Compte rendu
Délégation aux Outre-Mer
– Audition de M. François-Noël Buffet, ministre auprès du Premier ministre, chargé des outre-mer 2
– Informations relatives à la Délégation................... 19
– Présences en réunion.............................. 20
Jeudi
31 octobre 2024
Séance de 17 heures
Compte rendu n° 2
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Davy Rimane, Président
DÉLÉGATION AUX OUTRE-MER
Jeudi 31 octobre 2024
Présidence de M. Davy Rimane, président de la délégation
– Audition, ouverte à la presse, de M. François-Noël Buffet, ministre auprès du Premier ministre, chargé des outre-mer.
L’audition débute à dix-sept heures.
M. le président Davy Rimane. J'ai l'honneur d'ouvrir les travaux de la délégation aux outre-mer pour cette première audition de la dix-septième législature.
Cette audition intervient à l'approche de l'examen des crédits de la mission outre-mer en commission des finances, alors que nous constatons le recul sans précédent que connaissent les financements de notre mission, bien qu'ils ne représentent que 10 à 13 % des moyens alloués aux territoires ultramarins, répartis au sein d'une trentaine de missions et d'une centaine de programmes. Ce constat soulève une première interrogation : envisagez-vous d'accroître la visibilité et la transparence budgétaires pour permettre aux parlementaires et aux populations d'identifier aisément l'ensemble des moyens consacrés au rattrapage entre les territoires d’outre-mer et l'hexagone ?
Le contexte d'austérité budgétaire inflige une double peine à nos territoires : d’une part une baisse conséquente des moyens au sein de la mission outre-mer et, d’autre part des coupes dans l'ensemble des autres missions concernées. Aussi, ne serait-il pas pertinent de regrouper l'ensemble des crédits affectés aux territoires ultramarins dans un document budgétaire unique ?
Nous examinons par ailleurs ce budget dans un climat de tensions contre la vie chère en Martinique, où un accord a été signé après de longues négociations, sans pour autant satisfaire le collectif à l'origine des mobilisations. Paradoxalement, c'est le programme 123 Conditions de vie outre-mer qui subit la coupe budgétaire la plus sévère. La continuité territoriale, sur laquelle je vous ai déjà alerté, voit ses crédits diminuer de 18 %.
Dans ce contexte de restrictions budgétaires, comment pouvez-vous garantir que le comité interministériel annoncé pour le début de l'année prochaine offrira des perspectives encourageantes aux collectivités ultramarines ? Je crains en effet que les mesures qui pourraient être présentées à cette occasion ne se limitent à de simples effets d'annonce.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du Premier ministre, chargé des outre-mer. En tant que premier orateur de cette législature, je tiens à vous remercier pour votre accueil. C'est un privilège de m'exprimer devant vous dans le cadre de mes nouvelles fonctions.
Il existe déjà un document budgétaire transversal qui offre une vision globale de l'ensemble des budgets, notamment ultramarins. Concernant la transparence des coûts, je souhaite aller plus loin en menant une action volontariste à travers des contrôles approfondis et une analyse détaillée du dispositif. L'objectif est de comprendre précisément le fonctionnement, les responsabilités et les bénéfices de chacun. Cette démarche constituera un moment de vérité nécessaire.
J’ai évoqué hier, devant la commission des lois de l’Assemblée nationale, le budget de la mission outre-mer, qui représente environ 15 % des 25 à 26 milliards d'euros du budget total pour l'outre-mer. Les discussions se poursuivent au sein du gouvernement pour obtenir des crédits permettant de respecter les engagements de l'État, tout en contribuant à la maîtrise des comptes publics. Nous cherchons notamment à revoir la baisse prévue dans la lettre-plafond d'août dernier, particulièrement pour le programme 123.
Mes principes directeurs seront l'efficacité de la dépense, la proportionnalité des crédits par rapport aux besoins réels et l'évaluation des politiques publiques. Je suis conscient de l'instabilité qu’a connue ce ministère par le passé, avec sept ministres différents depuis 2017. Bien que cette situation soit problématique, je me réjouis que le ministère soit désormais de plein exercice et rattaché au Premier ministre.
Depuis ma prise de fonction, le ministère fait face à de nombreuses crises : en Nouvelle-Calédonie, autour de la vie chère, dans le domaine énergétique, ou encore la crise migratoire sur certains territoires. Peu de territoires ultramarins échappent finalement à des difficultés importantes et souvent structurelles. Je souhaite donc que le ministère puisse s’investir sur des enjeux de long terme.
Ma méthode repose sur l'échange, l'écoute et la co-construction, tout en préservant l'autorité de l'État pour prendre des décisions à terme. Je suis convaincu que nous pouvons bâtir ensemble des solutions adaptées aux spécificités de chaque territoire ultramarin. Nous ne pouvons pas adopter une solution uniforme pour tous les territoires d'outre-mer, car elle serait inadaptée. Il est nécessaire de prendre en compte les spécificités de chaque territoire le plus en amont possible dans la mise en œuvre des dispositifs nationaux. Il faut notamment veiller à ce que les préfets utilisent judicieusement leur pouvoir de dérogation et réfléchir à l'inscription dans la durée du principe d'adaptation.
Il est également crucial de valoriser nos outre-mer en France métropolitaine pour contrer les images négatives souvent liées aux conflits sociaux ou aux phénomènes climatiques. Je m'attacherai dans les prochains mois à mettre en avant les réussites, les talents et les productions ultramarines, que j’estime actuellement insuffisamment valorisés. Nous pouvons promouvoir l'ensemble de nos territoires dans de nombreux domaines, notamment économiques, ou concernant les initiatives des collectivités locales.
J’ai notamment assisté, lors de mon récent séjour en Nouvelle-Calédonie, à la réunion de la French Tech à Nouméa, rassemblant tous les territoires du Pacifique. Il est véritablement encourageant de constater les développements positifs en préparation.
Je crois fermement au principe d'une relation de confiance, qui se gagne notamment par le respect de la parole de l'État. Je m'efforcerai d'être le garant de cette parole donnée. Tout engagement pris par l'État doit être respecté, que ce soit en matière budgétaire ou sur d'autres sujets.
Concernant le dossier calédonien, qui constitue une priorité majeure, deux objectifs doivent être poursuivis en parallèle. Tout d'abord, il convient de réengager sans délai la refondation économique et sociale de la Nouvelle-Calédonie. Des moyens d'urgence ont été débloqués et l'État s'est mobilisé pour éviter l'effondrement. Nous devrions pouvoir apporter une aide supplémentaire d'environ 1,3 milliard d'euros entre 2024 et 2025, sous diverses formes. Nous démontrerons notre capacité à agir rapidement et efficacement dans le cadre du débat budgétaire. Au-delà de la reconstruction matérielle consécutive aux événements du 13 mai dernier, c'est tout l'avenir humain, politique et institutionnel de la Nouvelle-Calédonie qu'il faudra accompagner.
Parmi mes priorités au sein de ce ministère figure la création de valeur en outre-mer. Elle est indispensable pour développer l'emploi et les revenus, réduire les inégalités et les fragilités. Cet objectif est incontournable pour sortir d'un modèle économique et social qui montre ses limites. Il est nécessaire de travailler sur des sujets stratégiques au-delà de l'urgence immédiate, afin d'inscrire chaque territoire dans une vision de moyen et long terme. Cela permettra d'établir une stratégie par territoire et de construire un destin commun qui puisse être compris et partagé.
Afin de soutenir cet objectif, je souhaite que nous puissions travailler sur les questions d'ingénierie et d'articulation des capacités d'appui aux projets locaux par les services et opérateurs de l'État, avec des réponses différenciées selon les territoires.
Je souhaite rassurer une nouvelle fois sur ce point. Il ne s'agit pas de considérer que certains acteurs sont incapables d'agir, mais plutôt de reconnaître l'existence potentielle de blocages ponctuels, principalement pour des raisons techniques. Dans ces situations, l'État doit pouvoir intervenir rapidement avec une mission ciblée afin de débloquer les situations et faire progresser les projets.
