– 1 –

N° 374

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 octobre 2024.

PROPOSITION DE LOI

visant à faire exécuter les peines d’emprisonnement ferme,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Loïc KERVRAN, M. Xavier ALBERTINI, M. Henri ALFANDARI, Mme Béatrice BELLAMY, M. Sylvain BERRIOS, M. Jean-Michel BRARD, Mme Agnès FIRMIN LE BODO, M. Pierre HENRIET, M. Thomas LAM, Mme Constance LE GRIP, Mme Anne LE HÉNANFF, Mme Delphine LINGEMANN, Mme Lise MAGNIER, M. Nicolas METZDORF, Mme Naïma MOUTCHOU, Mme Charlotte PARMENTIER-LECOCQ, M. Jérémie PATRIER-LEITUS, M. Christophe PLASSARD, M. Xavier ROSEREN, Mme Laetitia SAINT-PAUL, M. Vincent THIÉBAUT, Mme Anne-Cécile VIOLLAND, Mme Laure MILLER, M. Thierry BENOIT, M. Bertrand BOUYX, M. Paul CHRISTOPHE, Mme Nathalie COLIN-OESTERLÉ, Mme Félicie GÉRARD, M. François GERNIGON, M. François JOLIVET, M. Xavier LACOMBE, M. Didier LEMAIRE, M. Jean MOULLIERE, Mme Béatrice PIRON, M. Jean-François PORTARRIEU, Mme Marie-Agnès POUSSIER-WINSBACK, Mme Isabelle RAUCH, M. Frédéric VALLETOUX, les membres du groupe Horizons & Indépendants [(1)],

députés et députées.

 


– 1 –

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis plusieurs années s’est installée en France une idéologie qui voudrait que les courtes peines soient systématiquement de mauvaises peines. Initié sous le ministère de Mme Christiane Taubira, ce mouvement s’est prolongé jusqu’à la loi du 23 mars 2019 qui a introduit des mécanismes visant à aménager quasi systématiquement les peines d’emprisonnement inférieures ou égales à un an, en favorisant des alternatives à l’incarcération, telles que le sursis avec mise à l’épreuve, le placement sous surveillance électronique ou le travail d’intérêt général.

L’aménagement des peines d’emprisonnement ferme a fortement progressé jusqu’à atteindre plus de 40 % des peines aménagées ou converties en 2023. Si cette approche se justifiait par une volonté de désengorger les établissements pénitentiaires et de favoriser la réinsertion, force est de constater que les résultats ne sont pas au rendezvous avec des records de nombre d’incarcérés battus chaque année et un taux de récidive proche de 60 %.

L’absence d’incarcération pour les courtes peines a au contraire des effets délétères. En effet les auteurs de crimes et délits accumulent les faits et ne connaissent la prison que bien trop tard, alors même qu’ils sont déjà enfermés dans un parcours de délinquance. La non‑exécution de courtes peines entretient également un fort sentiment d’impunité à la fois chez les délinquants et chez les victimes qui de bon droit s’émeuvent de l’absence de sanction réelle.

Or l’intérêt des courtes peines d’incarcération est aujourd’hui bien étayé. D’abord théoriquement avec des études qui démontrent à la fois l’absence d’effet bénéfique des peines de probation par rapport aux peines d’emprisonnement et des effets positifs des très courtes peines supérieures à ceux des travaux d’intérêt général. Empiriquement certains États européens comme les Pays‑Bas ont démontré aussi l’intérêt de l’exécution des courtes peines sur la récidive et la lutte contre la surpopulation carcérale. Notons aussi que ces courtes peines ont un caractère bien moins désocialisant que les peines plus longues qui arrivent plus tard dans le parcours délinquant.

Pour la bonne lisibilité de la justice par les citoyens, pour lutter contre la récidive, pour diminuer la surpopulation carcérale, la France doit revoir une position idéologique qui s’est installée et permettre l’exécution bien plus systématique des courtes peines de prison ferme.

Cette proposition de loi vise ainsi à redonner tout le pouvoir aux magistrats de prononcer la peine la plus adaptée au regard des faits commis et de la personnalité du condamné : l’article 1er rétablit ainsi la possibilité pour le juge de prononcer des peines d’emprisonnement inférieure à un mois et abroge la quasiobligation d’aménager les peines de moins d’un an. Cet article prévoit également la possibilité pour le juge d’aménager, ab initio, une peine inférieure ou égale à deux ans d’emprisonnement, par décision spécialement motivée, et si le condamné présente des garanties de réinsertion fortes.

