Compte rendu
Commission spéciale
chargée d’examiner le projet de loi
de simplification de la vie économique
– Suite de l’examen des articles du projet de loi de simplification de la vie économique (n° 481 rect.) (MM. Christophe Naegelen et Stéphane Travert, rapporteurs) 2
Mardi
25 mars 2025
Séance de 21 heures 30
Compte rendu n° 7
session ordinaire de 2024 - 2025
Présidence de
M. Ian Boucard,
président
— 1 —
La séance est ouverte à 21 heures 30.
Présidence de M. Ian Boucard, président.
La Commission poursuit l’examen des articles du projet de loi de simplification de la vie économique (n° 481 rect.) (MM. Christophe Naegelen et Stéphane Travert, rapporteurs).
chapitre ii
Simplifier et clarifier certaines formes de contrats (Division supprimée)
Avant l’article 11
Amendements identiques CS325 de Mme Danielle Brulebois et CS1203 de M. Laurent Lhardit
Mme Danielle Brulebois (EPR). L’amendement vise à faciliter la création des groupements momentanés d’entreprises (GME) – une organisation particulièrement adaptée aux petites entreprises – pour les marchés privés de moins de 100 000 euros. Actuellement, chaque entreprise du groupement est responsable devant le maître d’ouvrage dans les conditions et limites posées par les articles 1792 et suivants du code civil. Afin de lever ce frein, je propose de définir une absence de solidarité juridique entre cotraitants dans les contrats de travaux de moins de 100 000 euros en GME.
M. Gérard Leseul (SOC). Cet amendement, travaillé avec la Capeb (Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment), est identique à celui de Mme Brulebois.
M. Christophe Naegelen, rapporteur pour les titres Ier à VI. Demande de retrait, puisque vous proposez de rétablir le titre du chapitre II, qui a été vidé de son contenu.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire. Il nous faut en effet développer ce dispositif, qui permet le regroupement d’entreprises artisanales pour répondre à des offres. Les entreprises et les fédérations du bâtiment attendent cette amélioration. Avis favorable, même s’il y a, semble-t-il, un problème de forme.
La commission rejette les amendements.
La commission maintient la suppression de l’article 11.
chapitre III
Simplifier et accélérer les procédures judiciaires
La commission adopte l’amendement rédactionnel CS1436 de M. Christophe Naegelen, rapporteur.
Article 12 (art. L. 222-2-1, L. 222-5 et L. 511-2 du code de justice administrative) : Dispositions applicables aux magistrats honoraires et aux juges des référés
Amendement de suppression CS228 de Mme Anne Stambach-Terrenoir
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Cet article vise à accélérer le traitement de certains contentieux devant les juridictions administratives, notamment le traitement des requêtes et des référés, sans traiter le problème de fond du manque de moyens. D’une part, il ouvre plus largement la possibilité pour les magistrats administratifs d’exercer les fonctions de juges des référés, en supprimant une condition de grade. L’avis du syndicat de la juridiction administrative (SJA) est sans appel : ce dispositif a été jugé comme un « palliatif insuffisant à la hausse tendancielle du contentieux que connaissent les juridictions administratives ».
D’autre part, cet article élargit considérablement les missions que peuvent exercer les magistrats honoraires au sein des tribunaux administratifs. Leur disponibilité étant très variable, cela ne peut constituer un modèle pérenne. Or aucun encadrement temporel n’est prévu.
Tout cela révèle une gestion précaire de la pénurie de fonctionnaires. Pour rappel, en 2022, la France ne comptait que 11,2 magistrats pour 100 000 habitants, contre une médiane de 17,6 pour les pays membres du Conseil de l’Europe. Nous demandons une réelle augmentation des effectifs, d’au moins le double des magistrats déjà en poste.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je ne conteste pas la nécessité de renforcer les moyens dans les juridictions administratives, mais l’article 12 permet utilement aux tribunaux administratifs et aux cours administratives d’appel de traiter un nombre plus important de requêtes, au fond ou en référé, et de demandes d’exécution de décisions administratives. Il étend pour cela les fonctions que peuvent exercer les magistrats honoraires et supprime la condition de grade pour exercer les fonctions de juge des référés. Vous dites vous-même que le syndicat de la juridiction administrative l’a trouvé insuffisant et non pas mauvais. Avis défavorable.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. L’article 12 vise à encourager un mode d’organisation plus fluide des juridictions administratives, en permettant notamment aux magistrats honoraires de pallier des vacances ou des empêchements d’un membre du tribunal. Certes, ce n’est peut-être pas un modèle pérenne mais cela permettra de faciliter le fonctionnement de la justice. Cette mesure avait d’ailleurs été prévue dans la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 (LOPJ).
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS823 de Mme Lisa Belluco
M. Hendrik Davi (EcoS). On voit bien la logique de cet article : pour pallier le manque de magistrats, il permet aux magistrats honoraires de faire le travail. Notre amendement vise à limiter cette possibilité, le temps de recruter de nouveaux magistrats. On ne voudrait pas que cette rustine soit un argument pour ne rien faire.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Une date butoir complexifierait l’organisation et le fonctionnement des juridictions administratives. Avis défavorable.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Avis défavorable. Les magistrats honoraires n’ont pas vocation à remplacer les magistrats.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS728 de Mme Anne Stambach-Terrenoir
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Nous proposons de fixer un nombre maximal de magistrats honoraires susceptibles d’être appelés à exercer des fonctions juridictionnelles dans chaque juridiction. Les considérer comme une force d’appoint ne peut pas être une solution pérenne. En dix ans, le nombre d’entrées devant les quarante-deux tribunaux administratifs a augmenté de 46 %, quand le nombre des magistrats n’a progressé que de 4 %. La LOPJ avait pour objectif le recrutement de 10 000 postes d’ici à la fin 2027, dont 1 500 magistrats et 1 500 greffiers, soit en moyenne 300 ETP (équivalents temps plein) de magistrats et 300 de greffiers par an. Or le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 prévoit seulement 125 ETP pour les magistrats et 145 pour les greffiers.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Fixer par décret un nombre maximum de magistrats honoraires susceptibles d’exercer des fonctions juridictionnelles ne ferait que complexifier le dispositif. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS733 de Mme Anne Stambach-Terrenoir
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Nous proposons d’instaurer une date butoir au 1er janvier 2027, afin de favoriser parallèlement le recrutement du personnel de justice.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Une date butoir va complexifier et non simplifier. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’article 12 non modifié.
Après l’article 12
Amendement CS788 de M. Henri Alfandari
M. Henri Alfandari (HOR). L’amendement vise à limiter les possibilités de recours contre une décision relative à l’occupation ou à l’utilisation des sols aux seules personnes, collectivités territoriales et associations pouvant justifier d’un impact direct sur les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien concerné. Ce droit s’appliquerait uniquement dans le cas où elles détiennent ou occupent régulièrement ce bien ou qu’elles bénéficient d’une promesse de vente, d’un bail ou d’un contrat préliminaire. Il n’y a aucune raison que des gens viennent de l’autre bout de la France se prononcer sur un projet dont l’impact est local. L’amendement ne remet en rien en cause les droits des gens.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis défavorable.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Cette restriction est déjà en vigueur pour les personnes physiques et les sociétés. L’extension aux personnes morales et publiques, dont l’État, n’est pas justifiée dans la mesure où leur intérêt à agir se détermine légitimement en fonction des intérêts publics qu’ils garantissent. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
M. Pierre Meurin (RN). Monsieur le rapporteur, pourquoi êtes-vous défavorable à cet amendement qui nous semble très intéressant et que nous allons voter ?
M. Hendrik Davi (EcoS). Nous sommes bien évidemment contre cet amendement. Assurément, cela simplifie les choses d’empêcher tous les recours des associations qui protègent l’environnement ! On n’a pas besoin d’habiter juste à côté d’une forêt pour faire un recours contre une coupe rase. C’est le rôle même des associations.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. L’intention est claire ; la rédaction l’est moins. Elle se borne à suggérer que toute personne physique ou morale peut agir en justice lorsque le projet contesté porte atteinte aux conditions de jouissance d’un bien qu’elle détient, sans limiter ce droit à ces seules situations. Cela limite excessivement le droit au recours de ces personnes, notamment celui des associations.
La commission adopte l’amendement.
Amendements de suppression CS1419 de M. Christophe Naegelen, CS230 de Mme Manon Meunier, CS826 de Mme Lisa Belluco et CS927 de M. Charles Fournier
M. Christophe Naegelen, rapporteur. La définition du recours abusif en matière de contentieux de l’urbanisme proposée par cet article est trop rigide et peu opérante. Aussi, je propose de le supprimer pour trois raisons. Premièrement, c’est en fonction des circonstances particulières de chaque affaire que le juge doit pouvoir apprécier le caractère abusif du recours. Deuxièmement, l’irrecevabilité d’un recours ne traduit pas nécessairement un comportement abusif : un recours irrecevable peut être tout à fait légitime sur le fond. Le code de l’urbanisme prévoit, par exemple, qu’un recours contre une autorisation d’urbanisme doit être notifié à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation sous peine d’irrecevabilité. À l’inverse, des recours recevables peuvent avoir pour seul objectif d’empêcher la réalisation d’un projet d’urbanisme. Troisièmement, la rédaction paraît ambiguë, comme en témoignent les amendements.
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Nous sommes d’accord avec M. le rapporteur. La possibilité pour les personnes physiques et morales d’agir contre ces permis est déjà fortement limitée : l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme dispose que, exception faite des associations et du préfet, les particuliers doivent justifier que le projet attaqué « est de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance » de leur bien. Cet article, introduit par la droite sénatoriale, prive le juge d’une marge de manœuvre considérable. La notion de recours abusif est déjà largement précisée par la jurisprudence. Nous n’avons pas besoin d’aller aussi loin dans la loi, à moins de vouloir favoriser la construction de projets industriels et commerciaux injustifiés.