Je propose également que nous analysions les atouts et les faiblesses de chaque territoire afin d'élaborer des plans à moyen et long terme et de disposer ainsi d’une vision plus étendue. J'estime nécessaire d'examiner sans tabou le fonctionnement actuel de nos économies ultramarines, largement basées sur la consommation de produits importés et qui alimentent en partie les recettes locales à travers l'octroi de mer. Je peine notamment à accepter les écarts de prix qui atteignent 40 % en Martinique par rapport à l'hexagone. Un accord récent permettra de réduire les prix des produits de première nécessité d'environ 20 % au 1er janvier, ce qui représente une avancée positive, mais n’est qu’une première étape vers une réflexion plus structurelle et approfondie sur ce sujet.
De nombreux rapports et audits existent, et les moyens financiers ont augmenté ces dernières années. Cependant, les résultats ne sont pas toujours au rendez-vous, comme en témoignent les questions soulevées depuis ma prise de fonction. Nos ressources étant désormais sous forte contrainte, il est impératif de prioriser et de n'interdire aucune remise en question, à condition que les analyses soient parfaitement claires et partagées. Le constat doit être objectif et consensuel, formant ainsi une base de discussion solide pour l'élaboration de solutions. Il sera notamment nécessaire de mobiliser les observatoires des prix et des marges, en particulier aux Antilles.
L'un des objectifs qui s'imposent est celui d'augmenter l'autosuffisance alimentaire de nos outre-mer. Nous devons progresser résolument sur ce point pour réduire la part des importations, contribuer à la baisse des prix de la production locale et des prix aux consommateurs, afin de répondre à la problématique du coût de la vie qui souligne les écarts de prix excessifs. Cela fera partie des sujets traités lors du comité interministériel des outre-mer (Ciom) que nous tiendrons au premier trimestre 2025.
Un autre point concerne le défi de la jeunesse et de son avenir. Nous observons une forte hausse démographique en Guyane et à Mayotte, et une baisse en Martinique. Malgré ces réalités différentes, l'enjeu commun est de donner à cette jeunesse un espoir d'épanouissement dans ses projets, dans les territoires et parfois ailleurs, car la jeunesse des outre-mer aspire, comme celle de tous les pays, à découvrir le monde. La première condition pour permettre à notre jeunesse de se projeter et d'avancer est la formation. Le ministère des outre-mer y contribue par le maintien du service militaire adapté (SMA) ou encore grâce à un plan en faveur de l'acquisition des savoirs de base. Au-delà, nous devons identifier les secteurs porteurs, orienter les filières de formation vers ces secteurs et conforter l'apprentissage.
Il est également indispensable d’offrir des perspectives de logement, un sujet préoccupant pour les jeunes en quête d'autonomie ou de retour dans leur pays d'origine. Bien que la ligne budgétaire unique (LBU) soit un bon outil, il reste insuffisant pour résoudre l’ensemble des problèmes. Le plan logement outre-mer 3, que nous signerons début 2025 avec la ministre en charge du logement, devrait contribuer significativement à régler cette question.
La dernière priorité concerne la résilience des territoires ultramarins dans le contexte de transition écologique. Le Premier ministre souhaite que les outre-mer soient volontaristes en matière de décarbonation de l'énergie, un domaine où des progrès notables ont déjà été réalisés pour la production électrique.
Nous devons également travailler sur la prévention et la culture des risques. La montée du niveau des océans commence notamment à produire des effets à Miquelon et ailleurs et nous devons anticiper ces risques au sein de ces territoires aux équilibres fragiles. Les territoires ultramarins recèlent des trésors de biodiversité et abritent une grande partie des aires marines protégées de notre pays, et nous devons veiller à la préservation de ces richesses.
La dernière priorité est l'accès aux services de base. Outre le logement, la santé, l'éducation et l'eau, de trop nombreux besoins restent encore insatisfaits et nous devons agir pour assurer l'égalité d’accès de nos compatriotes aux services publics. Il s’agit également de soutenir les projets des collectivités en matière d’équipement public à travers le fonds exceptionnel d’investissement (FEI), doté en 2025 de 110 millions d'euros et dont la programmation démarrera dans les prochaines semaines. Le Ciom qui s'annonce doit enfin être l'occasion de fixer des objectifs sur ces sujets au-delà des urgences, comme le plan eau à Mayotte ou en Guadeloupe. La demande d’évolution institutionnelle portée par certains territoires doit faire l’objet d’un rapport à paraître prochainement, qui servira d'outil pour nos futurs échanges.
Le sujet est également celui de l'insertion de nos outre-mer dans leur environnement régional. La question de l'entrée dans les organisations régionales progresse, puisque la Martinique siègera bientôt au sein de la Communauté des Caraïbes (Caricom). D’autres enjeux majeurs concernent les échanges économiques et les flux logistiques, ainsi que les questions du narcotrafic et des migrations. Sans tranquillité ou diminution du niveau de criminalité, la qualité de vie de nos compatriotes ne pourra être améliorée.
Pour conclure, le Ciom du premier trimestre 2025 devrait nous permettre de traiter de nombreux sujets et d’inscrire de nouveaux projets à l’agenda. Il sera un moment important de planification à moyen et long terme.
M. le président Davy Rimane. Permettez-moi, monsieur le ministre, de rappeler que le FEI subit une baisse de 30 % alors même que les 160 millions d’euros prévus par le projet de loi de finances (PLF) 2024 étaient déjà largement insuffisants au regard des besoins de nos territoires.
Je rappelle en outre, concernant le rapport d’experts sur l’évolution institutionnelle qui doit vous être prochainement remis, que cette délégation doit également vous remettre un rapport qui contiendra des préconisations sur le même sujet.
M. Stéphane Rambaud (RN). Monsieur le ministre, selon le calcul de l'Insee en 2022, les prix de l'alimentation demeurent scandaleusement élevés en Martinique et en Guadeloupe, atteignant respectivement 40 % et 42 % de plus qu'en métropole. Un rapport de la Cour des comptes attribue ces écarts à des marges commerciales élevées, à une concurrence insuffisante, mais également à l’octroi de mer, un impôt archaïque hérité de l'ancien régime qui pèse lourdement sur le coût des produits importés. Cette situation intolérable ne fait qu'aggraver une vie déjà marquée par la cherté et par une précarité ancrée chez les ultramarins. À cela s'ajoute la mobilisation récente des représentants du rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéens (RPPRAC) qui se sont rendus en Guadeloupe pour rassembler la population autour de ces revendications. Face à cette situation alarmante, jugez-vous pertinent et légitime de maintenir l'octroi de mer ? Le gouvernement entend-il enfin agir pour défendre les intérêts de nos compatriotes et remédier à cette injustice sociale ?
M. Perceval Gaillard (LFI-NFP). Vous avez évoqué, dans votre propos liminaire, le contexte de votre ministère qui pèse sur le budget et sur cette audition.
Je souhaite aborder un sujet préoccupant concernant le conflit social majeur qui touche actuellement nos centrales électriques gérées par Albioma à La Réunion, en Martinique et en Guadeloupe. Ce conflit dépasse le cadre interne de l'entreprise et engendre des répercussions considérables sur nos territoires. Les planteurs n'ont pu livrer leur canne, une partie de la population a subi des délestages en Guadeloupe et un couvre-feu a été instauré en lien avec cette situation. Ces événements soulèvent des questions cruciales sur la souveraineté énergétique de nos territoires et de la France. Il y a deux ans, lors du rachat d'Albioma par le fonds d'investissement américain KKR, plusieurs d'entre nous, présents autour de cette table, avaient lancé des alertes sur les risques. J'avais personnellement écrit à l'un de vos prédécesseurs au ministère de l'économie, qui nous avait assuré de la vigilance de l'État et de son engagement à jouer pleinement son rôle. La situation actuelle soulève des interrogations quant à l'efficacité de cette vigilance.
