Compte rendu
Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République
– Suite de l’examen de la proposition de loi visant à réformer le mode d'élection des membres du Conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille (n° 451) (M. Jean-Paul Mattei, rapporteur) 2
Mercredi
2 avril 2025
Séance de 14 heures 45
Compte rendu n° 61
session ordinaire de 2024-2025
Présidence
de M. Florent Boudié,
président
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La séance est ouverte à 14 heures 50.
Présidence de M. Florent Boudié, président.
La Commission poursuit l’examen de la proposition de loi visant à réformer le mode d'élection des membres du Conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille (n° 451) (M. Jean-Paul Mattei, rapporteur).
Article 1er (suite) (art. L. 261, L. 271, L. 272-4-1 [nouveau], L. 272-3, L. 272-5 et L. 272-6 du code électoral) Instauration de deux scrutins distincts lors des élections municipales de Paris, Lyon et Marseille
Amendement CL22 de M. Sylvain Maillard et sous-amendement CL69 de M. Jean-Paul Mattei, amendement CL41 de M. Jean-Paul Mattei (discussion commune)
M. Sylvain Maillard (EPR). L’amendement CL22, rédactionnel, vise à clarifier l’article 1er.
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Le sous-amendement CL69 tend à modifier l’article L. 52-3 du code électoral, qui fixe les règles applicables aux bulletins de vote, afin que puissent figurer sur les bulletins de l’élection du conseil d’arrondissement le nom et la photographie du candidat tête de liste pour l’élection du conseil de Paris ou du conseil municipal de Lyon ou de Marseille.
La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous-amendé.
En conséquence, l’amendement CL41 tombe, de même que les amendements CL54 de Mme Sandrine Runel, CL55 de Mme Céline Hervieu, CL37 de M. Jean-Paul Mattei, CL50 et CL51 de M. Cyrille Isaac-Sibille, CL39 et CL40 de M. Jean-Paul Mattei.
Amendement CL24 de Mme Blandine Brocard
Mme Blandine Brocard (Dem). À Lyon, l’entrée en vigueur de ce texte impliquerait d’organiser trois scrutins le même jour : en quoi cela participerait-il à atteindre les objectifs de simplification et de clarification que vous affichez ? La perception des compétences et des responsabilités en sera diluée, ce qui va à l’encontre de notre intention de renforcer les liens entre les élus et les électeurs. Vous voulez aussi améliorer la lisibilité mais Toulouse, qui a plus d’habitants que Lyon, n’a pas d’arrondissements : ne faudrait-il pas en créer à Toulouse ou supprimer ceux de Lyon ? Le présent amendement est donc de réflexion.
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Vous avez raison, si cette proposition de loi était adoptée, trois scrutins seraient organisés à Lyon le même jour. Le rapport Woerth relatif à la décentralisation propose des solutions : puisque la métropole de Lyon est juridiquement un département, on peut décorréler les deux élections. À mon sens, il faut réserver à cette dernière un traitement particulier. Nous devons poursuivre la réflexion. Je vous propose de retirer votre amendement.
Mme Blandine Brocard (Dem). Afin de poursuivre la réflexion, je le maintiens.
Mme Sandrine Runel (SOC). Laisser Lyon dans le périmètre de cette proposition de loi, c’était en méconnaître les spécificités – personne ne découvre aujourd’hui qu’il y aura trois scrutins. Nous sommes tout à fait d’accord pour traiter son cas à part : c’est l’objet des amendements de Blandine Brocard et des miens. Nous avons fêté les dix ans de la métropole, que Gérard Collomb avait pris soin de bien définir : il s’agit d’une collectivité locale à part entière, avec les compétences d’un département. Pour améliorer la lisibilité et prendre en considération la démocratie locale, il faut supprimer la référence à Lyon dans l’article 1er.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Je voudrais sous-amender l’amendement pour supprimer également les mentions de Paris et de Marseille !
Un travail reste à mener pour prendre en considération toutes les implications d’une réforme du mode d’élection. Trois scrutins posent non seulement un problème de lisibilité, mais aussi d’organisation. Les services en particulier éprouvent déjà des difficultés, notamment pour trouver des assesseurs et des scrutateurs. Il faut encore cheminer pour aboutir à un texte qui convienne au plus grand nombre.
M. Emmanuel Grégoire (SOC). L’exemple de Lyon révèle un grave impensé : l’organisation des futurs scrutins. À Paris, on passerait de 902 à 1 804 bureaux de vote, soit 3 608 assesseurs. Les trois formations qui s’entendent pour changer le mode d’élection fournissent peut-être 1 % d’entre eux. Vous protestez, mais c’est vrai et on peut le vérifier : on a la liste nominative.
Autre impensé : il faudra inscrire 163 noms sur les bulletins. Comment organiserez-vous la propagande électorale, en particulier l’affichage ? Dans votre précipitation, vous avez omis d’innombrables questions d’organisation.
M. Gabriel Amard (LFI-NFP). Il ne faut pas exciper du statut de la métropole de Lyon, à la fois intercommunalité et département, pour dénaturer le sens d’un texte qui vise à renforcer la démocratie à Paris, à Lyon et à Marseille, alors que la métropole n’entre pas dans son périmètre. Si un problème particulier se pose à Lyon, il faut le traiter en tant que tel dans le cadre de la préparation des élections départementales, et non désarticuler le projet en raison d’une exception qui ne devrait pas exister.
M. Laurent Lhardit (SOC). Il faudrait adopter un bulletin unique sur lequel figurerait, d’une part, la liste municipale, et, de l’autre, la liste d’arrondissement : il n’y aurait plus besoin que d’une seule urne et d’un seul bureau de vote – le problème de la troisième urne à Lyon serait également résolu.
