N° 1300

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 avril 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à interdire les pièges de régulation non-sélectifs,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Aymeric CARON,

député.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les animaux non‑humains sont des êtres doués de sensibilité. À ce titre, leur intégrité physique et psychologique doit être protégée. Pourtant, il existe encore en France de nombreuses pratiques qui créent de la souffrance animale inutile. Les pièges à chasse sont à ce titre particulièrement problématiques.

En effet, la majorité des pièges sont conçus d’une telle manière qu’ils tuent, mutilent, blessent ou étranglent les animaux, et ce de manière non sélective. Cela peut donc être non seulement des animaux sauvages qui ne devaient pas être « régulés » ou « détruits », et parmi eux des espèces protégées, ou bien même des animaux de compagnie qui passent par là. Cette non‑sélectivité est d’ailleurs en contradiction avec l’article R427‑13 du code rural et de la pêche maritime, lequel indique que les pièges doivent être « sélectifs par leur principe ou leurs conditions d’emploi ».

Sur le terrain, les associations constatent de nombreux manquements : absence de vérification quotidienne des pièges, surtout dans des zones d’accès difficile – les animaux pouvant donc agoniser des jours durant – ; mauvaise installation de pièges homologués qui ont pour conséquence de mettre en danger la vie d’autres animaux ; pose de pièges interdits, comme les pièges à mâchoire ou à palette, à l’origine de souffrances intolérables pour les animaux ; pas de contrôle de l’agrément piégeur à l’achat des pièges… Les nombreux pièges installés sur le territoire français aboutissent à tuer des milliers d’animaux, sauvages comme domestiques, « nuisibles » comme protégés.

En effet, les pièges de catégorie 2, 3, et 4 ne sont pas sélectifs par leur fonctionnement. Les pièges de catégorie 2, déclenchés par pression sur une palette ou par enlèvement d’un appât, ou tout autre système de détente, et ayant pour but de tuer l’animal sur le coup, ne peuvent être sélectifs dès lors que l’espèce visée partage le même régime alimentaire que d’autres espèces. Les appâts carnés sont donc susceptibles d’attirer tous les carnivores, protégés ou non, et bien sûr domestiques. Les espèces protégées telles que les écureuils, les loutres, les genettes, sont régulièrement victimes de ce type de pièges à appâts. Indépendamment des appâts, les similitudes morphologiques impliquent également des prises accidentelles inévitables. De nombreuses espèces non « nuisibles », voire protégées, sont donc piégées de la même manière : genettes, chats forestiers, hérissons ou encore castors d’Europe.

Les collets munis d’arrêtoirs (censés empêcher la strangulation) de catégorie 3, initialement prévus pour capturer les renards, emprisonnent régulièrement des blaireaux. L’animal se débat, se blesse souvent gravement en se débattant, meurt étranglé. Des témoignages attestent également de la pose de collets sans arrêtoir, pièges pourtant interdits, qui blessent ou tuent de nombreux animaux domestiques. Cette technique est aujourd’hui proscrite dans plusieurs pays européens car elle est non sélective, peut blesser n’importe quelle partie du corps et provoque la lente agonie de l’animal.

Les pièges à lacets, de catégorie 4, sont déclenchés par pression sur une palette ou tout autre système de détente, et capturant l’animal par une partie de son corps. Tout animal peut se faire prendre dans ce type de piège. Il est dangereux car les animaux attrapés par un membre se débattent durant de longues heures, parfois rognant leurs propres membres afin de se libérer. Ce piège peut être tuant s’il n’est pas relevé à temps.

En ce qui concerne les pièges de catégorie 1, les pièges‑cages, ceux‑ci varient dans leur sélectivité en fonction des modèles. Les pièges cages peuvent prendre différentes formes. Parmi elles, les « boîtes tombantes », destinées aux mustélidés, renards et corvidés, sont dangereuses pour les animaux : en tombant, le chassis peut écraser une partie de l’animal qui n’est pas encore totalement entré dans la cage et le blesser ou le tuer. Celui‑ci peut agoniser durant de longues heures. Dans ces cages, de faible hauteur, l’animal est très limité dans ses mouvements, ce qui représente une détresse émotionnelle non négligeable, et peut rapidement paniquer et se blesser en cherchant à sortir. Ce piège peut être fatal s’il n’est pas relevé à temps.

Certains pièges non‑sélectifs sont déjà interdits dans certains pays ou régions d’Europe. La chasse au collet classique (sans arrêtoir) est interdite en Wallonie, en Suisse, en Irlande et aux Pays‑Bas. Il est urgent que la France interdise, afin de se conformer à son propre droit, mais également pour des raisons éthiques, toutes les techniques de piégeage non‑sélectives provoquant la mort ou la mutilation accidentelle des animaux capturés pour n’admettre, sous condition de leur sélectivité, que des pièges‑cages.

L’article unique de la présente proposition de loi interdit donc les pièges dont les conséquences physiques sur les animaux sont cruelles, soit parce qu’ils aboutissent à les blesser ou à les amputer, soit parce qu’ils aboutissent à les tuer de manière extrêmement lente. Cette interdiction concerne les pièges prévus par l’article 2 de l’arrêté du 29 janvier 2007 fixant les dispositions relatives au piégeage des animaux classés nuisibles, soit : les pièges déclenchés par pression sur une palette ou par enlèvement d’un appât, ou tout autre système de détente, et ayant pour objet de tuer l’animal (catégorie 2) ; les collets munis d’un arrêtoir (catégorie 3) ; les pièges à lacet déclenchés par pression sur une palette, ou tout autre système de détente, et ayant pour objet de capturer l’animal par une partie de son corps, sans le tuer (catégorie 4). L’article unique interdit également les pièges‑cages, de la catégorie 1, dont la sélectivité n’est pas avérée. Il prévoit également une sanction pénale pour la violation de ces dispositions, en reprenant les peines prévues à l’article 521‑1 du Code pénal.

 


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proposition de loi

Article unique

L’article L. 427‑8‑1 du code de l’environnement est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Seuls les pièges dont la sélectivité est avérée et garantie par leur conception ou leurs conditions d’emploi, et ayant pour objet de capturer l’animal par contention dans un espace clos sans le maintenir directement par une partie de son corps, sont autorisés pour la destruction des espèces visées à l’article L. 427‑8. Tout autre instrument de piégeage est interdit. En particulier, les pièges ayant pour effet de tuer l’animal ou de porter atteinte à son intégrité physique sont prohibés.

« L’utilisation de pièges interdits est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. »