Pouvez-vous confirmer la mise en place d'une médiation, comme semblent l'indiquer nos échanges avec les représentants syndicaux ? Quel rôle l'État entend-il jouer dans ce processus de médiation ? Plus largement, quelle est la vision stratégique de l'État concernant la souveraineté énergétique de nos territoires, en prenant en compte toutes les implications, notamment dans le contexte de rachats par des fonds d'investissement étrangers ?
Mme Karine Lebon (GDR). Monsieur le ministre, je salue vos propos qui témoignent d'une conscience des enjeux cruciaux pour les outre-mer : autosuffisance alimentaire, vie chère, jeunesse, formation et logement. Nous partageons votre attachement à la différenciation nécessaire pour nos territoires, souvent décrits comme unis dans leur diversité. Vos prédécesseurs n'ont pas suffisamment embrassé cette vision, peut-être en raison de la brièveté de leur mandat, comme vous l'évoquiez. Vos paroles sont prometteuses, mais nous veillerons à ce qu'elles se concrétisent. Je regrette cependant l'absence de La Réunion dans votre exposé liminaire et compte sur vous pour y remédier dans vos réponses.
S'agissant du budget, thème central de cette première audition, vous reconnaissez vous-même une baisse significative de la mission outre-mer. Quelles actions entreprenez-vous pour inverser cette tendance ? Œuvrez-vous en coulisses pour obtenir une révision à la hausse ? Votre réponse à la question de la vie chère lors de la séance du 2 octobre a été perçue comme inappropriée, voire offensante. L'augmentation anticipée du Smic de 2 % s'avère insuffisante, ce dont vous êtes probablement conscient.
Concernant l'amendement gouvernemental sur la hausse de la taxe sur les billets d'avion, non encore examiné dans la première partie du PLF, je souhaite vous interroger. Vous évoquiez en commission des lois la « juste contribution des ultramarins à l'effort national de redressement des comptes publics ». Cette formulation soulève des questions : envisagez-vous d'accroître leur contribution alors qu'ils disposent déjà de moins ? Nos compatriotes ultramarins sont-ils tenus pour responsables de la situation actuelle ? Sur la méthode, en l'absence de recours à l’article 49-3, disposons-nous réellement d'une marge de manœuvre pour améliorer ce budget lors de son examen ? Nous sommes ouverts à une discussion préalable concernant les amendements susceptibles de recevoir un avis favorable. Notre volonté est de vous aider à bonifier ce budget.
Vous avez exprimé le souhait de vous appuyer sur les parlementaires ultramarins, et cela nécessite que nous soyons entendus. Vous avez apparemment rencontré des députés ultramarins du groupe socialiste. J'imagine que vous organiserez de même une réunion avec les députés ultramarins GDR, idéalement avant l'examen en séance de la mission outre-mer le 13 novembre.
Je souhaite conclure sur la question du logement social, dont la situation s'avère particulièrement critique. La LBU est réduite à 260 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 180 millions d’euros en crédits de paiement (CP), soit une diminution des AE de 32 millions d’euros. Vous rappeliez précédemment que le soutien à la construction et à la réhabilitation des logements sociaux a concerné 8 500 logements en 2024, bien loin des 15 000 prévus par le plan Logement outre-mer (Plom) II. Comment les objectifs du Plom III pourraient-ils être atteints avec 32 millions d’euros de moins de LBU en AE, alors que nous étions déjà très éloignés des objectifs initiaux ? Cette logique de réduction des crédits couplée à une hausse des objectifs semble à la fois douteuse et vouée à l'échec. De plus, dans le cadre du Plom, l'État souhaite une meilleure orientation de la ligne budgétaire pour favoriser la réhabilitation, mais nous constatons certaines incohérences entre les mesures et leur financement. En dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), la LBU constitue l'unique moyen de financement de la réhabilitation, avec un montant nettement insuffisant. Quelles directives donnerez-vous pour une meilleure orientation de la LBU vers la réhabilitation du parc social ?
Enfin, lors de la précédente législature, j'ai porté une proposition de résolution visant à mettre en place une commission d'enquête sur la crise du logement social dans les outre-mer, traitant du manque de livraisons et de l'indécence des logements. Bien que votée à l'unanimité, elle n'a pas été reprise malgré nos demandes. Il en va de même pour le sujet des essais nucléaires en Polynésie. Seriez-vous disposé à nous confier des missions sur ces sujets si la reprise de ces travaux à l'Assemblée nationale s'avérait impossible ?
M. Olivier Serva (LIOT). Vous avez évoqué une réduction de 20 % sur les produits de première nécessité en Martinique et dans les autres départements d'outre-mer, effective au 1er janvier 2025. Cependant, après deux heures d'entretien avec les représentants de la grande distribution, il apparaît que cet objectif n'est pas encore atteint. Selon eux, l'État n'a pas concrétisé son engagement inscrit dans l'accord de méthode. L'élément manquant serait la continuité territoriale, notamment la prise en charge par l'État des frais de conteneurs pour les produits de première nécessité, estimés à environ 5 000 euros par conteneur. Sans cette mesure, la réduction actuelle ne serait que de 8 à 10 %. Confirmez-vous donc que l'État assumera cette responsabilité en prenant en charge ces frais ?
Ma seconde question concerne le fonds exceptionnel d'investissement. Depuis 2011, l'archipel guadeloupéen fait face au fléau des sargasses. La commune de Capesterre-de-Marie-Galante est particulièrement touchée, recevant 40 % des échouages. Après avoir exploré diverses solutions, nous disposons désormais des autorisations administratives nécessaires pour un projet d'enrochement visant à dévier les sargasses. Le coût de ce projet s'élève à 11 millions d'euros. Envisagez-vous de valider ce financement pour préserver les habitants, le matériel et l'économie de Capesterre-de-Marie-Galante ?
M. François-Noël Buffet. Dans le cadre du fonds exceptionnel d'investissement, 500 projets ont été financés à hauteur d'environ 380 millions d'euros au cours des quatre dernières années. Depuis 2019, le fonds est doté de 110 millions d'euros annuellement. En 2024, deux amendements parlementaires ont augmenté cette dotation de 50 millions d'euros, portant les crédits à 160 millions d'euros. Cependant, ce montant n'a pas encore été concrètement programmé. Pour 2025, nous revenons à la proposition initiale de 110 millions d'euros. Voici un aperçu de l'utilisation de ces fonds : en 2021, 96 projets pour 85 millions d'euros ; en 2022, 135 projets pour 89 millions d'euros ; en 2023, 127 projets pour 96 millions d'euros ; et en 2024, 125 projets pour 103 millions d'euros, ce qui reste inférieur à l'enveloppe votée. Je ne m'oppose pas à l'idée d'augmenter les moyens, mais il faut également tenir compte de la capacité à consommer les crédits alloués. Notre budget a été considérablement réduit et notre objectif est de rétablir la situation. Nous avons déjà sécurisé 60 millions d'euros supplémentaires pour 2025, sur une enveloppe globale recherchée d'environ 200 millions d'euros. Ce travail n'est pas terminé et nous examinons chaque dossier attentivement, y compris pour le logement social. Il est essentiel d'optimiser l'utilisation effective des crédits, car l’écart est souvent important entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement réellement utilisés. Il s'agit donc davantage d'une question de bonne gestion que d'opposition aux projets.
Concernant l'octroi de mer, je rappelle que cette taxe contribue au financement des collectivités locales et qu’une modification brutale de ce système risquerait donc de les mettre en difficulté. Toute réflexion sur ce sujet doit avoir un caractère structurel et prendre en compte la nécessité de préserver les moyens d'action des collectivités. Bien que nous ayons maintenu l'octroi de mer pour 2025, je ne m'oppose pas à une révision du système, à condition d'évaluer soigneusement toutes les conséquences et d'envisager des mécanismes de compensation.
