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N° 1912

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 avril 2019.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE LÉDUCATION SUR LA PROPOSITION de loi, adoptée par le Sénat, tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse,

 

 

 

 

Par MPatrick MIGNOLA,

 

 

Député.

 

——

 

 

 

 

Voir les numéros :

Sénat : 1re lecture : 705 (2017-2018), 243, 244 et T.A. 55 (2018-2019).

Assemblée nationale :  1re lecture : 1616.


 


   SOMMAIRE

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Pages

AVANT-PROPOS

Principaux apports de LA commission des affaires culturelles et de l’Éducation

commentaires des articles

Article 1er Exceptions au droit voisin des éditeurs et agences de presse

Article 1er bis (nouveau) Exclusion des actes dhyperlien, des mots isolés et des « très courts extraits » du champ de la protection

Article 2 Durée du droit voisin reconnu aux éditeurs et agences de presse

Article 3 Reconnaissance dun droit voisin aux éditeurs et agences de presse et création dun système de gestion collective de ce droit voisin

Article 3 bis Extension de la protection des mesures techniques efficaces  à celles destinées à empêcher ou à limiter les utilisations non autorisées  par les titulaires du droit voisin des éditeurs et agences de presse

Article 3 ter Coordination avec les règles relatives aux exceptions  aux mesures techniques de protection

Article 3 quater  Coordination avec les règles relatives à linformation du consommateur  sur les mesures techniques de protection

Article 3 quinquies  Extension de la protection des mesures techniques dinformation à celles relatives au régime du droit voisin des éditeurs et agences de presse

Article 3 sexies  Coordination avec les règles relatives aux missions de la HADOPI en matière de garantie de linteropérabilité

Article 3 septies Renvoi à un décret en Conseil dÉtat pour la détermination des modalités dinformation du consommateur sur les mesures techniques de protection

Article 3 octies  Sanction de la violation du droit voisin  reconnu aux éditeurs et agences de presse

Article 3 nonies  Sanction de latteinte aux mesures techniques de protection  du droit voisin des éditeurs et agences de presse

Article 3 decies  Sanction des atteintes aux mesures techniques dinformation sur le droit voisin des éditeurs et agences de presse

Article 4 Entrée en vigueur

Article 5 Coordination outre-mer

COMPTE RENDU DES DÉBATS EN COMMISSION

Réunion du mardi 30 avril à 16 heures 15 ()

I. Discussion générale

II. EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er Exceptions au droit voisin des éditeurs et agences de presse

Après l’article 1er

Article 2 Durée du droit voisin reconnu aux éditeurs et agences de presse

Article 3 Reconnaissance d’un droit voisin aux éditeurs et agences de presse et création d’un système de gestion collective de ce droit voisin

Article 3 bis Extension de la protection des mesures techniques efficaces à celles destinées à empêcher ou à limiter les utilisations non autorisées par les titulaires du droit voisin des éditeurs et agences de presse

Article 3 ter Coordination avec les règles relatives aux exceptions aux mesures techniques de protection

Article 3 quater Coordination  avec les règles relatives à l’information du consommateur sur les mesures techniques de protection

Article 3 quinquies Extension de la protection des mesures techniques d’information à celles relatives au régime du droit voisin des éditeurs et agences de presse

Article 3 sexies Coordination avec les règles relatives aux missions de la HADOPI en matière de garantie de l’interopérabilité

Article 3 septies Renvoi à un décret en Conseil d’État pour la détermination des modalités d’information du consommateur sur les mesures techniques de protection

Article 3 octies Sanction de la violation du droit voisin reconnu aux éditeurs et agences de presse

Article 3 nonies Sanction  de l’atteinte aux mesures techniques de protection du droit voisin des éditeurs et agences de presse

Article 3 decies Sanction des atteintes aux mesures techniques d’information sur le droit voisin des éditeurs et agences de presse