M. Charles Fournier (EcoS). Nous n’avons que trop vu ces derniers temps des textes qui tentaient de réduire les possibilités de recours sur des projets. À peine l’encre de l’article 15 de la loi d’orientation agricole, vivement critiqué par le Conseil d’État, est-elle sèche que l’on imagine d’aller encore plus loin. Cet article n’a fait l’objet ni d’une étude d’impact ni d’une mission d’information. Texte après texte, on continue de museler les citoyens et les citoyennes souhaitant s’opposer à des projets.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Si je partage l’objectif de limiter les recours abusifs dans le domaine de l’urbanisme, la définition inscrite à l’article 12 bis aurait pour effet de restreindre l’appréciation que le juge peut avoir de la situation. Avis favorable sur les amendements de suppression.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 12 bis est supprimé et les amendements CS828 de Mme Lisa Belluco, CS79 de M. Pierre Cordier, CS144 de Mme Danielle Brulebois, CS375 de M. Corentin Le Fur, CS396 de Mme Josiane Corneloup, CS406 de Mme Valérie Bazin‑Malgras, CS416 de Mme Frédérique Meunier, CS1238 de Mme Béatrice Bellamy et CS277 de Mme Anne Stambach-Terrenoir tombent.
TITRE VI
ALIGNER LES DROITS DES TRÈS PETITES ENTREPRISES SUR CEUX DES PARTICULIERS
Amendement CS1326 de M. Christophe Naegelen
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je vous propose de prévoir l’harmonisation de la dénomination des prestations bancaires pour l’ensemble des clients, à partir du 1er juillet 2027. En effet, chaque banque a ses dénominations propres, ce qui rend la comparaison du coût des services très compliquée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Avis favorable, dans la mesure où cet amendement contribue à une plus grande transparence des frais des services bancaires.
La commission adopte l’amendement.
Amendements identiques CS928 de M. Charles Fournier et CS1508 du gouvernement
M. Charles Fournier (EcoS). L’amendement vise à réintroduire la disposition qui prévoyait, avant la première lecture au Sénat, que les établissements de crédit doivent également envoyer gratuitement un relevé annuel des frais bancaires à leurs clients microentreprises. Les très petites entreprises (TPE) critiquent cette absence de transparence et réclament une visibilité des frais bancaires.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte les amendements.
Amendement CS1511 du gouvernement
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. L’amendement vise à supprimer une disposition adoptée par le Sénat visant à obliger les établissements à motiver le refus de dépôt du capital social. Celle-ci ne nous semble pas utile.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.
Amendements CS1512 du gouvernement et CS839 de Mme Lisa Belluco (discussion commune)
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Il est laissé un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi pour faire entrer en vigueur le dispositif d’envoi gratuit d’un relevé annuel des frais bancaires acquittés par les TPE, afin que les établissements puissent se conformer à cette nouvelle obligation.
M. Hendrik Davi (EcoS). Nous proposons de fixer une date, au 1er janvier 2026.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Nous ne sommes pas à l’abri d’une nouvelle dissolution qui nous empêcherait de nous réunir avant une CMP (commission mixte paritaire) potentiellement conclusive. Attendre la promulgation de la loi me semble plus raisonnable. Avis favorable sur l’amendement CS1512 ; défavorable sur l’amendement CS839.
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Étant donné que d’ici à la fin de l’année, il peut se produire autant de censures que de 49.3, il vaut mieux voter l’amendement CS839, d’autant que les banques sont capables de produire des facturations du jour au lendemain.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Il faut laisser le temps aux organismes financiers d’organiser leur système informatique pour élaborer ce relevé annuel qui sera envoyé au mois de janvier.
La commission adopte l’amendement CS1512.
En conséquence, l’amendement CS839 tombe.
La commission adopte l’article 13 modifié.
Amendement CS1003 de Mme Julie Ozenne
Mme Julie Ozenne (EcoS). Actuellement, une collectivité peut voir son contrat d’assurance résilié unilatéralement. Elle n’a que deux mois pour relancer une procédure, ce qui est trop court au regard de la complexité du cahier des charges et du marché très tendu de l’assurance publique. L’amendement vise à étendre à six mois le délai de prévenance pour l’ensemble des acheteurs publics. C’est un filet de sécurité, sans coût pour l’État, et un outil de bonne gestion publique.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis défavorable.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Avis défavorable. Étendre à tous les acheteurs publics ce délai de résiliation de six mois risquerait d’entraîner des résiliations par anticipation et une augmentation des primes d’assurance voire de décourager les assureurs de répondre à des appels d’offres, ce qui viendrait tendre davantage le marché.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS1439 et CS1440 de M. Christophe Naegelen, rapporteur.
Amendement CS314 de Mme Claire Lejeune
Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Nous proposons d’exclure le risque climatique des motifs possibles de rupture unilatérale de contrat de la part de l’assureur. Le dérèglement climatique est bien réel. Les entreprises le savent, les collectivités aussi, ainsi que les assureurs, qui tendent à se désengager. Cela a été le cas pour les communes de Vitry-en-Artois et d’Aytré en décembre 2023. Alors que 23 000 communes ont été déclarées à risque d’inondation, 37 % des TPE-PME craignent de ne plus pouvoir s’assurer à cause des risques climatiques. Notre amendement permettra de mettre les assureurs face à leurs responsabilités vis-à-vis de la prise en charge du risque climatique.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Des réflexions ont été menées : le rapport de la mission Langreney sur l’assurabilité des risques climatiques proposait notamment de renforcer le régime catastrophe naturelle (Cat nat). Encadrer trop strictement les conditions de résiliation des contrats d’assurance n’est pas une bonne solution. Cela conduira mécaniquement les assureurs à anticiper et à ne contracter qu’avec les assurés qui présentent le moins de risques. Avis défavorable.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Votre disposition serait contraire au principe de liberté contractuelle. Par ailleurs, le lien avec l’aggravation du risque climatique n’est pas une notion juridique suffisamment précise, ce qui pourrait conduire à des difficultés d’interprétation. Qui plus est, l’article auquel vous faites référence dans le code des assurances porte sur les personnes physiques, alors que vous souhaitez cibler les collectivités. Enfin, il est toujours possible de saisir le bureau central de tarification pour les assurances obligatoires. Avis défavorable.
M. Jean-Pierre Taite (DR). Je suis favorable à cet amendement. Lorsque j’étais maire, j’ai vécu cette situation : après un épisode de grêle qui a ravagé la ville, l’assureur n’a plus voulu nous assurer à cause des dégâts subis par les bâtiments communaux, et cela a été la croix et la bannière pour trouver une nouvelle assurance. De nombreux maires ont aussi vécu cela en cas d’orages de grêle ou d’inondations, comme dans la commune du Coteau, dans la Loire, où cela a pris des mois.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CS336 de Mme Danielle Brulebois
Mme Danielle Brulebois (EPR). Il s’agit de préciser le contenu de l’avis d’échéance envoyé chaque année par l’assureur dans le cadre des contrats d’assurance affinitaire à reconduction tacite. Cette information, qui incombe à l’assureur, doit rappeler l’objet de l’assurance, le numéro de contrat, le libellé du prélèvement et le montant des primes à venir, et alerter l’assuré quant à la nécessité de résilier le contrat si le bien ou le service principal n’a plus d’objet, en rappelant les conditions de résiliation.
Bien que, la plupart du temps, la souscription de contrats d’assurance affinitaire ne pose pas de problème pour les entreprises, des modifications sont nécessaires pour éviter des dérives bien réelles, même si elles ne sont le fait que d’un très petit nombre d’assureurs. Le 17 décembre dernier, la trente et unième chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris a ainsi prononcé une peine d’une sévérité inédite à l’encontre d’un groupe spécialisé dans la distribution de contrats d’assurance affinitaire – en l’espèce, des contrats proposés en complément de l’achat d’un appareil électronique. Ces contrats étaient renouvelés par tacite reconduction, en profitant de la négligence – et, parfois, de la naïveté – du client. Il s’agissait d’une vaste escroquerie, certaines personnes ayant pu se voir prélever des sommes énormes, jusqu’à 30 000 euros en trois ou quatre ans, par exemple, pour un achat de 30 euros, et sans recours possible puisque la tacite reconduction était prévue. Il est donc absolument nécessaire d’encadrer ces procédés, certaines personnes ayant subi des prélèvements alors qu’elles n’avaient pas signé d’avenant. Il y a là un réel problème.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. L’amendement est, comme vous le relevez vous-même, en grande partie satisfait. Cependant le dispositif est presque trop précis pour être inscrit tel quel dans la loi. Sagesse.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Préciser, à ce stade, le contenu de l’avis d’échéance et les modalités d’envoi – sous format papier et électronique – est une disposition plus réglementaire que législative. Je demande donc le retrait de l’amendement. À défaut, avis défavorable.
M. Henri Alfandari (HOR). Vous parlez des arnaques commises par la Sfam à la faveur de ventes de téléphones par la Fnac. Il y a eu vol de données et utilisation frauduleuse d’Iban (numéros internationaux de compte bancaire), qui ont permis de prélever des sommes d’argent à nos concitoyens sans aucune défense possible. Bien qu’une partie du problème puisse être réglée au niveau réglementaire, cet amendement – dont je rappelle qu’il avait fait l’objet, au Sénat, d’un avis de sagesse de la part de Mme Olivia Grégoire, alors ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme – y contribue aussi et nous ferions bien de l’adopter, quitte à le corriger d’ici à l’examen du texte dans l’hémicycle. Nos concitoyens ont besoin d’être pris en charge dans ce domaine.
