarder le film Sages-femmes de Léa Fehner, une réalisatrice toulousaine ; écrit d’après des histoires vraies, il a été tourné en Haute-Garonne et dans le Tarn-et-Garonne.
La commission adopte l’amendement II-CF2477.
Amendement II-CF2335 de Mme Sabrina Sebaihi
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Cet amendement vise à augmenter la dotation en places d’hébergement d’urgence pour les personnes à mobilité réduite, afin de combler notre retard en la matière. Certains centres d’hébergement sont dépourvus d’ascenseur, ainsi que de toilettes et de douches adaptées : autant de contraintes qui s’ajoutent à la précarité des personnes à mobilité réduite.
M. François Jolivet, rapporteur spécial. Les CHRS sont tous adaptés aux personnes à mobilité réduite. Quant aux centres d’hébergement d’urgence, certains sont provisoires – le principe de réalité et l’urgence conduisent parfois à réquisitionner des bâtiments vides. La délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal) ne considère pas comme problématique le manque de places d’hébergement pour les personnes à mobilité réduite. Des problèmes d’accessibilité ponctuels surviennent sans doute – comme précédemment dans le Tarn-et-Garonne. En tout état de cause, les gestionnaires, notamment associatifs, n’accepteraient pas de gérer des équipements non accessibles. Avis défavorable.
Il ne faut pas caricaturer la situation et minimiser les efforts fournis par les associations pour appliquer une politique publique particulièrement complexe. Certains bâtiments ne sont pas aux normes actuelles, mais ils étaient aux normes lors de leur construction. La très grande majorité d’entre eux satisfait aux normes en matière d’accessibilité.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF2334 de Mme Sabrina Sebaihi
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Cet amendement vise à augmenter les crédits de l’hébergement d’urgence pour le public spécifique hébergement maître animal. De nombreuses personnes sans abri ont un chien, un chat ou un autre animal, qui est un véritable compagnon de route pendant les périodes difficiles. Or tous les hébergements ne sont pas adaptés à l’accueil d’un animal et ceux qui le sont manquent de places.
M. François Jolivet, rapporteur spécial. Être accompagné d’un animal permet aux sans-abri de lutter contre la solitude et d’être moins souvent arrêtés par les forces de police, puisque les commissariats sont dépourvus de niches. L’association Aurore a effectué de nombreux travaux d’aménagement pour accueillir des personnes avec des animaux. Les budgets ordinaires progressent à cet égard : avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF2429 de Mme Eva Sas
Mme Eva Sas (EcoS). Cet amendement vise à recréer un fonds d’urgence de soutien à l’éradication des punaises de lit, notamment pour les ménages précaires, de 115 millions. L’année dernière, le député Sylvain Maillard avait fait adopter un amendement pour créer un fonds d’urgence de 5 millions, dont les critères d’éligibilité n’ont pas été précisés.
Sur le site du ministère de la transition écologique figure seulement la mention d’un plan de lutte pour 2022, qui propose des mesures déjà existantes comme la prise en charge par la caisse d’allocations familiales (CAF) des frais de désinfection des logements des ménages les plus modestes. Le projet annuel de performance de la mission Cohésion des territoires est muet s’agissant du fonds d’urgence et mes interpellations au ministère sont restées sans réponse. Cette situation est inacceptable. Selon l’Anses, les punaises de lit ont coûté 230 millions par an aux ménages français entre 2017 et 2022. Alors que le coût sanitaire pour 2019 a été évalué à 83,5 millions, un logement sur six était infesté en 2023. Avec les associations de lutte contre la précarité, nous souhaitons donner l’alerte quant à l’insuffisance des moyens alloués et aux conséquences graves de cette situation pour la santé des plus vulnérables.
Néanmoins, je retire cet amendement, qui est gagé sur le programme 147 Politique de la ville afin que mes collègues puissent continuer de défendre leurs amendements gagés sur ce même programme.
L’amendement est retiré.
Amendement II-CF2430 de Mme Eva Sas
Mme Eva Sas (EcoS). Cet amendement concerne également l’éradication des punaises de lit. Il s’agit de doter le secteur accueil, hébergement, insertion des moyens financiers nécessaires pour apporter une réponse efficace et durable aux infestations de punaises de lit. Ces moyens, estimés par la FAS à environ 99 millions, permettraient de financer des opérations d’éradication, des investissements dans du matériel préventif et la compensation des coûts de traitement.
