Compte rendu
Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République
– Examen de la proposition de loi visant à renforcer le contrôle du Parlement en période d’expédition des affaires courantes (n° 960) (Mme Léa Balage El Mariky et M. Stéphane Mazars, rapporteurs) 2
– Examen, selon la procédure de législation en commission, de la proposition de loi visant à valoriser la réserve communale de sécurité civile (n° 948) (M. Didier Lemaire, rapporteur) 20
Mardi
25 mars 2025
Séance de 16 heures 30
Compte rendu n° 55
session ordinaire de 2024-2025
Présidence
de M. Florent Boudié,
président
— 1 —
La séance est ouverte à 16 heures 30.
Présidence de M. Florent Boudié, président.
La Commission examine la proposition de loi visant à renforcer le contrôle du Parlement en période d’expédition des affaires courantes (n° 960) (Mme Léa Balage El Mariky et M. Stéphane Mazars, rapporteurs).
M. le président Florent Boudié. La proposition de loi visant à renforcer le contrôle du Parlement en période d’expédition des affaires courantes, dont je suis cosignataire, est inscrite à l’ordre du jour transpartisan de la séance du 2 avril. Elle a été déposée à la suite des conclusions de la mission d’information flash sur les actes administratifs pris par un gouvernement démissionnaire. Le bureau de notre commission a en effet souhaité que certaines des préconisations de son rapport, remis le 11 décembre dernier, soient reprises dans une proposition de loi, qui a été confiée aux mêmes rapporteurs, Mme Léa Balage El Mariky et M. Stéphane Mazars.
Mme Léa Balage El Mariky, rapporteure. Notre pays a connu en 2024 deux périodes d’expédition des affaires courantes par un gouvernement démissionnaire d’une durée inédite dans l’histoire de la Ve République : la première a eu lieu entre le 16 juillet et le 21 septembre et la seconde entre le 5 et le 23 décembre, après l’adoption d’une motion de censure contre le Gouvernement Barnier. Nous avons présenté, avec un certain sens du timing, les conclusions de notre mission flash le 11 décembre. Ayant constaté la faiblesse du contrôle parlementaire durant la période d’expédition des affaires courantes de l’été 2024, nous avons formulé onze recommandations.
Certaines sont des bonnes pratiques pouvant être mises en œuvre sans modification du cadre institutionnel : renforcement du contrôle par les commissions, possibilité de déposer des questions écrites ou de tenir une séance de questions au Gouvernement. Lors de la seconde période d’expédition des affaires courantes, nous avons pu, de façon inédite, tenir des séances de questions au Premier ministre. Peut-être notre rapport avait-il inspiré la conférence des présidents de l’Assemblée nationale à ce sujet.
D’autres recommandations demandent des évolutions institutionnelles, soit par une loi constitutionnelle, soit par une loi ordinaire. Nous avons donc déposé une proposition de loi constitutionnelle et une proposition de loi ordinaire, celle que nous examinons aujourd’hui.
Son article 1er part du constat que, en période d’expédition des affaires courantes, le Parlement ne peut plus adopter de motion de censure – son outil de contrôle le plus puissant – puisque, de même qu’« on ne tue pas les morts[,] on ne renverse pas les gouvernements démissionnaires ».
Néanmoins, des interrogations peuvent survenir quant à la légalité de certains actes administratifs pris pendant cette période. Certaines de ces questions peuvent trouver des réponses par l’intermédiaire des outils de contrôle que conserve le Parlement, en particulier en commission, mais cela n’est pas toujours le cas. L’octroi à certains parlementaires d’un intérêt à agir à l’encontre d’un acte réglementaire pris par un gouvernement démissionnaire permettrait de rendre ce contrôle plus effectif. L’article 1er octroie ainsi un intérêt à agir aux présidents des assemblées parlementaires et aux présidents des commissions permanentes pour intenter un recours pour excès de pouvoir contre des actes pris par le Gouvernement en période d’expédition des affaires courantes. L’intérêt à agir en la seule qualité de parlementaire n’a jamais été reconnu par la jurisprudence pour ne pas concurrencer d’autres leviers institutionnels de contrôle.
Ce mécanisme serait, selon certains, contraire au principe de la séparation des pouvoirs. Il n’est d’ailleurs pas rare que l’exécutif lui-même brandisse ce principe pour tenir en échec le contrôle parlementaire, comme il l’avait fait pour contrer l’obligation d’informer le Parlement lors de l’état d’urgence sanitaire. Pas plus tard que le mois dernier, M. Alexis Kohler l’a lui aussi invoqué pour justifier son refus de déferer à une convocaton de la commission des finances dans le cadre de son enquête pour étudier et rechercher les causes de la variation et des écarts des prévisions fiscales et budgétaires des administrations publiques pour les années 2023 et 2024. Ce principe nous a également été opposé en audition par certains membres de l’administration centrale pour invalider notre proposition. Cette objection a de quoi laisser perplexe. C’est un retournement du principe de séparation des pouvoirs contre lui-même. On ne peut pas laisser l’exécutif sans contrôle et empêcher ainsi que, « par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ».
La proposition de loi tend à reconnaître un intérêt à agir aux mêmes parlementaires qu’une proposition de loi sénatoriale adoptée en 2021, à l’exception des présidents des groupes parlementaires, pour deux raisons. D’une part, pour limiter les recours qui viseraient à prolonger devant le juge des débats menés au Parlement ou qui devraient l’être – d’autant plus que nous souhaitons que le rôle du Parlement soit renforcé durant ces périodes. D’autre part, parce que tant les présidents des assemblées parlementaires que ceux de leurs commissions permanentes ont des rôles institutionnels de nature à leur conférer un intérêt à agir : les présidents d’assemblées représentent leur institution ; les présidents de commission agiraient au nom de leur commission, compétente dans un champ de politiques publiques défini par le règlement de chaque assemblée.
Il s’agit bien ici de renforcer le contrôle du Parlement et, ainsi, la séparation des pouvoirs. J’invite ceux qui, parmi nos collègues, dénoncent un gouvernement des juges à taire leurs critiques à l’égard de la justice administrative, à laquelle nous pourrions avoir recours pour faire valoir nos droits.
M. Stéphane Mazars, rapporteur. Reconnaître l’intérêt des parlementaires à agir au-delà des seuls présidents des assemblées et présidents de commission, comme y tendent plusieurs amendements à l’article 1er, poserait des questions délicates.
L’alignement sur le régime de la saisine du Conseil constitutionnel pose la question du seuil – pourquoi soixante députés auraient-ils intérêt à agir et pas cinquante-neuf ? – et contrevient à l’esprit même de l’intérêt à agir en droit administratif, qui dépend de la qualité de la personne.
L’octroi de l’intérêt à agir à un organe collégial – bureau ou conférence des présidents – signifierait que l’intérêt à agir de l’Assemblée nationale ou du Sénat dépend d’un vote de cet organe.
S’agissant des présidents de groupe politique, certains proposent d’octroyer un intérêt à agir aux seuls présidents d’un groupe d’opposition. En quoi seraient-ils plus légitimes que ceux de la majorité ? Et si on l’étend à tous les présidents de groupe, pourquoi pas aussi aux députés non-inscrits ? Pourquoi faudrait-il rassembler quinze parlementaires à l’Assemblée et seulement dix au Sénat pour constituer l’intérêt à agir ?
Pour toutes ces raisons, il nous semble préférable de s’en tenir sur ce point au texte initial.
L’article 2 est une réponse à l’un des constats que nous avons faits dans le cadre de notre mission flash : la faiblesse du contrôle parlementaire à l’été 2024, que ce soit lorsque le Parlement ne siégeait pas ou pendant la session de droit ouverte pour quinze jours à compter du 18 juillet 2024.
Lors de la période d’expédition des affaires courantes de décembre 2024, nous avons constaté que le contrôle parlementaire avait été un peu plus important qu’à l’été : il était ainsi possible de déposer des questions écrites et, en l’absence de questions au Gouvernement, notre assemblée a tenu une séance de questions au Premier ministre une fois celui-ci nommé et alors que le Gouvernement expédiait encore les affaires courantes – nous avons ainsi pu l’interroger sur la situation à Mayotte après le passage du cyclone Chido. Par ailleurs, les commissions se sont réunies et certaines ont auditionné des ministres démissionnaires lorsque la situation était jugée urgente. La commission des finances a ainsi auditionné les ministres Antoine Armand et Laurent Saint-Martin sur le projet de loi spéciale et la commission des affaires étrangères a auditionné le ministre Jean-Noël Barrot sur la situation en Syrie à la suite de la chute du régime. Nous tenons à saluer ce travail et ces échanges, qui nous semblent être de bonnes pratiques à mettre en œuvre durant de telles périodes. Ce contrôle doit toutefois être renforcé, car certaines décisions auraient dû faire l’objet d’un contrôle politique renforcé.
L’article 2 prévoit ainsi, sur le modèle de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, une information du Parlement sur l’activité du gouvernement en période d’expédition des affaires courantes. Le gouvernement devrait, dans ce cadre, transmettre sans délai aux deux assemblées les mêmes actes que ceux pouvant faire l’objet d’un recours intenté par des parlementaires en application de l’article 1er – ordonnances, décrets, textes réglementaires et individuels pris par des ministres, nominations sensibles.
L’article 2 permet également à l’Assemblée nationale et au Sénat de requérir toute information complémentaire dans le cadre de ce contrôle.
Il prévoit enfin la remise au Parlement par le nouveau Gouvernement d’un rapport établissant le bilan de la période d’expédition des affaires courantes par le gouvernement précédent.
Les diverses auditions que nous avons menées la semaine dernière nous conduisent à proposer quelques amendements. Ils sont rédactionnels ou modifient de façon marginale le périmètre des actes administratifs concernés par la proposition de loi.
Nous espérons que le texte fera l’objet d’un large consensus au sein de notre commission, comme cela fut le cas pour les recommandations de notre mission flash.
M. le président Florent Boudié. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
Mme Marie-France Lorho (RN). La période inédite que nous avons traversée à l’issue de la démission du Gouvernement méritait qu’une enquête soit menée quant à la place occupée par le Parlement à cette occasion. L’éclairant rapport d’information de Mme Balage El Mariky et M. Mazars a souligné le caractère sans précédent de la situation politique durant laquelle, pendant soixante-sept jours, le Gouvernement démissionnaire a assuré l’expédition des affaires courantes. Cette période, dont la durée n’est pas excessive par rapport à ce qui arrive chez nos voisins, et qui n’a, selon le rapport d’information, pas mené à une violation manifeste ou importante du périmètre des affaires courantes, a toutefois semblé d’autant plus longue que les conséquences de la dissolution du 9 juin pouvaient sembler évidentes.
Si la limitation de cette période par voie constitutionnelle ne nous semble pas judicieuse du fait des opportunités politiques qui pourraient résulter d’un tel encadrement, l’instauration d’un délai raisonnable devrait être encouragée dans la pratique, car elle limiterait les risques de violation du cadre des affaires courantes et la durée de l’inopportune vacance d’un Parlement dont le rôle, surtout de contrôle, est alors réduit à une peau de chagrin. Le terme de vacance ne semble pas outrancier pour qualifier la préoccupante inertie que le Palais‑Bourbon a connue durant près de deux mois.
Le rapport d’information souligne que la session de droit ouverte en juillet 2024 n’a pas donné lieu à un contrôle parlementaire de l’action du Gouvernement démissionnaire. Les questions écrites n’ont pas pu être déposées avant l’installation du nouveau Gouvernement, alors que, du fait de leur portée juridique et administrative, elles doivent pouvoir s’adresser à tout membre d’un gouvernement à venir, et les commissions permanentes se sont à peine réunies, alors que des auditions en leur sein auraient pu garantir un contrôle de l’action du gouvernement pendant cette période singulière.
C’est la raison pour laquelle le Rassemblement national soutient l’article 1er. Toutefois, la limitation de l’intérêt à agir aux présidents des assemblées parlementaires et aux présidents des commissions permanentes apparaît comme un déni des forces politiques en présence à l’Assemblée nationale. Pourquoi ne pas avoir retenu également les présidents des groupes politiques alors que le rapport d’information envisageait cette possibilité ? Notre amendement CL2 propose de remédier à cette lacune en octroyant un intérêt à agir à soixante députés ou sénateurs. Il serait anormal que l’on ne tienne pas compte de la représentativité de l’Assemblée lorsqu’il s’agit de former un recours dans des situations politiques aussi délicates.
Nous sommes favorables à une meilleure information du Parlement sur les activités du Gouvernement en période d’expédition des affaires courantes, mais il nous semble illégitime qu’il revienne au nouveau Gouvernement de dresser un bilan des actions de son prédécesseur. Par ailleurs, si le contrôle du Parlement est effectivement renforcé par la présente proposition de loi, notre institution aura une connaissance suffisante des activités exercées à cette occasion.