M. Gérard Leseul (SOC). Bien que cet amendement ne simplifie guère la vie des entreprises et qu’il soit un peu bavard et trop précis, nous le soutiendrons, car il apporte une certaine clarté et pourrait être amélioré ultérieurement.
La commission adopte l’amendement.
Amendements CS33 de Mme Danielle Brulebois, CS1441 de M. Christophe Naegelen et CS313 de Mme Claire Lejeune (discussion commune)
Mme Danielle Brulebois (EPR). L’amendement CS33 vise à préciser les entreprises concernées par le dispositif, dans l’objectif de toucher les plus petites. Je rappelle en effet qu’il n’existe pas vraiment de définition des très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME) dans le code des assurances. D’autre part, cette précision ne relève pas de la loi mais du règlement, le Conseil d’État ayant confirmé qu’un renvoi à un tel décret sans précision surfacique était pertinent. Par ailleurs, afin de préserver un objectif d’adaptabilité du droit, il serait utile de ne pas contraindre le pouvoir réglementaire au recours à un paramètre surfacique si cela devait se révéler inadapté ou faire l’objet de modifications ultérieures.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. L’amendement CS1441 vise à étendre le droit de résiliation infra-annuel des contrats d’assurance à l’ensemble des entreprises, et non seulement aux très petites, auxquelles le projet de loi le réserve, les définissant non pas en fonction de seuils de nombre de salariés ou de chiffre d’affaires, mais par référence à un seuil de surface. De plus, un tel seuil devrait être adapté en fonction des secteurs d’activité, ce qui me semble complexe, peu lisible et insatisfaisant.
Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). L’amendement CS313 vise à préserver la portée de l’alinéa 8. En effet, les parlementaires n’auraient, par définition, pas de prise sur la définition d’une liste établie par décret en Conseil d’État, qui pourrait vider de son sens le présent article, protecteur pour les petites entreprises et les petites collectivités dans leurs rapports avec les assureurs – les grandes entreprises ayant, quant à elles, beaucoup plus de moyens pour gérer les contrats d’assurance.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Avis favorable sur l’amendement de Mme Brulebois, qui propose de substituer au critère surfacique une série de critères définis par la voie réglementaire.
Avis défavorable, en revanche, sur celui du rapporteur, qui vise à étendre la résiliation infra-annuelle à l’ensemble des entreprises, car on peut légitimement supposer que les grandes entreprises disposent déjà des moyens humains nécessaires pour suivre un calendrier de résiliation des contrats d’assurance qu’elles ont souscrits.
Avis défavorable également sur l’amendement de Mme Lejeune, qui tend à empêcher des exceptions à l’extension du droit à la résiliation infra-annuelle aux petites entreprises en supprimant la notion d’un décret qui exclurait du champ de cette mesure certains types de contrats. Or l’objet de ce décret est de prendre en compte l’impact de la mesure sur les entreprises saisonnières, qui peuvent ne travailler que six mois sur douze.
Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Puisque les choses sont claires et que le périmètre est assez bien balisé, pourquoi ne pas l’écrire ainsi, au lieu de renvoyer à une liste établie par le Conseil d’État ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Il nous faut travailler avec les compagnies d’assurances et les acteurs qui figurent sur cette liste mais, à l’heure actuelle, nous ne sommes pas prêts pour répondre à une liste qui serait clairement définie.
La commission adopte l’amendement CS33.
En conséquence, les amendements CS1441 et CS313 tombent.
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS1442, CS1443 et CS1444 de M. Christophe Naegelen, rapporteur.
Amendement CS1507 du gouvernement
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Il vise à rétablir certaines dispositions initiales prévues à l’article 14 du projet de loi, notamment en revenant sur la réduction à quatre mois des délais d’indemnisation des assureurs pour les procédures avec expertise et à un mois pour les procédures sans expertise, délais trop exigeants pour les assureurs, notamment pour les indemnisations les plus complexes. Il faut laisser du temps à l’ensemble des acteurs pour leur permettre d’agir. Il est donc préférable de rétablir les délais de six mois pour les procédures avec expertise et de deux mois pour les procédures sans expertise. Les délais doivent être raisonnables pour permettre de faire face à des cas complexes.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Sagesse.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’amendement rédactionnel CS1445 de M. Christophe Naegelen, rapporteur.
Amendement CS1513 du gouvernement
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Il tend à rétablir certaines dispositions initiales de l’article 14 du projet de loi, notamment en supprimant la fixation dans la loi du délai maximal de versement de l’indemnité et du délai maximal de missionnement d’une entreprise de réparation, laissant au pouvoir réglementaire le soin de préciser ces modalités, comme le prévoyait le texte initial. Il faut en effet fixer des délais acceptables aux différents acteurs.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’amendement rédactionnel CS1446 de M. Christophe Naegelen, rapporteur.
Amendement CS1454 de M. Christophe Naegelen
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Il vise à ce que l’expert désigné dans le cadre d’un sinistre transmette son rapport définitif non seulement à l’assureur, mais aussi à l’assuré. Cela ne crée en effet aucune charge supplémentaire mais permet de renforcer la transparence de l’information et les droits des assurés, qui peuvent réagir, par exemple en cas d’erreur de l’assureur.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’amendement rédactionnel CS1447 de M. Christophe Naegelen, rapporteur.
Amendement CS1448 de M. Christophe Naegelen et sous-amendement CS1510 du gouvernement
M. Christophe Naegelen, rapporteur. L’amendement vise à confier au collège de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), dans le cadre de ses fonctions de police, plutôt qu’à sa commission des sanctions, le pouvoir de prononcer une injonction assortie d’une astreinte journalière en cas de méconnaissance par un assureur de ses obligations, afin d’éviter de complexifier l’existant.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Le sous-amendement élargit ce pouvoir, avec l’objectif de donner une portée générale au pouvoir d’injonction sous astreinte du collège de l’ACPR, afin de veiller à l’efficacité et à l’autorité de son action de supervision. Cela permet d’étendre son pouvoir et de lui donner plus de force.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Avis favorable au sous-amendement.
La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous-amendé.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS1452, CS1449, CS1450, CS1470 et CS1451 de M. Christophe Naegelen, rapporteur.
Contre l’avis du rapporteur, elle adopte l’amendement CS34 de Mme Danielle Brulebois.
La commission adopte l’article 14 modifié.
Après l’article 14
Amendement CS791 de M. Thomas Lam
M. Thomas Lam (HOR). Il vise à ce que le consommateur soit informé de son droit de faire procéder à une contre-expertise en cas de sinistre, ce qui n’est pas toujours le cas, puisque l’expertise est mandatée par l’assureur.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Si les deux experts n’arrivent pas aux mêmes conclusions, plusieurs solutions sont possibles et le contrat peut prévoir la désignation d’un troisième expert pour les départager. L’assureur et l’assuré peuvent entrer en négociation, en médiation et même en contentieux. L’amendement, qui prévoit la prise en charge de la contre-expertise par l’assureur si elle est plus favorable à l’assuré, fera peser sur les assureurs un coût supplémentaire qui se répercutera mécaniquement sur les primes d’assurance sans pour autant préciser comment concilier deux avis contradictoires.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. L’amendement comporte deux points. Je suis favorable au premier, qui consiste à obliger l’assureur à informer l’assuré de son droit de demander une contre-expertise à ses frais. Le deuxième, en revanche, qui prévoit le remboursement par l’assureur des frais de contre-expertise si cette dernière conclut à une indemnisation plus élevée, se traduira par une hausse des primes d’assurance qui pourrait déstabiliser les citoyens les plus fragiles. Je vous propose donc de retirer votre amendement et de le retravailler en vue de l’examen du texte en séance publique.
L’amendement est retiré.
Amendement CS1174 de M. Charles Alloncle
M. Charles Alloncle (UDR). Il vise à favoriser la concurrence en matière de contrats de prévoyance. Jusqu’en 2019, en effet, une entreprise ne pouvait pas changer de contrats de complémentaire pour ses salariés et, à partir de cette date, où la loi a été modifiée, elle ne le pouvait que dans certains cas, peu nombreux – maladie, maternité ou accident –, et donc pas pour les risques d’incapacité, d’invalidité ou de décès. Les acteurs en place se frottent les mains, car les prix sont prohibitifs – des études montrent par exemple que, pour les garanties décès, les marges sont supérieures de 40 % à la moyenne. Les prix montent donc, pour les employeurs comme pour les salariés.
L’amendement vise à aligner les régimes pour tous les cas de prévoyance complémentaire, sans plus les distinguer selon les motifs. Cette mesure, qui va évidemment dans le sens de la simplification, contribuera aussi directement à faire baisser les prix pour les salariés et pour les entreprises, et rendra le marché plus liquide en permettant à de nouveaux acteurs de concurrencer les grosses compagnies d’assurances qui trustent le marché. Cela éclairera considérablement les choix des responsables juridiques des entreprises.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Je demande le retrait de l’amendement. À défaut, avis défavorable. Une étude d’impact ou une consultation préalable des acteurs aurait été nécessaire, car cette mesure aura des conséquences très importantes sur le marché des contrats de prévoyance complémentaires.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Même avis que le rapporteur, pour les mêmes raisons.
