N° 841 rectifié

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 janvier 2025.

PROPOSITION DE LOI

portant création du cadre d’emploi des personnels de santé des services d’incendie et de secours,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Jean-Carles GRELIER,

député.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Durant les trente dernières années le nombre de sapeurs‑pompiers volontaires et professionnels n’a cessé d’augmenter en France, ils sont aujourd’hui 239 600 dont 41 800 sapeurs‑pompiers professionnels.

Leur activité est faite de secours et de soins aux personnes, de lutte contre les incendies, de secours routiers et d’opérations diverses.

Les services départementaux d’incendie et de secours (SIS) disposent de médecins mais aussi d’infirmiers, de pharmaciens, de vétérinaires et de psychologues, sapeurs‑pompiers professionnels ou volontaires. Ils y exercent leur art au bénéfice des victimes secourues, tout autant qu’à celui des personnels et agents des SDIS. En effet, la caractéristique de cette médecine est qu’elle associe en compétence et en aptitude : la médecine d’aptitude et de prévention, la médecine d’urgence pré hospitalière et la médecine générale. Elle fait appel à des connaissances de santé publique qui en font une exception au sein du système de santé.

Or, paradoxe de ce système, plus le nombre des sapeurs‑pompiers croît, plus il semble difficile de recruter des médecins, infirmiers, pharmaciens, psychologues et docteurs‑vétérinaires pour assurer les suivis et l’accompagnement des pompiers au sein des services d’Incendie et de secours (SIS).

Autre paradoxe et non le moindre, le nombre de médecins présents dans les services d’incendie et de secours (SIS) n’a cessé de diminuer alors même que l’âge moyen des sapeurs‑pompiers, lui, n’a cessé d’augmenter.

Les sous‑directions de santé des SIS sont, aujourd’hui, composés à 96 % par des pompiers volontaires avec 3 724 médecins, 7 843 infirmiers, 564 pharmaciens, 306 vétérinaires, 347 psychologues et 86 cadres de santé.

Autre vérité qu’il convient de rappeler, les missions des sapeurs‑pompiers ont énormément évolué sur les 15 dernières années et les risques qui s’y attachent également.

Ainsi, même si l’activité s’est plus recentrée sur les secours et soins aux personnes au détriment de l’incendie et du secours routier, il semble important de noter que d’autres risques, ayant un impact direct sur l’état de santé des sapeurs‑pompiers, se sont accentués, nécessitant un suivi renforcé de la part des services médicaux des sapeurs‑pompiers.

C’est le cas notamment des troubles musculosquelettiques, principale cause des arrêts maladie chez les sapeurs‑pompiers, qui sont notamment provoqués par les activités de brancardage ou de transport des victimes. En même temps, les préoccupations et obligations de prévention en santé se sont développées, notamment celles liées à la toxicité des fumées d’incendie.

Les risques psycho‑sociaux ont également fortement augmenté, en corrélation avec l’augmentation du nombre des agressions dont sont victimes les sapeurs‑pompiers (+ 380 % en 15 ans) et l’augmentation en volume de l’activité, qui mobilise les sapeurs‑pompiers de plus en plus fréquemment.

Cependant, il existe aujourd’hui une anomalie dans le fonctionnement des services de santé des SIS car : ils sont en charge de la médecine d’aptitude et de prévention, du soutien sanitaire opérationnel au profit des sapeurs‑pompiers en plus de leurs missions dans le cadre de l’aide médicale urgente au profit des victimes secourues. Or, à ce jour les médecins de sapeurs‑pompiers exercent cumulativement toutes ces fonctions sans y avoir été expressément autorisés par les textes en vigueur.

En effet, un médecin ne peut être, tout à la fois, médecin de prévention, médecin d’aptitude ou médecin de soins. De plus, la certification des professionnels de santé, qui vise à l’amélioration de la qualité des soins, ne prend pas en compte les modes d’exercice particuliers tel celui des médecins de sapeurs‑pompiers qui n’est pas identifié comme une spécialité médicale.

