Projet de loi spéciale prévue par l’article 45 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances

 

Assemblée nationale

Constitution du 4 octobre 1958

Dix‑septième législature

 

 

 

Enregistré à la présidence

de l’Assemblée nationale

le 11 décembre 2024

N° 711


 

 

 

 

Projet de loi spéciale prévue par l’article 45 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances

 

 

présenté au nom de Monsieur Michel BARNIER

Premier ministre

 

par

 

M. Antoine ARMAND

 

Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie

 

et par

 

M. Laurent SAINT‑MARTIN

 

Ministre auprès du Premier ministre,

chargé du budget et des comptes publics

 

 

Sommaire

Exposé général des motifs

Nécessité d’une loi spéciale jusqu’au vote de la loi de finances de l’année

Contenu de la loi spéciale

Articles du projet de loi avec exposé des motifs

ARTICLE 1 : Autorisation de percevoir les impôts existants

ARTICLE 2 : Autorisation de l’État à recourir à l’emprunt

ARTICLE 3 : Régimes et organismes de sécurité sociale habilités à recourir à des ressources non permanentes

 

 


 



 

 

Exposé général des motifs

 

 


Projet de loi spéciale prévue par l’article 45 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances

1

 

 Nécessité d’une loi spéciale jusqu’au vote de la loi de finances de l’année

 

Le 4 décembre 2024, l’Assemblée nationale a adopté une motion de censure, en application de l’article 49, alinéa 3 de la Constitution à la suite de l’engagement de la responsabilité du Gouvernement sur les conclusions de la commission mixte paritaire du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.

Conformément à l’article 50 de la Constitution, le Premier ministre a remis au Président de la République la démission du Gouvernement le 5 décembre.

De fait, le projet de loi de finances pour 2025 ne peut être examiné et adopté de façon définitive par le Parlement dans des délais compatibles avec la promulgation de la loi avant le début du prochain exercice.

La Constitution du 4 octobre 1958 et la loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) ne prévoient pas explicitement la procédure à suivre dans l’hypothèse où un Gouvernement serait censuré dans un calendrier ne lui permettant pas de mener à son terme l’examen au Parlement du projet de loi de finances d’une année donnée avant le début de celle‑ci.

Toutefois, la jurisprudence du Conseil constitutionnel (décision n° 79‑111 DC du 30 décembre 1979, Loi autorisant le Gouvernement à continuer à percevoir en 1980 les impôts et taxes existants) prise à l’occasion de l’examen de la loi autorisant le Gouvernement à continuer à percevoir en 1980 les impôts et taxes existants permet de considérer qu’il est possible d’adopter une loi spéciale lorsqu’il apparaît comme certain non seulement qu’une loi de finances ne pourra pas être adoptée avant le début d’année prochaine, mais également que le Gouvernement ne sera pas en mesure de demander à l’Assemblée nationale, avant le 11 décembre de l’année qui précède le début de l’exercice, d’émettre un vote séparé sur l’ensemble de la première partie de la loi de finances de l’année.

En effet, le Conseil constitutionnel a considéré « qu’il appartient, de toute évidence, au Parlement et au Gouvernement, dans la sphère de leurs compétences respectives, de prendre toutes les mesures d’ordre financier nécessaires pour assurer la continuité de la vie nationale ; qu’ils doivent pour ce faire, s’inspirer des règles prévues, en cas de dépôt tardif du projet de loi de finances, par la Constitution et par l’ordonnance portant loi organique, en ce qui concerne tant les ressources que la répartition des crédits et des autorisations relatifs aux services votés » (considérant 2).

Ainsi, les articles 47 alinéa 4 de la Constitution et 45 de la LOLF prévoient que le Gouvernement doit déposer avant le 19 décembre de l’année qui précède le début de l’exercice, devant l’Assemblée nationale, un projet de loi spéciale l’autorisant à continuer à percevoir les impôts existants jusqu’au vote de la loi de finances de l’année. Ce projet est discuté selon la procédure accélérée. Le 5° de l’article 1 de la LOLF confère à cette loi spéciale le caractère de loi de finances.