Le rôle du Parlement a été affaibli par la dissolution et par le recours à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. Cette proposition de loi est donc salutaire et nous la soutiendrons, pourvu que nos réserves soient satisfaites.
M. le président Florent Boudié. N’accusez pas les rapporteurs de n’avoir pas retenu certaines dispositions du rapport d’information. Je rappelle que nous avons souhaité ne retenir que les éléments socles faisant consensus entre les différents groupes. Nous n’avons donc pas retenu ceux qui n’étaient pas partagés par l’ensemble des groupes politiques afin que ce texte puisse être qualifié de transpartisan par la conférence des présidents.
M. Vincent Caure (EPR). Je félicite le groupe Écologiste et social pour son initiative et les rapporteurs pour la qualité de leur rapport d’information, qui contient opportunément une comparaison internationale.
Les circonstances nouvelles de l’été dernier et de la fin d’année ont permis une réflexion saine pour notre démocratie qui honore notre commission. L’objectif principal du rapport d’information était de permettre de renforcer le contrôle de l’exécutif par le Parlement dans des périodes comme celle de l’été dernier. À cet égard, les dispositions de la proposition de loi me semblent proportionnées : elles visent à améliorer l’information du Parlement pour préserver les libertés et encadrer l’action d’un gouvernement démissionnaire, sans ajouter des difficultés à un contexte politiquement complexe.
L’expédition des affaires courantes est un principe traditionnel de notre droit public qui tire son essence même du régime parlementaire, et celle de l’année dernière doit être démystifiée. Les soixante-sept jours de l’été 2024 ont été marqués par une réduction drastique du nombre d’actes administratifs édictés, par le respect de la jurisprudence et par le fait qu’aucun des recours engagés contre ces actes administratifs n’a été couronné de succès. Nos institutions ont donc bien fonctionné dans leur cadre constitutionnel et légal.
Cela dit, rien ne nous interdit d’aller plus loin et de modifier le droit positif pour garantir une meilleure information de notre assemblée et renforcer ses pouvoirs de contrôle. Notre société est mûre pour cela. Notre groupe votera donc en faveur de ce texte.
Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Renforcer le contrôle du Parlement en période d’expédition des affaires courantes est une nécessité que nous avons toutes et tous identifiée.
En effet, lorsqu’un gouvernement est démissionnaire, donc illégitime parce qu'il a été défait aux élections ou censuré, la logique voudrait que, dans une démocratie, le Parlement puisse davantage prendre part aux décisions. Or les deux périodes d’expédition des affaires courantes que nous avons connues depuis le 16 juillet 2024 ont permis de déceler un grave dysfonctionnement de nos institutions : lorsque le gouvernement est démissionnaire, ses pouvoirs sont en réalité plus étendus qu’en temps normal. Nous saluons donc cette initiative, qui va dans le bon sens et corrige cette incohérence.
Les périodes d’expédition des affaires courantes pendant ce quinquennat ont été d’autant plus problématiques que les ministres n’ont pas respecté l’usage républicain en la matière, qui consiste à assurer le fonctionnement minimal de l’État et à ne prendre que des décisions d’une nécessité impérieuse.
Pendant la première période, qui a duré soixante-sept jours, près de 2 000 décrets et arrêtés ont été publiés au Journal officiel, dont certains allaient bien au-delà de l’administration du quotidien. À quelle nécessité impérieuse répondait le décret permettant à certains projets industriels de déroger au code de l’environnement ? Le pays aurait-il été mis en péril si le décret, pris pour plaire au Rassemblement national, visant à priver les travailleurs saisonniers de repos hebdomadaire durant les vendanges, alors que certains meurent de la canicule, n’avait pas été publié ? On peut se poser la même question sur la mise en place du choc des savoirs à la rentrée scolaire par Mme Belloubet, sur l’application de la prime Ségur sans compensation ou sur la suspension de l’examen des dossiers de demandeurs d’asile en provenance de Syrie à la demande de M. Retailleau.
Les gouvernements Attal puis Barnier ont manifestement joué avec un profond cynisme des limites de la Ve République pour faire passer des décrets minoritaires et illégitimes. Pire, le Gouvernement s’est attelé à l’élaboration des budgets de l’État et de la sécurité sociale les plus austéritaires de la Ve République.
Ces décisions politiques ne pouvaient faire l’objet d’aucun recours, puisque le gouvernement démissionnaire ne pouvait pas être censuré et que les capacités de contrôle du Parlement étaient suspendues. Cette situation antidémocratique aurait pu perdurer jusqu’en 2027, car rien n’oblige le Président de la République à nommer un Premier ministre et à mettre fin à un gouvernement démissionnaire. D’ailleurs, si la première période d’expédition des affaires courantes a duré aussi longtemps, c’est parce que M. Macron a remis à plus tard la nomination d’un Premier ministre au prétexte de la trêve olympique, car il n’acceptait pas le résultat des élections. Il a refusé de nommer un Premier ministre issu des rangs du Nouveau Front populaire, pourtant vainqueur des élections, au profit de Michel Barnier et donc des Républicains, qui n’avaient réuni que 6 % des voix aux législatives.
Renforcer le contrôle du Parlement en période d’expédition des affaires courantes est donc une nécessité démocratique. Nous voterons donc le texte.
Toutefois, la proposition de loi est trop peu ambitieuse. Elle permet un recours en annulation, mais ne l’ouvre qu’aux présidents des assemblées parlementaires et aux présidents des commissions permanentes. Nous souhaitons l’étendre à l’ensemble des parlementaires. Elle préserve la capacité du Parlement à être informé, ce qui est bien le minimum, mais ne lui permet pas de débattre ou de contrôler activement l’exécutif pendant une période qui pourrait durer des années, puisque la proposition ne régule en rien ni la durée ni l’étendue des pouvoirs du Gouvernement démissionnaire.
En outre, le texte ne prévoit aucune incompatibilité entre l’exercice de la fonction de ministre et celui du mandat de député. Cela aurait été pourtant bienvenu après la situation inacceptable de l’été dernier : des ministres démissionnaires ont pu participer en tant que députés à l’élection de Mme Braun-Pivet à la présidence de l’Assemblée. Sans leurs dix‑sept voix, elle n’aurait jamais été élue. C’est M. Chassaigne, que je salue, qui aurait dû être notre président.
Enfin, la proposition de loi ne permet pas de donner un cadre législatif à l’expédition des affaires courantes.
C’est sans naïveté que nous voterons en sa faveur. Elle ne fait que colmater les brèches d’une Ve République en fin de vie. Pour sortir des impasses, c’est le mécanisme même des affaires courantes et, plus largement, l’équilibre des pouvoirs qu’il faudrait repenser. Ces derniers mois d’instabilité montrent que nous avons raison depuis des années : comme le demande une majorité de Français, nous devrions nous atteler à l’écriture d’une nouvelle constitution pour passer à une VIe République.
M. Arthur Delaporte (SOC). Au compte rendu du Conseil des ministres du 16 juillet dernier – le jour même où Emmanuel Macron a enfin accepté la démission du Gouvernement Attal après un désaveu massif dans les urnes sept jours plus tôt –, surprise ! Un florilège de nominations : directeur général d’une agence régionale de santé (ARS), directeur de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), directrice générale de l’enseignement scolaire, recteur, conseillers d’État, directrice des affaires civiles et du sceau… Bref, au lendemain de la dissolution et de la défaite électorale la plus cinglante subie sous la Ve République par un président de la République en exercice, le Gouvernement bientôt démissionnaire n’agit pas seulement comme si de rien n’était : il accélère.
Après les élections législatives, le nombre de textes bondit jusqu’à la démission effective du premier ministre. Au 10 juillet, quatre-vingt textes par jour en moyenne avaient été publiés au cours de la semaine précédente, soit quatre fois plus que deux ans auparavant à la même date. Si la situation se stabilise un peu après le 16 juillet, les anomalies perdurent.
Ainsi, à la fin du mois d’août, Gérald Darmanin, alors ministre de l’intérieur démissionnaire, déclasse le poste de directeur de cabinet du préfet de la région Hauts-de-France, préfet de la zone de défense et de sécurité Nord, préfet du Nord pour y nommer son chef de cabinet, alors que celui-ci ne justifiait pas de l’expérience requise pour ce poste. Pourquoi, au cours de ce même mois, Gabriel Attal se permet-il d’envoyer une lettre plafond à sa ministre du travail suggérant une baisse de près de 3 milliards du budget de son ministère ? Pourquoi a-t-on vu autant d’annonces et de lettres de cadrage budgétaire par un gouvernement démissionnaire ? On peut aussi citer la baisse des crédits du fonds Vert. Tous ces actes représentaient évidemment un signal politique fort.
Au même moment, de nombreux ministres démissionnaires, élus députés, ont participé aux scrutins les plus importants de notre assemblée, ce qui n’a pas été sans jeter un trouble sur le principe même de séparation des pouvoirs.
La vie de ministre démissionnaire est étonnante. Certains, croisés sur les routes des Jeux olympiques, nous expliquaient que la visite des centres sportifs relevait de la gestion des affaires courantes. Le premier ministre, élu député des Hauts-de-Seine, publiait quant à lui un décret créant un fichier dénommé « Données opérationnelles de cyberdéfense ».
Si un gouvernement démissionnaire doit se cantonner au traitement des affaires courantes et à la gestion des urgences, c’est parce que, l’Assemblée ne pouvant censurer un gouvernement démissionnaire – « on ne tue pas les morts », selon le mot de Marcel Waline –, la capacité politique du pouvoir exécutif doit être réduite à néant.
Ce texte est donc bienvenu pour tenter d’amorcer un rééquilibrage des pouvoirs entre le Parlement et un gouvernement démissionnaire, même si nous regrettons de ne pas pouvoir appliquer davantage des recommandations judicieuses de la mission flash. Nous aurions ainsi pu envisager plusieurs modifications d’importance, comme l’obligation pour un gouvernement démissionnaire de consulter les commissions parlementaires avant de procéder à des nominations. Nous souhaitons aller plus loin en octroyant aussi aux présidents des groupes déclarés d’opposition un intérêt à agir pour contester les actes d’un gouvernement démissionnaire. Des membres de votre groupe, madame la Rapporteure, n’ont-ils pas déposé un amendement pour ouvrir cette possibilité de contestation à l’ensemble des parlementaires ?
Je vous remercie pour la qualité de votre rapport d’information, qui est d’utilité publique – c’est une question de démocratie.
M. Philippe Gosselin (DR). Contrairement à d’autres orateurs, je ne referai pas le match. Je les rejoins toutefois sur l’essentiel : il faut revoir le contrôle du Parlement en période d’expédition des affaires courantes.
Avant même la démission du Gouvernement, présentée le 8 juillet et acceptée le 16 juillet, dès la dissolution, en réalité, le Gouvernement n’a plus pu réunir l’Assemblée nationale pour voter des textes et il s’est retrouvé, en fait sinon en droit, à expédier les affaires courantes. Ce n’est donc pas de soixante-sept jours qu’il convient de parler, mais de cent jours – une référence historique qui illustre le besoin d’encadrement durant une période, la plus longue que l’on ait connue sous la Ve République, qui rappelle la IIIe ou la IVe République. Sauf que nous ne sommes ni sous la IIIe ni sous la IVe République et que, contrairement à d’autres pays comme le Royaume-Uni, l’Allemagne ou la Belgique, où il n’est pas rare de passer de longs mois sans gouvernement pour préparer une coalition, nous n’avons pas prévu d’encadrement pour ce moment d’instabilité.
Nous nous réjouissons des conclusions du rapport de nos deux collègues et des droits supplémentaires qu’ils proposent.
L’introduction de l’intérêt à agir pour les présidents des assemblées et des commissions permanentes permettra d’accroître le contrôle parlementaire. Il serait bon de l’étendre à chaque parlementaire, de façon individuelle comme est individuel le droit d’amendement, ou au moins aux présidents de groupe. Toutefois, le critère d’appartenance à l’opposition pose trop de difficultés : pour pouvoir se déclarer dans la majorité ou dans l’opposition, il faut que l’Assemblée ait pu se réunir pour constituer ses instances et que le Gouvernement ait été formé.
L’extension du champ des actes contestables va également dans le bon sens. Elle permettra d’éviter des signatures de décrets controversés, des nominations stratégiques dans la haute administration pour ceux qui quittent le navire, même provisoirement, ou encore l’application de normes réglementaires dérogatoires.
On pourrait aller plus loin. Cependant, à ce stade, il n’est pas possible de toucher à la Constitution ; c’est la limite de l’exercice. Mais entre rien – ou si peu – et ce qui est proposé, il y a moyen de faire œuvre utile puisque nous assistons, pour une fois, à une convergence unanime vers l’amélioration de la démocratie et du contrôle du Gouvernement par le peuple, les parlementaires étant les élus de la nation.
M. Jérémie Iordanoff (EcoS). Je salue le travail des rapporteurs sur cette matière importante ; même si le texte proposé est minimaliste et que nous espérons l’améliorer, il vient combler un manque.
