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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 novembre 2017
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI
relative au principe de garde alternée des enfants (n° 307),
PAR M. Vincent BRU
Député
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SOMMAIRE
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Pages
introduction.......................................... 5
I. bien qu’en progression, le recours À la rÉsidence alternÉe reste marginal en france
II. la double rÉsidence doit aujourd’hui Être gÉnÉralisÉe
A. L’exemple des pays europÉens
B. Les objectifs de la rÉforme
2. L’égalité entre les parents
3. La perception du rôle social de chacun des parents
III. lES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA COMMISSION
Article 3 (nouveau) Date d’entrée en vigueur de la loi
Titre de la proposition de loi
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Introduite par la loi du 4 juin 1970, l’autorité parentale, qui peut se définir comme l’ensemble des droits et devoirs des parents destinés à assurer la protection de leur enfant, a connu depuis plus de quarante ans plusieurs réformes, qui sont toutes allées dans le sens d’une plus grande égalité.
L’égalité entre le père et la mère mariés a ainsi été posée par la loi de 1970 qui a remplacé la puissance paternelle par l’autorité parentale. L’égalité entre les parents séparés, qu’ils soient ou non mariés, a ensuite été affirmée par les lois du 22 juillet 1987 et du 8 janvier 1993, qui ont séparé la résidence de l’enfant de l’exercice de l’autorité parentale et généralisé l’exercice en commun de cette autorité. Le principe de coparentalité, selon lequel il est dans l’intérêt de l’enfant d’être élevé par ses deux parents, a enfin été affermi par la loi du 4 mars 2002, qui a notamment posé le choix, en cas de séparation des parents, entre la résidence alternée et la résidence au domicile de l’un des parents.
La présente proposition de loi, inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale le jeudi 30 novembre 2017 par le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés, prolonge cette évolution en posant, à l’article 373-2-9 du code civil, le principe de la double résidence de l’enfant, sans que cela implique nécessairement un partage égal du temps passé chez chacun des parents. Elle consacre ainsi le droit de l’enfant à maintenir le lien avec ses deux parents.
La réforme proposée permet d’appliquer pleinement la Convention internationale des droits de l’enfant, signée le 20 novembre 1989 et ratifiée par la France le 7 août 1990, dont les articles 5, 9 et 18 reconnaissent le droit des enfants à être élevés par leurs parents de manière à favoriser leur développement. Son article 9-3, notamment, prévoit « le droit de l’enfant séparé de ses deux parents ou de l’un d’eux d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant ».
Alors que les séparations parentales concernent de plus en plus de familles – un couple sur trois se sépare avec, dans la moitié des cas, un enfant à charge – et que l’évolution des modes de vie familiaux témoigne de la volonté croissante de chacun des parents de s’investir dans la relation avec son enfant, la présente proposition de loi a pour objet de préserver l’intérêt de l’enfant, de mieux traduire la symbolique de l’égalité des parents et de faire évoluer la perception du rôle social de chacun d’entre eux.
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I. bien qu’en progression, le recours À la rÉsidence alternÉe reste marginal en france
Si la résidence alternée est la première des branches de l’alternative offerte au juge et aux parents lorsqu’ils doivent fixer la résidence de l’enfant, elle n’est en aucun cas un principe et ne constitue pas un mode privilégié de résidence de l’enfant en France.
Selon les données transmises par le ministère de la Justice ([1]), le recours à la résidence alternée demeure, en effet, minoritaire, puisque, toutes procédures confondues, les décisions dans ce sens représentent 17 % du nombre total de décisions définitives, là où celles en faveur d’une résidence chez la mère s’élèvent à 71 % et celles en faveur d’une résidence chez le père à 12 % ([2]).
La part de la résidence alternée est toutefois en forte progression, puisqu’elle s’établissait à environ 10 % en 2004.
Pour les seules procédures de divorce, la part de la résidence alternée est passée de 11,5 % en 2004 à près de 21 % en 2012.
L’activité professionnelle, le niveau de ressources des parents et la proximité entre les deux domiciles semblent avoir un impact sur le type de résidence fixée, notamment pour la résidence alternée. Le recours à la résidence alternée est ainsi plus fréquent lorsque les parents ont une activité professionnelle et lorsqu’ils résident dans la même ville. Le choix de la résidence alternée est par ailleurs corrélé avec le niveau de revenu des parents.
Toutes procédures confondues, l’âge moyen d’un enfant résidant en alternance oscille entre 9 et 10 ans. Par ailleurs, le lieu de résidence de l’enfant varie en fonction de son âge. Ainsi, la résidence alternée est privilégiée pour les enfants de 5 à 10 ans, tandis que la résidence chez la mère l’est pour les enfants de moins de cinq ans et que la résidence chez le père est plus fréquemment choisie pour les adolescents.
Les juges fixent la résidence des enfants :
– pour 63 % d’entre eux chez la mère en cas de désaccord des parents (pour 71 % en cas d’accord) ;
– pour 24 % d’entre eux chez le père en cas de désaccord des parents (pour 10 % en cas d’accord) ;
– pour 12 % c’est la résidence alternée qui est retenue en cas de désaccord des parents (pour 19 % en cas d’accord).