Après l’article 3 decies

Article 4 Entrée en vigueur

Article 5 Coordination outre-mer

Annexe 1 : Liste des personnes auditionnÉes par le rapporteur

Annexe 2 : Liste des textes susceptibles dêtre abrogés ou modifiés à loccasion de lexamen de la proposition de loi

Annexe 3 : Extraits de la directive sur le droit dauteur dans le marchÉ unique numÉrique  adoptÉe par le Parlement européen le 26 mars 2019


— 1 —

 

  AVANT-PROPOS

 

Il y a tout juste un an, l’Assemblée nationale examinait, à l’initiative du rapporteur et des membres du groupe Mouvement Démocrate et apparentés, une proposition de loi visant à créer un droit voisin au profit des éditeurs de services de presse en ligne ([1]) et à conforter par là même les positions défendues par la France dans le cadre des négociations de la directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique dont l’avenir était alors très incertain.

On ne peut que se réjouir de ce que cette démarche volontariste ainsi que l’extraordinaire mobilisation de gouvernements de pays de l’Union européenne et des professionnels de la presse aient porté leurs fruits et conduit à l’adoption par le Parlement européen, le 26 mars dernier, d’un texte qui était en discussion depuis septembre 2016 ([2]).

En l’espace d’une année, le Gouvernement et sa majorité sont parvenus à faire entrer progressivement les « GAFAM » ([3]) et autres « infomédiaires » ([4]) dans le cadre démocratique qu’ils contournaient jusqu’ici allègrement.

Alors que les infomédiaires s’exonéraient de toute responsabilité éditoriale, par exemple à l’occasion de la diffusion de fausses informations (« fake news »), ce n’est désormais plus le cas grâce à la loi n° 2018-1202 du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information.

Alors que les infomédiaires ont longtemps refusé de consentir à l’impôt, ce ne sera bientôt plus le cas grâce au projet de loi pour la création d’une taxe sur les services numériques ([5]) qui est en cours de discussion devant le Parlement ([6]).

Il ne restait plus, pour compléter cet édifice normatif et achever de contraindre les infomédiaires au respect de l’état de droit, qu’à mettre fin à l’atteinte indirecte à la liberté de la presse que constitue l’assèchement des revenus que les éditeurs et agences de presse devraient pouvoir tirer de leur travail d’éditorialisation et de leurs investissements, notamment numériques.

On sait en effet qu’aujourd’hui, les infomédiaires profitent de la valeur créée par la diffusion de contenus qu’ils ne produisent pas et dont ils ne supportent pas les charges, au point de capter plus de 90 % de la croissance du marché publicitaire en ligne, dont plus des deux tiers pour les seuls Google et Facebook ([7]). C’est à tel point qu’au Portugal, l’existence même des médias nationaux est menacée à horizon d’une dizaine d’années, compte tenu de la vitesse d’absorption de leur marché publicitaire par des GAFAM qui, à l’instar des réseaux sociaux Facebook et Twitter, prétendent devenir les premiers médias mondiaux, sans pour autant employer aucun journaliste.

Sans s’attarder sur les graves menaces que l’interposition des infomédiaires entre les éditeurs et agences de presse, d’une part, et leur public, d’autre part, fait peser sur la viabilité économique du secteur de la presse, et qu’il a déjà largement décrites, chiffres à l’appui, dans son précédent rapport ([8]), le rapporteur tient à souligner, avec M. Sammy Ketz et quelque 275 professionnels des médias issus de vingt-six pays de l’Union européenne, que « ladoption de cette directive “ droit dauteur ” [était] une question de vie ou de mort pour les médias, et de survie pour beaucoup dartistes et dauteurs » ([9]).

Or, à travers la survie économique des éditeurs et agences de presse, c’était celle du pluralisme des médias, et donc de la liberté de la presse, qui était en jeu.

Il est donc salutaire pour nos démocraties que le Parlement européen ait adhéré au renouvellement de la conception du partage de la valeur créée par la diffusion de l’information sur internet porté par la directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique. En effet, celle-ci consacre, à l’échelle de l’Union européenne, un droit voisin au bénéfice des éditeurs et agences de presse, c’est-à-dire un droit d’autoriser (contre rémunération ou non) ou d’interdire toute reproduction ou communication au public de leurs publications de presse sous une forme numérique par un service de communication au public en ligne.