L’expérience d’un gouvernement démissionnaire n’était pas inconnue des républiques précédentes, en particulier de la IVe République. Elle est plus rare sous la Ve République, qui donne tout pouvoir au président de la République pour nommer le Premier ministre et former avec lui un Gouvernement. Nous avons pourtant connu en 2024 deux périodes d’expédition des affaires courantes par un gouvernement démissionnaire d’une durée inédite, dont la première est sans doute la plus marquante.
À la suite des élections législatives de juin et juillet 2024, provoquées par une dissolution pour le moins baroque, les ministres du gouvernement Attal ont expédié les affaires courantes du 16 juillet jusqu’à la nomination du nouveau gouvernement, le 21 septembre. C’est donc sous la direction de M. Gabriel Attal d’abord, puis, à compter du 5 septembre, sous la direction de son successeur, M. Michel Barnier, que les affaires courantes ont été expédiées par des gouvernements démissionnaires, soit une période exceptionnelle de soixante-sept jours que rien ne justifiait constitutionnellement. Au lendemain d’élections législatives qu’il avait perdues, il appartenait en effet au président de la République de nommer sans délai un successeur à M. Attal. Au lieu de cela, il a décrété une curieuse et inventive trêve olympique pour se dégager de son devoir et remettre à septembre la nomination du nouveau Premier ministre, en l’occurrence M. Barnier.
Les périodes d’expédition des affaires courantes sont encadrées depuis 1952 par la jurisprudence du Conseil d’État, que l’on peut pour le moins qualifier de compréhensive.
L’article 1er de la proposition de loi octroie un intérêt à agir aux présidents des assemblées parlementaires et aux présidents des commissions permanentes pour effectuer un recours pour excès de pouvoir à l’encontre des actes réglementaires et individuels pris lorsque le gouvernement expédie les affaires courantes. Il semblerait qu’il soit moins-disant par rapport aux propositions formulées par l’ancien président de la section du contentieux du Conseil d’État. Je proposerai un amendement visant à étendre son champ.
L’article 2 prévoit l’information du Parlement sur l’activité du Gouvernement en période d’affaires courantes, ainsi que la remise d’un rapport du nouveau Gouvernement au Parlement établissant le bilan de la période d’expédition des affaires courantes.
Le groupe Écologiste et social se félicite de ces progrès, même timides, du contrôle du Parlement et il votera en faveur du texte.
Mme Blandine Brocard (Dem). À l’été 2024, notre pays a connu une période exceptionnelle de soixante-sept jours d’expédition des affaires courantes, une durée inédite sous la Ve République qui a mis en lumière la stabilité, mais aussi les fragilités de notre système de contrôle démocratique. Si le Gouvernement démissionnaire a globalement respecté le cadre fixé par le Conseil d’État et le secrétariat général du Gouvernement, un point est apparu incontestable : le contrôle parlementaire pourrait favorablement être renforcé pendant cette période.
La période durant laquelle un gouvernement reste aux manettes en disposant d’une liberté d’action très limitée ne peut pas être anodine. Elle surgit dans un moment de suspension institutionnelle durant lequel le Parlement reste garant du bon fonctionnement démocratique. C’est justement parce que cette période de flottement échappe à la normalité que notre vigilance doit être renforcée.
La proposition de loi est le fruit du travail rigoureux et fort utile de nos deux rapporteurs, nourri par la mission d’information flash lancée à l’automne dernier. Son objectif est clair : garantir que, même dans l’entre-deux gouvernemental, le Parlement ne soit jamais relégué au second plan et assure pleinement son rôle de contrôle.
Le texte comporte deux avancées majeures. Premièrement, il reconnaît aux présidents des assemblées et des commissions permanentes un intérêt à agir pour contester un acte réglementaire pris par un gouvernement démissionnaire en dehors du champ des affaires courantes. Il s’agit là d’un progrès démocratique important : permettre au Parlement de faire valoir ses droits devant le juge administratif quand l’exécutif semble outrepasser ses compétences. L’intérêt à agir est une notion fondamentale du droit que le juge administratif n’a jamais reconnu aux parlementaires en leur seule qualité ; il est donc nécessaire que nous y remédiions, tout en limitant ce droit aux plus hautes instances de nos assemblées pour éviter les situations de blocage total et l’encombrement des tribunaux.
Deuxièmement, le texte prévoit l’information systématique du Parlement sur l’activité gouvernementale durant la période. C’est un principe simple mais fondamental, celui de la transparence, malgré quelques dispositions qui nous semblent outrepasser le nécessaire, comme l’information sur les déplacements, les conférences et communiqués de presse, ainsi que la communication systématique des décisions préfectorales de dérogation à des normes arrêtées par l’administration de l’État.
Le groupe Les Démocrates soutiendra pleinement la proposition de loi. Elle ne remet en cause ni la stabilité institutionnelle, ni la continuité de l’État. Elle ne bride pas l’action du Gouvernement démissionnaire là où celle-ci est nécessaire. Elle vise seulement à restaurer un équilibre précieux et vital, celui entre l’exécutif et le législatif, même lorsque le premier est en sursis. Notre démocratie ne saurait s’accorder de zone grise et encore moins de parenthèse.
M. Jean Moulliere (HOR). De manière inédite sous la Ve République, le Gouvernement démissionnaire a expédié les affaires courantes pendant soixante-sept jours à l’été 2024. Il a été capable d’assurer l’expédition des affaires courantes entre le 16 juillet et le 21 septembre en se fondant sur un strict respect de la doctrine élaborée par le secrétariat général du Gouvernement, elle-même fondée sur la jurisprudence du Conseil d’État.
Cette situation inédite a conduit, à la reprise de la session parlementaire, à une mission flash sur le régime des actes administratifs pris par un gouvernement démissionnaire. C’était un travail nécessaire et le groupe Horizons et indépendants a salué cette initiative transpartisane capable de rassembler les groupes parlementaires à propos d’un thème cher à l’ensemble des forces politiques : le respect de l’État de droit.
Notre groupe s’est également réjoui des conclusions rendues par les rapporteurs en décembre 2024. Le gouvernement démissionnaire à l’été 2024 a globalement respecté le périmètre jurisprudentiel des affaires courantes, comme en témoigne l’absence de suspension ou d’annulation par le juge administratif d’un acte au motif que celui-ci aurait excédé le champ d’action d’un gouvernement chargé d’expédier les affaires courantes. Cette réussite est notable sachant que la pratique quotidienne des affaires courantes n’est, fort heureusement, pas si fréquente en France. Le rapport soulignait toutefois la faiblesse du contrôle parlementaire de l’action du gouvernement démissionnaire, une exigence démocratique pourtant fondamentale.
À l’époque, le groupe Horizons et indépendants avait mis en valeur la qualité de ce rapport riche de ressources juridiques et jurisprudentielles. Il en va de même pour sa traduction législative. Les mesures contenues dans la proposition de loi sont nécessaires : en effet, même et surtout en cas de Gouvernement démissionnaire, le Parlement doit continuer d’exercer son contrôle sur l’activité gouvernementale. Ni la séparation des pouvoirs, ni l’équilibre défini par notre Constitution ne cessent parce que le Gouvernement est démissionnaire. Le Parlement est la vigie constitutionnelle du respect du périmètre des affaires courantes.
Pour l’ensemble de ces raisons, notre groupe soutiendra la proposition de loi, en particulier les dispositions prévoyant la remise au Parlement par le nouveau Gouvernement d’un rapport établissant le bilan de la période d’expédition des affaires courantes, lequel permettra un contrôle ex post tout à fait utile.
M. Paul Molac (LIOT). Soixante-sept jours de gouvernement démissionnaire, une absence d’information et de contrôle du Parlement : cette période incertaine, un peu opaque, n’a fait que renforcer le sentiment d’affaiblissement de notre démocratie. Alors qu’un gouvernement démissionnaire est avant tout un gouvernement qui a perdu toute légitimité, il peut continuer à agir, certes dans un périmètre restreint, sans avoir à rendre de comptes ni au Parlement ni aux citoyens. Or, dans le même temps, notre assemblée perd son arme principale : la capacité à le censurer. Ce sujet n’est pas négligeable. En 2024, l’expédition des affaires courantes a donné lieu à l’édiction de 340 décrets et de 1 650 arrêtés en seulement trois mois. On peut dire que l’administration centrale n’a pas chômé !
La proposition de loi doit avant tout protéger le Parlement face à l’action de l’exécutif. Notre groupe soutient une logique d’équilibre. Il est nécessaire de permettre la continuité de l’État et des services publics pour ne pas tomber dans l’impuissance, mais il faut également assurer une juste information des parlementaires. Le texte a le mérite de définir plus précisément les périodes durant lesquelles l’action du Gouvernement est limitée : en cas de démission acceptée par le Président de la République, en cas de censure ou en cas de rejet d’une déclaration de politique générale. Notre groupe aurait souhaité inclure également le cas de la dissolution, car le Gouvernement devrait se cantonner aux affaires courantes en cas d’élections anticipées.
Le texte crée un nouveau régime d’information et de contrôle des assemblées en période d’affaires courantes. La liste des actes du Gouvernement concernés, qui s’inspire du régime de la loi de 1955 relative à l’état d’urgence, redonne toute son utilité au contrôle parlementaire. Nous soutenons également l’article 1er, qui donne intérêt à agir aux présidents des assemblées et des commissions permanentes pour contester la légalité de certains actes devant le juge administratif. Notre groupe a toutefois une réserve : pour préserver les droits des groupes, minoritaires et d’opposition, il est indispensable d’ouvrir l’intérêt à agir à tous les présidents de groupe.
Nous regrettons la modestie du texte en dépit des constats préoccupants de la mission flash. Bien évidemment, nous avons conscience des limites auxquelles sont confrontés les rapporteurs : plusieurs modifications relèvent d’une révision constitutionnelle ou tout simplement de bonnes pratiques. Toutefois, je pense sincèrement qu’il manque un volet sur les devoirs du Gouvernement démissionnaire. Il est bon de rappeler qu’en période d’affaires courantes, les ministres perçoivent toujours leur traitement et qu’ils ne sont pas en vacances. La proposition de loi regarde seulement ce que peut faire un ministre démissionnaire, mais il faudrait aussi s’intéresser à ce qu’il ne doit pas faire. En 2024, de nombreux territoires se sont retrouvés délaissés. Certains députés ultramarins de notre groupe ont alerté sur l’impossibilité d’obtenir ne serait-ce que des informations ou une aide de l’administration centrale pendant cette période. Ce n’est pas acceptable.
Nonobstant ces quelques remarques, notre groupe votera pour le texte.
Mme Léa Balage El Mariky, rapporteure. La définition du Gouvernement démissionnaire est en partie intégrée à l’article 1er, lequel situe le point de départ de la gestion des affaires courantes au moment où la démission du Premier ministre est acceptée ou une motion de censure adoptée. Des voix s’élèvent pour y ajouter la dissolution de l’Assemblée nationale. J’estime que nous pourrions nous pencher sur la question ; sur ce point, je n’ai pas la même approche que Stéphane Mazars. Néanmoins, dans le cas d’élections anticipées, un gouvernement est soumis à la réserve électorale, laquelle n’a pas le même encadrement jurisprudentiel. Il faudrait donc un texte constitutionnel issu d’un dialogue transpartisan pour réformer nos institutions.
À mesure des auditions et de nos déplacements en Belgique et aux Pays-Bas, nous avons acquis la conviction qu’il fallait dédramatiser l’existence d’un gouvernement démissionnaire. En cas de refonte du mode de scrutin incluant l’introduction d’une part de proportionnelle, nous connaîtrons d’autres périodes où le Gouvernement expédie les affaires courantes en attendant la formation d’une coalition plus ou moins majoritaire. Notre rôle n’est pas d’en limiter la durée à quelques jours ou à quelques semaines, ce qui n’aurait pas de sens : ce serait un fusil non chargé que l’on braquerait sur la tempe du Président de la République, puisque celui-ci n’a aucune obligation de nommer un chef de gouvernement dans ce délai. Cela ne renforcerait pas non plus le Parlement. Nous devons surtout mieux accompagner ces périodes afin d’empêcher les actions contraires au principe de séparation des pouvoirs et l’instauration de politiques illibérales en l’absence de contrôle de l’action du Gouvernement.
Concernant ce que peut ou ne peut pas faire un gouvernement démissionnaire, je reprends à mon compte la définition du professeur de droit constitutionnel Denis Baranger, selon qui un gouvernement démissionnaire n’a plus aucune compétence hormis par exception, c’est-à-dire pour la gestion des affaires courantes ou des affaires urgentes. Un gouvernement démissionnaire n’a pas plus de compétences qu’un gouvernement ordinaire ; il a, au contraire, moins de possibilités. En revanche, il était jusqu’à présent soumis à un contrôle parlementaire moindre. Le texte apporte des briques de contrôle supplémentaires.