Quant aux événements énergétiques en Martinique et en Guadeloupe, il s'agit principalement de discussions entre entreprises privées. Un accord social était sur le point d'aboutir lorsque la situation s'est dégradée. L'État, par l'intermédiaire du préfet et de nos services, s'est activement impliqué pour apaiser les tensions. La coupure d'électricité ayant provoqué un blackout est particulièrement grave et a mis en difficulté voire en danger de nombreuses personnes. Concernant la situation actuelle, un accord a été conclu pour reprendre les discussions entre les différentes parties le 4 novembre à Paris. Bien qu'il ne s'agisse pas d'une médiation au sens juridique, l'État participera à ces échanges.
Quant à la question fondamentale de la souveraineté énergétique, il est impératif de s'assurer que nous sommes en mesure de gérer nos propres outils dans des conditions optimales et sécurisées afin de garantir la continuité du service public. Les modalités de mise en œuvre restent à définir. Je précise qu'en Guadeloupe, le blackout a été provoqué de l'intérieur par les salariés eux-mêmes, ce qui soulève des interrogations. Il convient de proscrire ce type de manifestation qui met en difficulté de nombreuses personnes. Fort heureusement, la situation ne s'est pas aggravée, notamment à La Réunion où les tensions se sont apaisées, mais la discussion du 4 novembre et la question de la sécurité de l'approvisionnement énergétique demeurent primordiales.
Concernant le sujet de la continuité territoriale, le ministère des outre-mer finance ce dispositif depuis plusieurs années. Le nombre de bénéficiaires a doublé, passant de 38 879 en 2018 à 70 810 en 2023. Pour 2024, une augmentation de 5 % est déjà constatée. Notre objectif est que le ministère, avec le concours de la direction générale des outre-mer (DGOM), puisse couvrir les éventuelles hausses applicables aux bénéficiaires des aides au transport. Compte tenu de l'importance de ce dispositif, je tiens à réaffirmer mon engagement.
Quant au logement, un décret étendra prochainement l'aide à la réhabilitation au-delà des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Concernant la LBU, nous sommes confrontés à une situation complexe, car la demande de logements sociaux est importante et nécessite une réponse adéquate. Bien que des moyens financiers conséquents soient mobilisés, nous constatons, sur le terrain, de réelles difficultés à concrétiser les projets. Plusieurs critères entrent en jeu concernant cette problématique. Premièrement, les prix ont augmenté depuis le moment où les affectations ont été réalisées et les projets élaborés. Les crises successives ont entraîné une hausse des coûts de fourniture, déséquilibrant ainsi les budgets prévisionnels. Deuxièmement, des questions de normes, techniques et foncières se posent. Lorsque j'ai cherché à connaître le délai nécessaire pour la construction d'un immeuble, on m'a indiqué que cinq ans s'écoulent en moyenne entre la décision initiale et la livraison. Au regard de ce délai excessif, un travail conséquent s'impose, tant pour simplifier les procédures que pour lever les contraintes les plus pesantes, afin de relancer la fluidité de la construction. L'analyse des budgets révèle que la totalité de l'enveloppe n'est pas consommée, bien que la situation varie selon les territoires. Des améliorations sont envisageables et le troisième plan en préparation devrait permettre d'avancer sur la construction de logements sociaux. Au-delà de la construction, je souligne mon attachement à l'accession sociale à la propriété. Le prêt à taux zéro, sujet d'une question précédente, demeure généralisé et maintenu pour tous. Ce point me semble essentiel, tout comme le parcours résidentiel qui revêt une importance fondamentale.
Concernant la vie chère, l'accord conclu en Martinique vise une application au 1er janvier 2025 et nous examinons les modalités de compensation par l'État, conformément à son engagement. La méthode reste à définir. Un fonds de compensation a été mis en place par les partenaires, transporteurs et grands ports. L'État apportera son expertise lors de l'élaboration du protocole, qui déterminera le système retenu et les conditions de sa participation financière. L'engagement pris doit être tenu, en accord avec le principe de maintien des engagements de l'État que j'ai évoqué en début de réunion.
Quant aux sargasses, sujet important, nous veillerons à ce que le budget de 11 millions d'euros mentionné soit bien intégré au FEI. Ce point est primordial et nous y serons particulièrement attentifs.
M. Steevy Gustave (EcoS). Monsieur le ministre, c'est avec gravité que je m'adresse à vous aujourd'hui, car ce budget des outre-mer concerne avant tout des vies, des familles, des jeunes et des travailleurs qui endurent des conditions souvent inacceptables. Cette proposition budgétaire semble méconnaître la réalité de ces territoires. Alors que des manifestations éclatent pour dénoncer la vie chère, la baisse de près de 300 millions d'euros dans les crédits de la mission est inadmissible. Des moyens accrus, des réponses concrètes et surtout du respect sont nécessaires, car les chiffres sont accablants. Le programme 123 Conditions de vie en outre-mer diminue de 37 %, soit 400 millions d'euros en moins. L'aménagement du territoire, le soutien aux collectivités, les budgets sociaux et culturels subissent une forte réduction. Il ne s’agit pas d’une simple restriction de moyens, mais d’un véritable message d'abandon. Parallèlement, le coût de la vie en outre-mer demeure 40 % plus élevé qu'en métropole. Cette situation soulève des questions quant à la capacité des familles nombreuses à nourrir leurs enfants et des jeunes à envisager l'avenir. Il est urgent d'agir et de donner des signaux forts. Des mesures de bon sens s'imposent, notamment concernant les abonnements téléphoniques et internet. En outre-mer, les tarifs sont identiques à ceux de la métropole pour un service de moindre qualité, notamment en termes de débit. Cette inégalité doit cesser.
Il est également inacceptable qu'en 2024, des foyers soient encore privés d'un accès fiable à l'eau potable. Entre infrastructures vétustes et scandales, la situation est insoutenable. Un plan d'urgence national assorti de contrôles stricts s'avère indispensable pour garantir ce bien vital.
Il est également impératif de réduire les prix des produits de première nécessité, soit en abaissant les taxes sur les produits importés, soit en soutenant la production locale pour les rendre accessibles. Comment justifier que l'eau Chanflor, produite localement, soit plus onéreuse en Martinique que l'eau Évian importée ?
Nos jeunes ultramarins ont besoin de pouvoir rêver, réfléchir et se projeter pour construire leur avenir, ce qui n'est pas le cas actuellement. Pour cela, ils doivent bénéficier d’un véritable plan d'éducation, de formation et de culture. Ce budget doit être revu et nous devons rétablir les crédits pour la continuité territoriale, renforcer les fonds contre la pollution au chlordécone, instaurer un chèque alimentaire d'urgence et soutenir le développement économique avec des initiatives durables.
Redonnons aux outre-mer la place qui leur revient dans notre République. Ces mesures ne sont pas seulement budgétaires, elles sont essentielles pour la justice et la dignité de tous nos concitoyens ultramarins.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). Ma première question concerne la régulation des prix. Nous avons adopté deux amendements en séance sur la suppression de la TVA en Martinique, en Guadeloupe et à La Réunion. L'un prévoit une suppression totale, l'autre, à l'initiative du gouvernement, une suppression limitée aux prix du bouclier qualité prix (BQP). Je présume que seul votre amendement sera finalement retenu. Néanmoins, un mécanisme de régulation des prix s'avère nécessaire pour éviter que la suppression de la TVA ne soit absorbée par les marges bénéficiaires des distributeurs. Un amendement allant dans ce sens a été rejeté en séance. Le rapporteur avait évoqué la possibilité d'un blocage des prix par le préfet pendant quelques mois après cette suppression. Quels mécanismes précis envisagez-vous de mettre en œuvre pour garantir que la suppression de la TVA sur les produits du BQP se traduise effectivement par une baisse des prix plutôt que par une augmentation des marges ? Par ailleurs, comptez-vous appliquer cette mesure à La Réunion dès le 1er janvier 2025, étant donné que la condition posée par le gouvernement en Martinique concernant la suppression de l'octroi de mer sur ces mêmes produits est déjà satisfaite à La Réunion depuis plusieurs années ?
