Compte rendu
Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire
– Audition de Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics 2
– Information relative à la commission.........................36
– Présence en réunion...................................37
Mercredi
16 juillet 2025
Séance de 16 heures
Compte rendu n° 143
session extraordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Éric Coquerel,
Président
— 1 —
La Commission entend Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics
M. le président Éric Coquerel. La ministre Amélie de Montchalin ayant été ponctuelle en nous transmettant le tiré à part hier à 23 h 59 – la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) prévoit qu’il nous soit remis avant le 15 juillet à minuit –, je propose de commencer notre réunion à l’heure, même si tous les groupes ne sont pas encore représentés – mais certains y participent en visioconférence.
Je remercie la ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics, d’avoir répondu à l’invitation de notre commission pour évoquer les documents préparatoires au budget 2026 établis par le Gouvernement et qui s’inscrivent dans le cadre général et les grandes orientations présentées hier par le Premier ministre. Ce dernier a insisté sur le caractère novateur d’une présentation globale du budget. Je rappelle néanmoins que, conformément à la Constitution, le tiré à part doit être transmis au Parlement à une date précise – exceptionnellement, cela n’avait pas été le cas l’année dernière. Ce qui est novateur, en revanche, c’est de tenir la réunion de notre commission alors que la session extraordinaire est terminée ; mais nous ne voulions pas clore nos travaux sans avoir l’occasion d’échanger avec vous.
Vous êtes ici, madame la ministre, non pas pour répéter ce que le Premier ministre a annoncé hier – nous l’avons tous en mémoire –, mais pour apporter toutes précisions utiles et commenter le document que nous avons reçu hier soir.
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics. Je vous remercie de prendre le temps de cette réunion, alors que le Premier ministre a annoncé hier son plan de redressement des finances publiques et de la croissance et que vous avez reçu le rapport sur les plafonds de dépenses, lequel précise les orientations, l’architecture et, plus généralement, la construction du prochain budget.
Le tiré à part n’est pas le projet de loi de finances (PLF) : c’est pourquoi, à ce stade de la procédure, je ne peux pas commenter les lignes budgétaires comme s’il s’agissait du PLF. Habituellement, ce rapport fait l’objet d’une discussion un peu technique ; cette année, le Premier ministre a souhaité lui donner une lecture et un cadre beaucoup plus larges, pour qu’il prenne un sens qui dépasse les seuls chiffres de chaque périmètre.
Nous sommes donc aujourd’hui au temps zéro, c’est-à-dire au point de départ de la construction de ce qui devra être, inévitablement, un compromis, pour doter le pays d’un budget cet automne. Je souhaite vous présenter les grands principes de la méthode que je vous propose d’adopter, principes qui sous-tendent l’action menée avec Éric Lombard, dans le cadre du plan d’action sur lequel j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer devant vous, lors des comités d’alerte ou des auditions auxquelles vous m’avez conviée.
Ces principes sont la transparence, la crédibilité de la trajectoire à laquelle nous parviendrons et le dialogue, pour parvenir à un compromis.
Par transparence, je vous présenterai l’architecture retenue et répondrai à toutes vos questions sur la manière dont l’effort sera réparti entre l’État, la sécurité sociale et les collectivités. Bien que ce document ne soit pas le projet de loi de finances, il est utile, à ce stade de la procédure, d’échanger sur les grands choix politiques à retenir et sur les réformes à mener. Et même si certains veulent instrumentaliser politiquement ce moment, mon rôle est d’être à l’écoute de toutes vos propositions afin d’enrichir la copie et de faire en sorte qu’elle devienne celle de la nation.
Notre responsabilité est historique : nous devons reprendre en main les finances publiques, non pas en procédant à un simple ajustement comptable, mais en engageant des réformes pour restaurer des marges de manœuvre et financer nos priorités, nos investissements, notre modèle de solidarité et garantir notre souveraineté. En définitive, nous voulons présenter aux Français non pas un tableau de chiffres mais un tableau de choix.
L’équation qui est devant nous est difficile, mais elle n’est pas impossible : nous devons retrouver un déficit inférieur à 3 % du PIB en 2029 et de 4,6 % au maximum en 2026. C’est à partir de cette exigence pluriannuelle que nous avons construit notre cadrage.
La dette atteint un niveau tel qu’elle menace notre capacité à agir ; elle nous étouffe progressivement, parce que les intérêts versés à nos créanciers absorbent des milliards d’euros – 8 milliards d’euros supplémentaires seront nécessaires l’an prochain par rapport à aujourd’hui – et parce que, en cas de choc de confiance, nous nous mettrions à la merci des marchés financiers. Il est donc impératif d’agir dès maintenant pour stabiliser la dette et ramener le déficit sous la barre des 3 %, sans renoncer à nos principes, sans augmenter massivement les impôts ni empiler de nouvelles exceptions à un système fiscal déjà illisible pour nombre de nos concitoyens.
Les priorités, elles, ne varient pas, car elles restent inchangées dans l’esprit des Français. La première est de renforcer les fonctions régaliennes, afin d’assurer la sécurité des Français. Le tiré à part l’illustre clairement : 6,7 milliards d’euros supplémentaires seront consacrés à la défense l’an prochain, le budget de la justice verra ses moyens augmenter de 175 millions d’euros, afin de recruter notamment du personnel pénitentiaire, et des moyens nouveaux seront accordés à la sécurité intérieure, le budget du ministère de l’intérieur progressant de 613 millions d’euros, pour financer notamment l’installation de nouvelles brigades de gendarmerie ou augmenter les moyens de la sécurité civile pour mieux lutter contre les incendies – je pense notamment à une commande de nouveaux Canadair.
La deuxième priorité, c’est l’avenir. Cela passe non seulement par la transition écologique et le développement d’une économie décarbonée, plus sobre et plus efficace, mais aussi par l’éducation : il faut mieux former les enseignants et offrir à chaque élève une réelle chance de réussir.
Pour continuer à financer ces priorités dans le temps long, nous avons besoin de dégager des marges de manœuvre et de sortir du piège de la dépense contrainte, de l’inertie budgétaire et de l’endettement permanent. C’est en cela que le plan proposé est un plan de responsabilité. C’est aussi un plan de liberté, car seule une nation qui maîtrise ses comptes peut rester maître de ses choix. Il repose sur un contrat clair : réduire le déficit et recréer de l’activité, grâce à des réformes structurelles et à un encouragement à travailler plus, pour financer l’avenir.
Permettez-moi d’apporter quelques précisions sur le tiré à part que vous avez reçu et de présenter les grandes lignes de la construction budgétaire, toutes administrations publiques confondues. La trajectoire est claire, prévisible et sincère : elle propose un effort de 43,8 milliards d’euros en 2026. Il n’y aura cependant pas de coupe brutale dans les services publics puisque les dépenses augmenteront de l’ordre de 30 milliards d’euros, contre un peu plus de 58 milliards d’euros en tendanciel – j’y reviendrai, si vous le souhaitez, pour expliquer comment et sur quels postes budgétaires nous ralentirons le rythme des dépenses. Le ralentir, ce n’est pas opérer des coupes budgétaires, comme d’autres pays européens ont dû s’y résoudre il y a quelques années. La trajectoire que nous proposons est donc à la fois maîtrisée et soutenable. Sans nier l’effort nécessaire, je pense que cet effort est équitablement réparti et parfaitement réaliste.
Pour cela, l’État doit être exemplaire : en dehors de la charge de la dette, qui augmentera, et de l’effort de réarmement, les crédits de l’État seront identiques en 2026 à ceux de 2025, ni plus, ni moins. Il faudra donc opérer des choix et il ne s’agit pas de procéder à un coup de rabot indifférencié : chaque mesure d’économie sera documentée et fera l’objet d’éléments de réforme et de transformation sous-jacents.
Les budgets de fonctionnement des collectivités territoriales seront reconduits, revalorisés à hauteur de l’inflation – soit une évolution en volume nulle, après un effort déjà important de 2 milliards d’euros consenti en 2025. Les départements bénéficieront d’un traitement particulier, compte tenu des difficultés financières et des dépenses qui sont les leurs.
Enfin, s’agissant de la sécurité sociale et des dépenses de santé, nous voulons continuer à bien financer notre modèle social, pour que les Français soient toujours bien soignés : c’est pourquoi nous souhaitons stabiliser les 8,75 points de PIB consacrés en 2024 au système de santé. Cela équivaut à une hausse des dépenses de près de 5 milliards d’euros au titre de l’Ondam – objectif national de dépenses d’assurance maladie –, tout en permettant à la sécurité sociale de consentir un effort de 5,5 milliards d’euros en 2026 – par rapport à l’évolution tendancielle, qui est en progression d’environ 10 milliards d’euros.
Nous poursuivrons également nos efforts pour lutter contre la fraude : la fraude sociale, afin de réaliser des économies, et la fraude fiscale, afin de recouvrer davantage de recettes. À cet égard, je tiens à saluer la constance, l’engagement et la persévérance de mes prédécesseurs, qui ont permis d’obtenir des résultats en la matière.
Les efforts sont donc possibles et ils sont nécessaires. Au-delà des chiffres, le plan que nous proposons porte une volonté : celle de transformer l’action publique, d’en finir avec les doublons, les redondances, les agences sans cap clair ni périmètre défini. Cela suppose de redonner du pouvoir aux préfets pour adapter les politiques publiques aux réalités locales, comme l’a annoncé lele Premier ministre, la semaine dernière, à Chartres. Cela nécessite aussi de revoir certains dispositifs, pour qu’ils atteignent leurs véritables bénéficiaires, sans créer des effets d’aubaine. Cela implique, enfin, d’arrêter de penser que les subventions sont le seul outil dont l’État dispose ; elles ne doivent pas être automatiques. Les trésoreries dormantes, les fonds européens et les partenariats privés doivent, eux aussi, être pleinement mobilisés.
Ce plan doit traduire une responsabilité partagée par tous les niveaux de l’action publique, tous les usagers et toutes les forces vives du pays.
J’en viens aux réformes que nous voulons mener pour renforcer l’activité, comme nous le faisons depuis 2017 : soutenir les industries, conforter l’attractivité et se battre pour créer davantage d’activité. C’est ainsi que nous rendrons notre pays plus productif et plus prospère et que la France disposera des ressources nécessaires pour maintenir les services publics, garantir sa souveraineté et faire face à ses investissements.
Nous devons aussi réformer les niches fiscales, qui ont créé un système complexe, parfois peu lisible et qui ne remplit plus totalement ses objectifs. Certains dispositifs ont fini par engendrer, avec les années, des situations de rente ; d’autres n’incitent pas à travailler. Avec des impôts moins élevés, plus sains et plus efficaces, et une réduction des exceptions, nous redonnerons un cap clair aux entreprises et aux ménages et générerons une économie de près de 3,4 milliards d’euros l’an prochain.
Enfin, produire plus, c’est être plus nombreux à travailler. C’est pourquoi, dès aujourd’hui, Catherine Vautrin et Astrid Panosyan-Bouvet engagent un cycle de concertations sur trois sujets : la réforme de l’assurance chômage ; l’amélioration et la simplification des conditions de l’accès à l’emploi ; et deux jours supplémentaires de travail dans l’année, pour que les Français créent davantage de richesse et génèrent plus de recettes pour l’État.
Par ailleurs, d’autres sujets structurants ont été évoqués, tels que celui de la maîtrise des indemnités journalières (IJ), qui représentaient 17 milliards d’euros en 2024 et ont connu, notamment pour ce qui concerne les arrêts maladie, une très forte croissance ces dernières années. Nous voulons aller plus loin en créant une allocation sociale unifiée, afin de gommer tous les effets de seuil qui empêchent les Français de savoir, s’ils travaillent davantage, comment le système social les accompagnera.
Par conséquent, il s’agit non pas de faire moins, mais de faire résolument mieux pour les Français, et de le faire grâce à des moyens soutenables et financés. Nous avons encore notre destin en main ; il est temps de prendre nos responsabilités et de retrouver l’élan, la confiance et l’optimisme qui ont fait la force de notre République et que je ne souhaite pas remettre entre les mains d’autres que nous. Ce « nous » – puisque je perçois un peu d’ironie – désigne non pas le Gouvernement, mais notre démocratie, c’est-à-dire aussi vous, parlementaires, qui avez souverainement le choix de construire le budget, quand d’autres pays ont perdu cette possibilité et ont remis les clefs à des institutions internationales ou à leurs créanciers.
M. le président Éric Coquerel. Il y a même des pays qui respectent le suffrage universel et le résultat des élections pour nommer un Gouvernement…
Permettez-moi de saluer la présence du président de la commission des affaires sociales, Frédéric Valletoux, que je remercie d’être parmi nous.
Vous avez dit qu’il fallait éviter toute instrumentalisation politique ; vous accepterez, cependant, que nous ayons un débat politique sur un budget très politique – rien n’est technique, en réalité, dans le tiré à part. Car, même si nous n’avons plus l’occasion, depuis quelques années, de voter le projet de loi de finances, en débattre est encore l’une des prérogatives de notre assemblée. Faisons donc en sorte que notre commission soit à la hauteur du débat qui s’impose et qui intéresse nos concitoyens.
Dans la mesure où, constitutionnellement, le président de la commission des finances est issu d’un groupe de l’opposition, vous comprendrez que je ne partage pas votre appréciation sur le budget présenté hier : il ne correspond pas aux besoins de notre pays et de notre économie, dans un moment de bifurcation historique où le capitalisme ne repose plus sur le principe du libre-échange pour instaurer des profits mais sur une guerre commerciale, déclenchée par les États-Unis, qui devrait nous conduire à rechercher davantage de souveraineté industrielle et agricole et à ne plus rester à la merci de barrières douanières ou de mesures décidées par d’autres.
De ce point de vue, votre budget présente le défaut de ne pas répondre à cet enjeu : si je mets de côté l’augmentation du budget de la défense – dont 3,5 milliards d’euros n’étaient pas prévus et posent d’ailleurs la question, démocratique, de savoir pourquoi il faut consentir un tel effort –, il n’y a aucune marge réelle permettant de garantir une plus grande souveraineté industrielle de notre pays.
Surtout, ce budget risque de nuire à la consommation populaire, qui est pourtant l’un des principaux moteurs de l’activité économique depuis plusieurs années et qui a permis à la France d’éviter d’entrer en récession pendant deux années de suite, contrairement à l’Allemagne, dont la politique repose sur le commerce extérieur.
