N° 2592

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 mai 2024.

PROPOSITION DE LOI

relative au contrôle des armes à feu à poudre noire de catégorie D,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Florence LASSERRE, Mme Eléonore CAROIT,

députées.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les arrestations pour des faits de terrorisme liés à l’ultradroite sont en constante augmentation depuis 2011. L’ultradroite monte en puissance. Ses militants sont de plus en plus visibles et décomplexés, notamment sur les réseaux sociaux. Ils s’enjoignent à s’armer et à maintenir leur arsenal secret, même dans le cas où les armes seraient détenues légalement.

Alors que la France concentre à elle seule la moitié des dossiers terroristes d’extrême droite en Europe selon Europol, il est de notre responsabilité d’agir pour prévenir toute tragédie.

Le contrôle des armes à feu souffre, en France, d’une lacune. Cette lacune a notamment entraîné la mort de Federico Martin Aramburu, l’international de rugby argentin abattu en plein Paris, le 19 mars 2022, à 32 ans.

Les deux hommes ayant fait feu ont utilisé des armes à poudre noire de catégorie D. En France, ces armes sont en vente libre, ne requièrent aucun permis et leur acquisition aucun formalisme.

Ils étaient fichés S, membres d’un mouvement raciste et en attente d’un jugement pour violences volontaires à l’encontre de leur ancien chef au Groupe Union Défense (GUD), organisation violente d’extrême‑droite. Ces deux hommes n’auraient jamais dû pouvoir être armés le soir du drame.

Dans notre société, la détention et le port d’arme ont toujours fait l’objet d’une règlementation en raison des dangers qu’ils représentent pour l’ordre public et la sécurité des personnes. Ces deux hommes ont pourtant pu acheter, contre une somme dérisoire, des armes léthales, en état de fonctionnement.

Nous n’avons, à ce jour, aucun moyen de déterminer le nombre de personnes qui détiennent des armes à feu à poudre noire en France. La majorité des armes à poudre noire sont classées en catégorie D comme « armes historiques et de collection » et ne sont pas recensées par l’État français.

De telles armes représentent un danger potentiel, d’autant plus grand si l’on considère la facilité avec laquelle n’importe qui peut, légalement, en faire l’acquisition sans laisser de trace. C’est une véritable aubaine pour les100 000 personnes dont le nom figure au fichier national des interdits d’acquisition et de détention d’armes (FINIADA), qui peuvent donc, dans les faits, acquérir une arme létale sans que les pouvoirs publics n’en soient informés.

Il ne s’agit pas de remettre en cause l’œuvre des 100 000 collectionneurs d’armes historiques et des 10 000 collectionneurs d’armes de guerre qui concourent, par passion, à la préservation et à la valorisation de ce patrimoine.

Une arme à feu ne devrait cependant jamais être considérée comme insignifiante et inoffensive. La sécurité publique exige la mise en place d’un régime strict pour leur achat, leur détention et leur utilisation. Au nom des garanties indispensables à la sécurité publique, il apparait nécessaire d’encadrer leur détention.

La présente proposition de loi vise à renforcer notre dispositif de contrôle par l’enregistrement des armes à feu à poudre noire de catégorie D dans un fichier des détenteurs d’armes à feu à poudre noire de catégorie D. Cette proposition permettrait de mettre à niveau notre règlementation au regard des évolutions de la délinquance et surtout de la violence identitaire qui monte dans notre pays.

L’article 1er vise à créer un fichier qui permettra de recenser les détenteurs d’armes à feu à poudre noire de catégorie D sur le sol français, et ainsi de combler la faille juridique qui permet aujourd’hui de pouvoir acheter légalement une arme à feu sans aucune restriction ni suivi.

L’article 2 vise à instaurer un délai entre la conclusion d’une transaction concernant une arme à feu à poudre noire de catégorie D et la remise de cette arme à son acquéreur. Ce délai vise à éviter la commission d’une infraction à la suite d’un achat compulsif.

L’article 3 prévoit une disposition transitoire pour permettre aux personnes ayant acheté, trouvé ou hérité d’une ou plusieurs armes à poudre noire de catégorie D avant l’entrée en vigueur de la présente loi, de se mettre en conformité avec la nouvelle législation.

Les dispositions de l’article 4 assurent la recevabilité financière de la proposition de loi.

 


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proposition de loi

Article 1er

La section 4 du chapitre II du titre Ier du livre III du code de la sécurité intérieure est complété par un article L. 312-18 ainsi rédigé :

« Art. 312-18. – Un fichier national automatisé nominatif recense l’ensemble des détenteurs d’armes à feu à poudre noire de catégorie D sur le territoire national.

« Toute personne détenant, ou venant à détenir, une ou plusieurs armes à feu à poudre noire de catégorie D est tenue de s’acquitter des formalités nécessaires afin de figurer dans ce fichier d’enregistrement des détenteurs d’armes à poudre noire.

« Tout manquement à cette obligation est puni de l’amende prévue pour les contraventions de cinquième classe.

« Les modalités d'application du présent article, y compris la nature des informations enregistrées, la durée de leur conservation, ainsi que les autorités et les personnes qui y ont accès, sont déterminées par décret en Conseil d'Etat après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. »

Article 2

La remise effective, à l’acquéreur, d’une arme à feu à poudre noire de catégorie D ne peut intervenir qu’au terme d’un délai qui court à compter de la conclusion de la vente. Ce délai est fixé par décret en Conseil d’État. Par exception, ce délai n’est pas applicable si l’acquéreur est en mesure de présenter un permis de chasse, une licence de tir ou une carte de collectionneur.

Article 3

À titre transitoire, les personnes qui étaient légalement rentrées en possession d’une ou de plusieurs armes à feu à poudre noire de catégorie D avant la promulgation de la présente loi, disposent d’un délai de deux ans à compter de son entrée en vigueur pour s’enregistrer au traitement automatisé prévu à l’article 1er.

Article 4

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.