Par ailleurs, en cas de désaccord, le taux de rejet de la résidence alternée est de 75 % lorsque le père demande la résidence alternée et la mère la refuse et de 60 % dans le cas inverse.
LA RÉSIDENCE DES ENFANTS DE PARENTS SÉPARÉS :
SYNTHÈSE DES DÉCISIONS RENDUES PAR LES JUGES AUX AFFAIRES FAMILIALES ENTRE LE 4 ET LE 15 JUIN 2012
L’étude lancée par le ministère de la Justice a porté sur 6042 décisions, concernant 9399 enfants, rendues entre le 4 et le 15 juin 2012.
Il ressort de l’analyse de ces décisions que dans 80 % des situations, les parents sont en accord sur la résidence des enfants et dans 10 % des cas en désaccord. Dans les 10 % des situations restantes, l’un des deux parents n’a pas exprimé de demande.
Au total, 96 % des demandes des mères et 93 % de celles des pères sont satisfaites.
Lorsque les parents sont d’accord, ils demandent, pour 71 % des enfants, une résidence chez la mère, pour 10 % une résidence chez le père et pour 19 % une résidence alternée. Les juges homologuent dans la quasi-totalité des cas (99,8 %) les demandes des parents.
Lorsque les parents sont en désaccord, pour 52 % des enfants, le père demande la résidence chez lui, la mère chez elle ; pour 35 % des enfants, le père demande la résidence alternée, la mère une résidence chez elle ; pour 6 % des enfants, le père demande une résidence chez lui, alors que la mère demande une résidence alternée.
Lorsque chacun des parents demande la résidence chez lui, le juge prononce la résidence chez la mère pour 62 % des enfants, et chez le père pour 36 % d’entre eux.
Lorsque le père demande une résidence alternée et la mère une résidence chez elle, le juge prononce une résidence alternée pour 25 % des enfants et la résidence chez la mère pour 75 % d’entre eux.
Lorsque la mère demande une résidence alternée et le père une résidence chez lui, le juge prononce une résidence alternée pour 40 % des enfants et une résidence chez le père pour 60 %.
II. la double rÉsidence doit aujourd’hui Être gÉnÉralisÉe
Au cours des quinze dernières années, de nombreuses propositions de loi ont été déposées afin de privilégier la résidence alternée pour l’enfant dont les parents sont séparés, dont l’une des dernières, relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant, a été adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 27 juin 2014. Toutefois, aucune d’entre elles n’a été définitivement adoptée.
Dans le même temps, on a assisté à une évolution profonde de la société qui se traduit par une implication croissante des pères dans leur relation avec leur enfant et par le renouvellement des modes de vie familiaux.
Aussi, alors que la résidence alternée tend à se développer en Europe, la présente proposition de loi a pour objet de poser, en cas de séparation des parents, le principe de la résidence de l’enfant chez chacun d’eux, avec un triple objectif : l’intérêt de l’enfant, l’égalité des parents et la perception de leur rôle social.
A. L’exemple des pays europÉens
La résidence alternée tend à se développer en Europe, comme l’a souligné M. Bruno Ancel, avocat, lors de son audition.
De nombreux États ont ainsi adopté des lois consacrant la résidence alternée.
C’est le cas de l’Espagne qui a reconnu, en 2005, la notion de garde partagée ou encore de l’Italie dont la loi du 8 février 2006, qui instaure la résidence alternée, insiste sur le droit de l’enfant d’avoir une relation équilibrée et durable avec ses deux parents.
Aux Pays-Bas et en Belgique, la loi va plus loin puisqu’elle demande au juge de privilégier un mode de résidence alternée entre les parents de l’enfant.
La loi néerlandaise prévoit, depuis 2009, le droit pour l’enfant à être élevé de façon égalitaire par ses deux parents, la présomption de résidence alternée instaurée par le législateur pouvant être renversée en cas de danger pour l’enfant ou lorsque celui-ci est pris dans un conflit de loyauté.
Le droit belge fait, depuis 2006, de la résidence alternée une modalité de résidence privilégiée de l’enfant. L’article 374, §2, alinéa 2, du code civil belge prévoit ainsi qu’« à défaut d’accord, en cas d’autorité parentale conjointe, le tribunal examine prioritairement, à la demande d’un des parents au moins, la possibilité de fixer l’hébergement de l’enfant de manière égalitaire entre ses parents ». L’article 374, §2, alinéa 4, du même code précise que « si le juge choisit de s’écarter du modèle législatif, il doit spécialement motiver sa décision, en tenant compte des circonstances concrètes de la cause, de l’intérêt des enfants et de celui des parents ».