Au cours de la période entre la démission du Premier ministre et son acceptation, des actes ont été pris qui ne relevaient pas des affaires courantes – et qui, à mon sens, auraient pu en relever, mais c’est un autre débat. De ce fait, les commissions permanentes auraient dû effectuer plus d’auditions et maintenir des relations avec le Gouvernement pour lui demander des comptes. Comme l’a rappelé Stéphane Mazars, des auditions se sont tenues durant la deuxième période de gouvernement démissionnaire, à la fin de l’année 2024, pour tenir compte des recommandations que nous avions formulées.
Le contrôle de la légalité des actes est un volet important de la proposition de loi. Plusieurs amendements proposent de modifier le périmètre de l’intérêt à agir. Selon la jurisprudence, ont intérêt à agir les personnes ayant un lien – ou les associations dont les statuts justifient ce lien – avec l’affaire qu’elles portent devant le juge administratif. La loi est déjà intervenue pour reconnaître l’intérêt à agir ès-qualité de certains acteurs. Si nous adoptions la proposition de loi, il serait également octroyé aux parlementaires dans le cadre d’un régime dérogatoire.
M. Philippe Gosselin rappelait que le droit d’amendement est individuel. Cependant, selon l’article 24 de la Constitution, le contrôle de l’action du Gouvernement relève de l’institution. C’est à elle qu’il revient de défendre l’État de droit et la séparation des pouvoirs ; de ce fait, nous proposons de réserver le contrôle de la légalité des actes administratifs pris par le gouvernement démissionnaire à des acteurs institutionnels. Je suis d’accord pour dire qu’il n’y a pas lieu de distinguer les groupes politiques en fonction de leur appartenance ou non à l’opposition. Si le Gouvernement est démissionnaire, c’est justement parce que l’équilibre politique a changé.
M. Stéphane Mazars, rapporteur. Plusieurs orateurs ont cité les conditions dans lesquelles certains actes ont été pris par des ministres démissionnaires lors de la période écoulée. Même si je ne partage pas toujours le fond de la critique, elle montre la nécessité pour le Parlement d’exercer un contrôle au fil de l’eau.
On nous reproche un texte minimaliste. Je rappelle que le rapport de la mission flash a formulé des propositions de trois ordres : certaines, ambitieuses, relèvent d’une loi constitutionnelle ; d’autres recommandent des bonnes pratiques, dont celle consistant à maintenir les séances de questions au Gouvernement, recommandation qui a été suivie d’effet puisqu’une séance de questions au Premier ministre a eu lieu au mois de décembre ; les dernières figurent dans la proposition de loi ordinaire. Le texte s’inscrit dans un ensemble visant à faire du Parlement un outil de contrôle plus efficace.
Il est inutile de s’enfermer dans un délai, puisque l’article 8 de la Constitution n’en impose pas au Président de la République pour nommer un Premier ministre. Ce serait même contradictoire avec un changement du mode de scrutin qui introduirait une part de proportionnelle. Il faut au contraire faire de cette période un temps utile pour que les groupes politiques de l’Assemblée nationale discutent des coalitions possibles et s’accordent sur un programme afin de parvenir à une démocratie parlementaire plus efficiente, comme l’a rappelé Vincent Caure, sur le modèle de ce que nous avons constaté lors de nos déplacements en Belgique et aux Pays-Bas.
Article 1er : (art. 4 octies [nouveau] de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires) Octroi d’un intérêt à agir en période d’expédition des affaires courantes
Amendements CL1 de M. Jérémie Iordanoff, CL4 de Mme Gabrielle Cathala, CL2 de Mme Marie-France Lorho, amendements identiques CL5 de M. Jean-François Coulomme et CL10 de M. Paul Molac, amendement CL18 de M. Arthur Delaporte (discussion commune)
M. Jérémie Iordanoff (EcoS). L’amendement du groupe Écologiste et social introduit dans le présent texte le dispositif prévu dans la proposition de loi n° 756 relative à l’intérêt à agir des parlementaires. De jurisprudence constante, le Conseil d’État estime qu’un parlementaire n’a pas, en cette seule qualité, intérêt à agir contre les actes administratifs, y compris contre le refus du pouvoir réglementaire d’édicter un décret d’application d’une loi pourtant votée par le Parlement et promulguée par le Président de la République. Citons notamment l’arrêt Masson du 23 novembre 2011.
Alors que les membres d’une assemblée délibérante locale ont intérêt à agir contre les actes de l’exécutif local, alors que soixante députés ou sénateurs peuvent déférer au Conseil constitutionnel une loi votée avant sa promulgation, le prétoire du juge administratif demeure fermé aux parlementaires, à moins de se prévaloir d’une autre qualité, ce qui aboutit soit à des situations ubuesques, soit à un déni de justice. On peut citer à cet égard l’arrêt Dosière du 26 avril 2013 sur un acte inconstitutionnel, car non contresigné, du Président de la République Nicolas Sarkozy.
C’est la raison pour laquelle l’ancien président de la section du contentieux du Conseil d’État, M. Daniel Labetoulle, avait proposé de faire évoluer la jurisprudence en reconnaissant aux parlementaires un intérêt à agir contre les actes administratifs de nature à méconnaître les compétences et prérogatives liées aux fonctions normatives et de contrôle du Parlement. L’amendement reprend cette proposition, qui donne au dispositif initial une portée plus large.
Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). L’amendement CL4 propose d’étendre l’intérêt à agir à l’ensemble des députés et des sénateurs au lieu de le limiter aux présidents des assemblées parlementaires et aux présidents de leurs commissions permanentes. Il faut aussi prendre en compte les députés non-inscrits.
Mme Marie-France Lorho (RN). L’amendement CL2 vise à octroyer un intérêt à agir à soixante députés et soixante sénateurs en plus des personnes déjà prévues. Les exclure de la possibilité de former un recours contrevient au respect de la représentativité de l’Assemblée nationale dans une période politiquement délicate.
Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). L’amendement CL5, de repli, ajoute les présidents des groupes politiques des assemblées parlementaires.
M. Paul Molac (LIOT). L’amendement CL10, identique au précédent, entend briser l’entre soi qui risque de prévaloir si nous nous en tenons à la rédaction actuelle. Souvenez-vous : entre 2012 et 2017 comme entre 2017 et 2022, le président de l’Assemblée et les présidents des commissions permanentes – le président de la commission des finances mis à part, bien sûr – étaient tous de la même couleur politique.
M. Arthur Delaporte (SOC). L’amendement CL18 vise à ajouter les présidents des groupes parlementaires d’opposition, chaque groupe étant libre de se déclarer dans l’opposition ou dans la majorité. Le recours pour excès de pouvoir serait ainsi ouvert à ceux qui contestent la politique menée par le Gouvernement chargé des affaires courantes. Il s’agit d’un amendement de repli – ma préférence va à une extension à l’ensemble des parlementaires, comme le propose M. Iordanoff.
En dehors des périodes d’exécution des affaires courantes, nous devons plus largement nous poser la question de l’intérêt à agir des parlementaires face à des décrets d’application portant sur des dispositions législatives dont ils ont eu l’initiative. Rappelons que Dominique Potier s’est vu opposer une absence d’intérêt à agir alors que son recours devant le Conseil d’État avait pour objet un décret travestissant une disposition législative issue de l’un de ses amendements.
Mme Léa Balage El Mariky, rapporteure. Bien que l’amendement de M. Iordanoff s’appuie sur une proposition de loi que j’ai cosignée, je lui demanderai de bien vouloir le retirer. Il entend faire entrer dans le périmètre des actes administratifs donnant lieu à recours les « actes d’un gouvernement démissionnaire excédant manifestement les prérogatives d’un tel gouvernement ». Or la présente proposition va plus loin : elle ne limite pas ce périmètre de la sorte et ne pose aucune limitation aux moyens susceptibles d’être soulevés ; elle prévoit simplement pour les présidents des assemblées parlementaires et les présidents de leurs commissions permanentes la possibilité d’interroger la légalité de certains actes pris par un gouvernement expédiant les affaires courantes.
L’idée d’ouvrir la possibilité de déposer un recours à soixante députés ou à soixante sénateurs s’inspire des modalités de saisine du Conseil constitutionnel par les parlementaires. Or ce sont deux choses différentes. La possibilité de former un recours dépend ici de la qualité même de parlementaire et non du nombre de requérants. L’intérêt à agir s’apprécie en fonction du lien entre l’acte contesté et l’institution parlementaire.
S’agissant de la possibilité d’intégrer les présidents de groupe dans le champ des parlementaires auxquels serait octroyé un intérêt à agir, je rappellerai que le contrôle de l’action du Gouvernement est une prérogative du Parlement en tant qu’institution et non un pouvoir que détiendraient les députés, contrairement audroit d’amendement dont ils disposent à titre individuel. L’article 24 de la Constitution est clair sur ce point. Nous pourrions toujours le modifier, mais ce n’est pas l’objet de ce texte.
Par ailleurs, j’estime qu’il n’y a pas lieu de restreindre l’intérêt à agir à des groupes appartenant soit à l’opposition, soit à la majorité. Entre 2012 et 2017, les périodes durant lesquelles les gouvernements démissionnaires ont expédié les affaires courantes ont très peu duré. Il faut en outre prendre en compte un angle mort de vos réflexions : au Sénat, les groupes appartenant à l’opposition et à la majorité ne sont pas forcément les mêmes qu’à l’Assemblée.
Je demande donc le retrait de l’amendement CL1 et suis défavorable aux autres.
M. Stéphane Mazars, rapporteur. Nous avons voulu ouvrir la possibilité de contester certains actes pris par les gouvernements démissionnaires au Parlement en tant qu’institution. C’est la raison pour laquelle nous avons restreint l’intérêt à agir aux présidents des assemblées parlementaires et aux présidents de leurs commissions permanentes. Nous sommes défavorables à la prise en compte des présidents de groupe, car nous tenons à écarter toute dimension politique. Il ne faudrait pas rejouer devant la juridiction administrative le match perdu sur le terrain politique. Si les recours sont de nature politique, les décisions de justice seront susceptibles d’être critiquées, ce qui risque d’affaiblir notre État de droit.
M. le président Florent Boudié. Rappelons que le président ou la présidente de la commission des finances appartient à un groupe de l’opposition.
M. Jérémie Iordanoff (EcoS). Certes, mon amendement limite le périmètre des actes pouvant faire l’objet d’un recours, mais il octroie l’intérêt à agir à l’ensemble des parlementaires, ce qui nous paraît logique. La rédaction actuelle de l’article 1er me semble très restrictive, notamment parce qu’elle n’intègre pas les actes pris par un gouvernement non démissionnaire. Je suis toutefois prêt à le retirer en vue de la séance, mais voterai pour tout amendement visant un élargissement de la saisine, sauf ceux prévoyant une ouverture aux présidents d’un groupe de l’opposition, notion difficile à déterminer et appelée à varier.
L’amendement CL1 est retiré.
M. le président Florent Boudié. Entre juillet et septembre 2024, les frontières entre l’opposition et la majorité étaient en effet fluctuantes.
M. Arthur Delaporte (SOC). Déterminer si l’on appartient ou non à l’opposition ne relève pas forcément de l’instrumentalisation politique. L’été dernier, les Républicains s’étaient déclarés groupe d’opposition du fait même qu’ils n’appartenaient pas au Gouvernement. Il peut s’agir simplement de marquer une position par rapport à ceux qui prennent des actes administratifs. Élargir l’intérêt à agir à l’ensemble des présidents des groupes parlementaires me semble une bonne solution. Loin de favoriser les guérillas politiques, une telle ouverture renforcerait notre capacité à empêcher les abus et l’arbitraire. Le juge saura apprécier l’intérêt à agir.
Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Il y a aussi une question de temporalité. Prenons l’exemple du mois de juillet 2024 : les députés ont été élus le 7, la présidente de l’Assemblée et les présidents des commissions le 19 et le 20. Autrement dit, si la rédaction actuelle avait été en vigueur, personne n’aurait déposé de recours avant le 20 juillet. Il est en effet fort peu probable que Mme Braun-Pivet et M. Larcher, du fait de leur appartenance à la majorité – on ne peut pas dire que les LR soient dans l’opposition –, eussent fait droit aux demandes émanant des parlementaires de saisir le Conseil d’État. Je suis donc favorable à une extension à l’ensemble des parlementaires, qui permet en outre de prendre en compte les députés non-inscrits – si M. Sacha Houlié était là, ce serait intéressant.
M. le président Florent Boudié. Votre remarque sur les délais est très juste.
M. Paul Molac (LIOT). La rédaction actuelle risque de laisser prédominer la monochromie : si le président ou la présidente de l’Assemblée et les présidents des diverses commissions appartiennent à la majorité, seul le président – ou la présidente – de la commission des finances sera enclin à effectuer un recours. Cela dit, l’extension à tous les présidents des groupes politiques ne serait pas forcément de nature à favoriser la saisine, car en cas de dissolution, il n’y a plus de députés, donc plus de groupes politiques !