Afin d’assurer à ces dispositions de la directive une transposition aussi rapide que possible, le groupe Mouvement démocrate et apparentés a choisi d’inscrire à l’ordre du jour de la journée de séance qui lui est réservée en application de l’article 48, alinéa 5, de la Constitution, l’examen de la proposition de loi tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse ([10]) qui a déjà été adoptée par le Sénat en première lecture en janvier dernier et dont la rédaction a été ajustée au gré de l’évolution des négociations de la directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique, afin de garantir une transposition aussi fidèle que possible.

Le rapporteur estime que ce même souci de transposition scrupuleuse doit guider l’examen, par l’Assemblée nationale, de la présente proposition de loi.

S’il est vrai que l’article 25 de la directive autorise les États membres de l’Union européenne à « adopter ou maintenir en vigueur des dispositions plus larges » que celles qu’elle comporte, il n’en demeure pas moins que, plus le texte national de transposition s’éloignera du texte européen, plus il encourra un risque de fragilité juridique que les débiteurs du droit voisin des éditeurs et agences de presse auront tout intérêt à exploiter.

De la même manière, plus le texte national de transposition se perdra dans des détails techniques, plus ces mêmes débiteurs du droit voisin pourront en tirer parti pour développer des arguties et mettre en difficulté – voire en échec – l’application sur notre territoire de la directive européenne.

C’est la raison pour laquelle le rapporteur estime par exemple que, si le principe de l’exclusion des actes liés aux hyperliens, des mots isolés et des très courts extraits (« snippets ») d’une publication de presse du champ de la protection doit être inscrit dans le code de la propriété intellectuelle, il serait en revanche prudent et judicieux de ne pas figer dans le marbre de la loi une définition de ces hyperliens et « très courts extraits ».

Outre que la notion de « lien hypertexte » figure déjà à l’article D. 111‑8 du code de la consommation ainsi qu’aux articles R. 4362‑14 et R. 5125‑70 du code de la santé publique, c’est à la pratique et, en cas de contentieux, à la jurisprudence, qu’il reviendra de déterminer ce que sont les actes liés aux hyperliens, c’est-à-dire aux technologies qui, selon la définition qu’en donne Mme Laurence Franceschini, « intègre[nt] seulement lURL de la page darrivée » ([11]).

Il serait par ailleurs souhaitable que seuls soient exclus du champ de la protection les actes liés aux hyperliens qui ne sont pas effectués dans un but lucratif et qui ne permettent pas d’afficher ou de mettre à disposition directement tout ou partie de la publication de presse sur un autre service de communication au public en ligne que celui de l’éditeur de presse ou de l’agence de presse.

Pour ce qui est des « très courts extraits » (ou « snippets »), le rapporteur estime que c’est là aussi à la jurisprudence qu’il reviendra d’apprécier ce que cette notion recouvre, de la même manière qu’elle apprécie depuis des décennies ce qu’est une « courte citation » pour les besoins de l’application de l’exception au droit d’auteur prévue par le a) du 3° de l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle.

Cependant, du point de vue du rapporteur, le juge éventuellement appelé à statuer devrait appréhender la notion de « très court extrait » de manière plus qualitative que quantitative.

Un « très court extrait » – qui va au-delà de la référence à l’URL – ne peut prétendre bénéficier de la protection au titre du droit voisin des éditeurs et agences de presse, non pas tant parce qu’il compterait un certain nombre de mots inférieur à tel ou tel seuil au-delà duquel la protection serait accordée, que parce qu’il constitue un contenu qui n’a pas fait l’objet d’un traitement journalistique et qui n’est pas susceptible de se substituer à la lecture de la publication de presse ou d’en dispenser le lecteur ([12]). C’est en somme une information courte, factuelle et générale, ce qui exclut les informations ayant nécessité un travail journalistique ou rendant superflue la lecture de la publication de presse à laquelle elles renvoient.

