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N° 448
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 octobre 2024.
PROPOSITION DE LOI
visant à restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Gabriel ATTAL, M. David AMIEL, M. Pieyre-Alexandre ANGLADE, M. Antoine ARMAND, M. Olivier BECHT, Mme Aurore BERGÉ, M. Hervé BERVILLE, Mme Élisabeth BORNE, M. Éric BOTHOREL, M. Florent BOUDIÉ, Mme Maud BREGEON, M. Anthony BROSSE, Mme Danielle BRULEBOIS, M. Stéphane BUCHOU, Mme Françoise BUFFET, Mme Céline CALVEZ, Mme Eléonore CAROIT, Mme Danièle CARTERON, M. Vincent CAURE, M. Thomas CAZENAVE, M. Jean-René CAZENEUVE, M. Pierre CAZENEUVE, M. Yannick CHENEVARD, M. François CORMIER-BOULIGEON, M. Gérald DARMANIN, Mme Sophie DELORME DURET, Mme Julie DELPECH, M. Benjamin DIRX, Mme Nicole DUBRÉ-CHIRAT, M. Philippe FAIT, M. Jean-Marie FIÉVET, M. Moerani FRÉBAULT, M. Jean-Luc FUGIT, Mme Camille GALLIARD-MINIER, M. Thomas GASSILLOUD, Mme Anne GENETET, Mme Olga GIVERNET, M. Guillaume GOUFFIER VALENTE, Mme Olivia GRÉGOIRE, Mme Emmanuelle HOFFMAN, M. Sébastien HUYGHE, M. Jean-Michel JACQUES, M. Guillaume KASBARIAN, Mme Brigitte KLINKERT, M. Daniel LABARONNE, Mme Amélia LAKRAFI, M. Jean LAUSSUCQ, M. Michel LAUZZANA, Mme Sandrine LE FEUR, M. Didier LE GAC, Mme Constance LE GRIP, Mme Annaïg LE MEUR, Mme Christine LE NABOUR, Mme Nicole LE PEIH, Mme Marie LEBEC, M. Vincent LEDOUX, M. Mathieu LEFÈVRE, M. Roland LESCURE, Mme Pauline LEVASSEUR, Mme Brigitte LISO, M. Sylvain MAILLARD, M. Bastien MARCHIVE, M. Christophe MARION, Mme Sandra MARSAUD, M. Denis MASSÉGLIA, M. Stéphane MAZARS, Mme Graziella MELCHIOR, M. Ludovic MENDES, M. Nicolas METZDORF, M. Paul MIDY, Mme Laure MILLER, Mme Joséphine MISSOFFE, M. Christophe MONGARDIEN, M. Karl OLIVE, Mme Sophie PANONACLE, Mme Natalia POUZYREFF, M. Remi PROVENDIER, M. Franck RIESTER, Mme Véronique RIOTTON, Mme Stéphanie RIST, M. Charles RODWELL, Mme Anne-Sophie RONCERET, Mme Marie-Ange ROUSSELOT, M. Jean-François ROUSSET, M. Mikaele SEO, M. Freddy SERTIN, M. Charles SITZENSTUHL, M. Bertrand SORRE, Mme Violette SPILLEBOUT, Mme Liliana TANGUY, M. Jean TERLIER, Mme Prisca THEVENOT, Mme Annie VIDAL, Mme Corinne VIGNON, M. Stéphane VOJETTA, M. Éric WOERTH, Mme Caroline YADAN,
députés et députées.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Notre pays est continuellement traversé par des débats, des opinions contraires. Il reste cependant rassemblé derrière des valeurs. Ces valeurs tiennent en des mots simples : le civisme, la règle commune, les droits et les devoirs, le respect de l’autorité. Témoignage d’une autorité et la règle commune sont trop souvent défiées par certains jeunes.
Les violences de juillet 2024 ont profondément marqué notre pays. Parmi les émeutiers, des jeunes, parfois, très jeunes qui semblaient avoir déjà coupé les ponts avec notre société et ses valeurs de respect.
Cela nous rappelle à ce sentiment qu’une partie de nos adolescents glisse, lentement, vers une forme d’isolement, d’individualisme, et parfois même vers le pire : vers une forme de violence déchaînée, décomplexée, sans règle. Certes, et fort heureusement, ce n’est qu’une partie de nos adolescents.
Mais c’est bien cette part, cette minorité de jeunes et d’adolescents que les Français ont le sentiment de trop voir, de voir rimer avec perte de repères, contestation des règles les plus élémentaires et, parfois même, déchaînement de violence.
Et les Français ne comprennent pas que l’on ne donne pas à la justice les moyens d’agir contre cette minorité.
