N° 1664
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX‑SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 juillet 2025.
PROJET DE LOI
autorisant l’approbation de la convention de coopération judiciaire internationale entre le Gouvernement de la République française et l’Organisation des Nations unies représentée par le Mécanisme d’enquête indépendant pour le Myanmar,
(Procédure accélérée)
(Renvoyé à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
PRÉSENTÉ
au nom de M. François BAYROU,
Premier ministre,
par M. Jean‑Noël BARROT,
ministre de l’Europe et des affaires étrangères
– 1 –
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le 12 juin 2024, le représentant permanent de la France auprès de l’Office des Nations unies à Genève, M. Jérôme BONNAFONT et le chef du Mécanisme d’enquête indépendant pour le Myanmar, M. Nicholas KOUMJIAN, ont signé à Genève une Convention de coopération judiciaire internationale.
Le Mécanisme d’enquête indépendant pour le Myanmar (le Mécanisme) a été créé par la résolution 39/2 du Conseil des droits de l’Homme des Nations unies du 27 septembre 2018. L’objectif du Mécanisme est de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en Birmanie depuis 2011 et d’aider à juger les responsables de ces violations.
Le Mécanisme a pour mandat de recueillir des informations et des preuves afin de constituer des dossiers destinés à permettre la mise en œuvre de procédures pénales devant des juridictions nationales ou internationales, menées en vertu de leur compétence universelle.
Le travail du Mécanisme repose sur un échange mutuel d’informations avec les juridictions nationales. Cet échange est indispensable car, faute de pouvoir se rendre en Birmanie pour collecter les informations, le Mécanisme est dépendant de la coopération des organisations non gouvernementales présentes sur place et des États qui le soutiennent. Cette coopération peut impliquer de la part des États une transmission d’informations, une autorisation de rencontrer des victimes et témoins du conflit se trouvant sur leur territoire et, le cas échéant, l’autorisation de collecter des documents et témoignages, auprès de ces derniers.
Sur le plan politique, la position française sur la crise birmane repose sur deux piliers. Le premier pilier vise à faire pression sur le régime militaire issu du coup d’État par les sanctions adoptées au niveau de l’Union européenne et en soutenant les mécanismes de lutte contre l’impunité, qui est considérée comme essentielle à l’établissement des conditions pour une sortie de crise durable. Le deuxième pilier vise le soutien à la population et aux structures essentielles pour un retour à la transition démocratique.
Le cadre juridique français actuel ne permet pas la coopération des juridictions françaises vers le Mécanisme. En effet, l’entraide judiciaire prévue par la loi française, aux articles 694 et suivants du code de procédure pénale, est réservée aux juridictions (nationales ou internationales) et le Mécanisme, qui n’est pas une juridiction, n’entre pas dans cette catégorie.
Cette convention a vocation à permettre la coopération entre les juridictions françaises et le Mécanisme en fixant les modalités de cette coopération. Elle s’inscrit dans l’objectif de mettre en adéquation nos moyens avec notre objectif politique de lutte contre l’impunité en Birmanie. Le Mécanisme pourra formaliser des demandes de coopération envers les juridictions françaises, et celles‑ci bénéficieront d’un cadre formel de coopération, permettant de recevoir des informations en possession du Mécanisme, qui pourront être utilisées si des procédures sont ouvertes, notamment par le pôle crimes contre l’humanité, crimes et délits de guerre du Parquet national antiterroriste (PNAT) du Tribunal judiciaire de Paris.
La Convention est composée d’un préambule et de 14 articles.
Le préambule vise la résolution 39/2 (2018) du 25 septembre 2018 du Conseil des droits de l’Homme des Nations unies créée le Mécanisme. Il fait aussi référence au mandat du Mécanisme en précisant qu’il a pour objectif de recueillir, regrouper, préserver et analyser des éléments de preuves attestant de violations graves du droit international en Birmanie. Le préambule rappelle enfin la volonté des deux Parties de se fournir une assistance mutuelle aux fins de faciliter les enquêtes et les jugements des responsables des crimes internationaux et violations les plus graves du droit international commises en Birmanie.
L’article 1er définit le champ d’application de la Convention, qui comprend la transmission entre les Parties de copies de dossiers, de documents ou de pièces de procédure ainsi que d’objets et d’informations attestant de la commission des violations les plus graves du droit international en Birmanie depuis 2011, et la réalisation de toutes mesures d’investigation, en particulier d’auditions et d’interrogatoires.
Cet article exclut du champ d’application de la Convention l’exécution des mesures d’investigations telles que les interceptions téléphoniques, les autopsies, les mesures de gel ou de saisie d’avoirs ; l’exécution des décisions d’arrestation provisoire et d’extradition, l’exécution des condamnations pénales ; les infractions militaires qui ne constituent pas des infractions de droit commun ; et la transmission d’informations, de documents ou d’objets qui ne relèvent pas du champ de compétence du Mécanisme.
L’article 2 porte sur les restrictions qui peuvent être apportées à l’entraide. Ainsi l’exécution d’une demande d’entraide pourra être refusée si la France considère qu’elle se rapporte à des infractions politiques ; si l’exécution de la demande porte atteinte à la souveraineté, la sécurité, l’ordre public ou tout autre intérêt essentiel de la France ou si elle est incompatible avec les principes fondamentaux de sa législation ou avec ses engagements internationaux ; si la demande peut amener à poursuivre une personne déjà jugée pour les faits faisant l’objet de la décision ; enfin, si la demande n’entre pas dans le champ de compétence du Mécanisme.
Cet article prévoit aussi que l’exécution de la demande d’entraide peut être différée si elle risque d’entraver une procédure en cours de la France ou du Mécanisme. Il prévoit enfin l’information de la Partie requérante du refus ou de l’ajournement.