À titre d’illustration, une formule du style : « attentats au Sri Lanka, des dizaines de morts » pourrait constituer un « très court extrait » non protégé au titre du droit voisin, tandis que serait protégée à ce titre une formule du style : « au Sri Lanka, la messe de Pâques a été marquée par huit explosions survenues dans des églises et des hôtels, faisant 359 morts selon les autorités ».

De la même manière, tout comme les représentants de l’Alliance de la presse d’information générale (APIG) qu’il a reçus en audition, le rapporteur juge préférable de ne pas graver dans le marbre de la loi les modalités techniques de détermination de la rémunération du droit voisin des éditeurs et agences de presse.

C’est à la négociation entre, d’une part, les créanciers de ce droit voisin (à savoir les éditeurs et agences de presse), et, d’autre part, les débiteurs de ce même droit (à savoir les services de communication au public en ligne), que doit revenir le soin de fixer les caractéristiques de cette rémunération, qu’il s’agisse de son assiette ou de la clé de répartition des sommes collectées entre éditeurs et agences de presse.

Tout au plus le rapporteur peut-il exprimer le souhait que l’assiette de cette rémunération ne soit pas limitée aux recettes publicitaires réalisées par les infomédiaires pour l’exploitation des contenus, mais qu’elle s’étende aussi aux recettes générées par toutes les données (« data ») qui sont liées aux « clics » des internautes et qui sont monétisées par lesdits infomédiaires (produit de la vente de données personnelles, etc.).

Afin de garantir aux éditeurs et agences de presse une transparence optimale quant aux paramètres utilisés par les services de communication au public en ligne pour déterminer le montant de ces recettes – et donc l’assiette du droit voisin –, le rapporteur juge nécessaire qu’ainsi que l’ont suggéré les représentants de l’APIG et de l’Agence France-Presse (AFP), ces services fournissent, d’une manière compréhensible, aux organisations représentatives des éditeurs et agences de presse :

– les éléments d’information relatifs aux utilisations de publications de presse auxquelles ils procèdent, pour tous les modes d’exploitation et sur tous les revenus tirés de celle‑ci ;

– tous les éléments documentaires nécessaires à une évaluation efficace de la valeur économique des droits en question et à la répartition de ces droits.

Mais là encore, pour ce qui est de la clé de répartition de la rémunération du droit voisin entre éditeurs et agences de presse, c’est à la négociation – et au non au législateur – qu’il revient de la déterminer.

Le rapporteur ne peut, tout au plus, que formuler le vœu qu’il soit tenu compte, dans le mécanisme de répartition, de ce que certains médias concourent plus que d’autres au pluralisme et au débat public.

Le législateur doit faire le pari d’une négociation fructueuse entre les éditeurs et agences de presse, d’une part, et les services de communication au public en ligne, d’autre part.

À cet égard, les GAFAM ont montré qu’ils pouvaient utilement collaborer avec les éditeurs de presse. Lors de leur audition, les représentants de Facebook ont ainsi expliqué qu’au-delà de l’offre d’hébergement de publications de presse gratuites ou payantes sur le réseau social (« Instant articles ») ([13]), leur entreprise avait expérimenté avec certains titres, dont Le Monde, un système de « paywall » favorisant la conclusion d’abonnements en ligne auprès des éditeurs de presse via Facebook et garantissant auxdits éditeurs le reversement de l’intégralité des revenus qui en découlent. Le journal Le Monde aurait ainsi vu son nombre d’abonnés croître de près de 20 % en l’espace de neuf mois.

Toutefois, la négociation ne pourra être féconde pour les éditeurs et agences de presse que si leur rapport de force avec les services de communication au public en ligne est équilibré. Or cela ne sera le cas que si les éditeurs et agences de presse entreprennent de négocier collectivement avec les débiteurs de leur droit voisin plutôt qu’individuellement. Aux yeux du rapporteur, toute négociation individuelle ne peut être que vouée à l’échec – les fâcheux précédents espagnol et allemand l’ont d’ailleurs assez montré.