Ma seconde question porte sur les centres des intérêts matériels et moraux (CIMM). J'ai élaboré une proposition de loi sur l'emploi et le retour des fonctionnaires ultramarins, qui incluait notamment une révision des CIMM. J'avais travaillé sur ce sujet avec M. Guerini, alors ministre de la transformation de la fonction publique, qui s'était engagé à poursuivre notre collaboration sur ce point. J'ai été désagréablement surprise de constater qu'une circulaire avait été publiée quelques mois après nos discussions, sans que nous ayons pu y travailler ensemble. Bien que cette circulaire facilite le travail de l'administration en harmonisant les CIMM et en instaurant des critères pérennes pour les agents, elle n'a en revanche aucunement révisé ces critères dont certains sont particulièrement absurdes. Il suffit par exemple de posséder un compte bancaire en outre-mer et d'être inscrit sur les listes électorales pour être considéré comme ultramarin. Vous conviendrez aisément que cela est insuffisant. Je souhaiterais que nous retravaillions ce sujet. Dans le dernier Ciom, ce point était marqué comme réalisé et satisfaisant. Or ce n'est absolument pas le cas. J'ai l'intention d'y revenir et je voudrais savoir si vous prévoyez de le remettre à l'ordre du jour.
M. Frédéric Maillot (GDR). Vous avez abordé la question de l'autonomie alimentaire, un sujet qui me tient particulièrement à cœur et qui s'inscrit dans ma vision pour La Réunion. Êtes-vous disposé à reconsidérer l'établissement de véritables échanges commerciaux avec nos bassins respectifs, notamment pour mes compatriotes de Martinique, de Guadeloupe et de Guyane, mais également pour La Réunion ? L'Europe n'achète que peu de nos produits, en partie parce que notre production reste limitée. Il serait selon moi judicieux d'intensifier nos échanges avec les pays voisins tels que l'Afrique du Sud, l'Inde et la Chine pour ce qui concerne La Réunion. Cette approche permettrait également de réduire considérablement notre empreinte carbone.
Dans cette même logique, en métropole, un produit passe par trois ou quatre étapes avant d'atteindre les rayons. Chez nous, ce même produit traverse treize étapes. À chacune d'entre elles, les acteurs ajoutent une marge, ce qui engendre un coût de la vie élevé pour le consommateur final. Il arrive fréquemment que les mêmes acteurs interviennent à plusieurs reprises, créant ainsi une situation monopolistique. Êtes-vous prêt à démanteler ce système qui entraîne la cherté de la vie sur notre territoire ?
Ma deuxième question concerne l'amendement que j'ai réussi à faire adopter sur la loi pour l'ouverture et le développement économique de l'outre-mer (Lodeom), qui protège les TPE-PME. Ces entreprises représentent 90 % des emplois à La Réunion et constituent la force vive de nos territoires. À l'issue de ce budget, que son examen se poursuive au Sénat ou qu'il soit adopté par le biais de l'article 49-3, allez-vous préserver cet amendement qui agit comme un bouclier et offre une véritable bouffée d'oxygène aux TPE-PME ? Sans cette mesure, nombre d'entre elles seront contraintes de fermer, comme c'est déjà fréquemment le cas à la Réunion.
Je tenais enfin à vous rappeler que les peuples d'outre-mer représentent 2,7 millions d'hommes et de femmes. Nous ne sommes pas un simple dossier à traiter sur un bureau, mais bien un peuple qui mérite d'être entendu et surtout compris.
Mme Béatrice Bellay (SOC). Je tiens à réitérer les doléances de la Martinique. Sur le sujet de la réduction de 20 % de la TVA sur certains produits, il s'agit en réalité d'un système compensatoire. L'État n’envisageant pas de perdre des revenus, ce qui est retiré d'un côté pour les produits de première nécessité sera récupéré sur d’autres produits. Ce protocole indique clairement que des produits auparavant exonérés seront désormais taxés. En séance, j'ai défendu un amendement qui permet l'exonération totale de TVA pour tous les pays des océans, une mesure significative en termes de justice sociale et d'impact sur les prix.
Concernant l'octroi de mer, je réitère notre souhait qui est celui de respecter la volonté exprimée à maintes reprises lors des congrès des élus en Martinique quant à son maintien. Il est néanmoins essentiel que cette fiscalité locale soit dynamisée afin de permettre une politique publique différenciée adaptée à nos besoins spécifiques.
Ma première question concerne donc votre soutien potentiel à un engagement clair de l'État sur la question de la TVA non compensatoire. Nous refusons un système où ce qui disparaît d'un côté réapparaît ailleurs sans réel bénéfice global.
Nous avons constaté qu'une solution viable pour nos difficultés liées aux prix serait que l'État nous traite comme le reste du territoire français dans certaines dispositions économiques. Par exemple, comparativement à la Corse bénéficiant largement plus en termes financiers pour sa continuité territoriale avec 211 à 220 millions d'euros en 2023, nos aides se limitent essentiellement au voyage. Soutiendrez-vous une véritable continuité territoriale pour nos territoires ultramarins plutôt qu'une simple aide au voyage ?
Enfin, quand prévoyez-vous de venir en Martinique ? La situation de tension actuelle, les commerçants asphyxiés économiquement et les restaurants fermés en raison des couvre-feux créent un sentiment général d'abandon voire de mépris parmi les populations locales. Votre visite démontrerait votre engagement et apporterait un apaisement nécessaire.
M. François-Noël Buffet. La problématique de l'eau constitue effectivement un enjeu majeur, comme le démontre notamment le plan eau initié en 2016 puis actualisé en 2024. Si le principe ne soulève pas de difficulté, la mise en œuvre du dispositif s'avère toutefois trop lente. Nous devrions rechercher une efficacité nettement accrue dans la réalisation des projets prévus depuis plusieurs années concernant la gestion de cette ressource vitale. C’est pour cela que je m'engage, au-delà des aspects budgétaires, à trouver les moyens d'optimiser significativement la gestion de l'eau en Guadeloupe ainsi qu’à Mayotte. Il est impératif d'accroître notre efficacité, car les retards accumulés sont inacceptables et nous allons donc nous efforcer d'accélérer l'exécution des projets prévus, en privilégiant l'efficacité. Pour la période 2024-2027, 270 millions d'euros sont contractualisés dans le cadre du contrat de convergence et de transformation (CCT) pour la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, La Réunion, Mayotte, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon. Sur la période 2016-2023, 411,5 millions d’euros étaient engagés. L'enjeu réside désormais dans la mise en œuvre concrète des mesures adoptées.
Concernant le chlordécone, 35 millions d'euros de crédits publics ont été engagés, soit 10 millions d’euros de plus que les dépenses du plan précédent. Nous avons évoqué la question des sargasses, qui revêt une grande importance. Là aussi, la solution ne dépend pas uniquement de nous, mais s'inscrit dans un cadre plus large pour éviter leur arrivée sur les côtes. Même si nous ne maîtrisons pas tous les aspects, nous sommes mobilisés sur ce sujet grâce à des moyens financiers conséquents.
Quant à la considération à l’égard de nos compatriotes ultramarins, je n'ai jamais envisagé mes fonctions comme une simple gestion de dossiers et ai toujours eu à cœur la responsabilité vis-à-vis de mes concitoyens, qu'il s'agisse des habitants de ma commune en tant qu'élu local, ou d'une partie des Français en tant que parlementaire. J'aborde mes fonctions actuelles dans le même état d’esprit, et mon objectif est de trouver des solutions. J'entends approfondir chaque sujet pour apporter des réponses solides et fermes. Je refuse de prendre des engagements que je ne pourrai tenir. Certaines situations exigent une réaction rapide, d'autres nécessitent du temps pour être traitées correctement, mais je m'efforcerai toujours de répondre à vos questions.