M. le président Florent Boudié. L’ajout des présidents de groupe rapprocherait le périmètre de la composition de la conférence des présidents.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Je vous remercie, monsieur Iordanoff, d’avoir retiré votre amendement.
Monsieur Delaporte, qui peut le plus peut le moins : si l’octroi de l’intérêt à agir est étendu à l’ensemble des présidents des groupes parlementaires, ceux de l’opposition seront forcément pris en compte et les difficultés liées à cette notion fluctuante ne se poseront pas.
Madame Cathala, vous signalez un angle mort dans la réflexion sur les délais. Si les délais de recours pour excès de pouvoir s’élèvent à deux mois après la publication de l’acte contesté, il arrive qu’il faille intervenir dans un temps plus court pour obtenir la suspension d’un acte illégal pris par un gouvernement démissionnaire qui aurait outrepassé ses prérogatives. Je tiens à vous rassurer : ce n’est pas parce que l’intérêt à agir n’est pas octroyé à l’ensemble des parlementaires que les actes en cause ne peuvent faire l’objet d’un contentieux devant le juge administratif. Les citoyens lésés ou des associations sont autorisés à déposer des recours en faisant valoir leur intérêt à agir. Nous sommes dans un État de droit et un acte manifestement illégal pourra toujours faire l’objet de recours déposés par des citoyens et des citoyennes – s’agissant de recours initiés par des parlementaires il est même arrivé que le Conseil d’État, par une série de circonvolutions, s’attache directement à traiter du fond.
M. le président Florent Boudié. Si je résume vos positions sur les amendements, madame la rapporteure, vous vous en remettez à la sagesse de la commission sur les amendements identiques CL5 et CL10 et vous demandez le retrait des autres amendements.
La commission rejette successivement les amendements CL4 et CL2.
Puis elle adopte les amendements identiques CL5 et CL10.
En conséquence, l’amendement CL18 tombe.
La commission adopte successivement les amendements CL11, de coordination, et CL12, de précision, de Mme Léa Balage El Mariky, rapporteure.
Elle adopte l’article 1er modifié.
Article 2 : (art. 5 quater [nouveau] de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires) Renforcement du contrôle du Parlement en période d’expédition des affaires courantes
Amendements CL13 de M. Stéphane Mazars et CL9 de M. Jean-François Coulomme (discussion commune)
M. Stéphane Mazars, rapporteur. L’amendement CL13 est rédactionnel.
La commission adopte l’amendement CL13.
En conséquence, l’amendement CL9 tombe.
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL14 et CL15 ainsi que l’amendement de précision CL16 de M. Stéphane Mazars, rapporteur.
Amendement CL17 de M. Stéphane Mazars et CL3 de Mme Marie-France Lorho (discussion commune)
M. Stéphane Mazars, rapporteur. L’amendement CL17 est le pendant de l’amendement CL11 adopté à l’article 1er. Il supprime la transmission obligatoire et sans délai de certains types de document.
Mme Marie-France Lorho (RN). L’amendement CL3 prévoit de supprimer l’obligation faite au nouveau Gouvernement de remettre au Parlement un rapport établissant le bilan de la période d’expédition des affaires courantes qui a précédé. Il n’a pas à être tenu responsable des actions entreprises par le Gouvernement démissionnaire.
M. Stéphane Mazars, rapporteur. Avis défavorable. Nous tenons au maintien de ce rapport. Un gouvernement démissionnaire, par définition, ne peut le transmettre puisqu’il n’a plus d’existence dès lors qu’est formé un nouveau Gouvernement. Celui-ci sera aidé dans sa tâche par le secrétariat général du Gouvernement.
La commission adopte l’amendement CL17.
En conséquence, l’amendement CL3 tombe.
Amendement CL7 de M. Jean-François Coulomme
Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Nous souhaitons garantir la possibilité pour les députés et les sénateurs de poser des questions écrites et orales à un gouvernement démissionnaire pendant la période d’expédition des affaires courantes. L’été dernier, alors que cette période a duré plus de soixante jours, il était impossible d’accéder à l’interface des questions écrites ; il aurait pourtant été légitime d’interroger le Gouvernement sur la gestion des Jeux olympiques et l’actualité internationale. Ce Gouvernement démissionnaire a même exercé des compétences ne relevant pas de l’expédition des affaires courantes : outre certaines nominations importantes et certains décrets, citons la préparation du budget le plus austéritaire qu’ait connu notre pays depuis plus de trente ans.
M. Stéphane Mazars, rapporteur. Le maintien du dépôt des questions écrites et des séances de questions au Gouvernement pendant la période d’expédition des affaires courantes faisait partie des recommandations de notre mission flash. Nous pouvons penser que cela n’a pas été sans influence sur l’organisation quelques jours plus tard d’une séance inédite de questions au Premier ministre, en l’occurrence M. François Bayrou, qui venait d’être nommé mais n’avait pas encore formé son Gouvernement. Toutefois, le principe d’autonomie des assemblées parlementaires nous empêche de procéder à de telles modifications par la loi. Il faudrait passer par une réforme du règlement des assemblées parlementaires. Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président Florent Boudié. L’organisation d’une séance de questions au Premier ministre a été le fruit d’une décision de la conférence des présidents, décision formelle mais qui n’était pas encadrée par une règle.
Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Je maintiens cet amendement : c’est l’un des seuls que nous ayons déposés à avoir échappé à l’irrecevabilité.
M. Arthur Delaporte (SOC). Nous ne pouvons que souscrire au principe posé dans cet amendement. Il importe qu’un gouvernement démissionnaire puisse rendre des comptes en temps réel sur son action, notamment devant le Parlement, ne serait-ce que sous la forme minimale de réponses aux questions écrites et orales. Je note que, l’année dernière, entre les deux législatures de notre assemblée, le Gouvernement en exercice n’est pas venu devant le Sénat pour répondre aux questions des sénateurs, dont le mandat était pourtant toujours en cours. L’adoption de cet amendement serait un signal : nous verrions bien si le Conseil constitutionnel le censure.
Mme Elsa Faucillon (GDR). L’exigence d’un contrôle de l’action du Gouvernement démissionnaire est d’autant plus forte que la période d’expédition des affaires courantes est longue. Plus elle dure, plus il est amené à prendre des décisions importantes. Il faut, à mon sens, donner la priorité à une limitation de cette période, sans aller toutefois jusqu’aux cinq jours précédemment proposés dans l’amendement CL9 de nos collègues. Toutefois, je voterai pour cet amendement, car c’est la seule possibilité qu’il nous reste.
M. Stéphane Mazars, rapporteur. Si, demain, le mode de scrutin aux élections législatives comporte une part de proportionnelle et que, à l’issue des élections, la composition de l’Assemblée est, peu ou prou, la même qu’aujourd’hui, il faudra laisser aux groupes le temps de discuter d’une éventuelle coalition et de son programme. Il paraît donc difficile de limiter la durée de la période d’expédition des affaires courantes. En tout état de cause, dans sa rédaction actuelle, l’article 8 de la Constitution n’impose aucun délai au Président de la République pour nommer le Premier ministre.
Quant à la possibilité pour les parlementaires de poser des questions au Gouvernement durant cette période, elle est prévue à l’article 4 de notre proposition de loi constitutionnelle visant à renforcer le Parlement en période d’expédition des affaires courantes. Je ne peux donc que vous inviter à demander à vos groupes respectifs de réclamer l’inscription de ce texte à l’ordre du jour de notre assemblée.
Avis défavorable.
Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Dans son dernier alinéa, l’article 48 de la Constitution dispose : « Une séance par semaine au moins, y compris pendant les sessions extraordinaires prévues à l'article 29, est réservée par priorité aux questions des membres du Parlement et aux réponses du Gouvernement. » L’amendement CL7 ne me semble donc pas inconstitutionnel.
Au demeurant, il est assez piquant de m’opposer cet argument après avoir adopté, sans que cela gêne personne, des dispositions inconstitutionnelles dans le cadre du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration ou de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic. Je maintiens donc l’amendement et, s’il est adopté, je laisserai soixante sénateurs LR saisir M. Ferrand pour vérifier sa constitutionnalité.
Mme Léa Balage El Mariky, rapporteure. Il ne faudrait pas que la proposition de loi contrevienne au principe d’autonomie des assemblées en interférant avec l’organisation du Sénat.
L’article 48 dispose bien que les parlementaires doivent pouvoir interroger le Gouvernement, quand bien même celui-ci serait démissionnaire. Nous avons donc choisi d’aborder cette question dans l’article 4 de notre proposition de loi constitutionnelle afin que chaque assemblée puisse s’organiser comme elle l’entend.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’article 2 modifié.
Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.
*
* *
Puis, la Commission examine, selon la procédure de législation en commission, la proposition de loi visant à valoriser la réserve communale de sécurité civile (n° 948) (M. Didier Lemaire, rapporteur).
M. le président Florent Boudié. Je rappelle que M. Lemaire avait déposé, sous la précédente législature, une proposition de loi identique à celle que nous examinons. Celle-ci avait été adoptée par notre commission en mars 2024, puis inscrite à l’ordre du jour de la journée réservée au groupe Horizons. Mais, faute de temps, elle n’avait pas pu être examinée en séance publique. Or, du fait de la dissolution, elle est devenue caduque. M. Lemaire l’a donc redéposée et a obtenu qu’elle soit de nouveau inscrite à l’ordre du jour de la journée réservée à son groupe – cette fois, en première position !
Le texte ayant déjà été discuté en commission, le temps de parole de chaque orateur inscrit dans la discussion générale sera limité à deux minutes.
M. Didier Lemaire, rapporteur. L’année dernière, notre commission avait adopté à une large majorité cette proposition de loi. Faute de temps, elle n’avait, hélas ! pas pu être discutée en séance publique. Forts de notre détermination et d’une certaine constance, nous vous proposons donc de reprendre nos travaux là où nous les avons laissés.
Je remercie mon groupe de donner une seconde chance à un texte dont l’ambition est simple : mieux reconnaître et renforcer l’action des réserves communales de sécurité civile.
Notre commission se saisit régulièrement des enjeux liés à la sécurité civile ; je pense, par exemple, à la loi visant à consolider notre modèle de sécurité civile et à valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels du 25 novembre 2021, dite loi Matras, ou, plus récemment, à la proposition de loi de notre collègue Yannick Chenevard visant à reconnaître le bénévolat de sécurité civile, que notre assemblée a adoptée il y a presque exactement un an. J’ai également eu l’honneur d’être le rapporteur de la mission d’information sur les capacités d’anticipation et d’adaptation de notre modèle de protection et de sécurité civiles. Nos débats feront écho à ses travaux, menés sous la présidence de notre collègue Lisa Belluco entre 2023 et 2024.
La proposition de loi porte sur une composante encore trop méconnue de notre modèle de sécurité civile : les réserves communales. Présentes dans moins de 700 communes, elles sont pourtant un élément indispensable de notre capacité locale de réponse aux crises. Composées de bénévoles mobilisables afin de soutenir les services de secours et placées sous l’autorité des maires, elles interviennent lors de situations d’urgence mais aussi en amont des crises, dans le cadre d’actions de prévention ou d’information du public. Leur force réside dans leur ancrage territorial, leur souplesse et l’engagement citoyen.
Le texte vise à lever plusieurs freins identifiés sur le terrain.
Ainsi, l’article 1er tend à supprimer le plafond annuel de quinze jours ouvrables d’activité actuellement applicable aux réservistes. Cette limite, rigide et parfois inadaptée, sera remplacée par une durée fixée contractuellement, selon les besoins du terrain et les disponibilités des réservistes.
L’article 2 a pour objet de réduire à vingt-quatre heures, en cas de crise majeure, le délai dont dispose l’employeur pour notifier un refus à un salarié souhaitant se mobiliser. Ce mécanisme vise à garantir un déploiement rapide des réserves sans remettre en cause le principe de continuité de l’activité économique puisque l’employeur pourra toujours s’opposer à l’engagement du bénévole durant son temps de travail.
Les articles 3 et 4 offrent la possibilité de faire reconnaître, dans un cadre scolaire ou universitaire, les compétences acquises par les jeunes engagés dans une réserve communale de sécurité civile (RCSC). Cette valorisation de l’engagement s’inspire des dispositifs existant pour d’autres réserves. Je défendrai d’ailleurs un amendement rédactionnel à l’article 3 afin de mieux adapter cette reconnaissance aux spécificités du cadre scolaire.
Ce texte, modeste par sa portée mais concret par ses effets, entend faciliter l’engagement local au service de la sécurité civile et de la protection des populations pour faire face aux crises majeures et aux menaces de toute nature. Il s’inscrit dans une logique de pragmatisme, de responsabilité et de confiance envers les élus locaux et les citoyens. Je forme le vœu qu’il puisse à nouveau recueillir un large soutien et franchir une nouvelle fois cette étape décisive vers son adoption.