M. François Jolivet, rapporteur spécial. Depuis l’époque où chaque groupe politique posait une question au gouvernement sur les punaises de lit, il semble que ce problème se soit quelque peu atténué. En outre, toutes les communes s’en sont saisies, ce qui me semble pertinent puisque la police sanitaire relève du domaine communal Ce n’est pas à l’État de dératiser les villes ou de lutter contre les pigeons. Avis défavorable.
Mme Eva Sas (EcoS). Si vous pensez sincèrement que les punaises de lit ont été éradiquées, je vous invite à vous rendre dans les ensembles de logements sociaux ; vous sous-estimez la souffrance que ce fléau représente pour des milliers de locataires. Les communes se sont saisies du problème, mais il est d’envergure nationale et l’État doit se mobiliser.
Cependant, je retire cet amendement pour la même raison que le précédent.
M. François Jolivet, rapporteur spécial. Vous parlez de logements sociaux et dans l’exposé sommaire de votre amendement, vous expliquez que ce fonds vise les pauvres. En tant qu’ancien directeur général d’un organisme HLM, je trouve ces sous-entendus insupportables et il me semble anormal de ne cibler que ces populations.
Quoi qu’il en soit, dans toutes les grandes villes, les services chargés de la salubrité traitent ce sujet avec les financements nécessaires.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Ce phénomène a encore une portée considérable, mais je ne suis pas certain que déverser de l’argent public soit une bonne solution. Compte tenu du manque d’information et du faible nombre de prestataires, il existe un risque de captation du marché. Si les interventions sont subventionnées, certains d’entre eux risquent d’augmenter leurs tarifs, déjà élevés, et d’appliquer des marges abusives sans pour autant que le service soit rendu. L’enjeu consiste donc à développer les formations professionnelles pour que les prestataires soient suffisamment nombreux. Un service public communal pourrait également être envisagé et élargi aux autres espèces invasives.
Par expérience, je sais qu’il vaut mieux être riche pour se débarrasser des punaises de lits : après le repérage par un chien, intervention qui coûte environ 150 euros, une prestation de désinfestation est ensuite nécessaire.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). L’amendement prévoyait d’apporter une aide prioritairement aux personnes aux revenus modestes, mais être infesté par des punaises de lit arrive à tout le monde. Nous demandons depuis des années la création d’un service public national d’éradication des punaises de lit, ou à tout le moins un appui à la création de services locaux, mais l’État a tendance à asphyxier les collectivités plutôt qu’à leur donner des moyens pour ce faire.
L’amendement est retiré.
Amendement II-CF2 de M. François Jolivet
M. François Jolivet, rapporteur spécial. Malgré l’accord d’extension du Ségur agréé par la ministre du travail en juin, aucun financement n’a été accordé. Afin d’en garantir la prise en compte pour le secteur de l’hébergement d’urgence en 2025, cet amendement vise à débloquer 89 millions de crédits, qui s’ajouteront ainsi aux 250 millions déjà adoptés.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF363 de M. Inaki Echaniz
M. Inaki Echaniz (SOC). Nous souhaitons la mise en œuvre de la proposition de renforcement des moyens dévolus au plan quinquennal « logement d’abord » 2023‑2027 de 60 millions, issue des travaux du volet logement du Conseil national de la refondation (CNR). Pour ce faire, cet amendement vise à compléter, à hauteur de 31 millions, la montée en charge de 29 millions prévue dans le PLF.
M. François Jolivet, rapporteur spécial. Le plan quinquennal « Logement d’abord » a atteint une vitesse de croisière et son budget n’a pas été limité ; aucune association n’a donné l’alerte s’agissant de l’intermédiation locative. Demande de retrait, sinon avis défavorable.
M. le président Éric Coquerel. Je rappelle que nous avons adopté des amendements identiques abondant de 250 millions les crédits de l’action 12 Hébergement et logement adapté du programme 177. Peut-être pouvons-nous considérer que les aides aux différents publics spécifiques sont incluses dans ce montant.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF1939 de Mme Marie-Charlotte Garin
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Cet amendement vise à dégager le budget nécessaire à la création de postes de coordination et d’intervention sociale, afin de renforcer l’accompagnement des enfants et des familles hébergées à l’hôtel, comme le prévoit le pacte des solidarités 2023-2027.
