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N° 902
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 février 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à supprimer les zones à faibles émissions – mobilités,
(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Pierre MEURIN, Mme Tiffany JONCOUR, M. Matthias RENAULT, M. Emmanuel BLAIRY, M. Franck ALLISIO, M. Charles ALLONCLE, M. Maxime AMBLARD, Mme Bénédicte AUZANOT, M. Philippe BALLARD, Mme Anchya BAMANA, M. Christophe BARTHÈS, M. Romain BAUBRY, M. José BEAURAIN, M. Christophe BENTZ, M. Théo BERNHARDT, M. Guillaume BIGOT, M. Bruno BILDE, Mme Sophie BLANC, M. Frédéric BOCCALETTI, Mme Pascale BORDES, M. Anthony BOULOGNE, Mme Manon BOUQUIN, M. Jorys BOVET, M. Jérôme BUISSON, M. Eddy CASTERMAN, M. Marc CHAVENT, M. Sébastien CHENU, M. Roger CHUDEAU, M. Bruno CLAVET, Mme Caroline COLOMBIER, Mme Nathalie DA CONCEICAO CARVALHO, Mme Sandra DELANNOY, M. Jocelyn DESSIGNY, Mme Edwige DIAZ, Mme Sandrine DOGOR-SUCH, M. Nicolas DRAGON, M. Alexandre DUFOSSET, M. Gaëtan DUSSAUSAYE, M. Aurélien DUTREMBLE, M. Auguste EVRARD, M. Frédéric FALCON, M. Marc DE FLEURIAN, M. Guillaume FLORQUIN, M. Emmanuel FOUQUART, M. Thierry FRAPPÉ, M. Julien GABARRON, Mme Stéphanie GALZY, M. Jonathan GERY, M. Frank GILETTI, M. Yoann GILLET, M. Christian GIRARD, M. Antoine GOLLIOT, M. José GONZALEZ, Mme Géraldine GRANGIER, Mme Monique GRISETI, M. Julien GUIBERT, M. Michel GUINIOT, M. Jordan GUITTON, Mme Marine HAMELET, M. Timothée HOUSSIN, M. Sébastien HUMBERT, M. Laurent JACOBELLI, M. Pascal JENFT, M. Alexis JOLLY, Mme Sylvie JOSSERAND, Mme Florence JOUBERT, Mme Hélène LAPORTE, Mme Laure LAVALETTE, Mme Marine LE PEN, M. Robert LE BOURGEOIS, Mme Julie LECHANTEUX, Mme Nadine LECHON, Mme Gisèle LELOUIS, M. Hervé DE LÉPINAU, Mme Katiana LEVAVASSEUR, M. Julien LIMONGI, M. René LIORET, Mme Christine LOIR, M. Aurélien LOPEZ-LIGUORI, Mme Marie-France LORHO, M. Philippe LOTTIAUX, M. Alexandre LOUBET, M. David MAGNIER, Mme Claire MARAIS-BEUIL, M. Matthieu MARCHIO, M. Pascal MARKOWSKY, M. Patrice MARTIN, Mme Michèle MARTINEZ, Mme Alexandra MASSON, M. Bryan MASSON, M. Kévin MAUVIEUX, M. Nicolas MEIZONNET, Mme Joëlle MÉLIN, Mme Yaël MÉNACHÉ, M. Thomas MÉNAGÉ, M. Maxime MICHELET, M. Éric MICHOUX, M. Thibaut MONNIER, M. Serge MULLER, M. Julien ODOUL, Mme Caroline PARMENTIER, M. Thierry PEREZ, M. Kévin PFEFFER, Mme Lisette POLLET, M. Stéphane RAMBAUD, Mme Angélique RANC, M. Julien RANCOULE, Mme Catherine RIMBERT, M. Joseph RIVIÈRE, Mme Laurence ROBERT-DEHAULT, Mme Béatrice ROULLAUD, Mme Sophie-Laurence ROY, Mme Anaïs SABATINI, M. Alexandre SABATOU, M. Emeric SALMON, M. Philippe SCHRECK, Mme Anne SICARD, M. Emmanuel TACHÉ DE LA PAGERIE, M. Jean-Philippe TANGUY, M. Michaël TAVERNE, M. Thierry TESSON, M. Lionel TIVOLI, M. Romain TONUSSI, M. Antoine VILLEDIEU, M. Frédéric-Pierre VOS, M. Frédéric WEBER, Mme Florence GOULET,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
86 % des particuliers Français s’opposent aux Zones à faibles émissions‑mobilités (ZFE‑m) ([1]). Les rapports parlementaires et gouvernementaux pour accompagner leur mise en place s’ajoutent les uns aux autres ([2]) mais aucune solution n’en permet une véritable acceptabilité. Il convient donc d’étudier cet objet et de proposer une solution politique à travers cette proposition de loi.