Mon expérience d'élu local m'a appris l'importance capitale de l'évaluation de notre capacité d'action concrète et de notre efficacité. C'est dans cet esprit que j'agis. J'ai une réelle considération pour tous nos compatriotes, sans exception. Aucun pays ne peut être efficace s'il n'est pas en mesure d'offrir de l'espoir, un projet et un avenir à sa jeunesse. Je suis particulièrement attaché à la formation et à l'éducation, mais je relève une problématique majeure concernant nos jeunes compatriotes ultramarins. Ils éprouvent en effet de grandes difficultés, à la suite de leurs études en métropole, à retourner travailler sur leur territoire d'origine. Si cette situation découle de plusieurs facteurs, nous pouvons envisager une approche axée sur le développement économique et la création de richesses qui permette à chacun de trouver un emploi localement. En réponse à la question sur les échanges régionaux, je pense que si nous parvenons à intégrer chacun de nos territoires dans sa zone géographique naturelle, où s'exercent les activités économiques et sociales, nous augmenterons les chances pour nos jeunes compatriotes de trouver un emploi dans leur bassin de vie, qu'ils se soient formés sur place ou en métropole. Une aide au retour financée par le ministère des outre-mer est en cours d'élaboration. Cependant, l'enjeu fondamental est de permettre à un jeune Martiniquais, Guadeloupéen, Réunionnais, Mahorais, Guyanais ou Calédonien de revenir et de trouver un emploi pertinent. Cela dépend principalement de la capacité de formation et d'élargissement des opportunités économiques et professionnelles sur le territoire. Ce défi de taille ne se résoudra pas immédiatement, mais il est essentiel d'amorcer le processus.
Concernant la TVA, l'amendement du gouvernement permet de respecter les engagements pris dans le protocole, en ciblant 6 000 produits. La suppression totale de la TVA dans l'ensemble des outre-mer n'est pas une mesure simple à mettre en œuvre et il serait difficile de l'introduire par le biais d'un amendement. Dans le cadre d'une réflexion plus large sur la restructuration du modèle économique et la lutte contre la vie chère dans nos territoires ultramarins, nous devrons néanmoins aborder cette question. Lorsqu'une recette est supprimée pour l'État, il faut nécessairement définir sa compensation et cette suppression totale n'est donc pas envisageable actuellement. Cependant, j'initierai après la période budgétaire une discussion générale sur la vie chère et la structure des coûts dans les outre-mer, où nous examinerons tous les aspects du dossier. Même si je ne ferme aucune porte, une suppression totale de la TVA sur l'ensemble des outre-mer susciterait l'opposition de nombreux ministres. Je doute même que ce soit réalisable sur le principe, mais il existe certainement des équilibres à trouver.
Concernant le blocage des prix, je peux suggérer au rapporteur général du budget de déposer un amendement sur ce sujet, mais il ne s’agit pas de notre objectif actuel.
Quant à la partie ressources humaines, nous prévoirons un échange sur le texte que vous envisagez et la fonction publique figurera évidemment au programme du Ciom. Des améliorations seront peut-être envisageables sur ce point que vous avez soulevé.
Concernant le soutien des échanges régionaux, je suis favorable à l'ouverture d'une discussion. Le véritable enjeu de fond doit être celui de permettre à chacun de nos territoires de vivre dans son bassin de vie et d'échanger potentiellement avec celui-ci. Cela constitue en outre l'un des leviers possibles de lutte contre la vie chère. Il convient néanmoins de ne pas occulter la question des normes européennes, car de nombreux aspects relèvent de leur application. Lorsque vous mentionnez l'existence de treize niveaux de contrôle des normes pour les territoires ultramarins, cela me semble d'une complexité extraordinaire et donc particulièrement difficile à mettre en œuvre.
Concernant l'importance des flux logistiques portuaires, nous envisageons d'étendre l'aide au fret en provenance des pays voisins.
Quant à l'amendement visant à exonérer les très petites entreprises d'outre-mer de la réforme des exonérations de charges, je propose que nous en discutions avant toute modification, car ces réformes ne sont jamais sans conséquences. Mon approche se veut responsable : je ne refuse pas par principe, mais j'examine ce qui est réalisable, j'évalue les implications et je réfléchis à leur gestion. L'idée d'une habilitation gouvernementale sur ce point vise à ouvrir la discussion et la concertation, auxquelles je suis très attaché.
S'agissant de la continuité territoriale et de la généralisation des aides, la comparaison avec la Corse n'est pas nécessairement pertinente. En Corse, c'est la collectivité territoriale qui exerce pleinement sa compétence en tant qu'autorité organisatrice des transports. La situation diffère dans les outre-mer, où l'État y participe largement. Le principe d'une généralisation est louable, mais je doute de notre capacité à le mettre en œuvre totalement. Nous maintiendrons nos efforts pour les personnes aidées dans le cadre du dispositif d'aide à la continuité territoriale, et cela sera compensé. Quant à un élargissement, je n'y crois pas objectivement, sauf si nous trouvions les moyens financiers nécessaires. Une évolution à terme reste envisageable et fera partie des discussions à ouvrir rapidement.
Pour finir, ma visite en Martinique aura lieu très prochainement, probablement avant le 15 novembre. Je m'engage à communiquer les dates précises rapidement. J'ai pris l'engagement auprès de tous les élus ultramarins de les informer suffisamment à l'avance de mes déplacements, afin que chacun puisse prendre ses dispositions s'il le souhaite.
Mme Mereana Reid Arbelot (GDR). L'État majore le traitement de ses personnels en outre-mer, ce qui suscite parfois des réactions mitigées. Certains considèrent cela comme un privilège injustifié, tandis que d'autres, plus avisés, comprennent le contexte géographique, historique et économique de nos collectivités. Dans le Pacifique, cette majoration a été instaurée par un décret de juillet 1967, avec l'objectif d'inciter les personnels civils et militaires à s'y installer durablement. En 1974, une loi de finances rectificative a modifié le calcul, appliquant la majoration au traitement indiciaire net plutôt que brut, transformant de facto la part indiciaire majorée en part nette. Cependant, le calcul de la pension civile ou militaire ne prend pas en compte cette part indiciaire majorée, pourtant nette. Avant la réforme de l'indemnité temporaire de retraite (ITR), cela se justifiait, car cette indemnité complétait la pension. Mais depuis sa suppression programmée, le dispositif de complément de retraite de volontariat (CRV) censé remplacer l'ITR ne répond pas à cette problématique. En Polynésie, seuls 30 % des personnels y ont adhéré avant la date limite du 17 octobre. J'ai proposé un amendement, malheureusement déclaré irrecevable, visant à réappliquer la majoration sur le traitement brut, puis à soumettre la part indiciaire majorée brute résultante aux cotisations sociales. Cela rendrait enfin visible la participation des fonctionnaires du Pacifique, actuellement masquée. Les retenues effectuées depuis cinquante ans deviendraient ainsi de véritables cotisations sociales, clairement destinées aux caisses de retraite et à la sécurité sociale.
Aujourd'hui, pour un traitement en activité de 1 000 euros à Paris, la pension équivalente est de 750 euros. En Nouvelle-Calédonie, elle n'est que de 434 euros, en Polynésie de 408 euros, et à Wallis-et-Futuna de 336 euros. Monsieur le ministre, estimez-vous cette situation équitable ?
Concernant le nucléaire, les conséquences de l'expérimentation atomique en Polynésie française demeurent omniprésentes sur le territoire à travers ses impacts sanitaires, environnementaux et sociétaux. L'histoire et l'actualité de mon pays et de la Nation restent profondément marquées par ces trente années d'expérimentation. La commission d'enquête que je souhaite reconduire traitera du passé. Votre soutien pour prolonger les délais de dépôt des demandes d'indemnisation des ayants droit des victimes de maladies radio-induites, qui expirent en fin d'année, s'occupera du présent. Les sacrifices passés, présents et futurs de mon pays et de ses habitants doivent être pris en considération, notamment dans le partage des revenus que pourrait générer le regain d'intérêt pour l'énergie nucléaire nationale. Monsieur le ministre, envisagez-vous d'inclure la Polynésie dans ces discussions, malgré sa compétence en matière d'énergie ?