L’article 3 identifie les autorités désignées pour recevoir les demandes et les pièces d’exécution : le ministère de la justice pour la France et le chef ou la cheffe du Mécanisme pour le Mécanisme. Les demandes sont transmises par la voie diplomatique ou, en cas d’urgence, directement entre les autorités judiciaires françaises et le Mécanisme par tout moyen permettant l’authenticité de l’échange et permettant d’obtenir une trace écrite.
L’article 4 nomme les autorités judiciaires comme étant les autorités françaises compétentes pour exécuter les demandes.
L’article 5 précise le contenu et la forme des demandes d’entraide. Elles doivent être écrites, ou transmises par tout moyen permettant d’en obtenir une trace écrite, rédigées ou traduites en langue française.
Elles doivent contenir la désignation de l’autorité dont émane la demande, l’objet et le motif de la demande, les dispositions du droit français applicables aux infractions concernées et, si possible, l’identité et la nationalité de la personne visée par la procédure.
Les demandes d’audition ou d’interrogatoire adressées par le Mécanisme à la France doivent contenir l’identité et la localisation de la personne sollicitée pour l’audition, les noms et fonctions des personnes présentes pour l’audition si celle‑ci est accordée, et toute autre pièce permettant de faciliter l’audition, notamment une liste de questions.
Les demandes doivent contenir toute exigence de confidentialité en application de l’article 8, ainsi que les délais dans lesquels la demande doit être exécutée et toute autre pièce nécessaire à la demande ou permettant de faciliter son exécution.
Les modalités d’exécution des demandes sont régies par l’article 6. Les objets communiqués à la suite de l’exécution d’une demande sont conservés par la Partie requérante, sauf si un retour des pièces est demandé par la Partie requise. Il est aussi précisé que la Partie française s’engage à respecter les formalités indiquées par le Mécanisme tant qu’elles sont en accord avec les principes fondamentaux de la France.
La Convention prévoit en son article 7 que les Parties peuvent procéder à des échanges spontanés sur des procédures en cours qui pourraient intéresser l’autre Partie. Elles peuvent aussi échanger des informations sans qu’une demande n’ait été présentée en ce sens. Dans ce cas, la Partie qui fournit l’information peut indiquer les conditions d’utilisation de l’information que doit respecter la Partie destinataire.
Les règles de confidentialité et de spécialité sont précisées à l’article 8. La Partie requise doit respecter le caractère confidentiel de la demande et son contenu. Elle a la possibilité de demander qu’une information, un document ou un objet fourni dans le cadre d’une demande d’entraide reste confidentiel ou ne soit divulgué que dans le respect des termes et conditions qu’elle aura établis. La divulgation ne peut se faire à des fins autres que celles établies dans la demande. Il est aussi prévu que la Partie qui envisage la transmission d’informations à un tiers sollicite l’accord de l’autre Partie et doit avoir obtenu des garanties suffisantes de la part du tiers sur l’absence de peine capitale ou de traitements inhumains et dégradants à l’encontre des personnes poursuivies sur le fondement des éléments transmis.
L’article 9 fixe les conditions dans lesquelles les données à caractère personnel peuvent être échangées entre les Parties au titre de la présente convention. Il garantit que les Parties échangent des informations conformément aux règles relatives à la protection des données qui leur sont applicables. Sont notamment garantis les principes de limitation des finalités et de spécialité, de conservation limitée, d’intégrité et de confidentialité, et le droit d’accès, de rectification et d’effacement des données à caractère personnel, ainsi que le principe du droit au recours en cas de violation des principes régissant la protection des données.
L’article 10 énonce que l’exécution des demandes d’entraide ne donne lieu à aucun remboursement des frais engagés. Les Parties peuvent néanmoins se consulter pour fixer les termes et conditions de l’exécution d’une demande lorsque celle‑ci nécessite l’engagement de frais de nature extraordinaire.
L’article 11 précise que les questions liées à l’application et l’interprétation de la Convention sont transmises par la voie diplomatique.
En cas de divergences relatives à l’exécution ou l’interprétation de la Convention, l’article 12 établit que les Parties règlent leur différend par la négociation et la voie diplomatique.
Des modifications peuvent être apportées à la Convention d’un commun accord entre les Parties selon les termes de l’article 13.
Enfin, l’article 14 prévoit, dans ses dispositions finales, que chaque Partie notifie à l’autre l’accomplissement de ses procédures internes requises pour l’entrée en vigueur de la Convention. Le premier jour du deuxième mois suivant la date de réception de la seconde notification marque l’entrée en vigueur de la Convention. Les Parties disposent de la possibilité de dénoncer la Convention en adressant par voie diplomatique une notification de dénonciation.
Telles sont les principales observations qu’appelle la Convention entre le Gouvernement de la République française et l’Organisation des Nations unies représentée par le Mécanisme d’enquête indépendant pour le Myanmar.
projet de loi
Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre de l’Europe et des affaires étrangères,
Vu l’article 39 de la Constitution,
Décrète :
Le présent projet de loi autorisant l’approbation de la convention de coopération judiciaire internationale entre le Gouvernement de la République française et l’Organisation des Nations unies représentée par le Mécanisme d’enquête indépendant pour le Myanmar, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, qui sera chargé d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.
Article unique
Est autorisée l’approbation de la convention de coopération judiciaire internationale entre le Gouvernement de la République française et l’Organisation des Nations unies représentée par le Mécanisme d’enquête indépendant pour le Myanmar, signée à Genève le 12 juin 2024, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Fait le 2 juillet 2025.
Signé : François BAYROU
Par le Premier ministre :
Le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, |