M. le président Florent Boudié. Nous allons entendre les orateurs des groupes.
M. Julien Rancoule (RN). Sauf retournement de situation, l’examen de cette proposition de loi – qui n’avait pas pu être discutée en séance publique l’an dernier en raison de l’obstruction du groupe La France insoumise – devrait, cette fois, aller à son terme.
Les réserves communales de sécurité civile, créées par la loi de modernisation de la sécurité civile de 2004, restent trop peu nombreuses, puisqu’on en compte seulement quelques centaines pour plus de 35 000 communes. Aussi est-il nécessaire d’assouplir et de rendre plus attractif le cadre dans lequel elles s’inscrivent – c’est l’objet de la proposition de loi – et de mieux les faire connaître des maires et de la population, comme nous le proposerons par l’un de nos amendements, adopté l’an dernier.
Néanmoins, les réserves communales ne doivent pas devenir un acteur supplémentaire fonctionnant de manière isolée. En effet, le cloisonnement des différents moyens de secours est l’un des principaux défauts de notre modèle de sécurité civile. Nous proposerons donc d’améliorer leur interconnexion. Ainsi nous paraît-il utile de préciser que le commandant des opérations de secours (COS) est le coordinateur opérationnel de l’ensemble des moyens de sécurité civile, y compris des réserves communales, lors des événements de grande ampleur. Plus largement, il conviendrait d’étudier le principe d’une réserve départementale de sécurité civile englobant les réserves communales, la réserve citoyenne du service départemental d’incendie et de secours (Sdis) ainsi que les associations agréées, afin d’améliorer la coordination et de favoriser une gestion mutualisée des moyens.
Nous appelons de nos vœux des échanges constructifs qui permettent d’enrichir le texte au bénéfice de nos bénévoles et de la sécurité des Français.
M. Yannick Chenevard (EPR). Je remercie Didier Lemaire de nous permettre de développer, d’améliorer et de renforcer notre modèle de sécurité civile, qui est unique au monde.
Les quatre dernières années ont confirmé un constat largement partagé : les crises se multiplient et s’intensifient. Aux tensions géopolitiques s’ajoutent les conséquences sans cesse plus visibles et plus destructrices du changement climatique. En ces temps troublés, nous devons renforcer la résilience de la société, notamment en incitant nos concitoyens à s’impliquer davantage dans les dispositifs de sécurité civile. C’est la raison pour laquelle le groupe EPR accueille très favorablement cette proposition de loi.
Au plus près du terrain, les maires peuvent s’appuyer sur les plans communaux et intercommunaux de sauvegarde (Pics) depuis la loi de 2004, qui leur permet également, s’ils le souhaitent, de créer une réserve communale de sécurité civile. Ce texte, qui vient en discussion après l’adoption à l’unanimité de ma proposition de loi visant à reconnaître le bénévolat de sécurité civile, tend à renforcer davantage encore la reconnaissance des bénévoles par la société. Nous avons le devoir de nous rassembler autour de ces enjeux en votant de nouveau de manière unanime.
M. Bérenger Cernon (LFI-NFP). Notre groupe souscrit à la nécessité de renforcer la réserve communale de sécurité civile et de mieux reconnaître l’engagement citoyen dans ce domaine. Face à l’intensification des risques climatiques, nous aurons besoin de toutes les forces disponibles.
Grâce à la mobilisation citoyenne, à l’engagement bénévole et à la solidarité qui s’y exprime, les réserves communales peuvent jouer un rôle d’appui auprès des services de secours. Mais il est de notre responsabilité de ne pas laisser croire que ce texte, certes utile, réglera les problèmes structurels de notre sécurité civile.
Les réserves communales sont, c’est vrai, trop faibles. Mais les services de sécurité civile sont, quant à eux, à bout de souffle : les incendies de l’été 2022 ont mis en lumière les failles du système, qui pâtit d’un manque d’effectifs et de matériels, mais aussi et surtout, d’anticipation.
Nous soutiendrons toutes les mesures qui permettront de mieux encadrer, former et valoriser les réserves communales de sécurité civile. En revanche, nous refusons que la proposition de loi serve de cache-misère. La reconnaissance de l’engagement bénévole ne saurait être l’arbre qui cache la forêt, à savoir un sous-investissement chronique et ancien dans la sécurité civile. Il y va de la justice sociale et de la souveraineté nationale face aux risques climatiques.
La réserve communale de sécurité civile doit rester un atout ; elle ne doit pas être un supplétif de l’État dans la lutte contre le réchauffement climatique et dans le développement de la sécurité civile.
Mme Sophie Pantel (SOC). Je remercie Didier Lemaire, que je sais soucieux de sensibiliser et de mobiliser les populations dans le cadre de la gestion des risques.
Les réserves communales de sécurité civile, créées en 2004, sont encore trop peu nombreuses. Or elles présentent l’avantage de mobiliser des citoyens qui connaissent parfaitement le territoire et, en tant qu’outil de mobilisation civique, elles font vivre une des valeurs de la République : la solidarité. Toutes les mesures qui encouragent cet élan solidaire, notamment en levant des freins ou en simplifiant, doivent donc être soutenues.
L’engagement bénévole ne doit pas nous faire oublier les besoins des autres composantes de la sécurité civile, mais il en est un élément indispensable.
Nous devons travailler ensemble pour assurer la cohérence des dispositifs existants avec les travaux en cours, qu’il s’agisse du Beauvau de la sécurité civile ou de la stratégie de gestion des crises que l’Union européenne annoncera cette semaine.
Nous comptions défendre des amendements visant à préciser la nature des activités à accomplir au titre de la réserve de sécurité civile et à introduire la notion de formation qualifiante, mais nous n’avons pas pu les déposer.
M. Éric Pauget (DR). Accompagner au maximum la mobilisation de tous les acteurs de la société civile afin de préserver notre patrimoine et de protéger les populations : tel est l’objet de la proposition de loi, qui tend à renforcer la réserve communale de sécurité civile en faisant évoluer ses capacités d’anticipation et d’adaptation. Il s’agit de revaloriser le dispositif en le rendant plus flexible et plus attractif.
Comment ne pas être favorable à une plus grande flexibilité des réserves communales, qui leur permettra d’être plus efficaces ? Comment ne pas être favorable à la possibilité offerte, par l’article 1er, à l’autorité de gestion ainsi qu’aux réservistes de choisir ensemble la durée des activités, sans fixer ni plancher, ni plafond ? Comment, enfin, ne pas être favorable à la diminution du délai de notification par l’employeur de son refus de libérer son employé réserviste en cas d’urgence, prévue à l’article 2, ou à la validation des compétences et aptitudes acquises par les réservistes, qui valorise leur engagement et facilite leur insertion professionnelle ?
Le texte va globalement dans le bon sens ; il est fidèle à l’esprit qui a présidé à la création des réserves communales, qui visait à pallier le manque de personnel communal. Toutefois, les députés du groupe DR estiment qu’il conviendrait, en amont, de permettre à davantage de communes de se doter d’un tel dispositif et de mieux structurer la coordination avec les autres acteurs de la sécurité civile : pompiers, associations, sécurité civile nationale.
Parce que son objet dépasse largement les réflexes partisans, nous voterons pour la proposition de loi.
Mme Sandra Regol (EcoS). Les mesures qui favorisent la création des réserves communales de sécurité civile et qui encouragent les citoyens à s’y engager sont, par principe, accueillies favorablement par le groupe Écologiste et social.
Cependant, la faible utilisation de ces réserves – on en compte une pour cinquante communes – nous conduit à nous interroger sur l’attractivité du dispositif et sur sa connaissance par les collectivités concernées. Au demeurant, le fait que ces dernières assument la charge financière des réserves communales pourrait expliquer leur faible nombre, alors que le gouvernement ne cesse de s’attaquer aux finances des collectivités locales. Par ailleurs, il serait bon que nous disposions de données sur l’efficacité du dispositif là où il a été installé, sur son évaluation et sur le nombre de réservistes.
L’implication des Françaises et des Français dans la sécurité civile ne doit pas se limiter à la participation de quelques personnes à une réserve communale. Il est nécessaire de créer une formation annuelle obligatoire aux gestes de secours dans les établissements scolaires, les entreprises, les administrations et les associations, afin de diffuser très largement ces savoirs et d’actualiser régulièrement la capacité à réagir en cas de besoin – nous sommes, je le sais, d’accord sur ce point.
Si l’implication des citoyens est essentielle pour faire tenir notre modèle de sécurité civile, il ne faudrait pas que l’accroissement de leur participation serve de justification au retrait progressif de l’État de sa mission de protection et à l’absence de consolidation des deux premiers piliers de la sécurité civile. D’autant que les besoins d’investissement dans une sécurité civile disposant de davantage de moyens humains et mieux équipée ne cessent d’augmenter à mesure que les conséquences du réchauffement climatique se font de plus en plus concrètes.
Pour les écologistes, les trois piliers de la sécurité civile doivent être renforcés de manière globale et cohérente, non pas par de petites propositions de loi mais par un texte de grande ampleur qu’il est de la responsabilité du gouvernement de proposer.
M. Loïc Kervran (HOR). Je veux saluer l’engagement passé de Didier Lemaire en tant que sapeur-pompier, sa persévérance s’agissant de cette proposition de loi et le travail qu’il a accompli dans le cadre de la mission d’information sur les capacités d’anticipation et d’adaptation de notre modèle de protection et de sécurité civiles.
L’intensification des phénomènes climatiques, sanitaires et, demain peut-être, militaires renforce l’exigence d’y réagir de manière rapide et coordonnée grâce à une mobilisation de plus en plus large des pompiers, des urgentistes et des secouristes mais aussi des réserves communales de sécurité civile. De fait, ces dernières remplissent des missions essentielles, qu’il s’agisse d’informer et de sensibiliser la population ou d’apporter un soutien logistique et opérationnel aux services de secours.
La proposition de loi est donc bienvenue puisqu’elle vise, d’une part, à renforcer la capacité de mobilisation rapide des réserves communales de sécurité civile et, d’autre part, à étendre les possibilités pour les étudiants qui y sont engagés de valider les compétences qu’ils y ont acquises. Du reste, de nombreux profils gagneraient à se voir proposer cette option d’engagement.
Notre groupe forme le souhait que la question cruciale de l’amélioration de la gestion des crises et, plus largement, de la reconnaissance de l’engagement des nombreux citoyens désireux d’aider dans les moments de tension les plus graves fasse, de nouveau, l’objet d’un consensus.
M. Philippe Latombe (Dem). Le groupe Les Démocrates se félicite de l’initiative de Didier Lemaire et du groupe Horizons. Les réserves communales, qui reposent sur le bénévolat et sont librement organisées par les communes, constituent une solution concrète et adaptée aux problèmes de terrain. Leur création résulte de retours d’expérience, la gestion de catastrophes majeures notamment ayant souligné la nécessité de disposer d’un soutien logistique lors d’opérations de secours.
Les récentes crises, notamment l’épidémie de covid-19 et les mégafeux de Gironde, ont montré que les citoyens volontaires peuvent être des auxiliaires efficaces des sapeurs-pompiers et des services d’urgence. C’est, en effet, à l’échelle de la commune qu’il est le plus aisé de recenser les forces vives désireuses de s’engager en cas de crise, en fonction de leurs compétences et de leur disponibilité. En outre, les réservistes communaux connaissent parfaitement leur environnement proche et se révèlent des alliés indispensables pour protéger la population.
Les réserves communales ont fait leurs preuves et ne demandent qu’à être soutenues et développées. Face au changement climatique et aux crises qui se multiplient, il est nécessaire d’assouplir les conditions de leur mobilisation pour réagir plus efficacement aux situations d’urgence. À cet égard, le raccourcissement du délai dont dispose l’employeur pour refuser la mobilisation d’un de ses salariés en cas de crise majeure semble être une mesure de bon sens. Il s’agit, non pas de compliquer la tâche des entreprises, mais d’assurer la réactivité qui s’impose dans les situations d’urgence en fixant un cadre juridique adapté à ces circonstances exceptionnelles.
Pour encourager les citoyens à s’engager au sein de la réserve civile et fidéliser les réservistes, nous devons reconnaître et valoriser leur engagement. Il nous semble donc pertinent d’offrir aux réservistes communaux, élèves et étudiants, la possibilité de faire reconnaître et valider les compétences et connaissances acquises grâce à leur engagement.
Alors qu’il est de plus en plus nécessaire de prévenir, d’informer et de protéger la population, la proposition de loi doit nous permettre de continuer à développer une culture de la sécurité civile à l’échelle de la commune. Mais le renforcement de la présence de la réserve communale dans le continuum de sécurité locale est également pertinent au plan national. Plus largement, la diffusion de la culture du risque et de la résilience dans la population française constitue un enjeu majeur face aux menaces qui s’accumulent. Nous voterons donc pour la proposition de loi, qui s’inscrit dans une démarche vertueuse.