La plupart des SIS évoluent donc dans un cadre légal qui n’est ni clair ni transparent puisqu’ils ne disposent pas de médecins du travail susceptible d’assurer les visites de prévention de sapeurs‑pompiers professionnels. Et, pour autant, les SIS sont très attachés à leur fonctionnement actuel de suivi médical de leurs personnels, qu’ils jugent adapté et performant.

Le suivi médical des sapeurs‑pompiers est ainsi assuré par les médecins et infirmiers de sapeurs‑pompiers, au sein des services de santé et de secours médicaux des SIS. Un certain nombre d’examens y sont réalisés par les infirmiers et les médecins dans le cadre des dispositions de l’arrêté du ministre de l’Intérieur du 6 mai 2000, fixant les conditions d’aptitude médicale des sapeurs‑pompiers professionnels et volontaires et les conditions d’exercice de la médecine professionnelle et préventive au sein des SIS. À l’issue de ces examens, un avis d’aptitude est rendu lors de la visite médicale dite périodique.

Les sapeurs‑pompiers, professionnels et volontaires, peuvent également être reçus en consultation d’urgence par le médecin de sapeurs‑pompiers.

Par analogie, il apparaît que l’exercice duquel se rapproche le plus celui des médecins de sapeurs‑pompiers professionnels est celui des médecins des forces du service de santé des Armées, qui disposent du statut particulier des praticiens des Armées autorisant la polyvalence de leur exercice.

Dans un contexte de rareté de la ressource et afin de permettre aux services de santé des SIS de conserver leur mode de fonctionnement qui s’est grandement structuré depuis la mise en œuvre de la départementalisation des SIS, il apparaît nécessaire de créer un cadre d’emploi particulier pour les personnels des services de santé des SIS, pour qu’ils puissent réaliser l’ensemble de leurs missions moyennant une formation adaptée et un travail en réseau.

Les différentes études indiquent que l’attractivité tient, pour une bonne part, au travail en équipe associé à une rémunération proche de celle des autres professionnels de santé. Plus de 60 % des médecins de sapeurs‑pompiers professionnels jugent que le montant de leur rémunération est clairement devenu un frein au recrutement.

La présente proposition de loi vise à créer un cadre d’emploi pour les personnels de santé des SIS, qu’ils soient médecins, infirmiers, pharmaciens, psychologues ou docteurs‑vétérinaires. Elle vise à permettre le maintien d’une médecine de qualité au sein des SIS, en soutien aux sapeurs‑pompiers, de rendre plus attractif l’exercice de cette médecine par une activité diversifiée et polyvalente et d’en sécuriser la pratique

Ces champs nouveaux de compétences pour les personnels des services de santé des SIS devront s’accompagner, dans le respect des règles de révision du statut de la fonction publique territoriale, d’une revalorisation de leur rémunération. L’égalité de traitement avec les personnels de santé des armées semblant une base pertinente.

 


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proposition de loi

Article 1er

Par référence au statut des praticiens militaires, les médecins de sapeurs‑pompiers exercent leurs compétences dans les domaines suivants :

1° Ils assurent la conception, la direction, la mise en œuvre, l’évaluation et l’inspection des activités relevant du domaine de la santé ;

2° Ils assurent les actes médicaux de diagnostic, de traitement aigu, de soins d’urgence et de réanimation préhospitalière. La médecine des sapeurs‑pompiers comprend la surveillance médicale spécifique au statut de sapeurs‑pompiers et la médecine de prévention. Ils prescrivent les mesures d’hygiène et de prévention et participent à leur exécution et à leur contrôle. Ils assurent l’expertise, l’enseignement et la recherche dans le domaine de la santé. Ils participent aux tâches de gestion qu’impliquent leurs fonctions ;

3° Ils sont autorisés à dispenser des soins aux personnes ne relevant pas directement des services d’incendie et de secours. Ils concourent à l’aide médicale d’urgence.