Il serait donc éminemment souhaitable que les éditeurs et agences de presse soient, autant que possible, représentés, dans le cadre de la négociation, par un organisme de gestion collective auquel la présente proposition de loi leur ouvre la possibilité de confier la perception et la répartition du produit de leur droit voisin. À défaut de mandat de négociation consenti à un tel organisme, éditeurs et agences de presse pourraient à tout le moins s’allier pour négocier la rémunération de leur droit voisin, quitte à ne confier à un organisme de gestion collective que la perception et la répartition de cette rémunération.

À cet égard, le rapporteur tient à souligner que la présente proposition de loi ne fait du recours à un organisme de gestion collective qu’une simple faculté. Il considère que le caractère facultatif de la gestion collective est particulièrement bienvenu et vertueux car, si celle-ci était obligatoire, cela pourrait amener des éditeurs de fausses informations à profiter du dispositif. Or le rapporteur est particulièrement attaché à ce que des officines productrices de « fake news » ne soient pas indûment avantagées par le nouveau droit voisin consacré par la directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique et par la présente proposition de loi.

Certes, toutes ces officines qui ne sont pas établies dans un État membre de l’Union européenne sont exclues du champ de la protection, en application de l’article 15, paragraphe 1, de la directive, mais il n’en demeure pas moins que toutes celles qui le sont pourraient trouver dans ce nouveau droit voisin et dans la gestion collective – si elle était obligatoire – une aubaine pour financer et déployer leurs activités.

Dès lors que la gestion collective est facultative, et donc volontaire, les organismes chargés de cette gestion peuvent, en application de l’article L. 322-4 du code de la propriété intellectuelle, subordonner l’acceptation de la gestion des droits à des conditions reposant « sur des critères publics, objectifs, transparents et non discriminatoires » – étant précisé que « le refus dun organisme daccéder à une demande de gestion de droits patrimoniaux doit être écrit et énoncer les motifs de droit et de fait de la décision ».

On peut donc parfaitement imaginer que le respect de la loi n° 2018-1202 du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information et l’absence de condamnation pénale prononcée sur son fondement constituent des critères objectifs, transparents et non discriminatoires autorisant un organisme de gestion collective des droits voisins des éditeurs et agences de presse à refuser la gestion des droits de producteurs de « fake news »… qui n’auraient alors guère d’autre choix que d’engager une négociation individuelle avec les infomédiaires.

La gestion (et la négociation) collective favoriserait dans ces conditions les éditeurs et agences de presse sérieux.

On ne peut dès lors qu’aspirer à ce que la collaboration entre ces éditeurs et agences et les infomédiaires soit couronnée de succès, car une année de désaccord serait une année de revenus définitivement perdus.

De la même façon, on ne peut que souhaiter la réussite des négociations des accords d’entreprise et autres accords collectifs destinés à déterminer la part équitable de la rémunération au titre du droit voisin des éditeurs et agences de presse que ces derniers devront rétrocéder aux journalistes professionnels et assimilés.

Il serait opportun, à cet égard, que ces journalistes (ou leurs représentants) bénéficient d’une information transparente sur les modalités de détermination ainsi que sur le montant de la rémunération perçue et rétrocédée par les éditeurs et agences de presse en étant associés, d’une façon ou d’une autre, à l’organisme de gestion collective susceptible de percevoir et de répartir cette rémunération, et/ou en étant rendus destinataires de documents actualisés, pertinents et complets sur cette rémunération, à l’occasion d’un « rendez-vous » au moins annuel.

Une telle transparence serait de nature à favoriser la conclusion d’accords sur le partage de la rémunération du droit voisin des éditeurs et agences de presse et à éviter d’avoir à recourir à l’arbitrage d’une commission telle que la commission des droits d’auteur des journalistes ([14]).