L’autre principal défaut de votre budget, qui d’ailleurs renvoie aux contrevérités énumérées hier par le Premier ministre, est que l’augmentation de la dette n’est pas due à la hausse de la dépense publique – elle a baissé de 0,5 point de PIB depuis 2017 –, mais bien à une baisse des recettes de l’ordre de 3 points de PIB qui a favorisé ‑ toutes les études le prouvent ‑ les plus aisés, notamment les ultrariches, à hauteur de plusieurs dizaines de milliards d’euros. Par conséquent, au nom de la dette, vous proposez une politique de baisse des dépenses publiques : autrement dit, le mal vient de la baisse des recettes, mais vous préférez diminuer les dépenses publiques, malgré les effets négatifs que je viens d’évoquer. Et je laisse de côté les comparaisons stupides avec la Grèce de 2013, dont le déficit atteignait 13,4 % du PIB et non pas 5,4 %, PIB qui était d’ailleurs à la hauteur de celui de la région Île-de-France – ce n’est pas très correct vis-à-vis du peuple grec, qui a beaucoup souffert.
Vous ajoutez que l’effort sera équitablement réparti : je note cependant que les hauts revenus ne contribueront qu’à hauteur de 10 % aux 44 milliards d’euros d’économies attendus. C’est fort peu, vous en conviendrez, si l’on tient compte des cadeaux fiscaux et des aides en tout genre qui leur ont été octroyés depuis 2017 et du rôle qu’ils ont joué dans l’augmentation du déficit : avec un rendement attendu de 4 milliards d’euros dans le budget 2026, leur contribution ne rapportera que la moitié du rendement de la surtaxe d’impôt sur les sociétés (IS) et de la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR), introduites toutes deux en 2025 et qui devaient représenter 10 milliards d’euros de recettes – même si le rendement risque finalement de ne pas être au rendez-vous.
En revanche, tous les autres Français vont payer : d’abord par l’intermédiaire des impôts puisque, en raison de la non-indexation du barème, tous les contribuables verront leur imposition augmenter et que 200 000 personnes supplémentaires, au moins, deviendront imposables. Par l’intermédiaire des retraites, ensuite, en supprimant l’abattement de 10 %...
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Non !
M. le président Éric Coquerel. Si ! Attendez, vous me répondrez après. Récemment, j’ai dit beaucoup de bien de vous dans un journal : ne me le faites pas regretter.
L’abattement de 10 % sera remplacé par une déduction forfaitaire de 2 000 euros. De ce fait, les retraités qui perçoivent plus de 1 600 euros de pension perdront de l’argent – une grande partie des retraités seront donc touchés par vos mesures fiscales, alors qu’avec 1 600 euros, on ne fait pas partie des privilégiés, que je sache ; d’ailleurs, d’une manière générale, je ne pense pas que les retraités en fassent partie.
De la même manière, à travers le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), vous faites payer la note aux malades. Permettez-moi d’ailleurs d’ouvrir une petite parenthèse sur un point qui m’a irrité hier : le Premier ministre a expliqué qu’il allait pourchasser, pour faire des économies, les malades qui demandent une deuxième visite de contrôle auprès d’un généraliste. Lorsque la moitié du pays est concernée par les déserts médicaux, dans lesquels il est compliqué de prendre rendez-vous avec un généraliste, cette image va beaucoup parler aux Français ! Mais chacun vit dans sa tour d’ivoire. En vous en prenant aux retraités, aux chômeurs, aux fonctionnaires et aux pauvres, vous touchez, une fois de plus, à la consommation populaire.
Enfin, vous promettez de vous attaquer au monde du travail en supprimant deux jours fériés qui deviendront travaillés, à titre gratuit – non pas pour les entreprises ni pour l’État, mais pour les salariés – et vous appelez à une dérégulation du droit du travail.
S’agissant des collectivités territoriales, je note une baisse plus importante que celle annoncée jusqu’alors, par rapport à l’évolution tendancielle de 5 milliards d’euros.
Permettez-moi de terminer mon propos en revenant sur le tiré à part, qui nous a été transmis hier à 23 h 59 – ce dont je vous sais gré – et qui comporte quelques particularités : comme vous l’expliquez, il n’y a pas d’augmentation des crédits indexée sur l’inflation ni sur l’évolution tendancielle. Il y a donc déjà une baisse. Cependant, outre quelques missions dont les crédits augmenteront légèrement – Immigration, asile et intégration ; Administration générale et territoriale de l’État – trois ministères sont indemnes : l’intérieur, la justice et les armées avec, pour ce dernier, une hausse de 6,7 milliards d’euros. Néanmoins, comme la valeur globale du budget de l’État doit rester stable, la hausse des moyens en faveur de la défense doit être compensée en ponctionnant d’autres ministères.
Je vous cite quelques chiffres : en tenant compte de l’inflation – c’est-à-dire que je diminue les crédits de l’inflation constatée – la mission Transformation et fonction publiques verra ses crédits diminuer de 29,3 % ; ceux de la mission Sport, jeunesse et vie associative, de 18,5 % – soit 314 millions d’euros ; ceux de la mission Aide publique au développement, de 16,7 % ; ceux de la mission Économie, de 9,6 % ; ceux de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances, de 6,5 % ; ceux de la mission Culture, de 6,3 % ; ceux de la mission Relations avec les collectivités territoriales, de 5,9 % ; ceux de la mission Travail, emploi et administration des ministères sociaux, de 5,5 % ; ceux de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales, de 5,4 % ; ceux de la mission Cohésion des territoires, dont le logement, de 5,1 % ; ceux de la mission Outre-mer, de 4,4 % ; ceux de la mission Enseignement scolaire, de 439 millions d’euros – c’est moins flagrant en pourcentage.
Autrement dit, certains ministères perdront des crédits en valeur par rapport à l’an dernier – ce qui rappellera des souvenirs aux commissaires de tous bords qui, dans leurs rapports spéciaux, avaient regretté certaines baisses de crédits. On constate d’ailleurs que ce sont essentiellement ceux qui ont déjà largement contribué à l’effort l’année dernière qui sont à nouveau affectés cette année. À cela s’ajoute la contribution des opérateurs, à hauteur de 5,2 milliards d’euros, sur les 10 milliards de baisse du budget de l’État.
J’en viens à mes questions. Le Premier ministre a annoncé des mesures d’équité fiscale pour un montant de 4,2 milliards d’euros. Cependant, les plus riches ne seront pas uniquement concernés puisque entre 500 millions et 1 milliard de ce montant s’expliquent par la création d’une taxe sur les petits colis – que vous m’aviez présentée la semaine dernière à Bercy ; mais je ne sais pas si elle est toujours d’actualité. Par conséquent, quels seront les rendements de la contribution différentielle sur les hauts revenus et de la mesure de lutte contre l’optimisation fiscale en matière de patrimoine ? Un mécanisme est-il prévu pour éviter les phénomènes d’optimisation qui risquent de miner le rendement prévu pour 2025 – il est question de 1,2 milliard d’euros au lieu de 2 milliards ? Je remarque par ailleurs une différence entre les annonces du Premier ministre et le document qui nous a été transmis : proposez-vous de pérenniser la CDHR ou envisagez-vous un nouveau dispositif ?
Avant la présentation du Premier ministre, vous aviez évoqué dans la presse la possibilité de supprimer 10 % des niches fiscales, ce qui aurait dû permettre de réaliser environ 9 milliards d’euros d’économies. Or vous retenez désormais un montant d’économies de 3,4 milliards d’euros. Est-ce parce que votre ambition n’a pas été suivie par le Premier ministre ? Pourriez-vous préciser quelles niches seront concernées, et pour quels montants ? J’ai l’impression que la réforme de l’abattement de qui touchera les retraités dès qu’ils perçoivent au moins 1 600 euros de pension pourrait très largement expliquer cette baisse d’ambition en matière de niches fiscales.
Dans les plafonds de dépenses, les crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables passeraient de 26,9 à 27,5 milliards d’euros, ce qui constitue une augmentation apparente de 600 millions d’euros. Toutefois, si l’on tient compte d’une inflation à 1 % en 2026, l’évolution est limitée à 328 millions d’euros. Et vous savez comme moi que, pour avoir une vision plus sincère de l’évolution du budget de l’écologie, il faut retrancher les contributions au service public de l’électricité (CSPE), qui ne relèvent pas d’un arbitrage politique mais d’un mécanisme automatique – elles correspondent à l’indemnisation, par l’État, des surcoûts pour certains opérateurs qui sont obligés d’acheter notamment de l’électricité issue d’énergies renouvelables. Or, pour l’année 2025, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) fixait le niveau des charges prévisionnelles à 4,2 milliards d’euros. Une fois retranché ce montant, le budget de la mission Écologie, développement et mobilité durables diminuerait donc de 2 milliards d’euros. Pouvez-vous nous le confirmer ? Dans l’affirmative, avez-vous une estimation des CSPE à cette date ?
Enfin, vous annonciez entre 2 et 3 milliards d’euros d’économies réalisées sur les opérateurs ; le montant s’élève désormais à 5,2 milliards d’euros. Comment expliquez-vous ce changement d’ordre de grandeur, alors que ce montant est pratiquement dix fois supérieur aux économies identifiées par la commission d’enquête du Sénat ? À quoi les opérateurs doivent-ils s’attendre ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Pardon, monsieur le président, de vous avoir interrompu tout à l’heure, mais il n’y a pas de suppression de l’abattement.
Permettez-moi de revenir sur plusieurs points et d’apporter des réponses. Je ne crois pas qu’il faille assimiler les grandes entreprises aux super-riches. Vous mettez dans le même panier la surtaxe sur l’impôt sur les sociétés (IS), introduite en 2025 et que nous ne souhaitons pas reconduire, et la contribution différentielle sur les hauts revenus : elles ont toutes les deux été présentées comme des mesures nouvelles en 2025, mais les grandes entreprises ne sont pas autre chose que des entreprises – soyons clairs sur ce point.
En ce qui concerne le barème de l’impôt sur le revenu (IR), si les prestations sont gelées et si le smic évolue peu en raison d’une faible inflation, il y aura peu de nouveaux entrants dans l’imposition – par définition, ils ne sont concernés que si leurs revenus augmentent par rapport au barème. Autrement dit, si le barème est gelé et que les revenus restent stables, le nombre d’entrants dans l’IR, selon nos estimations, sera peu élevé.
S’agissant de l’abattement de 10 % sur les retraites, le mécanisme actuel est un peu baroque puisqu’il s’applique dans la limite d’un plafond de 4 400 euros par foyer : ce dispositif crée une disparité entre les foyers composés d’un seul retraité – et qui bénéficient de 4 400 euros d’abattement – et ceux qui en comptent deux – et qui bénéficient du même plafond d’abattement. C’est pourquoi nous proposons d’instituer une déduction forfaitaire de 2 000 euros par personne : pour un couple de retraités, l’abattement cumulé atteindra donc 4 000 euros – soit un montant très proche du plafond actuel. Il s’agit d’opérer un recentrage de l’outil fiscal entre les retraités aisés, qui sont mis à contribution, et ceux de la classe moyenne, voire les retraités modestes, qui font partie des premières tranches de l’imposition sur le revenu, en trouvant des ressources en haut du barème. C’est une mesure de justice et de solidarité entre les retraités, qui créera de la lisibilité et de l’équité, grâce à un abattement forfaitaire par personne.
Pour ce qui a trait au tiré à part, il est vrai que les moyens des ministères qui ont fait l’objet d’une loi de programmation augmentent. À ce titre, le ministère de la recherche bénéficiera aussi d’une augmentation de ses moyens parce que, lorsque nous instaurons des programmations, il est normal de les mettre en œuvre, y compris dans un contexte de contraintes budgétaires. Cependant, je tiens à souligner que ce n’est pas parce que les moyens augmentent du fait d’une loi de programmation, que ces ministères ne seront pas concernés par des mesures d’économies : celles-ci passeront par de la réorganisation et une meilleure efficacité. D’ailleurs, les ministères ont demandé des moyens supplémentaires, mais ils doivent contribuer à l’effort général.
J’en viens à vos questions. En matière d’équité fiscale, telle que présentée par le Premier ministre, nous avons à la fois la contribution différentielle sur les hauts revenus et la lutte contre la sur-optimisation du patrimoine non productif, qui peut être logé dans des holdings. Soit nous créons un seul outil, en partant de la CDHR, soit nous en créons deux : il y aura sur ce plan un travail technique à mener avec les parlementaires, pour déterminer la meilleure manière d’opérer. Le rendement attendu est de l’ordre de 2 milliards d’euros, mais nous sommes prêts à y travailler avec vous.
En ce qui concerne les niches fiscales, j’avais expliqué qu’un coup de rabot de 10 % sur l’ensemble des niches permettrait de rapporter 8 milliards d’euros ; néanmoins, je n’en ai jamais fait un objectif et vous conviendrez qu’il n’est pas simple de baisser de 10 % une niche telle que, par exemple, des taux réduits de TVA.
En revanche, la méthode que j’ai proposée et qui fera, elle aussi, l’objet d’un travail avec les parlementaires qui le souhaitent, en amont du dépôt du PLF, prévoit quatre directions. La première est la suppression des niches obsolètes, des niches inefficaces et des niches dont nous pouvons considérer qu’elles sont arrivées à échéance et qu’il ne faut pas les renouveler. Ensuite, pour certaines niches très dynamiques, nous pouvons faire le choix d’en limiter la valeur de 10 %, en abaissant les plafonds ou en recalibrant les taux – je parle des niches hors crédit d’impôt recherche (CIR) et crédit d’impôt au titre des services à la personne (CISAP). S’agissant du CISAP, nous devons prendre toutes les précautions afin de préserver les gardes d’enfant, les services aux personnes âgées et aux personnes handicapées – je sais que plusieurs d’entre vous, au sein de cette commission, ont travaillé sur des propositions d’ajustement pour les autres services, tout en nous protégeant du travail illégal. Enfin, quatrième élément, il faudra procéder à la revue de l’abattement de 10 % pour les personnes retraitées. Ces différents mesures peuvent représenter un rendement estimé à environ 3,4 milliards d’euros. Néanmoins, si nous allons au-delà, il faudra réfléchir à diminuer les impôts en contrepartie de la suppression des niches, pour ne pas augmenter de manière démesurée ou difficilement acceptable le taux des prélèvements obligatoires.
Sur l’écologie, monsieur le président, votre lecture est très juste. Le financement des énergies renouvelables est une obligation au titre des contrats passés. Le Gouvernement proposera en 2026 que cette compensation soit financée par une part de recettes existantes dédiées : nous présenterons dans le PLF pour 2026 une réforme, quifera l’objet d’une mesure de périmètre afin précisément que la ligne consacrée à l’écologie soit plus lisible et, pour les parlementaires, moins cachée ou moins polluée par des éléments contractuels qui peuvent donner l’impression, certaines années, que ce budget augmente ou baisse fortement alors que cela tient à des éléments hors de notre contrôle direct.
Pour ce qui est enfin des opérateurs, le Premier ministre a en effet annoncé un effort qui, je le rappelle, doit être comparé au tendanciel. Trois types d’économies sont ainsi prévus : sur leur fonctionnement – la mission de Christine Lavarde propose à cet égard nombre d’éléments intéressants et pertinents –, sur leurs investissements, ainsi que sur leurs moyens d’intervention, c’est-à-dire sur ce qu’ils distribuent aux entreprises, aux collectivités et aux ménages.