M. Frantz Gumbs (Dem). Je souhaite aborder un sujet spécifique à Saint-Martin et Saint-Barthélemy, deux territoires qu'il convient de ne pas négliger. Ces collectivités bénéficient d'une autonomie particulière en vertu de leur statut, qui leur confère des compétences départementales, régionales et communales, ainsi que certaines prérogatives étatiques transférées, notamment en matière de fiscalité et de transport terrestre.
Cette décentralisation accrue ne s'est toutefois pas accompagnée d'une déconcentration équivalente des grands services de l'État. L'éloignement géographique, culturel et socioéconomique entre ces îles et la Guadeloupe, où sont implantés les principaux services étatiques, engendre une inefficacité des processus décisionnels et, par conséquent, un mécontentement des citoyens de ces îles.
Dans cette optique, je m'interroge sur l'évolution du projet de transformation de la préfecture déléguée en préfecture de plein exercice. Pourriez-vous nous éclairer sur les perspectives et le calendrier ? Plus largement, est-il envisageable d'étendre cette démarche de déconcentration à d'autres services étatiques majeurs ? Je pense notamment à l'agence régionale de santé (ARS), mais aussi au tribunal judiciaire, actuellement situé à Basse-Terre, dont une antenne pourrait être implantée à Saint-Martin et Saint-Barthélemy. De même, qu'en est-il des services de l'éducation nationale, l'académie compétente pour ces îles étant actuellement localisée aux Abymes en Guadeloupe ?
M. Elie Califer (SOC). Monsieur le ministre, votre intervention démontre votre compréhension de la situation dans nos territoires.
Envisagez-vous l'élaboration d'une loi-programme de développement spécifique à chacun de nos territoires, plutôt que de multiplier des mesures parcellaires qui s'avèrent insatisfaisantes ? Cette approche pourrait s'accompagner d'un dispositif d'évaluation régulière.
Concernant le coût de la vie, ne devrions-nous pas dépasser la seule question de la TVA et lancer un vaste chantier sur la vie chère ? Celui-ci pourrait s'appuyer sur les conclusions de la commission d'enquête de 2023, intégrer une part de continuité territoriale et impliquer les importateurs dans l'effort de réduction des prix.
Quant au budget, dont je partage votre appréciation, quelle sera votre marge de manœuvre après l'utilisation probable de l’article 49-3 ? Pensez-vous pouvoir peser sur des mesures telles que la suppression de la taxe sur les billets d'avion et initier une réflexion pour réduire les tarifs prohibitifs des vols vers nos territoires ?
Serait-il par ailleurs envisageable d'élaborer des ordonnances de manière collaborative ?
Enfin, la sécurité en Guadeloupe demeure préoccupante, avec un taux d’homicides sept fois supérieur à celui de Marseille. Récemment, des engins destructeurs ont sillonné Pointe-à-Pitre en toute impunité, causant des dégâts considérables sans intervention des forces de l'ordre, sans parler du trafic de drogue qui gangrène notre île. Où sont les escadrons censés nous épauler ?
Quelles mesures comptez-vous prendre pour protéger nos territoires ? Nos jeunes sont attirés par la délinquance et le trafic de stupéfiants. Envisagez-vous le déploiement de drones ou de radars ? Comment pouvez-vous aider les élus du territoire guadeloupéen à faire face à cette pression croissante et à améliorer la situation sécuritaire de notre territoire ?
M. Joseph Rivière (RN). Je souhaite connaître votre position et votre regard concernant l'ensemble des territoires d'outre-mer, dont il est fréquemment dit qu’ils représentent un coût supérieur à leurs bénéfices pour la nation. J'aimerais savoir si vous accordez une attention particulière aux enjeux ultramarins et vous rappeler l'importance stratégique de La Réunion. Nos territoires nécessitent un allègement fiscal pour stimuler l'activité économique, favoriser l'emploi, générer de la richesse et relancer la consommation. Quelle est votre position à ce sujet ? Par ailleurs, pourriez-vous nous éclairer sur la question de la Lodeom ?
M. Jiovanny William (SOC). Je souhaite tout d’abord rappeler que l'octroi de mer constitue un outil fiscal et un levier important pour les collectivités.
Concernant la situation en Martinique et en Guadeloupe, les assurances se retirent à la suite des récentes exactions et dénoncent les contrats. Cela signifie que nos entreprises ne seront plus couvertes en cas d'émeutes, et bientôt, les particuliers ne seront plus indemnisés non plus. J'attire votre attention sur cette problématique préoccupante.
Par ailleurs, quelle considération accordez-vous aux parlementaires élus au suffrage direct, proches de nos populations ? Je vous interroge notamment sur les travaux à venir, en particulier concernant le Ciom, car nous souhaitons vivement que l'ensemble des politiques de nos territoires y soient prises en compte.
En outre, votre ministère participe-t-il aux travaux de simplification des règles administratives ? J'ai auditionné le ministre de la transformation et de la fonction publique, qui m'a fait part de cette volonté de réduire la pression administrative et juridique. Je souhaite savoir si vous êtes impliqué dans ces travaux car, dans nos territoires, la pression administrative excessive empêche nos porteurs de projets de mener à bien leurs initiatives.
Enfin, une mission inspection générale des affaires sociales (IGAS) – inspection générale des finances (IGF) est en cours concernant la Lodeom. Nos entreprises s’inquiètent fortement des conséquences potentielles. Disposez-vous déjà d'éléments à nous communiquer sur ce rapport ? Avez-vous rencontré ces inspecteurs ? Ont-ils consulté les acteurs concernés ?
Pour conclure, quel est votre avis sur la Société anonyme de la raffinerie des Antilles (Sara) ?
M. François-Noël Buffet. Je soutiendrai tout d’abord le report de la date butoir pour permettre le traitement et le dépôt des dossiers en Polynésie. Cette mesure s'impose pour mener à terme une démarche engagée depuis longtemps, dans l'intérêt de tous. Les enjeux sont, en effet, considérables. Les sujets de la rémunération et des conditions de retraite sont également centraux et restent ouverts à la discussion. Concernant les questions énergétiques en Polynésie, nous intégrerons l'ensemble des collectivités d'outre-mer du Pacifique au Ciom, ce qui permettra d'aborder ces problématiques.
La création d'une préfecture de plein exercice à Saint-Martin est en bonne voie. Le décret est actuellement examiné par le Conseil d'État, après que les modifications des décrets d'organisation des services de l'État ont été présentées en conseil supérieur des préfectures en septembre dernier. Quant au tribunal judiciaire, le premier président de la cour d'appel de Basse-Terre a proposé au garde des sceaux la création d'un tribunal judiciaire à Saint-Martin et Saint-Barthélemy, qui pourrait voir le jour au cours de l’année 2026. Aucune décision n'a en revanche été prise à ce stade concernant la création d'un rectorat ou d'une ARS.
Pour répondre à la question sur une loi de programmation propre à chaque territoire ultramarin, je suis favorable à une contractualisation et à une planification dont la forme juridique reste à définir. Résoudre les problèmes structurels des outre-mer nécessite de s'inscrire dans le moyen et le long terme, car nous devons repenser profondément notre approche.
J'ambitionne par ailleurs d'organiser des assises de la vie chère avec l’objectif d’examiner en profondeur l’ensemble des aspects de ce sujet et notamment la fiscalité, qui explique les écarts de prix considérables avec l'hexagone. Sans viser une parité absolue, nous devons nous interroger sur ces différences et chercher des solutions.
Je m'engage également à associer étroitement les parlementaires à ces réflexions et décisions, car leur participation est indispensable.