Mme Blandine Brocard (Dem). Monsieur Amard, la métropole de Lyon n’est pas une intercommunalité – d’où les trois scrutins. On ne peut pas non plus mettre la question de côté pour se concentrer sur le texte : dans la pratique, s’il est voté, les électeurs lyonnais devront voter trois fois le même jour.
Mme Olivia Grégoire (EPR). Nous fournissons notre quota d’assesseurs, monsieur Grégoire ; certains arrondissements de Paris n’ont pas d’élus socialistes, les élections s’y passent bien, avec des assesseurs issus d’autres formations politiques. Par ailleurs, si Lyon est capable d’organiser des élections avec deux scrutins et deux urnes, je ne vois pas pourquoi Paris ne pourrait en faire autant. Enfin, je trouve dommage d’affirmer que pour des raisons de forme – sous prétexte qu’il faudrait inscrire plus de noms sur les bulletins et adapter la propagande électorale –, il faut s’asseoir sur le droit des Parisiens, des Lyonnais et des Marseillais d’élire leurs représentants selon des règles limpides, comme le font les autres citoyens de ce pays.
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Le statut de Lyon est très spécifique. Le bulletin unique pourrait constituer une solution ; le rapport Woerth l’a écarté pour préserver la lisibilité du scrutin, mais je ne veux négliger aucune piste. Ce rapport suggère de réaliser le scrutin métropolitain deux ou trois mois après l’élection des conseillers municipaux ; si l’on considère la métropole comme un département, on peut attendre 2028 pour renouveler ses conseillers – mais ce serait un peu sportif, si je puis m’exprimer en ces termes. La réflexion n’est pas aboutie mais, en adoptant le présent amendement, nous préempterions le débat. Continuons à cheminer pendant la navette, avec le souci permanent de favoriser la lisibilité et la simplicité.
Puisque vous préférez maintenir l’amendement, j’émets un avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
La commission adopte l’amendement rédactionnel CL38 de M. Jean-Paul Mattei, rapporteur.
Amendements identiques CL5 de Mme Léa Balage El Mariky, CL18 de M. Olivier Marleix et CL20 de M. Stéphane Delautrette
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). L’amendement CL5 vise à supprimer les alinéas 4 et 5, qui prévoient pour Paris, Lyon et Marseille une prime majoritaire spécifique. Cette proposition est cohérente avec l’objectif de faire entrer ces villes dans le droit commun.
M. Olivier Marleix (DR). Vous prétendez aligner le mode d’élection du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et de Marseille sur celui des autres villes françaises ; le seuil de 25 % ne rime à rien : conservons celui de 50 %.
M. Stéphane Delautrette (SOC). L’amendement identique CL20 vise à supprimer les alinéas 4 et 5 pour maintenir la prime majoritaire de droit commun.
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Avis défavorable. Nous en avons débattu ce matin : le seuil de 25 % est plus raisonnable. C’est une exception, comme le sont les arrondissements ; elle permettra de mieux équilibrer les forces en présence.
M. Patrick Hetzel (DR). C’est contradictoire : vous répétez que le texte tend à aligner le mode d’élection dans les villes sur le droit commun, lequel prévoit précisément d’attribuer 50 % des sièges à la liste majoritaire. On peut même s’interroger sur la constitutionnalité de cette disposition – l’avis du Conseil d’État eût été utile. En effet, aucune spécificité locale ne justifie de s’écarter du principe d’égalité en la matière. Comment expliquez-vous cette dérogation ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. La loi relative à Paris, Lyon et Marseille, dite PLM, déroge déjà au droit commun – toutes les villes n’ont pas de conseil d’arrondissement. Une première avancée est possible en modifiant le mode d’élection dans les grandes villes concernées ; c’est une modification importante mais nécessaire. En abaissant le seuil à 25 %, on crée un amortisseur.
La commission rejette les amendements.
Amendement CL28 de M. Olivier Marleix
M. Olivier Marleix (DR). Bien qu’essentielle, la question des comptes de campagne n’est pas abordée – l’avis du Conseil d’État était peut-être nécessaire. Deux campagnes différentes seront organisées. À Paris par exemple, on pourra trouver une liste « Sylvain Maillard pour Paris », avec les noms de ses candidats au conseil de Paris, et des listes d’arrondissement investies par Sylvain Maillard. Mais d’autres listes pourront aussi se réclamer du maillardisme, voire afficher le portrait de Sylvain Maillard : à qui imputer leurs frais de campagne, qui profiteront à la dynamique collective ? Cet angle mort du texte révèle à quel point il a été bricolé – à onze mois des élections, ce n’est pas sérieux.
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Quand on a l’habitude des comptes de campagne, on s’aperçoit qu’il est tout à fait possible, techniquement, de retomber sur ses pieds. Les comptes n’en seront pas beaucoup plus complexes ; il suffira de les préparer, et d’affecter les dépenses. À Paris, Lyon et Marseille, plusieurs comptes coexistent déjà. L’instauration d’une liste centrale imposera peut-être des changements, mais ne nous bloquons pas avec des problèmes administratifs qu’avec un peu de bonne volonté, on résoudra.
M. Emmanuel Grégoire (SOC). Voilà encore un impensé considérable ! On peut évidemment trouver des solutions mais, les délais imposés étant très courts, il y aura des erreurs partout.
La question des comptes de campagne soulève celle de la recevabilité du texte. Son entrée en vigueur conduira chaque candidat à mener deux campagnes : le coût sera doublé, ce qui est incompatible avec l’article 40 de la Constitution.