M. François Jolivet, rapporteur spécial. Il me semble que cette mission est déjà remplie par les gestionnaires des centres d’hébergement, mais cet amendement allant dans le bon sens, j’y suis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF366 de Mme Sandrine Runel
M. Inaki Echaniz (SOC). Les dispositifs de veille sociale et les SIAO sont les premiers à apporter un soutien à l’accompagnement des personnes à la rue. Celles-ci étant de plus en plus nombreuses, leurs besoins augmentent inévitablement, qu’il s’agisse du 115 ou des équipes sociales effectuant les maraudes et assurant les accueils de jour.
Les dispositifs de veille sociale établissent un lien avec les personnes les plus précarisées, leur proposent un accompagnement social global adapté, évaluent les situations, les risques et les dangers qui y sont associés. Afin de permettre aux SIAO de fonctionner correctement et de poursuivre leur travail de veille sociale essentielle au secteur, cet amendement vise à augmenter le montant qui leur est alloué.
M. François Jolivet, rapporteur spécial. Depuis deux ans, 500 ETP ont été recrutés pour gérer les SIAO, dont l'enjeu consiste désormais à professionnaliser ces nouvelles recrues. Les services qui gèrent le 115 doivent également envisager la sortie du secteur associatif. Cependant, il est vrai que des postes sont vacants, faute de candidats en nombre suffisant. On peut toujours allouer des moyens supplémentaires, mais d'importants efforts ont déjà été consentis dans toutes les grandes métropoles, avec l’aide financière des collectivités territoriales, qui y trouvent leur intérêt. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF362 de M. Inaki Echaniz
M. Inaki Echaniz (SOC). Cet amendement vise à augmenter de 10 millions le montant alloué à la prestation d’alimentation dans les CHU et les CHRS, afin de compenser l’inflation des prix des denrées alimentaires, qui a atteint 13 % en 2023 après une hausse de 22 % en 2022.
M. François Jolivet, rapporteur spécial. Nous avons déjà adopté des amendements abondant de 250 millions les crédits de l’action 12 Hébergement et logement adapté du programme 177, et dégageant 89 millions pour le Ségur, soit un total près de 340 millions.
Par ailleurs, la prise en charge des repas varie d’un centre à l’autre, certains ayant des conventions avec la Banque alimentaire alors que d’autres mènent leurs propres actions. Avis défavorable.
L’amendement est retiré.
Amendement II-CF373 de Mme Sandrine Runel, amendements identiques II-CF2336 de Mme Sabrina Sebaihi et II-CF2606 de Mme Elsa Faucillon (discussion commune)
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Cet amendement vise à allouer aux associations les moyens nécessaires pour rendre effective la domiciliation des sans-abri, qui est essentielle dans leur parcours de réinsertion.
M. François Jolivet, rapporteur spécial. Mme Stella Dupont s’était battue avec succès il y a quelques années pour dégager des ressources complémentaires en ce domaine. Le ministère a fait en sorte que les CHRS fournissent des boîtes aux lettres et des adresses à leurs bénéficiaires, et le réseau des CCAS (centres communaux d’action sociale) s’est emparé de cette mission. Ce problème étant en cours de résolution, demande de retrait ou avis défavorable.
La commission adopte l’amendement II-CF373.
En conséquence, les amendements identiques II-CF2336 et II-CF2606 tombent.
Amendement II-CF361 de M. Inaki Echaniz
M. Inaki Echaniz (SOC). Cet amendement vise à majorer de 7 millions les crédits dévolus aux maraudes sociales, afin d’assurer un meilleur accompagnement des sans-abri.
L’amendement est retiré.
Amendement II-CF371 de Mme Sandrine Runel et amendements identiques II-CF2588 de Mme Eva Sas et II-CF3010 de M. Stéphane Buchou (discussion commune)
Mme Eva Sas (EcoS). Cet amendement vise à reconduire les 10 000 places de l’intermédiation locative pour l’Ukraine, avec des moyens suffisants pour permettre aux opérateurs de couvrir les activités de gestion locative adaptée et d’accompagnement. La FAS estime le financement nécessaire à 2 750 euros par place et par an.