Ces compétences peuvent faire, en tout ou partie, l’objet d’une délégation de tâches aux infirmiers de sapeurs‑pompiers. 

Article 2

Les pharmaciens de sapeurs‑pompiers assurent la conception, la direction, la mise en œuvre, l’évaluation et l’inspection des activités relatives à l’exercice de la pharmacie des services d’incendie et de secours. Ils interviennent en matière d’hygiène, de biologie et pour les risques nucléaires, bactériologiques et chimiques. 

L’infirmier de sapeurs‑pompiers est, aux côtés du médecin, un acteur de la médecine d’urgence et de la réanimation préhospitalière, dans le respect de ses règles professionnels et ordinales. Il peut se voir confier des tâches liées à l’hygiène et à l’aptitude physique des sapeurs‑pompiers professionnels et volontaires dans les conditions fixées à l’article 2.

Le psychologue de sapeurs‑pompiers est un acteur de la médecine d’urgence mais aussi de la médecine de prévention. Il réalise des bilans et examens psychologiques et peut mettre en œuvre des protocoles thérapeutiques, dans le respect de ses règles professionnelles. 

Le docteur‑vétérinaire de sapeurs‑pompiers exerce dans le cadre de la médecine vétérinaire d’urgence. À ce titre, il diagnostique, soigne et délivre les médicaments nécessaires pour mettre un terme à la situation d’urgence, dans le respect de ses règles professionnelles et ordinales. Il peut également intervenir en matière d’hygiène, d’épizootie ou en prévention de risques sanitaires d’origine animale.

Un décret précise les conditions de recrutement et d’exercice des personnels de santé des services d’incendie et de secours, professionnels ou volontaires.

Article 3

L’article L. 1424‑1 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Après le troisième alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« La sous‑direction santé intègre les médecins, infirmiers, pharmaciens, psychologues et docteurs‑vétérinaires de sapeurs‑pompiers dont les missions polyvalentes sont définies par décret.

« Les médecins, infirmiers, pharmaciens, psychologues et docteurs‑vétérinaires de sapeurs‑pompiers constituent le cadre d’emploi unique des personnels de santé des services d’incendie et de secours.

« Dans l’exercice de leurs fonctions, ils veillent au respect du secret médical et des règles professionnelles et déontologiques qui leur sont propres. » ;

2° Au début du quatrième alinéa, le mot : « Il » est remplacé par le mot : « Le service départemental d’incendie et de secours ».

Article 4 

Un projet de décret modifiant le décret n° 2016‑1236 du 20 septembre 2016, portant statut particulier du cadre d’emplois des médecins et des pharmaciens de sapeurs‑pompiers professionnels, peut être soumis à la Conférence nationale des services de sécurité d’incendie et de secours.

Article 5 

Après le 5° de l’article L. 4161‑1 du code de la santé publique, il est inséré un 6° ainsi rédigé :

« 6° Les personnels des services de santé des services d’incendie et de secours qui relèvent d’un ordre professionnel ne sont pas assujettis à une obligation d’inscription à leur ordre pour l’exercice de leurs missions de sapeurs‑pompiers. Ils disposent toutefois du droit de s’y inscrire à titre personnel et individuel et dans leur spécialité d’origine. »

« Ils sont enregistrés par le ministre chargé de la sécurité civile dans les conditions prévues à l’article L. 4113‑1. »

Article 6 

Les personnels du service de santé des armées en fin d’engagement bénéficient, sur demande, d’une intégration directe dans le cadre d’emploi des personnels de santé des services d’incendie et de secours. Ils sont maintenus dans leur droit à pension.

Un décret fixe les conditions d’intégration, en matière de grade et d’échelon, dans les différents emplois du service de santé des services d’incendie et de secours.

Article 7 

Les dispositions de la présente loi sont applicables, dès leur publication et de plein droit, aux personnels de santé civils de la brigade des sapeurs‑pompiers de Paris ainsi qu’aux médecins civils exerçant auprès du bataillon des marins‑pompiers de Marseille. 

Article 8 

La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.