Nos propositions seront évidemment détaillées ligne à ligne dans le PLF, mais je peux déjà signaler, pour les dépenses de fonctionnement, un effort de 1 000 à 1 500 emplois lié à la réorganisation, en lien notamment avec France Travail, les opérateurs de compétences (Opco), les chambres de commerce et divers autres opérateurs, comme l’Institut national de la consommation, avec lesquels des réformes d’intégration ont été lancées. Nous conduisons ensuite des revues de périmètre, avec un recentrage de certains opérateurs, notamment tous ceux, très épars, qui soutiennent les collectivités dans leur ingénierie – c’est le cas par exemple pour les cofinancements de l’Agence de la transition écologique (Ademe), de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema). Une revue de dépenses est en cours et nous avons aussi l’objectif de faire financer par les certificats d’économie d’énergie (C2E) certaines politiques pilotées par les opérateurs, comme MaPrimeRénov’. Nous avons également engagé une revue de nos crédits d’intervention.
Mon objectif est d’en finir avec les trésoreries excessives dont disposent certains opérateurs, car ce sont les crédits de paiement et les impôts d’hier, qui n’ont pas été utilisés l’année où ces crédits ont été attribués. Cet argent, qui devient difficile à piloter et dont il devient difficile de vous rendre compte précisément, représente une source d’économies.
M. le président Éric Coquerel. Vous avez raison de dire que les missions qui dépendent des lois de programmation voient leur budget augmenter en valeur, mais ce n’est pas le cas pour la recherche, pour laquelle l’augmentation de 300 millions d’euros correspond à l’inflation, alors que, je le rappelle, la loi de programmation de la recherche prévoyait une augmentation constante des moyens, et même une augmentation de plus de 2 milliards d’euros par an à partir de 2026. On en est très loin.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Madame la ministre, je vous poserai neuf questions brèves, auxquelles, avec l’autorisation du président, je vous propose de répondre au fur et à mesure.
M. le président Éric Coquerel. Entendu, monsieur le rapporteur général, mais sans droit de réplique de votre part.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Tout d’abord, les 43,8 milliards d’euros qu’il s’agit d’économiser par rapport au tendanciel se composeraient d’une trentaine de milliards d’euros en dépenses et de 14 milliards d’euros de hausse des prélèvements obligatoires.
Les dépenses publiques devaient augmenter de 60 milliards en 2026, mais vous choisissez de limiter cette hausse à 29 milliards d’euros. Cela signifie toutefois que les dépenses publiques vont augmenter de 29 milliards. Dans ces conditions, peut-on vraiment parler d’économies drastiques ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. C’est une question cruciale. Nous avons recalibré les chiffres dans la nuit afin que les périmètres soient plus précis et fiables : la hausse tendancielle entre 2025 et 2026, toutes dépenses publiques confondues, est précisément de 58,5 milliards d’euros – et non pas 61 milliards d’euros. Cette hausse représente 19,7 milliards d’euros sur le périmètre des dépenses de l’État, avec un tendanciel de près de 10 milliards d’euros sur l’Ondam et d’un peu plus de 8 milliards d’euros sur les dépenses de fonctionnement des collectivités. Je ne détaillerai pas les autres éléments de ce tendanciel, et me ferai un plaisir, monsieur le rapporteur général, de vous fournir toute la liste.
Puisque les dépenses de l’État, qui devaient s’accroître d’environ 20 milliards d’euros, n’augmenteront que de 7 milliards d’euros, nous faisons une économie de 12 milliards d’euros sur ce périmètre, en raison tant de la baisse des crédits budgétaires que de l’année blanche. Pour ce qui est de l’Ondam, l’augmentation tendancielle de 10 milliards d’euros passera à 5 milliards d’euros : nous faisons donc 5 milliards d’euros d’économies. Quant aux collectivités l’augmentation tendancielle de 8,6 milliards d’euros n’étant plus que de 3,3 milliards d’euros, nous faisons 5,3 milliards d’euros d’économies.
Le rapporteur général a raison de dire que nous ne réduisons pas la valeur des crédits – ce qui montre que ceux qui brandissent le mot d’austérité n’ont pas raison. Néanmoins, le fait de limiter la hausse tendancielle à 30 milliards d’euros au lieu de 60 milliards d’euros malgré, comme l’explique très bien le tiré à part, des postes incompressibles tels qu’une augmentation de 8 milliards d’euros de la charge de la dette, de 6,7 milliards d’euros de l’effort de défense et de 5,7 milliards pour le prélèvement en faveur de l’Union européenne – au lieu de 7,3 milliards d’euros, au terme d’une négociation à laquelle j’ai consacré ces dernières semaines beaucoup de temps et d’énergie – montre que nous reprenons en main la croissance de nos dépenses.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Dans ces 43,8 milliards d’euros présentés comme des économies, on trouve 14 milliards d’euros d’augmentation des prélèvements obligatoires : la lutte contre la fraude pour 2,3 milliards, les suppressions de niches fiscales et sociales pour 3,4 milliards, les mesures d’équité fiscale pour 4,2 milliards, et les deux jours fériés pour 4,2 milliards. Environ un tiers de ces économies sont donc des hausses de prélèvements obligatoires. Partagez-vous cette analyse et pourriez-vous détailler quelles niches fiscales ou sociales vous entendez précisément supprimer ou restreindre – je pense notamment au crédit d’impôt services à la personne (CISAP) ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Sur 30 milliards d’euros d’économies, 1 milliard d’euros provient de la réduction de la dépense sociale liée à la baisse des fraudes et une autre économie de 1 milliard d’euros, dans la partie fiscale, est le produit, non pas de nouveaux impôts, mais de notre lutte contre la fraude fiscale. Les mesures d’équité touchant les niches sont totalement assumées. Le Premier ministre a également présenté d’autres mesures, qui ont été assez peu commentées, et qu’il a désignées comme des réformes structurelles concernant notamment l’assurance chômage et la reprise en main des arrêts maladie, ces deux réformes représentant ensemble, selon notre estimation pour l’année prochaine, 1,8 milliard. À cela s’ajoute la suppression de deux jours fériés.
Faisons, sur ce dernier point, un calcul de coin de table. Deux jours sur 365, soit 1 jour sur 180, cela fait 0,5 sur 90, soit schématiquement 0,5 % d’activité en plus. Avec 0,6 % ou 0,7 % de croissance, générer 0,5 % d’activité en plus revient à créer de la richesse. Cela permet d’abord une contribution des entreprises au budget de l’État, que nous avons estimée à 4,2 milliards d’euros et qui ne représente pas l’intégralité du gain pour les entreprises de cette richesse nouvellement créée. Cela alimente aussi les systèmes de partage de la valeur en vigueur dans notre pays : l’intéressement, la participation, la « prime Macron » défiscalisée et des hausses de salaire. À l’heure où nous parlons, Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, et Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l’emploi, ouvrent des concertations avec les organisations patronales et syndicales pour voir comment, si nous créons plus de richesse, la partager avec l’État, qui en a bien besoin pour financer nos services publics, et avec les salariés, qui pourront retrouver du pouvoir d’achat. Il n’y a pas de richesse créée dans notre pays qui n’est pas partagée, et c’est là notre boussole.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Troisième question : le Premier ministre a annoncé hier des économies sur les opérateurs de 5,2 milliards d’euros en 2026. Vous annonciez auparavant des économies de l’ordre de 2 à 3 milliards d’euros à horizon 2027. Le Sénat, quant à lui, a réalisé des études concluant que ces économies pourraient être plutôt de 540 millions d’euros en plusieurs années. Pourriez-vous nous donner le détail des 5,2 milliards d’euros d’économies entre les dépenses de fonctionnement, d’investissement et d’intervention, y compris pour l’écrêtement des fonds de roulement, selon les termes consacrés ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je viens de répondre en partie à cette question. En 2025, nous avons fait 3 milliards d’euros d’économies sur les opérateurs – nous le préciserons ligne à ligne dans le PLF, d’une manière transparente et claire.
Lorsque j’ai évoqué des chiffres de 2 à 3 milliards d’euros, je parlais d’économies qui ne sont pas calculées par rapport à une évolution tendancielle, ce qui fait notamment une différence pour ce qui concerne le calibrage des dépenses d’intervention des opérateurs. Par ailleurs, le Premier ministre présentera en septembre, dans le cadre de la refondation de l’action publique, des mesures sur la manière dont nous réorganisons, reministérialisons et fusionnons, diminuant ainsi des coûts de fonctionnement.
En outre, comme je l’ai dit, certains opérateurs disposent de trésoreries très importantes, notamment tous ceux qui travaillent avec France 2030, ce qui nous permettra de faire des économies assez substantielles en 2026. Nous vous le détaillerons évidemment, mais dans un second temps, car cela reviendrait sinon à vous lire le PLF.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ma quatrième question concerne les collectivités locales, sur lesquelles vous envisagez de faire peser un effort de 5,3 milliards d’euros, sans compter le 1,3 milliard de hausse correspondant aux trois points de cotisations patronales pour la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL). Je comprends, à la lecture du tiré à part, que les concours financiers seront réduits de 1,1 milliard d’euros, mais je m’interroge donc sur les 4,2 milliards d’euros restants : par quel mécanisme envisagez-vous de réguler les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales ? Le Premier ministre a parlé d’un dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico) renforcé. Ce dispositif sera-t-il adapté, à l’identique ou autrement, pour ramener la croissance des dépenses des collectivités locales à un niveau qui soit à peine celui de l’inflation, c’est-à-dire 1 % en 2026 ? Quels sont les mécanismes pour y parvenir ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Le premier mécanisme est en effet celui du Dilico, qui opère un ralentissement des transferts faits par des prélèvements de recettes. Je confirme que nous souhaiterions ajouter parmi les critères de 2026, en sus de ceux de 2025, les dépenses de fonctionnement et d’investissement par habitant. Lorsque les dépenses de fonctionnement sont très élevées et, par conséquent, les dépenses d’investissement moins élevées, on peut considérer que la gestion adoptée ne favorise pas l’investissement, qu’il conviendrait précisément d’encourager.
Le deuxième mécanisme est le fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), sur lequel nous allons à nouveau lisser la montée en charge liée aux investissements passés afin de réduire l’impact budgétaire. Nous prévoyons aussi des mesures de compensation des valeurs locatives à la suite de la réforme réalisée sur les locaux industriels. Enfin, d’autres dispositions en matière d’investissement sont en lien avec le cycle électoral, qui permet aussi de réduire la prévision de dépenses des collectivités.
Pour résumer, le montant de 5,3 milliards d’euros recouvre, la dotation globale de fonctionnement (DGF) étant maintenue, le Dilico pour 2 milliards, les moindres compensations sur le prélèvement sur les recettes de l’État au titre de la compensation de la réduction de 50 % des valeurs locatives des locaux industriels (PSR-VLEI) pour 1,2 milliard, l’écrêtement d’une partie de la dynamique de TVA, limité à 700 millions, et la minoration des variables d’ajustement, pour 500 millions. Ces mesures donneront encore lieu à un travail avec les associations d’élus. Une nouvelle conférence des territoires a ainsi été annoncée pour la fin de l’été.
Le quantum est donc de 5,3 milliards d’euros. Si nous avions conservé la dynamique naturelle de la hausse des recettes de fonctionnement, les collectivités auraient eu près de 8 milliards d’euros de plus. Puisque nous limitons cette hausse à zéro volume, c’est-à-dire à la stricte inflation, soit 3 milliards d’euros, la différence est égale à 5,3 milliards d’euros, qui sont ensuite organisés par les mécanismes que j’ai cités.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Cinquième question : vous évaluez l’effet d’une année blanche à 7,1 milliards d’euros grâce à un gel des prestations, de la masse salariale des trois fonctions publiques et des barèmes de l’IR et de la contribution sociale généralisée (CSG). Je m’interroge sur la répartition des économies attendues entre ces différents items, mais aussi sur le champ des prestations ciblées : les retraites complémentaires sont-elles bien exclues de cette mesure ? Êtes-vous prête à maintenir le pouvoir d’achat des petites retraites ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Le champ de l’année blanche couvre trois grands blocs. Il s’agit d’abord, en effet, du gel des prestations sociales monétaires et des prestations de retraite. J’insiste sur le fait qu’il s’agit des prestations sociales monétaires, et non pas des prestations compensatrices. À ce stade de notre chiffrage, le montant de 3,3 milliards d’euros ne concerne ni l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) ni la prestation de compensation du handicap (PCH).
Le deuxième bloc concerne le gel du barème de l’IR et de la CSG, représentant des recettes de respectivement 1,4 milliard et 300 millions d’euros.
D’autres éléments concernent davantage la sphère publique. Le fait qu’il n’y ait pas de nouvelles mesures catégorielles ni de hausse générale de la rémunération des fonctionnaires représente une économie de 300 millions d’euros. Par ailleurs, je le rappelle, les fonctionnaires continueront de bénéficier de leur mesure de glissement vieillesse technicité (GVT), ou d’ancienneté. En outre, et toujours dans la sphère publique, il est prévu un report de six mois de certains projets et engagements, notamment de grands projets ferroviaires. Certains projets, portés par l’État, seront décalés de six mois.
Pour ce qui est des petites retraites, la réforme de l’abattement dont je vous ai parlé bénéficiera à de très nombreux retraités modestes et du début de la classe moyenne. C’est ainsi que l’on fait de la solidarité, en rendant l’abattement mécaniquement progressif, alors qu’il est aujourd’hui anti-progressif. L’inflation particulièrement faible, à 1 %, permet de procéder à une mesure de gel des retraites. Si elle avait été plus forte, une désindexation totale aurait été potentiellement déraisonnable et l’on aurait pu envisager une demi-désindexation.
Quant aux retraites complémentaires, les partenaires sociaux appliquent depuis quelques années, dans le cadre de l’Agirc-Arrco, des règles de sous-indexation et ont, je crois, limité l’évolution à 0,4 %. En tout cas, ces retraites étant sous la gouvernance des partenaires sociaux, l’État n’a, par définition, pas à s’en mêler.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Sixième question : quels sont les moyens que vous entendez mettre en œuvre pour augmenter de 2,3 milliards d’euros, soit environ 20 %, les montants recouvrés en matière de fraude fiscale et sociale ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. D’abord, nous allons consacrer un projet de loi à cette question. Il est intéressant de noter que nous en sommes, en matière de fraude sociale, au point où nous en étions voilà dix ans pour la fraude fiscale : nous parvenions à bien détecter la fraude, mais nous avions beaucoup de mal à la recouvrer. Or, en 2024, nous avons encaissé 11,6 milliards d’euros au titre de la fraude fiscale. Il est encore possible d’aller plus loin, mais ce quantum représente plus que le budget de la justice. Du côté de la sphère sociale, nous possédons maintenant de meilleurs outils de détection – les Urssaf ont ainsi détecté 1,6 milliard de travail illégal dissimulé –, mais nous avons de grandes difficultés pour l’encaissement, les outils de gel, de saisie et de recouvrement dans la sphère sociale étant beaucoup moins mordants que dans la sphère fiscale. Comme je l’avais dit lorsque Catherine Vautrin et moi-même avons présenté les résultats de la lutte antifraude en 2024, il est plus facile de frauder la sécurité sociale et les Urssaf que le fisc, bien qu’il s’agisse, dans les deux cas, de ressources publiques.
