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N° 722
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 décembre 2024.
PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
visant à instaurer la possibilité d’un référendum constitutionnel d’initiative citoyenne,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Jean-François COULOMME, Mme Mathilde PANOT, Mme Nadège ABOMANGOLI, M. Laurent ALEXANDRE, M. Gabriel AMARD, Mme Ségolène AMIOT, Mme Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, M. Raphaël ARNAULT, Mme Anaïs BELOUASSA-CHERIFI, M. Ugo BERNALICIS, M. Christophe BEX, M. Carlos Martens BILONGO, M. Manuel BOMPARD, M. Idir BOUMERTIT, M. Louis BOYARD, M. Pierre-Yves CADALEN, M. Aymeric CARON, M. Sylvain CARRIÈRE, Mme Gabrielle CATHALA, M. Bérenger CERNON, Mme Sophia CHIKIROU, M. Hadrien CLOUET, M. Éric COQUEREL, M. Sébastien DELOGU, M. Aly DIOUARA, Mme Alma DUFOUR, Mme Karen ERODI, Mme Mathilde FELD, M. Emmanuel FERNANDES, Mme Sylvie FERRER, M. Perceval GAILLARD, Mme Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mme Zahia HAMDANE, Mme Mathilde HIGNET, M. Andy KERBRAT, M. Bastien LACHAUD, M. Abdelkader LAHMAR, M. Maxime LAISNEY, M. Arnaud LE GALL, M. Antoine LÉAUMENT, Mme Élise LEBOUCHER, M. Aurélien LE COQ, M. Jérôme LEGAVRE, Mme Sarah LEGRAIN, Mme Claire LEJEUNE, Mme Murielle LEPVRAUD, Mme Élisa MARTIN, M. Damien MAUDET, Mme Marianne MAXIMI, Mme Marie MESMEUR, Mme Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mme Sandrine NOSBÉ, Mme Danièle OBONO, Mme Nathalie OZIOL, M. René PILATO, M. François PIQUEMAL, M. Thomas PORTES, M. Loïc PRUD’HOMME, M. Jean-Hugues RATENON, M. Arnaud SAINT-MARTIN, M. Aurélien SAINTOUL, Mme Ersilia SOUDAIS, Mme Anne STAMBACH-TERRENOIR, M. Aurélien TACHÉ, Mme Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, M. Paul VANNIER,
députés et députées.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La souveraineté du peuple, un principe constitutionnel
« La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. ». L’article 3 de la Constitution fonde la souveraineté démocratique sur la souveraineté du peuple.
Ainsi, dans la continuité de ces principes fondamentaux pour un État démocratique, l’article 89 de la Constitution conditionne les modifications constitutionnelles au référendum « La révision est définitive après avoir été approuvée par référendum » tout en prévoyant une exception puisque « le projet de révision n’est pas présenté au référendum lorsque le Président de la République décide de le soumettre au Parlement convoqué en Congrès ».
Au regard de sa rédaction actuelle, l’article 89 de la Constitution permettant le droit de révision ne laisse que peu de place à l’exercice de la souveraineté populaire, puisqu’il n’en autorise l’initiative qu’à deux corps : celui de l’exécutif et celui des parlementaires – ne permettant ainsi aucune initiative populaire.
Pourtant, dans un souci de respect de la souveraineté démocratique, les citoyen•nes devraient toujours disposer du droit de modifier et changer leur Constitution, comme le prévoyait d’ailleurs la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1793.
Ainsi, en tant que représentant•es élu•es par les citoyen•nes, il est de notre devoir de rendre effectif le droit de révision de la Constitution – légitime et fondamental – sans le cantonner aux représentant•es, mais en permettant qu’il soit exercé directement par celui que le texte constitutionnel vise : le peuple souverain.
Un contexte de négation des contestations et de l’expression populaire
Parce qu’après des années de contestations répétées, arrivées à leur apogée aujourd’hui et bâillonnées par le déploiement excessif de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, il est urgent d’entendre les revendications des citoyen•nes. Ces revendications sont claires : avoir davantage d’outils démocratiques concernant les principes qui régissent les fondements de notre vivre‑ensemble.
L’issue du référendum de 2005 a produit une sidération et une méfiance durable auprès de nos concitoyen•nes. D’une part, parce que le résultat du vote n’a pas été pris en compte. D’autre part, car depuis ce dernier referendum, les citoyens n’ont plus eu la possibilité de s’exprimer en dehors des élections.
Cela fait plus de quinze ans qu’il n’y a pas eu de vote par référendum, ce qui constitue un record dans la Ve République. À cet égard, la France apparaît comme particulièrement en retard sur ses voisins – irlandais ou danois notamment –, qui se rendent bien plus fréquemment aux urnes pour décider d’enjeux majeurs pour la démocratie. Il s’agit d’ailleurs d’une volonté exprimée par les citoyen•nes : près de trois‑quarts des français.es jugent que le référendum d’initiative citoyenne devrait pouvoir s’appliquer à des sujets touchant aux droits fondamentaux (74 %) et aux lois déjà validées par le Parlement (73 %) selon un sondage de l’Institut français d'opinion publique (Ifop).
La nécessité d’une interprétation plus démocratique de la Constitution
Notre Constitution énonce clairement que toute révision constitutionnelle « est définitive après avoir été approuvée par référendum », l’approbation référendaire est donc le principe de toute révision constitutionnelle.