M. Charles Alloncle (UDR). Je ne comprends pas bien ces arguments car ce changement avait été opéré, pour d’autres motifs, en juillet 2019, et il s’agit ici d’aller au bout de cette démarche d’harmonisation.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS841 de Mme Lisa Belluco
M. Charles Fournier (EcoS). Il vise à ce que les franchises d’assurance ne s’appliquent qu’une seule fois lorsque plusieurs aléas naturels se succèdent. Cette mesure de simplification est évidemment utile pour les entreprises.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Défavorable.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Nous pourrions être d’accord sur le fond, mais la proposition, qui se réfère aux « aléas naturels » en général, manque de clarté et pourrait donner lieu à des incompréhensions et à des incertitudes juridiques pour les sinistrés. Il serait préférable de viser plus précisément des « aléas de même nature ». Compte tenu de ces incertitudes, je demande le retrait de l’amendement. À défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CS1453 de M. Christophe Naegelen et CS845 de Mme Lisa Belluco (discussion commune)
M. Christophe Naegelen, rapporteur. En créant le bureau central de tarification (BCT), le législateur entendait faire respecter l’obligation d’assurance de responsabilité civile automobile : toute personne physique ou morale assujettie à cette obligation qui, ayant sollicité la souscription d’un tel contrat auprès d’une entreprise d’assurances, s’était vu opposer un refus, pouvait saisir le BCT. Il existe actuellement six domaines d’assurances obligatoires dans lesquels la saisine du BCT est possible.
L’amendement CS1453 tend à imposer à l’assureur qui refuse la souscription d’un contrat d’assurance obligatoire d’indiquer à l’assuré qu’il peut saisir le BCT compétent et que celui-ci est tenu de statuer dans un délai d’un mois sur les demandes qui lui sont adressées.
M. Hendrik Davi (EcoS). On peut certes, face au refus d’une compagnie d’assurances d’accorder un contrat couvrant, entre autres, le risque de catastrophe naturelle, saisir le bureau central de tarification, mais celui-ci rend rarement des avis, car il est peu saisi, les requérants peinant à prouver que le refus est lié à ce motif, que les assurances n’explicitent pas nécessairement.
L’amendement CS845 vise donc à instaurer une présomption de refus d’assurer pour motif d’exposition aux catastrophes naturelles dans les zones exposées, afin de rendre effectif le droit à être assuré et à former un recours.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Pour ce qui concerne l’amendement CS1453, il est bon que les assurés soient informés de la possibilité de saisir le bureau central de tarification. En revanche, le délai maximum d’un mois pour statuer sur les demandes me paraît insuffisant car l’instruction des dossiers nécessite fréquemment l’envoi des pièces complémentaires. Je demande donc le retrait de l’amendement. À défaut, avis défavorable.
Quant à l’amendement CS845, l’avis est défavorable. L’extension du champ d’intervention du bureau central de tarification par l’instauration d’un principe de présomption simple de refus d’assurance en zone d’aléas climatiques soulève des difficultés techniques.
M. Christophe Naegelen, rapporteur. Il serait possible d’adopter aujourd’hui l’amendement CS1453, puis de déposer, lors de l’examen du texte en séance publique, un amendement visant à allonger le délai.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. L’avis du gouvernement reste défavorable.
La commission adopte l’amendement CS1453.
En conséquence, l’amendement CS845 tombe.
Amendement CS278 de Mme Sandrine Nosbé
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). Il vise à faire bénéficier les travailleurs indépendants et les autoentrepreneurs du plafonnement des frais d’incidents bancaires. En effet, les travailleurs ubérisés sont particulièrement exposés à ces frais par le paiement régulier de petites sommes et par l’incertitude de leur situation. Il est d’autant plus nécessaire de protéger ces professionnels de frais souvent exorbitants qu’ils font déjà face à des difficultés financières plus fréquentes et à des contrats et conditions de travail plus précaires que la moyenne.
Ces frais bancaires, particulièrement injustes, peuvent représenter en moyenne un tiers de la facture annuelle totale. Les plus modestes se voient ponctionner des centaines d’euros par an, à quoi s’ajoute la pratique très contestable du minimum forfaitaire d’intérêts débiteurs, c’est-à-dire des frais appliqués en cas de découvert, quelle qu’en soit l’ampleur.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
La réunion, suspendue à vingt-deux heures quarante, est reprise à vingt-deux heures quarante-cinq.
TITRE VII
FACILITER L’ESSOR DE PROJETS INDUSTRIELS ET D’INFRASTRUCTURES
Avant l’article 15
Amendement CS275 de M. Vincent Rolland
M. Vincent Rolland (DR). Il vise à ce que l’aménagement d’un domaine skiable soit considéré comme une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) dès lors que les retombées économiques et sociales de ce domaine sont manifestes. Depuis la transposition à l’article L. 411-2 du code de l’environnement, une raison impérative d’intérêt public majeur est requise lorsqu’un projet porte atteinte, de près ou de loin, à un habitat d’espèce protégée, ce qui place les communes touristiques ayant un domaine skiable dans une situation juridiquement délicate. En effet, ces dernières années, l’absence, aux yeux du juge, de raison impérative d’intérêt public majeur a empêché la réalisation de plusieurs projets structurants en montagne.
L’amendement vise donc à lier la raison impérative d’intérêt public majeur à l’aménagement du domaine skiable, selon la réflexion déjà menée par les pouvoirs publics à propos de la production hydroélectrique, du nucléaire ou de l’agriculture, afin de protéger les communes ayant un domaine skiable. Il est proposé d’apprécier la RIIPM liée au domaine skiable selon l’impact manifeste que celui-ci peut avoir sur le territoire, au niveau local comme à ceux de la vallée ou du massif, et sur son économie.
M. Stéphane Travert, rapporteur pour les titres VII à XII. Avis défavorable, car cette reconnaissance affaiblirait la protection des espaces naturels sensibles et contournerait l’examen rigoureux au cas par cas exigé aujourd’hui par le droit environnemental européen et national.
M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie. Même avis.
M. Charles Fournier (EcoS). Je suis très défavorable à cet amendement, qui porterait une atteinte supplémentaire aux mesures de protection des espèces. Par ailleurs, le premier des trois critères de la RIIPM est en effet l’étude au cas par cas. Je rappelle, enfin, que le domaine skiable est en danger et que toutes les atteintes à la biodiversité contribueront précisément à son effondrement. Considérer qu’il serait automatiquement d’intérêt public majeur est une très mauvaise idée : il faut appliquer la règle actuelle.
M. Vincent Rolland (DR). Jusqu’à preuve du contraire, les domaines skiables de certaines vallées ont un intérêt majeur, et pour des décennies encore, sur les plans économique et social pour fixer des femmes et des hommes qui souhaitent vivre sur place. Il convient donc de soutenir cette activité.
La commission rejette l’amendement.
Amendements de suppression CS642 de Mme Anne Stambach-Terrenoir et CS1133 de M. Charles Fournier
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Nous voulons supprimer l’article 15, qui entraîne une régression majeure de nos objectifs de réduction de l’artificialisation des sols.
D’abord, il prévoit d’attribuer aux centres de données la qualification de projet d’intérêt national majeur (PINM). Les exigences applicables à leur implantation en matière d’environnement et d’urbanisme seront donc réduites, sans lien avec les besoins et les exigences de la bifurcation agroécologique. Ce statut attribue à l’État la mise en compatibilité des documents de planification et d’urbanisme, sur la base desquels le préfet délivre le permis de construire. Surtout, il inclut la reconnaissance anticipée de la RIIPM, qui est l’une des conditions nécessaires à l’obtention d’une dérogation « espèces protégées ».
Ensuite, l’article 15 prévoit, en raison de l’adoption d’un amendement par le Sénat, d’exempter les PINM du décompte des enveloppes d’artificialisation pour la période 2021‑2031. L’implantation des centres de données ne sera donc pas considérée comme une artificialisation des sols et échappera à l’objectif contraignant, prévu par la loi « climat et résilience », de réduire de 50 % l’artificialisation brute des sols sur la période 2021-2031 par rapport à la période 2011-2021.
D’après le rapport La France s’adapte – Vivre à +4°C, publié par Météo-France il y a quelques jours, la France se réchauffe plus vite que les autres pays et connaîtra de plus en plus d’épisodes de pluies intenses tels que ceux récemment observés à Valence, à Mayotte et à La Réunion. Or c’est l’artificialisation des sols qui transforme des pluies torrentielles en inondations meurtrières, en réduisant la capacité d’absorption des terres.
Ce texte, qui prétend simplifier, compliquera les conditions de vie de nos enfants.
M. Charles Fournier (EcoS). Le statut de PINM créé par la loi « industrie verte » fait de l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN) un panier percé, dès lors que tout projet ou presque est considéré comme étant d’intérêt national majeur. Les centres de données le sont, mais pas les hôpitaux. Texte après texte, selon une logique incompréhensible, nous introduisons des exceptions privant le ZAN de toute efficacité, ce qui est bien l’intention.
L’amendement CS1154 vise aussi à supprimer l’article 15, au motif que les centres de données, qu’il s’agit de qualifier de PINM, stockent aussi des données des Gafam, ce qui bat en brèche l’affirmation selon laquelle ils relèvent de la souveraineté nationale. Par ailleurs, les faire bénéficier d’une telle exception tue dans l’œuf toute protection de la biodiversité et de nos espaces naturels et agricoles. Nous nous y opposons fermement.
M. Stéphane Travert, rapporteur. L’objectif de l’article 15 est simple. Il s’agit de simplifier et d’accélérer la réalisation de projets industriels et d’infrastructures essentiels pour la transition énergétique et le développement numérique. Nous proposons des dispositions ambitieuses pour soutenir des PINM qui dynamiseront la transition énergétique tout en garantissant l’égalité numérique sur tout le territoire. Les Gafam ne seront pas les seuls à utiliser les centres de données. Les PME, partout sur le territoire, ont besoin de stocker leurs données.
Par ailleurs, en simplifiant l’implantation des centres de données, nous nous donnons les moyens d’assurer notre compétitivité – ce n’est pas un gros mot. Nous renforçons la transparence et l’optimisation des infrastructures de télécommunication, en portant une attention toute particulière aux zones rurales et littorales pour garantir les couvertures nécessaires à notre époque.
Supprimer l’article 15 compromettrait l’attractivité de la France pour ses investissements d’intérêt national. Avis défavorable.