La jurisprudence marque également une évolution en faveur de la résidence alternée. Au Royaume-Uni, la Cour d’appel d’Angleterre et du pays de Galles a considéré que la résidence séparée pouvait être accordée même si les parents étaient géographiquement éloignés l’un de l’autre et a précisé qu’elle était bénéfique pour les parents en mettant l’accent sur leur égale responsabilité à l’égard de l’enfant. Dans une décision de justice récente, le juge Mostyn a relevé qu’« un jugement de résidence alternée est maintenant la règle plutôt que l’exception même si le temps alloué à chacun des parents n’est pas égal. Si on avait une hiérarchie des droits humains protégés par la CEDH au plus haut de cette hiérarchie on trouverait le droit de l’enfant pendant qu’il grandit à avoir une participation significative de ses deux parents dans son éducation » ([3]).
B. Les objectifs de la rÉforme
Alors que les foyers composés d’un parent qui ne vit plus en couple et qui partage, à titre principal, la résidence des enfants, ou de ménages seuls avec enfants, représentent une part croissante des familles – actuellement 20 % –, et qu’après une séparation, près d’un enfant sur trois ne voit que rarement son père et un sur cinq ne le voit jamais ([4]), il apparaît nécessaire de mettre fin aux controverses relatives à la résidence alternée.
Aussi, la présente proposition de loi propose de poser le principe selon lequel la résidence de l’enfant est au domicile de chacun de ses parents, selon les modalités fixées par convention d’un commun accord entre les parents ou à défaut par le juge.
Par exception, si la résidence de l’enfant ne peut être fixée, pour une raison sérieuse, au domicile de chacun de ses parents du fait de l’un deux, elle est fixée au domicile de l’autre. Dans ce cas, le juge aux affaires familiales statue sur les modalités du droit de visite. Ce droit de visite, lorsque l’intérêt de l’enfant le commande, pourra être exercé dans un espace de rencontre qu’il désigne ou avec l’assistance d’un tiers de confiance ou du représentant d’une personne morale qualifiée.
Cette réforme, qui conforte le droit de l’enfant à maintenir le lien avec ses deux parents, doit en effet permettre que les parents perçoivent mieux qu’ils ont la même responsabilité et les mêmes devoirs à l’égard de leur enfant. Elle va dans le sens de l’affermissement du principe d’égalité entre les parents et devrait favoriser l’évolution du rôle social de chacun d’eux.
Comme le souligne le Conseil économique, social et environnemental dans son avis consacré aux conséquences des séparations parentales sur les enfants ([5]), « la préservation des liens avec chaque parent est essentielle dans l’intérêt de l’enfant ».
La Convention internationale des droits de l’enfant, ratifiée par la France le 7 août 1990, prévoit ainsi le maintien des relations de l’enfant avec chacun de ses parents, sauf si cela est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant ([6]).
En posant le principe de coparentalité, la loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale a consacré l’idée qu’il est de l’intérêt de l’enfant d’être élevé par ses deux parents, que le couple parental soit uni, désuni ou recomposé.
L’implication des deux parents apparaît en effet très bénéfique au développement équilibré de l’enfant, ainsi qu’au maintien des relations à l’âge adulte.
De nombreux pédopsychiatres, comme M. Stéphane Clerget, soulignent ainsi la présence nécessaire des deux parents au quotidien, afin de préserver l’équilibre de l’enfant. Comme l’a souligné M. Michel Grangeat, professeur émérite en sciences de l’éducation, il est important pour l’enfant de vivre des expériences au quotidien avec ses deux parents. Une étude du ministère de l’Education nationale de 2012 montre ainsi que les enfants de famille monoparentale multiplient les signes d’une moindre réussite scolaire au collège ([7]). Mme Chantal Clos-Grangeat, psychologue clinicienne, a, pour sa part, mis en évidence les effets à court et moyen termes sur la santé psychologique et physique des enfants de la résidence chez un seul des parents. Certains spécialistes, à l’instar du pédopsychiatre M. Bernard Golse, évoquent toutefois l’âge minimal de trois ans pour que la résidence en alternance profite à l’enfant. Sur cette question cependant, les analyses ne sont pas toutes convergentes.
2. L’égalité entre les parents
Si la séparation met un terme à la relation du couple, la relation parentale perdure.
La loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale a ainsi consacré l’idée qu’il est de l’intérêt de l’enfant d’être élevé par ses deux parents mais a également affirmé l’égalité de chacun des parents s’agissant de leurs droits et de leurs devoirs vis-à-vis de l’enfant.
La réforme proposée s’inscrit ainsi dans la continuité de la loi du 4 mars 2002.
La double résidence permet en effet aux parents de prendre conscience qu’ils ont la même responsabilité et les mêmes devoirs vis-à-vis de leur enfant, confirmant l’égalité de chacun des parents quant à leurs droits et, surtout, leurs devoirs à l’égard de l’enfant.
Le partage de l’hébergement de l’enfant est incontestablement de nature à favoriser une prise en charge plus égalitaire de celui-ci et un réel maintien de ses liens avec ses deux parents. Son instauration offre le meilleur cadre à la mise en œuvre de l’article 373-2, alinéa 2 du code civil, selon lequel chacun des parents doit maintenir des relations personnelles avec l’enfant et respecter les liens de celui-ci avec l’autre parent.