Nous voulons donc parvenir à 1 milliard d’euros de recouvrement supplémentaire pour la fraude fiscale, ce qui est à peu près, en tendance, ce que nous faisons chaque année, et, pour la fraude sociale, obtenir, notamment par le recours à l’intelligence artificielle (IA), une bien meilleure détection pour ce qui concerne les arrêts maladie, la prescription et la suractivité dans certains domaines bien connus, comme les audioprothèses. Pour ce qui est des aides publiques – grâce à la proposition de loi, désormais applicable, de Thomas Cazenave, que je remercie pour son travail –, de MaPrimeRénov’ et du compte personnel de formation, nous disposons de gisements conséquents.
Nous vous proposerons donc un projet de loi sur la fraude, sur lequel nous solliciterons l’avis du Conseil d’État dans les toutes prochaines semaines pour un dépôt au mois de septembre. Il s’agit là d’un sujet sur lequel nous devons malheureusement nous adapter en permanence, les mécanismes devenant de plus en plus complexes. Dans un monde aussi contraint budgétairement, il est insupportable que la fraude ne soit pas combattue d’une manière dynamique. Nous allons donc continuer ce qui a été lancé depuis quelques années.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Septième question : la suppression de l’abattement fiscal de 10 % sur les pensions de retraite a été annoncée hier au bénéfice d’un montant forfaitaire annuel situé autour de 2 000 euros. Quel serait le montant du gain de cette mesure pour le redressement des finances publiques ? Pourriez-vous nous indiquer le nombre de gagnants et de perdants à cette réforme ? Pourquoi n’avez-vous pas directement abaissé le plafond de l’abattement existant de 4 400 à 2 000 euros ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. L’objectif était d’avoir un système plus juste, et un abattement forfaitaire de 2 000 euros par personne a le mérite de la justice et de l’équité entre les retraités. Cet abattement rend aussi le système progressif, car il a, en pourcentage des retraites, un effet plus grand sur les retraites plus petites et moyennes que sur les retraites plus élevées. Nous pourrons vous transmettre le tableau des gagnants et perdants. L’abattement étant aujourd’hui de 4 400 euros par foyer, la différence est importante selon que l’on vit seul ou à deux. Nous avons voulu un mécanisme plus lisible.
Le gain attendu est de l’ordre d’un milliard d’euros en 2026, sur un dispositif fiscal qui a généré plus de 4,5 milliards de pertes de recettes l’an dernier et qui, pour des raisons évidentes de démographie, est l’une des niches fiscales les plus dynamiques, bénéficiant majoritairement aux retraités les plus aisés, avec un système antiprogressif. Si nous cherchons l’équité, c’est aussi une manière d’y parvenir.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Huitième et avant-dernière question : pratiquement dès l’examen du projet de loi de finances pour 2025, le Gouvernement a indiqué qu’un dispositif contre une optimisation fiscale abusive mise en œuvre par certains contribuables les plus fortunés aurait sa préférence par rapport à un impôt sur la fortune tel que celui qui a été proposé sous le nom de taxe Zucman. Hier encore, le Premier ministre a évoqué des mesures complémentaires concernant l’optimisation abusive des patrimoines non productifs, mais les modalités du dispositif restent extraordinairement floues. Avez-vous tranché entre la piste d’une contribution différentielle sur les hauts patrimoines, sur le modèle de la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR), qui serait éventuellement reconduite en 2026 selon le tiré à part, et celle, évoquée également dans le tiré à part, d’une mesure de lutte contre l’optimisation fiscale des holdings patrimoniales ? Quelles devraient être les modalités, notamment l’assiette, de l’imposition de ces holdings patrimoniales ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je le répète, de très nombreuses propositions sont en débat et nous ne pouvons les appliquer toutes, sous peine d’illisibilité. Il s’agit d’abord de s’assurer que chacun paye 20 % d’impôt par rapport à son revenu fiscal de référence – c’est la CDHR. Il s’agit aussi que les holdings patrimoniales ne deviennent pas des mécanismes de contournement et d’optimisation pour minorer le revenu fiscal de référence, lequel est ciblé par la CDHR. Il s’agit enfin de savoir si nous souhaitons imposer le patrimoine en y incluant les biens professionnels – or le gouvernement ne souhaite pas que ce mécanisme empêche les investisseurs, les entrepreneurs, et donc le monde productif, de faire croître les entreprises françaises. C’est la raison pour laquelle, à l’Assemblée et au Sénat, le Gouvernement s’est clairement opposé à la taxe dite Zucman, qui touche les biens professionnels. Nous serions le seul pays à le faire et cette taxe conduirait au départ massif des 1 800 contribuables visés, comme cela a été le cas au Royaume-Uni, qui a perdu 1 400 contribuables et 110 milliards d’euros d’actifs avec une mesure pensée hors de toute coordination, notamment avec ses voisins. Nous ne souhaitons donc pas avoir un revenu issu de l’exit tax pendant cinq ans, mais des revenus stables dans le temps. Nous allons toutefois calibrer les dispositifs et espérons un rendement d’à peu près 2 milliards d’euros, avec des outils lisibles et qui ne détournent pas l’investissement productif.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Ma dernière question portera sur les réformes structurelles, qui pourraient générer des économies estimées à 1,8 milliard d’euros. Pourriez-vous préciser ce qu’il en sera de la réforme de l’assurance chômage et de celle des indemnités journalières ? D’autres réformes sont-elles envisagées ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Ces deux réformes contribuent à la même vision : favoriser le travail et s’assurer que notre système ne comporte pas de désincitations au travail. Pour ce qui est de la réforme de l’assurance chômage, Astrid Panosyan-Bouvet et Catherine Vautrin consulteront dès aujourd’hui ou demain les partenaires sociaux en leur présentant l’état financier de l’Unedic pour voir comment nous pouvons remettre celle-ci sur une trajectoire financièrement plus viable. Cela suppose en effet de prendre en compte divers paramètres que vous connaissez bien et qui seront discutés dans ce cadre.
Quant aux indemnités journalières, sujet que connaît bien le président Valletoux, que je remercie d’être parmi nous, elles représentent aujourd’hui 17 milliards d’euros, avec une croissance de 5 % à 6 % par an pour les arrêts maladie et 25 % à 30 % de croissance depuis 2019, notamment chez les jeunes, qui ne sont pourtant pas à 25 % ou 30 % plus malades aujourd’hui qu’en 2019.
Se pose donc une triple question. Elle concerne d’abord les employeurs, pour ce qui est des conditions de travail, puis les prescripteurs, qui doivent arrêter de prescrire des arrêts plus longs que ce que préconise la Haute Autorité de santé (HAS), et enfin les patients, car nous devons nous assurer que les demandes d’arrêts maladie soient adaptées et prescrites dans une logique de santé publique.
Parmi les pistes à examiner, on peut évoquer des durées maximales ou le fait que, comme l’a dit le Premier ministre, la reprise du travail ne soit pas soumise, après trente jours d’arrêt, à une visite d’un médecin du travail, ce qui a pour effet de prolonger l’arrêt faute précisément de disponibilité d’un médecin du travail. Il faut également envisager la fin de la délivrance d’arrêts maladie en téléconsultation. Les enjeux portent donc sur le volume, sur la responsabilité et sur l’adaptation.
Une bonne partie de nos idées sont tirées du rapport de la Caisse nationale d’assurance maladie consacré aux charges et produits. Nous avons encore d’autres idées, complémentaires, sur lesquelles nous travaillerons bien volontiers avec vous.
À dire vrai, une économie de 700 millions d’euros, sur une poche de 17 milliards et, pour ce qui concerne les arrêts maladie stricto sensu, qui ne relèvent pas des accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), sur une assiette de 6 à 7 milliards, est un quantum qui, au vu des dynamiques récentes de croissance, semble tout à fait atteignable.
M. le président Éric Coquerel. La question a été posée de savoir si l’on pouvait parler d’austérité lorsque les baisses étaient tendancielles, mais je précise que, sur les douze missions que j’ai évoquées, les baisses étaient en valeur, et non en tendanciel.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). J’insisterai sur l’inefficacité du plan que vous proposez. Nos compatriotes n’ont pas le goût de l’effort injuste, mais encore moins celui de l’effort inutile. Imaginons que, dans un monde horrible, digne des pires cauchemars de Bercy, votre plan passe : que se passerait-il l’année suivante ?
Vous prévoyez 1,8 milliard d’euros d’économies structurelles pour au moins 18 milliards d’euros de prélèvements obligatoires et de privations et spoliations, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de réforme de l’État. On a l’impression qu’au bout de sept ans de macronisme, vous êtes collectivement incapables de vous réformer et de réformer l’État obèse à la tête duquel vous êtes encore. Ces ordres de grandeur, à eux seuls, disent tout de l’inanité de votre plan, qui est le même que celui que présentait M. Barnier l’année dernière. C’est celui que vous proposez sans cesse, sous toutes les formes que vous incarnez par vos différents gouvernements.
Où sont les grandes réformes structurelles annoncées ? Où sont les leçons tirées des grandes revues de dépenses sur la politique du logement, sur la politique de la formation, sur le millefeuille territorial, sur tous ces fromages de la République que personne ne semble avoir le courage d’attaquer ?
La contribution à l’Union européenne, que ce soit l’année dernière ou cette année, représente la principale augmentation de dépenses. Vous dites vouloir relancer la croissance mais, dans une économie contemporaine, il faut garantir l’innovation et la recherche. Or, comme le président Coquerel vous l’a démontré – et c’était déjà le cas l’année dernière –, vous sacrifiez la recherche et l’innovation : comment voulez-vous relancer la croissance avec une telle politique ?
Vous brandissez en permanence l’épée de Damoclès au-dessus des retraités, des travailleurs et des entrepreneurs. Vous n’avez pas de vision et les acteurs économiques de notre pays ont peur en permanence, et à juste raison, d’être tondus.
Vous n’êtes pas capables de garantir la paix fiscale, car vous n’êtes pas capables de garantir le rétablissement des comptes. Tout cela va encore échouer lamentablement. Si l’effort injuste est insupportable, l’effort inutile est intolérable.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Nous avons manifestement une lecture différente des choses. En 2025 nous faisons le plus grand effort de réduction des dépenses de fonctionnement de l’État depuis vingt-cinq ans. Un exemple : alors que la masse salariale de l’État augmentait de 6,7 % en 2024, sa croissance sera inférieure à 1,5 %, c’est-à-dire qu’elle se situera juste au niveau de l’inflation et nous ne paierons que les mesures d’ancienneté. Ce n’est jamais arrivé, et nous allons reconduire l’effort en 2026.
, Un fonctionnaire partant à la retraite sur trois ne sera pas remplacé dans de très nombreux domaines, qui ne demandent pas le même taux d’administration dans l’avenir, en tenant compte des évolutions démographiques. Le Premier ministre l’a annoncé et l’assume.
Un effort aussi justement réparti entre l’État, les collectivités territoriales et la sécurité sociale est inédit et nous assumons que les baisses que M. Coquerel a décrites, et qui donneront lieu à des débats, intègrent précisément l’application assez stricte de certaines revues de dépenses – je pense à France Compétences, aux Opco et à certains dispositifs de formation, comme l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa). Certaines dépenses, y compris sociales, seront recalibrées. Je ne peux donc pas vous laisser dire que ce plan est anecdotique ou décoratif : il est calibré, sincère et d’une ampleur inédite. La première question que nous devons nous poser à son sujet est celle de savoir si l’effort est équitablement réparti, d’une part, entre les différentes sources de dépenses et, de l’autre, entre les Français.
Le PSR-UE – prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne – vous intéresse, comme la nation tout entière. D’abord, l’Europe nous apporte une forme de paix, nous donne accès au marché intérieur et nous assure stabilité et protection. Ensuite, nous sommes parvenus à négocier avec la Commission une réduction de 1,6 milliard d’euros de l’augmentation qui doit s’appliquer au prélèvement dont la France s’acquittera l’an prochain, augmentation qui est ainsi ramenée de 7,3 à 5,7 milliards d’euros. En effet, il était hors de question que notre pays paie davantage que ce qui était prévu. Nous avons donc réduit de 30 % à 20 % le taux de préfinancement par projet dans le cadre de la politique de cohésion – ce qui conduit à revenir au niveau pré-crise sanitaire –, ramené le taux de préfinancement global de 4,5 % à 1,5 % – soit, là encore, le niveau pré-crise sanitaire – et fixé le taux de cofinancement par projet à une fourchette comprise entre 65 % et 95 % au lieu de 100 % plus 10 %.
La Commission n’est pas une entité exogène, avec laquelle on ne peut pas négocier. Cette négociation technique a ainsi été menée par tous les États contributeurs nets pour que, à l’instar de la France, la Commission mette un terme aux dispositifs adoptés lors de la crise du covid. Elle a augmenté les salaires et ses frais de fonctionnement de manière déraisonnable : c’était un argument de poids à nos yeux car nous voulons que l’Europe finance les agriculteurs, l’innovation et la recherche. Cette négociation a donc été un succès et je tiens à en remercier l’ensemble des acteurs français qui y ont contribué, en particulier Benjamin Haddad.
M. David Amiel (EPR). Monsieur le président, il serait bon que vos questions et celles du rapporteur général soient plus ciblées pour que l’ensemble de nos collègues qui le souhaitent aient le temps de poser les leurs.
Je tiens à saluer un plan courageux, dont la présentation intervient suffisamment tôt pour permettre un véritable débat parlementaire. N’en déplaise à certains, le moment est venu de réduire notre endettement pour retrouver des marges de manœuvre, faute de quoi, lorsque la prochaine crise surviendra, non seulement nous ne pourrons pas protéger les Français mais nous subirons un accident de crédit qui mettra notre pays par terre.
Certes, le plan du gouvernement peut être amélioré pour être plus juste socialement et plus efficace économiquement. Mais nous ne ferons pas partie des Ponce Pilate budgétaires qui multiplient les lignes rouges en se lavant les mains de leurs conséquences réelles.
Si, dans le cadre de l’année blanche, un effort équivalent à celui qui porte sur les dépenses de l’État et les transferts sociaux était consenti par les collectivités territoriales, quelle économie supplémentaire pourrait-on en attendre ? Enfin, combien coûterait un dégel du barème de la première tranche de l’impôt sur le revenu, qui permettrait d’éviter à certains de nos concitoyens d’être assujettis à cet impôt l’an prochain ?