Depuis l’instauration de la protection temporaire en mars 2022, environ 100 000 réfugiés ukrainiens sont arrivés en France et ont été accueillis dans différents dispositifs : hébergements collectifs, hébergements citoyens et intermédiation locative. Cette dernière mobilise 10 000 logements pour 30 000 personnes. Les associations, qui en sont les principaux acteurs, font état d’un manque durable de visibilité et de financement, les décisions politiques restant incertaines alors que la guerre se poursuit, ce qui fragilise le lien de confiance avec l’État.
Mme Stella Dupont (NI). Cet amendement vise à apporter des crédits suffisants pour maintenir une offre d’intermédiation locative pour les Ukrainiens accueillis dans notre pays. En effet, les gestionnaires associatifs qui en ont la charge sont pénalisés par le manque de lisibilité des crédits. L’adoption de cet amendement permettra d’abonder le budget s’il ne prévoit rien pour le financement de l’accueil des réfugiés ukrainiens.
M. François Jolivet, rapporteur spécial. Le financement des associations et l’arriéré qui leur est dû au titre de l'intermédiation locative concernant la population ukrainienne sont couverts par les 200 millions de l’exercice 2024, qui seront dégelés.
Nous avons adopté un amendement abondant de 250 millions les crédits de l’action 12 du programme 177, afin de reconduire le budget de l’année 2024, ce qui permettra de couvrir non seulement les arriérés, mais aussi les dépenses à venir concernant l’intermédiation locative. Cela évitera notamment aux associations de négocier des relais de trésorerie auprès des banques, ce qui coûterait davantage à l’État.
Mme Stella Dupont (NI). Les associations sont particulièrement fragilisées par les décisions de report d’affectation des crédits par l’État. En 2025, compte tenu du conflit en cours, nous continuerons malheureusement à accueillir des réfugiés ukrainiens et le budget doit prendre en considération les actions qui en découleront.
Toutefois, j’entends vos propos et je retire l’amendement II-CF3010.
Mme Eva Sas (EcoS). Je retire également mon amendement, mais j’appelle votre attention sur l’importance de continuer à accueillir les réfugiés ukrainiens dans de bonnes conditions.
Les amendements II-CF371, II-CF2588 et II-CF3010 sont retirés.
Amendement II-CF2442 de Mme Eva Sas
Mme Eva Sas (EcoS). Ma circonscription de l’est parisien est particulièrement touchée par le problème des sans-abri : le dernier recensement effectué lors de la nuit de la solidarité a dénombré 586 personnes à la rue dans le 12e arrondissement, soit une augmentation de 33 %, et 202 dans le 20e arrondissement.
Pour sortir les gens de la rue, le plan « logement d’abord » va dans le bon sens, mais doit être doté de moyens supplémentaires. Lorsque le gouvernement a lancé un second plan quinquennal « logement d’abord » en juin 2023, les objectifs du premier en matière de création de places dans les pensions de famille n’avaient pas été atteints : 7 210 places avaient été créées à la fin de l’année 2022, pour un objectif de 10 000, soit 72 % seulement. Cet amendement a donc pour objet le renforcement des moyens du plan « logement d’abord » pour financer la création de 2 700 places supplémentaires.
M. François Jolivet, rapporteur spécial. Vous avez raison : les pensions de famille, dont je suis un grand promoteur, sont une véritable réussite. Mais si le Gouvernement n’a pas atteint l’objectif qu’il s’était fixé en la matière, c’est parce que nous manquons d’opérateurs et de communes qui acceptent que ce type de structures s’implante sur leur territoire, notamment en raison de l’opposition des habitants. De fait, s’agissant des aides à l’investissement dans ce secteur, nous rendons des fonds chaque année.
Avis défavorable, donc : pourquoi augmenter une enveloppe qui n’est pas entièrement consommée ?
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF2438 de Mme Eva Sas
Mme Eva Sas (EcoS). Nous proposons, toujours dans le cadre du plan « logement d’abord », d’augmenter de 5,4 millions d’euros le budget de l’intermédiation locative (IML), qui est une autre solution concrète pour sortir les gens de la rue. Ces amendements ne sont pas très coûteux et ils sont très utiles.