Toutefois, comme de nombreux principes, il dispose d’une exception qui en limite l’effectivité. En effet, le référendum peut être contourné lorsque le Président de la République décide de soumettre le projet de révision constitutionnelle au Parlement convoqué en Congrès ; dans ce cas, le projet de révision est approuvé s’il réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés (alinéa 3 de l’article 89 de la Constitution).
Pourtant, cette exception a été utilisée plus que de raison, jusqu’à s’ériger en principe. Sur les 22 révisions constitutionnelles adoptées sur le fondement de cet article depuis 1958, 21 l’ont été par le biais de cette procédure dérogatoire. Ainsi, il est urgent d’améliorer la Constitution pour que le Président de la République ne puisse déroger au principe du référendum et que la voix des citoyen•nes soit toujours entendue.
La nécessité de rendre au référendum son effectivité
Le référendum doit être remis au cœur de nos institutions, et ce, par le biais de deux processus permis par cette proposition de loi.
D’une part en abrogeant la possibilité d’approuver les modifications constitutionnelles par voie parlementaire plutôt que par voie référendaire, donnant ainsi à l’ensemble de l’électorat le dernier mot sur notre texte fondamental. 74 pays exigent cette condition pour réviser leur Constitution, et il ne fait aucun doute aujourd’hui qu’ils parviennent bien mieux que les autres à limiter les conflits sociaux et la méfiance envers les institutions. L’enjeu est de renouer avec une souveraineté populaire fondamentale pour une démocratie.
D’autre part en élargissant le droit d’initiative des révisions constitutionnelles à l’ensemble de l’électorat, qui est une revendication très populaire en France et déjà en vigueur dans une cinquantaine d’États. Une telle initiative sera conditionnée au recueil des signatures de 2 % des personnes inscrites sur les listes électorales. Il convient de préciser qu’à ce jour, un•e seul•e député•e peut initier une proposition de révision constitutionnelle alors qu’il ne représente que 80 000 électeur•rices inscrit•es environ. Quant au seuil des 2 % prévu dans cette proposition de loi, il représente environ un million de personnes.
Il est urgent d’actualiser l’exercice du pouvoir politique en France. Le droit d’initiative citoyenne étant revendiqué de façon visible et répétée ces dernières années, nous devons prendre exemple sur les expériences aux retours très positifs d’autres pays comme la Suisse et plusieurs États américains.
Le renforcement de l’esprit démocratique de notre Constitution
Cette initiative à la portée des citoyen•nes leur permettra d’exercer un contrôle légitime plus fort sur le système politique qui régit leur quotidien et leur vie, et ainsi restaurer la confiance avec leurs représentant•es.
Une réticence injustifiée face à l’initiative citoyenne en matière constitutionnelle
Il convient de remarquer que le droit à l’initiative citoyenne en matière constitutionnelle donne lieu à des craintes et fantasmes, auxquels il convient d’y opposer des faits, ce droit d’initiative n’ayant conduit à aucune remise en cause de droits fondamentaux acquis par le passé dans les différents pays l’exerçant.
À titre d’exemple, aucun électorat dans les pays de l’Union européenne au XXe et XXIe siècles ne s’est prononcé en faveur de la peine de mort lors d’un référendum, le dernier en ce sens remonte à 1879 en Suisse.
Il est fondamental de rappeler que les citoyen•nes sont les premier•es concerné•es par des changements de droits, si bien que les pays qui disposent du droit à l’initiative citoyenne sont souvent ceux qui protègent le mieux les droits individuels selon le Human Freedom Index : l’Uruguay en Amérique latine, l’Oregon en Amérique du Nord, la Suisse en Europe, ainsi que de nombreuses îles de l’Océanie qui sont démocratiques et respectueuses des droits humains.
Dans tous ces pays, la plupart des révisions constitutionnelles ont été portées par les représentant•es mais parfois les initiatives citoyennes sont parvenues à introduire des changements très opportuns. Lorsque les décisions peuvent être critiquables, elles permettent, à minima, de réduire les tensions politiques et de préserver la cohésion sociale.
Par ses vertus pédagogiques et démocratiques, ce dispositif élargit le cadre des droits civiques dont les citoyens doivent pouvoir disposer dans une démocratie moderne.
L’article unique supprime la possibilité de faire adopter une révision constitutionnelle par le Parlement réuni en Congrès au détriment d’un référendum et créé une procédure de révision constitutionnelle d’initiative citoyenne.
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PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
Article unique
L’article 89 de la Constitution est ainsi modifié :
1° À la fin du premier alinéa, les mots : « et aux membres du Parlement. » sont remplacés par les mots : « , aux membres du Parlement et à toute personne inscrite sur les listes électorales » ;
2° Le troisième alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Toutefois, la proposition de révision n’est pas présentée aux assemblées lorsqu’une personne inscrite sur les listes électorales en est à l’initiative et qu’elle est soutenue par deux‑centièmes des électeurs inscrits sur les listes électorales. »
« Le Président de la République soumet la proposition de révision au référendum dans un délai compris entre trois mois et un an à compter du recueil des signatures nécessaires. La révision est définitive après avoir été approuvée par référendum. »
« Les conditions d’application des précédents alinéas sont fixées par une loi organique. »