La résidence alternée est d’ailleurs parfois présentée comme permettant de conserver un équilibre entre le père et la mère dans la vie de l’enfant : lorsque, notamment, l’un des deux se montre particulièrement malveillant avec l’autre, le fait de vivre partiellement avec ce dernier évite qu’il ne soit totalement soumis à l’influence du premier.
3. La perception du rôle social de chacun des parents
Malgré une augmentation, lente mais constante, des hypothèses de résidence alternée (17 % des décisions de justice) et de résidence chez le père (12 % des décisions de justice), la charge quotidienne des enfants pèse encore très majoritairement sur les femmes.
En outre, certains choix – comme le fait, pour la mère, de renoncer à la demande de garde majoritaire – sont encore difficiles à assumer ou à faire accepter par la société, ainsi que l’a souligné Mme Hélène Poivey-Leclercq, avocate, lors de son audition.
Aussi, alors que les pères manifestent de plus en plus leur volonté de s’investir auprès de leurs enfants, la proposition de loi a pour objectif de faire évoluer la perception du rôle social de chacun des parents.
III. lES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA COMMISSION
Le rapporteur partage pleinement l’esprit de cette proposition de loi qui vise à faire disparaître l’actuel choix binaire entre résidence alternée et résidence au domicile de l’un des parents, au profit du principe selon lequel la résidence de l’enfant est fixée au domicile de chacun des parents, sans toutefois impliquer une répartition égale des temps de présence chez chacun d’entre eux.
Il considère toutefois que des améliorations peuvent y être apportées, afin, d’une part, de laisser une plus grande liberté au juge dans sa décision et, ainsi, de permettre une appréciation au cas par cas, dans l’intérêt de l’enfant, et, d’autre part, de présenter les garanties nécessaires en cas de violences exercées par l’un des parents sur la personne de l’enfant ou de l’autre parent.
LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA COMMISSION
● La Commission a précisé la nouvelle rédaction de l’article 373-2-9 du code civil :
– elle a prévu, par un amendement du rapporteur à l’alinéa 1er, que la résidence de l’enfant est fixée au domicile de chacun des parents selon les modalités de fréquence et de durée déterminées par accord entre les parents ou par le juge ;
– elle a adopté un amendement de Mme Caroline Abadie sous-amendé par le rapporteur, qui précise, à l’alinéa 2, qu’à titre exceptionnel, le juge peut fixer la résidence de l’enfant au domicile de l’un des parents. Il statue alors sur les modalités du droit de visite de l’autre parent. Ce droit de visite, lorsque l’intérêt de l’enfant le commande, peut, par décision spécialement motivée, être exercé dans un espace de rencontre désigné par le juge ;
– elle a adopté l’amendement du rapporteur qui prévoit de maintenir les dispositions de l’actuel alinéa 4 de l’article 373-2-9 qui visent notamment à encadrer la remise de l’enfant lorsque l’un des parents présente un danger pour l’enfant ou pour l’autre parent.
● La Commission a en outre adopté un amendement de Mme Caroline Abadie qui précise à l’article 373-2-1 du code civil que, lorsque le juge confie l’exercice de l’autorité parentale à l’un des parents, il fixe la résidence de l’enfant au domicile de ce parent.
● La Commission a enfin adopté deux amendements du rapporteur, l’un prévoyant que la présente loi entrera en vigueur le 1er janvier 2019, l’autre modifiant le titre de la proposition de loi afin de clarifier son objet : la résidence de l’enfant en cas de séparation des parents.
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Lors de sa première réunion du mercredi 22 novembre 2017, la Commission entame l’examen de la proposition de loi relative à la garde alternée des enfants (n° 307) (M. Vincent Bru, rapporteur).
M. Vincent Bru, rapporteur. La proposition de loi rédigée par notre collègue Philippe Latombe porte sur une question délicate et intervient dans un contexte social en profonde mutation. Les séparations parentales concernent en effet de plus en plus de familles. Ainsi, un couple sur trois se sépare, avec, dans la moitié des cas, un enfant à charge.
Par ailleurs, l’évolution des modes de vie familiaux témoigne de la volonté croissante de chacun des parents de s’investir dans la relation avec son enfant.
La proposition de loi pose le principe de la double résidence de l’enfant en cas de séparation des parents, sans toutefois impliquer une répartition égale des temps de présence chez chacun d’entre eux. Résidence partagée ne veut pas dire résidence par moitié, ni résidence alternée, et encore moins garde alternée, comme le titre du texte pourrait malheureusement le laisser supposer.
La proposition de loi que nous vous proposons poursuit un triple objectif.
Le premier, qu’il est important de rappeler, est la préservation de l’intérêt supérieur de l’enfant. Nous considérons qu’il dispose d’un droit à maintenir le lien avec ses deux parents. Ce droit de l’enfant à connaître et bénéficier de ses deux parents a d’ailleurs été rappelé au cours des auditions par de nombreuses personnes, dont des pédopsychiatres, psychologues et professeurs de sciences sociales. Tous ont souligné que la présence fréquente des deux parents au quotidien préservait l’équilibre, l’épanouissement et le développement de l’enfant.