M. François Jolivet, rapporteur spécial. L’IML, qui consiste à faire appel à un intermédiaire entre l’occupant et un propriétaire du parc privé, est en effet un bon dispositif. Mais j’ai le sentiment qu’il n’existe pas de blocage budgétaire en la matière. Peut-être est-ce le cas dans certains territoires, mais ce n’est pas l’information que m’ont fait remonter les opérateurs que j’ai rencontrés lors des auditions, notamment les principales associations qui interviennent dans le domaine de l’intermédiation locative à Paris. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendements II-CF1941 et II-CF1940 de Mme Marie-Charlotte Garin et amendement II-CF2525 de M. Stéphane Peu (discussion commune)
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Il s’agit, d’une part, de poursuivre le déploiement du programme de médiation scolaire associative à destination des enfants vivant dans des bidonvilles et des enfants de familles de voyageurs, d’autre part, de créer des postes de coordination et d’intervention sociale afin de renforcer l’accompagnement des enfants et des familles hébergés à l’hôtel, comme le prévoit le pacte des solidarités 2023-2027.
En 2023, 42 postes de médiateurs scolaires étaient financés à hauteur de 2 millions d’euros. La trajectoire de déploiement escomptée, à savoir une augmentation de vingt postes par an, suppose un effort budgétaire additionnel de 1 million chaque année jusqu’à 2027. Or si, en 2024, ces postes ont bien été créés, ils n’ont été financés qu’au second semestre et le projet de budget prévoit de leur allouer la même somme pour 2025. Il convient donc non seulement de créer vingt postes supplémentaires, mais aussi de compléter le financement de ceux de 2024, à hauteur de 500 000 euros, soit un budget total de 1,5 million.
Quant au financement des 38 postes destinés à assurer l’accompagnement des enfants à l’hôtel, il s’élève à 1,6 million, soit un montant total de 3,1 millions.
L’amendement II-CF1940 est de repli.
M. François Jolivet, rapporteur spécial. Je comprends que vous souhaitiez, par vos amendements, mettre en évidence les politiques que vous soutenez. Mais, s’agissant des gens du voyage, le schéma départemental d’accueil inclut les conditions éducatives des enfants, lesquelles ne relèvent donc pas de l’État. Du reste, ni les maires ni les présidents d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ne m’ont saisi de cette question. Quant à la résorption des bidonvilles, qui concerne les zones très denses, j’ai cru comprendre que la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal) intervenait directement.
La question se pose donc de savoir à qui, des agents publics de l’État chargés de ces politiques ou des partenaires locaux, sont destinés les crédits, par ailleurs très modestes, prévus dans vos amendements. Je ne dis pas que vous avez tort sur le fond, mais vos demandes sont satisfaites par le fonctionnement normal de l’État et de ses partenaires, notamment les collectivités territoriales. Avis défavorable.
M. Stéphane Peu (GDR). S’agissant de la médiation scolaire, le dispositif est expérimenté, depuis 2023, dans quinze départements par vingt et une associations. En 2024, vingt postes de médiateurs supplémentaires ont été créés, mais ils n’ont été financés qu’au second semestre. Il convient donc, tout d’abord, de compléter ce financement pour qu’en 2025, il couvre l’année entière.
Ensuite et surtout, le programme pluriannuel – qui est efficace et plébiscité par les préfectures, les inspections académiques, les écoles, les communes… – prévoit de créer, jusqu’en 2027, vingt postes supplémentaires chaque année. Il faut donc poursuivre son développement et tenir les engagements qui ont été pris ; il y va du respect de la parole de l’État.
La commission adopte l’amendement II-CF1941.
En conséquence, les amendements II-CF1940 et II-CF2525 tombent.
Amendement II-CF372 de Mme Sandrine Runel
Mme Sandrine Runel (SOC). Le Premier ministre ayant annoncé dans son discours de politique générale vouloir faire de la santé mentale la grande cause de l’année 2025, nous proposons de financer la formation aux premiers secours en santé mentale des professionnels, notamment des agents des CCAS – qui sont le parent pauvre du travail social –, afin qu’ils puissent intervenir dans des situations de crise psychique exacerbées par le contexte de précarité, d’isolement et de vulnérabilité.