Aussi, il nous faut adapter la réponse de notre justice pour provoquer un sursaut d’autorité et une prise de conscience.
C’est tout l’objet de la présente proposition de loi.
Si nous devons disposer de sanctions adaptées pour les mineurs de moins de 16 ans, nous devons également responsabiliser davantage les parents de jeunes délinquants, qui se sont totalement soustraits à leur responsabilité parentale.
Cette proposition de loi contient d’abord plusieurs mesures pour responsabiliser davantage les parents. Ils sont le terreau au sein duquel grandissent nos enfants et nos adolescents. Oui, il y a des parents sincèrement débordés. Et on doit les aider. Mais tous les acteurs de terrain vous le diront, au premier rang desquels les maires de nos communes qui y sont confrontés : il y a aussi des parents qui n’assument pas leurs responsabilités, qui laissent prospérer la spirale de la violence.
Or, le cadre familial doit être un cadre, un vrai, et nous devons y veiller.
Cette proposition de loi prévoit ensuite une réponse adaptée et graduée aux actes de cette partie de la jeunesse à la dérive.
Elle s’inscrit dans le respect des principes constitutionnels de la justice des mineurs : la primauté de l’éducatif sur le répressif, l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge et la spécialisation de la justice des mineurs.
Elle ne remet pas non plus en cause l’architecture du code de justice pénale des mineurs qui a été réformé en 2021 et dont l’évaluation est globalement positive.
Cette proposition de loi propose seulement des adaptations nécessaires et des outils supplémentaires aux professionnels.
L’article 1er redéfinit l’incrimination du délit de soustraction d’un parent à ses obligations légales envers un mineur prévu par l’article 227‑17 du code pénal. Il prévoit également la création d’une nouvelle circonstance aggravante liée à la commission d’une infraction par le mineur, ainsi que la possibilité de prononcer une peine de travail d’intérêt général à titre de peine complémentaire pour cette infraction.
Cette modification vise à responsabiliser davantage les parents mais également à les éclairer quant à l’importance de leur rôle d’éducation et d’accompagnement de leur enfant. Outre cette volonté de clarification, l’objectif est pluriel. Il s’agit aussi de sanctionner le parent lorsque sa propre défaillance, carence ou négligence vis‑à‑vis de l’enfant l’a mis en danger, et plus encore lorsque cette soustraction a conduit le mineur à adopter un comportement délinquant. Cette nouvelle incrimination et cette circonstance aggravante supplémentaire tendent ainsi à apporter à l’autorité judiciaire les outils et les moyens nécessaires pour lutter efficacement contre la défaillance des parents, en leur permettant de recourir de manière plus éclairée et efficace à cette incrimination.
L’article 2 instaure la possibilité pour le juge des enfants statuant en assistance éducative de prononcer une amende civile à l’égard des parents qui ne défèrent pas aux convocations aux audiences et auditions d’assistance éducative.
Une mesure d’assistance éducative peut être imposée par le juge des enfants mais, pour être efficace, utile et menée dans l’intérêt de l’enfant qu’elle concerne, il est préférable que les parents y adhèrent. Il apparaît donc essentiel de donner aux magistrats des moyens suffisants pour remplir efficacement leur mission et inciter les parents à s’investir dans la procédure d’assistance éducative afin de pouvoir travailler efficacement avec eux. Le premier objectif de cette mesure est d’inciter les parents à honorer leur convocation devant le juge des enfants, le second vise à sanctionner les parents défaillants.
L’article 3 étend la responsabilité solidaire de plein droit des parents pour les dommages causés par leurs enfants sur lesquels ils exercent l’autorité parentale.
Cette mesure, qui s’inscrit dans un contexte alarmant de commission par des mineurs d’actes de dégradations et de violences dans l’espace public, a tout d’abord pour objectif de responsabiliser leurs parents. De plus, les deux parents seront tenus solidairement, ce qui contribuera à renforcer les droits de la victime qui pourra agir contre l’un ou l’autre des parents pour obtenir réparation de son entier préjudice.
Si depuis le 28 juin dernier, la Cour de cassation juge désormais que lorsque les parents exercent conjointement l’autorité parentale, la condition de cohabitation doit être considérée comme remplie même lorsqu’ils sont séparés et que l’enfant ne réside plus que chez l’un d’entre eux, il est souhaitable d’énoncer cette règle dans la loi.
L’article 4 crée une procédure de comparution immédiate pour les mineurs.
L’objectif est d’offrir aux magistrats une procédure rapide quand la gravité des faits et la personnalité du mineur le justifient.
