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N° 1621
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 septembre 2023.
PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE
visant à interdire l’émission d’obligations assimilables
du trésor indexées sur l’inflation
et à provisionner les primes d’émission,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Kévin MAUVIEUX, Jérôme BUISSON, Christophe BARTHÈS, Nicolas MEIZONNET, Jorys BOVET, Aurélien LOPEZ‑LIGUORI, Yaël MENACHE, Victor CATTEAU, Serge MULLER, Yoann GILLET, Christine ENGRAND, Frédéric BOCCALETTI, José GONZALEZ, Angélique RANC, Stéphane RAMBAUD, Alexandre SABATOU, Alexandra MASSON (Alpes‑Maritime), Marie‑France LORHO, José BEAURAIN, Pierrick BERTELOOT, Pascale BORDES, Emmanuel TACHÉ de la PAGERIE, Emeric SALMON, Emmanuel BLAIRY, Antoine VILLEDIEU, Géraldine GRANGIER, Grégoire de FOURNAS, Julien RANCOULE, Michaël TAVERNE, Jocelyn DESSIGNY, Laure LAVALETTE, Sophie BLANC, Kévin PFEFFER, Mathilde PARIS, Sandrine DOGOR‑SUCH, Jordan GUITTON, Matthieu MARCHIO, Laurence ROBERT‑DEHAULT, Marine HAMELET, Philippe LOTTIAUX, Edwige DIAZ, Gisèle LELOUIS, Christian GIRARD, Sébastien CHENU, Katiana LEVAVASSEUR, Roger CHUDEAU, Jean‑Philippe TANGUY, Daniel GRENON, Julie LECHANTEUX, Lisette POLLET, Alexis JOLLY, Frank GILETTI, Stéphanie GALZY, Frédéric CABROLIER, Bénédicte AUZANOT, Nicolas DUPONT‑AIGNAN,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les Obligations Assimilables du Trésor indexées sur l’inflation (OATi) sont un instrument spécifique de dette souveraine, émises par l’Agence France Trésor (AFT). Ces obligations ont été introduites pour répondre à la demande des marchés financiers pour des instruments protégés contre l’inflation et pour diversifier l’émission des obligations d’État. Les premières obligations de ce type ont été émises dans les années 1960 par des États aux économies émergentes face à une inflation importante qui complexifiait leur capacité à emprunter. En 1998, sous le Gouvernement Jospin, la France a suivi cette tendance, devenant l’un des premiers États membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à émettre de tels titres.
Le montant remboursé par ces obligations est indexé sur l’inflation observée entre la date d’émission et la date d’échéance du titre. Toutefois, le taux nominal de ces obligations est généralement inférieur à celui des obligations classiques. En effet, l’émission de ces titres indexés offre à l’État la possibilité de réduire la prime de risque associée à l’inflation, mais cela signifie aussi que l’État supporte lui‑même ce risque.
L’encours total de dette indexée sur l’inflation s’élevait en fin d’exercice 2022 à 262,2 milliards d’euros, soit 11,5 % de l’encours total de la dette de l’État. De cet encours, 69 % est indexé sur l’inflation européenne et 31 % sur l’inflation française. Par conséquent, une variation d’un point à la hausse ou à la baisse du taux d’inflation entraîne une variation de la charge d’indexation de plus ou moins 2,5 milliards d’euros par an. En conséquence, l’inflation galopante qui touche la France et l’Europe a un impact important sur la dette française.
En 2022, le coût budgétaire de l’indexation de ces titres a augmenté de 414 % par rapport à 2021, à cause de la hausse importante de l’inflation. La provision pour indexation est passée de 3 milliards d’euros en 2021 à 15,5 milliards d’euros en 2022. Cette charge restera élevée tant que l’inflation n’aura pas retrouvé un niveau modéré. La Cour des comptes avait déjà signalé, début 2022, que le marché des OATi nécessitait une vigilance particulière en raison des anticipations d’inflation observées à ce moment‑là.