M. le président Éric Coquerel. J’ai posé quatre questions ; cela ne me semble pas exagéré. Tous ceux qui le souhaitent pourront prendre la parole.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. De mon côté, je m’efforce de répondre de manière brève mais précise.
Dès lors que notre responsabilité est collective, il est sain que nous ayons le temps d’enrichir et d’améliorer ce qui peut l’être. Nous avons fixé un cap – la réduction du déficit et l’amélioration des conditions dans lesquelles les Français travaillent et les entreprises exercent leur activité – qui peut nous rassembler au-delà de nos divergences, car il y va de l’avenir de notre pays.
Si les collectivités adoptaient le régime « zéro valeur », leur effort représenterait 8 milliards d’euros par rapport à l’évolution tendancielle. J’ajoute, par honnêteté, que l’autonomie de gestion des collectivités limite à 2 % des recettes réelles de fonctionnement l’effort que l’État peut leur demander sur une année, ce qui est compatible avec l’effort de 5,3 milliards d’euros prévu pour 2026. J’ajoute que les bases locatives, qui sont la source de l’imposition locale, pourraient également être gelées. À la demande des associations d’élus, cette mesure n’a pas été incluse dans notre plan.
Quant au barème de l’impôt sur le revenu, je rappelle que 75 % de son rendement proviennent du dernier décile de revenu, que 45 % seulement des ménages y sont assujettis et que la dynamique d’entrée dans cet impôt dépend très étroitement de l’inflation et de la croissance effective des salaires, donc des prestations. L’inflation étant très faible, il est possible que le smic et de très nombreux salaires n’évoluent pas. Or si le smic, les prestations sociales et le barème sont stables, très peu de personnes verront leur situation changer. Il n’en va pas de même pour celles dont le salaire est décorrélé du smic, c’est-à-dire les cadres et les cadres supérieurs. D’où le caractère juste et équitable de la mesure que nous proposons. J’invite, du reste, ceux que cela intéresse à lire l’étude d’Antoine Bozio et de Laurent Bach publiée la semaine dernière par l’Institut des politiques publiques, dans laquelle ils détaillent centile de revenu par centile de revenu les effets des différentes mesures dont nous parlons.
M. David Guiraud (LFI-NFP). Hier, le Premier ministre s’est demandé quelle part il était prêt à prendre à notre avenir collectif. S’il n’a pas compris qu’il devait s’en aller, et son Gouvernement avec lui, il doit y avoir huit personnes dans sa tête, et je ne saurais dire laquelle décide.
Vous justifiez votre plan de guerre sociale contre le peuple français par l’argument de la dette. Cela fait vingt ans qu’on nous le dit, mais il faut reconnaître que vous innovez puisque vous avez calculé que la dette augmentait de 5 000 euros par seconde. Pourquoi ne faites-vous pas le même calcul pour les 210 milliards d’euros d’aides versées majoritairement aux grandes entreprises et massivement financées par la TVA des Français ? Elles représentent pourtant 6 700 euros par seconde !
Il n’est évidemment pas question pour vous de toucher à un seul centime de cet argent volé ; il s’agit simplement d’utiliser des chiffres qui tétanisent et empêchent les Français de contester ces mesures pendant que vous vous attaquez au patrimoine des plus modestes : le service public. Car vous proposez de le tronçonner en imposant 10 milliards d’euros de coupes budgétaires dans nos écoles, nos crèches, nos services d’incendie et de secours, et tant d’autres.
Il est sous-entendu que c’est pour financer notre défense nationale et nous préparer à la guerre. Mais, dans ce cas, pourquoi bombardez-vous nos services publics ? Vous vous apprêtez à rafaler la France avec un plan d’austérité aussi antisocial qu’inefficace, en proposant une année blanche qui affectera tout le monde, dont les seuls à se sortir sereinement seront encore et toujours les très hauts revenus et les superprofits des entreprises puisque leur contribution sera inférieure à celle de l’année dernière.
Ce que vous faites en proposant de vous en prendre aux malades souffrant d’une affection de longue durée est d’une lâcheté pitoyable. Cela va vous suivre longtemps ! Au fond, votre premier réflexe, en temps de crise, est de vous en prendre aux diabétiques, aux enfants atteints de mucoviscidose, à des ouvriers avec des handicaps lourds et à des malades d’Alzheimer, plutôt que d’aller frapper à la porte de Bernard Arnault. En gelant toutes les prestations sociales, vous montrez que votre première intuition est de vous attaquer aux retraités, aux bénéficiaires du RSA ou aux pères et mères de famille, plutôt que d’aller demander aux 1 800 Français les plus riches de contribuer un peu plus financièrement en s’acquittant de la taxe Zucman, dont vous avez dit que, comme aux États-Unis et au Royaume-Uni, elle ferait partir tout le monde. Sauf qu’il n’y a pas de taxe Zucman dans ces pays ! Une réforme a été adoptée cette année au Royaume-Uni pour soumettre au droit commun les oligarques russes et les plus hauts revenus étrangers installés à Londres, mais aucune donnée n’est encore disponible sur les effets de cette mesure. Sur quelle étude vous fondez-vous donc ? Si elle n’existe pas, vous n’êtes qu’une porte-parole des lobbys de milliardaires.
En revanche, s’agissant de l’impôt des Français, vous ne vous gênez pas car, si vous n’indexez pas le barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation l’année prochaine, les impôts augmenteront.
Enfin, en 2019, Emmanuel Macron disait que la suppression de jours fériés ne servait à rien. C’est tellement énorme que cela ressemble à une mesure annoncée pour être retirée afin de faire semblant de négocier. En tout cas, pour le groupe La France Insoumise, vous n’aurez que la censure.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Nous ne faisons pas semblant. Le vocabulaire que vous employez ne rend pas justice à l’éthique et à l’esprit de nos mesures. Le financement des écoles ne baisse pas, non plus que le financement des crèches – les moyens du fonds national d’action sociale de la caisse d’allocations familiales (CAF) augmentent de 6 % par an – et celui de la politique incendie, puisque les crédits de la sécurité civile sont également en hausse. Vous auriez certainement pu citer beaucoup d’autres secteurs qui se voient imposer des économies, mais ce n’est le cas ni de l’école, ni des crèches, ni de la lutte contre les incendies. Vos propos étaient donc manifestement excessifs.
M. David Guiraud (LFI-NFP). Vous n’avez pas répondu à ma question sur la taxe Zucman.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. J’y ai répondu.
M. le président Éric Coquerel. La question est savoir sur quelle étude vous vous appuyiez pour affirmer que les gens étaient partis de Grande-Bretagne.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Ce n’est pas une étude : ce sont des constats que l’on peut lire dans toutes les études économiques.
M. David Guiraud (LFI-NFP). Lesquelles ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. L’Office for Budget Responsibility (OBR) britannique a montré que 1 400 personnes et 110 milliards d’euros d’actifs avaient quitté le Royaume-Uni à la suite de mesures fiscales prises après le Brexit.
M. le président Éric Coquerel. Ce n’est donc pas la même chose que la taxe Zucman.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Vous imaginez bien que les effets de la taxe Zucman seraient décuplés par rapport à ces mesures.
M. Philippe Brun (SOC). Le budget qui nous est présenté est inacceptable, car il fait reposer les trois quarts de l’effort sur les travailleurs, donc sur les classes populaires et les classes moyennes. Or ces dernières ont été essorées par la crise inflationniste et la stagnation des salaires, lesquelles se traduisent déjà par un phénomène de déconsommation qui met nos entreprises en difficulté et explique la faiblesse de la croissance.
Ce budget est non seulement profondément injuste – selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), l’année blanche serait trois fois plus dure pour les 10 % les plus pauvres que pour les 10 % les plus riches – mais également inefficace économiquement, car il portera un coup fatal à l’activité et à la production. En effet, un effort structurel aussi important est sans précédent. Ses conséquences seront pires que lors du quinquennat 2012-2017, où la croissance avait déjà été rognée de 0,8 point. Elles seront d’autant plus graves que vous avez choisi d’attaquer des politiques publiques source de croissance, notamment le logement – dont le multiplicateur keynésien est le plus élevé de toutes les politiques publiques – et l’emploi.
Avez-vous conscience des effets économiques des mesures que vous proposez ? Pourquoi ne pas respecter la parole que le Premier ministre nous avait donnée, en travaillant à une contribution différentielle sur les hauts patrimoines ?
Des cessions d’actifs entrant dans le périmètre de l’Agence des participations de l’État ayant été annoncées, quelles privatisations comptez-vous opérer ?
Comment parviendrez-vous à réaliser 5 milliards d’euros d’économies sur les opérateurs de l’État ?
Enfin, pouvez-vous décomposer les effets de l’année blanche ? En effet nos propres calculs aboutissent à une économie de 6 milliards d’euros, plutôt que de 7.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. J’ai du mal à comprendre comment vous pouvez affirmer que les trois quarts de l’effort reposent sur les travailleurs. Faut-il rappeler les économies que l’État et les collectivités feront sur leurs dépenses ?
L’OFCE n’a examiné que l’impact du gel des prestations sociales. Si nous nous contentions de cette mesure, l’effort serait, je vous le concède, mal réparti puisque ne seraient concernés que les Français qui bénéficient de ces prestations, c’est-à-dire les plus modestes. Mais nous prévoyons également un gel des barèmes. Or l’Institut des politiques publiques, dont je vous invite à lire la note, montre que cette stabilité générale a un effet très homogène en pourcentage, de sorte qu’en euros, ce sont les revenus les plus élevés qui contribueront le plus.
La Banque de France et l’Insee ont souligné que notre croissance est minée d’abord par l’incertitude. De fait, notre taux d’épargne est au plus haut – 75 % de la revalorisation des retraites intervenue en 2025 ont été épargnés – tandis que l’investissement des entreprises, atone, ne s’inscrit pas dans la dynamique européenne en cours de reprise. Il est clairement établi par les meilleurs économistes que notre multiplicateur keynésien ne fonctionne plus et que la priorité doit être de redonner aux acteurs une visibilité pluriannuelle sur la conduite du pays, le coût de l’investissement, donc les taux d’intérêt, et la trajectoire fiscale. Nous voulons y contribuer par nos propositions.
S’agissant des opérateurs de l’État, une partie des économies attendues est liée à leur réorganisation. Pour le reste, nous assumons de ralentir leurs dépenses d’intervention et de confier à un seul opérateur certaines missions actuellement exercées par deux ou trois instances. J’ajoute – et c’est important – que nous n’allouerons pas de nouveaux crédits de paiement à ceux d’entre eux qui disposent d’une trésorerie importante tant qu’ils ne l’auront pas utilisée.
En ce qui concerne la contribution différentielle, je crois l’avoir dit plusieurs fois, nous sommes à votre écoute. Nous avons travaillé à un certain nombre de scénarios adaptés à notre pays, qui protègent l’investissement. Il est insupportable que l’on puisse, de manière légale, suroptimiser son revenu fiscal de référence pour échapper à l’impôt.
Quant à l’année de stabilité, ou année blanche, la différence entre votre calcul et le nôtre est liée au fait que nous tenons compte du report de six mois de certains grands projets de l’État. Nous vous transmettrons le détail de la construction de notre estimation.
S’agissant des privatisations, le Premier ministre a indiqué que nous pourrions, selon la logique des programmes d’investissements d’avenir, décapitaliser certaines participations, en conserver la ressource et financer, grâce aux intérêts, des programmes de recherche.
M. Philippe Juvin (DR). Nous sommes très satisfaits que, face à la très grande gravité de la situation, le Gouvernement ait dressé un constat lucide et repris certaines de nos propositions, même si certains angles morts demeurent, sur lesquels nous reviendrons lors de la discussion budgétaire.
Les Français consentiront un effort à deux conditions : s’ils ont le sentiment qu’il est réparti entre tous, ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas, et si l’État participe à cet effort.
Nous partageons la philosophie générale de votre plan, qui pourrait se résumer ainsi : dépenser moins et mieux, et travailler plus.
Pour ce qui est de dépenser moins, réaliser 44 milliards d’euros d’économies sur un budget de 1 700 milliards d’euros, ce n’est pas mener une politique d’austérité. Nous croyons possible d’aller plus loin et nous vous ferons des propositions en la matière. Par ailleurs, je crois comprendre, à la lecture du tiré à part, que la dépense des administrations centrales augmenterait de 22 milliards d’euros quand celle des administrations locales baisserait de 2 milliards d’euros. Pourquoi exonérez-vous l’État de l’effort demandé aux collectivités territoriales ? Au reste, le nombre de postes de fonctionnaires que vous envisagez de supprimer – 3 000 – est très faible, eu égard aux excès de ce que l’on pourrait appeler « l’administration administrante ».
S’agissant de dépenser mieux, il faut bien entendu « supprimer les doublons existants », comme vous l’écrivez. Mais comment envisagez-vous de procéder, alors que ce même objectif est poursuivi depuis des décennies ? Allez-vous nous annoncer une réforme de la carte des collectivités territoriales, du millefeuille administratif ? Allez-vous vous pencher sur les compétences croisées, qui sont une source d’inflation de la dépense ? C’est un point sur lequel il conviendrait de réfléchir.
Enfin, pour ce qui est de travailler plus, deux experts français de l’OCDE ont publié un rapport très intéressant qui montre que si, rapporté à la population, le nombre d’heures travaillées en France était équivalent à celui de l’Allemagne, nos recettes seraient supérieures de 140 milliards d’euros. Les deux jours fériés que vous proposez de supprimer ne rapporteraient que 4,5 milliards d’euros. Comment augmenter le nombre d’heures travaillées en France ? Il me semble que si les Français ne travaillent pas, c’est parce qu’ils ont compris qu’on leur prenait le fruit de leur travail. Baissez l’impôt et ils travailleront probablement davantage !
Pour conclure, lorsqu’on taxe une entreprise, elle en répercute toujours le coût, soit sur le consommateur, en augmentant ses prix, soit sur ses salariés, en licenciant ou en délocalisant. Les entreprises ne peuvent donc pas être des vaches à lait.
M. le président Éric Coquerel. « Les Français ne travaillent pas » me semble être une appréciation un peu lapidaire.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je crois que les Français travaillent. En revanche, il est vrai qu’un salarié français à temps complet travaille 122 heures de moins que son homologue allemand. Cette différence est liée, pour un tiers, à la durée de travail hebdomadaire, inférieure d’une heure en France – la suppression de deux jours fériés, soit quatorze heures de travail, contribuerait à combler cet écart –, pour un autre tiers aux congés, supérieurs d’une semaine, et pour le tiers restant aux arrêts maladie, également supérieurs d’une semaine. Ces chiffres sont extraits d’une étude de Rexecode et d’Eurostat portant sur la durée effective du travail en France et en Europe en 2022.