Par ailleurs, il faut prendre en considération le risque de contentieux électoral. À Paris, dix-huit campagnes seront organisées – une pour chaque conseil d’arrondissement et une pour le conseil de Paris. Si une des listes en centrale fait l’objet d’un contentieux, par exemple un rejet des comptes de campagne, quelles seront les conséquences sur les élections d’arrondissement ? L’incertitude juridique sera immense. Comment affecter les comptes, sachant par exemple qu’un meeting pour la liste en centrale nourrit les campagnes d’arrondissement ? Des solutions sont possibles, certes, mais le Conseil constitutionnel ne manquera pas de soulever des réserves à ce sujet.
M. le président Florent Boudié. S’agissant de l’article 40, vous avez saisi le président Coquerel, qui vous a répondu.
M. Laurent Lhardit (SOC). L’une des grandes vertus du bulletin unique est de donner corps aux nouvelles modalités de scrutin. Avec un compte de campagne unique, on ne se demandera plus si une manifestation doit être imputée sur le compte de la liste centrale ou sur celui des listes de secteur.
M. Olivier Marleix (DR). La gestion des comptes de campagne n’est pas un simple problème administratif : si nous ne réglons pas cette question, le texte risque d’être censuré pour incompétence négative du législateur. En l’état du droit, il n’existe qu’une liste, composée de 503 noms, et une seule campagne ; avec ce texte, ce ne sera plus le cas. C’est un motif d’inconstitutionnalité.
Sylvain Maillard nous a assuré qu’il avait fait travailler les meilleurs spécialistes sur ce texte : puisqu’ils n’ont pas été capables de régler cette question, il vous revient, monsieur le rapporteur, de trouver des solutions d’ici à l’examen en séance publique. Pour ma part, je proposais d’affecter les dépenses par tirage au sort.
M. Sylvain Maillard (EPR). Décidément, M. Marleix s’acharne contre moi… Oui, l’objectif du texte est de modifier le mode de scrutin, et cela a évidemment des conséquences sur la gestion des comptes de campagne. Aujourd’hui, une partie des charges de la campagne centrale est déjà imputée sur les comptes de campagne d’arrondissement : nous allons travailler à un mécanisme pour identifier précisément ce qui relève de l’un ou l’autre et répartir la charge.
Effectivement, ça change les habitudes – et c’est pour cela que nous siégeons, ne vous en déplaise. Mais, comme d’habitude, nous resterons chacun dans notre rôle : vous voterez contre, nous voterons pour.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Il faut absolument assurer l’égalité devant le scrutin. Or la gestion des comptes de campagnes est un impensé du texte, qui occasionnera des difficultés pour les candidats et, en cas de recours, des annulations d’élection en cascade. Nous devons collectivement, d’ici à l’examen en séance publique, trouver une solution qui prenne en considération la spécificité du mode de scrutin que nous sommes en train d’introduire.
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Monsieur Grégoire, aujourd’hui, l’annulation des comptes de campagne d’un arrondissement entraîne déjà, mécaniquement, des conséquences sur la campagne centrale.
Monsieur Marleix, nous n’avons effectivement pas approfondi cette question, mais je m’engage à l’étudier d’ici à l’examen en séance publique, afin que le texte soit solide sur le plan juridique. Reste que je ne puis accepter l’idée d’un tirage au sort : nous allons essayer de trouver une solution plus rationnelle.
M. Emmanuel Grégoire (SOC). Monsieur le rapporteur, sur le plan juridique, les dix-sept scrutins à Paris sont totalement indépendants les uns des autres, et seule l’annulation d’une dépense mutualisée avec la campagne centrale est susceptible d’entraîner le rejet d’une partie des comptes de campagnes d’arrondissement, au prorata de la contribution financière apportée au budget global. Le dispositif proposé par Sylvain Maillard ne peut donc pas fonctionner, et il risque de générer du contentieux électoral croisé.
En outre, à moins de doubler les plafonds de campagne, vous allez en réalité introduire un nouveau régime d’exception, qui sera un motif d’inconstitutionnalité supplémentaire : à Paris, les candidats auront droit à deux fois moins de dépenses de campagne, puisqu’ils devront financer à la fois la campagne centrale et les campagnes d’arrondissement avec le même montant.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL11 de Mme Léa Balage El Mariky
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). L’organisation de deux scrutins distincts pourrait conduire, à Lyon, à augmenter le nombre d’élus, ce qui entraînerait des charges exceptionnelles non prévues par la collectivité. Cet amendement vise donc à plafonner le nombre total d’élus – conseillers d’arrondissement et conseillers municipaux – à 223.
Par ailleurs, la répartition des élus n’est plus représentative de la réalité démographique des arrondissements. C’est un souci – j’y reviendrai avec d’autres amendements.
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Le texte n’augmente pas le nombre d’élus au sein des conseils d’arrondissements et des conseils municipaux – je vous renvoie au tableau qui figure à l’article 2 : pour Lyon, le nombre de conseillers d’arrondissement est fixé à 221. Votre demande étant satisfaite, je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement ; à défaut, avis défavorable.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). On m’a toujours dit : « Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ». Je maintiens mon amendement.
Mme Sandrine Runel (SOC). Je rebondis sur le sujet des comptes de campagne. Je rappelle que les scrutins d’arrondissement sont indépendants, avec des comptes de campagne distincts. D’ailleurs, rien n’oblige les candidats à déposer une liste dans tous les arrondissements.
La réforme que vous proposez pourrait conduire à une multiplication du nombre d’élus : par exemple, à Lyon, les 73 conseillers municipaux pourraient venir s’ajouter aux 221 conseillers d’arrondissement s’ils n’étaient pas également saisis d’un mandat local. Cela entraînerait un surcoût financier très important. En outre, les conseillers municipaux pourraient être totalement déconnectés des arrondissements.
La réflexion sur ce texte n’est pas aboutie, et il aurait été préférable de prendre le temps de réfléchir aux réalités locales. Nous soutiendrons cet amendement.
M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). J’ai un peu de mal avec l’idée de limiter le nombre d’élus, d’autant que cela ne ferait qu’inciter au cumul.