Les ZFE ont été instaurées, dans leur application au 1er janvier 2025, par deux lois :
– la loi d’orientation des mobilités, en date du 24 décembre 2019, pour les douze plus grandes agglomérations, applicables au 1er janvier 2023 ;
– la loi climat et résilience, en date du 22 août 2021, pour les trente autres agglomérations de plus de 150 000 habitants qui ont instauré leur ZFE au 1er janvier 2025.
Il convient de noter que ces deux lois s’apparentent à une surtransposition de la directive 2008/50/CE, actualisée récemment par la directive 2024/2881. Ces directives imposent aux États membres des seuils maximums d’émissions de pollution atmosphérique dans les villes, notamment les particules fines, les dioxyde et monoxyde d’azote.
L’obligation de résultat imposée par ces directives ne contraint pas les moyens à mettre en œuvre. Il serait donc inexact d’avancer que les ZFE sont imposées par le droit de l’Union Européenne.
En effet, Il existe pourtant bien d’autres moyens pour tendre vers des objectifs raisonnables d’amélioration de la qualité de l’air :
- réduire la congestion du trafic, et fluidifier la circulation. Une étude de l’Observatoire Francilien de la Qualité de l’air montre que 41 % de la pollution aux particules fines en Île‑de‑France est liée non pas à la combustion de carburant (diesel) mais à l’usure des pneus et de la route ([3]).
– développer, à moyen terme et long terme, une politique de transports en commun fondée sur la multimodalité et l’intermodalité, afin de proposer des alternatives commodes et acceptables aux automobilistes. Il faut rappeler qu’en quarante ans, les gouvernements successifs ont accompagné la fermeture de milliers de kilomètres de desserte fine dans les territoires ruraux.
– accompagner, et inciter légèrement le renouvellement naturel du parc automobile, en proposant par exemple des aides ponctuelles pour l’achat d’un véhicule d’occasion plus récent aux Français les plus modestes. Cela coûtera beaucoup moins cher au contribuable que des primes démesurées (et pourtant parfaitement insuffisantes) pour l’achat d’un véhicule électrique.
– développer de telles aides également aux professionnels, dans une approche incitative et d’accompagnement.
– développer des offres de parkings relais gratuits ou bon marché aux abords des grandes villes.
– développer la technique du décalaminage, qui consiste à éliminer la calamine ou suie qui encrasse les moteurs, ce qui permet de réduire considérablement les émissions de pollution générées par les moteurs
– accélérer le renouvellement des rames les plus anciennes de métros urbains, lesquelles produisent une quantité faramineuse de particules fines en raison du freinage. En effet, alors que 72 % des Français sont conduits à utiliser ce mode de transport régulièrement, le niveau de pollution aux particules fines dans certaines stations du métro parisien dépasse « les 480 µg/m3, soit le seuil maximal recommandé par l’Agence nationale de sécurité sanitaire à partir d’une heure d’exposition » ([4]). L’Organisation mondiale de la santé recommandant un taux maximum de 140 µg/m3 pour l’exposition à l’air libre.
Il convient par ailleurs de noter cinq reproches majeurs aux ZFE.
En premier lieu, la qualité de l’air s’améliore dans les villes, ce depuis dix ans, soit cinq ans avant la mise en place des ZFE. L’amélioration de la qualité de l’air est donc entre autre le fait de l’amélioration technique des automobiles ; elle est donc décorrélée de la mise en place des ZFE, et le lien causal doit par suite être rejeté.
La concentration annuelle moyenne en dioxyde d’azote (NO2) dans l’air a baissé de plus de 40 % entre 2012 et2022 selon AirParif. De même, Airparif constate une baisse de plus de 30 % des concentrations annuelles moyennes en PM10 et en PM2,5 sur les sites urbains de fond entre 2012 et 2022 ([5]).