En posant le principe de la double résidence, nous ne faisons qu’appliquer la Convention internationale des droits de l’enfant, adoptée en 1989 et ratifiée par la France en 1990, dont les articles 5, 9 et 18 reconnaissent le droit des enfants à être élevés par leurs parents de manière à favoriser leur développement.
Le deuxième objectif consiste à traduire de façon symbolique le principe de l’égalité des parents, dont aucun des deux ne doit se considérer comme supérieur à l’autre, ni chercher à exclure l’autre. Cela s’inscrit précisément dans la continuité de la loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale, qui consacre le principe de coparentalité, autrement dit de coresponsabilité des parents vis-à-vis de leur enfant.
La double résidence permet en effet aux parents de prendre conscience qu’ils ont tous deux la même responsabilité et les mêmes devoirs vis-à-vis de leur enfant, confirmant l’égalité de chacun des parents quant à leurs droits, mais surtout leurs devoirs. Le couple conjugal disparaît certes, mais le couple parental demeure et doit être conforté. Cela est pleinement dans l’esprit de l’article 373-2, alinéa 2 du code civil, selon lequel chacun des parents doit maintenir des relations personnelles avec l’enfant et respecter les liens de celui-ci avec l’autre parent.
Le troisième objectif est de faire évoluer la perception du rôle social de chacun des parents. Aujourd’hui, les résidences alternées concernent 17 % des décisions de justice, et la résidence chez le père, 12 %. On observe ainsi une augmentation lente, mais constante, des résidences alternées, dont la charge quotidienne revient encore largement aux femmes. La pression sociale fait peser sur la mère des sujétions importantes. Au nom de l’égalité entre les femmes et les hommes, le texte pose le principe de double résidence. Cela permettra de faire évoluer la perception du rôle social de chacun des parents.
Après avoir affirmé que la résidence de l’enfant est fixée au domicile de chacun de ses parents, la proposition de loi prévoit des exceptions à ce principe. Si la résidence de l’enfant ne peut être fixée, pour une raison sérieuse, au domicile de chacun de ses parents, elle est fixée au domicile de l’autre. Dans ce cas, le juge aux affaires familiales statue sur les modalités de droit de visite.
C’est le sens de ce texte, toutefois il nous est apparu qu’il fallait l’améliorer en proposant des amendements portant sur son titre certes, mais aussi sur son contenu.
Je souhaiterais pour terminer remercier Mme Caroline Abadie qui m’a beaucoup accompagné dans les auditions ainsi que dans l’amélioration de ce texte ; son rôle a été très important, et nous examinerons les amendements qu’elle a bien voulu présenter au nom du groupe La République en Marche.
Voilà, madame la présidente, la présentation rapide de cette proposition de loi dont on comprend qu’elle est délicate et ne fait pas l’unanimité. Certains estimeront que nous n’allons pas assez loin, d’autres que nous touchons à quelque chose d’essentiel ; j’espère toutefois que nous l’examinerons dans un esprit apaisé.
Mme Caroline Abadie. Sous la plume de M. Philippe Latombe, nos collègues du groupe du Mouvement Démocrate et apparentés nous soumettent cette proposition de loi relative à la garde alternée. Ce titre, source d’une confusion légitime dans l’esprit de beaucoup de nos concitoyens et de certains députés, devra être clarifié. Je le répète, ce texte ne porte pas sur le temps que l’enfant pourrait passer chez ses parents, pour une durée équivalente chez chacun d’entre eux. Il est relatif à la notion de résidence : celle-ci serait fixée au domicile de chacun de ses parents selon des modalités déterminées. Ces modalités font référence à une répartition des périodes de résidence, et cette résidence est double.
L’autre objet de ce texte est de gommer la notion de droit de visite et d’hébergement, assez humiliante pour le parent qui aurait perdu le « match du divorce », si je puis dire. Cette suppression permet encore que l’enfant ne soit plus l’enjeu de la séparation du couple des parents.
Il n’est préjugé de rien au sujet des modalités d’hébergement qui seront déterminées par les parents ou par le juge ; l’objectif est de renforcer, au moins symboliquement, le lien que chacun des deux parents doit entretenir avec son enfant malgré la séparation. Il est encore rappelé que les deux parents ont les mêmes responsabilités et devoirs à l’égard de leur enfant.
Les conséquences dans les faits seront, nous l’espérons, une prise de conscience de la part des parents que la garde de l’enfant n’est pas un trophée que l’on brandit lorsque l’on a gagné, ni du goudron et des plumes que l’on se colle sur le dos lorsqu’on a perdu. Les auditions que nous avons conduites ont confirmé cette espérance : amener les parents à réfléchir différemment à leur séparation serait de nature à apaiser les tensions, et peut-être à désengorger les tribunaux.
Les parents restent décisionnaires – avec le juge en cas de désaccord. Il leur appartiendra de se saisir de cette réforme pour opérer un rééquilibrage, sinon souhaitable du moins souhaité par beaucoup de parents, de la répartition du temps de présence de l’enfant auprès du père et de la mère. Plus que ce rééquilibrage, c’est l’intérêt supérieur de l’enfant qui a guidé nos travaux. D’où les amendements déposés par le groupe La République en Marche ainsi que par le rapporteur.