Mme Sandrine Runel (SOC). C’est interdit !
M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). Vous souhaitez que les conseillers municipaux soient aussi conseillers d’arrondissement : c’est bien la définition d’un cumul des mandats. À nos yeux, c’est un problème : chaque liste doit être libre de choisir si elle fait cumuler ses élus.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’article 1er modifié.
Après l’article 1er
Amendement CL34 de Mme Blandine Brocard
Mme Blandine Brocard (Dem). Je suis persuadée que la situation actuelle à Lyon brouille la compréhension du système électoral et complique l’identification des responsabilités incombant aux différences instances. Au lieu de rapprocher les citoyens des institutions locales, elle contribue à accroître encore leur défiance à l’égard du processus démocratique.
Fixée en 1982 et inchangée depuis, la représentativité des conseils d’arrondissements de Lyon ne correspond plus à la démographie actuelle. Certains arrondissements sont ainsi sous-représentés, d’autres sur-représentés. Le 9e arrondissement, qui compte 53 000 habitants, compte ainsi neuf conseillers municipaux, quand le 3e, fort de 101 000 habitants, soit presque le double, n’en a que douze – au lieu de dix-huit si la répartition était proportionnelle à la démographie.
Afin de simplifier le processus électoral lyonnais et de le rendre plus cohérent, cet amendement tend à supprimer les conseils d’arrondissement de Lyon. Cela permettrait aux électeurs de ne participer qu’à deux scrutins au lieu de trois, et de clarifier le paysage institutionnel local sans nuire à la représentativité démocratique – j’y suis très attachée.
Pour renforcer les compétences et le pouvoir de décision des arrondissements, le maire pourra désigner des adjoints délégués à chaque arrondissement, qui disposeront de délégations élargies recouvrant toutes les compétences actuelles des maires d’arrondissement. À Toulouse, qui compte aujourd’hui plus d’habitants que Lyon, ces adjoints délégués aux quartiers portent d’ailleurs officieusement le titre de « maire de quartier ».
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Amendement CL67 de M. Jean-Paul Mattei et sous-amendement CL73 de M. Laurent Lhardit, amendements CL26 de M. Franck Allisio, CL66 de M. Jean-Paul Mattei et CL49 de M. Gabriel Amard (discussion commune)
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. S’agissant de la désignation des conseillers métropolitains, deux options s’offraient à nous : si mon amendement de réécriture de l’article 1er avait été adopté, il aurait été opportun de choisir les conseillers métropolitains parmi les conseillers d’arrondissement – d’où mon amendement CL66. Mais puisque ce n’est pas le cas, il me semble préférable d’aligner le système sur le droit commun, et de flécher des conseillers municipaux pour siéger à la métropole. C’est l’objet de l’amendement CL67.
M. Laurent Lhardit (SOC). À Marseille, le nombre de conseillers métropolitains – ils sont 102 – excède le nombre de conseillers municipaux. Il faut donc préciser les conditions de désignation des conseillers supplémentaires et les modalités de leur remplacement en cas de vacance. C’est l’objet de ce sous-amendement de coordination juridique.
M. Franck Allisio (RN). Afin d’assurer la cohérence de la réforme et pour éviter un risque d’inconstitutionnalité, mon amendement tend à préciser que l’élection des conseillers communautaires est liée à celle des conseillers municipaux et non à celle des conseillers d’arrondissement ou de secteur.
M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). Notre amendement va dans le même sens que celui du rapporteur : si le CL67 était adopté, nous serions satisfaits.
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. N’y voyez pas de coquetterie, mais je vous demande de retirer vos amendements au profit du mien.
Quant au sous-amendement, je vous demande également de bien vouloir le retirer : je n’ai pas encore trouvé de solution pour répondre à cette spécificité marseillaise, mais nous y travaillerons d’ici à l’examen en séance publique.
M. Laurent Lhardit (SOC). Je préfère le maintenir.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Si j’en comprends la logique, ces amendements m’inquiètent : que va-t-il advenir des élus d’arrondissement, de la considération qu’on leur porte, de leur rôle, de leurs compétences, si le lien avec la métropole est rompu ? C’est encore un angle mort du texte.
Les conseillers d’arrondissement sont des élus de terrain, qui travaillent en parallèle de leur engagement. Ils sont en première ligne pour répondre aux questions des citoyens, des collectifs, des associations et, à ce titre, il est important qu’ils aient accès à la métropole pour y défendre des sujets locaux ou des demandes de financement. C’est un de leurs rôles actuellement, et il serait vraiment dommage de les priver de cet espace de dialogue avec l’ensemble des instances en lien avec leur territoire.
M. Emmanuel Grégoire (SOC). À ma connaissance, jamais une proposition de loi n’a été à l’origine d’un changement du mode de scrutin, et ce n’est pas un hasard : c’est un sujet éminemment technique.
Si on instaure un scrutin spécifique pour le conseil de Paris, la logique veut que les conseillers métropolitains soient issus de ces élus. Mais l’élection des conseillers de Paris répond à des règles très particulières, prévues par le code général des collectivités territoriales (CGCT). La liste additionnelle, qui figure sur le même bulletin que celle des conseillers d’arrondissement, doit ainsi respecter la règle dite des trois cinquièmes, afin de garantir une représentation équilibrée entre la majorité et l’opposition. Associée au système de compensation par arrondissement, elle permet – sans le rendre obligatoire –, le fléchage vers la métropole de conseillers d’arrondissement qui ne seraient pas conseillers de Paris, afin d’y assurer la représentation des deux niveaux de gouvernance. La réforme que vous proposez remet en cause ce système historique sans l’articuler avec les dispositions du CGCT.