Il est à noter que l’Agence France Trésor (AFT) a déjà montré sa capacité à déroger aux demandes du marché quand elles vont à l’encontre de nos intérêts. Par exemple, l’AFT a décidé de ne pas utiliser de produits dérivés, tels que les « swaps », comme l’a rappelé le rapport de la Cour des comptes sur « La gestion de la dette publique et l’efficience du financement de l’État par l’Agence France Trésor ».
Compte tenu du coût élevé de ces instruments financiers et du fait que le taux de couverture moyen est satisfaisant : 218 % pour les OAT en 2020, soit une demande 2,18 fois supérieure à l’offre, la nécessité de diversifier la dette française avec des OATi peut donc également être remise en question.
Dans le contexte financier actuel, un autre défi significatif est la gestion des primes d’émission.
Les primes et les décotes sont des instruments financiers utilisés quand il y a une divergence entre le taux d’intérêt fixé pour un emprunt, comme les obligations du Trésor, et le taux du marché en cours.
En d’autres termes, lorsque l’intérêt ou le "coupon" que l’État s’engage à rembourser dépasse le taux d’intérêt actuel du marché, cela signifie qu’il y aura des frais d’intérêts plus élevés pour l’État. Pour contrebalancer cela, le prêteur offre une somme additionnelle à l’État au moment de l’emprunt, connue sous le nom de "prime d’émission". En revanche, si le taux d’intérêt est inférieur au taux du marché, l’État subit une "décote à l’émission".
Ainsi, l’État reçoit une somme qui diffère de la valeur nominale de l’obligation. Curieusement, cette différence ne s’inscrit pas dans le déficit, bien qu’elle représente un apport financier supplémentaire pour l’État.
Selon le Compte Général de l’État, le montant total des primes d’émission est de 104 milliards d’euros, comparé à seulement 26 milliards d’euros pour les décotes. Cela indique que la dette apparente est sous‑estimée d’environ 78 milliards d’euros. Il est intéressant de noter que les primes d’émission en France sont considérables, dépassant la moyenne européenne, comme le révèlent les chiffres d’Eurostat.
Pour émettre des obligations à des valeurs différentes du marché, l’AFT, l’Agence France Trésor, utilise des souches anciennes. Cependant, il est essentiel de noter que l’interdiction d’émettre sur ces anciennes souches pourrait ne pas être la meilleure solution. Cette mesure n’affecterait pas les primes d’émission déjà reçues, qui ne seront pas effacées avant plusieurs années, étant donné la maturité moyenne de la dette de 8 ans et 181 jours. De plus, les primes d’émission peuvent être indispensables, en particulier lorsqu’il y a des taux d’intérêt négatifs. Ainsi, il serait plus approprié de faire une provision plutôt que d’interdire les émissions sur les souches anciennes.
Ainsi, l’article 1 de la présente loi vise à interdire l’émission d’OATi.
L’article 2 de la loi propose de provisionner les primes d’émission pour donner une image fidèle de la dette française sans pour autant créer de besoin de financement.
Enfin, l’article 3 fournit le gage de la recevabilité financière de cette provision. Même si elle n’entraîne pas de besoin de financement, la provision nécessitera l’ouverture d’une ligne de crédit dans le cadre d’un Projet de Loi de Finances (PLF) et nécessite donc d’être gagée.
proposition de loi ORGANIQUE
Article 1er
I. – L’article 26 de la loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° L’émission des emprunts et autres dettes de l’État ne peut pas être réalisée sous la forme de titres de créance ou de contrats financiers indexés sur le niveau des prix. »
II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier de la cinquième année suivant la promulgation de la présente loi organique.
Article 2
L’article 26 de la loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La charge budgétaire correspondant au solde des primes et décotes à l’émission des emprunts et autres dettes de l’État est inscrite chaque année en loi de finances au titre Ier des dépenses ordinaires des services civils du budget général. »
Article 3
La charge résultant pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.