Nous souhaitons en effet que ce texte ne limite pas les pouvoirs du juge aux affaires familiales, qui est le garant ultime des droits et de l’intérêt de l’enfant. Nous avons donc éliminé tout caractère automatique de la procédure afin que le juge, in concreto, puisse apprécier au cas par cas les exceptions qu’il pourrait être conduit à envisager.
Cela concerne donc aussi les cas de violence, qu’elles soient exercées par un des parents sur l’autre ou sur l’enfant, car le juge pourra toujours prendre des décisions contraires à ce principe de double résidence – mais cela est déjà prévu par le code civil.
Je tiens moi aussi à remercier le rapporteur pour son écoute. Je me réjouis que nombre de mes suggestions l’aient convaincu.
Mme Laurence Vichnievsky. Ce n’est pas au nom du groupe MODEM que je vais m’exprimer, madame la présidente, mais à titre personnel. Chacun sait que j’étais opposée à cette proposition de loi déposée par une partie seulement de mon groupe. J’ai décidé de ne pas la co-signer pour plusieurs raisons que je souhaite exposer à nouveau.
La première est que le système actuel de fixation de la résidence de l’enfant fonctionne assez bien et intègre déjà la possibilité de la résidence alternée. Le recours au juge dans des situations conflictuelles est encore la moins mauvaise manière d’apaiser les situations. Tous les magistrats nous l’ont dit lors des auditions.
Je précise, par ailleurs, que dans son principe, cette proposition manque de réalisme. Ce n’est pas qu’un détail : la résidence alternée est souvent impossible à mettre en œuvre pour des raisons très pratiques – éloignement géographique, fréquentation d’établissement scolaire. C’est pourquoi même si cette modalité existe, elle est peu utilisée.
La raison principale de mon opposition tient à ce que l’alinéa 3 de l’article unique réintroduit la faute de l’un des parents en cas de désaccord entre eux comme critère déterminant de la fixation de la résidence de l’enfant. Cela va au rebours de l’évolution juridique qui s’est produite depuis une cinquantaine d’années et qui a abouti à dissocier – ce qui est une bonne chose – la garde de l’enfant du conflit qui a opposé les parents.
J’ai suivi très précisément les travaux de notre rapporteur et de Mme Caroline Abadie. L’exposé des intentions a évolué. Il ne s’agit plus seulement d’égalité des droits des parents au regard de l’intérêt de l’enfant mais aussi de responsabilisation des parents.
J’observe également que plusieurs amendements déposés réécrivent totalement le texte, notamment en faisant disparaître la notion de faute. S’ils sont adoptés, le texte en deviendrait acceptable. Son utilité ne me paraît toutefois pas être démontrée. Il est avant tout cosmétique alors même que l’on nous fait le reproche de trop légiférer et de compliquer à l’envi des législations qui donnent en réalité satisfaction. Nous devons être très prudents : résistons à la tentation d’imprimer à tout prix notre marque.
Pour ce qui me concerne, je voterai les amendements qui me semblent aller dans le bon sens mais je m’abstiendrai pour le vote sur l’ensemble du texte.
M. Xavier Breton. À mon tour de préciser que je ne m’exprime pas au nom de mon groupe. Sur des sujets comme celui-ci, les positions sont personnelles.
Je regrette tout d’abord les conditions dans lesquelles nous étudions cette proposition de loi. C’est un sujet compliqué qui renvoie à des situations individuelles que l’on doit prendre avec beaucoup de précaution. Or en voulant légiférer rapidement, on est amené à créer des débats polémiques – nous le voyons à travers la presse – au lieu d’aller vers l’apaisement.
La preuve de cette précipitation, c’est que les amendements déposés réécrivent complètement la proposition de loi, soit qu’ils la vident de sa substance – ce qui n’a pas vraiment d’intérêt –, soit qu’ils la réorientent.
Nous aurions d’abord dû faire un bilan de la législation actuelle. Nous savons qu’elle n’est pas satisfaisante du point de vue des parents – des associations de parents, soit de pères, soit de mères, demandent des évolutions juridiques – mais aussi au regard de l’intérêt de l’enfant. Nous aurions dû aussi prendre en compte les études sur les troubles qui surviennent chez certains enfants à la suite de la séparation de leurs parents afin de réorienter notre législation en conséquence.
Le titre même de la proposition de loi indique qu’il s’agit avant tout d’une position de principe. Les amendements destinés à le changer montrent que c’était un mauvais choix.
Ce texte souffre de plusieurs carences.
Tout d’abord, il n’est pas fait mention explicitement des cas de violence à l’intérieur des couples en cas de séparation.
Ensuite, le rapport évoque le concept de « co-parentalité » sur lequel on peut s’interroger.