En deuxième lieu, la classification des véhicules autorisés ou interdits en ville est fondée sur de mauvais critères. Les véhicules sont classés, selon leur ancienneté et leur motorisation, en sept classes : les véhicules non classés sont les plus anciens, puis apparaissent les vignettes crit’air 5,4,3,2,1 et électrique. Or, l’ancienneté d’une voiture ne dit rien de ses émissions réelles de pollution.
Deux exemples. En avril 2022, l’ADEME a publié une note d’expertise concluant que 60 % des émissions de particules fines ne proviennent pas de l’échappement mais de l’usure des pneus liée au freinage. Dans ce cas, un véhicule léger, aux pneus moins sollicités (comme une Peugeot 306 ou une clio) émet moins de particules fines qu’une voiture électrique type SUV, dont la lourdeur liée à sa taille et à la batterie conduit à une sursollicitation de pneus beaucoup plus gros et dont le freinage émet plus de particules fines. Par ailleurs, il est admis qu’une petite clio bien entretenue crit’air 4 émet moins de polluants toxiques qu’un SUV Range Rover crit’air 1 tout neuf.
La classification crit’air mérite donc d’être modifiée, dès lors qu’elle fonde des zones d’exclusion graves sur l’ancienneté des véhicules et non sur leurs émissions réelles.
En troisième lieu, les ZFE, et sans qu’il soit ici nécessaire de faire une liste exhaustive tant leur mise en œuvre varie d’une agglomération à une autre. Ceci permet d’ailleurs à l’État, pourtant à l’initiative des ZFE, de faire porter la responsabilité du dispositif aux élus locaux, lesquels sont ensuite pris à partie par leurs administrés. Car de très nombreux élus locaux, opposés aux ZFE, se voient toutefois contraints de les créer. Il existe donc une France des ZFE à 7 vitesses, puisque quand la Métropole de Lyon interdit tous les véhicules jusqu’aux crit’air 3 (soit deux millions de véhicules), d’autres métropoles continuent d’accepter les véhicules crit’air 5 mais seront de toute façon contraintes de durcir le dispositif en 2026.
Car en 2026 adviendront les verbalisations réelles à hauteur de 68 euros, grâce à des radars automatiques de plaques d’immatriculation. Ces radars automatiques, non contents de flasher les automobilistes, vont évidemment coûter de l’argent au contribuable.
Les dérogations ne sont pas dignes de l’intérêt général. Qui accepte de n’accéder en ville que 24 jours par an s’il a besoin de s’y rendre chaque jour pour travailler ?
En quatrième lieu, les aides proposées par l’État sont insuffisantes pour la conversion d’un véhicule en véhicule électrique. En effet, le reste à charge est estimé à plus de 10 000 euros ([6]), somme impossible à débourser pour les Français les plus modestes. Dès lors que dans un horizon de moins de deux ans, 13 millions de véhicules seront concernés, le rythme de renouvellement exigé est impossible à tenir.
Enfin en dernier lieu, les ZFE souffrent d’un défaut de contrôle de constitutionnalité a priori. Or, la liberté de circulation est une liberté constitutionnelle fondée sur les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 5 août 2021.
De tels défauts, énumérés ci‑dessus, ne sont pas effaçables par des mesures correctives. Ils entachent le dispositif tout entier, lequel doit être supprimé. Le Rassemblement National est l’unique parti, en l’état, à conserver sa cohérence depuis plusieurs années, tandis que la gauche et les autres mouvements sont comptables de la mise en œuvre des ZFE.
Pour résumer, une ZFE est un périmètre géographique, urbain et périurbain, instauré dans les métropoles de plus de 150 000 habitants, au sein duquel certains Français – essentiellement les plus modestes – n’ont plus le droit de pénétrer à peine de recevoir une amende forfaitaire de 68 euros pour les véhicules légers, ou de 135 euros pour les poids lourds. Ces Français seront désormais des contrevenants de classe 3 juste pour avoir exercé leur liberté de circulation ; leur liberté d’aller et venir dans les villes de leur propre Pays.
