ASSEMBLÉE NATIONALE
30 octobre 2023
(23 heures 44)
MOTION DE CENSURE
présentée par Mme Mathilde PANOT et 77 députés
(déposée en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution)
Le budget de la Sécurité sociale est le plus important budget de dépenses publiques du pays. Nous pourrions attendre que le droit légitime des parlementaires de le discuter et de le voter soit respecté : il n’en sera rien. Usant une nouvelle fois de l’outil autoritaire qu’est l’article 49 alinéa 3, le Gouvernement témoigne de son mépris pour la démocratie parlementaire qu’il fragilise toujours plus. Cela avait déjà été fait depuis septembre sur le projet de loi de programmation des finances publiques, la première partie du projet de loi de finances, puis sur la deuxième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale consacrée aux recettes. La Première ministre y a de nouveau recours sur la troisième partie de ce texte relative aux dépenses.
Ce budget de la Sécurité sociale pour 2024 de renoncement et d’austérité, porté par un Gouvernement minoritaire, a été rejeté par les parlementaires en commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale le 20 octobre dernier, ce qui constituait une première historique. Au-delà du Parlement, c’est l’ensemble des acteurs institutionnels de la protection sociale, des fédérations de soignants, d’associations de patients et de la mutualité qui a fait savoir son opposition au texte.
La deuxième partie de ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale démontre la volonté de ce Gouvernement de ne pas garantir à la Sécurité sociale des ressources suffisantes, provoquant délibérément son asphyxie budgétaire. La troisième partie de ce texte s’inscrit dans la droite ligne de la gestion par la contrainte budgétaire. En fixant des objectifs de dépenses ne permettant pas de répondre aux besoins réels, le Gouvernement provoque la pénurie, met en danger la santé des assurés sociaux, dégrade les conditions de travail des personnels de santé, délaisse les plus jeunes, les plus âgés, les plus dépendants, les plus fragiles.
Une politique raisonnable et responsable voudrait que les dépenses de Sécurité sociale soient établies pour répondre aux besoins. Ce texte de rigueur fait exactement l’inverse. Il opère d’abord une sélection à la baisse des besoins qui pourront être satisfaits. Il organise aussi la dégradation de l’offre de soins. En cela il est fondamentalement déraisonnable et irresponsable.
Le Gouvernement prend une fois encore pour cible les plus démunis. Aux patients, soupçonnés sans fondement d’abus, il demande de renoncer à se soigner notamment en durcissant les conditions d’accès aux arrêts de travail. Mais la suspicion ne vaut pas pour tous. La mesure démagogique de création d’un délit d’incitation à la fraude sociale n’a pas son pendant en matière de fraude patronale, par le travail dissimulé et l’évitement des cotisations, ou de fraude des professionnels de santé qui facturent à l’assurance maladie des actes inexistants.
Les mesures proposées, quand elles ne sont pas tout simplement inadaptées, ne sont pas à la hauteur des attentes qui s’expriment. Les illustrations de ce que l’on peut percevoir soit comme un manque d’ambition ou comme une confiance aveugle dans les marchés ne manquent pas : vente à l’unité comme solution à la pénurie de médicaments, gratuité des protections périodiques mais avec une limite d’âge, mise en place d’une procédure de reprise de production de médicament d’intérêt majeur par un autre acteur privé plutôt que par la puissance publique, révision technique et sur la base du volontariat du mode de financement des Ehpad sans apport de ressources supplémentaires.
L’évolution des dépenses de Sécurité sociale ne permet même pas de compenser l’inflation et fragilisent le système, à l’hôpital comme en ville. En n’assurant pas les dépenses nécessaires, le Gouvernement pousse à un report vers les organismes complémentaires et la couverture privée des risques. C’est l’esprit même de la Sécurité sociale, celui d’une prise en charge collective des risques de la vie par les assurés sociaux cotisant sur le revenu de leur travail, qui est attaqué afin que des acteurs privés en quête de profits investissent ces vides artificiellement créés dans la protection sociale. En somme, ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale renforce les inégalités en santé, pousse au renoncement aux soins, œuvre à la privatisation de la protection sociale, empêche d’investir dans notre système de santé en même temps qu’il produit de la maltraitance.
Face à ce Gouvernement irresponsable, et conformément à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution ainsi qu’aux articles 153 et suivants du règlement de l’Assemblée nationale, nous, députées et députés, déposons la présente motion de censure.
Les signataires :
Mme Mathilde Panot, Mme Nadège Abomangoli, M. Laurent Alexandre, M. Gabriel Amard, Mme Ségolène Amiot, Mme Farida Amrani, M. Rodrigo Arenas, Mme Clémentine Autain, M. Ugo Bernalicis, M. Christophe Bex, M. Carlos Martens Bilongo, M. Manuel Bompard, M. Idir Boumertit, M. Louis Boyard, M. Aymeric Caron, M. Sylvain Carrière, M. Florian Chauche, Mme Sophia Chikirou, M. Hadrien Clouet, M. Éric Coquerel, M. Alexis Corbière, M. Jean-François Coulomme, Mme Catherine Couturier, M. Hendrik Davi, M. Sébastien Delogu, Mme Alma Dufour, Mme Karen Erodi, Mme Martine Etienne, M. Emmanuel Fernandes, Mme Sylvie Ferrer, Mme Caroline Fiat, M. Perceval Gaillard, Mme Raquel Garrido, Mme Clémence Guetté, M. David Guiraud, Mme Mathilde Hignet, Mme Rachel Keke, M. Andy Kerbrat, M. Bastien Lachaud, M. Maxime Laisney, M. Arnaud Le Gall, M. Antoine Léaument, Mme Élise Leboucher, Mme Charlotte Leduc, M. Jérôme Legavre, Mme Sarah Legrain, Mme Murielle Lepvraud, Mme Élisa Martin, Mme Pascale Martin, M. William Martinet, M. Frédéric Mathieu, M. Damien Maudet, Mme Marianne Maximi, Mme Manon Meunier, M. Jean‑Philippe Nilor, Mme Danièle Obono, Mme Nathalie Oziol, M. François Piquemal, M. René Pilato, M. Thomas Portes, M. Loïc Prud’homme, M. Adrien Quatennens, M. Jean‑Hugues Ratenon, M. Sébastien Rome, M. François Ruffin, M. Aurélien Saintoul, M. Michel Sala, Mme Danielle Simonnet, Mme Ersilia Soudais, Mme Anne Stambach‑Terrenoir, Mme Andrée Taurinya, M. Matthias Tavel, Mme Aurélie Trouvé, M. Paul Vannier, M. Léo Walter, M. Jean-Victor Castor, Mme Karine Lebon, M. Jean‑Paul Lecoq.