M. François Jolivet, rapporteur spécial. Je ne nie pas les difficultés que rencontrent les personnels des CCAS, mais pourquoi voulez-vous que la formation de ces fonctionnaires territoriaux soit financée par le programme de l’État dédié à l’hébergement ? J’ajoute que la maîtrise des compétences que vous évoquez est un des critères de recrutement des gestionnaires des centres d’hébergement, lesquels doivent savoir adopter la bonne attitude pour ne pas provoquer de crise avec les résidents qu’ils accueillent.
Mme Sandrine Runel (SOC). Les agents qui officient au guichet des CCAS sont en première ligne : ils traitent les demandes d’hébergement, en lien avec les SIAO au niveau départemental. Il est donc nécessaire que ces personnels, qui sont le plus souvent oubliés et qui ne bénéficient d’aucune formation, puissent être formés en santé mentale, car ils accompagnent un public précaire.
M. François Jolivet, rapporteur spécial. J’ai toutes les raisons de vous croire, mais cette formation devrait être financée par le budget de la fonction publique territoriale plutôt que par celui de l’hébergement : il appartient aux CCAS de former leurs agents et de s’adapter aux nouvelles contraintes du métier. Il est difficile de tout faire supporter par le budget de l’État. Demande de retrait ; sinon, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-CF2751 de Mme Danielle Simonnet, II-CF2678 de M. David Guiraud, II-CF2161 de M. Stéphane Peu et amendements identiques II-CF214 de la commission des affaires économiques, II-CF347 de M. Inaki Echaniz et II-CF4 de François Jolivet (discussion commune)
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Nous proposons de revenir sur la décision qui a été prise de faire supporter la baisse de l’aide personnalisée au logement (APL) par les bailleurs sociaux. La réduction de loyer de solidarité (RLS) a en effet lourdement pesé sur leur capacité à financer non seulement les travaux d’entretien et de réhabilitation, mais aussi et surtout la construction de logements. Pour qui défend cette politique, il est urgent et indispensable de supprimer cette mesure et de procéder à un rattrapage.
M. Stéphane Peu (GDR). Nous proposons, quant à nous, que l’État compense la RLS. On peut avoir des désaccords sur cette ponction qui assèche les ressources des organismes HLM, mais force est de reconnaître que l’augmentation du taux du livret A – qui est passé, entre 2018 et 2024, de 0,5 % à plus de 3 % – pèse de plusieurs milliards chaque année sur leurs finances. Par conséquent, même ceux d’entre nous qui ont défendu la RLS en 2018 ont toutes les raisons de voter pour ces amendements.
M. Inaki Echaniz (SOC). Nous sommes, nous aussi, favorables à la suppression de la RLS, au sujet de laquelle un certain nombre de membres de l’ancienne majorité, notamment notre rapporteur spécial, ont exprimé leur repentance. Toutefois, conscients que nous n’obtiendrons pas sa suppression pure et simple, nous avons opté pour une solution qui conviendrait a priori à Bercy, au ministère du logement et au Parlement, à savoir une réduction de 300 millions de la RLS. Il s’agit de donner un peu d’air aux bailleurs sociaux, moyennant quoi ces crédits feraient l’objet d’une contractualisation avec l’État garantissant qu’ils seront entièrement dévolus à la production de logements neufs.
J’ajoute que cet amendement a été adopté à la quasi-unanimité par la commission des affaires économiques.
M. François Jolivet, rapporteur spécial. Je suis d’accord avec M. Peu : les conditions macroéconomiques de 2017 ne sont pas celles de 2024. Du reste, les bailleurs sociaux s’accommoderaient de la RLS si le taux du livret A n’avait pas connu une telle hausse. C’est pourquoi je vous propose, quant à moi, de réduire la charge que cette mesure fait peser sur eux de 200 millions d’euros.
J’appelle votre attention sur le fait que le secteur HLM a tendance à dire qu’il se satisfera de la construction de 75 000 logements par an pour respecter son plan annuel de rénovation thermique. Cela ne me paraît pas convenable. Je sais que la ministre est en train de négocier avec le secteur la reprise d’une partie de la production afin d’affecter une part de ces ressources à l’achat de logements en Véfa ou à des constructions en direct. Je suis donc favorable à mon amendement et défavorable aux autres.