L’amendement du rapporteur ne règle pas toutes les questions légistiques en suspens. Par exemple, les élus de la métropole seront-ils nécessairement les premiers de la liste, ou dépendront-ils d’un ordonnancement précisé sur le bulletin de vote, comme le requiert le CGCT ? Imaginez : sur le bulletin de vote figureront, outre les noms des 163 conseillers de Paris, les candidats fléchés pour la métropole. Tout cela commence à être, sinon indémêlable, du moins très compliqué, et il est totalement irresponsable d’espérer faire aboutir une telle réforme dans les délais impartis. Si le texte venait à être promulgué, nous découvririons sûrement un grand nombre d’impraticabilités. Ce serait très préjudiciable pour la démocratie.
Les amendements CL 66 et CL49 sont retirés.
Successivement, la commission rejette le sous-amendement CL73 et adopte l’amendement CL67.
En conséquence, l’amendement CL26 tombe.
Article 2 : Répartition des sièges dans chaque conseil d’arrondissement
Amendements de suppression CL7 de Mme Léa Balage El Mariky, CL14 de M. Olivier Marleix, CL57 de Mme Céline Hervieu et CL58 de Mme Sandrine Runel
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Le texte ne tire pas toutes les conséquences de l’instauration d’un double scrutin. Nous proposons donc de supprimer cet article.
M. Patrick Hetzel (DR). L’article 2 méconnaît le principe d’égalité des citoyens devant le suffrage, ce qui fait peser sur le texte un fort risque d’inconstitutionnalité. De toute évidence, il aurait mérité une expertise spécifique. Peut-être M. le rapporteur pourra-t-il nous apporter un éclairage plus précis d’ici à l’examen en séance publique. En attendant, nous proposons de supprimer l’article.
Mme Céline Hervieu (SOC). Je m’associe à ces alertes. Les élus au conseil de Paris sont rattachés à un arrondissement : il ne s’agit pas, comme j’ai pu l’entendre, d’un cumul de mandats, mais seulement d’une continuité logique pour assurer la bonne application des politiques publiques.
Le texte que vous proposez contrevient au principe de libre administration des communes. Les arrondissements ne sont pas des communes de plein exercice, mais ils gèrent des équipements municipaux et prennent des décisions qui engagent directement la responsabilité juridique de la ville : les arrondissements doivent donc être représentés au conseil de Paris, ne serait-ce que pour assurer une cohérence d’ensemble. Or, si les deux scrutins sont dissociés, certains arrondissements pourraient agir en toute autonomie, sans aucun lien avec le conseil de Paris. C’est un problème important pour la conduite des politiques publiques.
De la forme comme du fond, rien ne va dans ce texte – ni sa temporalité, déjà dénoncée, ni ses principes, susceptibles d’être jugés inconstitutionnels.
Vous êtes quelqu’un d’intelligent, monsieur Maillard : pourquoi ne pas essayer de convaincre les Parisiens avec vos idées plutôt que de chercher à tripatouiller les règles du scrutin pour espérer obtenir plus d’élus ? Si ce n’est pas une magouille, c’est, à tout le moins, une manœuvre – et, en matière électorale, elle ne peut être que basse.
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. L’adoption de ces amendements de suppression priverait le texte de toute substance. L’avis est donc défavorable. Vous avez le droit de ne pas être d’accord et de proposer des solutions alternatives ; en revanche, dire que la proposition de loi est une magouille a tendance à m’agacer. Nous ne procédons à aucun tripatouillage, nous réfléchissons, ce qui n’a rien d’anormal. Ce matin, la commission a adopté un texte qui concerne de très nombreuses communes ; or les grandes villes comme Lyon et Paris n’ont pas à être mises à part. Nous légiférons, tel est notre office, rien n’est anormal là-dedans. Si vous faisiez adopter un autre texte, je ne qualifierais pas votre démarche de manœuvrière. Nous tentons, sans employer le terme vexatoire de transparence, de rendre le mode de désignation des conseils municipaux de Paris, Lyon et Marseille plus logique.
M. Patrick Hetzel (DR). Vous êtes très sensible à la relation de confiance entre les électeurs et notre système démocratique, mais la question clé réside dans la suppression du continuum entre les conseillers d’arrondissement et ceux de Paris, laquelle creusera un fossé entre eux. Le texte va à l’inverse de vos louables intentions.
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Certains conseillers d’arrondissement seront également conseillers de Paris et, dans la pratique, les élus se parleront. La maire de Paris m’a confirmé que les conseillers échangeaient entre eux. La réforme ne provoquera selon moi aucune coupure. Mon expérience d’élu d’une intercommunalité m’a montré que les gens discutaient entre eux. Le texte ne revient pas sur l’existence des maires d’arrondissement. Vous imaginez qu’une catastrophe va advenir : restez calmes, cette proposition de loi n’est pas une révolution et les rapports entre les élus ne seront pas chamboulés.
Mme Céline Hervieu (SOC). Dans certains arrondissements d’opposition à la majorité au conseil de Paris comme le 7e ou le 16e, le groupe socialiste ne compte aucun conseiller et il éprouve les pires difficultés à défendre sa vision pour ces arrondissements au sein du conseil de Paris, car ce sont les représentants de ces arrondissements qui prévalent. Quand le lien est perdu, la situation devient délicate. Les gens se parlent en effet, mais vous savez bien que cela compte beaucoup moins que la présence d’élus. Un arrondissement sans conseiller de Paris se trouvera totalement isolé : un tel système ne peut fonctionner.
La commission rejette les amendements.
L’amendement CL68 de M. Jean-Paul Mattei, rapporteur, est retiré.