M. Marc Ferracci, ministre. Même avis. Les centres de données permettent aux entreprises, notamment aux PME et aux ETI (entreprises de taille intermédiaire), de s’approprier les algorithmes d’intelligence artificielle (IA), qui sont une condition majeure de la croissance de la productivité dans les années à venir. J’ai visité des centres de données et discuté avec des dirigeants de PME, lesquels n’envisagent pas de déposer leurs données et de faire tourner des algorithmes d’IA sans disposer de garanties de sécurité. La première d’entre elles est l’implantation des centres de données sur notre sol, qui offre aux entreprises une réassurance en matière d’utilisation de leurs données. Dans la guerre de l’IA, qui durera plusieurs années, cet élément est crucial.
M. Éric Bothorel (EPR). Dans un contexte géopolitique où certains acteurs industriels actifs au sein de l’administration américaine menacent certains pays de les priver des services qu’ils ont eux-mêmes déployés, il serait irresponsable de ne pas considérer l’implantation des centres de données, qui comporte des enjeux d’hébergement, de puissance de calcul et de soutien à l’économie en général et à l’IA en particulier, comme présentant un intérêt national majeur. Outre sa dimension économique, elle est au cœur des enjeux de souveraineté.
Nul ne peut ignorer la situation géopolitique complexe dans laquelle nous nous trouvons. L’administration américaine n’hésitera pas à nous priver des services que les acteurs américains ont eu tant de peine à déployer sur notre continent. Soyons à même de réarmer notre pays en consolidant ses capacités de calcul, d’hébergement et de soutien l’IA. Nous en avons la pleine et entière responsabilité.
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Il est surprenant de ne pas prendre les précautions les plus élémentaires avant d’autoriser des projets terriblement énergivores et émetteurs de CO2, ce qu’il s’agissait précisément d’éviter lorsque nous avons adopté la loi « accélération du nucléaire », et responsables d’une artificialisation massive des sols en raison des surfaces phénoménales qu’ils occupent. Nos amendements ne visent pas à empêcher l’implantation des centres de données sur notre territoire, mais à faire en sorte que celle-ci ne déroge pas aux règles élémentaires de prudence et tienne compte de l’environnement au sein duquel ils se développeront. Je suis toujours surpris de constater que, dès qu’il s’agit de faire du business, on ne prend pas la moindre précaution.
M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). L’article 15 vise à faciliter l’implantation des centres de données en France. La gauche veut le supprimer. Or nous en avons besoin pour renforcer notre souveraineté et notre puissance de calcul.
Toutefois, en matière de souveraineté, stocker les données en France ne suffit pas. D’après les spécialistes du cloud, notamment ceux de Microsoft, nul ne sait dans quel serveur se trouvent les données qui y sont stockées. Nous pensons les stocker en France, mais elles circulent aux États-Unis, en Inde, au Royaume-Uni ou ailleurs. Nous défendrons des amendements à ce sujet.
M. Hendrik Davi (EcoS). Les industriels ont besoin de perspectives claires. Concernant les centres de données, rien ne serait pire pour eux qu’un développement un peu anarchique suivi d’un retour en arrière sous la contrainte, en raison des sérieux problèmes qu’ils posent en matière écologique et énergétique. Les besoins en eau pour leur refroidissement sont considérables et entraînent déjà des conflits d’usage.
Aux Pays-Bas, en 2021, les autorités, constatant qu’un centre de données avait consommé 84 millions de litres en pleine sécheresse, ont décrété un moratoire. En Irlande, les centres de données consomment près de 18 % de la consommation électrique du pays. D’après certaines estimations, cette proportion pourrait atteindre 70 % en 2030. En 2022, l’opérateur électrique public a imposé un moratoire sur leur installation près de Dublin. La construction des centres de données doit être prise au sérieux, ce qui suppose de la planifier. Rien ne sert d’accorder des dérogations et d’encourager leur construction.
Par ailleurs, notre société doit se demander s’il est raisonnable de conserver une montagne de données personnelles, souvent à l’insu de notre plein gré, en vue de les monétiser. Nous devons avoir ce débat et, pour qu’il soit serein, il faut éviter de déréguler n’importe comment.
La commission rejette les amendements.
L’amendement CS847 de Mme Lisa Belluco est retiré.
Amendement CS1389 de M. Stéphane Travert
M. Stéphane Travert, rapporteur. Il s’agit de supprimer l’obligation d’auditionner le pétitionnaire lors des examens des demandes d’autorisation d’urbanisme et en agrivoltaïsme à laquelle est soumise la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF). Cette obligation ralentit les procédures sans valeur ajoutée particulière. Le président de la CDPENAF conservera la possibilité de convoquer une audition. Il s’agit d’une mesure pragmatique de simplification n’affaiblissant aucune des garanties demandées au pétitionnaire.
M. Marc Ferracci, ministre. Avis favorable car cela s’inscrit pleinement dans la philosophie de ce texte.
La commission adopte l’amendement.
Amendements CS886 et CS883 de Mme Lisa Belluco (discussion commune)
M. Charles Fournier (EcoS). La loi « climat et résilience » est malheureusement incomplète en matière de protection des sols. Elle fixe deux objectifs aux échéances de 2031 et de 2050. Il s’agit d’aller plus loin en fixant un objectif de zéro artificialisation brute des sols en 2060.
M. Stéphane Travert, rapporteur. Il n’est pas opportun d’ouvrir le débat sur l’évolution du cadre d’artificialisation. Nous l’aurons très bientôt lors de l’examen de la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux (Trace), que le Sénat vient d’adopter. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques CS1390 de M. Stéphane Travert et CS1351 du gouvernement
M. Stéphane Travert, rapporteur. Il s’agit de supprimer les alinéas 2 et 3. La question de l’implantation des centres de données peut être traitée dans le cadre des schémas de cohérence territoriale (Scot), notamment s’ils intègrent un plan climat-air-énergie territorial (PCAET) ou abordent les enjeux énergétiques et d’organisation spatiale. La disposition visée est redondante et n’ajoute aucune valeur normative. Il n’est pas nécessaire de modifier le cadre juridique en vigueur.
M. Marc Ferracci, ministre. Il s’agit en effet de supprimer la possibilité offerte au Scot de prévoir des orientations stratégiques d’implantation des centres de données. Les élus locaux disposent des outils leur permettant de développer sur leur territoire une stratégie d’implantation des centres de données. L’ajout d’un article dans le code de l’urbanisme est inutile.
Mme Mélanie Thomin (SOC). D’après France Datacenter, la question de savoir comment les centres de données organisent leur répartition territoriale, notamment du point de vue de son équilibre, demeure en suspens. La logique qui prime est celle de la compétitivité. Elle les amène à privilégier, pour leur implantation, l’axe reliant Marseille à l’Île-de-France. Son dynamisme économique en fait le grand axe de la circulation des données dans notre pays.
En matière de répartition régionale, les centres de données n’ont pas la même logique que celle qui sous-tend ces deux amendements. Le président de la République a annoncé la création d’une trentaine de centres de données dans le pays. Quelle sera la logique qui présidera à leur implantation ? Tiendra-t-elle compte de leur juste répartition territoriale ?
M. Marc Ferracci, ministre. Leur implantation suivra une logique d’attractivité, de compétitivité, de souveraineté et d’efficacité. Les sites identifiés lors de l’annonce, lors du sommet de l’IA, d’un investissement de 109 milliards d’euros satisfont à des critères de proximité avec des sources de production d’électricité et de capacité de raccordement rapide.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, les amendements CS1096 de M. Hendrik Davi, CS382 de M. David Taupiac et CS1205 de M. Laurent Lhardit tombent.
Amendement CS1049 de M. Sébastien Huyghe
M. Sébastien Huyghe (EPR). Il est proposé de rendre applicables de plein droit les dérogations visant à encourager les projets à forte valeur environnementale, plutôt que d’obliger les porteurs de projets à les solliciter une à une. Le code de l’urbanisme regorge de telles dérogations, en pratique rarement accordées et sources de contentieux. Il s’agit de favoriser les projets alignés avec nos objectifs en matière de biodiversité et de transition bas-carbone, tout en garantissant la libre administration des collectivités, qui conserveront la possibilité de les écarter par délibération motivée. Cette mesure de simplification et d’efficacité vise à accélérer le déploiement de la SNB (stratégie nationale pour la biodiversité) et de la SNBC (stratégie nationale bas-carbone).
M. Stéphane Travert, rapporteur. Avis défavorable. L’amendement, dont l’objectif est compréhensible, a peu de rapport avec l’objet du texte et introduit une réforme de fond du régime des dérogations prévues par le code de l’urbanisme. Nous aurons ce débat lors de l’examen de la proposition de loi dite « Trace ».
M. Marc Ferracci, ministre. Même avis. Le gouvernement souscrit à l’objectif mais considère qu’il relève d’un autre texte de loi.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS759 de Mme Mélanie Thomin
Mme Mélanie Thomin (SOC). Cet amendement sans doute un peu bancal, que je retirerai, soulève une question majeure, que j’ai abordée avec les représentants de France Datacenter : la hauteur des bâtiments. Ils sont conscients de la nécessité de limiter, à tout le moins d’équilibrer leur emprise foncière et d’assurer l’insertion de leurs bâtiments dans l’environnement urbain. Je suggère d’y travailler d’ici l’examen du texte en séance publique.
M. Stéphane Travert, rapporteur. Je souscris à l’esprit de l’amendement et en suggère le retrait au profit de l’amendement CS496, mieux rédigé et dont je suis cosignataire.
L’amendement est retiré.