Prenons un peu de hauteur. On observe qu’avant la remontée des taux, la situation financière des organismes HLM s’était, paradoxalement, améliorée. Or les mesures d’accompagnement qui leur ont été consenties ont sans doute coûté plus cher que la RLS, ce qui suscite des interrogations sur la raison d’être de cette dernière. L’objectif était de prendre leurs ressources à ceux des organismes qui ne faisaient pas grand-chose, mais il s’est trouvé que ceux-là avaient un taux de rotation parmi les plus faibles. Ainsi, ils ne réalisaient pas de travaux et, surtout, relouant peu, ils appliquaient peu la RLS nouvelle. Je crains donc que cette mesure n’ait été, en définitive, mauvaise. Sans doute aurait-il été préférable d’assujettir ces organismes à l’impôt sur les sociétés.
La commission rejette l’amendement II-CF2751.
Elle adopte l’amendement II-CF2678.
En conséquence, les amendements II-CF2161, II-CF214, II-CF347 et II-CF4 tombent.
Amendements identiques II-CF2621 de Mme Cyrielle Chatelain et II-CF2759 de Mme Danielle Simonnet, amendement II-CF2683 de M. François Piquemal et amendements identiques II-CF2728 de M. David Guiraud, II-CF358 de M. Inaki Echaniz et II-CF2162 de M. Stéphane Peu (discussion commune)
L’amendement II-CF2621 est retiré.
M. Inaki Echaniz (SOC). Il s’agit de revaloriser de 12,5 % le forfait charges des APL.
M. Stéphane Peu (GDR). J’ajoute que les charges représentent une part croissante de la quittance. Or le forfait charges n’a pas été réévalué depuis plusieurs décennies, de sorte que l’APL prend de moins en moins en compte la quittance réelle.
M. François Jolivet, rapporteur spécial. Le Gouvernement a opté pour le versement d’un chèque énergie aux locataires qui peuvent prouver qu’ils sont abonnés à titre individuel. Ainsi une augmentation du forfait charges se cumulerait-elle avec ce chèque. Certes, il aurait été de bonne méthode de procéder à cette revalorisation plutôt que d’inventer de nouvelles aides, mais tel n’a pas été le choix du Gouvernement. Avis défavorable donc, d’autant que les montants proposés dans les amendements, compris entre 500 millions et 2 milliards, me paraissent excessifs.
La commission adopte l’amendement II-CF2759.
En conséquence, les amendements II-CF2683, II-CF2728, II-CF358 et II-CF2162 tombent.
Amendements II-CF2682 de M. François Piquemal, II-CF2754 de Mme Danielle Simonnet et II-CF2684 de M. David Guiraud (discussion commune)
M. François Piquemal (LFI-NFP). Nous proposons de revaloriser de 10 % les aides personnelles au logement, comme cela a été proposé dans un fameux programme défendu lors des dernières élections législatives.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Il s’agit de revenir sur la réforme inique de l’aide personnalisée au logement décidée en 2017 par le président Emmanuel Macron et son gouvernement, réforme qui a conduit à baisser le montant de cette aide de 5 euros.
M. François Jolivet, rapporteur spécial. Avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements à plusieurs milliards.
L’amendement II-CF2682 est retiré.
La commission adopte l’amendement II-CF2754.
En conséquence, les amendements II-CF2684, II-CF359, II-CF2164 et II-CF2732 tombent.
Amendements identiques II-CF217 et II-CF219 de la commission des affaires économiques et II-CF348 de M. Inaki Echaniz
M. Inaki Echaniz (SOC). Voici un amendement peu onéreux et efficace. En effet, le rétablissement de l’APL accession, supprimée en 2018, permettrait d’aider 30 000 ménages pour un coût annuel de 50 millions d’euros. Puisqu’il est essentiel de dégripper le parcours résidentiel et de permettre à chacun d’être primo-accédant, il serait intéressant qu’en sus de l’extension du PTZ, nous revenions sur une mesure dont certains membres de l’ancienne majorité ont reconnu qu’elle était une erreur.
M. François Jolivet, rapporteur spécial. Avis défavorable. Si je souscris à l’extension du PTZ à l’ensemble du territoire, je ne crois pas pertinent de revenir sur la suppression de l’APL accession, car ce mode de financement a connu, quoi qu’on en dise, des échecs. Il me semble en effet, eu égard au volume des dossiers déposés à l’Anah, qu’il faut éviter de laisser accéder à la propriété des personnes qui n’ont pas les ressources suffisantes pour entretenir leur logement. Au demeurant, le réseau des professionnels se satisfait plutôt de la suppression de l’APL accession ; il serait sans doute souhaitable que, pour une fois, on les écoute. Défavorable.