L’article 2 de cette proposition de loi détaille les conditions dans lesquelles le condamné pourrait bénéficier d’un tel aménagement. Ce dernier devra justifier soit de l’exercice d’une activité professionnelle, soit de sa participation essentielle à la vie de sa famille, soit de la nécessité de suivre un traitement médical, soit de l’existence d’efforts sérieux de réadaptation sociale résultant de son implication durable dans tout autre projet caractérisé d’insertion ou de réinsertion de nature à prévenir les risques de récidive.

Enfin, l’article 3 supprime l’article 464‑2 du code de procédure pénale qui imposait au juge de prononcer de tels aménagements de peine.

Ces dispositions ont vocation à rétablir la plus grande individualisation des peines : si le juge estime qu’une peine d’emprisonnement ferme et courte est la plus adaptée au regard de la personnalité du condamné et des faits commis, il doit pouvoir le faire.

 


– 1 –

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article 132‑19 du code pénal est ainsi modifié :

1° La seconde phrase du premier alinéa est supprimée ;

2° Le deuxième alinéa est supprimé ;

3° L’avant‑dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Lorsque la juridiction de jugement prononce une peine égale ou inférieure à deux ans d’emprisonnement, elle peut décider que cette peine fera l’objet d’une des mesures d’aménagement prévues aux sous‑sections 1 et 2 de la section 2 du présent chapitre. » ;

4° Le dernier alinéa est ainsi modifié :

a) Au début, sont ajoutés les mots : « Dans le cas prévu au deuxième alinéa, » ;

b) À la fin, les mots : « 464‑2 du code de procédure pénale », sont remplacés par les mots : « 132‑25 du code pénal ».

Article 2

L’article 132‑25 du code pénal est ainsi rédigé :

« Art. 13225.  Lorsque la juridiction de jugement prononce une peine égale ou inférieure à deux ans d’emprisonnement, elle peut décider que la peine sera exécutée en tout ou partie sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique, de la semi‑liberté ou du placement à l’extérieur lorsque le condamné justifie :

« 1° Soit de l’exercice d’une activité professionnelle, même temporaire, du suivi d’un stage ou de son assiduité à un enseignement, à une formation professionnelle ou à la recherche d’un emploi ;

« 2° Soit de sa participation essentielle à la vie de sa famille ;

« 3° Soit de la nécessité de suivre un traitement médical ;

« 4° Soit de l’existence d’efforts sérieux de réadaptation sociale résultant de son implication durable dans tout autre projet caractérisé d’insertion ou de réinsertion de nature à prévenir les risques de récidive.

« Ces dispositions sont également applicables en cas de prononcé d’un emprisonnement partiellement assorti du sursis ou du sursis probatoire, lorsque la partie ferme de la peine est inférieure ou égale à deux ans. »

Article 3

L’article 464‑2 du code de procédure pénale est abrogé.

 

 


[(1)](1) Ce groupe est composé de : M. Xavier ALBERTINI, M. Henri ALFANDARI, Mme Béatrice BELLAMY, M. Thierry BENOIT, M. Sylvain BERRIOS, M. Bertrand BOUYX, M. Jean-Michel BRARD, M. Paul CHRISTOPHE, Mme Nathalie COLIN-OESTERLÉ, Mme Agnès FIRMIN LE BODO, Mme Félicie GÉRARD, M. François GERNIGON, M. Pierre HENRIET, M. François JOLIVET, M. Loïc KERVRAN, M. Xavier LACOMBE, M. Thomas LAM, Mme Anne LE HÉNANFF, M. Didier LEMAIRE, Mme Lise MAGNIER, M. Jean MOULLIERE, Mme Naïma MOUTCHOU, M. Jérémie PATRIER-LEITUS, Mme Béatrice PIRON, M. Christophe PLASSARD, M. Jean-François PORTARRIEU, Mme Marie-Agnès POUSSIER-WINSBACK, Mme Isabelle RAUCH, M. Xavier ROSEREN, Mme Laetitia SAINT-PAUL, M. Vincent THIÉBAUT, M. Frédéric VALLETOUX, Mme Anne-Cécile VIOLLAND.