Sur le fondement de ces dispositions et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le Gouvernement présente à la représentation nationale le présent projet de loi spéciale visant à assurer la continuité de la vie nationale et le fonctionnement régulier des services publics en 2025, dans l’attente de l’adoption de la loi de finances de l’année.

 

Contenu de la loi spéciale

 

Dans sa décision précitée de 1979, le Conseil constitutionnel a considéré que la loi n° 79‑1159 du 30 décembre 1979 autorisant le Gouvernement à continuer à percevoir en 1980, jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi de finances pour 1980, les impôts, produits et revenus existants affectés à l’État, aux collectivités territoriales, aux établissements publics et organismes divers habilités à les percevoir n’était pas contraire à la Constitution : « considérant que, bien qu’elle ne soit pas au nombre des lois mentionnées à l’article 2 de l’ordonnance du 2 janvier 1959, cette loi, tout comme les lois prévues à l’article 44, 1 ° et 2 °, de cette ordonnance, doit être considéré comme une loi de finances, au sens de l’article 47 de la Constitution ; qu’en effet, les dispositions qu’elle comporte sont de celles qui figurent normalement dans une loi de finances ; qu’ainsi, elle constitue un élément détaché, préalable et temporaire de la loi de finances pour 1980 » (considérant 4).

 

Eu égard à ces éléments, le présent projet de loi spéciale contient trois articles, soit les dispositions indispensables au fonctionnement régulier de l’État, des collectivités territoriales et des organismes de sécurité sociale, nécessaires à la continuité de la vie nationale et au fonctionnement des services publics jusqu’à l’adoption d’une loi de finances initiale pour 2025.

 

L’article premier du projet de loi spéciale vise à autoriser à percevoir les impôts existants. Cette disposition est fondamentale et indispensable pour garantir le financement de l’État et des autres personnes morales affectataires des impositions de toutes natures, notamment les collectivités territoriales et les organismes publics qui leurs sont rattachés. Elle emporte également la reconduction des prélèvements sur les recettes mentionnés à l’article 6 de la LOLF, soit les prélèvements sur les recettes au profit des collectivités territoriales (PSR‑CT) et de l’Union européenne (PSR‑UE). L’autorisation est donnée pour une durée temporaire jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi de finances de l’année.

 

Les deuxième et troisième articles du projet de loi spéciale concernent les autorisations relatives aux emprunts. En l’absence de telles dispositions, la sécurité des opérations de financement de l’État et de plusieurs organismes de sécurité sociale ne serait plus assurée à compter du 1er janvier 2025. Le recours à des emprunts à long, moyen et court termes revêt aujourd’hui un caractère indispensable pour la continuité de la vie nationale.

 

Le deuxième article est relatif à l’autorisation d’emprunt de l’État. Les emprunts de l’État sont autorisés chaque année en loi de finances (article 34 I 8° de la LOLF). L’État n’est pas autorisé, en l’absence de texte législatif au titre de l’année concernée, à emprunter. Cette autorisation relève du domaine obligatoire et exclusif de la loi de finances. Les impositions de toutes natures autorisées par le présent projet de loi étant insuffisantes pour garantir les ressources de l’État et assurer la continuité de son action et de ses engagements, il est essentiel d’autoriser l’État à recourir à l’emprunt, afin de financer les dépenses à venir pour l’année 2025 jusqu’à l’adoption de la loi de finances de l’année.

 

Le troisième article concerne l’autorisation d’emprunt de plusieurs organismes de sécurité sociale. En application de l’article LO 111‑3‑4 du code de la sécurité sociale, la loi de financement de la sécurité sociale autorise annuellement les régimes obligatoires de base et les organismes concourant à leur financement, en particulier l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) à emprunter. À l’instar de l’État et en raison du rejet du texte issu de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, il est indispensable de permettre à ces organismes de recourir à l’emprunt dans l’attente de l’adoption d’une loi de financement de la sécurité sociale pour l’année 2025. L’insertion de cette disposition dans le présent projet de loi spéciale est indispensable pour assurer la continuité de la vie nationale.