S’agissant des efforts demandés à l’État et aux collectivités, le tableau que vous avez cité retrace les dépenses de fonctionnement – auxquelles s’appliquerait, pour les collectivités, la norme « zéro volume » quand l’État s’imposerait la norme « zéro valeur », beaucoup plus exigeante – et les dépenses d’investissement. Or le cycle électoral communal induira une baisse « naturelle » de l’investissement des collectivités d’au moins 5 milliards d’euros entre 2025 et 2026. Si les dépenses de fonctionnement des collectivités augmentent de 3 milliards et que leurs dépenses d’investissement diminuent de 5 milliards, le solde sera négatif à hauteur de 2 milliards. On ne peut donc pas dire que l’effort demandé aux collectivités est supérieur à celui de l’État ; c’est plutôt le contraire. J’ajoute que les dépenses des administrations centrales incluent la charge de la dette. Or l’État s’endette pour les collectivités afin de financer en partie les 150 milliards d’euros qu’il leur transfère chaque année.
En ce qui concerne l’emploi dans la fonction publique, la DGFIP (direction générale des finances publiques), par exemple, applique un plan triennal de réduction de 1 700 emplois – 550 en 2025, le même nombre en 2026 et le restant en 2027 – rendu possible par sa réorganisation et l’amélioration de ses outils. D’autres acteurs contribueront à la baisse des emplois, notamment les caisses de sécurité sociale. Mais il faut envisager la dynamique d’emploi de manière globale : le nombre des militaires, des policiers, des gendarmes et des personnels pénitentiaires notamment augmente. Quant aux enseignants, deux dynamiques seront à l’œuvre en 2026. Ils seront moins nombreux, car il y a moins d’élèves – la natalité a baissé de 20 %. Mais nous recrutons en avance de phase 9 000 élèves stagiaires, qui seront formés à partir de la licence et non plus du mastère.
En matière d’emploi, nous nous attachons à créer des emplois là où l’on en a besoin tout en tirant les conséquences de la modernisation du service public et en nous adaptant à la démographie de notre pays pour que le ratio de présence devant les Français soit adapté à leurs besoins.
Mme Christine Arrighi (EcoS). Les mots me manquent. Nous nous attendions au pire, et c’est pire encore !
D’abord, comment pourrez-vous lutter contre la fraude tout en supprimant des emplois dans le secteur du contrôle, alors que l’on avait pourtant annoncé la stabilisation des effectifs ? Ensuite, vous prévoyez une quatrième réforme de l’assurance chômage en dix ans, alors que les décrets d’application de la troisième n’ont pas encore été publiés ! Par ailleurs, vous voulez vous pencher sur l’éventuel bénéfice que les plus pauvres tireraient du cumul du RSA, des aides personnelles au logement et des allocations, et vous traitez les malades comme des personnes dissociées en supprimant la prise en charge à 100 % de ceux de leurs soins qui ne sont pas liés à la longue maladie.
Plusieurs sources ministérielles et médiatiques laissent entendre qu’un recours à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution est anticipé pour l’examen du PLF 2026. Pouvez-vous, vous qui êtes sûrement bien informée, nous confirmer que le Gouvernement a l’intention d’écourter ainsi d’emblée les débats budgétaires ?
Vous annoncez une remise à plat des niches fiscales sans calendrier ni critères. Pouvez-vous nous dire lesquelles seront supprimées en priorité ? Allez-vous réellement cibler les plus coûteuses telles que le pacte Dutreil, la flat tax, et renforcer le dispositif de lutte contre les CumCum – sur lequel M. Lombard s’est engagé à revenir lorsqu’il a été auditionné devant notre commission la semaine passée ?
Alors que la transition énergétique est censée être une priorité stratégique de l’action publique, vous effectuez en 2026 une reclassification budgétaire de 3,1 milliards d’euros au sein de la mission Écologie, développement et mobilité durables, en excluant du budget général une partie des charges du service public de l’énergie. Comment justifiez-vous cette opération sans qu’elle soit perçue comme un désengagement masqué de l’État ? Dans un contexte où l’OFCE souligne l’absence de trajectoire claire et pluriannuelle des investissements liés à la transition écologique, quelles garanties apportez-vous en matière de sincérité, de cohérence et de visibilité à long terme des financements publics pour le climat ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. La semaine dernière, j’ai annoncé un grand plan de relocalisations de services de la DGFIP dans des villes moyennes telles que Brive-la-Gaillarde, Parthenay ou Saint-Benoît à La Réunion, avec l’implantation de sept centres de contact téléphonique. Il y a des réductions d’effectifs à certains endroits et des créations de postes dans d’autres, comme les services de lutte contre la fraude. Vous n’y croyez pas mais je vous assure que je pourrais, avec la directrice générale des finances publiques, vous décrire précisément comment seront répartis les 93 000 agents pour remplir les missions en fonction des priorités définies.
Éric Lombard donnera suite dans quelques jours à l’engagement qu’il avait pris devant vous à propos des CumCum. Quant au pacte Dutreil, il vise à répondre à l’enjeu majeur de la transmission d’entreprise. Nous voulons que les entrepreneurs de 50-55 ans continuent à investir, ce qui implique qu’ils aient la certitude de pouvoir transmettre leur entreprise dans de bonnes conditions. Si la France est passée à côté de la révolution de la robotique, par exemple, c’est parce qu’en l’absence d’un tel régime, toute cette catégorie d’entrepreneurs n’investissait plus. Nous voulons leur donner la possibilité de se projeter en leur donnant des garanties, notamment liées à la fiscalité.
La lutte contre l’optimisation fiscale est inscrite dans le tiré à part ; le Premier ministre y a fait référence dans son discours ; j’en parle avec vous depuis le mois de décembre. Nous avons envisagé différents mécanismes, agissant directement au niveau des holdings patrimoniales ou par le biais d’une contribution différentielle. Les résultats sont comparables sur certains aspects, différents sur d’autres. Je serais ravie de vous associer à ce travail que nous devons faire ensemble, calmement et avec méthode.
En ce qui concerne les énergies renouvelables, nous allons évidemment payer ce qui est dû au titre des contrats passés. Ne pas le faire serait signifier la fin de l’État de droit, idée à laquelle je ne suis pas favorable. Nous allons aussi respecter et financer nos engagements contractuels. Cela étant, il nous semble utile de faire cette réforme de périmètre pour que nous fassions avec vous un travail lisible : nous voulons un budget affichant des intentions, un budget piloté et ministériel et non pas un budget de facto et un peu automatique via les prix volatils de l’énergie.
À partir de 2026, vous pourrez ainsi distinguer clairement deux choses : d’une part, ce qui est lié au financement des énergies renouvelables en tant que telles, avec une part de recettes dédiées, sans création de nouvelles recettes ; d’autre part, le budget qui incombe aux ministres et aux opérateurs dont ils ont la charge. Agnès Pannier-Runacher aura l’occasion de vous détailler le contenu de la ligne écologie, qui va augmenter de quelque 600 millions d’euros. Grâce aux C2E, nous poursuivons l’accompagnement des ménages modestes dans leur changement de véhicule. Nous maintenons aussi le fonds chaleur, élément très important de la décarbonation de nos territoires.
Quant au recours à l’article 49, alinéa 3, madame la députée, en général, je ne fais pas de baratin. Avec ce tiré à part, nous commençons tout juste la discussion. Pendant tout le mois de septembre, nous allons travailler autant que nécessaire pour que le PLF 2026 soit le plus proche possible d’une version de compromis. Il sera ensuite examiné en commission, puis dans l’hémicycle. Au 15 juillet, vous imaginez bien que je ne vais pas dire que la Constitution française a changé et que nous allons nous priver ou nous obliger à utiliser tel ou tel outil. Ce n’est pas le débat du moment. Le Premier ministre pense que le Gouvernement a le devoir de construire un compromis. Le Parlement a le pouvoir de nous censurer, de voter pour ou contre. Aujourd’hui, ce n’est pas le moment de se prononcer.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Merci, madame la ministre, de nous avoir tenu un discours de vérité, à l’instar de François Bayrou hier. Nous sommes dans une situation financière préoccupante. Si nous ne prenons pas des mesures d’ampleur, nous risquons la censure de nos prêteurs, ce qu’il faut absolument éviter. Les efforts proposés, qui portent principalement sur la dépense publique, sont à la fois justes, réalistes et équilibrés. Cependant, tout reste perfectible et négociable. C’est pourquoi nous appelons dès aujourd’hui à un large débat entre toutes les forces politiques du Parlement, loin des postures, pour que nous arrivions à coconstruire un PLF pour 2026. J’ai bien conscience qu’il faudra certainement en passer par l’article 49, alinéa 3, mais j’espère que nous parviendrons à bâtir un budget avec des contributions des oppositions.
Ma première question porte sur cette foncière souhaitée par le Gouvernement, dont la création nécessite un véhicule législatif adéquat. Une proposition de loi en ce sens a été déposée par François Jolivet, Thomas Cazenave et moi-même. Accompagnerez-vous cette initiative, et dans quelles conditions ?
Le tiré à part annonce des mesures de justice fiscale, notamment une forme de pérennisation de la CDHR. Au lieu de borner ces mesures dans le temps, il faudrait mieux les calibrer par rapport au niveau du déficit public. Lorsque j’en avais fait la remarque à votre prédécesseur, Laurent Saint-Martin, il m’avait assuré que la CDHR pourrait être pérennisée. Cela porterait la flat tax à 37,2 % – 17,2 % de prélèvements sociaux et 20 % d’impôt sur le revenu –, ce qui ne me semble pas être une petite mesure.
Enfin, j’aimerais que le Parlement soit associé aux réflexions sur la révision des niches fiscales, qui me semble être une bonne piste même si les débats promettent d’être très techniques.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Puisque vous parlez de nos prêteurs et du regard que le reste du monde porte sur nous, il serait peut-être intéressant que tous les députés de la commission aient connaissance du rapport publié lundi par le Fonds monétaire international (FMI), en application de l’article IV de ses statuts. Le FMI estime qu’il est très important que la trajectoire présentée soit tenue et que l’effort soit bien réparti entre État, collectivités et sécurité sociale. Il apprécie que la France fonctionne comme elle le fait depuis quelques mois, en suivant l’exécution budgétaire de manière très rapprochée et transparente. Cependant, il note que notre risque sur la dette s’est élevé, passant de faible à modéré. Bref nous devons réussir ce que nous avons entrepris pour gérer un risque qui a augmenté.
S’il faut prendre cette analyse très au sérieux, ce n’est pas pour servir le FMI : nous servons les Français et nous décidons par nous-mêmes et pour nous-mêmes. Mais le monde extérieur considère que nous sommes dans une situation qui demande notre mobilisation.
S’agissant de la foncière, la proposition de loi que vous avez déposée avec MM. Jolivet et Cazenave tombe à pic. Nous devrons y travailler ensemble dans les délais qui sont ceux de l’agenda parlementaire. Quoi qu’il en soit, nos intentions se rejoignent.
Nous aurons à retravailler ensemble de manière approfondie sur la justice fiscale. À l’époque où j’ai eu l’honneur d’être la coordinatrice de la commission des finances pour la majorité pendant trois ans, j’ai travaillé sur les niches fiscales avec Joël Giraud, alors rapporteur général. Le Parlement aura le plein soutien du Gouvernement pour poursuivre ce travail de revue essentiel et démocratique.
Mme Félicie Gérard (HOR). La situation de nos finances publiques est très dégradée. Le moment budgétaire que nous traversons est grave et impose un effort de redressement inédit, qui aurait dû être entrepris il y a plusieurs années – ce retard n’est évidemment pas de votre fait. Confrontés à ce défi, nous aurions préféré pouvoir faire de vraies réformes pour rendre les dépenses publiques beaucoup plus efficientes. Or de telles réformes sont impossibles compte tenu de la composition actuelle de notre hémicycle.
Hier, le Premier ministre a expliqué que sans réformes structurelles possibles, la situation budgétaire impose un effort massif et collectif. Afin de ramener le déficit de notre pays à 4,6 % du PIB, vous annoncez qu’un effort de 44 milliards d’euros est nécessaire. Ce chiffre envoie un signal clair à nos concitoyens, à nos partenaires européens et aux marchés financiers. Il est plus que temps de remettre de l’ordre dans nos comptes.
Pour tenir ce cap, la priorité doit être donnéeà la réduction des dépenses sans sacrifier les fonctions régaliennes et en préservant l’investissement. Nous devons de toute urgence reprendre le contrôle de notre dette, ce qui devrait conduire à l’inscription dans notre Constitution d’une règle d’or d’équilibre entre dépenses et recettes.
Un plan d’urgence est évidemment regrettable alors que nous avons besoin de réformes structurelles pour transformer notre pays et notamment notre modèle social. Des réformes structurelles doivent être menées pour s’assurer, entre autres, que le fait de travailler paye plus que le fait de ne pas travailler.
Dans le débat qui s’ouvre pour 2026, les lignes directrices de notre groupe sont celles qui nous guident depuis plusieurs années déjà : l’État doit dépenser moins mais mieux ; nous devons travailler plus mais mieux ; nous ne devons pas taxer davantage pour préserver la compétitivité de nos entreprises et relancer la consommation des Français.
S’agissant de la suppression des deux jours fériés, parlons-nous de journées de solidarité non rémunérées ou de journées rémunérées donnant lieu à une augmentation de salaire ? Concernant les collectivités locales, les mécanismes de contribution doivent favoriser les collectivités et notamment les maires qui font des efforts de bonne gestion. Quels seront les critères du nouveau Dilico ? Enfin, pour les entreprises, vous annoncez plus de liberté contre moins de subventions : auriez-vous des exemples concrets de dispositifs envisagés ?
Nous avons devant nous un rendez-vous budgétaire majeur. Comme toujours le groupe Horizons & indépendants l’abordera avec sérieux, esprit d’initiative et sens des responsabilités.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Le sujet de la règle d’or dépasse un peu notre cadre, compte tenu des conditions à remplir pour son instauration. Notons d’ailleurs que l’Allemagne en est revenue après avoir vu les limites du système. Si elle est vertueuse pour revenir à l’équilibre, cette règle fait cependant perdre en capacités d’adaptation lorsque les conjonctures sont changeantes. Il faut trouver le bon modèle. Dans la situation actuelle, nous devons privilégier l’action. Lorsque nous aurons retrouvé une forme d’équilibre, nous aurons en effet intérêt à définir des règles pour le conserver, mais nous en sommes hélas encore un peu loin.
Pour ce qui est des réformes structurelles, le plan En avant la production ! annoncé hier est une incitation à travailler plus, à être plus nombreux à travailler, à innover davantage, à stimuler notre compétitivité, à développer les exportations, à simplifier la vie des entreprises, à moins subventionner, à libérer la création et l’innovation des entreprises, à chercher une meilleure mobilisation de l’argent public et une forme de préférence européenne en matière de commande publique. Vos collègues sénateurs sont particulièrement engagés sur ce dernier point, notamment dans les domaines innovants comme le numérique.