Amendement CL56 de M. Emmanuel Grégoire
Mme Céline Hervieu (SOC). Il porte sur le tableau n° 4 que le texte veut annexer au code électoral : celui-ci n’intègre aucunement les évolutions démographiques des trois communes. Il faut abandonner cette proposition de loi, élaborée à la va-vite sur un coin de table à un an de l’élection, et lancer une concertation. Il y a des questions pertinentes à étudier, notamment celle de l’articulation entre le mode de scrutin et les compétences. Il est possible de redonner de la force et de la respiration aux conseils d’arrondissement et d’améliorer la représentativité et la lisibilité. Deux maires des trois communes concernées sont totalement opposés au texte, de même que des maires d’arrondissement, de gauche comme de droite. Posez-vous donc les bonnes questions.
Élaborons trois textes différents, car chaque commune est spécifique, notamment sur le plan démographique. En outre, les organisations territoriales n’ont rien en commun. Travaillons ensemble, avec les élus locaux. La proposition de loi ne respecte ni les institutions, ni les élus locaux, ni les maires d’arrondissement, ni les conseillers de Paris, de Lyon et de Marseille.
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. L’amendement vise à écarter Lyon et Paris de la réforme : l’avis est défavorable.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Je ne suis pas non plus favorable à l’amendement. Il nous faut conduire une réflexion globale sur l’ensemble des modes de scrutin locaux. Monsieur le rapporteur, je vous remercie de chercher à élaborer un texte équilibré et juste, qui puisse être adopté. Néanmoins, à l’heure où la démocratie est attaquée, vous allez trop vite en voulant changer les règles électorales si peu de temps avant une élection et vous présentez un texte très pauvre sur les compétences des élus, l’organisation de la propagande électorale et le financement des campagnes.
M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). Le rapporteur fait un travail remarquable : il tient compte des remarques et il s’engage à trouver des solutions consensuelles en vue de l’examen en séance publique. Je propose que nous nous en tenions à la parole du rapporteur, que personne n’a remise en question, et que nous cessions d’entendre ad nauseam les mêmes arguments, lesquels s’appliqueraient curieusement pour Paris, Lyon et Marseille mais pas pour 70 % des communes du pays. Une telle position n’est pas à la hauteur de l’enjeu !
M. Hervé Saulignac (SOC). Je ne suis ni parisien, ni lyonnais, ni marseillais et nos débats m’effarent. Tout d’abord, c’est la première fois que je vois les députés de La France insoumise suivre la majorité sur tous les sujets, ce qui ne manque pas de susciter quelques interrogations.
Dans ma commune, le conseil municipal est une tribu, dirigée par un chef de tribu respecté. Si ses décisions sont bonnes, on le remercie, si elles sont mauvaises, il est à portée de baffe et on le change. Vos villes sont devenues tellement grandes que vous ne connaissez plus le mode d’emploi de l’exercice intelligible de la démocratie. La teneur de nos échanges et le flou entourant l’avenir du texte ne sont pas de nature à éclairer les Parisiens, les Lyonnais et les Marseillais.
La sagesse serait de suspendre ce chantier si important et de le reprendre plus tard avec plus de sérieux, car le texte actuel aggravera la situation.
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. J’ai été maire pendant seize ans et je n’ai jamais eu l’impression d’être un chef de tribu. J’animais une équipe, j’écoutais les autres et j’étais souvent étreint par le doute.
La discussion sur l’amélioration du mode de scrutin ne date pas d’aujourd’hui, elle a presque commencé en 1982 ou 1983 : ce n’est apparemment jamais le moment d’agir ! La proposition de loi ne modifie pas l’ensemble du système, elle ne touche même pas à la répartition des compétences. Le dernier rapport, celui d’Éric Woerth, a avancé des idées, mais l’histoire n’est pas terminée. Une architecture reposant sur une liste élue au suffrage universel et des conseillers désignés selon le même mode que partout ailleurs dans le pays ne me semble pas constituer un déni de démocratie. Vous pouvez vous opposer au texte, mais de nombreux citoyens des villes concernées sont favorables à l’évolution à laquelle il procède, même s’ils ne sont peut-être pas entrés dans ses aspects techniques. Il y a certes peut-être des problèmes dans ce domaine, relatifs notamment aux comptes de campagne, mais la proposition de loi n’a pas la prétention de régler les questions de compétences.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’amendement rédactionnel CL42 de M. Jean-Paul Mattei, rapporteur.
Amendements CL35 de Mme Blandine Brocard, CL23 de Mme Sandrine Runel et CL63 de Mme Léa Balage El Mariky (discussion commune)
Mme Blandine Brocard (Dem). Plus nos débats avancent, plus je suis convaincue de la pertinence de mes propositions.
Mme Sandrine Runel (SOC). L’amendement CL23 est le plus consensuel de tous, car il vise à rééquilibrer la répartition des conseillers municipaux lyonnais par arrondissement, sans en modifier le nombre total de soixante-treize, sur le fondement des évolutions démographiques. L’objectif est d’aboutir à une représentation plus juste des Lyonnais.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Mon amendement complète celui de ma collègue Runel. La ventilation des conseillers d’arrondissement et municipaux n’a pas changé à Lyon depuis plusieurs années malgré les évolutions démographiques ; aussi je propose de modifier la répartition des conseillers d’arrondissement lyonnais.
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Madame Runel, votre amendement vise à rééquilibrer la ventilation des conseillers municipaux lyonnais : comme le sujet est extérieur au cœur du texte, je vous demande de retirer l’amendement même s’il pourrait être retravaillé d’ici à l’examen en séance.
L’avis est défavorable sur les trois amendements.
Successivement, la commission rejette l’amendement CL35 et adopte l’amendement CL23.
En conséquence, l’amendement CL63 tombe.
La commission adopte l’article 2 modifié.