Quant à la réforme des exonérations de charges, nous prendrons le temps de la concertation avant toute décision. Je ne souhaite pas appliquer des changements hâtifs sans en mesurer pleinement les conséquences, notre objectif étant d'instaurer un système pérenne.
J’affirme que nous nous trouvons à un tournant dans notre approche des outre-mer. Il est temps de repenser en profondeur notre politique pour ces territoires. Une réforme institutionnelle ne me semble pas suffisante pour résoudre les problèmes de fond dans les territoires ultramarins. Elle doit s'inscrire dans un projet global pour chaque territoire, englobant les aspects sociaux, économiques, culturels et éducatifs. Il est impératif d'initier immédiatement une démarche visant à élaborer, pour chaque territoire ultramarin, un projet à long terme qui ne soit pas soumis aux aléas de l'urgence. Des difficultés immédiates surgiront toujours, mais nous devons définir une orientation stratégique pour l'ensemble de ces territoires.
Cette approche est essentielle tant pour les territoires eux-mêmes que pour la France dans son ensemble. Notre pays sans ses outre-mer serait diminué, tout comme les outre-mer sans la France pourraient rencontrer des difficultés. Les 2 600 000 compatriotes ultramarins occupent une place prépondérante, d'où la nécessité d'établir une véritable collaboration avec chacun de ces territoires. Des évolutions sont indispensables et devront s'adapter aux spécificités locales, en tenant compte de l'intégration dans leurs bassins géographiques respectifs. Je m'efforcerai donc de mettre en place une démarche permettant de définir ces projets avec chaque territoire, de les inscrire dans la durée et de les rendre compatibles avec les exigences techniques. Je ne peux me résigner aux problématiques du logement, de la formation et de l'avenir de la jeunesse. La création de richesses économiques est également primordiale, car, sans elle, nous ne pourrons progresser. Je souhaite adopter une approche positive, en reconnaissant les capacités considérables de ces territoires qu'il faut continuer à développer. Certains pourront juger cette vision naïve, mais je suis convaincu de la nécessité d'engager des réflexions de fond.
Concernant le Ciom, les parlementaires y seront évidemment associés.
Quant à la Sara, basée à Fort-de-France, elle soulève des enjeux industriels, d'emplois qualifiés et écologiques. Des réflexions sur son avenir sont en cours depuis longtemps. Aucune décision ne sera prise sans une étude d'impact documentée. La Sara doit s'orienter résolument vers une énergie décarbonée, impliquant une profonde modification. Plus généralement, les prix du carburant demeurent un sujet sensible que nous devrons aborder ensemble.
Je suis convaincu que si nous abordons ces questions avec un discours de vérité, nous trouverons des solutions. Nous ne pouvons envisager sérieusement l'avenir de nos compatriotes, où qu'ils se trouvent sur le territoire, sans être capables de tracer une ligne directrice et un objectif. Sans cela, nous nous retrouverons chaque année dans la même situation, à déplorer le manque de progrès. Mes paroles sont sincères et j'espère que nous y parviendrons.
M. Max Mathiasin (LIOT). Je reconnais l'intelligence du ministre et sa compréhension de notre situation. Il est conscient de notre combat et connaît bien les difficultés de nos territoires. Nous devrons observer l'évolution de la situation avec les moyens dont il dispose actuellement pour voir comment nous pourrons progresser.
Mme Maud Petit (Dem). Monsieur le ministre, je suis originaire de la Martinique, mais élue dans le Val-de-Marne. Je souhaiterais connaître votre position concernant la diaspora d'outre-mer. Considérez-vous ces personnes comme des ultramarins à part entière ? Estimez-vous nécessaire de vous adresser spécifiquement à elles ? Notre présence en métropole est significative, et j'estime qu'un discours particulier devrait être élaboré à l'intention de cette population.
M. François-Noël Buffet. Madame la députée, il me semble que le nombre de personnes concernées est inférieur à un million. Dès mon arrivée au ministère, je me suis enquis de la situation de nos compatriotes ultramarins résidant en métropole. Je porterai donc une attention particulière à ce sujet. Nous allons tenter d'améliorer l'information et de communiquer plus efficacement sur les événements en cours, afin d'établir un lien beaucoup plus direct avec eux.
Par ailleurs, la sécurité est un enjeu majeur. Il est essentiel d'assurer une présence continue dans les territoires où des événements anormaux se produisent. La question est celle des moyens que nous mettons en place, qu’ils soient humains ou techniques. Je discuterai de ce point avec le ministre de l'intérieur. Si j’ai pleinement conscience de la situation des Antilles, qui sont confrontées au narcotrafic et à la prolifération des armes à feu, j’estime qu’il n’existe aucune fatalité. La violence devient intrinsèque non seulement dans les Antilles, mais aussi en métropole et nous devons veiller à disposer de tous les dispositifs nécessaires pour répondre efficacement à ces situations, tant sur le plan judiciaire que policier. Bien que je ne souhaite pas me défausser sur les ministres concernés, il est crucial que nous travaillions ensemble pour garantir la tranquillité sur tous nos territoires afin d'accomplir pleinement notre mission.
M. le président Davy Rimane. Je tiens à exprimer ma gratitude au ministre pour sa présence et les réponses qu'il a apportées à chacun d'entre nous. Bien que la satisfaction ne soit pas unanime et que certaines frustrations subsistent, le temps imparti ne nous a pas permis d'approfondir tous les sujets. Néanmoins, d'autres échanges sont à prévoir, notamment au début de l'année prochaine, où nous aurons à cœur de dialoguer à nouveau avec le ministre sur les perspectives de l'année à venir.
Je souhaite toutefois apporter deux précisions. Premièrement, il convient de rappeler que l'insécurité est une conséquence. Tant que nous ne nous attaquerons pas à ses causes profondes, elle persistera. J'ai à maintes reprises proposé à l'État et aux services compétents de travailler sur les origines de cette insécurité. Lorsqu'elle touche particulièrement les jeunes, il est impératif de nous interroger sur la société dans laquelle nous vivons.
Deuxièmement, concernant votre politique globale, vous avez formulé de nombreuses annonces. Votre ambition d'entreprendre des travaux d'envergure est louable, car nos territoires accusent un retard considérable. Nous faisons face à des politiques inadaptées depuis plusieurs décennies, voire depuis la départementalisation de 1946 pour certains territoires. Je ne peux que vous encourager à persévérer dans cette voie, car les défis qui vous attendent sont colossaux.
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En questions diverses, les membres de la Délégation aux outre-mer ont débattu de la proposition faite par Mme la présidente Yaël Braun-Pivet, d’un éventuel déplacement de l’examen des crédits des outre-mer du mercredi 13 au vendredi 15 novembre 2024.
Après en avoir délibéré, la Délégation émet un avis négatif, préférant conserver la date du 13 novembre 2024.
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L’audition s’achève à dix-neuf heures quarante-cinq.
Ces débats sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :
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Informations relatives à la Délégation
La Délégation a nommé MM. Elie Califer, Mikaele Seo et Jiovanny William rapporteurs d’information sur la situation démographique des outre-mer et le maintien des forces vives dans ces territoires et MM. Philippe Gosselin et Davy Rimane rapporteurs d’information sur l’avenir institutionnel des outre-mer.
Présents. - Mme Béatrice Bellay, M. Anthony Boulogne, M. Elie Califer, M. Perceval Gaillard, M. Philippe Gosselin, M. Frantz Gumbs, M. Steevy Gustave, Mme Émeline K/Bidi, Mme Karine Lebon, M. Frédéric Maillot, M. Max Mathiasin, M. Nicolas Metzdorf, Mme Maud Petit, M. Stéphane Rambaud, Mme Mereana Reid Arbelot, M. Davy Rimane, M. Joseph Rivière, M. Olivier Serva, M. Emmanuel Tjibaou, M. Jiovanny William.
Excusés. - M. Yoann Gillet, M. Stéphane Lenormand