L’article 5 revoit les modalités d’atténuation de la peine pour les mineurs. Le dispositif proposé se veut équilibré. Entre 13 et 16 ans, il n’y a pas de dérogation possible au principe de l’atténuation de la peine. À compter de 16 ans, une dérogation au principe de l’atténuation de la peine est possible mais elle doit être motivée par la juridiction sauf si les faits ont été commis en état de récidive légale et, pour les infractions les plus graves et en cas de double récidive, la règle est inversée : c’est le maintien du principe de l’atténuation de la peine qui doit dans ce cas, être motivé par la juridiction.
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proposition de loi
Article 1er
Le code pénal est ainsi modifié :
1° L’article 227‑17 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;
– les mots : « au point de » sont remplacés par les mots : « » , lorsqu’il est, par son caractère répété ou sa gravité, de nature à » ;
b) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque cette soustraction a directement conduit à la commission, par le mineur, de plusieurs crimes ou délits ayant donné lieu à une condamnation définitive, elle est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. » ;
c) Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – Les personnes coupables de l’infraction prévue au présent article encourent également la peine complémentaire de travail d’intérêt général. » ;
2° Le I de l’article 322‑15 est complété par un 8° ainsi rédigé :
« 8° La peine de travail d’intérêt général. »
Article 2
I. – L’article 375‑1 du code civil est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les parents sont tenus de déférer aux convocations aux audiences et aux auditions du juge des enfants.
« Le juge des enfants peut condamner à l’amende civile prévue par le code de procédure civile ceux qui n’y ont pas déféré, sans motif légitime. »
II. – Les conditions d’applications du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. Il entre en vigueur à une date fixée par ce décret et au plus tard le premier jour du sixième mois suivant la publication de la présente loi.
Article 3
Le quatrième alinéa de l’article 1242 du code civil ainsi rédigé :
« Les parents, en tant qu’ils exercent l’autorité parentale, sont, de plein droit, solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs. »
Article 4
Le code de la justice pénale des mineurs est ainsi modifié :
1° L’article L. 423‑4 est complété deux alinéas ainsi rédigés :
« Si le mineur est âgé d’au moins seize ans, qu’il encourt une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à sept ans d’emprisonnement, ou, en cas de délit flagrant, supérieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement et que les faits ont été commis en état de récidive légale, le procureur de la République peut le traduire sur‑le‑champ devant le tribunal s’il dispose du rapport ou du recueil de renseignements socio‑éducatifs prévus au 2°. Le mineur est retenu jusqu’à sa comparution qui doit avoir lieu le jour même ; il est conduit sous escorte devant le tribunal.
« Si la réunion du tribunal pour enfants est impossible le jour même et si les éléments de l’espèce lui paraissent exiger une mesure de détention provisoire, le procureur de la République peut traduire le mineur devant le juge des libertés et de la détention, afin qu’il soit statué sur ses réquisitions tendant au placement en détention provisoire du mineur jusqu’à l’audience. L’audience de jugement doit avoir lieu dans les quatre jours ouvrables, à défaut de quoi le mineur est remis en liberté d’office. » ;
2° La section 3 du chapitre Ier du titre II du livre V est complétée par un article L. 521‑28 ainsi rédigé :
« Art. L. 521‑28. – Lorsque le tribunal pour enfants est saisi aux fins de jugement selon la procédure de comparution immédiate pour mineurs, le président avertit le mineur qu’il ne peut être jugé le jour même qu’avec son accord recueilli en présence de son avocat.
« Si le mineur consent à être jugé séance tenante, mention en est faite dans les notes d’audience.
« Si le mineur ne consent pas à être jugé séance tenante ou si l’affaire ne paraît pas en état d’être jugée, le tribunal pour enfants, après avoir recueilli les observations des parties et de leur avocat, renvoie à une audience qui doit avoir lieu dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours, ni supérieur à un mois. Dans ce cas, le tribunal peut placer le mineur sous contrôle judiciaire ou en détention provisoire. La décision est exécutoire par provision.
Article 5
L’article L. 121‑7 du code de la justice pénale des mineurs est ainsi modifié :
1° Le premier est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « à titre exceptionnel et » sont supprimés ;
b) La seconde phrase est ainsi complétée : « , sauf lorsque les faits sont commis en état de récidive légale » ;
2° Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’atténuation de la peine prévue au premier alinéa ne s’applique pas aux mineurs de plus de seize ans lorsqu’un crime d’atteinte volontaire à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique de la personne, un délit de violences volontaires, un délit d’agression sexuelle, un délit commis avec la circonstance aggravante de violences a été commis une nouvelle fois en état de récidive légale. Toutefois, le tribunal pour enfants et la cour d’assises des mineurs peuvent en décider autrement, par une décision spécialement motivée. »