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

Articles du projet de loi avec exposé des motifs

 

 


Projet de loi spéciale prévue par l’article 45 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances

1

 

PROJET DE LOI

 

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et du ministre auprès du Premier ministre,

chargé du budget et des comptes publics ;

Vu l’article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi spéciale prévue par l’article 45 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et par le ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics, qui seront chargés d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.

 

 

Fait le 11 décembre 2024

 

 Signé : Michel BARNIER

 

Par le Premier ministre :

Le ministre de l’économie, des finances

et de l’industrie,
Signé : Antoine ARMAND

 

 

Par le Premier ministre :

Le ministre chargé du budget et des comptes publics,
Signé : Laurent SAINT-MARTIN

 

 

ARTICLE 1 :
Autorisation de percevoir les impôts existants

 

Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi de finances pour 2025, la perception des ressources de l’État et des impositions de toutes natures affectées à des personnes morales autres que l’État est autorisée conformément aux lois et règlements.

Exposé des motifs

Cet article autorise la perception des impôts et produits existants jusqu’au vote de la loi de finances de l’année, conformément au troisième alinéa de l’article 45 de la loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). L’objectif de cet article est de permettre à l’État et aux autres personnes publiques de percevoir en 2025 les ressources nécessaires pour assurer la continuité de leurs missions, jusqu’à l’adoption de la loi de finances de l’année.

 

 


Projet de loi spéciale prévue par l’article 45 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances

1

 

 

ARTICLE 2 :
Autorisation de l’État à recourir à l’emprunt

 

Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi de finances pour 2025, le ministre chargé des finances est autorisé à procéder à des emprunts à long, moyen et court termes libellés en euros ou en autres devises pour couvrir l’ensemble des charges de trésorerie ou pour renforcer les réserves de change, ainsi qu’à toute opération de gestion de la dette ou de la trésorerie de l’État.

Exposé des motifs

L’article autorise le ministre chargé des finances à procéder aux opérations de gestion de la dette et de la trésorerie de l’État, ainsi qu’à la réalisation d’opérations d’échange de taux d’intérêt et sur instruments à terme, destinées à permettre la réalisation des opérations de couverture financière des variations de change ou de coûts de matières premières.

 

 


Projet de loi spéciale prévue par l’article 45 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances

1

 

 

 


ARTICLE 3 :
Régimes et organismes de sécurité sociale habilités à recourir à des ressources non permanentes

 

 

Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel ferroviaire, la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines et la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales sont habilitées à recourir à des ressources non permanentes dans la seule mesure nécessaire à la couverture de leurs besoins de trésorerie.

 

Exposé des motifs

L’article autorise l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel ferroviaire (CPRPF), la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines (CANSSM) et la Caisse de prévoyance et retraite du personnel ferroviaire et du régime d’assurance vieillesse des fonctionnaires locaux et hospitaliers (CNRACL) à recourir à des ressources non permanentes pour l’année 2025, en vue de couvrir leurs besoins de trésorerie. Cette disposition est indispensable au bon fonctionnement des différents organismes de sécurité sociale visés.

Les régimes autorisés par le projet de loi spéciale à recourir à l’emprunt sont ceux qui, compte tenu de leurs besoins de trésorerie dès le début de l’année 2025, doivent être habilités à y recourir, dans la stricte limite de leurs besoins.

Les ressources mobilisées par l’ACOSS devront permettre de couvrir, outre l’ensemble des besoins de financement du régime général de sécurité sociale, ceux du régime de sécurité sociale dans les mines, du régime spécial de la Caisse de prévoyance et retraite du personnel ferroviaire et du régime d’assurance vieillesse des fonctionnaires locaux et hospitaliers (CNRACL), auxquels l’ACOSS est autorisée à accorder des avances de trésorerie.

Le cadre légal régissant ces autorisations d’emprunt reste par ailleurs inchangé.