Enfin, l’exposé des motifs fait référence à des exemples de pays étrangers, notamment la Belgique. Il faut être très prudent en la matière. Si, sur les questions éthiques ou de société, nous commençons à prendre les pays étrangers comme modèles, nous finirons par importer des mesures qui ne sont pas souhaitables. Je pense en particulier à la gestation pour autrui (GPA). Prenons garde au moins-disant éthique, voire au dumping éthique. En outre, si l’on se lance dans des comparaisons internationales, il faut le faire de manière complète et intégrer aussi le cas de pays qui ont suivi un processus différent. Le Danemark, en 2012, a ainsi changé sa législation pour revenir à une meilleure prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Mme George Pau-Langevin. Cette proposition de loi aborde un sujet qui est souvent extrêmement conflictuel et douloureux. Nous ne comprenons pas qu’elle veuille changer un système qui, malgré toutes les difficultés entre les parents, fonctionne le moins mal possible. Aujourd’hui, la résidence alternée existe, elle progresse petit à petit et nous savons qu’elle ne peut fonctionner que s’il y a accord entre les parents. En cas de désaccord, proposer cette solution ne fait que multiplier les occasions de conflits, situation particulièrement dangereuse pour les femmes.
Ce texte propose en quelque sorte de renverser la règle mais pour modifier la législation en ce sens, il faudrait qu’il s’appuie sur des études solides montrant que l’intérêt de l’enfant réclame une telle évolution. Or ce n’est pas le cas.
Par ailleurs, n’oublions pas que la procédure de divorce a été réformée récemment. De plus en plus de divorces se font par consentement mutuel. La question de la garde de l’enfant et de la fixation de sa résidence est, dans la majorité des cas, réglée par un accord entre les parties. Il faudrait connaître le nombre de cas résiduels qui devront être tranchés par le juge.
En l’absence d’étude d’impact sérieuse, nous ne pourrons voter en faveur de cette proposition de loi.
Mme Danièle Obono. Nous considérons que cette proposition de loi est inutile, mal préparée, voire dangereuse.
Inutile car le dispositif actuel, bien que perfectible, fonctionne bien dans le sens où la priorité est donnée à l’accord entre les parents dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant. La loi actuellement en vigueur prévoit en effet que la résidence de l’enfant peut être fixée en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l’un d’eux. En cas de désaccord avec les parents, les juges ont la possibilité de décider de la résidence alternée ou peuvent fixer celle-ci au domicile de l’un d’eux s’ils estiment que l’intérêt de l’enfant le justifie.
Rappelons les analyses du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes qui a publié un avis à propos de cette proposition de loi. « Si la résidence des enfants est majoritairement fixée aujourd’hui chez les mères, c’est parce que les pères ne la demandent pas. En effet, 93,4 % des décisions des juges aux affaires familiales sont rendues conformément à la demande des pères et 95,9 % conformément à la demande des mères. Le ministère de la justice estime que si 18,8 % des pères font la demande de résidence alternée, ils l’obtiennent à 17,3 %. Ce serait donc pour ce 1,5 % que l’on prendrait le risque qu’une mère qui refuse la résidence alternée puisse voir la garde de ses enfants fixée au domicile du père, en guise de sanction judiciaire. »
Ce qui nous alarme également, c’est le cœur même du dispositif qui aboutirait à un bouleversement économique pour les familles dont les parents sont séparés. Cela irait dans le sens d’une paupérisation des femmes à la tête de familles monoparentales qui sont déjà, pour 50 % d’entre elles, sous le revenu médian. Il prévoit en effet un chamboulement des dispositifs fiscaux et sociaux. Citons la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée dans son rapport du 7 mai 2014 à propos d’une réforme similaire – plusieurs propositions de ce type ont en effet été soumises au Parlement au cours des dernières années, à chaque fois motivées par les mêmes groupes de pression : « Cette réforme fait disparaître la référence à une dénomination particulière, sans influer sur la répartition effective des temps passés au domicile de chacun des parents. La résidence au domicile de chacun des parents n’implique en effet pas une répartition égale des temps de présence chez chacun d’entre eux. »
En outre, ce principe implique l’inscription de l’enfant dans les déclarations fiscales des deux parents et un partage égal des allocations familiales.
La seule urgence, celle relevée par de nombreuses associations, est de garantir le versement des pensions alimentaires et un durcissement des sanctions en cas de non-versement de ces dernières. C’est là que se situe le véritable dysfonctionnement de la loi actuellement en vigueur.
L’actualité nous alerte aujourd’hui tristement sur la nécessité de donner un signal fort pour montrer toute l’importance que l’État accorde à la lutte contre les violences faites aux femmes et les discriminations qu’elles subissent. Il est important que les pouvoirs publics et les parlementaires que nous sommes n’envoient pas des signaux à l’encontre des droits des femmes. J’imagine que vous avez toutes et tous reçu les mises en garde des associations. J’espère que nous en tiendrons compte dans nos débats.
Pour toutes ces raisons, nous nous opposons à cette proposition de loi.