Amendements CS1050 et CS1051 de M. Sébastien Huyghe
M. Sébastien Huyghe (EPR). Les amendements CS1050, CS1051, CS1052, CS1053, CS1054 et CS1055 procèdent tous de la même logique que l’amendement CS1049, qui malheureusement n’a pas été adopté, consistant à inverser la logique ayant amené à multiplier les dérogations dans le code de l’urbanisme. Il s’agit d’en faire la règle, non sans permettre aux collectivités d’y recourir par délibération motivée. Dès lors que le gouvernement souscrit à l’objectif mais pas au vecteur retenu pour l’atteindre, j’accepterai de retirer ces amendements s’il prend l’engagement d’ouvrir le débat dans le cadre de l’examen d’un autre texte.
M. Stéphane Travert, rapporteur. Nous suggérons le retrait des amendements, qui prévoient des modifications en matière d’équilibre des compétences locales et de protection du patrimoine bâti. Nous aborderons ces sujets lors de l’examen d’un autre texte de loi.
Les amendements CS1050 et CS1051 sont retirés.
Amendement CS496 de M. Éric Bothorel
M. Éric Bothorel (EPR). Cet amendement vise à offrir à l’autorité compétente pour délivrer le permis de construire, s’agissant des PINM, la faculté de déroger aux règles du plan local d’urbanisme (PLU) relatives à la hauteur.
M. Stéphane Travert, rapporteur. Avis favorable.
M. Marc Ferracci, ministre. Avis favorable. Cet amendement facilitera l’implantation des centres de données, qui peut être ralentie pour des raisons d’emprise au sol, de hauteur, d’implantation et d’aspect extérieur des bâtiments.
M. Hendrik Davi (EcoS). La question de l’artificialisation des sols est majeure. Chaque année, la France perd de 20 000 à 30 000 hectares d’espaces naturels agricoles et forestiers. Ce phénomène progresse à un rythme quatre fois plus élevé que l’augmentation de la population.
Construire les centres de données en hauteur est une fausse bonne idée. La plupart s’implantent dans les ports et les zones urbaines, où se trouvent de nombreuses friches industrielles qui pourraient les accueillir, ce qui soit dit en passant les affranchirait aussi des contraintes relatives aux abords des monuments historiques. Nous ne voterons pas l’amendement, d’autant qu’il s’applique à tous les PINM et non seulement les centres de données, ce qui constitue à nos yeux une dérogation trop large.
M. Gérard Leseul (SOC). Je ne suis pas certain que l’amendement réponde à la question soulevée par notre collègue Thomin. Les limites à l’autorisation d’urbanisme sont renvoyées à un décret en Conseil d’État, ce qui nous semble insuffisant s’agissant d’une mesure dérogatoire. Il faut à tout le moins prévoir des limites dans la loi. Cet amendement est peut-être mieux rédigé que l’amendement CS759, il n’en est pas moins imprécis.
La commission adopte l’amendement.
Les amendements CS1052, CS1053, CS1054 et CS1055 de M. Sébastien Huyghe sont retirés.
Amendement CS536 de M. Ian Boucard, amendements identiques CS428 de M. Nicolas Ray, CS476 de M. Jean Terlier et CS832 de M. Guillaume Lepers (discussion commune)
M. le président Ian Boucard. L’amendement CS536 vise à élargir la définition des PINM en incluant non seulement les projets industriels mais aussi les projets d’infrastructure, afin de reconnaître leur importance stratégique pour la transition écologique et la souveraineté nationale. Cette reconnaissance faciliterait leur mise en œuvre en leur accordant un statut prioritaire, ce qui est crucial pour soutenir le développement économique et environnemental de notre pays.
M. Jean Terlier (EPR). Inclure les infrastructures dans les PINM relève du bon sens. Dans le Tarn, l’A69, déclarée d’utilité publique sur la base d’une enquête publique, fait malheureusement l’objet d’une contestation au motif qu’elle ne présenterait aucun intérêt public majeur. Les amendements en discussion commune ne régleront certes pas le problème, mais visent à faire en sorte que la raison d’intérêt public majeur soit appréciée par le juge administratif dès la déclaration d’utilité publique. L’ordonnancement de la justice administrative et la faculté de contestation des projets ont tout à y gagner.
M. Stéphane Travert, rapporteur. Nous sommes sensibles à de tels amendements. Toutefois, l’extension de la présomption de raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) aux projets d’infrastructure affaiblirait l’exigence de justification au cas par cas, qui est essentielle dans le cadre des dérogations, notamment des dérogations « espèces protégées ». De surcroît, l’amendement augmente le risque juridique en matière de contentieux, en fragilisant l’équilibre entre développement et protection de la biodiversité. L’évolution proposée est insuffisamment encadrée. Avis défavorable.
M. Marc Ferracci, ministre. Les amendements visent à élargir aux infrastructures non seulement le statut de PINM mais aussi la faculté de mutualisation de la consommation d’espaces naturels à l’échelle régionale ou intercommunale qu’emportent les aménagements, équipements et logements directement liés aux projets d’envergure nationale ou européenne.
La raison d’être du statut dérogatoire attaché aux PINM est de permettre l’accélération de projets ayant un impact économique majeur et surtout soumis à la concurrence internationale. Il s’agit d’accompagner la réindustrialisation française. Seuls six projets en ont bénéficié à ce jour. Ce statut n’a pas vocation à accompagner la construction d’infrastructures.
S’agissant de l’extension de la mutualisation de la consommation d’espace, elle fera l’objet d’une proposition de loi spécifique. Avis défavorable.
M. Charles Fournier (EcoS). En fin de compte, qu’est-ce qui n’est pas d’intérêt national majeur ? De jour en jour, ce statut englobe les projets industriels, les projets d’infrastructure, les centres de données – tout, en somme. La logique dans laquelle s’inscrit le statut de PINM suppose de maintenir l’étude des projets au cas par cas.
À force de l’accorder automatiquement, il ne restera rien qui ne soit d’intérêt national majeur, sauf peut-être le conseil économique, social et environnemental régional (Ceser), qu’il faudrait alors supprimer ! La mise en œuvre de cette notion pose un problème. Dès l’examen de la loi « industrie verte », nous avons mis en garde contre le risque de son interprétation extensive. C’est exactement ce qui se passe.
M. le président Ian Boucard. Mon département, le Territoire de Belfort, s’est fortement désindustrialisé, mais a mieux résisté que d’autres grâce à de bonnes idées et à une diversification dans les domaines de l’hydrogène ou de la logistique – que vos amis veulent d’ailleurs interdire dans le département, monsieur Fournier.
Le ministre l’a dit, seuls six projets ont été reconnus d’intérêt national majeur en cinq ans. Cela signifie qu’on ne souhaitait pas réellement réindustrialiser notre pays. Avec ce projet de loi de simplification de la vie économique, émerge une opposition idéologique entre les tenants d’une réindustrialisation, afin que les gens puissent encore avoir un boulot, et les partisans, que je respecte parfaitement, de la décroissance. Par ces amendements, M. Ray, M. Terlier, M. Lepers et moi-même montrons que nous appartenons à la première catégorie. Je m’exprime ici non en tant que président de la commission spéciale, mais comme simple député.
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Il ne serait pas sérieux d’accorder d’office une présomption de raison impérative d’intérêt public majeur aux projets de grande infrastructure, notamment routière, qui plus est au nom de la transition écologique.
Certains de ces amendements interviennent en réaction au fiasco de l’autoroute A69, mais au lieu d’en tirer les leçons, on persiste et signe ! Il s’agit d’un cas typique de projet pensé dans les années 1990, sans aucune étude des solutions alternatives, comme celle, toute simple, de réaménagement de la route nationale – que l’autoroute viendrait doubler de manière absurde. On a préféré se lancer en dépit de l’avis négatif de toutes les instances indépendantes et on s’étonne maintenant qu’il n’y ait en réalité pas de RIIPM.
En quarante ans, la surface artificialisée de France métropolitaine a été presque multipliée par deux. Nos sols sont parmi les plus artificialisés d’Europe, sachant que nous disposons aussi du réseau routier le plus dense. Nous ne pouvons donc continuer de faciliter de tels projets de grande infrastructure routière sans de plus amples réflexions sur leurs conséquences climatiques ou en matière de biodiversité.
Comme l’a dit Charles Fournier, tout va devenir d’intérêt public majeur, ce qui permettra de détruire la biodiversité et ne pas nous soucier des zones humides, ni de l’étendue des terres agricoles, car c’est de cela aussi dont il est question. Météo-France prédit des sécheresses inédites dans les années à venir : nous ne pouvons continuer de penser comme dans les années 1990, tout comme nous ne pouvons accorder un RIIPM aux projets de grandes infrastructures.
M. Jean Terlier (EPR). Ces propos sont ubuesques. En Haute-Garonne, d’où Mme Stambach-Terrenoir est originaire, on se déplace facilement et on dispose du tramway ou du métro. À l’inverse, dans un territoire rural comme le mien, où la voiture est nécessaire, l’enjeu est de désenclaver le bassin d’emploi, qui concerne 80 000 personnes, afin que ces dernières bénéficient d’un équitable accès aux services de santé, aux services publics et à l’activité économique. Nous ne demandons rien de plus. Considérer les projets d’infrastructure de la même manière que les projets industriels redonnerait de l’attractivité aux territoires ruraux, ce qui ne serait que justice.
Nous ne remettons pas en cause la philosophie de la RIIPM : nous estimons simplement que nous ne pouvons pas attendre trente ans avant que les projets aboutissent. Nous avons besoin de procédures administratives cohérentes et d’éviter ce que connaît actuellement le Sud du Tarn, à savoir la remise en cause, par une juridiction administrative du premier degré, d’une déclaration d’utilité publique validée par une décision du Conseil d’État en 2021. Je répète que c’est incohérent et irrespectueux des habitants de cette région et par extension des territoires ruraux, qui ne demandent rien d’autre que l’égalité des chances en matière de développement économique.
La commission adopte l’amendement CS536.
En conséquence, les amendements CS428, CS476 et CS832 tombent.