Article 3 : (art. L. 2511-8, L. 2511-25, L. 2511-26-1 [nouveau] et L. 2511-28 du code général des collectivités territoriales) Participation du maire d’arrondissement ou de secteur au Conseil de Paris ou aux conseils municipaux et diverses mesures de coordination
Amendements de suppression CL9 de Mme Léa Balage El Mariky, CL17 de M. Olivier Marleix, CL59 de M. Emmanuel Grégoire et CL60 de Mme Sandrine Runel
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). J’ai déjà évoqué l’ensemble des arguments qui motivent mon souhait de supprimer l’article 3. Sans prise en compte de l’ensemble des conséquences de la modification des modes de scrutin, la démocratie locale reculera.
Monsieur le rapporteur, vous avez indiqué que la proposition de loi n’avait pas vocation à traiter tous les sujets liés à la démocratie locale à Paris, Marseille et Lyon. Néanmoins, elle ne les ignore pas car les modes de scrutin affectent directement la gouvernance de ces communes. Si nous éludons cet aspect nous nous exposons à des conséquences, certaines minimes mais d’autres lourdes, que nous n’aurons pas anticipées. Prenons le temps de regarder dans le détail l’ensemble des répercussions d’une modification aussi rapide des modes de scrutin.
M. Patrick Hetzel (DR). Le changement du mode de scrutin a une incidence sur la gouvernance. Le pouvoir des conseils et des maires d’arrondissement va diminuer et la prise de décision va s’éloigner du terrain alors que nous souhaitons renforcer la démocratie de proximité. Votre texte est un leurre démocratique ; voilà pourquoi nous alertons la commission sur ses effets.
M. Emmanuel Grégoire (SOC). C’est la première fois dans l’histoire que sera appliqué à une collectivité à statut particulier le principe d’un double vote, avec une double urne, pour désigner une double assemblée délibérante. Cette situation créera d’importants conflits de légitimité. Le Conseil constitutionnel devra se pencher sur le sujet car des questions ne manqueront pas de se poser : quelle est la bonne urne ? Quelle est l’instance qui prendra les décisions ?
Selon le code général des collectivités territoriales, le maire d’arrondissement n’a, mis à part l’état civil, aucune compétence juridique propre car le conseil de Paris peut revenir sur chacune de ses décisions. La légitimité et l’autorité des maires d’arrondissement sont exclusivement politiques : elles reposent sur le fait que l’élection du maire de Paris procède de la leur. L’évolution que vous proposez ne revient ni plus ni moins qu’à tuer les arrondissements. D’ailleurs, dans les débats sur le mode de scrutin qui ont animé la presse ces dernières années, certains demandaient à pousser la logique de la réforme jusqu’à son terme et à supprimer les arrondissements pour faire entrer Paris dans le droit commun et ne conserver que les spécificités qui découlent de ce que la capitale est à la fois une ville et un département – Lyon et Marseille possèdent également certaines particularités.
La proposition de loi met à mort les arrondissements et crée un immense conflit de légitimité.
Mme Sandrine Runel (SOC). C’est exactement le même amendement : il me semble possible que la commission l’adopte.
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. L’article 3 complète les deux articles précédents ; aussi je suis évidemment défavorable à l’adoption des amendements tendant à le supprimer. Nous savons que la proposition de loi sera soumise à l’examen du Conseil constitutionnel, qui nous renseignera sur la présence d’éventuelles anomalies juridiques.
Mme Céline Hervieu (SOC). Pourquoi avez-vous commencé par le mode de scrutin et non par les compétences ? Je pense connaître la réponse : les trois formations politiques qui soutiennent le changement du mode de scrutin n’exercent pas de responsabilités à Paris, Lyon et Marseille et elles aspirent, ce qui est légitime, à en avoir. Voilà pourquoi nous parlons de magouille : votre vision est purement électoraliste. Chacun a fait ses calculs pour déterminer la modification du mode de scrutin servant au mieux ses intérêts électoraux.
Il faut entendre les arguments techniques et pertinents de mon collègue Emmanuel Grégoire : notre démarche n’est pas électoraliste puisque nous ignorons les impacts de la réforme. Il est possible que celle-ci soit favorable à la gauche socialiste à Paris. Nos arguments ont trait au fond du texte et à la méthode choisie ; ils ne sont pas guidés par l’ambition électoraliste contrairement à ceux des représentants macronistes dans notre commission. Il importe que les électeurs parisiens le sachent.
M. Patrick Hetzel (DR). Comme l’a dit notre collègue Emmanuel Grégoire, le conflit de légitimité sera inévitable entre les conseils d’arrondissement et le conseil municipal central.
Les élus continueront à dialoguer, dites-vous, mais votre expérience de l’intercommunalité aurait dû vous enseigner qu’il est important que les communes soient représentées dans les réunions de l’exécutif des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Quand des communes ne siègent plus à l’échelon intercommunal, elles ont l’impression de ne plus être entendues. Cette situation crée des tensions. Donc la question du conflit de légitimité est tout sauf annexe.
M. David Amiel (EPR). Je suis étonné d’entendre nos collègues socialistes nous expliquer que cette réforme est antidémocratique et indigne pour Paris, mais qu’elle est nécessaire et urgente pour Marseille. Je m’interroge sur les arrière-pensées motivant une telle différence de position, alors que la même loi PLM, de 1982, s’applique. Ces villes étant toutes trois divisées en arrondissements, chacun tirera ses propres conclusions des calculs du parti socialiste qui le conduisent à vouloir maintenir le cadre actuel à Paris et le changer impérativement à Marseille. De notre côté, nous faisons preuve de cohérence : la loi PLM doit être réformée selon le principe suivant : chaque Parisien, chaque Lyonnais et chaque Marseillais doit compter pour une voix, sans aucune différenciation qui serait guidée par des calculs électoraux.
La commission rejette les amendements.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL43 et CL44 de M. Jean-Paul Mattei, rapporteur.