M. Stéphane Peu. Mon intervention se situera dans la continuité des précédentes. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine est défavorable à un principe général de résidence alternée. Nous considérons en effet que la législation actuelle, en permettant le choix entre résidence alternée ou résidence au domicile de l’un des deux parents, satisfait dans la plupart des cas l’intérêt supérieur de l’enfant. Soit il y a un accord entre les deux parents et le choix est consensuel ; soit il n’y a pas d’accord et le juge aux affaires familiales dispose d’une latitude pour apprécier l’une ou l’autre des possibilités. La décision se prend alors au cas par cas et tient compte de considérations variées comme l’éloignement géographique, la proximité de l’établissement scolaire, le niveau de tension entre les parents ou l’âge de l’enfant.
Ériger en principe la résidence alternée, c’est aussi revenir sur les modalités du versement des pensions alimentaires et des prestations sociales. Je souscris à la remarque de Danièle Obono : le véritable enjeu est de faire en sorte que les pensions soient versées. Les grands quartiers populaires de ma circonscription comptent parfois plus de 50 % de familles monoparentales. La question du non-paiement des pensions alimentaires est un problème majeur, souligné par l’ensemble des associations et des travailleurs sociaux.
Enfin, j’irai dans le sens de M. Breton : le fait qu’une disposition existe à l’étranger n’est pas un argument suffisant, en tout cas pour un grand pays comme le nôtre. Mais ce qui est valable pour les questions éthiques et familiales l’est aussi, mon cher collègue, pour les questions économiques ou sociales !
M. Xavier Breton. Ah mais tout à fait !
Mme Marie-France Lorho. Nous devons nous souvenir que nous sommes en terrain miné, notamment en raison de la diabolisation permanente qui a tenu lieu de débat sur la famille lors de la dernière législature. Il faut absolument sortir de la dialectique médiatique entre un camp du bien et du progrès et un camp du mal, dont feraient partie tous ceux qui veulent préserver la famille traditionnelle.
Nous appartenons tous à des générations du divorce de masse. C’est un fait social incontournable, qui doit obliger l’État à considérer d’un œil nouveau la politique du mariage et de la famille. Ce fait social a des conséquences importantes, notamment la disparition de la figure du père, qui inflige à toute notre société des blessures psychologiques, familiales et sociales.
Les pères ont des devoirs, et une vocation, dans l’éducation des enfants ; une société qui organiserait l’impossibilité pour les pères d’exercer ces devoirs serait bien malade. Toutefois quelques expressions m’ennuient dans l’exposé des motifs de la proposition de loi, à commencer par la notion d’égalité. Il faut plutôt à mon sens aborder le sujet en parlant de complémentarité : cela nous aidera peut-être à mettre en place la garde partagée de façon effective. Les pères ou les mères ne demandent pas la garde alternée par pulsion d’égalité, mais plutôt par désir naturel d’exercer leur vocation et leur devoir. D’ailleurs ce n’est pas le nombre des cas qui nous intéresse réellement, c’est plutôt la question de la justice : nous ne cédons pas à un lobby des pères, mais nous voulons souligner la force de l’altérité sexuelle dans l’éducation des enfants ; il est juste d’insister sur la complémentarité au sein de la famille.
Quels que soient les échos que mon propos aura pour vous avec les débats précédents, je veux faire preuve devant vous de la plus grande sincérité sur ce texte. Les amendements du rapporteur améliorent le texte. Quelques questions cependant demeurent, notamment sur la multiplicité des situations.
Je continue donc à penser qu’il serait plus opportun de centrer la proposition sur l’article 373-2-11 du code civil qui définit précisément les raisons de la décision sur l’autorité parentale. Nous pourrions y intégrer la question de la résidence. Les amendements de notre collègue Xavier Breton sont intéressants à ce titre. Faire de la garde alternée la règle absolue pose bien des questions sur la stabilité du jeune enfant : ce sont des questions que nous ne pouvons négliger.
M. Philippe Latombe. C’est une proposition qui n’est absolument pas une proposition d’opposition de parents entre eux, ou des uns contre les autres ! J’ai une histoire personnelle, mais je n’appartiens à aucun groupe de pression.
Que l’on reproche à ce texte de ne pas parler de violence, je peux le comprendre, et le sujet sera abordé par les amendements. En revanche, les réactions que cette proposition de loi a suscitées ont été d’une violence rare, notamment sur les réseaux sociaux, des deux côtés d’ailleurs. Je le regrette.
La proposition de loi est peut-être mal rédigée, je l’ai dit. Les allers et retours avec des juristes l’ont probablement d’ailleurs vidée d’une partie de sa substance. Elle ne vise pas à définir la garde alternée comme obligatoire, ou automatique, ou à imposer une répartition du temps égalitaire. De cela, il n’est pas question. Le texte dispose simplement que lorsque l’enfant atteint un certain âge, dans son intérêt et uniquement dans son intérêt, le juge, s’il est amené à trancher un conflit entre les parents, considère la résidence alternée comme la première option. Il regarde si c’est faisable, si cela permet à l’enfant de profiter de ses deux parents.
Cette proposition ne chamboule pas les règles de la jurisprudence ; elle ne modifie pas le rôle du juge aux affaires familiales. Les amendements du rapporteur et du groupe La République en Marche vont dans le sens