En ce qui concerne les jours fériés, nous n’envisageons pas un schéma dit de solidarité, nous souhaitons trouver les moyens d’accroître notre production, c’est-à-dire les richesses. Quand des richesses sont créées, de nombreux mécanismes assurent un bon partage entre l’État, les entreprises et les salariés : intéressement, participation, prime dite Macron ou salaire. Le calibrage de la mesure – 4,2 milliards d’euros pour deux jours – ne repose pas sur l’idée que l’État va capter 100 % de la richesse créée, précisément pour que les salariés puissent bénéficier d’un retour. Autre différence : nous voulons que cela s’applique à tous les Français, c’est-à-dire que les écoles soient ouvertes et que tous les services publics fonctionnent, alors que la journée de solidarité du lundi de Pentecôte ne touche que les entreprises privées.
Quant au Dilico, il sera prélevé dans les jours qui viennent. Nous en rembourserons un tiers en 2026, comme nous nous y sommes engagés, avant l’instauration d’un nouveau mécanisme. Nous sommes très ouverts à vos propositions d’ajustement du mécanisme afin de récompenser les collectivités bien gérées par le biais, par exemple, d’un bonus-malus lié à la part des dépenses par habitant consacrée à l’investissement ou au fonctionnement. On pourrait aussi différencier celles qui ont des charges de centralité de celles qui n’en ont pas. Les sénateurs vont évidemment contribuer à cette réflexion, mais il serait utile que les députés s’engagent aussi.
M. Michel Castellani (LIOT). Tout d’abord, je voulais souligner la part énorme qui est consacrée aux remboursements et dégrèvements d’impôts. Ces milliards d’euros constituent des ressources à destination de mystérieux bénéficiaires dont on parle peu. Par définition, les destinataires non résidents ne participent à rien, ni à l’effort de redressement ni même à la croissance économique. C’est une hémorragie objective, collective. Quant aux nationaux, il reste à espérer que leur niveau d’imposition soit à la hauteur de leurs revenus respectifs.
Ensuite, j’exprimerai quelques inquiétudes face au recul des efforts consacrés à la cohésion des territoires, à l’outre-mer et aux relations avec les collectivités territoriales. Ce recul est certainement dommageable étant donné les dynamiques d’investissement, d’aménagement et donc d’emploi que développent ces collectivités territoriales. Nous nous inquiétons aussi des reculs concernant les régimes sociaux et de retraite, la solidarité, le sport, le travail et les ministères sociaux. Connaissant l’ampleur des besoins, le niveau de précarité et les difficultés sociales, nous ne pouvons qu’exprimer de grandes réserves.
Côté recettes, je ne peux que répéter ce que nous avons souligné à plusieurs reprises. Nous souhaitons que les très grandes fortunes participent mieux et plus à l’effort collectif. Nous souhaitons aussi que l’économie strictement financière, c’est-à-dire la spéculation pure qui repose sur la manipulation de sommes considérables et le recours à des montages complexes, voire à l’utilisation de paradis fiscaux, soit sollicitée à hauteur des revenus réellement dégagés. Pensez-vous, madame la ministre, que ce soit actuellement le cas ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Il me semble avoir déjà répondu à votre première question lors de mes précédentes interventions. La deuxième, si j’ai bien compris votre angle, portait sur l’optimisation fiscale. Il existe en effet une optimisation fiscale légale. Si nous estimons qu’elle n’est pas justifiée ou équitable, nous pouvons en changer les règles. C’est pourquoi nous allons ajuster ensemble les régimes existantes. Il faut toutefois veiller à protéger l’appareil productif et les investissements dans l’innovation. Ai-je répondu à vos questions, monsieur le député ?
M. Michel Castellani (LIOT). C’est bien de me poser la question. Disons que c’est un vaste sujet dont nous aurons, je l’espère, l’occasion de reparler dans un cadre plus approprié.
M. Emmanuel Maurel (GDR). Vous optez pour un discours alarmiste. Vous n’êtes certes pas allée aussi loin que le Premier ministre, qui a fait hier une comparaison un peu indécente entre la France de 2025 et la Grèce de 2015, mais vous évoquez tout de même une prétendue addiction à la dépense publique. Je regrette que vous ne fassiez jamais le lien entre la situation financière navrante du pays et la politique que vous menez depuis sept ans. Vous êtes les seuls pour lesquels ce lien ne saute pas aux yeux.
Il en va de même pour cet élément de langage selon lequel le plan serait juste et équilibré. Tout le monde, même vos électeurs, a compris qu’il n’était ni juste ni équilibré, que vous allez prendre beaucoup à ceux qui ont peu et pas grand-chose à ceux qui ont beaucoup. À mon avis, cela heurte tous les Français, pas seulement ceux qui se reconnaissent dans l’opposition. Vous êtes d’ailleurs très précise sur tout ce qui concerne les mesures d’austérité – le gel des allocations, l’année blanche, la suppression de certains dispositifs – mais très imprécise sur tout le reste – les recettes, les niches fiscales, les exonérations de cotisations sociales. C’est pourtant précisément ce qui nous intéresse, et qui intéresse tous ceux qui sont épris de justice et de progrès.
Le Premier ministre a lui-même évoqué le rapport sénatorial sur les aides aux entreprises et reconnu que 200 milliards d’euros, c’était beaucoup. Que faut-il en conclure ? À vous entendre, rien ou pas grand-chose. Pour notre part, nous pensons qu’il y a beaucoup à chercher de ce côté.
Avez-vous évalué le risque récessif inhérent à votre plan ? Quand on déprime la consommation et que l’on gèle les investissements, il y a tout de même un grand risque de récession, synonyme d’une baisse de recettes fiscales et d’une aggravation du déficit.
Au moment où le chômage augmente, vous proposez de réduire encore les moyens de la mission Travail et emploi. Votre seule réponse à la hausse du chômage est un énième plan concernant l’assurance chômage alors que nous n’avons pas beaucoup d’évaluations des trois premiers qui ne sont manifestement pas très efficaces.
Enfin, vous parlez de dialogue et de compromis. Avec qui ? Peut-être avec le bloc central, et encore !
Pour terminer, je vous informe que M. Zucman a à l’instant répondu à Mme de Montchalin qu’il ne trouvait rien sur ce qui s’est passé au Royaume-Uni, à l’exception de l’abolition du régime dérogatoire « non-dom » qui va faire rentrer dans le droit commun les oligarques russes et riches étrangers installés à Londres.
M. le président Éric Coquerel. Dans ce cas, cela n’a rien à voir avec la taxe Zucman.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. M. Zucman n’est pas dans la pièce, mais nous avons manifestement un échange intermédié.
M. le président Éric Coquerel. Il s’intéresse à ce que vous dites !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Ce qui se passe au Royaume-Uni montre les effets d’un changement du régime fiscal des impatriés sur des personnes qui sont mobiles. En 2024, l’OBR (Office for Budget Responsibility) a publié un rapport montrant que les prévisions de rendement de ce régime sont passées de 4,8 à 2,6 milliards de livres sterling. Le sujet n’est pas de savoir s’il s’agit ou non d’oligarques ou d’étrangers. Dans un monde où il est possible de changer de résidence fiscale et la localisation de son patrimoine et de ses actifs, la France ne peut pas être la seule à pratiquer un régime fiscal différent.
Je suis d’autant plus détendue pour vous en parler que j’ai moi-même plaidé à l’OCDE, en tant qu’ambassadrice et à la demande du Président de la République et de Bruno Le Maire, en faveur de la création d’un troisième pilier appelé « taxes et inégalités ». L’idée était de parvenir à un accord mondial sur ce sujet, comme nous l’avons fait en 2021 sur les multinationales au terme d’un long travail, alors que personne ne croyait que c’était possible. Il faudrait que nous fassions le même travail de cartographie des régimes fiscaux et d’identification des mécanismes qui permettent d’échapper à l’impôt en fonction des différentes typologies de revenu ou de patrimoine, et que, le cas échéant, nous lancions une négociation mondiale. Les travaux de Gabriel Zucman seraient très intéressants à utiliser dans un tel cadre. En revanche, si la France agit seule, si elle pense engendrer un rendement par le biais d’une exit tax, cinq ans plus tard nous n’aurons ni les entreprises ni le rendement.
Il est impératif d’agir dans un cadre aussi large que celui de l’OCDE. Vous voyez que nous n’y sommes pas opposés par principe puisque nous avons défendu cette position avec l’Allemagne, le Brésil et l’Espagne. Mais nous ne voulons pas le faire seuls, pensant que nous avons raison contre tous, et nous retrouver à faire la démonstration que nous avions tort.
En matière d’aides aux entreprises, le rapport du Sénat mélange beaucoup de choses très différentes – crédit d’impôt recherche, exonérations de charges, aides à l’apprentissage. Le Premier ministre résume ainsi notre ligne : moins de normes, moins de subventions. Nous pensons qu’il s’agit d’un assez bon marché, qui semble adapté à notre pays.
J’en viens à votre question sur le risque récessif. Tous les économistes, qu’ils soient de la Banque de France, de l’Insee ou indépendants, estiment que c’est l’incertitude, notamment fiscale, qui pèse le plus sur la croissance française. Nous devons redonner au pays un cap clair : qui paiera quel impôt dans les trois ans à venir. Nous prévoyons 30 milliards d’euros d’économies, dont moins de 10 milliards liés à des mesures fiscales, celles-ci étant ciblées sur la révision des niches et l’équité fiscale, la taxation des petits colis et un peu de verdissement. Une autre partie relève de la fiscalité mais elle est d’un autre ordre, puisqu’elle est liée à la création de richesse supplémentaire.
Quant à la mission Travail, emploi et administration des ministères sociaux, elle doit retrouver une cohérence après la crise sanitaire et celle de l’inflation. Même avec la baisse envisagée, elle sera dotée de 6,6 milliards d’euros de plus qu’en 2019, ce qui représente une hausse de 29,4 %. Plusieurs mesures peuvent être envisagées : lutte contre la fraude au compte personnel de formation, baisse des frais de gestion des Opco, réforme de France Compétences. Vous remarquerez que nous ne sommes pas en train de cibler directement les chômeurs.
Pour ce qui est du dialogue et du compromis, je suis là devant vous. D’ailleurs je vous remercie d’être tous venus à Bercy nous voir, Éric Lombard et moi-même, au cours des dernières semaines. Nous travaillons avec tout le monde. Nous le ferons avec transparence et méthode. Il y va de notre responsabilité. Vous avez le pouvoir de voter pour ou contre, de censurer ou pas ; nous avons le devoir de créer du compromis.
M. le président Éric Coquerel. Madame la ministre, je vous laisse le choix de comparer des oligarques russes à nos ultrariches, mais on peut penser que les comportements des deux seront différents. C’est une chose de repartir d’un pays où vous êtes venu pour bénéficier d’avantages fiscaux que l’on va vous retirer ; c’en est une autre de partir d’un pays dont vous êtes citoyen pour ne pas subir une taxation supplémentaire. Comparaison n’est pas raison. À cet égard, je vous conseille une excellente étude réalisée sur le Danemark par MM. Kleven et Landais, montrant qu’une taxe du type de celle proposée par Gabriel Zucman n’a pas produit le genre d’effets que vous redoutez. Rappelons que le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune n’avait provoqué qu’un nombre de départs infime en France. Cela me semble un peu plus sérieux que l’étude concernant les oligarques russes installés à Londres.
Nous en venons aux questions des députés.
M. Pierre Cordier (DR). Nos compatriotes ont vécu relativement mal l’intervention du Premier ministre. Dans mon département des Ardennes, ils me disent avoir l’impression que l’on s’en prend toujours aux mêmes – les gens qui travaillent, les retraités – et que l’État ne fait pas assez d’efforts. Le Premier ministre a d’ailleurs donné beaucoup de détails sur les mesures individuelles, mais aucun sur celles qui concernent l’État. C’est un peu gênant. Il n’a rien dit de concret non plus sur les agences, à part quelques mots sur les doublons. Je vous serais reconnaissant, madame la ministre, de nous donner quelques détails en la matière.
Nos compatriotes ayant peur de l’avenir, ils thésaurisent. Avez-vous une piste pour libérer une partie de cette épargne, notamment en faisant en sorte que les personnes qui veulent transférer un peu d’argent à leurs enfants ou petits-enfants soient moins matraquées par l’État ? Cela permettrait de relancer la consommation concernant des achats importants.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Les dépenses de l’État se répartissent en trois catégories : son train de vie, son patrimoine immobilier et sa masse salariale.
Nous avons lancé un important chantier de refondation de l’action publique, qui concerne tous les ministères. Comme je l’avais annoncé, environ un tiers des opérateurs et agences de l’État, à l’exception des universités, connaîtront des changements affectant leur périmètre ou leurs modalités de fonctionnement – certains pourraient être réintégrés au sein des ministères. Le Premier ministre fera des annonces détaillées en septembre. L’État sera exemplaire.
Mais les dépenses de l’État, ce sont aussi des missions : 64 milliards d’euros pour l’école, 24,2 milliards pour la cohésion des territoires, c’est-à-dire le soutien aux collectivités territoriales – c’est ce que les Français voient au quotidien –, 10 milliards pour la justice, 17 milliards pour la sécurité. Tout cela figure en page 7 du tiré à part.
Concernant la masse salariale, nous prenons des mesures fortes : à compter de 2027, un départ en retraite sur trois ne sera pas remplacé.
M. Pierre Cordier (DR). Mais il y a les fonctionnaires de terrain et ceux qui sont à Paris !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Précisément : comme je l’ai annoncé la semaine dernière, nous sommes en train de relocaliser plus de 2 500 emplois dans des antennes de la DGFIP partout en France, en dehors des grandes métropoles, pour rapprocher l’administration des citoyens. Tous les Français ont accès aux services publics essentiels grâce aux maisons France Services, accessibles en moins de vingt minutes. Ces structures sont cofinancées avec les collectivités – c’est ainsi que notre pays fonctionne : les collectivités et l’État sont unis, nous marchons ensemble.
L’État agit par ses administrations : nous sommes en train de les réorganiser. Il agit directement : c’est ce qui requiert la plus grande masse de dépenses, mais ce n’est pas là qu’il faut en rabattre. Et il agit en orientant les choses, par le biais des niches, des transferts, des aides et subventions : là, nous devons nous demander avec lucidité si tous sont utiles. C’est tout l’objet de la revue que nous menons.
M. Denis Masséglia (EPR). Je tiens à apporter tout mon soutien au Gouvernement qui est en train de prendre des décisions compliquées, à commencer par le Premier ministre et par vous, madame la ministre.