La commission adopte l’article 3 modifié.
Après l’article 3
Amendement CL21 de M. Laurent Lhardit
M. Laurent Lhardit (SOC). Cet amendement vise à préciser que les conseillers métropolitains sont élus à partir des listes des conseillers municipaux. En cas de liste incomplète ou de vacance, le conseil municipal désigne les conseillers métropolitains supplémentaires parmi les conseillers d’arrondissement.
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Nous avons eu un débat comparable lors de l’examen de votre sous-amendement CL73, qui promouvait un dispositif identique. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Article 4 : Entrée en vigueur du nouveau scrutin
Amendement de suppression CL10 de Mme Léa Balage El Mariky
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Les députés du groupe Ensemble pour la République sont plus présents pour l’examen de ce texte qu’ils ne l’étaient pour celui de la proposition de loi de leur président, Gabriel Attal.
J’ai essayé de mettre en lumière l’ensemble des conséquences du changement des modes de scrutin alors que ses promoteurs veulent que nous examinions ce texte le plus rapidement possible. Je souhaite supprimer l’article 4 comme je souhaitais supprimer les trois précédents.
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Si l’article 4 est supprimé, la loi s’appliquera à partir de sa publication. Il est donc presque superfétatoire, mais autant le conserver car il indique explicitement que le nouveau système entrera en vigueur dès les prochaines élections municipales. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’amendement rédactionnel CL45 de M. Jean-Paul Mattei, rapporteur.
La commission adopte l’article 4 modifié.
Article 5 : Remise d’un rapport d’évaluation des modalités d’un transfert de compétences de la mairie centrale vers les mairies d’arrondissement ou de secteur de Paris, Lyon et Marseille
Amendement de suppression CL16 de M. Olivier Marleix
M. Patrick Hetzel (DR). L’article 5 témoigne de la volonté d’organiser une concertation transpartisane sur le mode d’élection et les compétences du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille : il est un aveu qu’une évolution du scrutin dans un délai aussi bref poserait problème et qu’elle serait antidémocratique. Sinon, pourquoi prévoir cette concertation ex post ? En bon législateur, nous devrions l’organiser ex ante.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL46 et CL47 de M. Jean-Paul Mattei, rapporteur.
Amendement CL36 de Mme Blandine Brocard
Mme Blandine Brocard (Dem). L’objectif initial de cette PPL – simplifier le mode de scrutin et lui apporter de la clarté – n’est pas rempli.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
La commission adopte l’article 5 modifié.
Après l’article 5
Amendement CL32 de M. Jean Laussucq
M. Jean Laussucq (EPR). La maire de Paris a l’habitude de réunir les maires d’arrondissement pour évoquer des sujets de son choix, selon un ordre du jour déterminé. Nous proposons d’inscrire un tel dispositif dans la loi sous la forme d’une conférence des maires. Celle-ci pourrait être dupliquée à Lyon et Marseille si les élus le souhaitent.
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Il ne me semble pas utile d’inscrire dans la loi l’existence de cette instance, d’autant plus que l’article 3 prévoit que les maires d’arrondissement puissent être entendus au conseil de Paris. À défaut du retrait de l’amendement, avis défavorable.
M. Emmanuel Grégoire (SOC). Le comité des arrondissements réunit déjà de façon informelle les maires d’arrondissement autour de la maire de Paris. Même si l’usage est bien établi, il ne me semble pas absurde de l’inscrire dans la loi. Je soutiens donc cet amendement.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Il a été question de conflit de légitimité ; j’aimerais quant à moi que l’on parle de conflit d’intérêts. L’article 81-1-1 du règlement dispose que les députés doivent se déporter dans le cas où ils risquent de se retrouver dans une telle situation. Il me semble que certains des collègues ayant participé à notre débat sont directement concernés par les élections municipales et qu’il serait préférable qu’ils se déportent pour l’examen du texte en séance ; l’un d’entre eux a même déjà un site internet de campagne.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Si l’on suit ce raisonnement, l’initiative de notre collègue Sylvain Maillard est également entachée par un conflit d’intérêts – quand bien même il n’a pas encore annoncé sa candidature sur une liste.
Mme Sandrine Runel (SOC). Si un législateur ne doit avoir aucun intérêt dans le texte examiné, nous ne pourrons plus débattre de la proportionnelle ni des élections en général ! Il reste du temps avant les municipales : la remarque de notre collègue n’est pas fondée.
La commission adopte l’amendement.
La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.
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La séance est levée à 16 heures 30.
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Présents. - M. Laurent Alexandre, Mme Marie-José Allemand, M. Franck Allisio, M. Gabriel Amard, M. David Amiel, M. Pouria Amirshahi, Mme Léa Balage El Mariky, Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, M. Florent Boudié, Mme Maud Bregeon, M. Stéphane Delautrette, M. Emmanuel Duplessy, M. Yoann Gillet, Mme Olivia Grégoire, M. Emmanuel Grégoire, M. Jordan Guitton, Mme Céline Hervieu, M. Patrick Hetzel, Mme Emmanuelle Hoffman, M. Bastien Lachaud, M. Jean Laussucq, M. Antoine Léaument, M. Laurent Lhardit, M. Sylvain Maillard, M. Olivier Marleix, M. Éric Martineau, M. Jean-Paul Mattei, Mme Nathalie Oziol, Mme Sandra Regol, Mme Béatrice Roullaud, Mme Sandrine Runel, M. Hervé Saulignac, Mme Andrée Taurinya, M. Michaël Taverne, Mme Caroline Yadan
Excusés. - M. Ian Boucard, M. Loïc Kervran, M. Aurélien Lopez-Liguori, Mme Naïma Moutchou, M. Antoine Villedieu
Assistait également à la réunion. - M. Jean Moulliere