M. Inaki Echaniz (SOC). Les professionnels réclament depuis longtemps le retour du PTZ, que vous avez mis deux ans à leur accorder, et la suppression de la RLS, que vous continuez de refuser. Il est donc inapproprié de tirer argument de leur position pour rejeter cet amendement, d’autant que certains d’entre eux sont favorables au rétablissement de l’APL accession.
La commission adopte les amendements.
Amendements identiques II-CF360 de M. Inaki Echaniz et II-CF2166 de M. Stéphane Peu
M. Inaki Echaniz (SOC). Il serait parfaitement justifié, dans le cadre de la simplification et de la modernisation du dispositif, de revenir sur le seuil de non-versement de l’APL. Cette injustice est en effet source d’incompréhension et de colère pour des ménages modestes qui se voit privés d’une aide au motif que son montant est trop faible au regard de son coût de gestion.
M. François Jolivet, rapporteur spécial. Si nous n’avions pas adopté autant d’amendements dépensiers, j’aurais émis un avis favorable. Mais compte tenu du manque de sérieux au regard de l’éthique budgétaire et de l’équilibre financier, mon avis sera défavorable.
M. le président Éric Coquerel. On peut souligner également le manque de sérieux de nombreux collègues qui sont absents : s’ils participaient à nos débats, ceux-ci seraient peut-être plus équilibrés…
M. François Jolivet, rapporteur spécial. Je pourrais faire miens vos propos, monsieur le président.
M. Inaki Echaniz (SOC). Monsieur Jolivet, ne me sortez pas la carte du dérapage de la commission des finances : nous ne sommes pour rien dans l’absence du bloc central ! Par ailleurs, nous avons fait preuve de responsabilité en retirant un certain nombre d’amendements afin, précisément, de ne pas vider les caisses trop rapidement, si je puis dire. Je vous invite donc à maintenir votre avis favorable, car nous savons qu’en fin de compte, les amendements qui auront recueilli un tel avis auront une chance d’être retenus.
La commission adopte les amendements.
Amendement II-CF3062 de M. François Jolivet
M. François Jolivet, rapporteur spécial. Cet amendement d’appel a trait au financement de la sortie en sifflet du dispositif Pinel.
Pour bénéficier du Pinel plus, un investisseur doit avoir signé un acte d’acompte avant le 31 décembre. Nous proposons donc que, pour les contrats de réservation n’ayant pas fait l’objet d’une signature d’acte définitive, ce dispositif coure jusqu’au 31 mars 2025, comme cela est systématiquement prévu lors de la suppression d’une niche fiscale.
La commission adopte l’amendement.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du lundi 4 novembre 2024 à 15 heures
Présents. - M. David Amiel, Mme Christine Arrighi, Mme Béatrice Bellay, M. Karim Ben Cheikh, M. Anthony Boulogne, M. Éric Coquerel, M. Sébastien Delogu, M. Jocelyn Dessigny, M. Benjamin Dirx, M. David Guiraud, M. Pierre Henriet, M. François Jolivet, Mme Chantal Jourdan, M. Philippe Juvin, M. Aurélien Le Coq, M. Emmanuel Mandon, M. Jean-Paul Mattei, M. Kévin Mauvieux, Mme Marianne Maximi, Mme Sophie Mette, M. Jacques Oberti, M.François Piquemal, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, Mme Danielle Simonnet, M. Jean-Philippe Tanguy, Mme Céline Thiébault-Martinez, Mme Mélanie Thomin, M. Emmanuel Tjibaou, M. Gérault Verny
Excusés. - M. Christian Baptiste, M. Charles de Courson, M. Mathieu Lefèvre, M. Nicolas Metzdorf, M. Charles Sitzenstuhl
Assistaient également à la réunion. - M. Laurent Baumel, M. Mickaël Bouloux, Mme Stella Dupont, M. Inaki Echaniz, M. Frédéric Falcon, M. Abdelkader Lahmar, M. Robert Le Bourgeois, Mme Brigitte Liso, M. Stéphane Peu, Mme Sandra Regol, Mme Sandrine Runel