Amendement CS1161 de M. Nicolas Bonnet
M. Hendrik Davi (EcoS). L’amendement CS1158, qui devait être examiné avant celui-ci, visait à supprimer toute possibilité de décréter un projet de centre de données d’intérêt national majeur. Le CS1161 est un amendement de repli tendant à ce que la potentielle importance pour la souveraineté nationale s’apprécie au regard du caractère public des données hébergées. Si le centre envisagé a vocation à héberger des données d’Apple ou de Google, son intérêt national majeur n’est pas vérifié.
M. Stéphane Travert, rapporteur. Avis défavorable. Si l’hébergement des données publiques constitue un enjeu crucial de souveraineté numérique, ce ne saurait être le seul critère d’appréciation de l’intérêt du projet.
M. Marc Ferracci, ministre. Même avis.
M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). Affirmer que les données ne participent de notre souveraineté que si elles sont publiques ou si elles appartiennent aux administrations, c’est méconnaître le caractère souverain d’une donnée. En effet, des entreprises privées telles que Dassault ou Capgemini disposent de données extrêmement sensibles, relatives, par exemple, à la santé, et ont besoin de les stocker de manière sûre et souveraine en France, sans pour autant être liées à une administration ou à un service public. Cet amendement n’a donc pas de sens.
M. Hendrik Davi (EcoS). L’amendement concerne aussi les entités de droit privé ou de droit public poursuivant une mission de service public ; son champ est donc assez large. J’ajoute que nous avons vraiment besoin d’acquérir une souveraineté numérique et d’éviter d’avoir à nous appuyer sur des entreprises comme Google et Apple car, dans l’hypothèse d’une guerre économique, l’accès à leurs centres de données pourrait nous être coupé. Il convient donc de réfléchir à une mission de service public relative aux données, ce qui n’est pas un gros mot.
M. Éric Bothorel (EPR). Je peine à vous suivre, monsieur Davi. Vous venez de vous opposer à l’installation de centres de données au motif qu’ils prendraient trop de place, mais vous reprenez ici l’argumentaire que j’ai moi-même développé tout à l’heure selon lequel si Google et Apple nous ferment l’accès à centres de données, nous nous retrouverons démunis. Il n’existe pas de données Apple ou de données Google : il y a des données appartenant aux Français qui sont exploitées par ces sociétés, ou encore, pour prendre un autre exemple, par Microsoft dans le cadre du Health Data Hub. Le caractère souverain d’une donnée ne s’apprécie pas selon son mode d’hébergement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1113 de M. Aurélien Lopez-Liguori
M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). Si nous adhérons à l’idée d’étendre le dispositif relatif aux projets d’intérêt national majeur aux centres de données stratégiques, nous craignons que la présente rédaction de l’article 15 exclue certaines infrastructures. Vous ne visez en effet que les centres de données d’envergure, puissants et stratégiques, laissant de côté les infrastructures de taille plus modeste mais dont l’utilité peut toutefois être critique pour notre souveraineté numérique. Le edge computing, par exemple, qui repose sur de petits centres de données décentralisés, est indispensable au traitement des données en temps réel, dont ont besoin les véhicules autonomes, l’internet des objets ou encore certaines applications industrielles stratégiques. Il faut donc être cohérent. La souveraineté numérique ne repose pas que sur des mastodontes du cloud, c’est-à-dire sur d’immenses centres de données, mais sur un écosystème auquel participent de plus petites infrastructures qui, elles aussi, doivent pouvoir être reconnues d’intérêt national majeur.
M. Stéphane Travert, rapporteur. Cet amendement affaiblirait les garanties prévues par le texte. Avis défavorable.
M. Marc Ferracci, ministre. Même avis.
M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). Aux arguments que j’ai énoncés, j’ajoute celui de la souveraineté industrielle. OVHcloud mise à part, les entreprises capables de créer des infrastructures géantes sont à 95 % extraeuropéennes. En excluant les petits centres de données du dispositif, vous empêcherez le développement de nouveaux entrants et même d’entreprises qui ont pignon sur rue mais qui n’ont pas les reins assez solides pour créer des mastodontes de la donnée. C’est problématique.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS440 de Mme Anne Le Hénanff
M. Stéphane Travert, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer la mention des critères d’investissement et de puissance installée dans l’appréciation des projets de centre de données, mais ces critères permettent justement d’objectiver leur caractère stratégique. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS725 de Mme Marie-Noëlle Battistel
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Eu égard au développement de l’intelligence artificielle, cet amendement de précision vise à soutenir des projets de centres de données de taille plus modeste, mais portés par des entreprises françaises ou européennes. En effet, les plus grands centres appartiennent quasi exclusivement à des acteurs extraeuropéens, soumis à l’extraterritorialité du droit américain.
M. Stéphane Travert, rapporteur. Je partage l’objectif légitime de renforcer notre souveraineté numérique et de soutenir l’émergence d’un écosystème national ou européen dans ce domaine stratégique. Cependant, le critère de contribution au développement d’un tel écosystème soulève des questions d’interprétation et de sécurité juridique. Il appartiendra au pouvoir réglementaire d’apprécier au cas par cas les critères pertinents. Je m’en remets à la sagesse de la commission spéciale.
M. Marc Ferracci, ministre. Cet amendement est satisfait, le texte permettant déjà d’octroyer le statut de PINM au titre d’une contribution à la souveraineté nationale. De plus, le gouvernement tient à assurer que les niveaux de puissance indiqués dans l’étude d’impact ou évoqués lors du sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle ne constituent en aucun cas des minima pour obtenir ce statut. Il est selon moi nécessaire de conserver les critères d’investissement et de puissance pour circonscrire le statut, qui permet de déroger à certaines règles et qui doit donc être utilisé de manière proportionnée.
Je demande le retrait de l’amendement, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Je le maintiens et remercie le rapporteur pour son avis. L’amendement est peut-être satisfait, mais préciser que nous favorisons des projets européens me semble important dans le contexte actuel.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CS1114 de M. Aurélien Lopez-Liguori
M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). Pour qu’un centre de données soit considéré comme un projet industriel d’intérêt national majeur, il faut que soit reconnue son importance pour la souveraineté nationale, la transition numérique ou la transition écologique. Nous estimons que ce dernier critère est une erreur. En effet, nous parlons ici d’infrastructures critiques essentielles pour l’intelligence artificielle, le cloud, l’industrie, la recherche ou la cybersécurité, lesquelles garantissent notre puissance de calcul et desquelles dépend par conséquent notre souveraineté. Le rôle premier des centres de données n’est pas de participer à la transition écologique ; aussi ne devraient-ils pas, comme le sous-entend l’article 15, être soumis à des obligations ou à des incitations d’investissement dans l’éolien et plus généralement dans les énergies intermittentes, au détriment des besoins stratégiques. Ce faisant, nous rendrions les centres de données dépendants d’un système énergétique instable et coûteux.
Par surcroît, ces centres sont d’ores et déjà soumis à des normes écologiques, notamment au titre de la loi du 15 novembre 2021 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France (dite « loi Reen »). Nous devons assumer un choix clair selon lequel la souveraineté numérique prime. Si nous voulons que la France reste dans la course, nous devons garantir à ces infrastructures une énergie fiable et compétitive, en donnant la priorité au nucléaire. En somme, nous proposons de supprimer la mention de la transition écologique.
M. Stéphane Travert, rapporteur. Depuis une dizaine d’années, la transition écologique constitue un pilier absolument essentiel et indissociable de notre politique industrielle et numérique. Supprimer cette référence reviendrait à nier, dans tous les projets, l’exigence environnementale, qui est également attendue par les infrastructures stratégiques elles-mêmes, y compris les centres de données. Avis défavorable.
M. Marc Ferracci, ministre. Même avis, étant précisé que les critères d’éligibilité au statut de PINM ne sont pas cumulatifs. L’importance pour la transition écologique n’est donc pas le seul à refléter les priorités de l’intérêt national. De plus, les centres de données intègrent déjà les enjeux de la transition écologique et énergétique, avec des dispositifs de recyclage de la chaleur émise par les serveurs pour le chauffage, par exemple, de bâtiments publics situés à proximité. Cette préoccupation est compatible avec leur activité.
Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Cet amendement est caricatural. Si vous vous intéressiez vraiment à la transition écologique, vous verriez rapidement le lien avec les enjeux de souveraineté et de stratégie auxquels nous sommes confrontés en tant que décideurs publics. Vous déliez le débat économique des questions matérielles relatives à la transition écologique qui le sous-tendent : c’est absurde. Cela n’a aucune rationalité, ni politique, ni scientifique. C’est hors-sol et climatosceptique.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques CS475 de M. Stéphane Travert, CS88 de M. Vincent Rolland, CS351 de M. Éric Michoux, CS483 de Mme Anne-Laure Blin et CS1068 de M. Sébastien Huyghe
M. Stéphane Travert, rapporteur. Ces amendements sont rédactionnels. Ils ne visent qu’à apporter une précision.
M. Sébastien Huyghe (EPR). Ils visent à garantir un cadre clair, transparent et équitable pour la qualification des centres de données en tant que projets d’intérêt national majeur. Ces infrastructures étant essentielles à la transition numérique, à la souveraineté technologique et à la transition écologique, il est indispensable d’assurer un traitement homogène des demandes, en précisant que les critères d’éligibilité, définis par décret en Conseil d’État, devront être techniques, objectifs et non discriminatoires. De cette manière, nous sécuriserons le processus, renforcerons la transparence et éviterons toute appréciation arbitraire.
M. Marc Ferracci, ministre. Ces amendements sont satisfaits, l’alinéa 13 du présent article prévoyant déjà qu’un décret en Conseil d’État définira les critères d’éligibilité au statut de PINM. Celui-ci est accordé au cas par cas, les dossiers étant examinés de manière attentive. D’ailleurs, seuls six projets l’ont obtenu jusqu’à présent. Avis défavorable.