M. Paul Molac (LIOT). Les réserves citoyennes ayant montré toute leur utilité lors de la pandémie de covid-19, d’incendies et d’inondations, je remercie ceux qui s’y engagent et je partage le constat du rapporteur : la réserve communale présente de véritables atouts, notamment son ancrage local, mais elle souffre d’un cadre mal défini et gagnerait à être mise en valeur.
L’article 1er, qui tend à supprimer toute limite temporelle des activités à accomplir, nous inquiète quelque peu. En effet, il ne faudrait pas que la réserve communale pallie les défaillances quotidiennes liées au manque de moyens des services publics. De nombreuses associations suppléent déjà l’État dans l’assistance aux personnes en difficulté ; les réservistes ne doivent pas prendre la place des ouvriers communaux.
L’article 2 donne vingt‑quatre heures à l’employeur pour autoriser un salarié réserviste à s’absenter lorsque surviennent des événements de nature à entraîner un danger grave et imminent. Ce délai peut paraître un peu court et il faudrait peut-être le porter à quarante-huit ou soixante-douze heures pour laisser à l’employeur le temps de s’organiser, afin qu’il ne soit pas tenté d’opposer un refus. Les élus municipaux, qui s’estiment mal informés sur toutes ces dispositions, déplorent aussi l’absence de couverture des réservistes en cas de risque. Enfin, il manque une stratégie commune à toutes les réserves.
Quoi qu’il en soit, le groupe LIOT votera pour cette proposition de loi.
Mme Sophie Ricourt Vaginay (UDR). Ce texte vise à valoriser la RCSC, sujet trop souvent sous-estimé alors qu’il touche à l’essentiel : la capacité d’une commune à faire face collectivement à l’imprévu. L’obstacle n’est pas tant l’organisation – les outils existent – que l’adhésion qui nécessite un cadre lisible, souple et accessible, valorisant l’altruisme et encourageant la solidarité communale sans technicité excessive ni cloisonnement administratif.
Près de vingt ans après leur création, les RCSC restent peu développées dans notre territoire, alors que leur efficacité ne fait plus débat. Quand la tempête Alex a frappé le Sud de la France, plusieurs communes sinistrées des Alpes-Maritimes ont pu activer leurs réserves communales. Ce sont leurs bénévoles, souvent les premiers sur place, en première ligne, qui ont relié les hameaux isolés, organisé la distribution d’eau et de vivres, orienté les secours parfois même avant l’arrivée des services de l’État.
Ce déploiement limité des réserves communales témoigne d’un paradoxe : le dispositif existe, mais l’élan d’adhésion fait défaut. Pour que la réserve communale ne reste pas une coquille vide, il faut lui de redonner un esprit, celui de l’appropriation de l’espace commun, du lien de proximité, d’un civisme enraciné dans la communauté locale. Ce texte va dans ce sens car il desserre les freins, assouplit les conditions de mobilisation, ouvre la porte aux associations, et reconnaît enfin l’engagement bénévole comme un acte civique à part entière. Il nous appartient maintenant de faire en sorte que cette loi ne soit pas seulement exécutoire mais inspirante pour les citoyens.
Le groupe UDR votera pour cette proposition de loi.
M. Didier Lemaire, rapporteur. Je suis très heureux de retrouver l’état d’esprit transpartisan qui prévalait lorsque nous avions déjà abordé ce sujet, il y a un peu plus d’un an. Cette proposition de loi se veut modeste, disais-je dans mon propos introductif, mais elle se veut aussi efficace, pragmatique et porteuse d’une certaine simplification. Plusieurs d’entre vous ont déploré que le dispositif reste très méconnu et trop peu développé alors qu’il vise à rendre le citoyen acteur de sa propre sécurité. Il ne s’agit pas d’opposer les citoyens aux sapeurs-pompiers ou aux associations agréées de sécurité civile (AASC), dont les missions sont bien définies. Il ne s’agit pas de suppléer ou de répondre à des carences, sachant qu’il a été question de rupture capacitaire en 2022. Il s’agit de répondre aux besoins du maire, la RCSC étant placée sous son autorité pour réaliser des missions de sécurité civile mais aussi de protection et de soutien à la population avant, pendant et après une crise.
M. le président Florent Boudié. Nous en venons à l’examen des articles.
Amendement CL29 de M. Didier Lemaire
M. Didier Lemaire, rapporteur. Compte tenu du nouveau contexte de tensions internationales et dans le cadre de la promotion de la défense civile, il est proposé d’intégrer explicitement les menaces dans les compétences relevant des RCSC. Ce champ couvrirait, comme c’est le cas dans plusieurs pays, les actions d’accompagnement et de soutien à la population, telles que l’orientation et la mise en sécurité. La dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 724-1 du code de la sécurité intérieure serait complétée par les mots : « et aux menaces de toute nature ». Cette ouverture du champ de compétence des réserves communales constitue une incitation supplémentaire à la création desdites réserves face à des menaces ayant une résonance forte dans l’actualité.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL20 de M. Julien Rancoule
M. Julien Rancoule (RN). Il s’agit de préciser que les réservistes de la sécurité civile interviennent sous l’autorité du commandant des opérations de secours (COS) des sapeurs-pompiers, notamment dans le cadre de l’organisation d’un plan Orsec (organisation de la réponse de sécurité civile). Lors de ce genre d’événement, on constate parfois que chacun intervient de son côté. Cet échange d’informations entre le COS et les réservistes de la sécurité civile est nécessaire, l’autorité de gestion restant le maire.
M. Didier Lemaire, rapporteur. La RCSC relève pleinement de l’autorité du maire qui détient un pouvoir de police. C’est ce lien direct avec le maire qui garantit l’intégration pleine et entière de la réserve dans le dispositif communal de sécurité civile. Introduire une coordination systématique par le COS créerait une confusion des chaînes de commandement entre les autorités locales et les services de secours. Il faut procéder étape par étape et établir des graduations au fur et à mesure. Avis défavorable.
M. Yannick Chenevard (EPR). La RCSC est placée sous l’autorité du maire qui est directeur des opérations de secours (DOS), comme peut l’être le préfet à certains moments si le spectre de la mission dépasse le cadre communal. Le patron, c’est le maire. Si l’on plaçait les RCSC sous une autre autorité, on changerait de cadre. Le DOS, c’est-à-dire le maire, a à sa disposition le COS et un certain nombre de services, tels que les services techniques.
M. Julien Rancoule (RN). Je ne mets pas les deux autorités en concurrence : les moyens de secours sont sous l’autorité du DOS pour la partie administrative et du COS pour la partie opérationnelle. Le COS est le plus à même d’orienter les moyens de sécurité civile, notamment ces réservistes, vers les missions les plus pertinentes, sans remettre en cause le rôle du DOS. L’amendement va dans le bon sens, mais le véhicule législatif n’est peut-être pas le bon.
Mme Sophie Ricourt Vaginay (UDR). Quand une opération concerne plusieurs communes, elle se déroule sous l’égide du préfet. Si la RCSC venait à se développer, il faudrait absolument prévoir la manière dont la collaboration se passe avec les sapeurs-pompiers car, même à présent, cela ne va pas forcément de soi : les frontières sont réelles entre les deux services. Ne sous-estimons pas cet aspect sur le plan opérationnel.
M. Didier Lemaire, rapporteur. Il faudra y réfléchir dans le cadre d’un autre texte. Pour l’heure, alors qu’il n’existe encore que 700 RCSC, n’effaçons pas le rôle du maire qui peut entreprendre des opérations de soutien à la population en lien avec le COS. Je maintiens mon avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL16 de M. Yannick Chenevard
M. Yannick Chenevard (EPR). Il faut essayer d’élargir le champ des structures capables d’accompagner les maires – notamment ceux de petites communes – pour construire et organiser leurs RCSC, sans coût supplémentaire. Nous proposons de faire en sorte que les AASC, à l’instar des Sdis, puissent apporter leur concours bénévole aux maires dans l’organisation des RCSC.
M. Didier Lemaire, rapporteur. Il faut poser un cadre clair et partir d’une base saine. Les RCSC sont gérées par le maire, le Sdis, ou l’établissement public de coopération intercommunal (EPCI). Ces entités relèvent toutes de la sphère publique et contribuent à maintenir l’autorité publique sur les réserves communales, ce qui ne serait pas le cas si la gestion était assurée par une AASC. Nous pourrons envisager plus tard des évolutions en fonction des territoires, mais cela me semble prématuré à ce stade.
M. Julien Rancoule (RN). Dans certains territoires, il serait pertinent de donner la main aux AASC. Dans ma commune de Limoux, la RCSC est une coquille vide alors que la protection civile, très dynamique, compte des dizaines de bénévoles. Il serait intéressant de passer une convention avec cette association pour qu’elle gère la RCSC. Cela étant, c’est déjà prévu par l’article L. 725-2 du code de la sécurité intérieure : « Les associations de sécurité civile agréées dans les conditions définies à l’article L. 725-1 peuvent conclure avec l’autorité de gestion une convention établissant les modalités d’engagement et de mobilisation de leurs membres au sein de la réserve de sécurité civile. » Si la disposition existe, elle est assez méconnue des maires.
La commission adopte l’amendement.
Article 1er : (art. L. 724-4 du code de la sécurité intérieure) Suppression du plafond d’emploi annuel des réservistes communaux de sécurité civile
Amendement CL15 de M. Yannick Chenevard
M. Yannick Chenevard (EPR). Il vise à dispenser les membres d’une AASC de signer individuellement leur engagement dans la RCSC. Les AASC étant des personnes morales, le président de l’association pourrait signer au nom des membres et engager sa structure auprès du maire qui va les employer.
M. Didier Lemaire, rapporteur. Je suis favorable à votre amendement. D’ailleurs, dans le rapport de la mission d’information sur les capacités d’anticipation et d’adaptation de notre modèle de protection et de sécurité civiles, j’insistais sur cette nécessaire évolution qui va dans le sens d’un renforcement des synergies entre les AASC et les réserves.
La commission adopte l’amendement.
Amendement rédactionnel CL3 de M. Didier Lemaire, sous-amendement CL31 de M. Julien Rancoule et amendement CL19 de M. Julien Rancoule (discussion commune)
M. Julien Rancoule (RN). Avec mon sous-amendement, je propose d’introduire une souplesse supplémentaire dans la rédaction du contrat liant un réserviste à l’autorité de gestion, en remplaçant le mot « prévoit » par « peut prévoir ». Il s’agit de ne pas rendre obligatoire la mention d’une durée d’engagement annuelle dans tous les contrats, mais de laisser à l’autorité de gestion la possibilité de la prévoir lorsque cela se révèle pertinent. Mon amendement CL19 vise le même objectif, mais, comme il risquait de tomber en cas d’adoption de celui du rapporteur, j’ai préféré déposer un sous-amendement au sien.
M. Didier Lemaire, rapporteur. Avis favorable au sous-amendement et défavorable à l’amendement CL19.
La commission adopte le sous-amendement CL31 et l’amendement CL3 sous-amendé ; en conséquence, l’amendement CL19 tombe.
Amendement CL18 de M. Julien Rancoule
M. Julien Rancoule (RN). Plutôt qu’une durée figée, le contrat d’engagement dans la RCSC fixerait une fourchette annuelle, avec une durée minimale et maximale. Au lieu de trente jours de bénévolat, par exemple, il serait mentionné entre cinq et quatre-vingt-dix jours.
M. Didier Lemaire, rapporteur. La mention d’une durée minimale et maximale d’engagement soulève plusieurs difficultés. L’efficacité des réserves tient précisément à la possibilité d’ajuster les modalités de l’engagement des réservistes en fonction des besoins identifiés par les collectivités territoriales et la volonté et la disponibilité des citoyens. Imposer un encadrement rigide avec une durée minimale et maximale risquerait de complexifier inutilement les démarches et de freiner les recrutements. C’est l’inverse du but recherché.
M. Julien Rancoule (RN). Compte tenu de l’adoption de l’amendement sous-amendé précédent, je retire celui-ci.
L’amendement est retiré.
La commission adopte l’amendement rédactionnel CL4 de M. Didier Lemaire.
Elle adopte l’article 1er modifié.
Article 2 :(art. L. 724-7 du code de la sécurité intérieure) Réduction des délais sous lesquels l’employeur peut s’opposer à la mobilisation d’un réserviste en cas de crise majeure
Amendement CL9 de M. Bérenger Cernon
M. Bérenger Cernon (LFI-NFP). Nous proposons de réduire le délai de réponse de l’employeur lorsqu’un salarié souhaite se mobiliser dans la RCSC. Actuellement, l’employeur dispose d’une semaine pour notifier son refus ; nous proposons de ramener ce délai à quarante-huit heures. Face aux risques climatiques et aux situations d’urgence, la réactivité est essentielle : un incendie, une inondation, une catastrophe, ça ne prévient pas. Pour l’organisation de la collectivité comme pour le salarié engagé, il faut lever les incertitudes rapidement.