Ces Français, repoussés depuis trente ans dans les territoires ruraux en raison du prix de l’immobilier en ville, ont vécu la désertification de leurs lieux de vie. Les grandes métropoles ont concentré les services publics, les emplois, les professionnels de santé, les commerces, les grandes écoles, tandis que les territoires ruraux sont en train de tout perdre, en raison d’une politique d’aménagement du territoire désastreuse. Ces Français ne sont plus que des laissés pour compte avec ces ZFE qui organisent une ségrégation sociale et un séparatisme territorial.
Ainsi, l’article 1er vise à abroger les ZFE.
L’article 2 supprime les contrôles relatifs aux ZFE‑m puisque les ZFE‑m auront été abrogées. En effet, à partir du 1er janvier 2025, les Français risquent quand même une amende de 68 euros pour une voiture personnelle et de 135 euros pour un véhicule utilitaire.
L’article 3 vise à abroger les dispositions qui obligent les maires, dans le cadre des ZFE, à transférer les compétences et prérogatives qu’ils détiennent au profit des Présidents d’EPCI.
L’article 4 vise à retirer toutes les mentions des zones à faibles émissions mobilités du code des transports puisqu’elles sont abrogées.
L’article 5 opère les mêmes suppressions dans le code de l’environnement.
L’article 6 sollicite un rapport au Gouvernement pour réfléchir à une réforme du système Crit’Air. La signalétique actuelle étant réalisée en fonction de la date d’immatriculation du véhicule et non en fonction des émissions de gaz polluants effectivement rejetées.
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proposition de loi
Article 1er
L’article L. 2213‑4‑1 du code général des collectivités territoriales est abrogé.
Article 2
L’article L. 2213‑4‑2 du code général des collectivités territoriales est abrogé.
Article 3
Le titre Ier du livre II de la cinquième partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
a) Le C du I de l’article L. 5211‑9‑2 est abrogé ;
b) La deuxième phrase du III de l’article L. 5219‑5 est supprimée.
Article 4
La première partie du code des transports est ainsi modifiée :
a) L’article L. 1115‑8‑1 est abrogé ;
b) Au III de l’article L. 1214‑8‑3, les mots : « , particulièrement dans les zones à faibles émissions mobilité, » sont supprimés ;
c) Le quatrième alinéa de l’article L. 1215‑6 est ainsi modifié :
– à la fin de la première phrase, les mots : « des zones à faibles émissions mobilité mentionnées à l’article L. 2213‑4‑1 du code général des collectivités territoriales » sont remplacés par les mots : « du fret ferroviaire » ;
– la seconde phrase est supprimée.
Article 5
Le titre II du livre II du code de l’environnement est ainsi modifié :
a) Le dernier alinéa de l’article L. 228‑3 est supprimé ;
b) Le deuxième alinéa du 3° du II de l’article L. 229‑26 est supprimé.
Article 6
Le Gouvernement remet au Parlement, dans les six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport visant à réformer les vignettes Crit’air pour que cette signalétique soit l’expression non pas de la date d’immatriculation du véhicule mais des émissions effectivement rejetées par le véhicule.
([1]) Sondage établi dans le cadre de la mission d’information relatif aux zones à faibles émissions mobilités (ZFE-m), de M. Philippe Tabarot, enregistré à la présidence du sénat le 14 juin 2023.
([2]) Citons notamment : la mission flash sur les mesures d’accompagnement de la création de zones à faibles émissions mobilités des députés MM. Gérard Leseul et Bruno Millienne d’octobre 2022 ; la mission d’information sénatoriale précédemment citée sur l’acceptabilité et la mise en œuvre des zones à faibles émissions-mobilités (ZFE-m) de juin 2023, un rapport gouvernemental confié à Mme. Barbara Pompili sur l’acceptabilité des ZFE – les enseignements à tirer de l’expérience des pays européens de novembre 2023.
([4]) https://www.liberation.fr/environnement/pollution/pollution-dans-le-metro-et-le-rer-a-paris-un-niveau-de-concentration-en-particules-fines-eleve-dans-13-stations-sur-les-lignes-2-5-et-9-20241015_N372I7OKGJB5LPDKLL5HEVAACI/
([6]) Cf. Le rapport sénatorial sur les ZFE-m précédemment cité et la mission « flash » d’octobre 2022 sur les mesures d’accompagnement de la création zones à faibles émissions mobilité écrites par MM. les députés Gérard Leseul et Bruno Milienne.