M. Stéphane Travert, rapporteur. Le caractère non discriminatoire des critères d’éligibilité ne figure pas dans le texte, raison pour laquelle nous souhaitons apporter cette précision.
La commission adopte les amendements.
Amendement CS943 de M. Charles Fournier
M. Charles Fournier (EcoS). Loin d’être une perte de temps, un débat public peut être porteur de simplification, en permettant de lever des difficultés et d’éviter d’éventuels recours. Nous proposons donc de confier à la Commission nationale du débat public (CNDP) – dont certains aimeraient limiter la portée – le soin d’organiser un débat visant à définir quelles catégories de centres de données pourraient être d’intérêt national majeur. Chacun pourrait ainsi être éclairé et se positionner, car les choses ne sont pas évidentes. On ne dit pas, entre autres, combien de centres de données pourraient être installés, ni quels critères précis serviront notre ambition écologique.
M. Stéphane Travert, rapporteur. Je suis d’accord : même s’il faut veiller à ne pas rigidifier excessivement les procédures, les enjeux environnementaux et démocratiques liés aux centres de données justifient l’organisation d’un débat approfondi. Je m’en remets à la sagesse de la commission.
M. Marc Ferracci, ministre. Avis défavorable. Cet amendement, qui alourdirait les procédures, va à l’encontre de la philosophie du texte et donc de la logique de simplification.
M. Charles Fournier (EcoS). Je m’inquiète que tout débat soit vu comme un alourdissement des procédures. À vous écouter, il ne faudrait plus débattre et valider par principe la valeur des projets.
Contrairement à vous, j’estime qu’un débat permettrait à chacun de se positionner en répondant aux interrogations et donc d’éviter que le public découvre les projets trop tard. De plus, il s’agirait d’un seul et unique débat sur les centres de données et non de débats projet par projet. Pour de nombreuses personnes, cette question n’a rien d’une évidence. Quand on voit débarquer un projet dont on n’a jamais entendu parler au préalable, cela pose un problème. Je suis en désaccord avec l’idée selon laquelle ce serait une perte de temps.
M. le président Ian Boucard. Je crois que nous prouvons depuis hier 15 heures que débattre n’est pas une perte de temps !
M. Marc Ferracci, ministre. Accordons-nous au moins sur le fait qu’un débat public allongerait les délais.
M. Charles Fournier (EcoS). Je ne propose pas des débats projet par projet.
M. Marc Ferracci, ministre. J’ai bien compris. J’appelle néanmoins votre attention sur le fait que le porteur du projet, qu’il soit ou non reconnu d’intérêt national majeur, peut organiser un débat s’il l’estime nécessaire à son appropriation et à son acceptation sociale. Certaines entreprises se livrent d’ailleurs de manière spontanée à cet exercice. Je répète qu’en faire une obligation pour la qualification des projets de centres de données allongerait les délais, raison pour laquelle je maintiens mon avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS1083 de M. Hendrik Davi
M. Hendrik Davi (EcoS). Cet amendement vise à ce qu’un projet de centre de données ne puisse être qualifié de PINM que s’il n’engendre pas une artificialisation des sols. Nous perdons entre 20 000 et 30 000 hectares par an. Or la souveraineté en matière alimentaire est essentielle : nous le constatons de manière croissante. Nous ne produirons pas davantage de produits agricoles sans disposer des terres suffisantes.
Quant au débat public, je considère également qu’il ne s’agit pas d’une perte de temps. En effet, il vaut souvent mieux nous mettre d’accord sur un projet plutôt que d’être ensuite contraints d’y renoncer alors qu’il a déjà été lancé.
Pour avoir discuté avec Enedis des différents besoins en électricité, ceux des centres de données sont importants. Or, au vu de l’évolution des consommations, il sera nécessaire, à un moment ou à un autre, de couper l’électricité en journée à des particuliers. Et ce n’est pas la relance du nucléaire qui changera la donne, dans la mesure où il n’y aura pas de nouvelle production d’énergie par ce biais avant vingt ans. La question du partage de l’énergie entre les particuliers, les centres de données et les autres postes de consommation mériterait donc un débat démocratique. S’il n’est pas mené sérieusement, un mouvement comme celui des gilets jaunes aura lieu.
M. Stéphane Travert, rapporteur. Si la préservation des sols est un objectif fondamental, une interdiction de principe pour ce motif serait contraire à la logique même du statut de PINM. Une telle rigidité compromettrait la faisabilité de certains projets stratégiques, sans qu’il soit tenu compte de leur localisation, de leur nature, ni des mesures compensatoires habituellement prévues. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CS410 de M. David Taupiac
M. David Taupiac (LIOT). Cet amendement s’inspire du rapport d’information publié il y a un an sur l’adaptation des politiques de l’eau au défi climatique, et plus particulièrement de sa recommandation n° 13, qui engage à tenir compte de l’état de la ressource en eau sur le territoire concerné avant d’autoriser l’installation d’un projet industriel. Dans la mesure où les centres de données ont besoin d’eau pour assurer leur refroidissement, je propose que l’autorité administrative puisse refuser l’octroi d’un permis de construire en cas de tensions structurelles sur la ressource en eau.
M. Stéphane Travert, rapporteur. Cet amendement introduirait une faculté d’appréciation très utile à l’autorité administrative dans les territoires confrontés à un stress hydrique très important ou à une pression durable sur la ressource en eau. Il concilierait développement numérique et responsabilité environnementale ; j’y suis favorable.
M. Marc Ferracci, ministre. Je confirme la nécessité de tenir compte de la consommation d’eau des centres de données. Celle-ci est forte et peut être source de tensions, particulièrement en période de sécheresse. Il me semble toutefois que l’amendement est satisfait, le code de l’urbanisme prévoyant déjà la possibilité de refuser un projet ou de l’assortir de prescriptions particulières « s’il est de nature à porter atteinte à la sécurité ou à la salubrité publique ». J’en demande donc le retrait, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Nous soutiendrons cet amendement. Dans la vallée du Rhône, le réchauffement climatique met en péril les glaciers dans des proportions telles que le débit du fleuve s’en trouve modifié. Or le Rhône est nécessaire au refroidissement de certaines de nos centrales nucléaires. Vous voyez donc combien la ressource en eau, qui est la plus vitale de toutes, doit être sanctuarisée. Il ne faut pas la mettre en péril pour couler du béton et construire des machines qui chauffent beaucoup.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CS1207 de M. Laurent Lhardit
M. Laurent Lhardit (SOC). Cet amendement vise à compléter notre souveraineté en matière de centres de données en excluant du statut de PINM les projets proposés par des sociétés soumises à une législation étrangère comportant une portée extraterritoriale – législation qui contraint ces entreprises à capter des données si leurs autorités nationales en font la demande, dans le but de les utiliser comme outil de guerre économique. Je pense notamment au Cloud Act de 2018, qui permet aux autorités judiciaires américaines d’imposer à leurs entreprises technologiques de transmettre toute donnée stockée sur leurs serveurs, même lorsqu’ils se situent à l’étranger.
Dit autrement, je propose d’exclure du bénéfice du statut de PINM les projets de sociétés extraeuropéennes n’apportant pas de garantie de protection et de souveraineté des données.
M. Stéphane Travert, rapporteur. J’adhère à l’objectif de souveraineté numérique, mais cet amendement présente certaines difficultés majeures, la protection des données relevant du règlement général sur la protection des données (RGPD), donc de la régulation européenne, et non du régime des projets d’intérêt national majeur. Mon avis est donc défavorable.
M. Marc Ferracci, ministre. Même avis.
M. Laurent Lhardit (SOC). Mon amendement s’appuie justement sur les dispositions du RGPD.
M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). Il s’agit d’un excellent amendement. Stocker les données dans un centre situé sur le territoire national ne suffit pas. Des entreprises comme Microsoft ou Google sont soumises au Cloud Act et donc à l’extraterritorialité du droit américain. Et la logique serait la même si nous recourrions à des entreprises chinoises, eu égard à la loi sur le renseignement en vigueur dans ce pays. Si nous voulons faire émerger des géants européens du numérique, nous devons nous protéger contre cette extraterritorialité, sachant que, ce faisant, nous ouvrirons un marché et susciterons des investissements.
La commission adopte l’amendement.
La séance est levée à minuit.
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Membres présents ou excusés
Présents. - M. Henri Alfandari, M. Charles Alloncle, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Béatrice Bellamy, Mme Anne-Laure Blin, M. Philippe Bolo, M. Éric Bothorel, M. Ian Boucard, Mme Danielle Brulebois, Mme Françoise Buffet, Mme Josiane Corneloup, M. Jean‑François Coulomme, M. Hendrik Davi, M. Jocelyn Dessigny, M. Charles Fournier, Mme Océane Godard, M. Antoine Golliot, M. Jordan Guitton, M. Sébastien Huyghe, M. Thomas Lam, M. Robert Le Bourgeois, Mme Claire Lejeune, M. Guillaume Lepers, M. Gérard Leseul, M. Laurent Lhardit, M. Aurélien Lopez-Liguori, Mme Sandra Marsaud, M. Éric Martineau, Mme Manon Meunier, M. Pierre Meurin, Mme Louise Morel, M. Christophe Naegelen, Mme Sandrine Nosbé, M. Matthias Renault, Mme Anne-Sophie Ronceret, M. Xavier Roseren, Mme Sophie-Laurence Roy, M. Emeric Salmon, Mme Anne Stambach-Terrenoir, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, M. Jean-Pierre Taite, M. David Taupiac, M. Thierry Tesson, Mme Mélanie Thomin, M. Stéphane Travert
Assistaient également à la réunion. - M. Frédéric Maillot, M. Jean Terlier