M. Didier Lemaire, rapporteur. Vous fixez un délai unique de quarante-huit heures, qui peut se justifier en temps de crise, mais la RCSC fait aussi de la prévention. Avis défavorable.
M. Bérenger Cernon (LFI-NFP). Je comprends votre argument, mais je vais maintenir l’amendement car une semaine est un délai beaucoup trop long en cas d’événements climatiques et de catastrophes naturelles.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL17 de Mme Marie-France Lorho
Mme Pascale Bordes (RN). Nous proposons d’allonger le délai dont dispose l’employeur pour notifier son refus à l’employé qui demande à accomplir son engagement à servir dans la RCSC pendant son temps de travail, en le faisant passer de vingt-quatre à quarante-huit heures, en cas de danger grave. Il faut concilier deux contraintes : l’urgence de la situation et le planning de l’entreprise, notamment quand il s’agit de toutes petites structures.
M. Didier Lemaire, rapporteur. J’y suis favorable pour les raisons précédemment évoquées : on fait référence à une crise grave. Lors de l’examen du premier texte, nous avions débattu de différents délais : vingt-quatre, quarante-huit ou soixante-douze heures. La durée de quarante-huit heures nous avait semblé la plus judicieuse.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’amendement rédactionnel CL5 de M. Didier Lemaire.
Elle adopte l’article 2 modifié.
Après l’article 2
Amendement CL8 de M. Bérenger Cernon, sous-amendements CL36 et CL34 de Mme Sophie Pantel
M. Bérenger Cernon (LFI-NFP). Afin de faciliter l’engagement citoyen dans la RCSC, nous proposons de faire en sorte que, pour les salariés volontaires, l’autorisation d’absence soit de droit et non plus soumise à l’accord de l’employeur. Face à la multiplication des crises climatiques et des catastrophes naturelles, nous devons lever les freins à ces formes d’engagement au service de la population. L’amendement est équilibré : l’absence est de droit, mais l’employeur peut la refuser par une décision motivée. Une telle mesure donnerait un signal clair : la sécurité civile est l’affaire de toutes et tous, et l’engagement des citoyens mérite d’être facilité et protégé.
Mme Sophie Pantel (SOC). Notre sous-amendement CL36 tend à préciser qu’il s’agit d’une autorisation d’absence limitée dans le temps, afin d’éviter que cet engagement soit considéré comme un temps de travail assimilable à une activité professionnelle. Le sous-amendement CL34 a le même objet, mais nous n’y faisons plus référence au risque d’assimilation à une activité professionnelle.
M. Didier Lemaire, rapporteur. L’amendement CL8, qui vise à consacrer un droit d’absence des réservistes, ne me paraît pas respecter le juste équilibre que nous cherchons à préserver. Tel que rédigé, l’article 2 réduit déjà à quarante-huit heures le délai dans lequel l’employeur peut notifier un refus à son salarié désireux d’exécuter une mission de réserviste. Cette rédaction ménage deux impératifs que vous ne prenez pas en compte : d’un côté, la nécessaire continuité de l’activité économique, l’employeur gardant la possibilité de refuser l’absence demandée par son salarié ; de l’autre, la nécessité, éprouvée régulièrement par les acteurs de la sécurité civile, de pouvoir intervenir rapidement en temps de crise grave. Avis défavorable.
La commission rejette les sous-amendements et l’amendement.
Amendement CL10 de M. Bérenger Cernon
M. Bérenger Cernon (LFI-NFP). Il s’agit d’instaurer un congé spécial supplémentaire pour les bénévoles engagés dans une RCSC.
M. Didier Lemaire, rapporteur. Les réservistes peuvent déjà être autorisés à s’absenter pour accomplir leur engagement durant leur temps de travail. À l’article 2, la proposition de loi apporte une flexibilité bienvenue dans l’application de ce droit. Une fois encore, votre proposition ne concilie pas les deux impératifs. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL13 de M. Bérenger Cernon
M. Bérenger Cernon (LFI-NFP). Nous proposons que l’engagement des bénévoles des RCSC soit reconnu symboliquement par la nation. Ces femmes et ces hommes donnent de leur temps au service de l’intérêt général, souvent dans des conditions difficiles, pour renforcer la protection de nos concitoyens face aux risques climatiques et aux crises. Il nous semble juste qu’une distinction ou une récompense vienne saluer cet engagement, comme cela existe déjà pour les bénévoles des AASC. C’est une manière de dire collectivement notre reconnaissance et de valoriser ces citoyens qui font vivre la solidarité.
M. Didier Lemaire, rapporteur. Vous avez raison, cher collègue. Une telle distinction inciterait les citoyens à s’engager dans les RCSC, en particulier les jeunes, étudiants et élèves, qui seraient ainsi reconnus pour leur action citoyenne. C’est l’objectif de votre amendement, que nous avions d’ailleurs adopté l’an dernier. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Article 3 : (art. L. 333‑5 [nouveau] du code de l’éducation) Validation des compétences acquises par les lycéens engagés sein d’une communale de sécurité civile au titre de leur formation
Amendement CL28 de M. Didier Lemaire
M. Didier Lemaire, rapporteur. Il vise à élargir aux sapeurs-pompiers volontaires et aux bénévoles des associations agréées de sécurité civile la possibilité de valoriser leurs compétences, connaissances et aptitudes acquises.
La commission adopte l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur, elle adopte l’amendement rédactionnel CL24 de M. Julien Rancoule.
Amendement CL7 de M. Didier Lemaire et sous-amendement CL35 de Mme Sophie Pantel
M. Didier Lemaire, rapporteur. Il s’agit de substituer à la notion de validation, complexe dans un contexte d’enseignement secondaire, celle de valorisation, déjà utilisée par les établissements scolaires pour les engagements civiques des élèves.
L’élève réserviste pourrait ainsi valoriser l’engagement effectué pendant ses études secondaires grâce à la production d’un certificat justifiant des compétences, connaissances et aptitudes acquises.
Mme Sophie Pantel (SOC). Nous souhaitons revenir à l’ambition initiale du texte en rétablissant le terme de validation, qui n’a pas la même signification que celui de valorisation dans le code de l’éducation. Les élèves doivent retirer un bénéfice de leur engagement, qu’il s’agisse d’une équivalence ou de l’accès à un diplôme qualifiant.
M. Didier Lemaire, rapporteur. Initialement, le terme de validation avait ma préférence, mais j’ai changé d’avis à l’issue d’une audition au cours de laquelle les représentants de la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) m’ont expliqué que si la validation était possible dans le monde universitaire, elle était difficile dans l’enseignement secondaire. C’est pourquoi nous avons opté pour la valorisation, déjà pratiquée dans le cadre du parcours citoyen. Avis défavorable.
Mme Sophie Pantel (SOC). Les deux termes pourraient être conservés : les étudiants auraient un véritable intérêt à bénéficier d’une validation et les lycéens d’une valorisation.
La commission rejette le sous-amendement et adopte l’amendement CL7.
Elle adopte l’amendement rédactionnel CL6 de M. Didier Lemaire.
Elle adopte l’article 3 ainsi modifié.
Après l’article 3
Amendement CL23 de M. Julien Rancoule
M. Julien Rancoule (RN). Il y a deux ans, nous avions adopté l’amendement de mon collègue Thomas Ménagé visant à aménager l’emploi du temps des étudiants pompiers volontaires. Il me semble cohérent d’appliquer la même mesure aux étudiants qui s’engagent dans les réserves communales de sécurité civile : c’est l’objet de cet amendement.
M. Didier Lemaire, rapporteur. Je suis favorable à cette disposition, qui va dans le même sens que celle relative à l’engagement des étudiants, que nous avons votée.
La commission adopte l’amendement.
Article 4 : (art. L. 611-9 du code de l’éducation) Validation des compétences acquises par les étudiants engagés sein d’une réserve communale de sécurité civile au titre de leur formation
Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement rédactionnel CL25 de M. Julien Rancoule.
Elle adopte l’article 4 ainsi modifié.
Après l’article 4
Amendement CL26 de M. Julien Rancoule
M. Julien Rancoule (RN). Bien qu’elle existe depuis vingt ans, la réserve communale de sécurité civile reste méconnue des élus municipaux et de la population. Une campagne nationale de communication permettrait non seulement de faire mieux connaître son existence et ses missions, mais aussi d’encourager les maires à créer des réserves et d’inciter les citoyens à s’y engager. Tel est l’objet de cet amendement.
M. Didier Lemaire, rapporteur. L’an dernier, j’étais favorable à votre amendement, qui avait d’ailleurs été voté. Depuis, le contexte international a changé et d’autres réserves, notamment militaires, recrutent largement ; je ne souhaite pas qu’une telle campagne de communication sème la confusion. Avis défavorable.
M. Julien Rancoule (RN). La réserve citoyenne regroupe l’ensemble des réserves, dont les communales. Pour que nos concitoyens soient en mesure de faire la distinction entre la réserve de sécurité civile et la réserve opérationnelle des armées, ils doivent être mieux informés. De plus, cette campagne vise à encourager les maires à créer des réserves en toute connaissance de cause.
M. Didier Lemaire, rapporteur. J’entends vos propos, mais pour plus de clarté, il me semble préférable de considérer séparément chaque réserve – communale, départementale, militaire, de gendarmerie. Avis défavorable.
M. Philippe Latombe (Dem). Lors de la discussion générale, j’ai fait part du souhait de notre groupe de renforcer la diffusion de la culture du risque et de la résilience dans la population française. Nous sommes donc favorables à cet amendement, malgré l’évolution de la situation internationale. Nous devons promouvoir les réserves et aider les maires à contribuer à l’implication de leurs administrés.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL14 de M. Bérenger Cernon
M. Bérenger Cernon (LFI-NFP). Nous demandons un bilan détaillé des moyens humains et financiers consacrés à la sécurité civile. Les chiffres sont accablants : au cours de dix dernières années, nous avons perdu 1 000 casernes de pompiers. Dans le même temps, les délais d’intervention s’allongent et le nombre d’interventions explose : plus de 4,7 millions en 2023, soit une hausse de 9 % en un an.
M. Didier Lemaire, rapporteur. La mission d’information que j’ai rapportée l’an dernier a précisément effectué ce travail. En outre, le délai de six mois que vous proposez me paraît trop court.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL12 de M. Bérenger Cernon
M. Bérenger Cernon (LFI-NFP). Nous demandons la remise d’un rapport étudiant les dispositifs de reconnaissance de l’engagement bénévole, en particulier la faisabilité de l’attribution de trimestres de retraite aux bénévoles des réserves communales de sécurité civile.
Le gouvernement n’a toujours pas tenu sa promesse d’accorder des trimestres aux sapeurs-pompiers volontaires. Il est donc temps d’ouvrir ce débat et de créer des droits pour celles et ceux qui s’engagent au service de l’intérêt général.
M. Didier Lemaire, rapporteur. Avis défavorable, parce que cet amendement me semble dépasser le cadre de ce texte, qui vise à favoriser le déploiement opérationnel des réservistes et à encourager les jeunes à s’investir dans les réserves.
De plus, la commission des lois n’apprécie guère les demandes de rapport, en particulier lorsque des travaux parlementaires ont récemment éclairé ses débats.
Enfin, il me semble discutable de créer des dispositifs fiscaux coûteux et dérogatoires pour les réservistes, alors qu’il n’en existe pas pour les autres acteurs de la sécurité civile.
M. Bérenger Cernon (LFI-NFP). Nous avions déposé un amendement visant à étendre ce dispositif, mais il n’a pas été considéré comme recevable. L’État doit remercier ceux qui s’engagent dans la sécurité civile ; attribuer des trimestres de retraite aux bénévoles nous semble être la moindre des choses.
La commission rejette l’amendement.
Article 5 : Gage financier
La commission adopte l’article 5 sans modification.
Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.
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La séance est levée à 19 heures 15.
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Présents. - M. Xavier Albertini, Mme Léa Balage El Mariky, Mme Anne Bergantz, Mme Pascale Bordes, M. Florent Boudié, Mme Blandine Brocard, Mme Colette Capdevielle, Mme Gabrielle Cathala, M. Vincent Caure, M. Bérenger Cernon, M. Yannick Chenevard, M. Paul Christophle, M. Arthur Delaporte, Mme Elsa Faucillon, M. Jonathan Gery, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier Valente, Mme Monique Griseti, M. Jérémie Iordanoff, M. Loïc Kervran, M. Didier Lemaire, Mme Pauline Levasseur, Mme Marie-France Lorho, M. Stéphane Mazars, Mme Laure Miller, M. Paul Molac, Mme Sophie Pantel, M. Éric Pauget, M. Julien Rancoule, Mme Sandra Regol, M. Jean Terlier, M. Roger Vicot
Excusés. - M. Pouria Amirshahi, M. Ian Boucard, M. Yoann Gillet, Mme Émeline K/Bidi, Mme Naïma Moutchou, M. Jiovanny William, Mme Caroline Yadan
Assistaient également à la réunion. - M. Pierre Cazeneuve, M. Jean Moulliere