On l’aura compris : la bonne mise en œuvre des dispositions de la directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique n’est pas que l’affaire du législateur. La prospérité du droit voisin que cette directive et la présente proposition de loi de transposition reconnaissent aux éditeurs et agences de presse dépend en large part de la capacité des acteurs concernés (services de communication au public en ligne, éditeurs et agences de presse, journalistes) à négocier de manière équilibrée et équitable ainsi qu’à s’organiser et à faire preuve de responsabilité dans la perspective de ces négociations.

Le rapporteur forme donc le vœu que la représentation nationale adopte la présente proposition de loi et qu’au-delà de son adoption, celle-ci trouve une application rapide, efficace et équitable à la faveur de son appropriation optimale par les débiteurs et les créanciers du droit voisin qu’elle consacre.

 

 


— 1 —

 

    

   Principaux apports de LA commission
des affaires culturelles et de l’Éducation

Lors de son examen de la présente proposition de loi, le mardi 30 avril 2019, la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation y a introduit, à l’initiative du rapporteur, de Mmes Frédérique Dumas, Constance Le Grip, Sylvia Pinel, Jeanine Dubié ainsi que de plusieurs députés du groupe Mouvement démocrate et apparentés, un article 1er bis visant à exclure les actes d’hyperlien ainsi que les mots isolés et les très courts extraits d’une publication de presse du champ de la protection du droit voisin des éditeurs et agences de presse.

Elle a également ramené de cinq à deux ans la durée de protection du droit voisin des éditeurs et agences de presse fixée à l’article 2, à l’initiative de Mmes Constance Le Grip, Aurore Bergé, et Fannette Charvier ainsi que des membres du groupe La République en marche.

À l’article 3, outre plusieurs amendements rédactionnels du rapporteur, la commission a adopté plusieurs amendements visant à :

– préciser la notion d’éditeur de presse (sur proposition du rapporteur, de Mmes Frédérique Dumas, Constance Le Grip, Sylvia Pinel, Jeanine Dubié ainsi que de plusieurs députés du groupe Mouvement démocrate et apparentés) ;

– clarifier l’assiette de la rémunération du droit voisin des éditeurs et agences de presse en indiquant qu’elle s’entendait des recettes de l’exploitation des publications de presse « de toute nature, directes et indirectes », afin d’y inclure non seulement les revenus publicitaires mais aussi ceux résultant, par exemple, de la vente de données de connexion (amendement de Mme Fannette Charvier et des membres du groupe La République en marche, cosigné par le rapporteur) ;

– imposer une obligation de transparence : d’une part, aux services de communication au public en ligne à l’endroit des éditeurs et agences de presse concernant les modalités de calcul de la rémunération de leur droit voisin, et, d’autre part, aux éditeurs et agences de presse à l’endroit des journalistes professionnels et autres auteurs d’œuvres intégrées aux publications de presse, concernant les modalités de calcul de la part de rémunération qui leur sera rétrocédée (amendements du rapporteur) ;

– préciser que cette part de la rémunération perçue par les éditeurs et agences de presse au titre de leur droit voisin qui sera rétrocédée aux journalistes et autres auteurs d’œuvres intégrées aux publications de presse devra être « appropriée et équitable » (amendement du rapporteur, cosigné par Mme Fannette Charvier et par les membres du groupe La République en marche).

 

À l’initiative du rapporteur, la commission a enfin adopté un amendement de réécriture globale de l’article 4 afin de tenir compte de la récente adoption de la directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique pour déterminer les conditions d’application de la présente proposition de loi.

La commission a adopté à l’unanimité la proposition de loi ainsi modifiée.

 


— 1 —

 

   commentaires des articles

Article 1er
Exceptions au droit voisin des éditeurs et agences de presse

Adopté par la commission sans modification

Le présent article vise à garantir que certaines des exceptions aux droits voisins déjà régis par le code de la propriété intellectuelle soient étendues aux droits voisins que l’article 3 de la proposition de loi reconnaît aux éditeurs et agences de presse.