La mission Audiovisuel public, dont les crédits étaient initialement de 4,029 milliards d’euros, n’a finalement été dotée que de 3,95 milliards d’euros en 2025. Les crédits pour 2026 seront-ils maintenus à leur niveau de 2025 ou peut-on espérer une hausse du budget ?
Avez-vous prévu de faire évoluer les différents crédits d’impôt auxquelles les industries culturelles et créatives – cinéma, audiovisuel public, musique, jeu vidéo – peuvent prétendre ?
Enfin, le budget du CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée), déjà réduit de 500 millions d’euros en loi de finances pour 2025, fera-t-il l’objet d’une nouvelle ponction en 2026 ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Nous demanderons un effort de productivité à l’audiovisuel public comme à l’ensemble des secteurs. Radio France, France Télévisions, France Médias Monde, TV5 Monde, ARTE-France : chacun y contribuera en fonction de ses capacités, de ses projets et de son développement.
Les niches des industries culturelles sont, à l’image de toutes les autres niches, en débat. Nous devons nous assurer de leur efficacité et de leur rendement : c’est un projet que je souhaite mener avec les parlementaires. Je ne détaillerai pas davantage la liste des niches en cours de revue, mais soyez assurés que je n’ai pas d’agenda caché.
Quant au CNC, il est financé grâce à des taxes affectées. Celles-ci sont très dynamiques, ce qui est positif pour la création, mais nous devons nous assurer que les moyens considérables qu’elles génèrent sont utilisés aussi efficacement que possible. Si aucune réforme n’est prévue dans le projet de loi de finances, les enjeux de trésorerie doivent être regardés de près. Rachida Dati vous présentera l’ensemble des mesures qu’elle propose dans le cadre du PLF.
M. François Jolivet (HOR). Je vous remercie, madame la ministre, pour la qualité de l’exercice auquel vous vous livrez.
Ma première question concerne les conséquences de l’année blanche et du gel des prestations sociales, en particulier de l’aide personnalisée au logement. Envisagez-vous de geler également l’IRL (indice de référence des loyers), comme beaucoup d’autres gouvernements ont pu le faire dans une situation comparable, afin de préserver le pouvoir d’achat des locataires ?
Vous avez évoqué la revalorisation des valeurs locatives : il serait dommage que la taxe foncière d’un retraité augmente alors même que sa pension, elle, est bloquée – d’autant que cette taxe a déjà augmenté de 18 % en trois ans.
Comptez-vous évaluer la pertinence de la prime d’activité, dont le coût pour les finances publiques s’élève à 12 milliards d’euros ?
Enfin, vous avez annoncé que le FMI avait relevé le niveau de risque de la dette française de faible à modéré. Quelles seront les conséquences de cette décision pour les prêteurs ? Les compagnies d’assurances pourraient-elles être amenées à ne plus acheter d’obligations françaises ?
M. le président Éric Coquerel. Pour l’heure, cette dégradation n’est qu’une menace : le risque reste faible.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Ce sont d’excellentes questions : certaines ont déjà été plus ou moins tranchées par le Premier ministre, d’autres le seront dans le cadre du compromis annoncé.
Il pourrait être intéressant de s’assurer que les loyers ne suivent pas une trajectoire déraisonnable alors que les revenus et les prestations, eux, seront faiblement dynamiques, voire stables l’an prochain.
Votre question sur la taxe foncière renvoie à l’enjeu des bases locatives, sur lequel je me suis déjà exprimée.
Concernant la prime d’activité, de nombreux travaux d’économistes ont montré l’importance de bien la cibler pour éviter les effets d’aubaine et s’assurer qu’elle joue son rôle d’incitation forte au travail.
Enfin, selon les analyses de viabilité du FMI, le risque associé à la dette française reste faible à court terme. En revanche, le risque à moyen terme, lié au stock et aux capacités de refinancement, et le risque à long terme, qui repose sur une évaluation globale, sont jugés modérés.
Cette décision n’a pas d’impact mécanique, elle nous envoie simplement un message : comme le Premier ministre, comme nous tous, les observateurs étrangers constatent que notre dette présente un risque. Nous devons y remédier.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Quand je vous entends, madame la ministre, je me demande sincèrement si vous arrivez encore à vous regarder dans la glace. Chacune des mesures du budget que vous annoncez agit comme une véritable broyeuse sociale. Votre politique a déjà créé 650 000 pauvres supplémentaires : ils sont désormais 10 millions dans le pays. Pourtant, à nouveau, vous tapez sur tout le monde : les retraités, les malades, les enfants. Vous ne semblez pas réaliser que ce budget est d’une violence sociale inouïe.
Vous voulez faire sauter deux jours fériés. Vous avez parlé de répartition différente de l’effort, d’un changement de modalités… Nous ne comprenons pas. Les travailleurs seront-ils rémunérés – en salaire – aux conditions prévues par leur contrat de travail ? Dans le cas contraire, ce seront des jours travaillés gratuitement, ce qui générera un gain direct pour le capital et entraînera une baisse de salaire d’environ 1 % sur l’année.
Enfin, puisque c’est un terme qui animera nos débats tout au long du budget, permettez-moi de vous lire la définition du mot « austérité » qui figure dans le Larousse : « Politique économique visant à réduire l’ensemble des revenus disponibles pour la consommation ». Il me semble que la désindexation des retraites répond bel et bien à cette définition.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Concernant le taux de pauvreté, les chiffres de 2023 doivent être regardés en détail mais n’oublions pas qu’ils ont été calculés en tenant compte de la forte inflation de cette année-là, mais avant la revalorisation générale des prestations, intervenue seulement en avril 2024. En raison du reflux d’inflation, le taux de pauvreté calculé par l’Insee pour 2024 sera probablement très différent.
Quant à « taper sur les malades et les enfants », prenons l’exemple des franchises : aujourd’hui, elles ne s’appliquent pas aux enfants. Je ne sais pas de quoi vous parlez.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Du budget de l’éducation nationale, par exemple.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Il est en hausse de 200 millions alors que le pays compte moins d’enfants !
Enfin, concernant votre dernière question, je rappelle que nous sommes tous payés de la même façon, que les jours fériés tombent un lundi ou un dimanche.
Ce que nous souhaitons, c’est que la richesse produite lors de ces deux jours travaillés soit répartie entre les travailleurs – sous forme d’intéressement, de participation, de prime de partage de la valeur, d’augmentation de salaire –, l’État, à qui cette mesure devrait rapporter 4,2 milliards d’euros grâce à une contribution des entreprises, et ces dernières, qui, le cas échéant, garderont le solde. L’important, c’est de rétablir un lien entre le travail, qui crée de la richesse, et le partage du produit : c’est tout l’objet des discussions en cours avec les partenaires sociaux.
M. le président Éric Coquerel. C’est une question fondamentale. Si une personne gagne 3 500 euros par mois, elle touchera 3 500 euros même le mois où elle doit travailler un jour supplémentaire, n’est-ce pas ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. C’est tout l’objet de la consultation en cours. Permettez-moi de prendre un exemple.
M. le président Éric Coquerel. Dites-moi d’abord si vous êtes d’accord avec ce que je viens de dire.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Non, je ne suis pas d’accord : nous voulons justement que la richesse créée entraîne un partage de la valeur.
M. le président Éric Coquerel. Je ne parle pas de primes, je parle de salaire. Le salaire mensuel ne tiendra pas compte du fait que deux jours de plus ont été travaillés. Soyez honnête, assumez votre choix !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. C’est en cours de négociation avec les partenaires sociaux et les salariés.
Il se trouve que certaines années, le 1er mai et le 8 mai tombent un samedi ou un dimanche : le salaire reste identique même si les salariés ont bel et bien travaillé deux jours de plus que d’autres années.
Mon objectif, c’est que la richesse créée soit partagée entre l’État, les salariés et les entreprises.
M. le président Éric Coquerel. D’accord. Votre réponse est importante, car depuis hier le débat est vif : les salariés devront bien travailler deux jours de plus sans toucher de salaire supplémentaire – rien à voir, donc, avec la possibilité de monétiser la cinquième semaine de congés payés, également annoncée hier.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Permettez-moi de soumettre cet élément à la sagacité collective : le salaire n’est pas défini en fonction du nombre de jours fériés qui tombent un jour qui pourrait être travaillé ou alors un dimanche. Les jours fériés changent de place dans la semaine tous les ans et le salaire reste le même.
M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). Si je reconnais volontiers que l’exercice est difficile, madame la ministre, je trouve que l’effort demandé aux collectivités est trop important. Il devrait s’élever à 5,3 milliards d’euros en 2026, contre 2,2 milliards d’euros en 2025, soit 2,4 fois plus. Vous conviendrez pourtant que les collectivités représentent 70 % de l’investissement public et qu’elles ne pèsent que 10 % dans la dette de notre pays.
Certes, l’investissement des communes devrait ralentir en 2026 en raison des élections municipales, et les départements ont bénéficié d’une augmentation des droits de mutation à titre onéreux en 2025 – une mesure à laquelle j’étais favorable. Mais les régions, elles, n’ont aucun levier fiscal, alors qu’elles investissent dans la réindustrialisation du pays, comme le fait la région Hauts-de-France. Les priver de moyens financiers conséquents, c’est remettre en question l’intégralité de leurs investissements.
Philippe Juvin l’a dit, le budget des collectivités va diminuer de 2 milliards d’euros en 2026 par rapport au tendanciel, alors que le coût de la CNRACL augmentera à lui seul de 1,3 milliard d’euros. Comment pouvez-vous décider de diminuer les moyens des collectivités tout en leur imposant une augmentation des dépenses de fonctionnement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Le projet de loi de finances pour 2025 a prévu de nouvelles recettes pour les collectivités, comme le versement mobilité, que les régions peuvent activer en cas de besoin. Au reste, l’investissement, toujours plus faible l’année des élections municipales, devrait reculer d’environ 5 milliards d’euros en 2026 par rapport à 2025.
Nous demandons aux collectivités de suivre une trajectoire « zéro volume », c’est-à-dire de s’en tenir à un coût de fonctionnement identique à l’année précédente augmenté de l’inflation, là où l’État s’impose le même montant de dépenses qu’en 2025 tout court. Il nous semble donc que l’effort demandé aux collectivités est juste. Avec cette règle, les recettes de fonctionnement des collectivités augmenteront de 3,3 milliards d’euros l’année prochaine : certes, c’est moins que 8 milliards d’euros, mais cela reste une hausse significative.
Mme Marie-Christine Dalloz (DR). J’entends parler de violences sociales, d’austérité : pour ma part, je considère qu’il faudrait un peu plus parler de responsabilité. Les efforts que nous ne faisons pas aujourd’hui, nous les paierons très cher demain, car ils seront beaucoup plus violents.
Vous avez annoncé que 28 des 43,8 milliards d’euros d’économies attendus proviendraient de la réduction des dépenses de l’État. Pouvez-vous nous indiquer la répartition du reste de l’effort entre les particuliers, les entreprises et le budget de la Sécurité sociale ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je vous ferai parvenir le tableau détaillant les tendanciels, les efforts et les augmentations attendues bloc par bloc. L’effort consenti par l’État en 2025 se monte à 23,6 milliards d’euros. En 2026, un effort de 12 milliards d’euros par rapport au tendanciel sera nécessaire. L’effort attendu sur l’Ondam s’élève à 5 milliards d’euros et celui sur les dépenses de fonctionnement des collectivités à 5,3 milliards d’euros, toujours par rapport au tendanciel.
Mme Sophie Mette (Dem). Le budget alloué à l’audiovisuel public pourrait connaître une baisse en valeur par rapport à l’année dernière. Pouvez-vous nous apporter un éclairage sur ce sujet qui est un peu noyé au milieu du reste ? Et quid du budget consacré à l’aide publique au développement, qui est en forte baisse ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Concernant le budget de l’audiovisuel public, l’effort attendu se chiffre en dizaines de millions d’euros. Ce quantum me semble adapté au niveau de financement. Mme Rachida Dati viendra vous présenter plus en détail les mesures envisagées.
Concernant l’aide publique au développement, nous avons conduit une revue des dépenses dans la perspective d’un budget à base zéro. Nous devons nous concentrer sur les projets qui ont le plus d’impact pour notre pays et pour les bénéficiaires des aides. Nous avons donc décidé d’arrêter de subventionner tous les projets devenus rentables, comme il y en a dans le secteur de l’écologie.
Dans un souci d’efficacité, nous menons également une revue des pays bénéficiaires de nos aides, parfois versées à de grands pays comme les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) alors que leurs besoins ne le justifient plus forcément – en tout cas la question fait débat. L’objectif est de recentrer les moyens sur les pays où ils auront le plus d’impact, en priorisant certains domaines – la santé, l’humanitaire, la transition.
M. le président Éric Coquerel. Je vous remercie pour toutes vos réponses, madame la ministre. Je sais que vous êtes attendue au Sénat, aussi je propose que tous les collègues qui n’ont pas pu vous interroger m’adressent leurs questions, que je vous transmettrai.
Je rappelle que la hausse du budget de la mission Enseignement scolaire ne compense pas l’inflation : si on tient compte de cette dernière, les crédits sont en baisse de 430 millions d’euros.
Enfin, l’instauration d’une déduction forfaitaire annuelle de 2 000 euros sur les pensions de retraite, que vous présentez comme une mesure d’équité, n’aura pas les mêmes conséquences pour le foyer fiscal selon que chacun de ses membres perçoit une pension de retraite mensuelle 2 000 euros ou que seul l’un d’eux perçoit une pension de retraite mensuelle de 4 000 euros et l’autre rien.
*
* *
Information relative à la commission
La commission a procédé à la nomination de M. Benjamin Dirx, rapporteur pour avis sur l’article 8 du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030 (n° 1641), dont l’examen est délégué à la commission.
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 16 juillet 2025 à 9 heures
Présents. - M. David Amiel, Mme Christine Arrighi, M. Laurent Baumel, M. Jean-Didier Berger, M. Philippe Brun, M. Michel Castellani, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Mathilde Feld, Mme Marina Ferrari, Mme Félicie Gérard, Mme Perrine Goulet, M. David Guiraud, M. Pierre Henriet, M. François Jolivet, M. Philippe Juvin, M. Daniel Labaronne, M. Aurélien Le Coq, M. Mathieu Lefèvre, M. Jérôme Legavre, M. Emmanuel Mandon, M. Denis Masséglia, M. Jean-Paul Mattei, Mme Estelle Mercier, Mme Sophie Mette, M. Jacques Oberti, M. Nicolas Ray, M. Emeric Salmon, M. Jean-Philippe Tanguy, M. Éric Woerth
Excusés. - M. Christian Baptiste, M. Karim Ben Cheikh, M. Nicolas Metzdorf, Mme Sophie Pantel, Mme Christine Pirès Beaune, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, M. Charles Sitzenstuhl, M. Emmanuel Tjibaou
Assistaient également à la réunion. - M. Pierre Cordier, Mme Constance Le Grip, M. Frédéric Valletoux